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La vulnérabilité psychologique des jeunes femmes en situation de double contexte culturel

( Télécharger le fichier original )
par Camille PATRY
Université de Toulouse le Mirail - Master 1 psychologie 2009
  

Disponible en mode multipage

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Université Toulouse le Mirail-UFR de psychologie
Département de Psychopathologie clinique

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Mémoire de master 1 présenté par Camille PATRY

Sous la direction de Claude COLLADO
Maitre de Conférence à l'UTM

Membre du jury : Elaine COSTA-FERNANDEZ

« Notre arbre de vie plonge ses racines dans la terre arrosée du sang qu'ont laissé s'écouler
les blessures provoquées par les conflits de nos parents »
.
MR Moro.

Je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à
l'élaboration de ce mémoire.

Ma grand-mère, Guglielmina Corazza, qui m'a fait partager son histoire et m'a raconté son
pays ; mes parents, Claude Patry et Nathalie Corazza. Tout d'abord pour m'avoir donné
l'envie de découvrir le monde, et pour avoir soutenu mes projets personnels. Puis, je les
remercie plus particulièrement de leurs encouragements durant cette année universitaire et
de la patience dont ils ont fait preuve pour les relectures de ce travail.

Je remercie également Claude Collado pour ses conseils, ses encouragements et sa
disponibilité.

Véronique Grenier et Anna Fornerod pour leur précieuse aide.
Enfin, merci aux jeunes femmes qui ont accepté de participer à cette recherche.

SOMMAIRE

INTRODUCTION

PARTIE THEORIQUE

I/ LA CULTURE ET L'INDIVIDU

II/ L'INTEGRATION CONFLICTUELLE DES MODELES CULTURELS III/ LES SIGNES CLINIQUES

PROBLEMATIQUE

PARTIE METHODOLOGIQUE

I/ PROTOCOLE EXPERIMENTAL

II/ HYPOTHESES DE RECHERCHE

III/ PRESENTATION DES RESULTATS IV/ INTERPRETATION DES RESULTATS

DISCUSSION ET CONCLUSION

· Références bibliographiques

· Index thématique

· Index onomastique

· Annexes I

· Table des matières

INTRODUCTION

Nous vivons actuellement dans une société française multiculturelle. En effet, l'importance des phénomènes migratoires est une réalité que tout un chacun peut appréhender quotidiennement et, selon les historiens, nous assistons aujourd'hui à l'une des plus grandes migrations connues. Celle-ci est liée à plusieurs facteurs. Il y a une immigration dû aux raisons d'ordre économique, qui se manifeste aujourd'hui principalement par le regroupement familial et la fondation d'une famille dans le pays d'accueil. D'autres motifs d'immigration sont d'ordre sociopolitique, liés à la fuite devant les persécutions raciales, le climat de guerre du pays d'origine, etc. On peut également évoquer des facteurs idéologiques pour expliquer certains exils, qui paraissent moins dramatiques ou moins impérieux. Les idéologies actuelles étant fondées sur la consommation de biens et sur le principe de jouissance immédiate, certains sont attirés par la représentation idéale des pays occidentaux en la matière, où ils espèrent trouver plus d'aisance économique et sociale que dans leur pays d'origine.

Il n'en reste pas moins que l'exil, qu'il soit forcé ou choisi, provoque un changement radical, avec une perte des repères habituels, qui n'est que partiellement compensée par le regroupement dans la terre d'adoption avec les membres de la même communauté. La migration impose ainsi un réaménagement psychique profond. L'adaptation au pays d'accueil oblige l'individu à modifier son système de défense et le confronte à des normes différentes et parfois antinomiques de celles de sa culture d'origine. Si l'on se réfère à la définition de l'acculturation de Devereux (1972)1, on conçoit que le migrant intègre plus ou moins les modèles culturels du pays d'accueil.

Cependant, si l'intégration des populations migrantes a soulevé de nombreuses questions dont ont découlé des recherches en sciences humaines, force est de constater qu'aujourd'hui, nombre de jeunes adultes ne sont plus eux-mêmes dans cette dynamique de voyage, mais portent l'exil de leurs parents comme une donnée de leur existence. Il est alors question de l'intégration de ces enfants de migrants, qui se sont développés dans un contexte biculturel. Les médias ne cessent de démontrer que cette question est au coeur des débats actuels de notre société, et on retrouve sur le devant de la scène les problèmes liés à l'intégration de ces jeunes.

1 « L'acculturation recouvre l'ensemble des phénomènes résultants d'un contact continu et direct entre des groupes d'individus appartenant à différentes cultures, et aboutissant à des transformations affectant les modèles culturels originaux de l'un ou des deux groupes ». Devereux, G. (1972). Ethnopsychanalyse Complémentariste. Paris : Flammarion (1985) p. 253.

Plusieurs recherches ont, quant à elles, révélé une absence de résultats significatifs sur le taux de morbidité des enfants de familles migrantes ; néanmoins, elles constatent une prévalence des échecs scolaires et des difficultés d'adaptation sociale, surtout à l'adolescence.

On peut alors se demander quels sont les éléments qui entrent en jeu dans l'évolution de la personnalité dans ce contexte biculturel. Il s'agit notamment pour ces individus d'aménager les différentes valeurs culturelles dont ils sont imprégnés, celles de la culture parentale et celles de la culture du pays d'accueil. A ce sujet, Couchard (1999) affirme que le sujet est le plus souvent écartelé entre des modèles culturels contradictoires.

Mais il est également question de la dialectique, propre à tout individu, entre les besoins du moi et ceux du lien à l'autre, entre filiation et affiliation. On peut avancer que la pluralité des références culturelles va compliquer davantage encore la conciliation de ces différents besoins.

Dès lors, développement de la personnalité dans un double contexte culturel induiraitil une fragilité de la structuration psychique ? Notre recherche a pour objectif de répondre à cette question, en explorant différents éléments de la dynamique psychique des jeunes femmes d'origine Maghrébine qui ont grandit en France.

Nous commencerons par faire une présentation succincte des différentes théories et recherches qui ont trait à cette problématique.

A l'issue de cette partie théorique, nous exposerons notre propre recherche, dans laquelle nous utilisons le test de Rorschach que nous avons administré à six jeunes femmes d'origine Maghrébine. Nous étudierons les manifestions de l'angoisse présentes dans les protocoles de celles-ci, et le système défensif mis en place. Puis nous nous pencherons sur les modalités d'investissement de la représentation de soi telles qu'elles transparaissent dans les contenus des productions au Rorschach. Nous comparerons ensuite les réponses des participantes aux normes françaises en vigueur pour la population adulte, en vue d'observer une possible influence des spécificités culturelles de ces jeunes femmes.

Enfin, les résultats, ainsi que l'intérêt de la recherche, seront débattus. Il nous semble
cependant intéressant de signaler dès maintenant que nous sommes tous amenés à rencontrer
cette problématique à un moment donné au cours de notre carrière. Il s'agit alors d'en tenir

compte afin de penser ces enfants de migrants dans leur complexité et dans leur singularité, pour nous permettre de mieux les comprendre, les aider et les soigner.

PARTIE THEORIQUE

I/ LA CULTURE ET L'INDIVIDU

1/ La culture : un essai de définition

Il n'existe pas d'homme sans culture. Il est donc nécessaire d'appréhender le concept de culture, qui reste cependant complexe. Dans l'avenir d'une illusion (1927), Freud considère la culture comme ce qui distingue l'homme de l'animal ; et déjà bien avant, en conclusion de Totem et Tabou (1913), il rapprochait l'histoire des différentes cultures de l'évolution de leurs réalisations artistiques, sociales, morales et religieuses. Effectivement, si l'on se réfère au dictionnaire, le sens commun donné est : << ensemble des structures sociales et des manifestations artistiques, religieuses, intellectuelles qui définissent un groupe, une société par rapport à une autre »2.

En se recentrant sur une conception plus psychologique, nous constatons que de nombreux auteurs ont cherché à déterminer les modalités d'inscription de la culture dans la structuration de la personnalité. Lacan (1966), dans Ecrits, envisage la culture comme s'inscrivant au plus profond du sujet, dans la structure même du discours. Il précise que pour l'enfant, un mot puise sa signification profonde dans ses rôles immédiats, l'un d'intégration au réel du quotidien et à la culture adoptée par les parents, et l'autre vécu d'une réalité intérieure se rattachant à une culture idéale qui passe dans l'imaginaire. Force est alors de constater que la culture s'inscrit à de multiples niveaux qui rendent compte du vécu individuel de celle-ci. Elle est un lien entre la réalité psychique et l'environnement de l'individu.

Winnicott (1975) a conceptualisé le lieu où se créer ce lien comme une troisième aire, celle de << l'expérience culturelle » : << Si cette aire doit être considérée comme une part de l'organisation du moi, c'est là une part du moi qui n'est pas un moi-corps, qui n'est pas fondée sur le modèle d'un fonctionnement du corps, mais sur les expériences du corps » 3. Il précise que l'expérience culturelle prend tout son sens sous le terme freudien de << sublimation ». Nous ne connaissons de meilleur exemple de sublimation que l'art. Freud

2 Le Petit Larousse Illustré (1992).

3 Winnicott, D.W. (1971). Jeu et réalité. Paris : Gallimard (1975). (p140).

note à ce sujet : << l'art accomplit par un moyen particulier une réconciliation des deux principes (principe de réalité et principe de plaisir) »4. Ainsi nous comprenons davantage que Ben Slama (1983) nomme << processus tertiaires » les fonctions psychiques à l'oeuvre dans la culture, qui dès lors réconcilieraient les processus primaires et les processus secondaires.

Or, une dimension du non-moi se joue également dans ces processus. La culture recouvre un univers de significations utilisées par les membres d'un groupe ; elles permettent notamment l'établissement d'un code commun de compréhensions et de réactions au monde que nous pouvons désigner comme le cadre culturel, formation relativement immuable dans un espace culturel donné.

