WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La Cour Africaine des droits de l'Homme et des Peuples: le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique.

( Télécharger le fichier original )
par Providence NGOY Walupakah
Université Catholique de Bukavu - Licence en Droit/ Option: droit public 2007
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Université Catholique de Bukavu

La Cour Africaine des droits de l'Homme et des Peuples : Le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique.

Par Maître Providence NGOY Walupakah

18 Octobre 2008

Bukavu_RD Congo

Email : ngoyproviwal@yahoo.fr

INTRODUCTION GENERALE

I. PROBLEMATIQUE

Si les sujets de droit avaient une conscience précise de leur droit et de ses limites et s'ils avaient la prudence de ne point les dépasser, la justice étant volontairement respectée, il n'y aurait point de place pour des juges dans la société (1(*)). Les droits de toute personne ne seraient pas violés et les règles régissant la société internationale en matière des prérogatives de l'individu seraient observées.

Or, il n'y a pas eu dans l'histoire de l'humanité une époque où les droits de l'homme ont été débattus et remis en cause avec autant d'insistance, de passion et de violence même, que la nôtre (2(*)). L'on notera au passage, le grand acharnement de la communauté internationale en faveur de la protection des droits de l'Homme. Ainsi, elle ne cessera de rappeler à l'endroit des Etats du monde que le respect des droits de l'homme a une valeur universelle. D'ailleurs, l'Institut de Droit International, par une résolution adoptée le 3 Septembre 1989, a déclaré que « .... L'obligation de respecter les droits de l'Homme incombe à tout Etat vis - à - vis de la communauté internationale dans son ensemble et tout Etat a un intérêt juridique à la protection des droits de l'homme... ». En consacrant l'obligation de respecter les droits de l'Homme comme «  obligation erga omnes », cette résolution précise, entre autre, que chaque Etat peut invoquer les violations des droits de l'homme commises par un autre Etat et appliquer à son encontre des mesures non militaires proportionnées à la gravité des violations (article 5 de la résolution).(3(*))

En effet pour rendre la protection des droits de la personne humaine réelle et effective, plusieurs systèmes ont été mis sur pied. D'abord, des mécanismes non juridictionnels ont vu le jour tels la Commission européenne des droits de l'homme, le Comité des Droits de l'homme des Nations Unies. Il convient toutefois de rappeler que « les techniques non juridictionnelles utilisées dans le cadre des instruments universels des droits de l'homme sont de caractère non contraignant et, n'aboutissant jamais à des décisions obligatoires en droit, restent respectueuses des souverainetés étatiques. (4(*))

Une majorité des mécanismes de contrôle des droits de l'homme ont été mis en oeuvre dans le cadre des Nations Unies à l'instar de la Commission européenne et celle interaméricaine. Dans cet élan de contrôle, l'Afrique n'a pas été en reste. Elle s'est dotée également en juin 1981, grâce aux vertus conjuguées des articles 30 et 45 de la Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples, d'un organe de contrôle non juridictionnel des droits de l'homme dénommé Commission Africaine des droits de l'homme et des Peuples chargée de promouvoir des droits de l'homme et des Peuples et d'assurer leur protection en Afrique.

Par ailleurs, le contrôle non juridictionnel s'est révélé peu protecteur des droits de l'homme en raison de ses décisions de caractère non contraignant. D'ailleurs, en ce qui concerne la Commission Africaine, une partie de la doctrine a estimé qu'elle ne pouvait en tant qu'organe non juridictionnel, à elle seule, réaliser l'effectivité des droits de l'Homme sur le continent africain (5(*)). Il fallait alors renforcer la poursuite de la recherche de l'effectivité desdits droits par la mise en place d'un contrôle plus rassurant et assez rigoureux à savoir celui juridictionnel.

Notons en passant qu'en tant que tel, le contrôle juridictionnel des droits de l'homme reste peu répandu en tant que système universel de protection et de garantie des droits de la personne humaine. Pourtant, bien que répandu, le contrôle juridictionnel donne lieu à des décisions rendues en droit et dotées d'une force juridique obligatoire. Il offre une garantie effective des droits de l'homme et donne tout son sens au droit d'action individuelle qui fonde le droit international des droits de l'homme. La singularité de ce contrôle réside dans le fait que cette protection des droits de l'homme suppose qu'un organe de jugement (en l'occurrence une Cour) statue sur un cas d'espèce de transgression des règles des droits de l'homme par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée. (6(*))

Aujourd'hui, à l'instar des modèles européen (la Cour Européenne des Droits de l'Homme) et américain (la Cour Interaméricaine des Droits de l'homme) de contrôle juridictionnel pour l'application de leurs dispositions conventionnelles respectives, l'Afrique a bien voulu aussi dire son mot : la Cour Africaine des Droits de l'homme et des peuples a été créée. Au vrai, la date du 08 juin 1998 a été très significative pour l'adoption, par la conférence des Chefs d'Etats et des gouvernements de l'Organisation de l'Unité Africaine, du « Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples portant création d'une Cour Africaine des Droits de l'homme et des peuples » (7(*)).

En effet, l'entrée en vigueur du Protocole à la Charte portant création de la Cour, la volonté affichée par les Etats Africains, mieux certains d'entre eux, à être Parties au Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale, la création d'un Tribunal Pénal International pour le Rwanda siégeant en Tanzanie à Arusha et compétent pour juger les coupables des crimes de génocide au Rwanda, attestent sans conteste de l'intérêt du contexte pour la protection des droits et libertés individuelles et collectives sur le continent africain.

Si l'on admet que le volontarisme des Etats et le respect des souverainetés étatiques ont été un frein pour la protection des droits et libertés individuelles en ce qui était du contrôle non juridictionnel assuré par la Commission Africaine, l'on reconnaît par ailleurs une insuffisance remarquable du nombre de ratifications et une quasi-inexistence de déclarations d'acceptation de compétence de la Cour Africaine en ce qui concerne le jus standi(8(*)) pour les recours individuels.

Pour s'en convaincre, sur la cinquantaine d'Etats africains, seuls vingt - deux sont parties au Protocole et sur les vingt - deux, seuls quatre Etats, à savoir le Burkina-Faso, la Gambie, le Mali et le Sénégal ont fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant des individus ou des ONGs, la Cour ne pouvant pas recevoir des requêtes individuelles intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration.

Il convient de relever que la nécessité de la création d'une Cour Africaine, ressentie par les Chefs d'Etats et des gouvernements de l'OUA, se justifiait par un seul souci : compléter et renforcer la mission de protection des droits de l'homme sur le continent dévolue à la Commission. (Article 3 du Protocole à la Charte portant création de la Cour)

Et contrairement à la mission des Cours européenne et interaméricaine qui n'assurent que la protection des droits contenus dans leurs dispositions conventionnelles respectives, la Cour Africaine a une compétence plus large. En effet, au pied de l'article 3 du Protocole relatif à la Charte portant création de la Cour, la Cour a compétence : « 1. pour connaître de toutes les affaires et de tous les différents dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés.

2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ».

L'avantage des techniques juridictionnelles de protection des droits de l'homme est qu'elles donnent lieu à des décisions rendues en droit et dotées d'une force juridiquement obligatoire (9(*)).

Or, l'article 30 du Protocole sous examen dispose : « Les Etats parties au présent Protocole s'engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l'exécution dans le délai fixé par la Cour »

Cependant, en l'absence d'une « police régionale », l'article 29(2) du même Protocole confie au Conseil des ministres de l'Union Africaine, organe politique qui est, au terme de l'article 13 (2)de l'Acte Constitutif de l'U.A., responsable devant la conférence , chargé du suivi de l'exécution des arrêts de la Cour.

Alors, à l'aune de toutes ces considérations et notant le scepticisme qui persiste encore sur la réelle exécution des arrêts de la Cour ou encore qui entoure l'accès direct des individus à la Cour, la question de la véritable mission de la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples et celle de son effectivité réelle posent plusieurs interrogations.

Tout d'abord, il convient de dire que l'initiative de création de cette Cour est louable.

Mais l'enjeu de protection des droits de l'homme en Afrique par la Cour étant de taille, la crainte demeure de savoir si les géniteurs de cet organe seront souples à se soumettre à la volonté décisionnelle de celui qui, hier, a été l'oeuvre de leur génie propre et admirable intellect.

Tous ces développements qui précèdent soulèvent les questions suivantes :

- la Cour Africaine ayant été créée, comment fonctionnera- t- elle tant sur la plan de la saisine que du déroulement ment du procès ? 

- Au regard des particularités de l'Afrique et de la mission même de la Cour, quelle est sa structure par rapport à celle de ses homologues européenne et américaine ?

Enfin, y aurait-il des obstacles prévisibles à l'efficacité du contrôle juridictionnel (de type régional) des droits de l'homme en Afrique ?

En réalité, c'est à ces questions que le présent travail se propose de répondre, et eu égard à ces interrogations, quelques hypothèses sont envisageables.

II. HYPOTHESES

- L'article 2 du Protocole relatif à la Charte dispose que la Cour complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (ci - après dénommée : la Charte) a conférées à la Commission, en tenant dûment compte des dispositions du présent Protocole. Ce qui veut dire que la mission de la Cour et la raison première de son existence sont la protection effective des droits de l'homme en Afrique.

- Quant à sa structure, la Cour Africaine en présente une qui lui est spécifique, particulière.

- A l'efficacité du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique, plusieurs obstacles sont envisageables ; ils sont soit d'ordre juridique, l'accès direct des individus et ONG à la Cour ou de la difficile acceptation des Etats de se conformer aux décisions de la Cour, soit d'ordre factuel comme la pauvreté des Etats Africains au regard de l'indépendance budgétaire dont la Cour devrait jouir.

Les hypothèses étant des réponses provisoires aux questions de recherche, elles seront soit confirmées, nuancées ou rejetées à la conclusion du travail. Mais avant cela, elles doivent faire l'objet d'une vérification.

Le problème de contrôle juridictionnel des Droits de l'homme en Afrique est un sujet qui revêt un intérêt indéniable.

III. INTERET DU SUJET

Le choix de cette thématique, objet de notre recherche se justifie par la nécessaire envie de savoir si la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des peuples sera le messie protecteur, des droits de ceux (Homme - individu et Peuples) pour qui elle a été créée, face à la conception du droit et de l'Etat en Afrique, où il s'observe que le premier, à savoir le droit est au service du second, l'Etat.

Le travail sur le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique dont nous entreprenons l'étude revêt un intérêt à situer à divers ordres de considération : notamment sur le plan social, au niveau des gouvernés et gouvernants ainsi qu'à celui des ONGDH, sur le plan scientifique et celui pédagogique.

Sur plan social, il permet de faire connaître la Cour, son fonctionnement, sa structure et ses mérites aux africains. Ce travail se propose d'être donc une oeuvre de promotion et de vulgarisation du mécanisme africain de protection juridictionnelle des droits de l'homme auprès des africains.

Cet intérêt social s'apparente sans nul doute à celui qu'éprouvent les gouvernés, personnes physiques et souvent victimes des violations de leurs droits de la part des gouvernements.

A l'endroit des gouvernants des Etats africains, cette étude voudrait montrer que sans la coopération réelle des Etats et une volonté politique avérée des gouvernants, on aurait beau prévoir des beaux textes sur la Cour, rien ne marcherait. Ils détiennent la clé de propension effective de la Cour et sont, au bout du compte, les garants de la réelle exécution des arrêts de la Cour.

Aux ONGDH, la présente étude fait découvrir combien leur rôle est crucial pour contribuer à l'efficacité, l'intégrité et la crédibilité du système africain de protection des droits de l'homme. Elles doivent mener des campagnes d'information auprès de la population pour leur faire connaître leurs droits et leurs moyens d'action auprès de la Cour africaine. Elles doivent faire connaître les décisions de la Cour, notamment pour qu'elles lient les juridictions nationales. Elles doivent inciter les Etats à ratifier le Protocole créant la Cour africaine et à reconnaître la compétence de celle-ci pour recevoir des communications individuelles. Les ONG, tout en encadrant les victimes, peuvent saisir la Cour en leur nom ou pour le compte des victimes.

Scientifiquement, la présente étude permet de voir comment les droits de l'homme sont protégés sur le continent africain au regard de la multiplicité d'instruments relatifs aux droits de l'homme.

Pédagogiquement, elle nous conditionnera à revisiter et à approfondir les notions déjà acquises dans différentes disciplines du Droit notamment le Droit International Public, les Libertés Publiques et Droits fondamentaux, l'Organisation et la Compétence Judiciaires.

Enfin, sans être prétentieux, il reste vrai que cette étude permettra également de mettre à la disposition d'autres chercheurs, désirant se pencher sur cette thématique dans la vue de l'approfondir, un instrument de travail et de référence facilement exploitable.

Et pour mener à bien notre étude, certaines méthodes et technique nous ont été utiles.

IV. METHODOLOGIE

Nous avons utilisé les méthodes juridique, soutenue par une approche comparative, sociologique lesquelles ont été complétées par la technique documentaire.

La méthode juridique nous a permis d'essayer d'analyser les instruments juridiques régionaux sur les droits de l'homme et d'en tirer sens et portée.

L'approche comparative nous mené à porter notre regard sur d'autres types de contrôle juridictionnel des Droits de l'homme de type régional en vue d'essayer d'appréhender les atouts et, éventuellement, les limites du système africain de contrôle juridictionnel de protection des Droits de l'Homme.

La méthode sociologique, comme le Professeur KITETE l'affirme, a répondu à la question suivante : pourquoi il en est ainsi. Ce qui revient à étudier les facteurs qui ont conditionné la création (10(*)) de la Cour.

La technique documentaire nous facilitera la collecte des données relatives à cette étude à travers les ouvrages, revues, sites Internet et autres documents.

Ce sujet, bien qu'ayant déjà circonscrit son champ de recherche, requiert quand même qu'il en soit rappelé les contours.

V. DELIMITATION

Malgré la sérieuse difficulté de délimiter temporellement le champ de notre étude, il est de bon aloi d'en énoncer les limites spatiales.

Au plan spatial, la réflexion au cours de cette étude porte sur la protection des droits des individus ainsi que ceux des Peuples, bref des droits dont ils bénéficient en tant que tels, en Afrique.

Mais si la délimitation est ainsi conçue, la subdivision du travail s'impose.

VI. PLAN SOMMAIRE

Outre l'introduction et la conclusion générales, le travail est subdivisé en quatre chapitres. D'abord, le premier porte sur le contexte de création de la Cour. Ensuite, le deuxième s'étend sur la présentation et le fonctionnement de la Cour. En sus, le troisième s'est appesanti sur la comparaison entre la Cour et les autres Cours régionales. Enfin, le quatrième a essayé de retracer les obstacles auxquels la Cour se butterait dans sa mission de contrôle des Droits de la personne en Afrique, s'ils existent.

CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE CREATION DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET

DES PEUPLES

La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et son mécanisme de protection des droits de la personne, objet de notre étude ne sauraient être véritablement étudiés sans qu'un regard ne soit porté sur les facteurs et les raisons qui ont conditionné sa création.

Les droits de l'homme sont apparus, du moins leur consécration, dans un contexte historique et système institutionnel simplement affirmateur des droits (Section 1ère) qui peu à peu, a appelé certains changements institutionnels (Section 2ème)

Section 1ère : Du contexte historique et institutionnel de création de la Cour Africaine au sein du système Africain de protection de droits de l'homme.

Au sein de tout le système africain, à partir des années 1960, l'Afrique connaît des changements et des évènements historiques qui marqueront à tout jamais l'histoire des droits de l'homme en Afrique.

Tout d'abord, la création de l'O.U.A., ensuite l'adoption de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et en son sein enfin, la mise en place de la Commission africaine sont, il sied de le dire, des signaux forts de la tournure que prennent les droits de l'homme en Afrique.

§.1. L'Afrique et l'O.U.A.

C'est avec les indépendances que l'image de la vraie Afrique s'est dessinée. Ces indépendances ont été qualifiées par plus d'un, de précurseur de l'édifice africain de protection des droits de l'homme. Avec elles, les langues se sont déliées et le souci d'une démocratie et l'autonomie des peuples anciennement colonisés s'est fait sentir avec ferveur.

A. Le vent des indépendances : précurseur de l'édifice africain de protection des droits de l'homme.

La question relative à la protection des droits de l'homme en Afrique est une vieille nouveauté. Déjà, à leur temps, les Zélateurs de l'unité africaine, chantres et autres ténors du Panafricanisme définissaient leur idéologie en termes d'une manifestation, de solidarité fraternelle entre peuples africains et peuples d'ascendance africaine. Il était question, à l'époque, d'un amalgame des revendications visant la non discrimination raciale à l'égard des noirs, l'éradication des inégalités sociales, l'identité culturelle, l'unité politique, l'autodétermination, l'indépendance des peuples colonisés, etc. Cet assemblage laisse entrevoir assez clairement, les deux premières générations des droits de l'homme. Il s'agit des droits économiques, sociaux et culturels d'une part et des droits civils et politiques de l'autre.

Fondamentalement, c'est dans la foulée des espoirs suscités par la mouvance des indépendances, vers les années 1960, qu'il convient de situer les fondements historiques de la renaissance et de la protection des droits de l'homme en Afrique. Pour nombre d'Africains, en effet, c`était la décennie de l'espoir et dans une certaine mesure, celui d'un optimisme surréaliste. A leurs yeux, en effet, l'indépendance rimait avec liberté, développement, progrès et démocratie dont ils étaient privés pendant la colonisation. L'indépendance était une panacée, une sorte de potion magique susceptible de guérir tous les maux dont souffrait l'Afrique et notamment, la méconnaissance des droits de l'homme.

De ce fait, les analystes s'accordent à faire remonter l'idée formelle et classique des Droits de l'homme en Afrique, au Congrès Africain sur la primauté du droit, tenu à Lagos en 1961, sous l'égide de la Commission Internationale des Juristes. La déclaration finale adoptée à l'issue de ce Congrès, « la loi de Lagos », recommandait aux gouvernants Africains d'étudier la possibilité d'adopter une Convention Africaine des droits de l'homme prévoyant la création d'une Cour régionale des droits de l'homme et des voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la juridiction des Etats signataires.11(*)12(*)

Retenons qu'une telle entreprise, certes louable, appelait une certaine cohésion et unité africaine. La première cohésion Africaine fut de nature politique et consacre donc la naissance de l'Organisation de l'Unité Africaine.

B. L'Organisation de l'Unité Africaine (l'O.U.A) : fondement et édifice régional de protection des droits de l'homme en Afrique.

La Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine signée le 25 mai 1963 à Addis Abeba fut la première à poser la première pierre de ce que Fatsah Ouguergouz, appelle l'édifice régional africain de protection des droits de l'homme. Cet édifice comprend un certain nombre des piliers qui vont être renforcés au cours des ans. A part la Charte sus évoquée, il sied de mentionner la Convention régissant les aspects propres aux réfugiés en Afrique de 1969, la Charte Africaine des droits de l'homme des peuples de 1981, plus tard, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1990, l'Acte Constitutif de l'Union africaine en 2000 sans oublier un peu plus tard en 2003 l'adoption du Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique. (12(*))

Après avoir dans un (a) découvert le contenu et les principes fondamentaux de l'O.U.A contenus dans sa Charte, il nous plaira dans un (b) de jeter un regard interrogateur sur le degré de protection qu'offrait cette Charte aux droits de l'homme.

a. Contenu et principes fondamentaux.

La Charte constitutive de l'Organisation de l'Unité Africaine signée à Addis-abeba le 23 mai 1963, nous ne le dirons jamais assez, est sur le plan chronologique, le premier instrument juridique de protection des droits de l'homme adopté par et pour les seuls Etats Africains.

En effet, cette Charte affirme, dans son préambule, la conviction des Chefs d'Etats et des gouvernements Africains que « les peuples ont le droit inaliénable de déterminer leur propre destin et que la liberté, l'égalité, la justice et la dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des aspirations légitimes des peuples Africains ».

Le même préambule parle, en outre, du progrès humain de la paix et de la sécurité, de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des Etats africains (13(*)). Lorsque le concept « souveraineté » ou « intégrité territoriale » est évoqué, l'on fait référence au principe de « l'Uti possidetis » mise en oeuvre par l'O.U.A. Dans un de ses articles, Anatole AYISI relève en fait qu'en 1963 et 1964, les pères fondateurs de l'Unité Africaine (O.U.A) trouvèrent approprié d'opter pour une politique de statu quo territorial en déclarant officiellement alors leur adhésion aux « frontières héritées de la colonisation »14(*)

Par ailleurs, dans le corps de son texte, la Charte de l'OUA ne fait que deux références indirectes aux droits de l'homme lorsqu'elle énumère, entre autres objectifs, de « favoriser la coopération internationale en tenant dûment compte de la Charte des Nations unies et de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme ».

A la vérité, pour atteindre tous les objectifs que la Charte assigne à l'Organisation, les Etats membres ont affirmé solennellement et s'étaient engagés à respecter un certain nombre des principes.

Il s'agit de l'égalité souveraine de tous les Etats membres, de la non- ingérence dans les affaires intérieures des Etats, du respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence indépendante, du règlement pacifique des différends par voie de négociations, méditation, conciliation ou d'arbitrage, de la condamnation sans réserve de l'assassinat politique ainsi que des activités subversives exercées par des Etats voisins ou tous autres Etats, du dévouement sans réserve à la cause de l'émancipation totale des territoires Africains non encore indépendants, de l'affirmation d'une politique de non alignement à l'égard de tous les blocs15(*).

b. L'O.U.A et les droits de l'homme.

La question qu'il échet de se poser à ce stade est celle de savoir si, à l'analyse des dispositions de la Charte de l'O.U.A et des principes qu'elle énonce, il est possible de dire que les droits de l'homme ont suffisamment été consacrés.

Il appert de l'exégèse de ces dispositions que la Charte de l'O.U.A se réfère plus volontiers aux droits des peuples qu'à ceux de l'individu.

En effet, au regard de la place que les autres instruments à l'instar de la Charte des Nations Unies, la Charte de l'Organisation des Etats Américains de 1948 et plus loin le statut du Conseil d'Europe de 1950, il est remarquable que la Charte de l'OUA accorde une moindre place aux droits de l'homme.

A vrai dire, en dépit de leur incidence sur la promotion et la protection des droits de l'homme en Afrique, les droits à l'existence indépendante des Etats, l'autodétermination et l'intégrité territoriale sont bien plus les droits des Etats que les droits de l'homme ou des peuples.

De surcroît, en érigeant l'égalité souveraine et la non--ingérence en principes sacrés, l'OUA consacrait le droit des Etats et de leurs gouvernements de gérer comme ils l'entendent leurs affaires nationales et internationales, y compris malheureusement, les traitements qu'ils peuvent réserver à leurs propres peuples. A ce sujet, H. Ait-Ahmed a eu raison d'affirmer que « la Charte de l'O.U.A ne constitue pas une consécration solennelle des droits de l'homme Africain. Elle est, bien au contraire et selon lui, une sauvegarde impératrice des Etats érigés en système ». Et au Dr Ouguergouz d'ajouter, la Charte de l'O.U.A, est, sans l'ombre d'un doute, le pilier le plus fragile de tout le système africain de protection des droits de l'homme.

Toutefois, malgré le silence de la Charte ou tout au moins, en dépit de la modeste place qu'elle a réservé aux droits de l'homme, la Charte n'a pu pour autant empêcher l'OUA de s'intéresser aux Droits de l'homme, particulièrement dans les Etats coloniaux Portugais, en Rhodésie, en Namibie et en Afrique du sud.

Somme  toute, le caractère discret des droits de l'homme dans la Charte de l'O.U.A. et surtout, l'ambition d'élaborer un instrument Africain de protection des droits de l'homme qui s'inspire des spécificités africaines ont relancé, après 18 ans de silence coupable, l'idée d'une Charte africaine des droits de l'homme et des peuples16(*).

§.2. La Charte africaine des droits de l'homme et des

peuples.

Ouvrant une nouvelle ère de protection des droits de l'homme en Afrique, et s'inspirant tant des textes juridiques internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme que des traditions juridiques africaines, la charte africaine, après avoir été négociée en un temps record, fut adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, au Kenya par la Conférence des Chefs d'Etat et des gouvernements de l'O.U.A. Elle entre en vigueur le 21 octobre 1986. La conception du terme « Droits de l'homme » est extensive, ce qui la différencie des autres conventions : elle comprend non seulement les droits civils et politiques mais également les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que les droits des peuples17(*).

Au bonheur de tous les Africains, les concepteurs et rédacteurs de la Charte Africaine, bien qu'inspirés par les instruments juridiques internationaux existants ne se sont pas contentés de les recopier servilement. Ils ont de bons droits, également pris en considération les spécificités socio-culturelles d'Etats à fondement civilisationnel différent que sont les Etats africains18(*).

Essayons de voir, dans un (A) les caractéristiques et originalité de la Charte avant, dans un (B), de révéler le mérite de la Charte au sujet de la consécration des vrais droits individuels.

A. Caractéristiques ou originalités de la Charte.

Les dispositions de la Charte sont reparties dans trois parties inégales, précédées d'un préambule. La première, consacrée aux droits et devoirs, comprend deux chapitres et compte vingt neuf articles. La deuxième, plus longue, porte sur les mesures de sauvegarde qui sont analysées à travers trois chapitres et trente trois articles. La dernière partie de cet instrument juridique, de quatre articles seulement, énumère les dispositions diverses.

Tenant compte du contenu matériel de la Charte, sa caractéristique la plus frappante est qu'elle incorpore, dans un seul document, deux catégories différentes de droits individuels. C'est une démarcation substantielle par rapport aux systèmes Européen et Américain qui ont institué, chacun, deux instruments distincts pour les deux catégories des droits de l'homme, à savoir les droits civils et politiques d'une part et les droits économiques, sociaux et culturels de l'autre.

Ensuite, le fait que la Charte africaine consacre également les droits de solidarité ou les droits de la troisième génération constitue une deuxième originalité. Elle est, sans détours, le premier instrument international à valeur juridique obligatoire à prévoir de tels droits et à désigner le peuple comme leur unique titulaire.

En substance, la Charte africaine consacre le droit des peuples à leur développement économique, social et culturel (article 22), les droits des peuples à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité (article 22), les droits des peuples à la paix et à la sécurité internationale (article 23) et les droits des peuples à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement (article 24).