Kaës (1998) précise que << la culture soutient le processus de la structuration en introduisant le sujet à l'ordre de la différence, spécialement dans les rapports décisifs des sexes et des générations, à l'ordre de la langue et à l'ordre de la nomination, c'est-à-dire au système de désignation du sujet dans sa place dans une généalogie, dans sa position sexuée, dans son affiliation sociale et culturelle »5.

2/ Culture et psychisme

De nos jours, les médias, à l'instar des enjeux de l'intégration des populations d'origines biculturelles à la société d'accueil, dévoilent fort bien l'affrontement des spécialistes de la psychologie interculturelle au sujet des particularités culturelles propres à chacun et des principes d'universalité du psychisme humain.

a) L'universalisme

Nombre de cliniciens s'en tiennent à l'universalité des processus psychiques. Freud (1913) affirme dans Totem et Tabou l'existence d'une structure psychique commune à tous les êtres humains quels que soient leur appartenance et leur cadre culturel. Il induit ainsi que l'inconscient est un invariant culturel. Cette thèse repose sur le constat que les conditions psychologiques de la naissance et du développement de tout individu sont analogues partout, et de ce fait, peu soumises aux facteurs culturels. Freud reconnaît le rôle primordial et universel de la sexualité infantile. C'est autour du modèle oedipien (que Freud entend

4 Freud, S. (1911). Formulation sur les deux principes du cours des événements psychiques. Psychanalyse à l'Université, 14, 1979. (p 194).

5 Kaës, R. (1998). Différence culturelle, souffrance de la langue et travail de préconscient dans deux dispositifs de groupe. In : R, Kaës et al. (Ed), Différence culturelle et souffrances de l'identité (pp. 45-87). Paris : Dunod. (p. 46).

retrouver dans toutes les cultures) et aussi de l'angoisse de castration et du refoulement (qui découlent de cet oedipe universel), que l'on voit s'articuler la démarche freudienne. Ainsi chaque culture se voit soumise pour une certaine part, aux mêmes principes que ceux qui règlent l'évolution adaptative ou les aléas morbides d'une individualité, principes qui obéissent aux lois communes organisant l'imaginaire des collectivités.

Pour les auteurs s'inscrivant dans ce courant, ces principes prévalent sur les facteurs culturels dans l'organisation psychique humaine. Mais cette position universaliste va cependant être contestée à partir des années 1920-1930.

b) Le culturalisme

A l'inverse, certains auteurs optent pour la prévalence des particularités culturelles. Ce courant s'appuie notamment sur les travaux de M. Mead (1963) qui concluent que la culture et l'éducation d'une société structurent la personnalité d'une manière indélébile.

Kardinier (1969) développe alors le concept de « personnalité de base >>, comme « la configuration psychologique particulière propre aux membres d'une société donnée >>6. L'approche culturaliste a mis en évidence que l'on ne peut négliger l'importance des spécificités culturelles sur le développement des systèmes de pensée. En effet, des instances psychiques se trouvant plus en contact avec le social, subissent nécessairement des influences différentes selon la culture originaire du sujet, notamment le surmoi dans l'origine duquel Freud souligne l'empreinte des figures parentales et de la morale ambiante.

Néanmoins, force est de constater que l'on ne peut réduire la personnalité à un ensemble de traits attribués au sujet en tant que caractéristiques de sa culture, dans une vision descriptive et statique.

c) L'approche complémentariste

Devereux (1970), fondateur de cette approche, récuse l'isomorphisme simplificateur qui veut réduire le sujet à sa seule composante culturelle et inversement. « Historiquement, la culture et l'esprit humain sont des coémergents et se présupposent réciproquement >>7.Par conséquent, l'être humain se structure en interaction avec son système culturel d'appartenance. L'originalité de son oeuvre a sans doute été d'ouvrir la réflexion sur la part

6 Kardinier, P. (1969). L'individu dans la société. Paris : Gallimard. (p. 336).

7 Devereux, G. (1970). Essais d'ethnopsychiatrie générale. Paris : Gallimard. (p. 371).

inconsciente de la culture, qui recouvrerait à la fois un système standardisé de défenses, un code symbolique commun et le support des représentations et des identifications collectives. Il fait ainsi la différence entre deux types d'inconscients : l'inconscient individuel propre au sujet et à son historicité, et l'inconscient ethnique que chacun possède en commun avec les membres de sa culture. Il pose donc l'étroite interrelation entre individualité et culture.

Nombres d'auteurs le succédant s'inscrivent dans ce courant ethnopsychanalytique où les conflits inconscients, désirs de se réaliser, fantasmes archaïques se retrouvent chez tous, mais empruntent des formes singulières en fonction de la culture du sujet. En effet, pour Moro et Revah-Levy (1998), « les cultures, comme les langues, sont plurielles. Elles ne constituent pas des essences séparées mais des formes d'expression différentes d'un universel que l'on ne peut décrire, jusqu'à maintenant, que par approximations >>8.

Nous pouvons donc dire que ces auteurs penchent pour une conception dynamique entre culture et psychisme, où ces entités sont en interaction réciproque constante.

3/ Le double contexte culturel

La précédente explication des rapports entre l'individu et la culture nous permet de nous interroger quant aux processus mis en jeu pour les sujets évoluant dans un contexte biculturel.

a) « L'entre-deux » cultures :

Les jeunes d'origine Maghrébine qui ont grandi en France sont effectivement en situation de double référence culturelle. Ils se distinguent en cela par une position que Siboni (1991) dénomme l'entre-deux et qu'il définit « comme une forme de coupure-lien entre deux termes...Entre deux cultures c'est encore plus évident : de telles entités ne viennent pas se recoller ou s'opposer le long d'un trait, d'une frontière, d'un bord où deux traces viennent s'aligner pour accomplir le long du trait qui les sépare. Au contraire, il s'agit d'un vaste espace où recollement et intégration doivent être souples, mobiles, riches de jeux différentiels. C'est l'espace d'entre-deux qui s'impose comme lieu d'accueil des différences qui se rejouent>>. 9

8 Moro, M.R., Revah-Levy, A. (1998).Soi-même dans l'exil. In : R, Kaës et al. (Ed), Différence culturelle et souffrances de l'identité (pp. 107-129). Paris : Dunod. (p. 111).

9 Siboni, D. (1991). Entre-deux, l'origine en partage. Paris : Seuil.( pp.10-11).

Nous avons choisi d'adopter la position de cet auteur sur le lieu où va se jouer la double appartenance culturelle des enfants de migrants. Cependant, il paraît nécessaire de comprendre comment chaque modèle culturel intervient dans la structuration du sujet afin d'entrevoir la complexité des processus psychiques propre à cet entre-deux.

b) La filiation

Il est inconcevable de nier le rôle parental dans la transmission de la culture. L'enfant dans sa détresse originelle, reçoit à travers la relation primordiale avec la figure maternelle, tout un système de significations qui varie d'une culture à l'autre. En effet, au cours des premiers mois, la mère aménage le monde de l'enfant à sa manière ; elle l'ouvrira progressivement et << à petite dose », de par la fonction d'object-présentering définit par Winnicott (1957). << La mère partage avec son petit enfant un morceau à part du monde, le gardant suffisamment petit pour que l'enfant ne soit pas dans la confusion, l'agrandissant très progressivement afin de satisfaire la capacité grandissante de l'enfant à jouir du monde »10. Or, la mère appréhende le monde selon des catégories déterminées par un codage culturel. Par conséquent, les parents vont véhiculer de manière consciente ou non des significations culturelles. La libidinisation du corps, l'éducation sexuelle, tout comme les repères identificatoires sont marqués par les idéaux et les interdits culturels.

Les recherches portant sur la question de la bi-culturalité nous apprennent que les jeunes de la deuxième génération restent imprégnés par la culture d'origine. Ils portent des marqueurs identitaires appartenant à la culture de la mère, du père et de l'affectivité. Les liens émotionnels avec la culture d'origine sont tenaces, et l'appartenance culturelle de la famille constitue un pôle de structuration important et qui reste efficient malgré l'acculturation. Néanmoins, nous admettrons qu'elle ne résume pas l'identité du sujet.

c) L'affiliation

Les enfants d'immigrés se développent depuis leur petite enfance dans l'environnement Français. Nous savons que le rôle de socialisation des parents est très vite relayé, entre autres par différentes institutions. En effet, quelque soit le statut légal des parents, les enfants vont à l'école et sont donc élevés dans le cadre du système d'éducation Français. De Carmoy (1993) nous affirme que << le code scolaire est chargé symboliquement des significations culturelles qu'il faut pouvoir manier si l'on veut s'adapter à la société

10 Winnicott, D.W. (1957). Le monde à petite dose. In : L'enfant et sa famille. Paris : Payot (1979). (p.75).

d'accueil »11. Par la lecture et l'écriture notamment, ils vont donc s'inscrire dans les logiques du monde français.

C'est sans compter les réseaux relationnels que ces enfants vont se créer. Nous pouvons par conséquent stipuler que par les jeux d'échanges et d'identifications aux pairs, ils vont intégrer des modèles culturels français. De plus, Vinsonneau et Camilleri (1987) nous indiquent que ceux-ci « exercent un puissant attrait sur les jeunes car ils procèdent d'un groupe majoritaire en position de pouvoir donc assurés du prestige intrinsèque ; ils sont sanctionnés positivement de façon constante, dans la mesure où les comportements qui y obéissent sont adaptatifs et efficaces »12.

Dès lors, nous remarquons que les valeurs issues de la culture d'origine et celles de la culture française ne cessent de se rencontrer dans un enchevêtrement dynamique.

d) Les possibilités d'aménagement

Il nous semble tout d'abord intéressant de souligner qu'entre la culture Française et la culture Maghrébine, la différence des valeurs véhiculées est importante compte tenu de l'éloignement des modes de vies, des principes religieux etc. En continuant de nous appuyer sur la notion d'entre-deux, nous nous sommes donc interrogés sur le jeu de ces différences entre les deux modèles culturels en présence dans ce lieu.

- L'intégration des cultures

Différentes recherches sur la problématique identitaire des enfants de migrants montrent que les systèmes culturels vont s'interpénétrer pour structurer l'identité de l'individu. Clanet (1990) conçoit le système identitaire comme une entité plurielle qui intègre diverses identifications puisées dans le milieu familial et extra-familial. Il parle alors d'un « pluralisme cohérent » dans la mesure où le sujet peut mobiliser des mécanismes de défenses et d'adaptation pour dépasser les conflits intrapsychiques et interpersonnels. Pigott (1993) assure, quant à lui, qu'un enfant peut parfaitement intégrer plusieurs langues sans pour cela qu'il soit contraint au refoulement d'une partie de lui-même ou que l'on craigne un clivage. De plus, Fdhil (1999) affirme qu'il est infondé de parler d'incohérence culturelle dans la mesure où ces enfants de migrants ont la possibilité d'orienter les relations entre deux cultures

11 De Carmoy, R. (1993). Entre intégration et rupture : les adolescentes musulmanes à la recherche de leur identité. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 41, pp. 637-643.

12 Vinsonneau, G. et Camilleri, C. (1987). Pour une approche en psychologie culturelle : contribution à l'étude de la dynamique identitaire du jeune immigré en France. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 35, pp. 475-483.

vers l'interaction : << la contradiction entre les cultures n'exclue pas, selon nous, la survie communicative, même si les rapports de force sont inégaux >>13. Son étude démontre que la situation << d'entre-deux >> cultures peut représenter un facteur de richesse pour la construction identitaire du sujet, et que l'identification à un double modèle culturel permet la construction d'une image de soi valorisée. L'arrangement de cet espace entre culture d'origine et culture d'accueil aboutirait dès lors à ce qu'il nomme le << modèle culturel intégrateur >>.

- Le rôle de l'environnement

Plusieurs auteurs s'accordent donc pour affirmer que la double appartenance culturelle peut faire émerger un processus dynamique enrichissant et source de créativité. Cependant, nombre d'entre eux évoquent le rôle de l'environnement, notamment de l'environnement familial, dans ce brassage dynamique des cultures. En s'appuyant sur des travaux psychanalytiques, Bergeret (1993) précise cette idée : << Au registre manifeste, l'accès à une universalité de bon aloi serait perçu comme succédant aux refoulements des données archaïques originales. Mais au registre latent, pour parvenir à une élaboration transculturelle positive du retour du refoulé, il apparaît nécessaire, ne serait-ce que pour être en mesure d'en refouler les représentations les plus gênantes, de posséder préalablement une idée solidement ancrée de la valeur de notre culture particulière d'origine >>14. Il s'agit bien pour ces personnes de s'inscrire dans le monde d'ici en s'appuyant sur le monde d'origine des parents. Alors, il est forcément question de l'intrication entre filiation et affiliation, et il faut concilier leurs transmissions conscientes et inconscientes. Ceci en sachant que la qualité de la transmission externe dépend de la qualité de la transmission interne (parents-enfant). Moro (2004), quant à elle, a effectué une étude auprès de la population d'enfants de migrants qui réussissent bien à l'école. Elle met ainsi en évidence trois facteurs positifs dont bénéficie cette population. << L'enfant bénéficie d'un milieu suffisamment sécure et riche en stimulations de toutes sortes ; l'enfant trouve dans l'environnement des adultes qui lui servent d'initiateurs dans le nouveau monde ; l'enfant est doué de capacité personnelles singulières et d'une estime de soi importante >>15.

13 Fdhil, A. (1999). Biculturalisme, scolarité et image de soi. Bulletin de psychologie, 443, pp. 577-580.

14 Bergeret, J. (1993). Psychanalyse et universalité culturelle. Revue Française de Psychanalyse, LVII, 3, pp. 809-839.

15 Moro, M.R. (2004). Psychothérapie transculturelle de l'enfant et de l'adolescent. Paris : Dunod (p.93).

Nous pouvons donc affirmer que cet « entre-deux >> cultures peut se révéler comme un lieu propice à la vie créative, qui rend compte de la potentialité du sujet d'inventer de nouvelles formes de vie à partir de ces expériences culturelles.

Cependant, l'intrication constante des différents « matériaux >> qui s'y déposent est complexe. Et, comme nous Moro (2004) l'a précisé, plusieurs conditions doivent être réunies afin que les sujets issus de l'immigration puissent bénéficier de cette richesse identitaire. Schnapper (1991), Dans un travail sociologique sur l'intégration, a étudié la question de la destinée des enfants de migrants. Elle discerne alors le phénomène de « sursélection >> auquel ils sont soumis, et conclut à ce propos : « ceux qui le surmonte en tirent un bénéfice supplémentaire dans la logique de l'affirmation de soi et de la recherche de la distinction, mais le risque d'échec est statistiquement élevé pour ceux qui n'ont pas les mêmes atouts individuels et sociaux >>16. Qui plus est, l'actualité nous permet de constater la souffrance de nombreux jeunes adultes qui se sentent exclus en raison de leurs origines. Cela nous conduit donc à explorer le pourquoi des failles si souvent présentes dans cet espace « interculturel >>.

16 Schnapper, D. (1991). La France de l'intégration. Sociologie de la nation en 1990. Paris : PUF. (p.198).

II/ L'INTEGRATION CONFLICTUELLE DES MODELES CULTURELS

1/ Les transmissions défectueuses de l'environnement

a) Les figures de l'étrangetéMoro (2002), dans son ouvrage, fait part de l'expérience des consultations

transculturelles d'Avicenne qui nous montrent l'importance des actes racistes au quotidien, et leurs répercussions sur la clinique des enfants de migrants.

Pour définir le racisme, il est intéressant de se référer au sentiment d'inquiétante étrangeté théorisé par Freud (1919). On comprend alors que l'individu qui projette sur autrui ses propres fantasmes archaïques et qui s'en effraie en retour, est prototypique du phénomène de racisme. << Il se trouve que cet étrangement inquiétant est l'entrée de l'antique terre natale du petit d'homme, du lieu dans lequel il a séjourné une fois et d'abord >>17. Ainsi, l'un peut devenir un ensemble de projections de ce que l'autre refoule ou dénie de lui-même. On peut en déduire que le racisme apparaît comme une construction défensive contre ce moi étranger considérer négativement. Effectivement, la rencontre avec l'étranger menace le narcissisme identitaire : reconnaître que l'autre est fait de la même humanité que soi, partiellement inconnaissable. Le racisme reviendrait donc au refus narcissique de cette expérience. Apparaît alors ce que Kaës (1998) nomme les << représentations des cultures poubelles >>.

Vinsonneau et Camilleri (1987) proposent eux le terme d'<< identité prison >> pour définir << l'enfermement de l'autre dans une identité transformée en substance que constituent les stéréotypes négatifs >>18. Ils mettent en évidence que la catégorisation des individus selon leurs nationalités désignent une place occupée dans un rapport asymétrique de pouvoir, et agit à la fois dans la réalité objective et dans les subjectivités, au niveau des représentations.

C'est par ce cheminement que le racisme conduit à l'assujettissement idéologique de l'autre, et dans des cas extrêmes, à la négation de son existence. Dans les actes racistes, c'est l'estime de soi qui est attaquée, et le lien à l'autre dénié, ce qui mène à la perte de sécurité de soi. La peur de la différence culturelle qui est manifestée dans la société d'accueil induit des représentations dévalorisantes courantes, dont la culture d'origine des enfants de migrants est

17 Freud, S. (1919). L'inquiétante étrangeté et autres essais. Paris : Gallimard. (p. 252).

18 Vinsonneau, G. et Camilleri, C. (1987). Pour une approche en psychologie culturelle : contribution à l'étude de la dynamique identitaire du jeune immigré en France. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 35, pp. 475-483.

l'objet. Mais, la nécessité pour eux de reconnaître ces deux cultures comme les leurs peut les conduire dans une impasse : dans la mesure où ils adoptent certains aspects de la culture du pays d'accueil, ne sont-ils pas entrain de contribuer à leur propre dévalorisation ?

b) Les fragilités de la parentalité- La remise en cause du statut parental

La dévalorisation de la culture va de paire avec la dévalorisation parentale. Il est vrai que les images de la culture familiale étant stigmatisées, il se produit notamment une détérioration objective du statut du père au sein de la famille. En effet, le père est bien souvent un homme identifié d'abord comme immigré ; il est donc disqualifié par son statut social, ceci marquant la difficulté d'élaboration d'une image paternelle rassurante. Nombres d'auteurs ont remarqué que les migrants qui arrivent en France peuvent se sentir insécurisés par les coutumes et les moeurs françaises qui constituent une menace pour leur identité. Par conséquent, les parents se replient parfois sur les valeurs traditionnelles de leur culture d'origine dans des attitudes défensives excessives qui figent leurs capacités évolutives.

Dès lors, plusieurs cas de figures se présentent, qui nous permettent d'entrevoir les conséquences de ces processus sur la relation parents-enfants. Les parents, par une sorte de fidélité symbolique à la culture d'origine, peuvent rigidifier les règles d'éducation de celle-ci, et par là accroitre la différence d'avec les modèles éducatifs français. A l'inverse, les parents se sentant parfois impuissants eux-mêmes dans la société, traduisent ce sentiment d'impuissance devant leurs enfants. Comme le souligne Marteaux (2002), ils peuvent interpréter le discours éducatif français comme une interdiction pour eux d'éduquer leurs enfants, ce qui mène à une possible démission de leurs rôles d'éducateurs.