Plus encore, la troisième originalité de la charte africaine est sa consécration des devoirs de l'individu. Plusieurs autres instruments juridiques internationaux consacrent le concept de devoirs de l'individu. A cet égard, nous trouvons la déclaration Américaine des droits et devoirs de l'homme du 02 mai 1948 et la Déclaration universelle de Droits de l'homme du 10 décembre 1948.

Cette dernière prévoit, en son article 29 (1), que l'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle, seul le libre et le plein développement de sa personnalité est possible. A ces deux résolutions, il faut ajouter les instruments conventionnels que sont les deux pactes des Nations Unies de 1966 (dernier paragraphe et article 19 du second pacte, la liberté d'expression), la Convention Européenne (article 10, liberté d'expression) et la Convention Américaine (chapitre V, article 32). Ces conventions consacrent également des devoirs de l'individu mais avec moins d'emphase et de manière moins détaillée que la Charte africaine. Elle consacre, pour sa part, tout un chapitre, soit pas moins de onze paragraphes ; elle entrevoit ainsi les devoirs de l'individu envers la famille, envers la société, envers l'État et envers la communauté internationale (article 27, 28 et 29).19(*)

B. Le mérite de la Charte.

Il eut un temps où l'on se posa la question de savoir si l'élaboration d'un texte régional Africain de protection des droits de l'homme était opportune.

En effet, la question de l'opportunité de la Charte Africaine trouve sa réponse d'abord dans la situation particulière du continent Africain aux plans politique, économique, social et culturel.20(*) C'est donc de bon droit que la Charte prend en considération le fait qu'en Afrique, l'individu est un élément de la société et ne se réalise pleinement que dans cette société (la famille au sens large, le lignage, la clan, la tribu, l'ethnie, etc.) et pour ce qui est des rapports entre les sociétés Africaines et le reste du monde, la lutte contre le colonialisme et pour le développement se retrouve également dans la Charte.21(*)

Ensuite, la Charte reflète la manière dont les Etats souverains ont essayé de concilier leur diversité culturelle et l'universalité des droits de l'homme. Ce n'est donc pas une simple volonté de démarcation qu'il faut chercher dans l'esprit qui anime la Charte africaine, mais plutôt, dans la quête d'une nécessaire complémentarité. C'est en fonction de cette dernière exigence que ses rédacteurs se sont efforcés d'en faire un instrument à la fois conforme aux traditions africaines et le plus adapté possible à son environnement social, économique et politique. Au-delà de ce relativisme culturel, l'institution, notamment d'une Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, au titre de mécanisme de contrôle du respect de dispositions de la Charte, est une grande première pour le droit Africain des droits de l'homme.22(*)

§.3. La Commission Africaine des droits de l'homme et

des peuples.

A. Création, nature et siège.

Aux fins de mesure de sauvegarde, la Charte africaine a mis sur pied une Commission africaine des droits de l'homme et des peuples chargée de promouvoir les droits de l'homme et de peuples et d'assurer leur protection en Afrique. Elle a son siège à Banjul, capitale de la Gambie. Installée depuis le 02 novembre 1981, la Commission n'est devenue opérationnelle que le 13 février 1988, après l'adoption de son règlement intérieur.

Bien que comprise comme mesure de sauvegarde des droits de l'homme par la Charte, la Commission demeure un organe non juridictionnel qui, à l'endroit des Etats, nous le verrons plus loin, n'émet que des recommandations et non des décisions obligatoires.

Au pied de l'article 42 (2), il est prévu que la Commission établit son règlement intérieur qui fixe les détails de son organisation et de la procédure devant elle.

B. Composition.

Aux termes de l'article 31 de la Charte, la Commission se compose de onze membres qui doivent être choisis parmi les personnalités africaines jouissant de la plus haute considération, connues pour leur haute moralité, leur intégrité et leur impartialité, et possédant une compétence en matière de droits de l'homme et des peuples, un intérêt particulier devant être donné à la participation de personnes ayant une expérience en matière de droit.

Il serait difficilement imaginable, après avoir parlé de la création du siège et de la composition de la commission, de passer sous silence les compétences de celles-ci étant donné que c'est au travers ces dernières, que l'on sait apprécier le travail de cet organe de protection de droits de l'homme en Afrique.

C. Compétences.

Fixées principalement par l'article 45 de la charte, les compétences de la commission, dites aussi missions sont au nombre de deux : promouvoir les droit de l'homme et des peuples d'une part et assurer leur protection d'autre part.

a. La Commission dans son oeuvre de promotion.

Dans sa tache de promotion des droits de l'homme, la Commission rassemble de la documentation, fait des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l'homme et des peuples et diffuse des informations. Dans ce cadre, elle assure la publication de la revue de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, des rapports d'activités et de missions, des communiqués de presse. Elle organise des séminaires, des colloques et des conférences sur les droits de l'homme. La Commission encourage les organismes nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme et des peuples.23(*)

Elle attire l'attention des Etats sur la nécessité de consolider l'ordre africain des droits de l'homme en allouant des moyens nécessaires aux organes institués à cet effet. Elle peut parfois servir d'instance de médiation pour régler certaines affaires ou proposer des solutions appropriées aux gouvernements africains.

b. La Commission dans son oeuvre de protection et d'interprétation.

Comme dit plus haut, la deuxième mission principale de la Commission est d'assurer la protection des droits de l'homme et des peuples, comme dispose l'article 45(1).

Mais  à part la protection, la Commission a aussi pour tache d'interpréter toute disposition de la Charte à la demande d'un Etat partie, d'une institution de l'Union africaine reconnue par l'Union Africaine, comme le veut l'article 45(3).24(*)

A ce stade, une question peut-être posée, en l'occurrence celle qui consiste à savoir comment saisir la Commission dans le but d'activer la machine de protection.

De façon aisée, il nous semble, la Commission est saisie par voie de communication. Il peut s'agir des communications des Etats parties à la Charte africaine alléguant des violations de droits de l'homme par ces Etats, personnes ou groupe de personnes ou un Etat soit des communications émanant des ONG ou des individus.

Retenons que le système africain, tout en organisant un régime procédural souple pour les « communications émanant des Etats parties à la Charte », consacre pour les « autres communications » (notamment celles des individus des ONG) un régime singulièrement ardu, organisé par l'article 56 de la Charte, qui pose les conditions de recevabilité de telles communications25(*).

Nous prenons le luxe de ne pas rentrer en détails quant à l'analyse de l'article 56 pour autant que nous y reviendrons lors de l'étude des conditions d'exercice de l'action devant la cour Africaine de droits de l'homme et des peuples. Toutefois, il sied de dire que, d'emblée, les conditions prévues à l'article 56, visent à écarter les communications fantaisistes, manifestement abusives, futiles ou mal fondées. Elles constituent, au demeurant un système de filtrage, à travers lequel des nombreuses communications sont écartées.

De toute évidence et malgré les attributions lui dévolues, le bilan de la Commission reste mitigé et, pour bon nombre d'analystes, elle n'a jamais participé efficacement à la protection des droits de l'homme sur le continent malgré l'abondante jurisprudence dont elle est auteur. Ce qui fait que, d'ailleurs, tout au long du processus d'élaboration de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, les droits de l'homme étaient constamment à l'ordre du jour des débats.

Incontestablement, vu la situation qui prévalait et au regard de l'inadaptabilité des mécanismes régionaux de protection des droits de l'homme en Afrique, le besoin des changements institutionnels pour des fins d'efficacité beaucoup plus significatives se faisait sentir déjà.

Section 2ème : Vers des changements institutionnels

beaucoup plus significatifs

La présente analyse se veut plus interrogatrice quant à la question de savoir si, avec l'avènement de l'Union Africaine, en remplacement de l'Organisation de l'Unité Africaine, des changements plus positifs pouvaient être envisageables et partant, efficaces.

Il s'agit en effet de savoir si l'Acte instituant l'U.A. sera un correctif sensible de la Charte de l'O.U.A. sur le chapitre de la consécration des droits de l'homme en son sein. Et, au-delà, comment la nouvelle organisation régionale entend mettre en oeuvre leur protection ou bien, avec l'institution de la Cour de Justice de l'Union Africaine, pouvons nous espérer une réelle protection des droits de la personne en Afrique ?

§1. L'U.A : Le nouveau visage de l'O.U.A.

L'Union africaine est présentée, par les panafricanistes, non seulement comme une alternative à l'inefficacité de l'OUA et à la marginalisation du continent mais aussi comme une nécessité incontournable justifiée par l'environnement international. Son Acte Constitutif est signé, à Lomé, le 12 juillet 2002, à la suite des sommets extraordinaires de l'OUA de Syrte (du 6 au 9 septembre 1999) et de Tripoli (du 1er au 6 juin 2002) alors que sa naissance officielle a été consacrée par le sommet de Durban de juillet 2002.

Au chapitre des droits de l'homme, dès le préambule de l'Acte, en effet, les Chefs d'Etat et de Gouvernement africains se disent « résolus à promouvoir et à protéger les droits de l'homme et des peuples, à consolider les institutions et la culture démocratique, à promouvoir la bonne gouvernance et l'Etat de droit ».26(*)

Bien qu'ayant repris quelques-uns des objectifs et principes de l'OUA, l'Acte fondateur de l'Union africaine est beaucoup plus explicite et ambitieux, s'agissant de la protection des droits humains sur le continent africain. En fait, l'article 3 de son Acte constitutif pose les objectifs de l'Union africaine dans les termes qui sont les suivants :

(f) promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent ;

(g) promouvoir les principes et les institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance ;

(h) promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples conformément à la Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme ;

(k) promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l'activité humaine en vue de relever le niveau de vie des peuples africains ;

(n) oeuvrer de concert avec les partenaires internationaux pertinents en vue de l'éradication des maladies évitables et de la promotion de la santé sur le continent ;27(*)

Pour atteindre les objectifs sus évoqués, et tous les autres, l'Union africaine fonctionne conformément à un certain nombre des principes fondamentaux. Il s'agit, à dire vrai, d'un savant mélange entre les anciens principes chers à l'OUA et aux nouveaux formulés dans le cadre de la nouvelle organisation continentale. A cet égard, qu'il nous soit permis de citer :

(c) la participation des peuples africains aux activités de l'Union ;

(h) le droit de l'Union à intervenir dans un Etat membre sur décision de la conférence, dans certaines circonstances graves, telles que le génocide ;

(e) la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes ;

(m) le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'état de droit et de la bonne gouvernance ;

(n) la promotion de la justice sociale pour assurer le développement économique équilibré ;

(o) le respect du caractère sacro-saint de la vie humaine et condamnation et rejet de l'impunité, des assassinats politiques, des actes de terrorisme et des activités subversives ;

(p) la condamnation et rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement ;28(*)

Une analyse intéressée de ces quelques objectifs et principes montre, si besoin en est, la place réservée aux droits de l'homme dans l'Acte Constitutif de l'Union Africaine. Comme le dit E. Baimu, relayé par le professeur Mbata B. Mangu, « The AU has more explicit human rights focus than the OAU. In a sense it may be argued that AU is an attempt to unite the ideals of African unity and human rights on the continent».

Bien plus, les initiateurs de l'Union africaine sont allés plus loin, dans la perspective d'une meilleure protection des droits de l'homme, en consacrant le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la conférence, dans certaines circonstances graves, telles que le génocide. Ce droit, qu'une certaine doctrine considère comme contraire aux principes de l'égalité souveraine et de l'interdépendance entre Etats, de l'intangibilité des frontières hérités de la colonisation et de la non ingérence audace normative, un saut qualitatif et un soubassement juridique du droit d'ingérence humanitaire en Afrique. D'ailleurs, pour B. Kioko, la raison d'être du droit de l'Union à intervenir est de mettre fin à la paralysie causée par l'application stricte du principe de non ingérence dans les affaires intérieures des Etats, à l'époque de l'OUA.

Dans le même ordre d'idées, le Dr. Abdulyawi A Yussuf considère que «  Together with the right to intervene in Member states for humanitarian purposes, this set of principles, if impleted in practice, could place the AU in the forefront of the global struggle for human security, human rights, and good governance».

La structure organique de l'Union montre que certains de ses organes, et pas de moindres, compte la protection et la promotion des droits de l'homme parmi leurs attributions. Il en est ainsi de la conférence de l'Union, du Conseil exécutif, du Parlement panafricain, du Conseil de Paix et de Sécurité ainsi que de la Cour de Justice29(*) qui, un tant soit peu, va attirer notre particulière attention dans le paragraphe qui va suivre.

§2. La Cour de Justice de l'U.A

En instituant une Cour de Justice, les Etats membres étaient convaincus, ce qui ressort clairement du préambule, que la réalisation des objectifs de l'Union -entre autres la promotion et la protection des droits de l'homme et des peuples exigeait la mise en place d'une Cour de justice avec des mission et compétence propres.

A. Mission et compétence

Il est créée une Cour de Justice de l'Union dont les statuts, la composition et les pouvoirs de la Cour de Justice sont définis dans un Protocole y afférent.30(*)

Sans préjudice aux dispositions de l'A.C.U.A, la Cour a compétence sur tous les différents et requêtes qui lui sont soumis conformément à l'Acte et au présent Protocole ayant pour objet ;

(a) l'interprétation et l'application de l'Acte ;

(b) l'interprétation, l'application ou la validité des traités de l'Union et de tous les instruments juridiques subsidiaires adoptés dans le cadre de l'Union.

(c) Toute question relative au droit international ;

(d) Tous actes, décision, règlements et directives des organes de

l'Union ;

(e) Toutes questions prévues dans tout autre accord que les Etats pourraient conclure entre eux, ou avec l'Union et qui donne compétence à la Cour ;

(f) L'existence de tout fait qui, s'il est établi, constituerait une rupture d'une obligation envers un Etat partie ou l'Union ;

(g) La nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement.31(*)

Si principalement telles sont les éléments sa compétence, notons que subsidiairement, la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement peut donner compétence à la Cour pour connaître des litiges autres que ceux visés dans le présent article.

Etant donné que plusieurs textes et instruments ont été adoptés dans le cadre de l'Union africaine, il est donc de la compétence de la Cour de justice que les instruments africains relatifs aux droits de l'homme trouvent écho favorable auprès de cette instance.

Cependant, une interrogation demeure : par la consécration des droits fondamentaux tant par l'Acte que par le Protocole de la Cour de justice, pouvons-nous prétendre à une protection effective des droits de l'homme par cette Cour ?

B. La Cour de Justice de l'Union et les droits de l'homme

Si jusqu'ici l'Acte et le Protocole susvisés ont le mérite d'avoir proclamé largement, dans une mesure ou une autre, les droits de l'homme en leur sein, le dernier, à savoir le Protocole a péché par sa nature.

A la vérité, si l'on admet sans ambages d'une part, que la Cour est une Cour de l'Union, l'on reconnaît implicitement qu'elle est rigoureusement une juridiction où seuls les Etats sont justiciables, la conférence déterminant largement les conditions d'accès des tierces parties à la Cour.32(*)

Pour en avoir le coeur net il suffit de se référer à l'article 18 du Protocole qui, quasi-totalement fait allusion aux Etats en accordant une place mineure aux membres du personnel de la Commission de l'Union qui, nous l'estimons, ne peuvent porter devant cette Cour que des questions de nature administrative et partant donc, n'ayant pas de lien direct avec les droits de l'homme.

Pour en dire plus vrai, il n'est pas possible, en ce que nous en sachions, de protéger les droits de la personne sans que celle-ci n'ait accès (direct ou indirect) au mécanisme de protection mieux, sans que la personne soit en mesure de saisir cette instance.

Il est vrai que des avancées remarquables ont été enregistrées dans la volonté d'assurer une promotion et une meilleure protection des droits de l'homme, mais il ne fait donc l'ombre d'aucun doute des améliorations et des ajustements devraient être apportés. A cet égard, l'urgence de la mise sur pied d'une instance juridictionnelle chargée spécifiquement des droits l'homme comme par exemple une Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples, se faisait sentir à chaud.

CHAP. II : ORGANISATION, FONCTIONNEMENT,

COMPETENCES, PROCEDURE DE LA COUR

AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET

DES PEUPLES 

L'idée d'avoir recours au droit et aux institutions pour promouvoir et protéger les droits humains en Afrique apparaît, rappelons-le, pour la première fois en 1961 lors du congrès des juristes africains organisé par la CIJ à Lagos au Nigeria. On se souvient que la « Loi de Lagos » plaidait pour une Cour africaine des droits de l'homme à l'image de la Cour européenne, mais que cette disposition, de même que toutes celles relatives à la mise sur pied d'un système de protection des droits de l'homme, ont été reléguées à l'arrière-plan des préoccupations des gouvernements africains. En fait, au moment de la conférence de Banjul sur la Charte africaine, l'idée d'une Cour des droits de l'homme fut reprise.33(*)

En effet, le congrès dont mention est faite dit congrès sur « la primauté du droit » interpellait les dirigeants des puissances coloniales et des Etats africains indépendants afin qu'ils étudient la possibilité d'élaborer » une convention africaine des droits de l'homme prévoyant notamment la création d'un tribunal approprié et des voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la juridiction des Etats signataires », « La Loi de Lagos », reprise par plusieurs congrès de juristes africains, devint une référence.34(*)

Dès l'origine, si la question de la création d'un organe juridictionnel s'est posée, elle fut jugée inutile. En effet, durant l'élaboration de la Charte africaine, deux tendances se sont dessinées : l'une, minoritaire, était favorable à la création d'une Cour pour compléter le dispositif de protection des droits de l'homme. L'autre, majoritaire, rejetait cette idée en se fondant sur le respect des traditions juridiques africaines qui donnent la préférence aux règlements politiques des différents, les Etats africains étant attachés à préserver leur souveraineté.35(*)

La création de la Cour africaine est entreprise, au début des années 1990, par une nouvelle génération de responsables de la C.I.J menée par Adama Dieng, un juriste sénégalais qui a été formé et introduit dans les milieux gouvernementaux et non gouvernementaux par son prédécesseur, Kéba Mbaye.36(*)

La volonté de rédiger un Protocole relatif à la Charte africaine portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples est née des faiblesses institutionnelles, du manque des moyens et donc de la relative inefficacité de la Commission africaine constaté par les ONG et reconnue officiellement par l'OUA en 1994.37(*)

Adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union Africaine, le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples devait être ratifié par quinze Etats pour entrer en vigueur. Ce fut chose faite-après cinq longues années d'atermoiements et de piétinements- depuis le 26 décembre 2003, date à laquelle les Iles Comores ont déposé leur instrument de ratification, à la suite de l'Afrique du Sud, de l'Algérie, du Burkinafaso, du Burundi, de la Côte d'Ivoire, de la Gambie, du Lesotho, de la Lybie, du Mali, de l'Ile Maurice, de l'Ouganda, du Rwanda, du Sénégal et du Togo.38(*)

Pour mieux saisir la Cour africaine, il importe de la comprendre à travers sa nature, son siège et ressort, ses compétences, les conditions d'exercice de l'action devant elle ainsi que son fonctionnement.

Section 1ère : Nature, ressort et siège

De nature juridictionnelle, la nouvelle instance de promotion et de protection des droits de l'homme qu'est la Cour, vient seconder la Commission dans sa mission de protection des droits de l'homme et des peuples sur le continent africain.

Quant à ce qui concerne son siège, « il est établi dans un Etat partie au Protocole par la conférence. Toutefois, la Cour peut siéger sur le territoire de tout Etat membre de l'Union sur décision de la majorité de ses membres et avec l'agrément préalable de l'Etat concerné. » Notons aussi que « la Conférence peut décider, après avis de la Cour, de changer le siège de celle-ci. »39(*)

De toute évidence donc, la Cour ne pourra aucunement siéger sur le territoire d'un Etat non partie à son Protocole soit, in aliis verbis, sur un territoire d'un Etat qui n'est pas de son ressort.

Par ailleurs, comme toute structure bien organisée, la Cour possède un langage qui lui est propre et bien plus, des concepts qui lui sont spécifiques, soit en un mot une terminologie qui lui convient particulièrement.

Section 2ème : Terminologie de la Cour

Sans préjudice aux dispositions du Protocole portant création de la Cour et organisant son fonctionnement ainsi qu'à son règlement intérieur, l'on désignera par :

· Arrêt : les décisions juridictionnelles des cours d'appels et des cours suprêmes. La Cour africaine rend des arrêts. Bref, l'arrêt désignera les décisions de la Cour ;

· Avis consultatif : une opinion émise sur une question de droit par un tribunal (ici la Cour), à l'issue d'une procédure judiciaire, et qui n'est pas une décision ;

· Clause dérogatoire : une clause qui écarte, dans les limites déterminées, la règle normalement applicable ;

· Charge de la preuve : la nécessité pour le plaideur d'établir, s'ils sont contestés, les faits dont dépend le succès de son allégation

· Communication : le document déposé à la Commission africaine par un Etat partie, une ONG ou un individu alléguant des violations des droits de l'homme commises par un Etat. La Communication doit indiquer les faits, les violations de la Charte africaine par l'Etat mis en cause et demander des réparations ;

· Décision : un terme général utilisé en procédure qui signifie ici les actes émanant de la Cour (surtout en matière contentieuse) ;

· Epuisement des voies de recours internes : la condition qui veut qu'avant de porter plainte devant la Commission ou la Cour africaine, la personne qui considère qu'un de ses droits a été violé doit tenter d'obtenir une réparation devant les instances nationales jusqu'au niveau de la dernière instance, dans la mesure où elles sont accessibles et efficaces ;

· Greffe : comme le service judiciaire ayant comme responsable le greffier qui assiste la Cour dans l'accomplissement de ses fonctions et organise le greffe ainsi que ses activités, sous l'autorité du Président de la Cour.

· Intérêt pour agir : l'importance du caractère qui, s'attachant pour le demandeur à ce qu'il demande, le rend recevable à le demander en justice (si cette importance est assez personnelle, directe et légitime) et à défaut de laquelle le demandeur est sans droit pour agir (pas d'intérêt, pas d'action) ;

· Mesures provisoires : Les mesures prises par la Cour la durée d'un procès afin de régler momentanément une situation urgente en attendant une décision définitive ;

· Principe du contradictoire : un principe fondamental de procédure en vertu duquel les parties doivent avoir connaissance de toute pièce, tout document, toute preuve, toutes prétentions et tous moyens, présentés au juge et la possibilité d'en discuter dans le cadre d'un débat loyal ;

· Recevabilité : La prise en considération d'une affaire sur la forme pour un examen au fond. Par ex : une demande doit être régulière dans la forme avant tout examen au fond ;

· Règlement à l'amiable : un accord à l'initiative de la Cour entre les parties litigantes, selon l'article 9 du protocole.

· Réparation : une indemnisation ou un dédommagement d'un préjudice par la personne ou l'Etat qui en est responsable accordé(e) par la Cour ;

· Requête : Une demande adressée à la Cour.

· Saisine : L'action de porter une demande devant le Cour sur une question à laquelle celle-ci est appelée à statuer.

Tels que définis ci-haut, cette terminologie relève de l'organisation propre de la Cour comme il en est également de sa composition.

Section 3ème : Composition

Si d'emblée la nature de la question relative à la composition évoque une approche à la fois quantitative et qualitative ainsi que celle touchant à l'origine ou mieux la provenance des juges (§1), elle appelle, profondément, diverses autres interrogations notamment en regard de la manière dont les juges sont élus (§2), la durée de leur mandat (§3), des principes attachées à leur statut(§4), l'organisation du siège et la question de la vacance(§5) et enfin de la fin de leur mandat (§6).

§1. Composition proprement dite de la cour

Onze juges, ressortissants des Etats membres de l'U.A composent la Cour ; celle-ci ne pouvant pas comprendre plus d'un juge de la même nationalité. Ils sont élus à titre personnel parmi des juristes jouissant d'une très haute autorité morale, d'une compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le domaine des droits de l'homme et des peuples.40(*) Comment alors sont-ils élus ?

§2. Procédure d'élection des juges

Avant les élections et dès l'entrée en vigueur du Protocole relatif à la Cour africaine, le Secrétaire Général de l'U.A invite les Etats parties à procéder à la présentation des candidatures au poste de juge à la Cour, dans un délai de 90jours (quatre-vingt-dix)41(*). Chaque Etat partie ne peut présenter plus de trois candidats dont au moins deux doivent être ressortissants de l'Etat qui les présente ; l'Etat qui présente les candidatures tiendra compte de la représentant adéquate des deux sexes.42(*)

Et aux Etats membres de l'U.A., au moins 30 jours avant la session suivante de la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements de l'U.A, le Secrétaire Général de l'U.A dresse la liste alphabétique des candidats et la communique.43(*)

En pratique, c'est le Conseil des Ministres qui, au nom de la conférence procède à l'élection des juges. Ces derniers sont élus au scrutin secret sur la liste sus -indiquée. Bien plus, lors de l'élection, une répartition géographique équitable ainsi que les grands systèmes juridiques devront être des éléments incontournables dont la conférence devra tenir compte.

La composition géographique sera la suivante : Afrique de l'Ouest (3 juges) ; Afrique Nord (2), en sachant qu'entre en ligne de compte les critères touchant aux grands systèmes juridiques(le droit civil, la common law, les droits et coutumes islamique et le droit coutumier africain).44(*) Encore une fois ici, au-delà de deux critères à savoir l'aire géographique et le système juridique, la représentation adéquate de deux sexes est vivement recommandée.

Après leur élection, les juges prêtent serment d'exercer leurs fonctions en toute indépendance et loyauté 45(*)durant la période de leur mandat.

Nous osons penser que les éventuelles immixtions dont les juges sont victimes de la part l'exécutif au niveau des Etats ne seront pas à l'ordre du jour à la Cour et que, bien qu'émanant des Etats, les juges pourront exercer en toute indépendance et quiétudes les fonctions leur assignées durant leur mandat, lequel mandat fera l'objet du paragraphe suivant.