- L'ambiguïté des roles

Il se surajoute à la dévalorisation du statut parental ce que Moro et Nathan (1989) qualifient d'« inversion du portage ». La structure familiale est souvent remaniée autour d'une modification des rôles, voire de leur inversion quand l'enfant devient le guide de ses parents, qu'il les porte dans ce nouveau monde. Effectivement, l'enfant de migrants devient parfois le médiateur des parents par rapport à la société d'accueil. On peut observer ce type de relation chez l'enfant-interprète qui assume le rôle de liaison entre ses parents et les milieux institutionnels, les parents pratiquant peu ou mal la langue française écrite ou parlée. On imagine dès lors la blessure narcissique de ceux-ci, dépendants de leurs enfants.

Bettschart (1987) en déduit que << le processus d'identification aux parents est totalement mis en cause par la dévalorisation et l'incapacité de ceux-ci >>19. Certains de ces enfants peuvent heureusement prendre de la distance en valorisant certaines capacités de leurs parents.

Mais, dans ce cas de figure, l'enfant doit assumer des responsabilités quant au fonctionnement familial, voire parfois prendre le rôle et la fonction de parent. Un processus de parentification s'établit ainsi, dans lequel la séparation des générations est abolie dans certains domaines. Ce processus induit donc une filiation paradoxale dans laquelle l'enfant est non seulement au dessus de la loi paternelle, mais où il prend le rôle de parent et ancêtre de ses propres parents.

Moro (2002) rajoute que l'enfant, qui connaît mieux les logiques de la société d'accueil que ses parents, n'a pas de guide au sein de la famille pour lui faire découvrir ce monde et l'investir. Effectivement, la migration entraine une rupture dans le codage culturel du monde. La figure maternelle se trouve défaillante dans sa fonction de << présentation de l'objet et du monde >>20, ne connaissant généralement que peu les significations culturelles du pays d'accueil. C'est alors l'enfant qui devient le guide de ses parents pour investir les logiques du monde environnant. De ce fait, l'enfant issu d'une famille immigrée <<a un statut de premier, ce qui ne vas pas sans une dose d'angoisse et d'incertitude >>21.

- Le deuil parental indépasséIl est évident que l'exil impose au migrant une série de réaménagements psychiques

qui vont modifier son rapport à la culture d'origine. Devereux (1972) postule que l'acculturation aboutit à des transformations qui affectent les modèles culturels originaux. Il infère alors l'existence d'un phénomène de résistance à l'acculturation, qu'il explique par le désir de singularité ethnique et d'autonomie culturelle.

Pigott (1993), quant à lui, définit la culture comme objet et présente certains cas de figure où le milieu d'accueil demeure étranger et étrange pour le migrant. Celui-ci reste alors à distance de ce mauvais objet, en même temps que le pays d'origine conserve un statut d'objet perdu au deuil interminable. Or, cette attitude ne restera pas sans effet sur la relation parents-enfant. Les parents se tournent vers le passé, leurs attaches et leur pays, empêtrés dans un système d'idéalisation et, non seulement la transmission de la culture d'origine risque d'être défectueuse car déconnectée du réel, mais le fossé entre eux et l'enfant tourné vers l'avenir s'agrandit. Dans certains cas, l'intégration même de l'enfant est perçue par les parents comme

19 Bettschart, W. (1987). Quelques aspects de psychologie et de psychopathologie des enfants des familles migrantes. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 35, pp. 490-497.

20 Winnicott (1957), Cf. notion d'object-présentering qui a précédemment été abordée p. 7.

21 Moro, M.R. (2002). Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La Découverte. (p. 106).

un obstacle au retour possible dans le pays. Les paroles teintées de nostalgie d'une mère d'origine Algérienne, qui raconte son exil, nous permettent d'en prendre clairement conscience : « quand je suis arrivée en France, j'ai eu ma première grossesse, donc je ne pouvais plus rentrer au pays >>22. En conséquence, on peut s'interroger, dans cette situation, sur le poids inconscient que ces pensées vont faire porter à l'enfant.

En outre, dans un mouvement paradoxal, il arrive que les parents privent l'enfant de la connaissance du pays d'origine, gardant cette culture comme un secret de parents. Ainsi, ils parlent peu du pays aux enfants, et ceux-ci auront d'autant plus de mal à se situer dans la généalogie.

2/ La contradiction des valeurs culturelles

Il est nécessaire d'ajouter aux points précédemment décrits l'éloignement des deux cultures que le sujet de deuxième génération doit introjecter. Comme nous l'avons déjà relevé, les valeurs culturelles Françaises et Maghrébines sont parfois très différentes ; nous constatons mêmes que certaines d'entre-elles induises des injonctions contradictoires. Ne pouvant faire un recueil exhaustif de toutes les valeurs culturelles présentes dans ces modèles culturels, nous avons choisi d'étayer notre pensée sur les schémas structurants du féminin et du masculin, qui nous semblent occuper une place importante dans la vie quotidienne de chacun.

Plusieurs auteurs notent à ce propos qu'au sein de la culture Maghrébine, la distance entre le monde des hommes et le monde des femmes est maintenue strictement. La question est étudiée dans les textes coraniques qui établissent une certaine séparation dans le couple. Ainsi, dans la sourate de la génisse, il est dit que « les hommes sont supérieurs aux femmes et ont autorité sur elles du fait de la prééminence que Dieu leur a accordé... >>23. La tradition vient étayer la religion dans la séparation claire de l'univers féminin et de l'univers masculin. Yahyaoui (1994) précise qu'« elle institue une séparation dans le réel, mais suspend l'imaginaire collectif dans des espèces d'univers peuplés de contraintes, de peurs, et de suspicions réciproques >>24. On visualise bien comment la différenciation des sexes est très

22 Benguigui, Y. (1997). Mémoires d'immigrés, l'héritage maghrébin. Canal + et Bandits. Interview de Khira Allam.

23 Le Coran. La génisse. Sourates n° II, versets 183-187.

24 Yahyaoui, A. (1994). La captivante étrangeté du féminin. In : A, Yahyaoui (Ed), Destins de femmes, réalités de l'exil, (75-87). Grenoble : La pensée Sauvage. (p. 77).

forte, marquée, sans passage d'un univers à l'autre ; les contes, proverbes et comportements sociaux abondent en ce sens.

Néanmoins, un fonctionnement social définit découle de la séparation ainsi posée. Effectivement, il y a, dans les familles Maghrébines, une continuité et une cohérence entre le dedans (familial) assumé par la mère, et le dehors (social, culturel) assumé par le père. Dans ce fonctionnement, la femme est en quelque sorte dispensée de s'accommoder du monde socioculturel périphérique. Vinsonneau et Camilleri (1987) appuient cette position, et ajoutent que, dans un contexte traditionnel, les femmes acceptent les privilèges attribués aux hommes en échange de la soumission de ceux-ci à leurs obligations propres, et souvent complémentaires à celles des femmes. Or, au sein de la société Française, la séparation des rôles sexués n'est pas, ou n'est plus aussi nette ; la logique s'en trouve par conséquent détruite et la cohérence du système s'effondre.

Par conséquent, Du fait de la distance qui sépare les cultures Maghrébine et Française, les individus issus de l'immigration sont soumis à des logiques contradictoires, qui dévoilent la complexité de l'être en relation avec un environnement pluriel. Il alors est intéressant de se demander comment vont s'aménager ces injonctions contradictoires chez des sujets pour qui l'environnement familial se base sur les valeurs culturelles Maghrébines, mais qui évoluent cependant dans le contexte socioculturel Français.

Pour conclure sur les points précédemment abordés, nous pouvons assurer que l'intégration de chacun des modèles culturels en présence va, sinon être conflictuelle, tout du moins être une épreuve difficile pour les enfants de migrants.

3/ Le risque transculturel

a) La coupure des liens

Un certain nombre de travaux considèrent que la situation biculturelle entraine un conflit culturel qui se situe au niveau du choix des valeurs, en raison de l'incohérence des modèles culturels en présence. On conçoit dès lors que le maintien des liens dans cet espace d'entre-deux cultures puisse être problématique. Et lorsque les liens ne se tissent pas, il n'est d'autre issue que la séparation de ces modèles de nature différente. Moro (2002) soutient que la solution défensive à ce conflit est de cliver ces deux mondes culturels. « Pour grandir, en effet, l'enfant de migrant doit construire patiemment un nécessaire clivage entre le monde lié

à la culture familiale -le monde de l'affectivité -et la monde du dehors, de l'école par exemple -monde de la rationalité et du pragmatisme »25.

- Le déni de l'affiliation à la société d'accueil

L'une des possibilités d'aménagement de ce clivage s'apparente au rejet du modèle culturel français et l'idéalisation de la culture d'origine. Le sujet se replie dans l'identité unique du pays des parents, parfois jusqu'à la caricaturer à travers les habits, l'importance des interdits etc. Il impose de cette façon une différence, dans un mécanisme d'identification mortifère à celui qui semble être en position de force. A ce sujet, Bergeret (1993) parle d'un tribalisme régressif, où l'individu qui ne peut se constituer un imaginaire identificatoire de départ assez solide, instituera ses différences comme défenses contre ce manque. Vinsonneau et Camilleri (1987) assimilent ce procédé à un mécanisme dissociatif. Le sujet revendique son appartenance au groupe d'origine dont il évacue les contenus culturels, et dénie l'appartenance à la société d'accueil qui, pourtant, l'alimente de ses contenus et de ses modèles. Cependant, ce système s'accompagnerait résolument d'une souffrance. En effet, les significations culturelles de la société d'accueil doivent être acquises et acceptées si l'on veut s'adapter au monde environnant. Mais, dans le même temps, elles deviennent objets d'une ambivalence puisqu'elles créent une faille au sein de laquelle se loge un sentiment de trahison envers la communauté d'origine et ses valeurs.

- Le déni de la filiation

A l'inverse, Moro et Nathan (1989) postulent que l'objet du processus de déni ne peut être que la filiation, le sujet se retrouvant par conséquent en quête de ses origines. Ils ajoutent que ce déni est partagé par la famille. En effet, l'enfant de migrant peut apparaître comme étranger aux yeux de ses propres parents puisqu'il maitrise des significations culturelles qui leurs sont inconnues. Alors, en miroir de ses parents, l'enfant fantasmera s'être réaliser seul, et tentera par divers moyen de réécrire son histoire, quitte à nier l'appartenance à la culture familiale originelle.

25 Moro, M.R. (2002). Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La Découverte. (p.60).

b) la vulnérabilité spécifique des enfants de migrants

Couchard (1999) assure que les adultes issus de l'immigration sont rendus plus vulnérables par les discordances et les ruptures qui existent entre les normes sociales et culturelles prescrites pendant l'enfance et celles imposées par le pays d'accueil. Nous nous sommes alors interrogés sur le concept de vulnérabilité mis en lumière dans cette situation.

- Définition de la vulnérabilitéLa vulnérabilité psychologique a été l'objet de nombreuses recherches. Tomkiewicz et

Manciaux (1987) définissent la vulnérabilité comme un état de moindre résistance aux nuisances et aux agressions. De nombreux facteurs environnementaux et internes interviennent dans la genèse de la vulnérabilité. A. Freud (1978) a montré qu'« on ne peut expliquer la vulnérabilité par les caractéristiques individuelles de l'enfant, mais il faut la comprendre en termes plus généraux et impersonnels. Je considère maintenant que le progrès de l'enfant le long des lignes de développement vers la maturité dépend de l'interaction de nombre d'influences extérieures favorables avec des dons innés favorables et une évolution favorables des structures internes >>26. On comprend dès lors que la vulnérabilité est une notion dynamique puisqu'elle affecte un processus en développement, et joue un rôle psychique secondaire. Par conséquent, le sujet vulnérable a un fonctionnement psychique plus fragile, de façon qu'un événement interne ou externe, bien qu'il puisse être considéré comme minime, entrainera un dysfonctionnement important.

- La situation transculturelle source de vulnérabilitéMoro (1988) propose le concept d'enfant exposé27 comme une représentation

efficiente de la vulnérabilité spécifique aux enfants de migrants. C'est à partir du déni de la filiation qu'elle le développe : «ce concept qui prend la forme d'un fantasme partagé par l'enfant et sa famille cristallise l'étrangeté radicale de ces enfants par rapport à ceux qui leurs ont donnée la vie >>28. L'affaiblissement de la mère dans sa fonction d'object-présentering est à prendre en compte dans la genèse de cette vulnérabilité. Si l'on se réfère au postulat déjà

26 Freud, A. (1978). Avant-propos. In : E.J. Anthony, C. Chiland, C. Koupernik (Eds.), L'enfant dans sa famille. L'enfant vulnérable. Paris : P.U.F. (pp. 13-14).

27 Cet appellation s'appuie sur la mythologie, dans laquelle exposer un enfant signifie l'abandonner dans un milieu hostile et dangereux, ainsi Persée qui fut enfermé dans un coffre en bois et jeté aux flots.

28Moro, M.R. (1988). D'où viennent ces enfants si étranges ? Logiques de l'exposition dans la psychopathologie des enfants de migrants. Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie, 12, 69-84.

émis que la mère a une perception confuse du monde environnant29, on admet que ce monde qui l'entoure et qu'elle ne maitrise pas soit source pour elle d'incertitudes. Et ne pouvant initier elle-même l'enfant au monde extérieur, elle aura par conséquent la conviction d'exposer son enfant aux dangers de cet environnement qui peut apparaître comme hostile. Elle transmettra potentiellement à l'enfant cette perception labile du cadre externe, génératrice d'angoisse et d'insécurité. Ainsi, la vulnérabilité spécifique à l'enfant de migrants apparaît de telle sorte que « si des événements internes ou externes viennent déstabiliser son mode d'être, alors l'angoisse le submerge, avec toutes ses traductions. Car, dans ces moments, ni ses parents, ni le groupe culturel ne peuvent l'aider à anticiper et à colmater l'angoisse »30.

Mais le clivage de la structuration culturelle propre à cette population (qu'il soit accompagné du déni de la filiation ou de l'intégration du modèle culturel de la société d'accueil) suffit à expliquer leur vulnérabilité. En effet, si l'on établit l'homologie entre la structuration psychique et la structuration culturelle, ces deux structuration étant liées l'une à l'autre, alors l'une étant fragile car non homogène, et l'autre sera forcément plus précaire. Ces mécanismes de clivage sont donc déterminants de cette vulnérabilité spécifique. Grandir en situation transculturelle est un facteur potentiel de risque pour la structuration psychique.

A ce stade de notre exposé, nous savons que la rencontre des deux modèles culturels qu'intègrent les enfants de migrants donne lieu à un processus dynamique. Nous avons tout d'abord observé que ce processus pouvait se révéler facteur d'une richesse identitaire pour ces personnes. Toutefois, comme Moro (2004) le souligne, il est nécessaire que le sujet ait bénéficié, entre autres conditions, d'un environnement suffisamment sécure. Or, nous venons de remarquer que le développement de la personnalité dans un double contexte culturel est jalonné de tribulations. Dès lors, ce processus dynamique est susceptible de s'inverser et se révèle source de vulnérabilité psychologique. On peut donc avancer que la situation d'entredeux cultures expose le sujet à un risque conflictuel accru, que l'on peut expliquer par les failles des transmissions familiales et extra-familiales. On peut notamment déduire que cette population va être soumise à des désirs contradictoires émanant de ces failles, qui vont favoriser l'émergence d'une fragilité psychique.

29 Cf. p. 11

30 Moro, M.R. (2002). Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La Découverte. (p.103).

III/ LES SIGNES CLINIQUES

1/ L'angoisse

Il n'est d'expression plus direct d'un conflit interne que l'angoisse. De plus, Róheim (1943) assure que les systèmes de défense contre l'angoisse sont << l'étoffe même dont la culture est faite »31. Ainsi, nous sommes amenés à nous interroger quant aux modalités de défense contre l'angoisse des sujets dont la structuration culturelle peut s'avérer, à première vue, relativement précaire. Le point, dernièrement soulevé, qu'est la vulnérabilité spécifique aux sujets issus de l'immigration, illustre spécialement bien cette pensée. En effet, si on admet que la vulnérabilité est une moindre résistance aux excitations internes et externes qui sont ressenties comme excessives et faisant effraction (ce qui donne alors à la situation son aspect traumatique), on peut postuler que l'angoisse fera logiquement suite à celles-ci.

a) Définition de l'angoisse

L'angoisse est avant tout le retentissement physique d'un affect ; elle s'éprouve davantage que de pouvoir se verbaliser, dans une dialectique entre le corps et le psychisme. Freud (1926) affirme que l'affect d'angoisse est << angoisse devant quelque chose. Il s'y attache un caractère d'indétermination et d'absence d'objet ; dans l'usage correct de la langue son nom lui-même change lorsqu'elle a trouvé un objet, il est remplacé par celui de peur »32. Cette première qualification permet notamment de la différencier jusque dans ses accès paroxystiques, de l'anxiété et de l'effroi. En effet, l'effroi (Schreck chez Freud) correspond à l'état de terreur qui envahit le sujet lorsqu'il se trouve face un danger auquel il n'était pas préparé. Ici, la dimension de surprise est donc essentielle. L'anxiété, bien qu'elle puisse être issue de l'inconscient, fixe l'affect sur un objet redouté. L'angoisse quant à elle, a pour caractéristique générale de ne répondre à aucune cause objective. De plus, l'accès d'angoisse lie impressions psychologiques et manifestations physiologiques qui, même si elles peuvent êtres présentes dans les deux autres états cités, ont alors ici une allure beaucoup plus explosive. On peut ainsi résumer l'angoisse par ces trois traits pathognomoniques : << d'abord la survenance inopinée, inexpliquée et brutale, ensuite le cortège physiopsychologique

31 Róheim, G. Origine et fonction de la culture. Paris : Gallimard (1972). (p.127).

32 Freud, S. (1926). Inhibition, symptôme et angoisse. Paris : P.U.F (2005). (p.77).

d'oppression, d'écrasement, de mort menaçante, enfin l'impression de paralysie qui parait condamner le patient, ne serait-ce qu'une minute durant, à l'immobilité angoissée »33.

b) La théorie freudienne de l'angoisse

Freud a proposé deux grandes lignes théoriques de l'angoisse qui peuvent, à première vue, apparaître contradictoires. Néanmoins, nombre d'auteurs remarquent qu'elles ne se renient pas, mais permettent de penser toute la complexité de l'angoisse.

- La première conception freudienne

Dans cette première théorie, l'angoisse renvoie aux modalités économiques de l'appareil psychique, dans le sens où son apparition provient de la non satisfaction de la pulsion. C'est également dans cette conception que Freud fait la distinction entre angoisse devant un danger réel (Realangst) et angoisse névrotique.

L'angoisse devant un danger réel dépend des pulsions d'autoconservation, et se rapproche de l'effroi ; elle est liée à celui-ci en ce sens qu'elle est motivée par l'effroi objectivement repérable répondant à la situation de danger inattendu. L'objet est le danger survenu, mais il va naitre de cette situation un état émotionnel d'angoisse qui fait abstraction de l'objet. L'angoisse réelle pourrait ainsi être qualifié de compréhensible et Le Gall (1976) précise qu'elle est susceptible d'écarter l'effroi du trauma, consistant ainsi une réaction défensive. A l'inverse, Freud, dans Au-delà du principe de plaisir (1920), parle de l'angoisse névrotique, comme un accès libre et spontané, sans lien appréciable. La menace vient, ici, d'ailleurs. On peut alors rapprocher ce type d'angoisse de l'angoisse infantile. L'enfant est dans l'incapacité d'apprécier la situation dangereuse, il ne connaît pratiquement pas l'angoisse devant un danger réel. Par contre, Giudicelli (1983) définit l'angoisse infantile par la réaction de l'enfant « à la séparation d'avec la mère par une angoisse que rien ne vient combler ; la libido ayant pour vecteur l'objet maternel et lui seul »34. La libido se trouve donc inemployée, sans objet sur laquelle se porter, et c'est en cela que l'angoisse de l'enfant préfigure l'angoisse névrotique de l'adulte. Il existe toutefois une différence majeure entre les deux. Chez l'adulte, il ne s'agit plus d'une libido inemployée, mais d'une libido détachée de la représentation. On sait que la pulsion comporte, au niveau psychique, le double aspect de l'affect et de la représentation ; et lorsque les deux ne peuvent rester liés, cela provoque un conflit psychique. La représentation qui se trouve inacceptable est refoulée, tandis que la tension accumulée ne

33 Le Gall, A. (1976). L'anxiété et l'angoisse. Paris : P.U.F (1985). (p.28).

34 Giudicelli, S. (1983). Le concept d'angoisse. L'Evolution Psychiatrique, 48, pp. 655-673.

trouve d'autre issue et se décharge dans le moi sous forme d'angoisse. Ici, c'est donc le refoulement qui est à l'origine de l'angoisse, donnant naissance à une angoisse flottante, prête à s'attacher à n'importe quelle représentation pouvant lui servir de prétexte.