§3 : Mandat des juges et organisation du siège

N'étant pas élus  « ad aeternam vitam », les juges exercent leurs fonctions pour une période de six ans et sont rééligibles une seule fois. Notons cependant que le mandat de quatre juges élus lors de la première élection prend fin au bout de deux ans et le mandat de quatre autres prend fin au bout de quatre ans. Ainsi donc, les juges dont le mandat prend fin au terme des périodes initiales de deux et quatre ans sont tirés au sort par le Secrétaire Général de l'U.A immédiatement après la première élection.46(*)

Immédiatement après leur élection, les juges s'organisent pour se choisir un Président et un Vice-Président. Elus, ces derniers exercent leurs fonctions pour une durée de deux ans renouvelable une seule fois. Pour le Président, et ce, contrairement aux autres juges qui eux, sont à temps partiel, il exerce ses fonctions à temps plein. D'ailleurs, il réside au lieu du siège de la Cour. 47(*)

Toutefois, bien que n'étant pas prévues dans le présent Protocole, les fonctions du Président ainsi que celles du Vice-Président sont déterminées dans le Règlement intérieur de la Cour.

Dans l'exercice de sa mission, la Cour désigne son greffier et les autres fonctionnaires du Greffe parmi les ressortissants des Etats membres de l'U.A, conformément aux dispositions de son Règlement intérieur.

Comme le Président, le Greffier de la Cour réside au lieu du siège de la Cour.48(*)

Un peu plus haut, nous avons relevé que la Cour se compose de onze juges. Mais précisons que pour l'examen de chaque affaire portée devant elle, la Cour siège avec un quorum d'au moins sept juges.49(*) Et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, toutes les fois qu'un juge possède la nationalité d'un Etat partie à une affaire, il se recusera...,50(*) car à son statut s'attachent plusieurs caractères et principes.

§4. Le Statut des magistrats de la Cour

Parler du statut des magistrats de la Cour africaine revient à porter une certaine attention sur les principes et caractères qui couvrent la personne du magistrat afin qu'il accomplisse en toute âme et conscience les fonctions et missions lui dévolues : dire le droit. Il s'agit d'une part, de l'indépendance et d'autre part, des incompatibilités.

A. Indépendance des juges

Cette indépendance est pleinement garantie par l'article 17 du Protocole qui prévoit que les juges jouissent pendant la durée de leur mandat des privilèges et immunités reconnus en droit international au personnel diplomatique. Aussi, ils ne peuvent en aucun moment, même après la fin de leur mandat, être poursuivis en raison des votes ou des opinions émis dans l'exercice de leurs fonctions. Par ailleurs, les juges ne doivent pas siéger dans une affaire dans laquelle ils ont été impliqués, à quelque titre que ce soit comme agent, conseiller, avocat d'une des parties, membres d'un tribunal national ou international, d'une commission d'enquête ou à tout autre titre.51(*)

B. Incompatibilités

L'article 18 du Protocole précise que les fonctions de juge sont incompatibles avec toutes autres activités de nature à porter atteinte aux exigences d'indépendance ou d'impartialité liées à la fonction et telles que stipulées dans le Règlement intérieur. En d'autres termes, un juge ne peut être en même temps ministre, secrétaire d'Etat ou représentant diplomatique.

De la même façon qu'il existe des règles pour régir le statut des magistrats de la Cour, il en existe également celles qui encadrent les modalités de la fin du mandat des juges.

§5. Fin du mandat et vacance du siège

Pour qu'un juge soit suspendu ou relevé de ses fonctions, l'avis unanime des autres juges à la Cour est de rigueur, dans la mesure où il a cessé de répondre aux conditions requises.

Lorsque la Cour a décidé, la décision est définitive à moins que la conférence n'en décide autrement lors de la session suivante. 52(*)

Etant donné qu'il s'agit d'une matière purement administrative, la Conférence, à notre égard, ne devrait pas s'ingérer dans le travail de la Cour pour autant que celle-ci demeure indépendante. Comme organe politique, la Conférence ne devrait pas, outre mesure, se constituer en instance d'appel, de révision ou de reformation des décisions de la Cour. A la limite, en cas de suspension ou lorsqu'un juge est relevé de ses fonctions, la Conférence devrait seulement pourvoir au vide occasionné par la suspension ou le relèvement d'un juge.

En tout état de cause, la Conférence procédera, comme il le fait en cas de vacance de siège au remplacement du juge dont le siège est vacant par décès ou démission.53(*)

Ainsi, le juge élu pour remplacer un autre juge dont le mandat n'est pas arrivé à terme achèvera la portion du mandat de son prédécesseur qui reste à courir.54(*)

Après avoir abordé systématiquement la nature, la terminologie et la composition de la Cour, il sied alors de comprendre la mission de la Cour à travers ses compétences et ses fonctions.

Section 4ème : Fonctions

Au terme du Protocole, la Cour possède une triple fonction : contentieuse, consultative, et le règlement à l'amiable des différends portés devant elle.

§1. Une fonction contentieuse :

La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés.55(*)

Parfois, en parlant de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, la question de l'application par la Cour des conventions internationales relevant du droit international général (la Charte des Nations Unies, les deux Pactes relatifs aux droits politiques, économiques, sociaux et culturels, la convention sur les droits politiques, économiques, sociaux et culturels, la convention sur les droits de l'enfant) et qui n'ont pas été adopté ou ratifié par les Etats dans le cadre de l'U.A, se pose avec acuité.

En réponse à cette interrogation, il est considéré que si la Cour, aux termes de l'article 2 du Protocole, complète les fonctions de protection assignées à la Commission africaine par la Charte africaine, elle, la Cour prendra en considération les dispositions des articles 60 et 61 de la Charte africaine.

En effet, en lieu et place de la Commission, la Cour s'inspirera du droit international relatif aux droits de l'homme et des peuples, notamment des dispositions de divers instruments africains relatifs aux droits de l'homme et des peuples, des dispositions de la Charte des Nations Unies, de l'Acte de l'U.A., de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme , des dispositions des autres instruments adoptés par les Nations Unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l'homme et des peuples ainsi que des dispositions de divers instruments adoptés au sein d'institutions spécialisées des Nations Unies dont sont membres les parties à la présente Charte.56(*) Plus encore la même Cour, complétant les missions de la Commission, prendra aussi considération, comme moyens auxiliaires de détermination des règles de droit, les autres conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (U.A), les pratiques africaines conformes aux normes internationales relatives aux droits de l'homme et des peuples, les coutumes généralement acceptées comme étant le droit, les principes généraux de droit reconnues par les nations africaines ainsi que la jurisprudence et la doctrine.57(*) (v. dans le même angle l'article 38 du Statut de la CIJ)58(*)

§2. La Fonction consultative de la Cour

Comme la Cour Internationale de Justice, la Cour africaine peut émettre des avis lorsque besoin en est. La demande d'un avis consultatif de la Cour peut prévenir soit d'un Etat membre de l'U.A, soit d'un organe de l'U.A soit de toute organisation africaine reconnue par l'U.A.59(*)

Lorsque l'avis est donné, c'est sur une question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, à condition que l'objet de l'avis ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission. Ceci, nous ne le dirons jamais assez, s'explique par le fait que la Cour ne remplace pas la Commission mais complète ses fonctions.

Par ailleurs, même si les avis de la Cour, pris à la majorité des membres, sont motivés, il n'est pas exclu qu'un juge y adjoigne une opinion individuelle ou dissidente.60(*)

§3. Le Règlement à l'amiable des différents

Selon l'article 9 du Protocole, la Cour peut tenter de régler à l'amiable les conflits avant d'engager une procédure contentieuse et ce conformément aux dispositions de la Charte. (Voir Terminologie : §2, Section 2ème du 2ème Chapitre)

Les fonctions de la Cour ne devraient pas être confondues avec la notion de compétence. Cette dernière, de manière classique, suppose l'étendue de la juridiction de la Cour. Et la juridiction se détermine de cette manière : matériellement, personnellement et temporellement ainsi que territorialement.

Section 5ème : Compétences de la Cour

Comme relevé ci-haut, les quatre compartiments de la compétence de la Cour seront analysés tour à tour : d'abord, la compétence territoriale, ensuite temporelle, puis celle matérielle et enfin personnelle. Cette dernière, disons le à le stade, fera l'objet d'une étude particulière dans la Section suivante relative aux conditions à remplir pour exercer une action devant la Cour africaine.

§1. Compétence territoriale de la Cour (Ratione loci)

Etablie par traité et spécifiquement par Protocole à une convention multilatérale entre souverainetés, la Cour possède une compétence territoriale qui s'étend aux seuls territoires des Etats membres de l'U.A.

Ceci découle de l'interprétation faite de l'article 25 du Protocole relatif à la Charte portant création de la Cour qui prévoit que «  1. le siège de la Cour est établi dans un Etat partie au Protocole par la conférence. La Cour peut toutefois siéger sur le territoire de tout Etat membre de l'OUA sur décision de la majorité de ses membres et avec l'agrément préalable de l'Etat concerne ». Cet article 25 du Protocole peut être lu conjointement avec l'article 1 du même Protocole qui dispose. » Il est créé, au sein de l'Organisation de l'Unité Africaine, une Cour Africaine des droits de l'homme et des Peuples(...), dont l'Organisation, la compétence et le fonctionnement sont régis par le présent Protocole ».

Mais une autre interrogation qui pourrait appeler la notion de ressort et de compétence est celle-ci : une violation incriminée doit-elle avoir été commise sur le territoire d'un des Etats parties pour que la « Cour » soit compétente ? Il n'existe pas dans la Charte l'équivalent de l'article 1er de la Convention européenne des droits de l'homme et selon lequel les Etats garantissent les droits reconnus aux personnes « relevant de leur juridiction ». Mais puisqu'il n'y a aucune limitation quant à l'obligation des Etats parties à la Charte de protéger les droits qu'ils reconnaissent, il faut en déduire que la Commission comme la Cour sont compétentes, même quand la violation imputable à un Etat partie a lieu vis-à-vis d'une « personne protégée » en dehors du territoire national des Etats parties.61(*)

En effet, pour besoin de courtoisie, rappelons que la compétence territoriale ou le ressort territorial consiste dans «  la division administrative dans laquelle la juridiction exerce sa compétence. Elle est, la compétence territoriale, une notion de nature géographie ».62(*)

A l'instar des juridictions internes, la Cour possède aussi une compétence dite temporelle ou ratione temporis.

§2. Compétence temporelle ou ratione temporis de la

Cour

La Compétence temporelle d'une juridiction est comprise comme étant le moment à partir duquel cette juridiction peut connaître d'une affaire, cause ou d'un différent. En d'autres termes, les actes commis avant l'installation de la Cour africaine sont-ils susceptibles d'être appréhendés par celle-ci dans le cadre de sa mission de protection ? Cette question a une grande importance théorique et pratique. Disons que la Charte n'en parle pas, moins encore le Protocole instituant la Cour. Dès lors, il faudra y répondre en se référant aux principes généraux du droit. Et le juge Kéba Mbaye précise que si, en vertu du droit international, le violations de droits de l'homme dont il s'agit constituent des crimes imprescriptibles, il ne faut pas hésiter à accepter que les faits qui les constituent puissent être portés devant la Cour qui aura compétence pour s'en saisir. Mais en dehors de tels cas, la Cour ne peut connaitre à l'égard d'un Etat que de faits constitutifs de violations de droits de l'homme et intervenus depuis que l'Etat en cause est devenu partie au Protocole.

Bien que ne ressortant pas expressis verbis des dispositions du Protocole, la compétence territoriale peut être déduite aussi des travaux préparatoires. Ces derniers nous renseignent que le Protocole portant création de la Cour, même si il a été adopté en juin 1998, il donne compétence à la Cour de connaître d'une affaire qu'à partir de janvier 2004 et intéressant un Etat partie au Protocole seulement.

Mais de quelles affaires il s'agit ? Ou mieux, de quelle nature sont-elles ?

§3. Compétence matérielle ou ratione materiae

La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différents dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etat concernés.63(*) En d'autres mots, ceci veut dire que la Charte protège une multitude et un large éventail de droits. Ceux-ci peuvent être contenus dans la Charte ou dans tout instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat en cause. Le protocole s'inscrit ainsi dans la droite ligne de l'ouverture normative qui a toujours caractérisé le système africain des droits de l'homme. (Article 60 et 61 de la Charte)

Bien plus, la Cour a la compétence d'interprétation des dispositions de la Charte, du Protocole portant sa création et de tout autre instrument relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat intéressé. Plus encore la Cour africaine est compétente pour connaître des litiges relatifs à l'interprétation du protocole relatif aux droits des femmes, découlant de son application ou de sa mise en oeuvre.

Ceci appelle une interrogation, celle de savoir les types des droits que la Cour protège ou les genres de violations qui peuvent être dénoncées devant elle.

Précisons aussi que la description qui va suivre, s'appuiera sur des exemples du travail de la Commission africaine également garante du respect des droits consacrés par la Charte depuis 1988. En effet, pour être contestées, ces violations doivent être commises par un Etat africain postérieurement à la date de ratification du Protocole par ce dernier.

De manière pratique, la Cour africaine juge des violations des droits de l'homme :

A. Les violations de la Charte africaine

A ce stade, il échet tout d'abord de relever un fait : l'originalité de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Même si nous y reviendrons encore plus largement au chapitre suivant, il convient de rappeler que la Charte, contrairement aux conventions européenne et américaine des droits de l'homme, consacre non seulement les droits civils et politiques mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels.64(*)

a. Les droits civils et politiques

Ces droits sont consacrés aux articles 2 à 14 de la Charte. Il s'agit du ou de :

· Droit à la non discrimination (art. 2)

· Droit à l'égalité devant la loi (art.3)

· Droit à la vie et à l'intégrité physique et morale (art. 4)

· Droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine, l'interdiction de toute forme d'esclavage, de la traite des personnes, de la torture physique ou morale et des peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants (art. 5) ;

· Droit à la liberté et à la sécurité de la personne et l'interdiction des arrestations ou détentions arbitraires (art.6) ;

· Droit à ce que se cause soit entendue par la justice et le droit à un procès équitable ; ce qui implique : le droit à la présomption d'innocence ; le droit à la défense ; le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale et le principe de la non- rétroactivité des lois pénales (art.7)

· La liberté de conscience et de religion (art.8)

· Droit à l'information et à la liberté d'expression «  dans le cadre des lois » et le droit à la pratique libre de la religion (article 9) avec clause de réserve ;

· Droit à la liberté d'association conformément aux règles édictées par la loi (contient une clause de réserve) art.10 ;

· Droit à la liberté de réunion (contient une clause de réserve) (art.11)

· Droit à la liberté de circulation à l'intérieur d'un Etat ; le droit à quitter un pays, y compris le sien, le droit à l'asile ; l'interdiction de l'expulsion collective (art. 12)

· Droit à la libre participation à la direction des affaires publiques,et à l'égal accès aux fonctions publiques ; le droit à l'égal accès aux biens et services publics (art.13)

· Droit de propriété (art.14) ;65(*)

Retenons également que l'article 2 de la Charte sur la non discrimination n'est pas une disposition autonome car ne peut être invoquée qu'en application d'un autre droit protégé par le texte.

Une certaine illustration des droits civils et politiques protégés est tirée de la Communication 159/96 concernant la Fédération Internationale des ligues des Droits de l'homme, l'Union Interafricaine des Droits de l'homme, la Rencontre Africaine des Droits de l'homme, l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme au Sénégal et l'Association Malienne des droits de l'homme c/l'Angola.

En 1996, le gouvernement angolais a procédé à l'expulsion brutale des ressortissants ouest-africains présents sur son territoire. Les expulsés ont perdu tous leurs biens au cours de l'opération. Selon la Commission, cet acte viole les droits garantis aux articles 2,7 et 12 de la Charte relatifs au principe de non discrimination et au droit à un procès équitable, les personnes expulsées n'ayant pas eu l'opportunité de saisir les tribunaux pour dénoncer leur traitement.

b) Les droits économiques, sociaux et culturels

Dans une Communication à savoir celle 155/96, Social and Economic Right Action Center c/Nigeria, le plaignant affirmait que l'administration par l'Etat d'un consortium d'exploitation de pétrole causait de graves dommages à l'environnement et, par voie de conséquence, des problèmes de santé parmi la population Ogoni. La Commission a confirmé les violation des articles 16 et 24 de la Charte et a demandé au Gouvernement d'assurer une compensation adéquate aux victimes ; de procéder au nettoyage total des terres et rivières polluées ; d'assurer à l'avenir qu'une évaluation de l'impact social et écologique des opérations pétroliers soit menée.66(*) Par cette décision, la Commission affirmait la reconnaissance d'une protection du droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale tel que prévu par l'article 16 de la Charte. il peut aussi s'agir du :

o Droit de travailleur dans des conditions équitables et satisfaisantes ; du droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes ; du droit au salaire égal pour un travail égal (art.15)

o Droit à l'éducation et le droit des individus à prendre part à la vie culturelle de la Communauté (art.17) ;

o Droit de la famille, des femmes, des personnes âgées ou handicapées à des mesures spécifique de protection (art. 18)

A part les deux catégories des droits de l'homme à savoir ceux économiques, sociaux et culturels ainsi que ceux civils et politiques, la Charte a consacré une autre nouvelle catégorie des droits. Ce sont ceux des peuples qui se retrouvent aux articles 19 à 24 de la Charte.

c) Les droits des peuples :

Ils sont prévus à partir des articles 19 à 24 de la Charte. C'est notamment :

o Le droit des peuples à l'égalité (art.19) ;

o Le droit des peuples à l'existence, à l'autodétermination a pour corollaire le droit des peuples de se libérer de leur état de domination en recourant à tous les moyens reconnus par la communauté internationale ;

o Le droit à l'assistance dans la lutte des peuples pour la libération contre la domination étrangère, qu'elle soit d'ordre politique, économique ou culturel (art. 20) ;

o Le droit des peuples au développement économique, social et culturel (art. 22) ;

o Le droit des peuples à la paix et à la sécurité nationale et internationale (art. 23) ;

o Le droit des peuples à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement (art. 24) ; (voir communication 155/96, Social and Economie Rights Action Center c/ Nigeria). (67(*))

Nous venons de noter que la Charte reconnaît aussi les

droits des peuples et ce, dans une tentative d'associer la tradition des valeurs africaines à la modernité des droits universellement reconnus.

La Charte, cela étant donc d'évidence, est un instrument juridique original, en ce qu'elle comprend des éléments novateurs, liés à l'histoire de la civilisation africaine, tout en s'inscrivant largement dans la continuité des autres instruments régionaux et internationaux visant à la protection des droits de l'homme.

B. Les violations d'autres instruments pertinents de protection des

droits de l'homme.

D'entrer de jeu, l'instrument de protection dont référence est faite doit, à la lettre de l'article 3, être pertinent ou adéquat quant à son objet et à son contenu qui, en ce sens, doivent être relatifs aux droits de l'homme.

Hic, un distinguo s'impose et deux cas de figure se donnent à être observés :

a. Les instruments africains pertinents : Il s'agit notamment de :

§ La Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique adoptée le 10 Septembre 1969, entrée en vigueur le 26 juin 1974 ;

§ La Charte Africaine des droits et du bien être de l'enfant : adoptée en Juillet 1990, entrée en vigueur le 29 novembre 1999.

§ La Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme adoptée le 14 juillet 1999 et entrée en vigueur le 15 janvier 2004 ;

§ Le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples relatifs aux Droits des femmes adopté à Maputo au Mozambique en juillet 2003 et entré en vigueur en novembre 2005.

b. Les instruments internationaux pertinents :

o La Convention sur la prévention et la répression du génocide, 1948

o Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966

o Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 1966.

o La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 1979

o La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984,

o La Convention internationale des droits de l'enfant, 1989,

o La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965.

Notons enfin que la jurisprudence de la Commission s'est d'abord concentrée sur les cas de violations des droits civils et politiques. Malgré l'importance accordée aux droits économiques et sociaux dans le préambule de la Charte africaine et aux articles 15 à 18 de celle-ci, la Commission a d'abord eu la tentation d'écarter l'examen des violations de ces droits craignant d'avoir à traiter trop de cas dans trop de pays. Cette résistance première a cédé petit à petit aux réalités du continent africain rendant nécessaire la prise en compte de tels droits. La Commission affirme depuis l'indivisibilité et l'interdépendance des droits de l'Homme. En 2002, sur plus de 45 cas examinés par la Commission, 15 concernaient différents droits économiques et sociaux garantis par la Charte. (68(*))

Comme pour la Commission, il est de notre avis aussi qu'il faut admettre que la violation de principes communément admis dans le domaine des droits de l'homme devrait aussi servir de base à une action devant la Cour dans la mesure où ces principes peuvent se rattacher à des dispositions précises de la Charte 60 et 6169(*) et énoncent les principes applicables par la Cour aux articles 3 et 7.

Section 6ème : Des conditions de l'exercice de l'action devant la Cour

Parlant des conditions de l'exercice de l'action devant la Cour, il nous plaira d'évoquer en première analyse celles relatives à la qualité, ensuite dans une deuxième approche, celles liées à la recevabilité et enfin, nous aborderons la forme dans quelle la saisine de la Cour doit être faite.

§.1. Les conditions relatives à la qualité

Il s'agira ici de retrouver ceux qui ont le pouvoir et la capacité de saisir la Cour Africaine et les conditions auxquelles ils sont assujettis pour initier une action devant la Cour. Les violations dont la « Cour » peut connaître doivent avoir été commises par un Etat partie. C'est dire que celles imputables à d'autres personnes physiques ou morales (les individus notamment) ne sont pas de la compétence de la Cour.

Aux termes de l'article 5 du protocole, ont qualité pour saisir la Cour :

- La Commission africaine des droits de l'homme et de peuples ;

- Les Etats parties ;

- Les organisations intergouvernementales africaines ;

- Les individus et les ONGDH dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine ;

A. La Commission Africaine des droits de l'Homme et de Peuples

La Commission a toujours la possibilité de saisir la Cour Africaine pour qu'elle se prononce dans une affaire portée à sa connaissance (art. 5.1. a. du Protocole).

Le Protocole, en revanche, ne précise pas les conditions dans lesquelles la Cour peut être saisie par la Commission Africaine. En effet, les questions concernant le moment de la saisine, ainsi que les conditions de celle-ci devraient devoir trouver une réponse.

B. Les Etats parties

Les Etats parties au Protocole ont aussi droit de saisir la Cour Africaine s'ils ont un intérêt dans l'affaire en question. Ceci est le cas pour :

Ø L'Etat partie qui a saisi le Commission (art.5.1.b. du Protocole) d'une affaire qui est ensuite envoyée devant la Cour ;

Ø L'Etat partie contre lequel une requête a été introduite devant la Cour (art. 5.1. c. du Protocole) ;

Ø L'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'Homme (art.5.1.d. du Protocole).

C. Les organisations intergouvernementales africaines

La saisine de la Cour par des Organisations intergouvernementales est une des spécificités de la Cour Africaine par rapport aux autres Cours régionales.

Les organes qui pourront saisir la Cour Africaine en vertu de cet article, comprennent, en plus de l'Union Africaine :

L'Union du Maghreb Arabe, UMA ;

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, CEDEAO ;

L'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, UEMDA ;

La Communauté économique et monétaire d'Afrique Centrale, CEMAC ;

La Communauté Economique des Etats d'Afrique Centrale, CEEAC ;

Le Marché commun de l'Afrique Australe et orientale, COMESA ;

Le Southern African Development Community, SADC ;

La Southern African Customs Union, SACU;

La Communauté de l'Océan Indien, COI ;

La Communauté de l'Afrique de l'Est, CEA ; (70(*))

D. Les organisations Non Gouvernementales (ONG) et les individus

Nous envisageons deux modes de saisine :

a) La saisine directe :

Selon l'article 5.3 du Protocole, « la Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur auprès de la Commission Africaine d'introduire des requêtes directement devant elle ». Cependant, cette possibilité, il faut l'avouer, n'est que facultative car soumise à la volonté préalable de l'Etat accusé de violations des droits de l'Homme. En fait, les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine peuvent saisir directement la Cour si et seulement si l'Etat mis en cause, partie au Protocole, a fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes des individus et ONG.

b) La saisine indirecte :

Il est judicieux de préciser qu'il existe un moyen pour les individus et les ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine de faire connaître à la Cour une violation des droits de l'Homme bien que l'Etat en cause n'ait pas fait la déclaration au titre de l'article 34(6) du Protocole.

Ceux-ci, en effet, peuvent présenter des communications devant la Commission Africaine sans qu'un Etat partie puisse s'y opposer.

Alors, saisie par un individu ou une ONG ayant le statut d'observateur, la Commission peut décider de porter l'affaire devant la Cour Africaine comme expliqué précédemment. Les modalités d'un tel transfert n'ont pas été fixées par le Protocole et dépendront ainsi largement de la volonté de la Commission. Espérons que celle-ci utilise cette faculté, en accord avec la partie requérante, notamment lorsque cette dernière n'a pas la possibilité de saisir directement la Cour car l'Etat en cause n'a pas fait la déclaration au titre de l'article 34(6) du Protocole. Une interrogation subsiste quand même : quelles les garanties sont accordées à la représentation des ONG et individus dans la procédure devant la Cour si celle-ci est saisie par la Commission ?

Nous tenterons d'y réfléchir à l'aune des considérations et du travail réalisé par les deux autres cours régionales au Chapitre suivant.

Entre temps, voyons ce qu'il en est des conditions relatives à la recevabilité des communications.

§.2. Les conditions liées à la recevabilité d'une

communication ou requête

In limine litis, une clarification mérite d'être apportée à ce niveau. Nous évoquerons plus les requêtes émanant des ONG et des individus. Car en effet, dans les systèmes régionaux de protection des droits de l'homme, les situations dans lesquelles un Etat porte plainte contre un autre pour violation des droits de l'homme ne font pas grands cas.

Mais alors, parler des conditions liées à la recevabilité d'une requête revient à analyser les conditions reprises pour qu'elle soit reçue par la Cour. Il s'agira donc, in casu, de s'appesantir sur les conditions qui président à l'examen, par la Cour africaine d'une requête initiée par une ONG ou un individu. Essentiellement, pour décider au respect ou non de ces conditions, la Cour peut s'inspirer des décisions pertinentes de la Commission Africaine qui applique depuis le début de ses travaux les mêmes exigences pour la recevabilité des communications portées devant elle.

L'on peut mentionner à cet égard des conditions générales de recevabilité et celles spécifiques.