Freud note cependant que le processus névrotique ne se limite pas à ça, et qu'il existe bien des travestissements de cette décharge. Ainsi le travail du refoulement aboutit à des productions symboliques qui lient l'angoisse à une représentation plus stable qui devient lieu du danger ; il s'agit là d'un mécanisme de défense qui permet une certaine maitrise de cette angoisse par l'évitement de la situation angoissante, dont l'expression prototypique est bien sur la phobie.

- La deuxième conception freudienne

C'est dans Inhibition, symptôme et angoisse (1926) que Freud insiste sur la fonction de l'angoisse, faisant du moi la véritable instance maitresse de l'angoisse. Il définit alors le

signal d'angoisse comme une réaction du moi face au danger, qui utilise une petite quantitéd'angoisse dans le but de déclencher les opérations de défenses. On observe donc un premier
revirement dans la théorisation de l'angoisse, où celle-ci n'est plus issue du refoulement, mais
provoque le refoulement. La source de l'angoisse, quant à elle, peut être externe ou interne
(du ça ou du surmoi).

Une deuxième modification établit que l'angoisse suscitée n'est pas nouvelle, mais liée à la représentation ancienne d'une situation de danger qui fut inconnu à l'époque. Pour être plus clair, le danger qui menace fait écho à un danger déjà éprouvé, et le moi libère l'angoisse liée à celui-ci dans des proportions juste suffisantes pour susciter le refoulement de la motion dangereuse. Cependant, le danger inconnu n'étant pas le même selon les étapes du développement psychosexuel, l'angoisse prend une signification différente. Giudicelli (1983) précise ainsi que le signal d'angoisse apparait « devant toute perte imminente d'objet qui serait reviviscence, et de l'angoisse de séparation d'avec la mère dans l'Anté-OEdipe, et de l'angoisse de castration dans l'oedipe »35.

Or, il arrive que les capacités défensives du moi échouent à prévenir le danger. Freud reprend alors certains aspects fondamentaux de sa première théorie pour définir l'angoisse automatique qui, involontaire, surgit quand s'instaure une situation de danger analogue à la représentation ancienne, mais contre laquelle le moi ne peut lutter. Une manifestation du ça envahit ainsi le moi qui, débordé, ne peut que subir cette angoisse. Brusset (1976) explique que l'angoisse consiste alors en « une décharge du fait de la transformation brusque et

35 Ibid.

violente de la libido qui pénètre par effraction avant que l'élaboration ai pu jouer à son niveau »36.

A l'issue de ces lignées théoriques, on peut affirmer que la psyché humaine dispose de plusieurs possibilités, ce qui pousse certains auteurs à écarter le point de vue dichotomique des théories freudiennes de l'angoisse, au profit d'une vision unifiée d'une théorie des angoisses.

c) Les contemporains de Freud

- La stabilité structurelle

Malgré la particularité de l'angoisse d'apparaître sans objet, plusieurs auteurs s'accordent à décrire les formes d'expression de l'angoisse comme prédéfinies par la structure de personnalité du sujet. L'angoisse doit alors être référée de manière claire et précise à ces structures fondamentales qui articulent le développement et le fonctionnement psychique, et dont Bergeret (1972) souligne la stabilité et l'immuabilité. En effet, il assure que << la stabilité des structures vraies implique également du même coup une impossibilité foncière de passer de la structure névrotique à la structure psychotique (ou inversement) à partir du moment où un moi spécifique est organisé dans un sens ou dans l'autre »37.

Cet auteur propose ainsi une correspondance stable entre type d'angoisse et structure psychopathologique. Dans la structure névrotique, le moi est immuablement organisé autour du génital et de l'oedipe où l'angoisse névrotique proprement dite est l'angoisse de castration. C'est une angoisse de faute, centrée sur un passé érotisé. Dans la structure psychotique, la problématique est plus archaïque et les limites du moi demeurent << fragiles ». L'angoisse est une angoisse de morcellement ; elle apparaît sinistre, de désespoir, de repli et de mort. L'organisation limite occupe une position intermédiaire entre la structure névrotique et la structure psychotique ; Bergeret (1972) nous dit qu'elle est non réellement structurée au sens figé du terme, dans le sens où elle se présente comme une organisation plus fragile pouvant évoluer et se rapprocher d'une structure névrotique ou psychotique. Le moi a dépassé le danger de morcellement, mais n'a pas pu cependant accéder à une relation d'objet génitale. La relation d'objet demeure donc centrée sur une dépendance à l'autre, où l'angoisse est une angoisse de perte d'objet. C'est une angoisse de << manque à être », où la moindre perte d'objet affectif est vécue dramatiquement.

36 Brusset, B. (1976). L'angoisse chez l'enfant. Perspective psychiatrique, 56, n°18, pp. 118-127.

37 Bergeret, J. (1972). Psychologie pathologique théorique et clinique. Paris : Masson (2004). (p. 152).

Dans une perspective strictement structurelle, il s'agit donc d'analyser et de qualifier l'angoisse en référence à ces trois grandes organisations psychopathologiques.

- L'unicité du sujet

Chabert (1983) s'appuie sur les théories de Widlöcher pour affirmer que l'on peut contester cette position si << on considère qu'au sein d'une même organisation psychopathologique plusieurs registres de problématique peuvent se côtoyer et mobiliser des mécanismes de défense diversifiés »38 . Elle précise qu'il se dégage des rencontres cliniques un fonctionnement psychique qui n'illustre pas toujours la position drastique de Bergeret quant aux caractéristiques propres à chaque structure.

En outre, Widlöcher (1984) considère qu'une approche psychanalytique de la psychopathologie devrait utiliser au mieux les apports spécifiques de la situation thérapeutique. Il souligne en cela que la psychanalyse exploite la sémiologie originale donnée par le sujet. Ainsi, elle ne renvoie pas à une classification des maladies, mais s'efforce d'articuler les signes entres eux afin d'en dégager les modalités économiques, dynamiques et topiques, tout en dégageant le caractère d'unicité propre à chaque personne. Dès lors, même si la structure névrotique s'organise autour de l'oedipe et de l'angoisse de castration, on admet qu'elle puisse mettre en scène des problématiques hétérogènes dont il ressortira d'autres formes d'expression de l'angoisse.

d) L'approche cognitiviste

Force est de constater que le terme d'angoisse n'est pas pratique courante dans le modèle théorique cognitiviste. A l'inverse des positions précédemment observées, cette approche se différencie clairement des modèles psychanalytiques du psychisme humain. L'inconscient a ici un rôle nettement secondaire ; comme l'explique Cottraux (2001), les théories cognitivistes réfutent l'existence d'un << inconscient-réservoir » où stagnent des pulsions refoulées...ils décrivent un inconscient fait de schémas qui traitent l'information provenant du milieu extérieur »39. Et c'est sans doute pour cette raison que l'angoisse et l'anxiété sont deux termes interchangeables et confondus.

Le symptôme apparait par un traitement erroné et pathologique de l'information qui découle
des situations ambiguës. Il s'installe alors comme une habitude acquise par conditionnement.

38 Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. Interprétation psychanalytique. Paris : Dunod (1997). (p. 207).

39 Cottraux, J. (2001). Les thérapies cognitives. Comment agir sur nos pensées. Paris : Retz.

Ainsi, ce modèle théorique explique l'anxiété par la présence de schémas de danger dont l'origine peut être à la fois biologique et psychosociale. Les individus anxieux focalisent leur perception de l'environnement et de leurs sensations physiques en fonctions de processus cognitifs dominés par la recherche systématique de possibles dangers. Ces schémas sont stockés dans la mémoire à long terme. Les distorsions cognitives aboutissent à un traitement erroné de l'information qui provoque une exagération du danger. L'anxiété est ainsi reliée à des situations déclanchantes et aux représentations mentales qui appréhendent ces situations. Pour être plus claire, une expérience antérieure de perte de contrôle sur l'environnement provoque de mauvaises croyances qui tendent à généraliser la peur de perte de contrôle à toutes les situations ultérieures se rapprochant de la première. L'anxiété a donc pour but de prévenir cet hypothétique retour des événements en évitant ces situations. Elle constitue cependant une réponse émotionnelle considérée comme inappropriée.

A la différence du modèle théorique psychanalytique, les cognitivistes postulent que l'anxiété est reliée à un événement situé dans la mémoire de l'individu, que nous qualifions de « traumatique >> et qui ne peut avoir eu lieu que dans la réalité extérieure, alors que la psychanalyse prend compte du caractère angoissant de certains fantasmes et certaines expériences inconscientes, ainsi que du caractère pulsionnel de l'angoisse.