A. Les conditions générales de recevabilité

La requête doit être dirigée contre un Etat partie qui a fait une déclaration au titre de l'article 34 (6) du Protocole autorisant une saisine directe des individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine. Elle doit concerner des faits qui relèvent de la juridiction de l'Etat en cause et qui sont postérieurs à la date du dépôt de l'instrument de ratification du Protocole par ledit Etat. Il faut aussi que la ou les violations portent sur l'un des droits garantis par la Charte Africaine ou tout autre instrument régional ou international pertinent relatif à la protection des droits de l'Homme ratifié par l'Etat en question. Toute requête qui déroge à l'une de ces conditions est déclarée irrecevable par la Cour. (71(*))

B. Les conditions spécifiques

Celles-ci sont prévues par l'article 6 du Protocole qui renvoie aux dispositions de l'article 56 de la Charte, relatives aux conditions de recevabilité des communications devant la Commission Africaine telles que présentées ci-après.

A l'occasion, disons que ces conditions, et surtout celle qui exige l'épuisement des voies de recours internes, ont été examinées dans plusieurs affaires devant la Commission, ce qui, d'ailleurs, a permis d'en préciser la portée.

Pour être examinées, les communications émanant des individus et ONG doivent nécessairement remplir les conditions ci-après :

1. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la

Commission de garder l'anonymat.

La Commission, sur base de l'article 56 (1), ne peut retenir aucune requête anonyme. Cette exigence est commune à tous les systèmes régionaux de protection des droits de l'homme (...)

L'obligation de décliner l'identité peut être mal interprétée. On a fait valoir, à tort, que c'est l'identité de la victime ou des victimes, véritables requérants, qui doit être déclinée. La jurisprudence européenne va dans ce sens. (...) En revanche, la jurisprudence du système Africain, par une approche libérale de la disposition sous examen, fournit une interprétation plus conforme à l'objet et au but de la Charte. Ce qui est recherché au stade de la recevabilité, c'est moins l'identité des victimes que celle des personnes par lesquelles les victimes agissent ; identité indispensable en effet, pour le déroulement de la procédure et le suivi du dossier. Ainsi, à l'occasion de l'examen groupé de plusieurs communications concernant les violations des droits de l'homme en Mauritanie (72(*)), la Commission a précisé que si les auteurs des communications doivent décliner leur identité, il n'est pas requis qu'ils soient personnellement victimes ou que des membres de leur famille le soient. (...)

Il n'est donc pas nécessaire que les noms des victimes soient indiqués, l'identité de la personne physique ou morale agissant en leur nom suffit.

L'obligation d'indiquer l'identité du requérant vise à faciliter la correspondance entre la Commission et le requérant en vue du suivi de la procédure pour une protection effective des droits de l'homme et des peuples. (73(*))

2. La requête est recevable si elle est compatible avec l'Acte constitutif de l'Union Africaine et la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples.

Pour être recevable selon l'article 56 (2) de la Charte, la requête doit invoquer des dispositions de la Charte Africaine et/ou des dispositions de l'Acte constitutif de l'U.A. supposées avoir été violées (74(*)). Soulignons que le Protocole de la Cour, contrairement aux dispositions de la Charte relatives à la Commission, admet également comme recevable les requêtes fondées sur la violation d'un instrument international de protection des droits de l'homme ratifié par l'Etat en cause. (75(*))

3. L'obligation de courtoisie 76(*)

La requête est recevable si elle ne contient pas des termes outrageants ou insultants à l'égard de l'Etat mis en cause de ses institutions ou des l'Union Africaine. Conformément à l'art. 56 (3) de la Charte, l'auteur de la communication doit indiquer les éléments de son dossier sans insulter quiconque. La Commission africaine a explicité cette condition à l'occasion de l'affaire ligue Camerounaise les droits de l'Homme c. Cameroun. La requête de la Ligue a été déclarée irrecevable au motif qu'elle contenait des termes outrageants et insultants à l'encontre de l'Etat Camerounais mis en cause et ses institutions.

Cette communication contenait des termes tels que : « Paul Biya [alors chef d'Etat Camerounais] doit répondre des crimes contre l'humanité », « trente années d'un régime néo-colonial, criminel, incarné par le duo Ahdjo-Biya », « régime tortionnaire » et « barbarismes gouvernementaux ». La Commission en arrive à la conclusion que les allégations de la Ligue sont un ensemble de violations graves de la Charte. Il s'agit là, relève-t-elle, des termes insultants et outrageants. (77(*)).

4. La requête est recevable si elle ne se limite pas exclusivement à des informations diffusées par des moyens de communication de masse

Cette exigence est visée à l'article 56 (4) de la Charte. Elle tend à éviter que certains plaignants ne se fondent sur de simples allégations voire de fausses informations sans en vérifier la véracité.

Communication 147/95 et 149/96- Sir Dauda K. Jawara C/Gambie.

Le gouvernement soutenait que la communication devrait être irrecevable parce qu'elle était basée exclusivement sur des informations diffusées par les médias. Selon la Commission : « Tout en étant peu commode de se fier exclusivement aux nouvelles diffusés par les moyens de communication de masse, il serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une communication parce que certains aspects qu'elle contient sont basés sur des informations ayant été relatées par les moyens de communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise l'expression « exclusivement ». Il ne fait point de doute que les moyens de communications de masse restent la plus importante, voire l'unique source d'information. Le génocide au Rwanda, les violations des droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo pour n'en citer que quelques uns, ont été révélés par les moyens de communication de masse. La question ne devrait donc pas être de savoir si l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt si cette information est correcte. (78(*))

5. L'exigence d'épuisement préalable des voies de recours internes

a. Principe : Cette exigence posée par l'article 56 (5) de la Charte est

celle qui pose le plus de difficultés. L'épuisement des voies de recours internes suppose qu'une affaire concernant la violation d'un droit de l'Homme doit passer par tous les niveaux de juridiction nationaux avant de pouvoir être portée devant la Cour. Cette condition de recevabilité se retrouve également devant la Cour européenne et la Cour interaméricaine. Elle est « fondée sur le principe qu'un gouvernement devrait être informé des violations des droits de l'Homme afin d'avoir l'opportunité d'y remédier avant d'être appelé devant une instance internationale ».

La Commission qui pratique les mêmes critères de recevabilité que la Cour a, à plusieurs reprises clarifié la notion d'épuisement des voies de recours internes.

b. Définition : La Commission a précisé que les recours internes dont fait mention l'article 56 de la Charte comprennent les « recours introduits devant les tribunaux d'ordre judiciaire », y compris toutes les possibilités d'appel. Si le plaignant n'a pas fait appel d'une décision dans les délais fixés par les lois, la Commission considère que la communication est irrecevable.

Cette exigence emporte deux considérations qui, avant d'être élucidées, seront précédées d'une jurisprudence de la Commission. Il s'agit de la communication - 221/98, Alfred B. Cudjoe C/Ghana.

Dans cette affaire, le requérant invoquait la résiliation abusive de son contrat de travail à l'ambassade du Ghana en Guinée. La Commission a estimé qu'il n'était pas suffisant que le requérant ait déposé une plainte devant la commission ghanéenne des droits de l'Homme. La saisine de cette instance non judiciaire aurait dû se prolonger par une action devant les tribunaux, et puisque cela n'avait pas été fait, la communication portée devant la Commission a été jugée irrecevable.

De ce fait, il se comprend donc que :

· La première considération est que les recours internes sont épuisés si tous les degrés de juridictions ont été utilisés dans le système national. Corollairement, si une affaire est portée devant les juridictions internes, et que la procédure est toujours en cours au moment de l'examen de la requête par la Cour, les recours internes ne sont pas épuisés.

· C'est au requérant de mettre à la disposition de la Cour toute information concernant l'épuisement des recours internes. Le requerrant à la charge de la preuve initiale, c'est-à-dire qu'il doit mettre à la disposition de la Cour les informations nécessaires pour prouver que les voies de recours internes ont été épuisées.(...).

D'un point de vue éminemment pratique, il est recommandé aux plaignants de toujours joindre aux requêtes les copies des décisions des juridictions nationales. (79(*))

En revanche, certains tempéraments ont été apportés à cette règle d'épuisement préalable des voies de recours internes.

c. Exceptions ou tempéraments à la règle de l'épuisement des voies de recours internes

Dans certains cas la commission a eu à déclarer recevables certaines requêtes même si les voies de recours n'ont pas été épuisées. En ce cas, elles ont été considérées comme inapplicables, indisponibles, inefficaces ou discrétionnaires et/ou inaccessibles.

Pour le Professeur Moïse CIFENDE, il est judicieux que ces tempéraments soient repartis en deux catégories. Dans une première, l'on retrouvera ce qu'il qualifie « tempéraments d'origine conventionnelle au principe de l'épuisement des voies de recours internes : la disponibilité et la diligence » (80(*)). Et dans une seconde, il convient de parler des tempéraments jurisprudentiels à la règle de l'épuisement des recours internes : inaccessibilité des victimes aux recours internes, inefficacité de ces recours, et absence d'obligation d'épuiser des voies de recours non juridictionnelles mieux, non ordinaires.

Lorsque la Cour Africaine considère que les recours internes sont inapplicables ou inefficaces (s'ils n'offrent pas des perspectives de réussite), indisponibles (lorsqu'ils ne peuvent être utilisés sans obstacle par le requérant) ou discrétionnaires, la condition de leur épuisement n'est plus nécessaire pour que la requête soit jugée recevable. La Commission s'est appuyée sur de nombreuses situations particulières pour recevoir sur ces fondements de multiples communications.

Ainsi, lorsque :

1) Les violations sont graves et massives : « La Commission n'a jamais considéré que la condition d'épuisement des voies de recours internes s'appliquait à la lettre lorsqu'il n'est ni pratique ni souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux nationaux dans le cas de chaque violation Cela est le cas dans les présentes communications étant donné l'ampleur et la diversité des violations des droits de l'Homme : ONGS C/Zaïre (1989 et 1993) ; Communication 18/88, El Hadj Boubacar Diawara c/Bénin ; Communication 135/94, Kenya Human Rights Commission c/Kenya, rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme c/Zambie.

2) L'Etat d'urgence entrave l'administration de la justice : Dans la Communication 129/94 Civil Liberties Organisation c/ Nigéria, le plaignant soutenait que l'application normale de la loi avait été rendue difficile à cause de l'état d'urgence décrété dans le pays. Du fait de la situation politique qui prévalait au Nigéria, la Commission a jugé recevable la communication estimant qu'en pareil cas, « la procédure de recours internes serait trop longue, mais qu'elle ne produirait aussi aucun résultat ».

3) L'existence de clauses dérogatoires empêche tout recours : Dans le cas de l'existence de clauses dérogatoires qui interdisent aux tribunaux d'examiner des décrets et des décisions de la branche exécutive, la Commission a considéré que ces clauses rendent les recours internes « inexistants, inefficaces ou illégaux ». C'était notamment le cas au Nigeria dans les années 1990, où le gouvernement militaire a adopté une série de clauses dérogatoires.

4) L'épuisement des recours internes n'est pas « logique » :

Le plaignant n'est pas obligé d'épuiser les recours internes quand cela ne paraît pas « logique ». Cela est le cas dans lequel la commission a considéré qu'un plaignant qui s'était évadé d'une prison du Ghana et réfugié en Côte d'Ivoire et qui prétendait que sa détention était illégale, n'avait pas, compte tenu de la nature de la plainte, à retourner dans son pays d'origine pour porter son cas devant les tribunaux ghanéens. Ainsi, la communication a été jugée recevable.

5) L'accès à la justice est inéquitable.

6) Les recours internes sont inefficaces ou inaccessibles :

Dans les affaires où la victime d'une violation des droits de l'Homme a été contrainte à fuir son pays, la Commission considère qu'elle n'est pas obligée d'épuiser les voies de recours internes. Dans la Communication Right International c/ Nigeria, un étudiant avait été arrêté et torturé dans un camp de détention militaire au Nigeria. La commission a estimé que « dans un cas particulier, la Commission a trouvé que l'étudiant était dans l'incapacité de faire usage d'une quelconque voie de recours interne, suite à sa fuite en République du Bénin par peur pour sa vie et de l'octroi du statut de réfugié par les Etats-Unis d'Amérique ». (81(*))

7) L'épuisement des recours non-judiciaires n'est pas nécessaire :

Selon la jurisprudence de la Commission, à savoir celle tirée de l'affaire Avocats sans frontières (pour le compte de Gaëtan Bwampanye) c. BURUNDI, le requérant n'est tenu d'épuiser que les recours juridictionnels, c'est-à-dire ceux qui lui sont offerts par la loi comme un droit et non comme un privilège de l'exécutif, et les recours ordinaires (82(*)).

6. Le requête est recevable si elle est portée à la connaissance de la Cour

dans un délai raisonnable

Aux termes de l'article 56 (6) de la Charte, la requête doit, pour être recevable, être introduite devant la Commission dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine. La Charte ne précise pas le délai contrairement au système européen qui oblige le requérant à agir, sous peine de forclusion, dans un délai de six mois, à partir de la date de la décision interne définitive. (83(*))

7. La requête ne doit pas concerner des cas déjà réglés par d'autres mécanismes internationaux pertinents ou par la Charte Africaine.

La règle vise à éviter des communications à répétition et la contrariété des jugements ou de décisions de diverses instances internationales de protection des droits de l'homme et des peuples. Elle vise également à ne pas ériger la Commission en censeur d'autres institutions internationales de protection. (84(*)) Ainsi la Communication 69/92 Amnesty international c/ Tunisie a été déclarée irrecevable par la Commission africaine, celle-ci étant déjà en cours d'examen conformément à l'article 1503 du règlement des Nations Unies. (85(*))

Ce principe repose sur les règles « Res judicata pro veritate accipitur » et « Non bis in idem ».

Après avoir rempli toutes les conditions susmentionnées, vient l'étape où le requérant s'interroge sur la manière et la forme dans laquelle ou sous laquelle la communication sera introduite devant la Cour. Ceci nous amène donc à parler de comment saisir la Cour ou mieux des conditions liées à la forme d'exercice de l'action.

§.3. Les conditions relatives à la forme de la communication

Pour saisir la Cour conformément aux articles 5.3 et 34 (6) du Protocole, la requête d'un individu ou d'une ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine doit réunir certains éléments. Le dossier dûment complété et à envoyer aux services de la Cour doit satisfaire aux exigences suivantes :

1. Remplir la fiche signalétique du plaignant (ONG ou individu)

Voici comment elle se présentera :

- Non / Organisation ..............................................................................

- Age / Statut légal..................................................................................

- Nationalité............................................................................................

- Fonction, Profession / Mandat...............................................................

- Adresse ...............................................................................................

- E-mail : ...............................................................................................

Et s'il y a plus d'un requérant (individu ou DNG qui saisit la Cour), donner pour chacun d'eux les renseignements requis. Indiquer aussi si le requérant souhaite que son identité ne soit pas révélée et si le requérant est représenté légalement. Dans ce cas, fournir à la Cour une procuration ou un pouvoir écrit. Enfin, indiquer, si le requérant est une ONG, la date d'obtention du statut d'observateur auprès de la Commission africaine.

2. Désigner l'Etat contre lequel la plainte est déposée.

A ce niveau, il faut s'assurer que l'Etat en question est partie au Protocole et qu'il a fait une déclaration au titre de l'article 34 (6) acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes des individus et des ONG.

3. Décrire la violation des droits de l'Homme alléguée.

Il est faite obligation au requérant d'expliquer avec autant de détails que possibles les faits dénoncés, en précisant avec minutie les circonstances, le lieu, l'heure et la date de la violation. A cet effet, il faudra s'assurer que la violation a été commise à une date postérieure au dépôt de l'instrument de ratification du Protocole par l'Etat mis en cause. Si les griefs portent sur plusieurs affaires distinctes, il convient de traiter chaque affaire séparément.

4. Préciser l'urgence de l'affaire : revient à préciser s'il y a des risques de pertes de vie ou de graves dommages physiques si l'affaire n'est pas traitée immédiatement. Préciser la nature de l'affaire et les raisons pour lesquelles elle nécessite une action immédiate de la part de la Cour se comprend au compte de cette autre obligation. En conséquence, ces éléments peuvent mener la Cour à prendre des mesures provisoires.

5. Indiquer les dispositions de la Charte Africaine (ou d'un autre instrument

des droits de l'Homme ratifié par l'Etat en cause) prétendument violées.

En revanche, si le requérant n'est pas sûr des articles spécifiques, il ne convient pas de le mentionner. Il ne s'agit pas d'une condition de recevabilité.

6. Donner les noms et titres des autorités qui auraient commis la

violation. Il conviendra, s'il s'agit d'une institution, de mentionner le nom de l'institution ainsi que celui de son responsable.

7. Préciser s'il y a des témoins.

S'il y en a, prendre soin d'indiquer les noms, adresses, et, si possible, les numéros de téléphone des témoins.

8. Fournir toutes pièces justificatives alléguées (pas d'originaux, seulement des copies)

Il est requis au demandeur de joindre, par exemple, des lettres, documents juridiques, photos, rapports d'autopsies, enregistrements, etc., qui peuvent prouver les violations.

9. Préciser les voies de recours internes exploitées.

A cet effet, indiquer notamment les tribunaux internes saisis en joignant à la requête des copies des arrêts et décisions etc.

10. Indiquer les voies de recours non-exploitées.

Expliquer pourquoi elles n'ont pas été utilisées, en se fondant sur les exceptions au principe d'épuisement des voies de recours internes, est une obligation qu'il faut remplir.

11. Préciser si d'autres organes internationaux sont saisis de l'affaire

Cette exigence emporte l'obligation d'indiquer si l'affaire a été soumise à un autre organe international des droits humains en précisant l'organe en question et le stade d'avancement du dossier.

12. Dater et signer.

En cas de saisine individuelle, le document doit être signé par le requérant ou son représentant. Et en cas de saisine par une ONG, le document doit être signé par une personne habitée à représenter l'organisation ou par son représentant.

En conclusion, attirons l'attention sur le fait que les éléments

ci-avant à fournir à la Cour peuvent fonder l'irrecevabilité de la requête.

Bien aussi, la fiche type, il convient de le signaler, se fonde sur le formulaire de dépôt des requêtes devant la Cour européenne des droits de l'Homme et reprend plusieurs éléments des « Lignes directrices pour la présentation de communications auprès de la Commission africaine ». Il est à préciser que cette même fiche peut être utilisée pour rédiger une communication individuelle à destination de la Commission africaine lorsque l'Etat mis en cause n'a pas ratifié le Protocole ou n'a pas fait la déclaration au titre de son article (34 (6) permettant une saisine directe de la Cour. Dans ce dernier cas, le requérant peut préciser aux commissaires sa volonté de voir son cas examiné par la Cour (86(*)).

Voilà, exposés les éléments importants en faveur de la recevabilité d'une requête. Il reste maintenant à savoir comment un procès se déroule devant la Cour africaine, étude qui fera l'objet de la Section suivante.

Section 7ème : Le déroulement du procès devant la Cour

Africaine

Disons d'emblée que les questions détaillées touchant au déroulement du procès et mieux, aux éléments d'ordre procédural sont fixé dans le règlement intérieur de la Cour. L'approche qui marquera notre analyse sera éminemment de source du Protocole créant la Cour.

En effet, si aux termes de l'article 8 du Protocole « la Cour fixe dans son règlement intérieur les conditions d'examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de la complémentarité entre elle et la Commission », ces deux institutions, bien qu'examinant les mêmes types de violations des droits de l'homme sont fondamentalement différentes sur un point, au bout du compte, le plus essentiel : la judiciarisation de la procédure d'examen des requêtes. (87(*))

Au vrai, la judiciarisation de la procédure d'examen des requêtes permet la transparence dans le traitement des affaires, l'égalité des parties et leur représentation, selon les principes généraux du droit à un procès équitable reconnus par les traités régionaux et internationaux des droits humains.

La procédure va de la recevabilité des requêtes qui est la phase préliminaire et préalable au traitement proprement dit de l'affaire.

§.1. La recevabilité de la requête

Première étape de l'examen des requêtes, la recevabilité a pour objet d'examiner si les conditions générales et spécifiques sont toutes remplies. Dans l'affirmative, la Cour Africaine déclare la (les) requête (s) recevable (s). Dans la négative, elle les déclarera irrecevables et n'examinera donc pas la question concernant le fond, soit savoir s'il y a eu ou pas violation des droits de l'Homme par un Etat partie.

Par ailleurs, pour faciliter l'examen de la recevabilité de la requête, la Cour peut solliciter l'avis de la Commission africaine conformément à l'article 6 (1) (88(*)) du Protocole.

Ayant déclaré la requête recevable, la Cour en vient alors à l'étape suivante : l'analyse du fond de l'affaire.

§.2. Le traitement de l'affaire

Une fois la requête ayant été jugée recevable par la Cour, celle-ci a le choix entre renvoyer le cas porté à sa connaissance devant la Commission Africaine ou le traiter au fond. Si la Cour décide de la traiter au fond, elle peut soit tenter un règlement à l'amiable, soit examiner le cas au contentieux.

A. Le règlement à l'amiable

Selon l'article 9 du Protocole, « La Cour peut tenter de régler à

l'amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte ». Cette préconisation rejoint la pratique de la Commission Africaine qui a aussi pour mandant d'essayer par tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l'Homme et des Peuples » (article 52 de la Charte) 89(*).

B. La procédure contradictoire de l'examen de l'affaire

Lorsque la Cour juge utile de ne pas tenter un règlement à l'amiable ou si celui-ci échoue, les juges procèdent à l'examen contradictoire de l'affaire. Le caractère contradictoire de cet examen se révèle plus en ce qui concerne les preuves apportées par les parties.

a. Les preuves

La procédure d'examen des requêtes étant principalement d'ordre contradictoire, les parties doivent apporter la preuve de ce qu'elles avancent devant la Cour. Ceci qui implique que les parties ont le droit de prendre connaissance de toutes les preuves proposées par l'autre partie et de tenter de les réfuter.

En Afrique, outre le droit islamique et le droit coutumier, coexistent deux grands systèmes juridiques hérités du passé colonial : la common law ou le droit d'origine anglo-saxone, appliqué dans la majorité des pays anglophones, et le civil law ou le droit continental, d'origine européenne, ou romano germanique appliqué dans les pays francophones.

Ces deux systèmes se distinguent pas leur mode procédural : le premier utilise un mode contradictoire où le juge, arbitre, laisse l'instruction de l'affaire aux parties placées à égalité ; le second s'exécute sous un mode inquisitorial, le juge menant lui-même l'instruction de l'affaire.

La procédure devant la Cour africaine, en effet, s'inspire majoritairement de la procédure anglo-saxone, tout en retenant des éléments du droit continental. C'est donc un mode mixte, différent des systèmes nationaux.

Par ailleurs, la Cour reçoit tous les moyens de preuves qu'elle juge appropriés. (Article 26 du protocole). Elle reçoit donc les preuves écrites (lettres, copies de textes de lois, décisions des tribunaux ou des autorités exécutives, articles de presse, rapports d'experts), des photos et aussi des témoignages des victimes ou d'autres témoins susceptibles d'éclairer les faits.

Bien plus, la Cour peut, à la lumière de l'article 26 (1) du Protocole, décider de faire une enquête si elle l'estime à l'examen de l'affaire. Concrètement, la Cour peut dépêcher une mission sur les lieux des exactions pour apporter ses propres preuves à la procédure. Ceci suppose donc des moyens financiers conséquemment importants que l'Union Africaine doit lui accorder (90(*)).

En résumé des précédents, nous pouvons dire que le principe de l'examen contradictoire exige que toutes les preuves envoyées par une partie à la Cour, soient également portées à la connaissance de l'autre partie, et que celle-ci ait le temps nécessaire pour y répondre.

b. Les audiences

La procédure contradictoire d'examen de l'affaire consiste aussi dans les confrontations pendant les audiences.

Une fois terminé le va-et-vient des moyens de preuve, la Cour prévoit des audiences pour confronter les parties devant les juges. Comme en droit national, les audiences de la Cour sont publiques. La Cour peut néanmoins décider de tenir les audiences à huis clos, dans des conditions qui sont prévues dans le règlement intérieur. (91(*)) Contrairement à la Cour, la Commission tient ses audiences à huis clos. Ici, la procédure est simplifiée par rapport à la procédure devant des organes judiciaires. Elle ne suit pas complètement le mode contradictoire. L'ONG ou l'individu qui a déposé la plainte a normalement 15 à 20 minutes pour présenter ses arguments. L'Etat mis en cause a un peu plus de temps, mais rarement plus d'une heure. Les membres de la Commission posent ensuite des questions, ce qui peut durer plusieurs heures. Les parties n'ont pas la possibilité de se poser mutuellement des questions.

A la Cour, lors des audiences orales organisées au cours des sessions de la Cour, chaque partie a la possibilité de faire venir des victimes et des témoins. Et en vertu du principe du contradictoire, la partie adverse peut tenter de récuser leur déposition en procédant à leur examen. Retenons cependant que les détails de cette procédure sont établis dans le Règlement Intérieur de la Cour.

Caractéristiques essentielles du droit à un procès équitable, le contradictoire et la représentation ainsi que l'assistance des parties vont de pair.

c. La représentation légale des parties

« Toute partie à une affaire a le droit de se faire représenter par le

conseil de son choix ». Et dans les circonstances où les parties n'ont pas les moyens financiers d'avoir un avocat, « une représentation, ou une assistance judiciaire, peut être gratuitement assurée dans les cas où l'intérêt de la justice l'exige »

C. L'arrêt de la Cour

Lorsque, suffisamment éclairés et les audiences terminées, les juges se retirent délibèrent en privé et rendent leur décision dans les quatre-vingt (80) jours qui suivent la clôture de l'affaire. Aussi, les arrêts de la Cour sont pris à la majorité des juges, en précisant que l'arrêt de la Cour est définitif et ne peut faire l'objet d'appel. (92(*))

Il sied d'ajouter le fait que l'arrêt est prononcé en audience publique, les parties étant dûment prévenues. (93(*))

Section 8ème : Des décisions de la Cour et de leur portée

A l'opposé des communications de la Commission, les décisions de la Cour ont une force obligatoire même si leur exécution dépend la volonté des Etats.

La Cour peut prendre différents types de décision.

§.1. Types de décisions

Dans sa compétence contentieuse, la Cour peut prendre des décisions à deux moments différents de la procédure :

- pendant l'instruction, elle peut prendre des mesures provisoires (A) ;

- Une fois l'instruction terminée et afin de clore la procédure, elle rend des arrêts (B).

A. Les mesures provisoires

Pendant l'instruction, dans des cas d'extrême gravité ou d'urgence et afin d'éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour peut ordonner des mesures provisoires.

L'on entend par mesure provisoire, une mesure prise par le juge pour la durée d'un procès afin de régler momentanément une situation urgente en attendant une décision définitive. Un exemple concret peut être la suspension de l'exécution d'une sentence telle que la peine de mort.

Une question surgit, celle de savoir si les Etats, au regard de l'article 30 du Protocole (94(*)) exécuteront volontairement les décisions de la Cour et, in specie, une mesure provisoire prise par elle. Tout ce que nous souhaitons est que l'expérience de la Commission ne se refasse pas pour la Cour.

En effet, en la faveur de l'écrivain et militant Ogoni Ken Saro Wiwa, arrêté le 22 mai 1994 avec des centaines d'autres personnes affiliées au Mouvement pour la survie du Peuple Ogoni (MOSOP), des communications ont été déposées auprès de la Commission Africaine en automne 1994 contestant ces arrestations. Peu après, un tribunal nigérian condamne à mort Saro-Wiwa et ses 8 co-accusés à la suite d'un procès présentant plusieurs irrégularités au regard du droit à la défense. A ce faire, l'ONG constitutional Rights Projecta a présenté en urgence un supplément aux communications, demandant à la Commission d'arrêter des mesures conservatoires afin d'éviter l'exécution des condamnés. Le secrétariat de la Commission a tout de suite adressé une note verbale au gouvernement, soulignant que l'affaire est en cours devant la Commission et appelle les autorités nigérianes à suspendre l'exécution jusqu'à ce que la Commission débatte avec elles de l'affaire. (95(*))

Malgré cette injonction, l'exécution est intervenue le 10 novembre 1995.

B. Les arrêts de la Cour

L'arrêt est un terme qui désigne une décision de justice rendue, soit par une Cour d'appel, soit par la Cour de Cassation ou Cour suprême de Justice, soit par les juridictions administratives autres que les tribunaux administratifs. (96(*))

Nous avions dit plus haut que la Cour rend sa décision par un arrêt pris à la majorité des juges. Cet arrêt a force obligatoire pour les Etats, contrairement aux communications de la Commission. Nous estimons que les décisions de la Cour Africaine, considérées comme exécutoires, doivent être prises en compte par les juridictions nationales comme des jugements de référence faisant partie de la jurisprudence. In aliis verbis, un justiciable peut se prévaloir devant les tribunaux de son Etat des arrêts de la Cour Africaine pour contester une violation des droits de l'Homme.

Entrons un peu dans les détails et tentons de revenir sur certains éléments de l'article 28 à savoir :

a) L'arrêt doit être rendu dans les quatre-vingt (80) jours après la fin de l'instruction et prononcé en audience publique :

La limite des quatre-vingt jours a pour but de résoudre le délai souvent trop important (parfois plus d'un an) entre la fin de l'instruction et la publication de la communication de la Communication de la Commission africaine. Un autre élément est le fait que la Cour rende sa décision en audience publique. C'est également une réponse aux événements de la Commission Africaine qui annexe simplement ses décisions à son rapport annuel sans que les parties concernées ne soient assurées d'en recevoir une copie. L'article 29 du Protocole de la Cour spécifie que non seulement les parties en cause doivent être mises au courant mais aussi que l'arrêt doit être transmis aux Etats membres de l'Union africaine, à la Commission et au Conseil des ministres.

b) L'arrêt est motivé et définitif : L'arrêt, au pied de l'art. 28 (6) du protocole, doit être motivé. Il est définitif et ne peut faire l'objet d'un appel. Tout juge peut joindre son opinion individuelle ou dissidente à la décision majoritaire de la Cour africaine l'amenant à prendre sa décision. Ceci est à mentionner car, par le passé et en particulier au début de son exercice, la Commission africaine a parfois rendu des communications sans référence aux faits jugés et sans raisonnement d'ordre juridique.

c) L'arrêt peut être révisé et interprété : En cas de survenance de preuves dont elle n'avait pas connaissance au moment de sa décision et dans les conditions déterminées dans le règlement intérieur, (97(*)) la Cour africaine peut réviser son arrêt. Une révision ne peut être faite qu'en cas de découverte d'un fait qui, par sa nature, aurait pu influencer la décision de la Cour et qui, à l'époque de l'affaire était inconnu.

Quant à l'interprétation de son arrêt, elle est seule compétente pour le faire (98(*)).

En ce qui concerne la question de savoir qui peut saisir la Cour pour une demande en révision ou en interprétation de l'arrêt, une incertitude demeure. Nous pensons, en bonne logique, qu'il devrait s'agir des parties à l'affaire. (99(*))

d) L'arrêt peut exiger des réparations : Si la Cour considère qu'il y a violation d'un droit garanti par la Charte, elle « ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d'une juste compensation ou l'octroi d'une réparation ». (100(*)). L'exécution de l'arrêt stricto sensu porte sur la situation individuelle de la personne lésée dans ses droits. Il s'agit soit de verser de l'argent en réparation du dommage subi, soit encore de pendre des mesures particulières propres à mettre fin à la violation des droits lorsque le droit interne le permet, tel est l'exemple si la Cour ordonne l'abrogation d'un acte administratif. (101(*))

Après avoir étudié la procédure devant la Cour et tous les éléments qu'elle comprend, il nous paraît opportun de nous appesantir un moment sur la question de l'exécution des arrêts de la Cour qui, à la lumière de moult considérations, fait et fera couler beaucoup d'encres et de salives.

C. L'exécution des décisions de la Cour

L'exécution des décisions mesures provisoires et arrêts est obligatoire mais volontaire. En effet, l'obligatoriété d'une décision de justice postule quelque coercition pour son exécution, tandis que l'intervention de la volonté implique la notion « des conventions » et des effets qu'elles créent. Bien que liant les parties et eu égard à l'idée en droit international public du « pacta sunt servanda » les conventions sont à l'antipode de la contrainte. D'ailleurs les deux expressions véhiculent, à notre sens, des notions et des idées opposées. C'est un peu comme en droit commercial avec le concept de commerce et de philanthropie, « le premier étant à l'antipode du second », et paraphrasant cette expression, il découle que jamais l'esprit caritatif ne pourra faire route ensemble avec celui du lucre. Mêmement, le volontaire exclura toujours d'une façon ou d'une autre l'idée de la contrainte.

En revanche, au-delà de cette guerre notionnelle acharnée, le Protocole est là et a posé le principe : l'exécution des arrêts par les Etats est obligatoire mais volontaire : C'est en tout cas l'envers de l'affaire du Lotus qui avait pris soin de réaffirmer que « les règles de Droit liant les Etats procèdent à la volonté de ceux-ci » (102(*)).

En effet l'article 30 dispose : « les Etats parties au présent protocole s'engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l'exécution dans le délai fixé par la Cour ». Aucune mesure de contrainte n'est prévue pour le moment dans le Protocole pour assurer leur exécution. L'on s'accorde à considérer que pour un Etat partie à un litige, « se conformer » à un arrêt rendu consiste à l'exécuter de bonne foi et volontairement.103(*)Cette dernière exigence découle notamment de ce que dépourvues de formule exécutoire, les arrêts de la (...) « Cour Africaine » ne vaudront pas titre exécutoire. « Déclaratoires pour l'essentiel », ils n'auront d'effet dans le droit interne d'un Etat qu'à travers un acte d'exécution.

Néanmoins, le fait pour la Cour de rendre publique sa décision et de l'envoyer aux Etats membres de l'Union africaine et au Conseil des ministres constitue un moyen de pression important difficilement négligeable par les Etats condamnés. De la même manière, en faisant circuler et connaître les décisions de la Cour, les ONG peuvent agir sur la réputation et l'image internationale de l'Etat ne respectant pas la décision de la Cour. (104(*))

Le Protocole, plus loin a pris le grand soin de confier le suivi de l'exécution des arrêts de la Cour au conseil des ministres de l'Union Africaine. (105(*)) Celui-ci peut adopter des directives ou règlements qui ont force obligatoire afin de faire pression sur les Etats récalcitrants.

Notons toutefois avec Mr. SIDIKI KABA qu'il est dommage que le suivi de l'exécution des arrêts sorte de la sphère judiciaire pour entrer dans le domaine politique. Précisons que le conseil des ministres est composé de l'ensemble des ministres de l'Union Africaine. Paradoxalement, ceci permet aux ministres des Etats non parties au Protocole d'avoir la responsabilité du suivi des exécutions des arrêts de la Cour.

Plus loin, nous verrons comment l'exécution des arrêts des deux cours européenne et interaméricaine se réalise. Un petit bonheur pour la Cour africaine consiste en ce qu'elle peut adresser un rapport annuel qui spécifie les cas d'inexécution de ses décisions.

D. Le Rapport

La Cour soumet à chaque session ordinaire de la Conférence un rapport annuel sur ses activités. Le rapport fait état en particulier des cas où un Etat n'aura pas exécuté les décisions de la Cour (106(*)).

L'on ignore si cette exigence peut amener la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, l'organe suprême de l'Union africaine, à exiger des Etats l'exécution des arrêts de la Cour ou s'il s'agit toujours de faire pression sur la réputation d'un Etat.

Voyons enfin la place qui est réservée pour victimes dans la procédure devant la Cour.

Section 9ème : La place des victimes dans la procédure devant la Cour

Le Protocole portant création de la Cour africaine réserve une place importante aux victimes en leur octroyant participation, représentation, protection et réparation.

§.1. La participation des victimes

A. La saisine de la Cour par les victimes

Les individus victimes d'un violation d'un droit reconnu par la

Charte africaine ou par un autre instrument de protection des droits de l'Homme ratifié par l'Etat en cause, peuvent directement saisir la Cour, si cet Etat a fait une déclaration au titre de l'article 34 (6) du Protocole. Notons que le droit de saisir la Cour n'est pas limité aux victimes directes de la violation. Il revient aux individus (victimes ou non) et aux ONG (victimes ou non) ayant le statut d'observateur auprès de la Commission africaine de saisir la Cour en leur nom ou au nom de la victime. Lorsque les requérants, victimes ou non, saisissent directement la Cour, ils acquièrent le statut de « partie » à la procédure, bénéficiant d'un rôle prépondérant dans le procès et des garanties de représentation et de protection énoncées dans le Protocole.

Rappelons qu'en vertu de l'article 55 de la Charte, les victimes ont donc une possibilité de saisine indirecte de la Cour, à travers la Commission africaine. Signalons qu'il est peu probable que les victimes ou leurs représentants aient le statut de partie devant la Cour conformément aux droits garantis par une saisine directe (107(*)).

B. La représentation légale des victimes

Les victimes, en tant que parties à une affaire, ont le droit de

se faire représenter par le conseil juridique de leur choix (art. 10) (2) du Protocole). L'article 10 (2) du Protocole précise qu'une représentation ou une assistance judiciaire peut être gratuitement assurée dans les cas où « l'intérêt de la justice l'exige », notamment lorsque les parties n'ont pas les ressources nécessaires pour financer l'aide d'un avocat ou de tout autre conseiller juridique.

C. Le rôle des victimes parties dans la procédure

Dans la mesure où les victimes ont saisi directement la Cour, elles acquièrent le statut de partie dans l'affaire au même titre par exemple que l'Etat contre qui la requête est adressée. Elles ont ainsi le droit et le devoir d'apporter la preuve des faits allégués devant la Cour et le droit de se faire communiquer et de réfuter toutes les preuves avancées par l'Etat mis en cause. Elle peut également faire appel à des témoins.

§.2. Le témoignage des victimes

Outre leur faculté de participation devant la Cour (art. 5 (3) du Protocole), les victimes peuvent, appelées par les parties, intervenir pendant la procédure d'examen des affaires.

Dans ce cas, leur rôle et leurs droits sont moins étendus car les victimes sont assimilées aux autres témoins. Notons par exemple qu'elles n'ont pas droit à une représentation ou à une assistance juridique prise en charge par le tribunal. (108(*))

Mais au bout du compte, la question de la protection des victimes soulève des vifs et aigus débats.

§.3. La protection des victimes

Cette protection est envisageable avant, durant et après le procès.

Toute victime, qu'elle soit partie à l'affaire ou simple témoin, bénéficie des mesures de protection assurées par la Cour en vertu de l'article 10 (3) du Protocole qui indique que : « Toutes personnes, témoins ou représentants des parties appelés à comparaître devant la Cour jouissent de la protection et des facilités reconnues par le droit international et nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions, de leurs devoirs et de leurs obligations en rapport avec la Cour. »

Lorsque le Protocole reconnaît aux victimes parties ou témoins une protection conforme au droit international, il fait référence au droit à un encadrement psychologique et médical, au droit de s'organiser juridiquement, à la faculté de témoigner sous aménagement, à la possibilité d'une réinstallation dans un pays tiers après le procès. Dans ce domaine, la Cour africaine peut bénéficie de l'expérience de la Cour interaméricaine qui accorde une place importante à la protection et à l'encadrement des victimes et des témoins. (109(*))

Si l'on reconnaît que la question de la protection reste toujours cruciale, l'on s'accorde à admettre que celle relative à la réparation des victimes en droit international reste sujette à plusieurs soucis. Voyons comment la Cour, par le biais de son Protocole, a tant bien que mal, tenté de résoudre la question relative à la réparation accordée aux victimes devant elle.

§4. Le droit des victimes à une réparation

La Cour peut, au pied de l'article 27 du Protocole, lorsqu'elle reconnaît la violation d'un droit de la personne, ordonner « toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d'une juste compensation ou l'octroi d'une réparation ». dans le cas où la violation continue par exemple si la victime est détenue de façon arbitraire, la Cour peut exiger de l'Etat qu'elle cesse. S'il s'agit d'une loi contraire à une liberté, comme la liberté d'association, la Cour peut exiger l'abrogation de cette loi par l'Etat. Dans d'autres cas, où la violation a déjà eu lieu par exemple si la victime a été détenue mais ensuite relâchée, ou si elle a été victime de torture ou de mauvais traitement, la réparation peut prendre la forme d'une compensation financière. (110(*))

CHAP. III. LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES ET LES AUTRES COURS DE TYPE REGIONAL

L'étude qui sera présentement menée, dans le cadre de ce chapitre, sera éminemment comparative.

Contrairement à la démarche descriptive qui consiste à donner des détails près sur la chose ou situation-objet de l'étude, la démarche comparative que nous nous proposons nous permettra de repérer les éléments clés qu'il est possible de retrouver dans les trois Cours, ensuite de les placer comme sur une balance et enfin d'essayer de dégager les écarts, les atouts et les limites. Cela vaudra tant pour leur mécanisme d'institutionnalisation ou de création (Section1), les caractéristiques de leur composition (Section 2), la procédure devant elles (Section 3), que pour la portée des décisions dont elles sont les auteurs (Section 4).

Disons, au passage, que la Cour Africaine n'est qu'une bonne élève de deux grands et anciens maîtres à savoir la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour interaméricaine des Droits de l'homme, en ayant, à plusieurs égards, essayer de reprendre d'elles certaines caractéristiques clés. Mais, bien qu'étant toutes des organes de contrôle des droits de l'homme de type régional, certaines et de d'ailleurs, plusieurs différences notables entre elles méritent une attention particulière de notre part.

Section 1ère : Institutionnalisation et place des Cours dans le système régional type de protection des droits de l'homme

Les deux mécanismes régionaux de protection des droits de l'homme à part la Cour africaine sont, il sied de le rappeler, la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Il se comprend dès lors que le premier organe de contrôle s'inscrit dans la sphère européenne. Quant au second, il a été crée pour contrôle le respect des droits de l'homme en Amérique et y assurer leur protection.

§1. La Cour européenne des droits de l'homme

Cette juridiction supranationale européenne a été instituée par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1980. Cette Convention a été élaborée au sein du Conseil de l'Europe et signée à Rome par quinze Etats membres de l'Organisation, qui, à cette époque, n'étaient que les seuls membres du Conseil.

A côté de la Cour européenne, une Commission a été instituée pour renforcer le travail de protection des droits en Europe. Ces deux institutions siègent à Strasbourg.

Pour rappel, la Convention portant création et institution de la Cour européenne est entrée en vigueur le 3 septembre 1953. Bien plus elle a été révisée en ce qui concerne la partie « Cour » successivement conformément aux dispositions du Protocole n°3 fait à Strasbourg, le 6 mai 1963, entré en vigueur le 21 septembre 1970, et du Protocole n°5 fait aussi à Strasbourg le 20 janvier 1966 et entré en vigueur le 20 décembre 1971. (111(*))

En effet, la Convention européenne des Droits de l'Homme constitue la garantie collective sur le plan européen de certains principes énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, renforcée par une Cour-contrôle international judiciaire-dont les décisions doivent être respectées par les Etats.(112(*))

Cet organe de contrôle par le Etats international judiciaire présente certaines caractéristiques et spécifiques qui, même si elles se rapprochent de celles de la Cour Africaine, s'en démarquent quelque peu.

A. Caractéristiques et spécificités

D'emblée, la première spécificité de cette Cour européenne est de s'être vue être consacrée par la Convention proclamant les droits qu'elle doit protéger, et ce au coté de la Commission européenne des droits de l'homme. Contrairement à ce constat de la Cour européenne, pour la Cour africaine, c'est un Protocole qui a présidé à son institution, lequel Protocole complète la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant seulement, la mise en place d'une Commission africaine.

Du point de vue de la compétence, la Cour ne traite que les affaires concernant l'interprétation et l'application de la Convention européenne que les Hautes Parties contractantes ou la Commission lui soumettront (113(*)), à condition que la ou les Hautes Parties contractants soient soumises à la juridiction obligatoire de la Cour ou, à défaut, avec le consentement où l'agrément de la Haute Partie contractantes intéressée. (114(*))

Lorsqu'il y a contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, elle-même décide sur sa compétence. (115(*))

Plusieurs droits sont protégés par cette Cour. La protège une diversité des droits qui sont consacrés par la Convention.

B. Droits protégés par la Cour européenne

Contrairement à la Cour africaine, la Cour européenne possède une compétence exclusive limitée aux violations des droits contenus dans la Convention de sauvegarde et dans ses Protocoles.

C'est ainsi que la Cour pourra être compétente pour connaître de toutes les violations des dispositions de l'article deuxième à l'article treizième de la Convention de sauvegarde ainsi que de toutes celles relatives aux dispositions des Protocole n°1 sur le droit de propriété, les droit de la défense en justice et le droit de vote, Protocole n°4 du 16 septembre 1963 sur les droits individuels dans le domaine de l'immigration, Protocole n°6 du 28 avril 1983 sur l'abolition de la peine de mort, Protocole n°7 du 22 novembre 1984 portant consécration de nouvelles mesures propres à protéger les « droits de la défense » ainsi que le principe d'égalité des époux dans la famille.

Pour dire vrai, seront donc déclarées irrecevables toutes les requêtes se fondant sur des violations des dispositions des instruments autres que celles de la Convention de sauvegarde notamment des violations des droits contenus et reconnus par les Pactes relatifs aux droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels.

Qu'en est-il alors de la Cour interaméricaine ?

§2. La Cour interaméricaine des droits de l'homme

A. Caractéristiques et spécificités

Etablie par Convention, dite convention américaine relative aux droits de l'homme de 1969 soit dix-neuf ans après la mise sur pied de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour interaméricaine est le deuxième organe de contrôle international judiciaire à être crée dans le monde après celui européen.

En effet, comme la Cour européenne et contrairement à la Cour africaine qui possède une compétence large d'interprétation et d'application des dispositions d'autres instruments autres que celles de la Charte africaine et du Protocole portant sa création, la Cour interaméricaine est habilitée à connaître seulement de tout différent relatif à l'interprétation et à l'application des dispositions de la Convention américaine de San José, pourvu que les Etats en cause aient reconnu ou reconnaissent sa compétence, soit par une déclaration spéciale, soit par une Convention spéciale.(116(*))

Il a été remarqué que la jurisprudence de la Cour interaméricaine, qualifiée de limitée, a concerné le droit à la vie, le droit à ne pas être torturé et les affaires relatives aux « disparitions ».

En revanche, les affaires jusqu'ici portées devant la Cour européenne et sur lesquelles elle a eu, plusieurs fois et dans la majorité les cas à se prononcer, sont relatives au droit à un procès équitable et des droits tels que la liberté d'expression et d'association et le respect de la vie privée. Ceci ressort d'une étude menée par Mr. SIDIKI KABA dans laquelle il explique que la Convention européenne et la Convention américaine protègent essentiellement les mêmes droits (B), mais les différentes réalités dans lesquelles elles opèrent ont créé des divergences dans leurs jurisprudences.

B. Les droits protégés par la Cour américaine

Plusieurs droits sont consacrés par la Convention américaine et protégés par la Cour américaine. Ils sont contenus dans les dispositions des articles 3 à 26. il s'agit notamment du Droit à la reconnaissance de la personnalité juridique (art.3), du droit à la vie (art.4), du droit à l'intégrité de la personne (art.9) du droit à l'interdiction de l'esclavage et de la servitude (art.6), du droit à la liberté de la personne(art.7) ainsi que des garanties judiciaires ou mieux du droit à un procès équitable (art.8).

Aux articles 9,10, 11 et 12, la Convention n'a pas hésité de consacrer certains droits à être protégés par la Cour à savoir les droits liés au principe de la légalité et de rétroactivité, le droit au dédommagement, la protection de l'honneur et de la dignité de la personne ainsi que la liberté de conscience et de religion.

Plus encore, la Cour protège la liberté de pensée et d'expression à l'article 13, le droit de rectification ou de réponse à l'article 14, le droit de réunion à l'article 15, la liberté d'association à l'article 16, la protection de la famille à l'article 17, le droit à un nom à l'article 18, le droit de l'enfant à l'article 19 et le droit à une nationalité à l'article 20.

Plus loin, le droit à la propriété privée, celui au déplacement et de résidence ainsi que celui de bénéficier d'une égale protection devant la loi tels que repris et contenus dans les dispositions des articles 21,22 et 24 de la Convention interaméricaine, ne sont pas oubliées par cette protection qu'offre la Cour.

Aussi, il est illusoire de concevoir un droit à un procès équitable sans protection judiciaire nécessaire relative aux recours rapides et effectifs, à l'examen d'une affaire par une autorité compétente.

La Convention l'a bien compris lorsqu'elle reprit cette protection à son article 25.

Par ailleurs, dans un seul article, l'article 23, les droits politiques ont été consacrés comme à l'article 26 où la Convention, sans préciser des droits types, a prévu les droits économiques, sociaux et culturels. A cet effet, les Etats s'engagent à prendre des mesures visant à assurer progressivement la pleine jouissance des droits qui découlent des normes économiques et sociales et celles relatives à l'éducation, la science et la culture, énoncées dans la Charte de l'Organisation des Etats américains, dans le cadre des ressources disponibles, et par l'adoption de dispositions législatives ou par tous autres moyens appropriés. cette différence, marque une démarcation entre les deux Conventions et la Charte africaine qui, nous l'avions dit, a prévu dans son corpus les deux catégories des droits à savoir ceux civils et politique d'un côté et économiques, sociaux et culturels de l'autre.

Il convient maintenant dans une section deuxième d'étudier la composition de toutes ces cours.

Section 2ème : La Composition des Cours européenne et

Interaméricaine

La Cour européenne des Droits de l'Homme se compose d'un nombre de juges égal à celui des membres du Conseil de l'Europe. Elle ne peut comprendre plus d'un ressortissant d'un même Etat. (117(*))

Si la Cour européenne n'a pas prévu un nombre constant et précis des juges, la Cour interaméricaine elle, a prévu qu'elle se composera de sept juges, ressortissants des Etats membre de l'Organisation.(118(*)) Comme pour la Cour européenne et celle africaine, la Cour interaméricaine ne peut compter plus d'un juge de la même nationalité.

Les questions relatives à l'élection des juges, à leur statut ainsi que celles concernant leur mandat sont peu négligeables car elles revêtent un intérêt indéniable sur les issues du déroulement des affaires et de leur traitement.

§1. De l'élection des juges

Les juges sont élus au scrutin secret pour ce qui concerne la Cour interaméricaine et la Cour africaine. Pouvons- nous imaginer que le caractère secret du scrutin pour les deux Cours peut être aussi envisagée pour la Cour européenne qui ne l'a pas prévu expressément ? Postulons l'affirmatif étant donné l'importance et la valeur de la juridiction au bénéfice de laquelle l'élection est faite. C'est donc une présomption réfragable.

Par ailleurs, communément aux trois Cours, l'élection des juges se fait à la majorité des voies exprimées sur une liste de personnes présentée par soit, les membres du Conseil de l'Europe (Europe) soit, les Etats parties à la Convention américaine sur les droits de l'homme (Amérique), soit les Etats parties au Protocole. (119(*)) Rappelons aussi que les candidats juges présentés sur une liste par les Etats sont au nombre de trois pour chaque liste présentée par un Etat. En effet, lors de la présentation des candidats, deux doivent être ressortissants de l'Etat qui les présente et au moins l'un d'entre eux, telle est la tendance générale, devra être un ressortissant d'un Etat autre que celui de qui la proposition émane.

Quelques critères généraux président à l'élection des juges et qui, dans les trois systèmes régionaux de protection, sont similaires.

Elus à titre personnel, ou individuel les juges - candidats doivent jouir de la plus haute considération morale, d'une compétence reconnue en matière de droits de l'homme ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire et réunir les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions judiciaires.(120(*))

A part ces critères généraux, le Protocole portant création de la Cour africaine a adjoint des critères supplémentaires notamment, comme nous l'avons évoqué haut, ceux relatifs à la répartition géographique et au sexe ainsi qu'aux grands systèmes juridiques.

La carrière de juge est de nature rigoureuse et exige que celui-ci, bénéficie d'un certain statut spécial et d'une indépendance avérée.