2/ Les mécanismes de défense

Il est difficile d'évoquer l'angoisse sans mentionner les mécanismes de défense du moi qui sont liés à celle-ci, qu'ils en soient la source dans la première théorie freudienne de l'angoisse, ou le résultat dans la deuxième théorie freudienne.

a) La théorie psychanalytique

Les mécanismes de défense sont un concept psychanalytique qui décrit principalement les défenses inconscientes du moi face aux conflits intrapsychiques. Selon A. Freud (1936), la défense est principalement dirigée contre les pulsions, les représentations et les affects qui y sont liés : « Le moi n'est pas seulement en conflit avec les rejetons du ça qui essayent de l'envahir...il se défend avec la même énergie contre les affects liés à ces pulsions instinctuelles... Tous ces affects... se voient soumis à toutes sortes de mesures qu'adopte le moi pour les maitriser >>40.

40 Freud, A. (1936). Le moi et les mécanismes de défense. Paris : PUF (1996). p. 32.

De plus, dans la théorie freudienne, les mécanismes de défense rendent comptent de la formation des symptômes ; tout symptôme est considéré comme le produit d'un conflit défensif, et constitue un compromis entre la pulsion et la défense. S. Freud, à ce sujet, a postulé un lien intime entre des défenses particulières et des affections psychopathologiques déterminées. Ainsi, selon l'organisation psychopathologique du sujet, le système défensif prendra des formes cliniques spécifiques. Les mécanismes de défense se rattachent donc aux stades du développement psychosexuel tels que le sujet les aborde. On peut dès lors les placer sur un continuum allant des opérations défensives les plus archaïques utilisées par le nourrisson aux opérations défensives plus élaborées mises en place lors de l'abord de la génitalité. Néanmoins, il ne s'agit pas ici de distinguer les opérations défensives en entité adaptées ou inadaptées selon leur niveau d'élaboration. Tout d'abord, la classification des mécanismes de défense ne fait pas l'objet d'un consensus : « nous avons tant de peine à classer et à grouper les mécanismes de défense pour en faire une présentation théorique >>41. En outre, un sujet peut avoir recours à tout un éventail d'opérations défensives différentes qu'il articule entre elles. On peut aussi signaler qu'un mécanisme de défense d'un niveau archaïque peut se révéler utile dans une situation extrême.

Bergeret (1972) affirme qu'« un sujet n'est jamais malade parce qu'il a des défenses, mais parce que les défenses qu'il utilise habituellement s'avèrent comme soit inefficaces, soit trop rigides, soit mal adaptées aux réalités internes et externes, soit trop exclusivement d'un même type et que le fonctionnement mental se voit ainsi entravé dans sa souplesse, son harmonie, son adaptation >>42.

b) La classification des mécanismes de défense selon le DSM IV

Le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) est un manuel athéorique qui établit les critères diagnostics des différents troubles psychiatriques tels qu'ils sont reconnus dans la psychiatrie internationale. Selon ce manuel, « les mécanismes de défense sont des processus psychologiques automatiques qui protègent l'individu de l'anxiété ou de la prise de conscience des dangers ou des facteurs de stress internes et externes >>43. A l'inverse de la théorie psychanalytique, ce manuel propose une échelle de fonctionnement défensif qui classe hiérarchiquement les mécanismes de défense en sept niveaux allants des plus adaptés aux moins adaptés.

41 Id. p. 58.

42 Bergeret, J. (1972). Psychologie pathologique théorique et clinique. Paris : Masson (2004). (p. 104-105).

43 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (1994). p. 751.

Ainsi, les deux premiers niveaux regroupent les mécanismes de défense qui sont classés comme adaptés. Le niveau adaptatif élevé assure une adaptation optimale aux facteurs de stress. On y retrouve l'humour, la sublimation, l'anticipation, la répression, l'altruisme, l'auto-observation, l'affiliation ou la capacité de recours à autrui, et l'affirmation de soi par l'expression des sentiments. Le niveau des inhibitions mentales et des formations de compromis regroupe les défenses que l'on associe souvent à l'organisation névrotique de la personnalité. Elles ont pour objectif de maintenir hors de la conscience des idées, affects souvenirs, désirs ou craintes potentiellement menaçant. Ce niveau comprend le refoulement, le déplacement, la formation réactionnelle, l'annulation, l'isolation, la dissociation et l'intellectualisation.

Les cinq niveaux suivant comprennent les mécanismes de défense qualifiés d'« immatures » ou inadaptés. Chabrol et Callahan (2004) précisent que « chez l'adulte, leur usage prédominant est mal adaptatif et habituellement lié à un trouble de la personnalité »44. Le niveau de distorsion mineure de l'image regroupent les défenses caractéristiques des personnalités limites et narcissiques qui visent la régulation de l'estime de soi. Il s'agit de la dépréciation, l'idéalisation, et l'omnipotence. Ce sont des opérations dérivées du clivage de l'objet ou du moi. Le niveau du désaveu concerne les défenses qui empêchent la prise de conscience de facteurs de stress, d'affects ou d'idées inacceptables. Ce sont les opérations de déni, de projection et de rationalisation. Le niveau de distorsion majeure de l'image comprend le clivage du moi ou de l'objet, l'identification projective, et la rêverie autistique. Le niveau de l'agir met en jeu un système de défense qui passe par l'action ou le retrait comme réponse au conflit. Il regroupe le passage à l'acte, le retrait apathique, la plainte associant demande d'aide et son rejet, et l'agression passive. Enfin, le niveau de la dysrégulation défensive décrit les mécanismes de défense caractéristiques des psychoses, qui se caractérisent par une rupture avec la réalité objective. Ce sont alors des défenses contre une désorganisation plus importante, et contre une angoisse d'anéantissement. On retrouve la projection délirante, et le déni psychotique et la distorsion psychotique.

On retrouve donc dans cette classification une description des principaux mécanismes de défense, qui se rattachent à un mode d'organisation de la personnalité selon les trois grandes organisations névrotiques, limites, et psychotiques.

44 Chabrol, H., Callahan, S. (2004). Mécanismes de défense et coping. Paris : Dunod. p. 33.

3/ La représentation de soi

Nous avons également remarqué que le conflit vécu par ces jeunes en situation d'entre-deux cultures se situe principalement entre les aspirations internes et les attentes qu'ils perçoivent de l'environnement, qui ne cessent de se contrarier. Or, S'il est une notion psychologique qui prend en compte cette dynamique, c'est bien la notion de << représentation de soi ». En effet, longtemps abordée à travers << l'image » en termes descriptifs, la représentation de soi semble apparaître comme l'émergence d'un processus complexe soumis à des variations internes et externes. C'est un concept qui englobe l'identité et les relations à l'environnement.

a) Perspective interactionniste et structurale

Dans cette perspective, la personnalité de l'individu est le résultat de l'interaction entre un univers intérieur et un monde extérieur. Ainsi, Clanet (1990) souligne que la personnalité doit être appréhendée à deux niveaux. Au niveau synchronique où elle est fonction des interactions de l'individu et de ses milieux socioculturels ; au niveau diachronique, où elle est fonction des interactions relatives au passé qui a modelé certaines structures, et de certaines exigences du présent auxquelles ces structures réagissent. L'environnement social et culturel, lorsqu'il est intériorisé, constitue donc le contenu même de la vie psychique.

G.H. Mead (1963), qui a été l'un des principaux auteurs qui ont influencé la perspective interactionniste, conçoit la construction de l'identité entre le << je » constituant la partie créatrice, et le << moi » davantage centré sur les rôles ; cette distinction permet d'éclairer l'influence de la société sur l'individu, mais aussi le pouvoir que celui-ci a d'agir sur le monde qui l'entoure. Selon lui, le << soi » est un processus dynamique qui émerge d'une interaction entre ces deux pôles ; le << je » représenterait le << soi » en tant que sujet, et le << moi » représenterait le << soi » en tant qu'objet. La représentation de soi se situe alors au niveau intra-individuel, mais dépend en même temps des rapports à autrui, et donc du niveau inter-individuel, dans le sens où celui-ci influence la façon dont le sujet construit son identité. L'identité est ici envisagée comme une structure de la représentation de soi qui se construit, comme le souligne Zavalloni (1986), par une perpétuelle négociation entre le << vouloir être » et le << devoir être » dans une dialectique entre l'intégration au groupe et les aspirations personnelles. La représentation de soi apparaît donc plus dépendante de l'environnement que dans d'autres approches.

b) Perspective cognitiviste

La conception cognitive postule que l'individu sélectionne toute information dans son histoire propre, mais aussi dans l'environnement en tant qu'il fait l'objet d'un encodage, puis les traitent pour construire des représentations internes de celles-ci. Il organise alors les informations qui le concernent en une représentation de soi qui va guider son comportement. Ainsi, dans cette perspective, la représentation de soi peut être considérée comme une cellule de traitement de l'information qui interprète et organise les événements et les expériences. Or, comme tout système de traitement de l'information, celui-ci peut produire des informations erronées qui viendront biaiser la représentation de soi. Elle peut à tout instant faire l'objet d'une évaluation engendrant une image de soi positive ou négative.

Mais la représentation de soi se présente aussi comme un processus dynamique pouvant prendre des allures de cercles vertueux ou vicieux. Ainsi, rétrospectivement, une représentation de soi positive ou négative a des impacts sur le traitement des informations venant de l'extérieur. Costalat-Founeau (1994) affirme qu'il est évident que des informations incongruentes par rapport à l'idée que l'on se fait de soi vont entrainer des désordres affectifs qui agiront sur la représentation de soi. Une des façons pour l'individu de réguler les affects est alors de ne choisir que les informations positives qui le concernent. A l'inverse, une représentation de soi négative amène l'individu à ne sélectionner arbitrairement que les informations qui la confirme.