§2. Du Statut et de l'indépendance des juges

Les membres de [ ... ] la Cour jouissent, pendant l'exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités prévus à l'article 40 du Statut du Conseil de l'Europe(sur les privilèges et les immunités) et dans les Accords conclus en vertu de cet article.(121(*))

L'article 70 de la convention américaine est plus explicite. En effet, il dispose : « Dès l'instant de leur élection et pendant toute la durée de leur mandat, les juges à la Cour et les membres de la Commission jouiront des immunités qui sont reconnues en Droit international aux agents diplomatiques. Ils bénéficieront en outre, pendant la durée de leur mandat, des privilèges diplomatiques nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. »

Bien aussi, « de juges de la Cour ne pourront, en aucun moment être poursuivis en raison des votes et des opinions émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions » (article 70 (2))

Notons en outre que la fonction des juges à la Cour est incompatible avec toutes autres activités de nature à porter atteinte à l'indépendance ou à l'impartialité du titulaire de la dite... fonction dans l'exercice de ses attributions, conformément aux statuts régissant ledit organe.

Si l'indépendance professionnelle du juge et son impartialité sont des principes nécessaires et incontestables à sa fonction, l'indépendance financière n'est pas à négliger car elle conditionne substantiellement la qualité et la consistance de la profession ainsi que de ses résultats.

Ainsi, pour son compte, la Convention américaine à son article 72 prévoit que « les juges de la Cour reçoivent des émoluments et des frais de voyage en rapport avec l'importance et l'indépendance de leurs fonctions et sous la forme et dans les conditions déterminées par le statut de cet organe.

§3. Du mandat des juges

Les juges de la Cour européenne sont élus pour une durée de neuf ans. Ils sont rééligibles. Toutefois, en ce qui concerne les membres désignés à la première élection, les fonctions de quatre des membres prendront fin au bout de trois ans, celles de quatre autres membres prendront fin au bout de six ans.

Les membres dont les fonctions prendront fin au terme des périodes initiales de trois et six ans sont désignés par tirage au sort effectué par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe immédiatement après qu'il aura été procédé à la première élection.

Par ailleurs, il peut se faire qu'un membre de la Cour soit empêché d'exécuter son mandat jusqu'à son expiration, un autre juge peut être élu et achève le reste du temps du mandat à courir de son prédécesseur.

Et après leur remplacement, les membres de la Cour continent de connaître des affaires dont ils sont déjà saisis. (122(*))

Si les juges de la Cour européenne sont élus pour une durée de neuf ans et sont rééligibles sans toute autre forme de précision à part 75 ans d'âge, ceux de la Cour interaméricaine le sont pour six ans et réélus une seule fois.

A part la durée du mandat et la réélection, les autres règles applicables au mandat au remplacement et au traitement des affaires après le remplacement telles que posées pour la Cour européenne sont aussi retenues telles qu'elles pour la Cour interaméricaine.

Ainsi, il parait donc logique que des règles similaires soient donc retenues pour des organes qui, dans leur essence, sont peu différents et répondent à un même but : assurer la protection des droits de l'homme.

Après avoir sillonné les règles sur la composition des Cours européennes et interaméricaine, nous estimons qu'il faille aborder l'étude relative à la procédure devant elles et à la question de leur saisine.

Section 3ème : Des procédure et saisine

§1. De la procédure devant les Cours Européenne et

Interaméricaine

Les procédures devant ce deux Cours suivent les mêmes principes de base que ceux reconnus pour la Cour Africaine. Il s'agit notamment de la publicité des audiences, l'examen contradictoire des requêtes, la liberté pour les Cours de recevoir tous les moyens de preuves, écrites ou orales qu'elles jugent appropriés.

En parlant de la procédure devant la Cour africaine relative à la représentation légale, les mêmes garanties sont accordées aux victimes à qui la Cour européenne attribue la possibilité d'être partie dans la procédure devant elle. En revanche, dans le système interaméricain, les choses se passent tout autrement. C'est la commission qui représente la personne lésée.

Quant à l'examen des affaires, le quorum exigé pour l'examen d'une affaire et celui requis pour les délibérations à la Cour interaméricaine est de cinq juges et de neuf pour la Cour européenne. La différence fondamentale qui distingue cette dernière de deux autres est qu'elle prévoit une procédure d'appel des arrêts. En effet, après l'examen au fond d'une affaire par la Chambre de neuf juges la décision de la première chambre peut faire l'objet d'un appel devant la Grande Chambre composée de dix-sept juges.

Toutefois, faisons remarquer, à l'occasion, qu'aucune procédure ne saurait être déclenchée avant ou sans toute saisine préalable.

§2. De la saisine des Cours européenne et interaméricaine

Il est sur ce point des différences notables entre les trois systèmes régionaux, en ce compris, le système africain.

Dans ce dernier en effet, la saisine est ouverte, de droit, à la Commission, aux Etats parties et aux organisations intergouvernementales africaines dont nous avons parlé au Chapitre précédent. Quant au droit de saisine des individus et des ONG ayant le statut d'observateur devant la Commission africaine, il convient de le rappeler, il est conditionnel, soumis donc à la déclaration préalable des Etats partie. (123(*))

Jusqu'en 1998 et l'entrée en vigueur du Protocole n°11 de la Convention européenne, le système européen était pratiquement similaire à celui qui a été adopté dans le cadre de la Cour africaine. La Compétence de la Cour européenne pour recevoir des plaintes des individus était limitée aux Etats ayant approuvé une telle possibilité. Mais alors, depuis l'entrée en vigueur du Protocole n°11 et la réforme de la Cour, droit de saisine reconnu aux individus, groupes d'individus ou ONG qui estiment être victimes de violation d'un droit garanti par la Convention européenne, est obligatoire pour tous les Etats membres du Conseil de l'Europe.(124(*))

Dans le système interaméricain, la saisine est plus limitée que pour les deux autres Cours. Si similairement à la Cour européenne, la Cour interaméricain ne peut être saisie que par les Etats parties et par la commission interaméricaine, les individus, groupes d'individus et ONG légalement reconnues ne peuvent saisir que la Commission, qui, le cas échéant, à l'issue de la procédure devant elle, transmet l'affaire à la Cour pour jugement.

Une autre différence de taille nécessite d'être évoquée en ce qui concerne la saisine par les victimes d'une violation des Cours européenne et africaine.

En effet, l'art.34 du Protocole n°11 de la Cour européenne dispose : «  La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes parties contractantes de droits reconnus dans la convention ou ses protocoles ». Il s'en suit que la Cour européenne ne peut donc être saisie que par la victime elle-même, qu'elle soit un individu ou une ONG.

Ainsi, il dégage que, contrairement à la Cour européenne, la faculté accordée aux individus et aux ONG de saisir la Cour africaine n'est pas limitée à la victime directe de la violation d'un droit de l'homme.

Si l'Etat responsable d'une violation a fait une déclaration au titre de l'article 34 (6) du Protocole, la Cour peut être saisie par tout individu ou par toute ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission, victimes ou non de la violation. Ainsi donc, « le droit de saisir la Cour africaine contrairement à la Cour européenne, n'est pas limité aux victimes directes. » (125(*))

A l'issue de la procédure relative au déroulement du procès devant les trois Cours, comme nous l'avons relevé pour la Cour africaine, l'arrêt est donné. A ce stade surgit une autre procédure, celle relative à l'exécution de décision. Il convient d'étudier ce processus et les questions que soulèvent les arrêts des deux Cours européenne et américaine ainsi que leur exécution.

Section 4ème : Des décisions des Cours : Caractère et

portée.

Les décisions des Cours européenne et interaméricaine dites arrêts sont régis par les mêmes principes et ce, à quelque exception près.

L'arrêt de la Cour est motivé (art. 51 de la Convention européenne et 66 de la Convention américaine). Lorsque l'arrêt n'exprime pas en tout on en partie l'opinion unanime des juges, chacun de ceux-ci aura le droit d'y joindre son opinion dissidente ou son opinion individuelle.

Par ailleurs, l'arrêt de la Cour est définit. (126(*))

Mais, il convient de rappeler que les arrêts de la Cour européenne peuvent faire l'objet d'appel contrairement aux arrêts des deux autres Cours.

A la vérité, l'élément qui attire le plus notre attention en ce qui concerne les arrêts des Cours est leur exécution. Rappelons que dans le monde des droits de l'homme, l'efficacité de protection se mesure par ce respect de l'exécution des arrêts des instances respectives de contrôle de cesdits droits » (127(*))

Or, nous avons déploré le fait que l'exécution des arrêts de la Cour africaine est volontaire bien qu'il soit fait obligation à la Cour de faire rapport à la Conférence sur tout cas où un Etat n'aura pas exécuté les décisions de la Cour. Nulle part, le Protocole ne mentionne comment la Cour peut contrôler l'exécution de ses décisions ni quelles modalités sont prévues pour cette exécution.

Dans les deux autres systèmes, la situation est la même, c'est-à-dire que Les Etats parties s'engagent à exécuter les décisions de la Cour, mais cette exécution reste volontaire, et il n'existe pas de réels moyens de contraindre les Etats à exécuter les décisions.

Il est donc difficile d'imaginer des procédures telles que la contrainte par corps, la saisie-arrêt reconnue en droit national pour contraindre les Etats à s'exécuter. Prenons donc un peu de temps pour découvrir quelle procédure la Cour européenne utilise pour assurer l'efficacité de l'exécution de ses arrêts.

§1. Exécution des arrêts de la Cour européenne

Comme pour la Cour africaine, la Convention européenne a conféré le suivi d'exécution des arrêts de la Cour européenne siégeant à Strasbourg au Comité des ministres du Conseil de l'Europe composé des représentants permanents des gouvernements et également des ministres des affaires étrangères.

Le Comité des ministres se réunit deux fois par an et ses pouvoirs lui donnent une panoplie de moyens assurant le respect de l'exécution des arrêts de la Cour européenne par l'Etat partie mis en cause.

Par exemple, à en croire Mr. SIDIKI KABA, l'on ignore si l'exigence visée par l'article 31 du Protocole peut amener la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, l'organe suprême de l'Union africaine, à exiger des Etats l'exécution des arrêts de la Cour ou s'il s'agit toujours de faire pression sur la réputation d'un Etat.

Pour ce doctrinaire, les Etats condamnés par la Cour européenne à payer des indemnités se sont, jusqu'à présent, acquittés de leur obligation. Cependant, vu la lenteur avec laquelle ils s'exécutaient, la Cour a été obligée à partir d'octobre 1991 de préciser dans ses arrêts que l'indemnité devrait être versée dans les trois mois. Depuis janvier 1996, en cas de non-exécution dans ce délai, elle prévoit même le paiement d'intérêts moratoires. (128(*))

Retenons que le pouvoir de surveillance des Comités des Ministres selon l'article 54 est un pouvoir en même temps assez large et restreint. Il surveille l'exécution des arrêts de la Cour, mais il ne possède pas de sanctions explicites pour le cas où un Etat refuse de suivre un arrêt. Le Comité peut pourtant constater qu'il n'y fait pas encore exéctuin et définir de façon plus ou moins concrète les mesures nécessaires à prendre par l'Etat. La nouvelle pratique démontre dans ce sens quel est le vrai objectif de l'article 54 qui prévoit la surveillance des arrêts de la Cour par le Comité des ministres.

En général, c'est plutôt le contrôle collectif politique qui amène les Etats à accepter les arrêts et à modifier leur législation nationale. En vue des résolutions du Comité des Ministres, les arrêts de la Cour, en raison de leur poids juridique et moral, ne semblent pas poser de trop grands problèmes d'exécution, d'une manière générale, à l'exception des délais parfois considérables surtout en Italie.

Il reste à noter que les Etats ont davantage recours aussi à des mesures générales (législatives) nécessaires pour réparer la violation concrète ainsi que des violations futures, et que le Comité tend à surveiller l'exécution des arrêts aussi dans ce sens.129(*)

§2. Exécution des arrêts de la Cour interaméricaine

Au pied de l'article 65 de la Convention américaine des droits de l'homme le suivi de l'exécution des arrêts de la Cour interaméricaine est confiée à l'Assemblée générale de l'organisation des Etats américains. La procédure consiste en cas de non-exécution de l'arrêt de la Cour par un des Etats de l'OEA partie mis en cause en ce que la Cour signale cette situation dans son rapport annuel à l'Assemblée générale de l'O.E.A. C'est donc à ce dernier organe décisionnel et exécutif de l'O.E.A d'assurer le respect de l'exécution des arrêts de la Cour interaméricaine par l'Etat partie « RECALCITRANT ». 130(*)

Nous ne pouvons nous passer d'une critique sur les procédures d'exécution des arrêts devant la Cour européenne et celles devant la Cour interaméricaine. En fait, la dernière affiche une importante pauvreté, et ce, malgré que le refus d'exécution de l'arrêt pouvait faire l'objet d'une «  décision de non-exécution » adressé par la Cour à l'Assemblée de l'O.E.A. cela est donc à déplorer.

Il est vrai donc qu'au terme de cette étude comparatives plusieurs similitudes se dégagent des trois systèmes régionaux de contrôle des droits de l'homme. En outre, aussi nombreuses que les ressemblances peuvent être dénombrées, grandes, nous ne pouvons l'ignorer, sont également les dissemblances.

Nous essayerons dans la section suivante de tracer un tableau comparatif reprenant les caractéristiques des trois Cours avec des différences fondamentales aux fins de besoins de bonne didactique.

Section 4ème : Tableau de comparaison à titre récapitulatif.

 

COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES

COUR INTERAMERICAINE DES DROITS DE L'HOMME

COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

JUGES

Personnalités, ressortissants des Etats parties au Protocole, élus à titre personnel

Personnalités, ressortissants des Etats parties à la Convention Interaméricaine des DH, Elus à titre personnel

Personnalités, ressortissants des Etats parties à la Convention Européenne des droits de l'homme, élus à titre personnel

COMPOSITION

11

07

Nombre égal à celui des Etats parties

QUORUM

7

5

9

ORGANE PROCEDANT A L'ELECTION

Election par la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA

Election par les Etats parties à la Convention lors de l'AG de l'OEA

Election par l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

MANDAT

Six ans renouvelables une fois

Six ans renouvelables une fois

Six ans renouvelables sans limitation

EMPLOIS DES JUGES

Permanent pour le Président / lors des sessions pour les autres juges

Permanent pour le Président. Lors des sessions pour les autres juges

Permanents pour tous les juges

COMPETENCES

Contentieuse et consultative

Juridictionnelle (Facultative et consultative)

Contentieuse et consultative

COMPETENCE Rationne Personnae (qui peut saisir la cour ?)

Compétence Obligatoire

- Commission Africaine DHDP

- Etats parties

- Les OI Africaines

Compétence Facultative

- Les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission africaine des droits de l'homme

Compétence obligatoire

Compétence Facultative

- Etats parties

- Commission Internationale des droits de l'homme

Compétence obligatoire

- Hautes parties contractantes

- Commission

- Individus, groupe des particuliers et ONG qui estiment être victimes de violation d'un droit garanti par la Convention européenne des droits de l'homme

Compétence Facultative

COMPETENCE (ratione materiae)

Compétence liée à l'interprétation et à l'application de la Charte, du protocole et de tout autre instrument relatif aux droits de l'homme

Compétence liée à l'application et à l'interprétation de la Convention interaméricaine des droits de l'homme

Questions concernant l'interprétation et l'application de la Convention européenne des droits de l'homme et de ses protocoles.

CONDITIONS DE L'AUDIENCE

Publique, Huis clos : exceptionnel

Publique, Huis Clos : exceptionnel

Publiques sauf circonstances exceptionnelles

MODE D'EXAMEN DES AFFAIRES

Contradictoire

Contradictoire

Contradictoire

POSSIBILITE D'APPEL ?

Non, mais possibilité d'Interprétation ou de révision dans certaines conditions

Non, mais demande d'interprétation possible

Renvoi devant la grande chambre

EXECUTION DES DECISIONS

Volontaire, (surveillance d'interprétation ou de révision dans certaines conditions)

Volontaire

Volontaire, (surveillance comité des ministres)

ORGANE DE CONTROLE

Conseil des Ministres au non de la conférence

Assemblée générale des Etats de l'OEA

Comité des Ministre

97

CHAP.IV : DES LIMITES, OBSTACLES ET DEFIS DE LA

PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME EN AFRIQUE

Telle que développée dans les lignes précédentes, la protection des droits de l'homme en Afrique a connu, au fil du temps, une certaine amélioration tant sur le plan institutionnel que normatif. Plusieurs avancées ont pu être constatées mais qui, malheureusement, peuvent occulter les faiblesses, limites, obstacles et déficiences congénitales et circonstancielles qu'accuse le système africain de protection et de protection des droits de l'homme, au coeur duquel se retrouve la Cour africaine.

Précisons aussi que ces limites sont de natures diverses. Elles peuvent être soit juridiques et institutionnelles (Section 1ère) soit factuelles ou politiques (Section 2ème).

Ces limites et obstacles, certes, sont majeurs. Cependant, la Cour africaine ne devrait pas tenir ces limites pour frein diriment à la réalisation de sa mission et devrait les accepter, les surpasser dans le but de faire courageusement face aux nombreux défis auxquels elle est confrontée (Section 3ème).

Section 1ère : Des limites Juridiques et/ou institutionnelles à

la protection des droits de l'homme en Afrique

D'après une certaine opinion assez répandue, il est admis que la mise en oeuvre de la protection, au sens large incluant le respect, le contrôle du respect et la répression des violations est le point faible bien connu du droit international. Pour cette même opinion, et à tout point de vue la nôtre aussi, cette mise en oeuvre paraît encore plus difficile en droit international des droits de l'homme car cette branche poursuit la protection de l'individu contre l'Etat, rapport par nature inégalitaire au demeurant.

Il est avéré que la première catégorie des limites juridiques ici, il s'agit de celles normatives et celles institutionnelles peuvent être retrouvée dans les lacunes de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (A), dans les faiblesses de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (B). Et enfin dans la volonté de l'U.A de fusionner la Cour africaine avec la Cour de Justice africaine (C). Ces limites sont celles propres à tout le système africain de protection et promotion des droits de l'homme, en général.

§1. Les limites propres au système africain

A. Les lacunes de la Charte africaine des droits de

l'homme et des peuples131(*)

L'une des particularités de la Charte et la paradoxale, on le sait, c'est d'avoir consacré les devoirs de l'individu aux côtés de ses droits. Cette singularité inhabituelle suscite, chez les doctrinaires, un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes.

En effet, l'on pourrait d'entrer de jeu, congrûment se demander comment les rédacteurs de la Charte avaient pu concevoir assurer la cohabitation et la compatibilité des concepts vraisemblablement antinomiques. En d'autres mots, en consacrant les devoirs de l'individu, les rédacteurs ne reprennent-ils pas d'une main ce qu'ils donnent de l'autre à la personne humaine en Afrique ? Et comme le dit si joliment Noël ILUNGA, les droits de l'individu ne risquent-ils pas d'être sacrifiés sur l'autel des droits des peuples ?

Une autre particularité lacunaire de la Charte, et non pas la moindre aussi, est l'absence en son sein d'une clause de dérogation. En fait, à la différence de plusieurs autres instruments juridiques internationaux des droits de l'homme, la Charte ne prévoit pas une clause générale de dérogation qui permet aux Etats, en cas de situation d'urgence nationale ou de circonstance exceptionnelle, de suspendre momentanément l'application de certains droits fondamentaux. Ainsi donc « la Charte africaine ne contient pas de clause d'exception et n'autorise donc aucune dérogation aux droits qu'elle énonce ».(132(*))

A dire vrai, bien que potentielle, cette lacune est préjudiciable en ce sens qu'elle permet aux Etats africains d'invoquer à tout moment cette situation d'urgence, sans qu'elle soit fondée sur une base légale, pour justifier les restrictions et autres violations des droits de l'homme.

Bien plus, quoique cette clause fasse objet de controverses, l'on imagine que si elle aurait été prévue, certains droits seraient protégés et partant, elle permettrait de savoir les limites de la circonstance exceptionnelle ou celle de d'urgence nationale.

Sous un autre registre, le principe de confidentialité de la procédure de la Commission, tel que prévu par la Charte, consacre la main mise de la conférence des chefs d'Etats et de gouvernements sur le fonctionnement de la Commission. L'article 59 de la Charte prévoit que toutes les mesures prises par la Commission concernant l'examen de diverses communications resteront confidentielles jusqu'au moment où la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements en décidera autrement. Le rapport y relatif est publié par le Président de la Commission sur décision de la conférence des Chefs d'Etats et de gouvernement. Pareille disposition « tend à garder la Commission hors de la portée du citoyen ordinaire et à noyer l'importance de son rôle ». D'après Bénoît S. Ngom, par cette disposition, la Charte reconnaît aux chefs d'Etats et de gouvernements » la faculté d'enterrer à jamais les résultats des investigations de la Commission des droits de l'homme et des peuples ».

Il se pourrait qu'il soit vérifiable que les tares de la Charte aient affecté même le mécanisme de sauvegarde qu'elle a institué. Ainsi, plusieurs sont les faiblesses qu'affiche la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Elles méritent dès lors que l'on s'y attarde.

B. Les faiblesses de la Commission africaine des droits de

l'homme et des peuples

La Commission africaine, au-delà de ses mérites, est en proie à un certain nombre des faiblesses et déficiences qui amenuisent son rendement. L'on peut indiquer, à maints égards, la dépendance de la Commission à la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernements, les faiblesses de sa compétence et de ses moyens d'action ainsi que les obstacles d'ordre procédural et matériel.

En effet, il est juridiquement prouvée que, dans l'accomplissement de sa mission, la Commission est tenue en état par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernements, de l'Union africaine, s'il faut considérer les pouvoirs exorbitants reconnus à cette structure par la Charte.

Il en est ainsi en matière d'élection des membres de la Commission, du caractère confidentiel des décisions de la Commission, de son budget et, par-dessus-le-marché, de la suite à réserver aux rapports de la Commission.

Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Conférence vient ainsi limiter les pouvoirs de la Commission. Fonctionnant dans un environnement chargé d'une telle contrainte dont la pesanteur est imprimée par la pression de la Conférence, la Commission ne peut disposer que des pouvoirs limités, si non nuls, pour sanctionner les violations des droits de l'homme perpétrées par les Etats.

Principalement créée dans l'optique de régler les conflits à l'amiable dans un souci dans un souci de sauvegarde de la souveraineté de chaque Etat partie, la Commission peine à condamner les Etats pour les violations des droits de l'homme, même les plus avérées.(133(*))

Ceci est inquiétant dans la mesure où sa compétence n'est que consultative. Il s'en suit qu'elle se contente de formuler des recommandations dépourvues de toute force exécutoire et, donc, sans effet sur les auteurs des violations des droits humains.

Et tout état de cause, l'inefficacité de la Commission s'explique par la faiblesse du cadre institutionnel et décisionnel qui caractérise le droit international africain dans son ensemble.

Une autre faiblesse de la Commission est à relever sur le plan de la procédure. Il convient d'affirmer que l'intérêt porté pour l'examen des communications par la Commission est relatif. En fait, le délai d'examen des communications est très variable, souvent trop long, entre deux (2) et huit (8) ans. Les Commissaires tentent toujours de privilégier les règlements à l'amiable au détriment de l'efficacité judiciaire, malgré l'urgence des cas qui leur sont présentés. Les délais sont aussi prolongés par le laps de temps accordé entre la réception de la Communication et la décision d'admissibilité, la jonction des communications portant sur un même pays, l'absence de priorité dans l'examen des communication et la décision d'admissibilité, la jonction des communications portant sur un même pas, l'absence de priorité dans l'examen des communications, une procédure imprécise, des sessions écourtées, des retards dans l'exécution des missions d'information et la finalisation des rapports.

Plus encore, aux problèmes de procédure s'ajoutent, de l'aveu même de la Commission, le manque de ressources humaines, financières et matérielles, du fait d'un budget inadéquat. La Commission éprouve d'énormes difficultés pour mettre en place des missions d'enquêtes et de remplir efficacement plusieurs autres tâches. Elle est, en outre, paralysée par le manque du personnel à son secrétariat.

Plus loin, en parlant du statut des juges de la Cour africaine, nous avions évoqué la question des incompatibilités en précisant que la fonction de juge ne peut être tenue concurremment avec une autre dans le but d'assurer l'indépendance de la fonction. A l'opposé, la Commission n'est pas dotée en son sein, d'une ou des clauses d'incompatibilités des fonctions à l'encontre de ses membres. Certains auteurs dont Ouguergouz, ont tenté de trouver une justification pratique à ce silence de la Charte. Pour lui, à vrai dire, prévoir une incompatibilité aurait considérablement réduit le champ de recrutement des candidats dans les pays supposés pauvres en cadres.

A tout point de vue, cet état de chose incite un pessimisme au sujet de la crédibilité des commissaires ainsi que de leur indépendance à l'égard de leurs pays d'origine.

Plus loin encore, il nous semple aussi que le travail de la Commission dans la protection des droits de la Charte manque de réelle visibilité. Les bulletins et revues de la Commission dans lesquels sont répertoriés les résolutions, déclarations et décisions, paraissent très irrégulièrement et sont peu diffusés.

Quant au site Internet de la Commission, il est rarement mis à jour. Et les rapports des différentes missions sont peu rendus publics ou le sont que tardivement.

Bien plus, la Commission est inconnue du plus de la moitié de gens qu'elle est censée servir, et même ceux qui la connaissent l'approchent avec scepticisme, certainement à cause de la nature discrète de son travail. Ce déficit de communication n'est pas de nature à permettre à la Commission de remplir efficacement sa mission.

Enfin, ces faiblesses et déficiences dans l'accomplissement du mandat de la Commission s'expliquent par une absence de capacité et de volonté à remplir pleinement son rôle. Il se comprend donc sans peine que même si les décisions de la Commission concernant les communications sont intéressantes et progressistes en matière de protection des droits de l'homme, leurs effets sont nuls car en générale, les décisions de la Commission sont inappliquées par les Etats condamnés, notamment par manque de volonté politique. Ni la Charte, ni la Commission ne prévoit les moyens de recours assortis des garanties effectives, moins encore des mécanismes chargés d'encourager des Etats à appliquer des décisions rendues par la Commission et contrôler le suivi.

En définitive, c'est pour pallier la plupart de ces faiblesses, et de tant d'autres que l'idée de la création d'une Cour africaine des droits de l'homme a été relancé et concrétisée. Malheureusement, comme il fallait s'y attendre s'y attendre, et avant même qu'elle n'ait eu l'occasion de connaître de sa première affaire, les voix se sont levées pour évoquer certaines limites et obstacles à son efficacité. Il en est ainsi donc de sa fusion avec la Cour de Justice de l'Union Africaine.

C. La fusion de la Cour africaine avec la Cour de Justice

de l'Union

Nous l'avions dit un peu plus haut, la Cour africaine n'est pas la seule instance juridictionnelle régionale africaine.

En effet, une Cour de Justice (CJ) a été prévue à l'article 5 de l'Acte Constitutif de l'U.A. en tant que « organe judiciaire principal de l'Union ». En parlant de cette Cour, nous avions souligné que le mandat et le fonctionnement de cette Cour de Justice sont régis par le Protocole adopté le 11 juillet 2003 par les Chefs d'Etat et de gouvernement.

Ensuite pour ce qui concerne sa compétence. Cette Cour de Justice règle les différends relatifs à l'interprétation et à l'application de l'Acte Constitutif de l'Union africaine, des traités de l'U.A et des décisions prises par les organes de l'U.A.

Un peu plus loin dans l'analyse de la C.J, nous avions dit que certaines dispositions de l'Acte Constitutif font explicitement référence aux droits de l'homme, notamment son article 3.h qui attribue entre autre comme objectif aux Etats membres de l'U.A. «  la promotion et la protection des droits de l'homme et des peuples et des autres instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme ». Egalement, la Cour de Justice pourrait sur ce fondement être appelée à statuer sur l'inapplication de cet objectif par un Etat membre. Il est vrai que cette dualité de juridiction peut poser des difficultés, notamment des interprétations et jugements différents sur un même point de droit. Ce qui créerait des confusions et entretiendrait certains flous juridiques. De ces constatations, est alors née l'idée de fusionner les deux cours. De même, des juristes ont appuyé cette position lors des réunions préparatoires au Protocole de la CJ en avril et juin 2003, en discutant de l'article 56(2) sur les chambres spéciales. En fin de compte, le Conseil exécutif de l'U.A a décidé de conserver deux cours distinctes compte tenu de leurs mandats particuliers.

Par ailleurs, malgré cet arbitrage, les Chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA ont pris, en juillet 2004, la décision de « fusionner la Cour africaine et la Cour de Justice en une seule Cour »

Ceci n'a pas été à l'abri des critiques jadis formulées à l'encontre de la situation de la dualité de Cours. L'on peut estimer que si l'on admet d'une part que la décision de fusion peut être expliquée pour des motifs de simplicité institutionnelle et de restrictions financières, l'on considère d'autre part qu'elle est préjudiciable non seulement à la mise en place effective de la Cour africaine mais aussi aux intérêts des victimes.

En effet, rien qu'à ne regarder les structures prévues pour l'organisation et le fonctionnement de la Cour africaine, pour se convaincre qu'elles répondent à la « compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le domaine des Droits de l'homme et des Peuples ».

Une autre illustration est tirée de la possibilité que la Cour donne aux individus et aux ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission africaine de contester directement devant elle la violation des droits de l'homme par un Etat sans omettre la place importante que la Cour réserve à la participation, protection, représentation et réparation des victimes. Retenons à cette occasion que toutes ces dispositions ne sont pourtant pas prévues dans le Protocole sur la Cour de Justice.

Alors, une fusion pure et simple ne supposerait-elle donc pas la rédaction d'un nouveau texte (Protocole) pour cette nouvelle juridiction  de fusion? Nous répondrons sans fausse modestie, par l'affirmative en renchérissant qu'au-delà d'un nouveau Protocole il irait sans dire qu'on devrait faire appel à un nouvel engagement des Etats africains à se soumettre à la nouvelle juridiction. Or, il nous semble que ces derniers ne sont pas toujours pas d'humeur à céder une portion de leur souveraineté, fût-ce-t-elle minime. De toute évidence, il sied de relever aussi que la fusion pourrait également retarder la mise en place de la Cour africaine puisque la Cour de Justice n'a pas toujours obtenu le nombre de ratifications suffisantes à son fonctionnement réel.

Somme toute, nous nous rangeons du côté de l'opinion de la FIDH qui considère que la particularité des droits de l'homme exige que toutes les affaires fondées sur leur violation doivent rester de la compétence première de la Cour africaine, spécialement habilitée à les trancher. Si la décision de fusion administrative peut se comprendre pour le siège des deux cours, la Cour africaine doit rester une instance juridictionnelle à part entière, indépendante de la Cour de Justice, aux attributions spécifiques.(134(*))

En définitive, cette fusion, obstacle à l'efficacité de la Cour africaine vient se greffer aux insuffisances réelles ou, supposées, objet de critiques formulées à l'endroit de la Cour africaine.

§2. Les déficiences structurelles de la Cour africaine des

droits de l'homme et des peuples

« Les droits de l'homme civils et politiques, et plus encore économique, sociaux et culturels sont conditionnés, dans chaque pays, par les rapports de forces dans le monde. Certes, l'individu y est de moins en moins en exil, en raison de la reconnaissance progressive des instruments internationaux protecteurs de droits de l'homme ».(135(*)) en l'occurrence, in specie, la Cour africaine.

Or la grande interrogation, au sujet de cette dernière, reste celle de savoir si elle porte en elle la masse critique d'un mécanisme qui puisse assurer, de manière réellement efficace, la mise en oeuvre de la protection des droits de l'homme à l'échelle continentale.

S'il est vrai qu'il convient de se garder d'y réserver une réponse hâtive, il est aussi avéré que la Cour, dans sa configuration actuelle, n'est pas exempte de critiques. Ces dernières se conçoivent en termes de déficiences ou insuffisances liées à la structure de la Cour ou à certains de ses éléments.

Il s'agit en premier lieu de déficiences liées à la composition de la Cour.

A. De la composition de la Cour

Le Protocole relatif à la création de la Cour a retenu que le droit de présenter les conditions juge est réservé aux seuls Etats parties au Protocole alors les juges sont élus par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, dans son ensemble.

Conséquemment, les Chefs d'Etats et de gouvernement des Etats tiers au Protocole participent à l'élection des juges d'une Cour dont il n'ont pas ratifié le traité créateur, c'est-à-dire, une Cour dont ils n'ont pas voulu l'existence et dont la juridiction ne leur sera pas opposable. Inversément, comment digérer le refus opposé aux Etats non parties au Protocole de à pouvoir présenter des candidats alors que leurs dirigeants participent à l'élection des juges ? (136(*))

Nous estimons que, dans ces conditions, l'article 12 du Protocole ferme la porte à d'autres compétences africaines ressortissant des Etats non parties au Protocole. A quelque point d'opinion, cette observation peut manquer de pertinence dans la mesure où les 11 premiers juges de la Cour ont déjà été élus. Néanmoins, elle a le mérite de poser le problème, pour une perspective futuriste.

Ensuite des inquiétudes surgissent sur des compétences que la Cour exercent concurremment avec la Commission.

B. Une compétence concurrente entre la Cour et la Commission

Dans le cadre du mécanisme tel que prévu par la Charte et complété par le Protocole, le problème qui risque de surgir en matière consultative est l'attribution concurrente de cette compétence à la Commission et à la Cour. Les deux organes pourraient, en exerçant cette compétence, aboutir à des interprétations contradictoires. Mais comme la Cour est censée compléter la Commission et que la compétence de cette dernière est essentiellement consultative, il eut fallu, nous semble-t-il, la lui laisser. Ce faisant, la Cour ne garderait pour elle que la fonction contentieuse.

En cette dernière, nous l'avions vu, contrairement aux Etats, et à la Commission ainsi qu'aux organisations intergouvernementales, les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission en peuvent pas saisir directement la Cour en se fondant sur une violation imputable à l'Etat sans que ce dernier ne se soit engagé au terme d'une clause facultative acceptant la compétence de la Cour pour recevoir de telles requêtes. Une autre déficience qui trouve son origine dans cette clause facultative mérite une attention soutenue.

C. Une limite qui se fonde sur la clause facultative d'acceptation de la compétence de la Cour

En matière contentieuse, nous considérons que la clause facultative que les Etats concernés en cas d'un recours individuel doivent faire, est de nature à paralyser l'exercice de ce droit reconnu aux individus. En effet, pour la recevabilité d'une requête individuelle ou celle émanant d'une ONG dotée du statut d'observateur, il faut, préalablement, que l'Etat mis en cause fasse une déclaration par laquelle il reconnaît à la Cour cette compétence.

Il est impensable d'imaginer, à juste titre, que les Etats devraient se livrer, avec faste et enthousiasme, à cette formalité de procédure.

Et pour en avoir le coeur net, à ce jour, seuls le Burkina Faso,le Mali, la Gambie et le Sénégal l'ont fait. Outre la clause facultative, plusieurs autres conditions « drastiques » imposées aux requêtes individuelles et des ONG par l'article 56 de la Charte allongent la liste des incohérences qui pourraient relativiser les résultats escomptés.

D. L'Insuffisance fondée sur l'exécution volontaire des arrêts de la Cour

Cette insuffisance est rangée parmi les déficiences les plus criantes dont souffre la Cour africaine. En effet, nous ne le dirons jamais assez, l'effectivité de la mission d'une juridiction s'apprécie à travers le respect et la mise en exécution de ses décisions.

Or, malgré les vertus charismatiques des dispositions des articles 29 et 30 du Protocole, aux termes desquels les Etats parties s'engagent à exécuter les arrêts rendus par la Cour et que le suivi de l'exécution de ceux-ci revient au Conseil des Ministres, et après analyse combinée des dispositions de deux articles précités, il ressort que l'exécution des arrêts de la Cour est essentiellement volontaire. Il est pourtant vrai que la Cour adresse à la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements un rapport annuel de ses activités, dans lequel rapport elle mentionne, à l'instar des deux autres Cours régionales, les cas d'inexécution de ses décisions. Mais que faire, quelle contrainte exercée à l'endroit d'un Etat  «  Récalcitrant » qui refuse de s'exécuter ? A cette question, les tenants de la théorie volontariste semblent prendre le dessus lorsqu'ils affirment sans peur d'être contredits que la société internationale et le droit international sont des donnés substantiellement relevant du consentement du « sujet-majeur par excellence » du droit des gens à savoir les Etats. Cet état de chose est considéré comme un effet logique de la bribe de phrase tirée du célèbre arrêt rendu dans l'affaire du Lotus selon laquelle les Etats « étant les seuls maîtres des normes dont ils sont auteurs, ils en apprécient eux-mêmes la signification et la portée. Ils sont ainsi les interprètes des obligations auxquelles eux-mêmes comme les autres partenaires et les autres sujets se sont soumis ».

Or, pour une certaine catégorie des droits de l'homme, particulièrement les droits civils et politiques faisant partie du jus cogens, le Protocole aurait dû prévoir un mécanisme sanctionnateur à l'encontre des Etats qui ne respecteraient pas l'engagement prévu à l'article 30. S'il en allait autrement, les arrêts de la Cour courent le risque d'être de simples constatation ou des purs voeux pieux.

Bien aussi, l'on ne saurait concevoir une justice juste sans voies de recours.

E. Le silence du Protocole sur la question des voies de recours

Il est à déplorer le silence que le Protocole instituant la Cour a affiché au sujet de la question des voies de recours.

Au vrai, la justice humaine n'étant pas à l'abri de certaines erreurs, l'indépendance des juges étant déjà sujette à caution, et face à tous les aléas dont nous avions parlé haut et que nous évoquerons un peu plus bas, lesquels aléas entourent la problématique de la protection des droits de l'homme en Afrique, il aurait été prudent de prévoir une soupape de sûreté en prévoyant un second degré au sein de cette instance.

Ni les besoins de la célérité, ni l'insuffisance des moyens financiers moins encore, ni les impératifs d'une bonne administration de la justice ne peuvent être invoqués pour justifier l'absence des voies de recours, garantie d'une justice efficace. (137(*)) Nous pensons que l'exemple de la Cour européenne en cette matière est très édifiante.

Il est vrai que la Cour africaine, à l'article 28 (3) du Protocole peut réviser son arrêt en cas de survenance des preuves dont elle n'avait pas connaissance au moment de sa décision. Toutefois, comme l'on peut s'en rendre compte, cette exception n'est pas, à proprement parler, une voie de recours.

Et en l'absence de toutes ces insuffisances, le manque de ressources financières reste une déficience de taille pour les institutions africaines en général et pour la Cour africaine en particulier.

F. L'absence ou le manque de ressources financières

adéquates.

Il faut dire que le manque des moyens financiers demeure, à tout jamais, le droit commun et la boîte de Pandore de toutes les institutions internationales africaines. Concernant particulièrement la Cour, son budget, les émoluments et les indemnités des juges, y compris les dépenses du Greffe sont fixés et pris en charge par l'Union africaine.

Il est donc clair que cette disposition livre l'organisation, le fonctionnement ainsi que le rendement de la Cour en pâturage aux éternels aléas financiers de l'Union africaine.

Nous estimons qu'il faudrait que la Cour ait un budget autonome qui sera supporté principalement par les Etats parties au Protocole. Ceci pourrait éviter à la Cour le naufrage annoncé par les afro-pessimistes.(138(*))

Pour avoir milité en faveur de la création de la Cour et accepté sa juridiction, les Etats parties au Protocole visent, c'est le cas de le dire, l'effectivité de cette instance judiciaire. Ainsi, l'intérêt qu'ils portent pour la Cour devrait les inciter à lui doter d'un budget conséquent pour lui permettre de fonctionner effectivement, efficacement et de façon autonome.

Les limites à l'effectivité de la protection des droits de l'homme en Afrique ne concernent pas que les instruments juridiques et leurs mécanismes de sauvegarde et de mise en oeuvre.

Nous les avions qualifiés de limites juridiques et institutionnelles. A celles-ci s'ajoutent d'autres, plus générales, liées à la fois à la situation interne des Etats africains et à l'environnement international inter africain. Ce sont celles qui reçoivent la dénomination de « politiques et conjoncturelles ».

Section 2ème : Des limites politiques et conjoncturelles à l'efficacité de la protection des droits de l'homme en Afrique

Les limites juridiques ou juridictionnelles ont sans nul doute aussi une incidence majeure sur l'action de la Cour. Il s'agit tout d'abord du manque de volonté politique affiché par les Etats africains.

§1. Le manque de volonté politique des Etats africains

réfractaires à la question des droits de l'homme

Les Etats africains, d'une manière générale, accusent sur moult plans un dysfonctionnement relativement inquiétant. En plus, les relations internationales africaines ne sont pas toujours harmonieuses. De cet état des choses découlent plusieurs autres obstacles au rayonnement de la protection des droits humains en Afrique.

Comme premier élément, il s'agit bel et bien de la nature des régimes politiques des pays africains. En effet, cette dernière dans la plupart des pays d'Afrique, elle-même tributaire des modes d'accession au pouvoir, est une entrave à la protection et la promotion des droits de l'homme sur le plan continental. Il est vain et malaisé, en effet, d'imaginer que les Etats à régimes autoritaires caractérisés par un déficit démocratique et par des violations régulières des droits de l'homme seront enclins à oeuvrer en faveur de la protection de ces mêmes droits au niveau africain, par exemple, en souscrivant à la clause facultative, en s'acquittant régulièrement des contributions financières, en adoptant les mesures législatives internes exigées par les instruments internationaux des droits de l'homme et, par-dessus tout, en exécutant de bonne foi les recommandations, les décisions et les arrêts des instances judiciaires africaines.

A cela s'ajoute bien aussi la conception « africaniste » de souveraineté qui, il convient de le dire, est souvent éronnée.

§2. « Une fameuse conception de souveraineté » en

Afrique

A l'autre côté de l'absence de volonté politique, apparaît la notion de souveraineté. Conjointement avec le manque le volonté politique, les ambitions démesurées des certains dirigeants, la souveraineté servira toujours « de prétexte à certains régimes particulièrement réfractaires à la question des droits de l'homme pour rejeter toute idée de mise en oeuvre d'un mécanisme régional africain de protection des droits de l'homme. A ce sujet, l'appartenance des droits de l'homme au jus cogens, le droit de l'Union à intervenir dans les Etats membres, la primauté du droit international sur le droit interne deviennent illusoires face à l'alibi de souveraineté ». (139(*))

L'usage abusif de la notion de souveraineté au plan interne influe sur l'extérieur. En effet, il engendre les rivalités, des conflits de leadership et ainsi donc le caractère conflictuel dont les relations entre Etats sont revêtues peuvent, logiquement, avoir des répercussions sur les mécanismes de protection des droits de l'homme. Le Professeur Ntumba Luaba prédisait, en commentant la Charte en 1982, au fait bien avant son entrée en vigueur, que le droit de recours ouvert aux Etats sera rarement utilisé car d'une part, les liens d'amitié et d'intérêt unissant certains Etats pourraient en constituer une entrave, d'autre part, l'inimitié existant entre deux Etats pourrait faire croire à de la propagande hostile. Les agressions et les luttes que les Etats africains se livrent entre eux ne présagent pas une volonté de s'unir pour une protection efficace des droits de l'homme en Afrique.

En définitive, si donc le nombre des limites à l'effectivité des droits de l'homme en Afrique est important, leur nature fait penser incontestablement à l'ampleur des défis à relever et à des éventuelles suggestions à formuler pour un contrôle des droits de l'homme plus efficace par la Cour.

Section 3ème : Les défis de la protection des droits de

l'homme en Afrique par la Cour africaine

Le système africain de protection et de promotion des droits de l'homme repose essentiellement sur la Charte africaine et son mécanisme trinitaire reposant sur la Commission, la Conférence et la Cour soit les trois C. Cette dernière, organe judiciaire, est responsable au premier chef de l'application, du contrôle de l'application et de la répression des violations portées en l'encontre des instruments juridiques des droits de l'homme ratifiés par les Etats africains.

Après l'entrée en vigueur du Protocole créant la Cour et l'élection de ses premiers juges, le seul vrai défi auquel elle doit faire face est celui de l'effectivité comme d'ailleurs se présente la problématique de ce travail.

Ce défi est à observer à deux points de vue. Tout d'abord aux niveaux des africains eux-mêmes et ensuite sur le plan continental.

§1. Au niveau des africains

L'effectivité implique, à titre principal, la connaissance de la Cour, de son droit et des droits qu'elle garantit, par les africains.

L'effectivité se conçoit aussi dans la mise en oeuvre de la protection des droits de l'homme efficace au niveau national ainsi que l'indépendance effective des juges, les moyens financiers et humains adéquats et, enfin, la volonté politique. Il se comprend donc sans peine que les droits de la personne humaine n'ont aucun sens s'ils ne sont pas connus des personnes qui en sont les bénéficiaires. Il est important qu'ils soient enseignés et que leur dissémination soit la plus large possible.

Par ailleurs, la Cour devra, pour sa crédibilité, gagner la bataille de sa visibilité, c'est-à-dire, communiquer à son propre sujet. Il s'agit en effet pour elle de se faire connaître au public, les sources de droit qu'elle applique et les différents droits dont elle assure la protection. La Cour devra, en plus, publier régulièrement les bulletins de ses arrêts et décisions et mettre à jour son site internet.

C'est donc à ces conditions et à celles-ci seulement qu'elle sera connue du grand public, qu'elle pourra participer à la dissémination des droits et susciter l'enthousiasme des peuples africains et des organisations de la société civile.

§2. A l'échelle nationale et continentale

La protection des droits de l'homme à l'échelle continentale ne peut aboutir que si, à la base, c'est-à-dire au niveau national de chaque Etat, il y a une véritable culture de protection des droits de l'homme. La protection des droits humains au niveau continental doit être subsidiaire à la protection nationale et non l'inverse. Les principaux efforts sont à fournir d'abord au niveau national. Il faut, à cet effet, renforcer les capacités des structures et institutions nationales de protection des droits de l'homme, instaurer les régimes démocratiques et l'Etat de droit dans les différents Etats. Ce faisant, le recours aux instances judiciaires africaines ne sera pas considéré comme une activité subversive mais plutôt comme l'exercice d'un droit normal dans un contexte démocratique. L'Etat mis en cause sera plus ou moins disposé à exécuter toutes les obligations de la Charte, y compris même en cas de condamnation.

Nous ne saurons terminer cette section relative aux défis sans reparler du pied d'Achille des défis de protection des droits de l'homme en Afrique à savoir la volonté politique.

§3. La nécessité d'une volonté politique plus positive

Cette nécessité constitue, à notre avis, le dernier défi qu'il faudra relever pour que la Cour africaine ne subisse pas le sort de la Commission.

A la pure vérité, les progrès d'une entreprise unitaire continentale dépendent, dans une large mesure, de la volonté politique des Etats membres à respecter leurs engagements et à respecter rigoureusement les décisions prises ensemble. En effet, cette condition est fondamentale pour l'effectivité et efficacité de la Cour Africaine des Droits de l'homme et des Peuples.

S'il est généralement admis qu'il n'existe aucun instrument pour mesurer la température de la volonté politique des Etats, un fait reste pourtant vrai : c'est grâce à la volonté politique que les trois quarts des Etats africains réticents pourraient ratifier on adhérer au Protocole et, le cas échéant, souscrire à la clause facultative sur base des articles 5, alinéa 3 et 34, alinéa 6 du Protocole. Les Etats peuvent aussi rendre la Cour efficace et viable en exécutant volontairement leurs obligations financières, en lui dotant des moyens matériels et humains adéquats. Mais déjà la prise de conscience qu'il faut doter le continent d'un mécanisme judiciaire efficace dénote et augure déjà d'une certaine volonté politique. L'entrée en vigueur du Protocole, la naissance officielle de la Cour, l'élection de ses premiers juges (Dr Fatsah Ouguergouz (Algérie), Jean Emile Somda (Burkina Faso), Dr Gérad Niyungeko (Burundi), Sophia A.B. Akuffo (Ghana), Kellelo Justina Masafo-Guni (Lesotho), Hamdi Faraj Fanoush (Libye), Midibo Tounty Guindo (Mali), Jean Mutsinzi (Rwanda), El Hadji Guissé (Sénégal), Bernard Ngoepe( Afrique du Sud) et Geroge W. Kanyeihamba (Ouganda). J(140(*)) la tenue de la première réunion le 02 juillet à Banjul en Gambie (141(*)) peuvent être cités à la faveur de cette prise de conscience.

Pour finir, les Etats africains devront donc cultiver davantage cette volonté politique, en commençant par ratifier le Protocole et souscrire (à) la clause facultative afin de favoriser l'émergence d'une justice panafricaine viable.

CONCLUSION GENERALE

Le contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique est un problème assez délicat et fait l'objet de vives critiques. Cette mission qui a été assignée à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples fait l'objet de plusieurs interrogations. La principale de toutes est celle de son effectivité.

Celle-ci a engendré plusieurs autres. La première est celle de l'exécution réelle des arrêts de la Cour par les Etats qui se sont engagés au terme du Protocole. La deuxième est celle de l'accès direct des individus (ou le jus standi) à la Cour au regard de la procédure devant elle ainsi que du formalisme que prévoit la Protocole portant son institution.

En effet, nous avons démontré que la structure de la Cour est particulière. L'accès des individus à la Cour est soumis tout d'abord à la déclaration par l'Etat de l'acceptation de la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes individuelles.

Vient ensuite l'interrogation liée à l'indépendance budgétaire réelle de la Cour.

Plus loin, il s'agit de savoir si, au regard de l'expérience de la Commission africaine qui est et demeure un organe non juridictionnel, la Cour, organe juridictionnel, saura assurer la protection des droits de l'homme en Afrique et rendre effective l'exécution de ses arrêts.

Nous avons montré qu'en Afrique, les droits de l'homme ont été bafoués et violés systématiquement et continuent à l'être jusqu'à présent. La dignité, l'honneur de la personne humaine ont connu une transgression sans pareil à travers la colonisation imposée aux africains par les pays occidentaux. Peu après les indépendances, le tour des régimes dictatoriaux est venu ; plus d'un individu ont subi torture et discrimination. Plusieurs encore ont été privés du droit à l'éducation, à la santé et, dans des régimes autoritaires et militaires leur droit à un procès équitable n'a pas connu bel accueil.

Face à ce constat, la Communauté Internationale africaine s'est soulevée pour manifester son indignation. Dans ce cadre, une avalanche des textes consécrateurs des droits fondamentaux y compris la Charte africaine, à titre principal, ont été adoptés par l'Union Africaine et auxquels les Etats se sont engagés.

Et pour rendre plus efficace cette consécration des droits et cet engagement des Etats plus rigoureux, l'Union Africaine a, au terme de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, prévu un organe de surveillance et de contrôle, la Commission africaine, chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique.

Mais il s'est avéré que la mission de cette Commission africaine et les résultats escomptés se sont révélés par la suite, mitigés. En fait, on a reproché à ses décisions leur caractère non-contraignant à l'endroit des Etats auteurs des violations des droits humains. A côté de ce premier reproche, il lui est imputé plusieurs autres déficiences liées par exemple au délai d'examen des requêtes, à la mobilisation des ressources nécessaires indispensables à l'accomplissement de sa mission et à sa tendance à vouloir toujours privilégier un règlement à l'amiable au détriment de l'efficacité des voies judiciaires.

Bien plus, il a été établi que la Commission africaine fut incapable d'assurer son double travail : à savoir promouvoir et protéger les droits de l'homme en Afrique. Si l'on admet d'une part que brillant fut son acharnement quant à la reconnaissance des droits de l'homme et donc à leur promotion, d'autre part il urgeait de mettre en place un organe de contrôle de nature juridictionnelle pour la protection réelle de ces dits droits.

Voilà comment, l'idée de la création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, après avoir fait l'objet des débats bien avant c'est-à-dire contemporainement à l'époque de la naissance de la Commission, réapparut et fut concrétisée.

Sa mission a été bien précisée à savoir compléter les fonctions de la Commission soit assurer la protection des droits de l'homme en Afrique, par un contrôle, cette fois-ci juridictionnel.

Après l'entrée en vigueur du Protocole portant sa création le dimanche 20 janvier 2004, nous nous sommes interrogés sur les possibilités pour la Cour d'assumer réellement sa mission.

La plus importante de ces interrogations, et la plus essentielle de toutes d'ailleurs, est celle qui porte sur la question de savoir les obstacles qui pourraient bâillonner l'action véritable de la Cour.