Cette approche met donc l'accent sur la manière dont l'individu ordonne et traite toutes les informations le concernant pour construire activement sa représentation de soi et la réguler. L'environnement social est ici simplement considéré comme source d'information dont l'individu dispose ; il ne prend donc pas réellement un rôle actif dans la représentation de soi.

c) Perspective psychanalytique

Dans cette perspective, la représentation de soi accorde une place à l'environnement, mais plutôt dans la façon dont il est perçu par le sujet que dans son action présente sur la personnalité du sujet. Rausch De Traubenberg et Sanglade (1984) Définissent la représentation de soi comme une notion inconsciente qui inclut « tout autant l'image du corps que les relations qui gravitent autour de cette image, relations suscitées par cette image et qui la structure en retour »45. Il s'agit donc ici du sujet, tel qu'il se vit dans son corps et dans son univers relationnel. La notion de représentation de soi se réfère à l'identité en tant que

45 Rausch De Traubenberg, N. Sanglade, A. (1984). Représentation de soi et relation d'objet au Rorschach. Grille de représentation de soi. Revue de Psychologie Appliquée, vol. 34, 1, pp. 41-57.

capacité à reconnaître ses propres limites et à se concevoir comme unité en correspondance avec l'environnement et pourtant différent, mais également à la manière d'être au monde, c'est-à-dire à la capacité d'ouverture et d'intégration au monde qui va découler de cette identité.

Freud a maintes fois souligné le rôle primordial de l'environnement dans la construction de la personnalité. Pour lui, construire une identité dépend d'un moi envisagé dans une structure historique et sociale. C'est notamment à travers les processus d'identification, dans le sens où il existe une recherche de satisfaction qui oriente l'individu vers l'investissement libidinal des objets externes (et en particulier des objets d'amour), que le sujet se constitue un réseau de liens affectifs. La représentation de soi sera par conséquent fonction des conditions du développement libidinal, de la stabilité et de la souplesse des identifications, mais aussi témoin du type de relation d'objet du sujet.

Boizou, Chabert et Rausch De Traubenberg (1979) soulignent qu'elle va alors « de la simple ébauche du schéma corporel », dans ses aspects les plus régressifs, « à la réalisation de son unité vers la projection d'une image du corps sexué en situation dans le monde, face à l'autre, qui ouvre l'accès à l'identification et à la maturité »46. On peut ainsi comprendre la représentation de soi en référence au développement psychosexuel de l'individu dans le modèle psychopathologique.

d) Représentation de soi et image de soi

Nous avons remarqué que nombre d'auteurs ayant travaillé sur la représentation de soi y associent le concept d'image de soi. Nous avons nous-mêmes été amené à en faire usage dans notre recherche. Comme nous l'avons exposé précédemment, la représentation de soi est une notion inconsciente. A l'inverse, selon le dictionnaire de psychologie47, l'image de soi correspond à la représentation et à l'évaluation que l'individu se fait de lui-même. Rouvière (1994) précise que « l'image de soi concerne la représentation que le sujet se fait de ses capacités et de ses potentialités dans les différents domaines de sa vie personnelle et sociale et de ses possibilités à venir »48. Ainsi, il nous semble pertinent de définir l'image de soi comme l'équivalent de la représentation de soi au niveau conscient.

46 Boizou, M.F. Chabert, C. Rausch De Traubenberg, N. (1979). Représentation de soi. Identité, Identification au Rorschach chez l'enfant et l'adulte. Bulletin de psychologie, 339, 271-277.

47 Doron, R. Parot, F. (1991). Dictionnaire de Psychologie. Paris : P.U.F (2006).

48 Rouvière, H. (1994). L'estime de soi, l'image de soi et les stratégies de coping aux risques de la maladie, du cancer et du Sida. Thèse de doctorat dirigée par P. TAP. Université Toulouse II. p. 174.

PROBLEMATIQUE

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les phénomènes migratoires ont pris une ampleur considérable, donnant naissance actuellement à une grande diversité culturelle en France. Après l'intérêt relatif à l'intégration des populations migrantes elles-mêmes, nous sommes aujourd'hui à une époque où il est question de l'intégration des enfants d'immigrés. En effet, il est facile de constater que les enjeux de cette situation sont au coeur de polémiques véhiculées par les médias, que ce soit à travers le port du foulard islamique à l'école, le malaise des banlieues ou autres débats d'actualité.

Ces événements ont fait émerger chez les spécialistes des questionnements quant à la structuration culturelle et psychique de cette population qui a grandi dans ce double contexte culturel. Certains auteurs affirment que la position d'entre-deux cultures favorise l'établissement d'une « personnalité multiculturelle », qui retire de la pluralité des modèles culturels une richesse intérieure et des potentiels créateurs accrus. A l'inverse, d'autres auteurs admettent que l'intégration des deux modèles culturels demeure problématique, et constitue la source d'une structuration psychique précaire.

On sait maintenant que chaque modèle culturel prend une part active dans la structuration de la personnalité. Néanmoins, à la lumière du fonctionnement sociétal actuel en France, nous postulons que réunir les conditions favorables à l'émergence d'une construction de la personnalité multiculturelle source de bénéfices parait difficile. Dès lors, la situation d'entredeux cultures ne provoquerait-elle pas une certaine fragilité de la structuration psychique?

En regard de ces éléments, nous allons tenter de repérer certains signes d'une vulnérabilité psychique chez les participants à notre étude. Nous utiliserons dans ce but le test de Rorschach.

H01 se centrera sur l'expression d'un conflit psychique latent, à travers les manifestations de l'angoisse.

H02 aura pour objectif d'analyser les mécanismes de défense face au conflit, leur coût pour l'économie psychique et leur efficacité.

Plus précisément en rapport aux conflits d'appartenance entre les cultures, H03 étudiera les modalités d'investissement de la représentation de soi.

En vue de l'affiliation culturelle spécifique à cette population, H01 s'attachera à l'analyse normative des réponses au Rorschach, en comparaison avec les normes actuelles établies pour la population Française adulte.

Ensuite, nous apprécierons si ces hypothèses sont vérifiées. Puis nous pourrons discuter des résultats. Nous évoquerons notamment les problèmes méthodologiques se rapportant à l'utilisation des tests projectifs pour des cultures différentes de la culture occidentale. Nous comparerons également nos résultats à ceux d'une étude similaire sur certains points. Enfin, nous débattrons de l'intérêt de nos résultats pour la pratique clinique, et de la possibilité de les généraliser à une population plus grande.

PARTIE METHODOLOGIQUE

I/ PROTOCOLE EXPERIMENTAL

1/ Caractéristiques des participants

Six jeunes femmes d'origine maghrébine ont participé à l'étude. Effectivement, en regard des différences culturelles propres au statut de la femme, nous avons choisi ouvertement d'effectuer notre recherche sur des sujets de sexe féminin. En outre, afin d'uniformiser les facteurs culturels, nous nous sommes centrés sur l'origine exclusivement Maghrébine des participantes. Le Maghreb parait en effet véhiculer des valeurs culturelles relativement homogènes, puisque basées sur les principes de l'Islam. D'après le recueil d'informations qui a succédé la passation du test de Rorschach (Cf. annexe 1), quatre jeunes femmes sont d'origine Marocaine et deux sont d'origine Algérienne. Au moment de la passation du test, elles étaient âgées de 23 à 32 ans (âge moyen = 27 ans). Toutes exercent une activité salariée et vivent hors du foyer parental ; aucune d'entres elles n'a d'enfant. Quatre d'entre elles sont nées en France ; deux jeunes femmes sont nées au Maroc, mais sont arrivées enfants en France (2 ans 1/2 et 8 ans). Toutes les participantes ont donc été éduquées et scolarisées en France. Par contre, tous leurs parents sont nés au Maghreb pour rejoindre la France entre 1960 et 1984. A l'exception de l'une d'entres elles, les participantes sont de religion Musulmane, pratiquante ou non.

2/ Matériel utilisé : le test de Rorschach

En 1920, Hermann Rorschach, médecin psychiatre, créa un test composé de taches d'encre qui permet d'établir un diagnostic psychologique de la personnalité. Ce test présente un matériel peu défini, que le sujet structure en fonction de sa personnalité ; la projection est donc le mécanisme clé de cette tâche. Ainsi, les réponses données par le sujet correspondent à des « perceptions sensorielles complétées subjectivement »49. C'est sur cette base que Rorschach, en se référant à la théorie psychanalytique, repère des significations manifestes

49 Rausch De Traubenberg, N. (1970). La pratique du rorschach. Paris : P.U.F (2006).p. 7.

issues des perceptions du sujet, mais également des significations latentes auxquelles renvoient ces perceptions. Depuis, nombre d'auteurs ont poursuivi l'exploration de ce test en fonction des courants théoriques auxquels ils appartiennent.

On ne peut que souligner la richesse des renseignements recueillis par ce test. Loosli-Usteri (1969) estime qu'il met en jeu « toute la personnalité, avec ses qualités et ses faiblesses, ses complexes et ses compensations, ses aspirations et ses échecs, ses motifs secrets et ses réalisations >>50. Chabert (1983) propose une investigation psychanalytique du test de Rorschach, en se basant sur le modèle de l'appareil psychique élaboré par Freud. Elle nous ouvre dès lors sur une interprétation qui admet « la résonance fantasmatique et la réactivation de contenus latents se réclamant de registre conflictuels divers [...] relevant du développement libidinal >>51. Chaque facteur est ainsi étudié dans une perspective dynamique, révélant sa pluralité de sens.

Cependant, la richesse du test de Rorschach oblige à une interprétation fine et complexe du matériel offert par le sujet. Le clinicien faisant appel à cette méthode se livre à son « sens clinique >> par un travail associatif dans lequel la subjectivité intervient nécessairement, mais doit aussi s'appuyer sur les données quantitatives du psychogramme. Cette démarche doit constituer la première étape d'analyse, et « l'interprétation du psychogramme procède généralement par quatre phases successives : l'intelligence, l'affectivité, les points vulnérables, la synthèse de la personnalité >>52. Les données du psychogramme sont étudiées en référence à des normes statistiques révisées régulièrement. L'analyse du psychogramme, outre les renseignements qu'elle nous donne, constitue la meilleure garantie contre les projections propres au clinicien. En effet, Collado (2007-2008) affirme que c'est la rigueur de cette étape qui fournit une certaine objectivité dans les conclusions du test, élevant