En réponse à cette interrogation, il a été observé que moult obstacles se dressent devant la Cour. Ils sont tout d'abord identifiables dans le système africain de promotion et de protection des droits de l'homme en général et qualifiés de juridiques et/ou institutionnelles (Insuffisances de la Charte africaine, faiblesses de la Commission, tentative de fusion des Cours de Justice de l'Union et africaine). Ensuite, ils sont à retrouver dans les déficits et inaptitudes que la Cour accuse. C'est notamment ce manque identifié dans plusieurs systèmes de contrôle juridictionnel international. En effet, au regard de l'appel lancé aux Etats de se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et de s'engager à en assurer l'exécution, il ressort que, au pied de l'article 30 du Protocole, l'exécution reste et demeure volontaire. Cependant, connaissant bien le caractère de « mauvais élèves » de plusieurs dirigeants africains au regard du manque de volonté politique qu'ils affichent, des doutes sérieux subsistent encore au sujet de l'effet réel ou mieux de l'effectivité des arrêts de la Cour, et du souci de les voir souscrire à la clause facultative de l'art. 34 (6) du Protocole. A cette effectivité de l'exécution volontaire des arrêts de la Cour s'ajoute la problématique de l'indépendance des membres de la Cour et de son autonomie financière. Cette dernière doit être comprise en termes d'efficacité et de suffisance. Ceci rencontre encore la volonté politique recherchée dans le chef des dirigeants d'Etats africains et plus concrètement dans leur engagement à apporter régulièrement leurs contributions financières sans lesquelles le travail de la Cour serait voué à l'échec.

De la présente étude, nous avons dégagé que l'une de grandes questions sur lesquelles la Cour Africaine devra s'étendre, devra être précisément celle de l'accès à la justice au niveau international, à sa hauteur donc, par la mise en oeuvre du droit de recours individuel tel que posé par l'article 5 (3) du Protocole. A nos yeux, ce droit de recours individuel le jus standi-véritable pierre angulaire de la protection internationale des droits de l'homme- est si important que toute démarche visant à l'affaiblir menacerait le fonctionnement et partant, l'effectivité, de l'ensemble du système africain de protection des droits de la personne. Nous disons même plus, cette disposition relative au « jus standi » constitue le principal pilier du mécanisme qui permet à l'individu de s'émanciper à l'égard de son propre Etat.

Au jour d'aujourd'hui, il nous est difficile d'apprécier, à leur juste valeur, les actions de la Cour car elle n'a pas encore eu l'occasion de recevoir, pour examen, une quelconque affaire. Nous ne pourrons donc pas savoir concrètement si les questions soulevées avec acuité seront posées, durant l'accomplissement de sa mission, avec une aussi grande ferveur.

Eu égard à cela, nous estimons que c'est de bonne logique que des recherches ultérieures pourront se pencher à cette besogne et partant, apprécier le travail de la Cour au regard de la mission lui assignée et ce, face aux critiques que nous adressons aujourd'hui et aux diverses interrogations qui animent présentement nos esprits. Le champ est donc ouvert aux recherches ultérieures sur notamment les mécanismes que la Cour mettra en oeuvre pour assurer, de manière efficiente, l'exécution de ses arrêts.

Au demeurant, malgré les limites et les faiblesses de la Cour africaine aujourd'hui, nous affirmons qu'elle a le potentiel de se développer comme un instrument important de protection des droits de l'homme. Toutefois, cette évolution nécessite des gages quant à l'indépendance et la volonté ferme des juges pour s'affirmer sur le plan du droit contre des Etats souvent réticents à ces mécanismes supranationaux. En définitive, il est également urgent que la Cour africaine se dote d'un Règlement Intérieur susceptible de combler les lacunes du Protocole portant création de la Cour Africaine. Un travail de promotion et de sensibilisation de la part de tous les défenseurs des droits de l'homme est nécessaire pour affirmer le rôle crucial de cette Cour dans la lutte contre l'impunité en Afrique.

BIBLIOGRAPHIE

I. INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX

- La Charte des Nations Unies.

- L'Acte Constitutif de l'UA.

- La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

- Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.

- La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- La Convention américaine des droits de l'homme.

- Protocole de la Cour de Justice de l'Union Africaine.

II. OUVRAGES

1. Amnesty International, Pour des procès équitables, Dalloz, Paris, EFAI, Paris, 2001.

2. CARREAU Dominique, Droit international, 6ème édition, Pedone, Paris, 1999

3. Centre for Human Rights, Sélection de documents-clé de l'Union Africaine relatifs aux droits de l'homme, Pretoria University Law Press (PULP), Pretoria, 2008

4. CHARVIN R. et SUEUR J-J, Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, Paris, 2002

5. CODI, Droits de l'homme recueil de documents internationaux et nationaux, Bruylant- A.E.D.L, Bruxelles et Louvain-la-Neuve, 1989.

6. CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, P.U.F, Paris, 2003

7. GANDINI Jean-Jacques, Les droits de l'homme, E.J.L, Paris, 1998

8. GUILIEN R. & VINCENT. J, Lexique des termes juridiques, 15e éditions, Dalloz, Paris, 2005

9. MBAYE Kéba, Les droits de l'homme en Afrique, 2ème édition, Pedone, Paris, 2002

10. Mény Y., La greffe et le rejet. Les politiques du mimétisme institutionnel, l'Harmattan, Paris, 1993

11. PETIT, L-E, DECAUX, E., IMBERT, La convention européenne des droits de l'homme, commentaire article par article, 2e édition, Economica, Paris, 1999.

12. RUBBENS Antoine, Le droit judiciaire zaïrois, Tome II, P.U.Z, Kinshasa, 1978

13. SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l'homme, 6ème édition confondue, P.U.F, Paris, 2003

14. VAN PARYS Jean- Marie, Dignité et droits de l'homme, NORAF,

OTTIGNIES-LOUVAIN-LA-NEUVE, 1989

III. ARTICLES ET REVUES

1. ATANGANA AMOUGOU, « Avancées et limités du système africain de protection des droits de l'homme : la naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples » in Revue Droits Fondamentaux, 2004, www.Droits-fondamentaux.org

2. AYISSI Anatole, « Indépendance et territoire politique en Afrique : Illusion de paix et fatalité du Chaos. »

3. BOKATULA OMANGO Isse, « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », in Vues d'Afrique n°1.

4. CIFENDE KACIKO Moïse, « Les conditions de recevabilité des communications individuelles devant la Commission africaine es droits de l'homme et des peuples : portée jurisprudentielle », in Revue de droit International et de Droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 2004.

5. KABEYA ILUNGA Noël, De l'OUA à l'Union Africaine : évolution, limites et défis de la protection des droits de l'homme en Afrique, in www.google.fr

6. MUTOY MUBIALA, « Les Etats Africains et la promotion des principes humanitaires », in CRIDHAC- Mars - Avril 1989, Fac.Droit, UNIKIN, 1989

7. OULD CHENA ch. Sidi Mohamed, «  La Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples : un processus de longue haleine », www.google.fr/search , s.l, s.d.

8. SIDIKI KABA, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », in www.Fidh.org

IV. MEMOIRE ET NOTES DE COURS

1. CIFENDE KACIKO Moïse, Le Droit international public, Notes de cours, inédit, G3 Droit, Fac Droit - U.C.B

2. KADOGO Ali, Le système africain de protection des droits de l'homme, Mémoire, Fac. Droit, UNIKIN, 2004-2005

3. MULENGEZI M. Jean-Soleil, L'Organisation et la compétence judiciaires, notes de cours, inédit, G1 Fac. Droit - UCB, 2003-2004

4. NYALUMA M. Arnold, Cours des méthodes et techniques de recherche, notes de cours, inédit, G1 Droit, UCB, 2003-2004

V. SITES INTERNET OU WEBOGRAPHIE

1. www.Africancourtcoalition.org

2. www.afrik.com

3. www.Conflits.org

4. www.Droishumains.org

5. www.Droits-fondamentaux.org

6. www.Echr.coe.Int/FR

7. www.fidh.org

8. www.lip-cifedhop.org

9. www.yahoo.fr

* 1 Antoine RUBBENS, Le Droit judiciaire zaïrois, Tome II, P.U.Z, Kinshasa, 1978, p. 9

* 2 Ali KADOGO, Le système africain de protection des droits de l'homme: Pratiques et procédures, Mémoire, Fac. Droit UNIKIN, 2004 - 2005. p. 1.

* 3 Ch. Sidi Mohamed OULD CHENA, La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : un processus de longue haleine, www. Google.fr /Search, (accédé le 17 janvier 2008) s.l, s.d.

* 4 Frédéric SUDRE, Droit Européen et International des droits de l'homme, 6ème édition confondue, P.U.F, Paris 2003, p. 591.

* 5 Moïse CIFENDE KACIKO, « Les conditions de recevabilité des communications individuelles devant la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : portée jurisprudentielle », in Revue de Droit International et de Droit Comparé, Bruylant, Bruxelles, 2004, p.267.

* 6 Ch. Sidi Mohamed OULD CHENA, Op. Cit.

* 7 Centre for Human Rights, Sélection de documents-clé de l'Union Africaine relatifs aux droits de l'homme, Pretoria University Law Press (PULP), Pretoria, 2008, p.33

* 8 Jus standi : droit d'accès direct reconnu aux individus devant la Cour européenne des droits de l'homme , Discours de Antonio Augusto Cançado Trindade, Audience solennelle de la Cour européenne des droits de l'homme, Ouverture de l'année judiciaire, 22 janvier 2004, www . Echr. coe. Int/ FR, accédé le 17 janvier 2008

* 9 Frédéric SUDRE, Op.Cit., p. 491

* 10 Arnold NYALUMA M., Cours de méthodes et techniques de recherche, Notes de Cours Droit, UCB, G1 Droit, Inédit, 2003 - 2004.

* 11 Jean- Marie VAN PARYS, Dignité et droits de l'homme, NORAF, OTTIGNIES-LOUVAIN-LA-NEUVE, 1989, p.19

* TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE I

DEDICACE II

AVANT-PROPOS III

SIGLES ET ABBREVIATIONS IV

NOTE PERSONNELLE DE L'AUTEUR A L'INTENTION DU LECTEUR..........V

INTRODUCTION GENERALE 1

I. PROBLEMATIQUE 1

II. HYPOTHESES 6

III. INTERET DU SUJET 7

IV. METHODOLOGIE 8

V. DELIMITATION 9

VI. PLAN SOMMAIRE 9

CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE CREATION DE LA COUR AFRICAINE DES

DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES 10

Section 1ère : Du contexte historique et institutionnel de création de la

Cour Africaine au sein du système Africain de protection de

droits de l'homme. 10

§.1. L'Afrique et l'O.U.A. 10

A. Le vent des indépendances : précurseur de l'édifice africain de protection des droits de l'homme. 11

B. L'Organisation de l'Unité Africaine (l'O.U.A) : fondement et édifice

régional de protection des droits de l'homme en Afrique. 12

§.2. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. 15

A. Caractéristiques ou originalités de la Charte. 16

B. Le mérite de la Charte. 18

§.3. La Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples 19

A. Création, nature et siège. 19

B. Composition. 19

C. Compétences. 20

Section 2ème : Vers des changements institutionnels beaucoup plus

significatifs 22

§1. L'U.A : Le nouveau visage de l'O.U.A. 22

§2. La Cour de Justice de l'U.A 25

A. Mission et compétence 25

B. La Cour de Justice de l'Union et les droits de l'homme 27

CHAP. II : ORGANISATION, FONCTIONNEMENT, COMPETENCES PROCEDURE DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET

DES PEUPLES 28

Section 1ère : Nature, ressort et siège 30

Section 2ème : Terminologie de la Cour 30

Section 3ème : Composition 32

§1. Composition proprement dite de la cour 33

§2. Procédure d'élection des juges 33

§3 : Mandat des juges et organisation du siège 34

§4. Le Statut des magistrats de la Cour 35

A. Indépendance des juges 35

B. Incompatibilités 36

§5. Fin du mandat et vacance du siège 36

Section 4ème : Fonctions 37

§1. Une fonction contentieuse  37

§2. La Fonction consultative de la Cour 39

§3. Le Règlement à l'amiable des différents 39

Section 5ème : Compétences de la Cour 40

§1. Compétence territoriale de la Cour (Ratione loci) 40

§2. Compétence temporelle ou ratione temporis de la Cour 41

§3. Compétence matérielle ou ratione materiae 42

A. Les violations de la Charte africaine 43

B. Les violations d'autres instruments pertinents de protection des

droits de l'homme. 47

Section 6ème : Des conditions de l'exercice de l'action devant la Cour 48

§.1. Les conditions relatives à la qualité 49

A. La Commission Africaine des droits de l'Homme et de Peuples 49

B. Les Etats parties 49

C. Les organisations intergouvernementales africaines 50

D. Les organisations Non Gouvernementales (ONG)et

E. les individus. .51

§.2. Les conditions liées à la recevabilité d'une communication

ou requête 52

A. Les conditions générales de recevabilité 52

B. Les conditions spécifiques 53

§.3. Les conditions relatives à la forme de la communication 61

Section 7ème : Le déroulement du procès devant la Cour Africaine 64

§.1. La recevabilité de la requête 65

§.2. Le traitement de l'affaire 65

A. Le règlement à l'amiable 66

B. La procédure contradictoire de l'examen de l'affaire 66

C. L'arrêt de la Cour 68

Section 8ème : Des décisions de la Cour et de leur portée 69

§.1. Types de décisions 69

A. Les mesures provisoires 69

B. Les arrêts de la Cour 70

C. L'exécution des décisions de la Cour 73

D. Le Rapport 74

Section 9ème : La place des victimes dans la procédure devant la Cour.. 75

§.1. La participation des victimes 75

A. La saisine de la Cour par les victimes 75

B. La représentation légale des victimes 76

C. Le rôle des victimes parties dans la procédure 76

§.2. Le témoignage des victimes 76

§.3. La protection des victimes 77

§4. Le droit des victimes à une réparation 78

CHAP. III. LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES

PEUPLES ET LES AUTRES COURS DE TYPE REGIONAL 79

Section 1ère : Institutionnalisation et place des Cours dans le système

régional type de protection des droits de l'homme 79

§1. La Cour européenne des droits de l'homme 80

A. Caractéristiques et spécificités 81

B. Droits protégés par la Cour européenne 81

§2. La Cour interaméricaine des droits de l'homme 82

A. Caractéristiques et spécificités 82

B. Les droits protégés par la Cour américaine 83

Section 2ème : La Composition des Cours européenne et

Interaméricaine... 85

§1. De l'élection des juges 85

§2. Du Statut et de l'indépendance des juges 86

§3. Du mandat des juges 87

Section 3ème : Des procédure et saisine 88

§1. De la procédure devant les Cours Européenne et Interaméricaine.. 88

§2. De la saisine des Cours européenne et interaméricaine 89

Section 4ème : Des décisions des Cours : Caractère et portée. 91

§1. Exécution des arrêts de la Cour européenne 92

§2. Exécution des arrêts de la Cour interaméricaine 93

Section 4ème : Tableau de comparaison à titre récapitulatif. 95

CHAP.IV : DES LIMITES, OBSTACLES ET DEFIS DE LA PROTECTION DES

DROITS DE L'HOMME EN AFRIQUE 97

Section 1ère : Des limites Juridiques et/ou institutionnelles à la

protection des droits de l'homme en Afrique 97

§1. Les limites propres au système africain 98

A. Les lacunes de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples 98

B. Les faiblesses de la Commission africaine des droits de

l'homme et des peuples 100

C. La fusion de la Cour africaine avec la Cour de Justice

de l'Union ... 103

§2. Les déficiences structurelles de la Cour africaine des droits de

l'homme et des peuples 105

A. De la composition de la Cour 106

B. Une compétence concurrente entre la Cour et la Commission 106

C. Une limite qui se fonde sur la clause facultative d'acceptation de la compétence de la Cour 107

D. L'Insuffisance fondée sur l'exécution volontaire des arrêts de la Cour 108

E. Le silence du Protocole sur la question des voies de recours 109

F. L'absence ou le manque de ressources financières

adéquates. 109

Section 2ème : Des limites politiques et conjoncturelles à l'efficacité de la protection des droits de l'homme en Afrique 110

§1. Le manque de volonté politique des Etats africains

réfractaires à la question des droits de l'homme 111

§2. « Une fameuse conception de souveraineté » en Afrique 111

Section 3ème : Les défis de la protection des droits de l'homme en Afrique

par la Cour africaine 112

§1. Au niveau des africains 113

§2. A l'échelle nationale et continentale 114

§3. La nécessité d'une volonté politique plus positive 114

CONCLUSION GENERALE 116

BIBLIOGRAPHIE 120

TABLE DES MATIERES

* 12 Nöel KABEYA ILUNGA , De l'OUA à l'Union Africaine : évolution, limites et défis de la protection des droits de l'homme en Afrique, www.Droitshumains.org

* 13 Nöel KABEYA ILUNGA, Op.Cit.

* 14 Anatole AYISSI, Indépendance et territoire politique en Afrique : Illusion de paix et fatalité du Chaos, WWW.google.fr, 9 septembre 2000, 18 heures.

* 15 Noël KABEYA ILUNGA, Op. Cit.

* 16. Noël KABEYA ILUNGA, Op. Cit.

* 17. SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 18 Noël KABEYA ILUNGA, Op. Cit, sl, sd.

* 19 Noël KABEYA ILUNGA, Op. Cit, sl, sd..

* 20. Idem

* 21 . ISSE OMANGO BOKATULA, « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », in Vues d'Afrique n°1, www.eip-cifedhop.org , 12 Septembre 2008.

* 22. Noël KABEYA ILUNGA, Op. Cit., sl, sd.

* 23. Noël KABEYA ILUNGA, Op. Cit, sl, sd.

* 24.Idem

* 25 Moïse CIFENDE KACIKO, Op. Cit, p. 269.

* 26 Centre for Human Rigths, Op. Cit, p. 4.

* 27 Article 3 de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine

* 28 Article de l'A.C.U.A

* 29 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit, sl, sd.

* 30 Article 18 de l'A.C.U.A

* 31 Article 19 du Protocole de la Cour de Justice de l'Union Africaine

* 32 Article 18 du Protocole de la C.J.U : 1 Peuvent saisir la Cour : (a) les Etats parties au présent Protocole ; (b) la Conférence, le Parlement et les autres organes de l'Union autorisés par la Conférence ; (c) un membre du personnel de la Commission de l'Union, sur recours, dans un litige et dans les limites et les conditions définies dans les Statuts... (d) les tierces parties....2. Les conditions auxquelles la Cour est ouverte aux tierces parties sont, sous réserve des...; définies par la conférence.....3. Les Etats qui ne sont pas membres de l'Union ne sont pas recevables à saisir la Cour ; (...)

* 33 Kéba MBAYE, Les droits de l'homme en Afrique, 2ème édition, Pedone, Paris, 2002, p. 188

* 34 Mény Y., La greffe et le rejet. Les politiques du mimétisme institutionnel, L'Harmattan, Paris, 1993,

pp. 14-15, in www.conflits.org.

* 35 SIDIKI KABA, La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, in www.fidh.org, consulté le 11 septembre 2008.

* 36 Noël KABEYA ILUNGA, Op. Cit, sl, sd.

* 37 Idem

* 38 Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : la naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », in Revue Droits fondamentaux, www. Droits-fondamentaux.org, (c) 2004, consulté le 16 janvier 2008.

* 39 Article 25 du Protocole relatif à la Cour africaine

* 40 Article 11 du Protocole

* 41 Article 13

* 42 Article 12

* 43 Article 13 (2)

* 44 Interprétation de l'article 14 (1 et 2) par la coalition pour la Cour africaine, www.Africancourtcoalition.org

* 45 Article 16

* 46 Article 15

* 47 Article 21.

* 48 Article 24.

* 49 Article 23.

* 50 Article 22

* 51 Article 19

* 52 Article 20(2)

* 53 Article 15 (3)

* 54 Article 15 (3)

* 55 Article 3(2) du Protocole

* 56 Article 60 du Protocole

* 57 Article 61 du Protocole

* 58 « la Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis applique :

a. Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige ;

b. La coutume internationale comme preuve d'une pratique générale, acceptée comme étant le droit ;

c. Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ;

d. Sous réserve de la disposition de l'article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit », in Dominique CARREAU, Droit international, 6ème édition, Pedone, Paris, 1999, p. 70

* 59 Article 4(1)

* 60 Article 4(2)

* 61 Kéba MBAYE, Op. Cit, p. 262

* 62 Jean-Soleil MULENGEZI M., L'Organisation et la compétence judiciaires, notes de cours, inédit, G1 Fac. Droit - UCB, 2003-2004

* 63 Article 3 du Protocole

* 64 SIDIKI KABA, Op.Cit, .sl, sd.

* 65 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 66 SIDIKI KABA, Op.Cit.

* 67 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 68 SIDIKI KABA, Op. Cit,sl, sd.

* 69 (Voir) Kéba MBAYE, Op.Cit., p. 261.

* 70 Les organisations intergouvernementales africaines, www.fidh.org , consulté le 13 mars 2008.

* 71 SIDIKI KABA, Op. Cit., sl, sd.

* 72 Malawi African association contre Mauritanie, 54/91 ; Amnesty international contre Mauritanie, 61/91 ; Mme Saar Diop, Union Interafricaine des droits de l'homme et RADDHO contre Mauritanie, 98/93 ; Collectif des veuves et ayants droits contre Mauritanie, 164/97 ; Association Mauritanienne des droits de l'homme contre Mauritanie, 210/98, 11 mai 2000, § 79, in Moise CIFENDE KACIKO, Op. Cit, p. 276

* 73 Moise CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p. 275, 276, 277-278.

* 74 Communications 57/91 et 1/88

* 75 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 76 Moise CIFENDE KACIKO, Op.Cit., p. 282.

* 77Idem, p. 283.

* 78 Www.fidh.org, 13 mars 2008, 15 heures.

* 79 SIDIKI KABA, Op. Cit.

* 80 Moïse CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p. 289, 292, 293, 302, 303

* 81 SIDIKI KABA, Op.Cit.

* 82 Moïse CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p.303.

* 83 Article 35 de la convention européenne des droits de l'homme. Pour un commentaire de cette disposition cfr.

PETTITI, L-E, DECAUX, E., IMBERT, P-H., La convention européenne des droits de l'homme, commentaire article par article, 2e édition, Paris, Economica, 1999, p.591-620, cité par Moïse CIFENDE K., Op. Cit, p. 305.

* 84 Moïse CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p. 307.

* 85 SIDIKI KABA, Op. Cit., sl, sd.

* 86 SIDIKI KABA, Op. Cit.

* 87 Ibidem.

* 88 Article 6, 1. La Cour, avant de statuer sur la recevabilité d'une requête introduite en application de l'article 5 (3) du présent protocole, peut solliciter l'avis de la Commission qui doit le donner dans les meilleurs délais.

* 89 SIDIKI KABA, Op. Cit, sl, sd.

* 90 SIDIKI KABA, Op.Cit., sl, sd.

* 91 Article 10(1)

* 92 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 93 Idem

* 94 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 95 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd

* 96 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 15 édition, Dalloz, Paris, 2005, p. 51.

* 97 Article 28 (3) du Protocole

* 98 Article 28 (4) du Protocole

* 99 SIDIKI KABA, Op.Cit., sl, sd.

* 100 Article 27 (1) du Protocole

* 101 SIDIKI KABA, Op. Cit., sl, sd.

* 102 Moise CIFENDE KACIKO, Droit international public, Notes de cours, inédites, G3, Fac Droit, U.C.B.,

2005-2006.

* 103 L-E PETITI, E. DECAUX, P-H IMBERT, La Convention européenne de droits de l'homme, Commentaire article par article, 2e édition, Economica, Paris, 1999, p. 847.

* 104 SIDIKI KABA, Op.Cit., sl, sd

* 105 Article 29 (2) du Protocole

* 106 Article 31 du Protocole

* 107 SIDIKI KABA, Op.Cit., sl, sd.

* 108 SIDIKI KABA, Op.Cit., sl, sd

* 109 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 110 SIDIKI KABA, Op.Cit., sl, sd..

* 111 Conseil pour le Développement Intégré (CODI), Droits de l'homme : recueil de documents internationaux et nationaux, Bruylant - A.E.D.L, Bruxelles et Louvain - la- Neuve, 1989, p. 19.

* 112 Ibidem

* 113 Article 45 de la Convention de sauvegarde.

* 114 Article 48

* 115 Article 49

* 116 Article 62 (3) de la Convention américaine.

* 117 Article 38 de la Convention de sauvegarde

* 118 Article 58 de la Convention américaine.

* 119 Article 39 de la Convention de sauvegarde, 53 de la Convention américaine, 14 du Protocole à la Charte africaine

* 120 Article 39 (3) de la Convention de sauvegarde et 52 de la Convention américaine, Henri Oberfoff et Jacques Robert, Libertés fondamentales et droits de l'homme.

* 121 Article 59 de la Convention de sauvegarde

* 122 Article 40 (1, 2, 5,6) de la Convention de sauvegarde.

* 123 Article 34 (6) du Protocole relatif à la Charte africaine

* 124 SIDIKI KABA, Op.Cit., sl, sd.

* 125 SIDIKI, KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 126 Article 52 de la CEDH et Article 67 de la CIADH

* 127 MUTOY MUBIALA, « Les Etats Africains et la promotion des principes humanitaires », in CHRIDHAC- Mars - Avril 1989, FAC Droit UNIKIN, 1989

* 128 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 129 L-E PETITI et Alii, Op.Cit, p. 869

* 130 Ch. SIDI Mohamed OULD CHEINA, Op.Cit , www.Google.fr/search, 19/07/08.

* 131 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd..

* 132 Amesty International, Pour des procès équitables, EFAI, Paris, 2001, p. 160

* 133 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.

* 134 SIDIKI KABA, Op. Cit, sl, sd.

* 135 Robert CHARTIN et Jean-Jacques SUEUR, Droits de l'homme et libertés de la personne, 4e éd., Litec, Paris, 2002, p. 7

* 136 SIDIKI KABA, Op.Cit. sl, sd.

* 137 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit. sl, sd.

* 138 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.

* 139 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.

* 140 Noël KABEYA ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.

* 141 www.afrik.com, consulté, le 04 octobre à 14 heures.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand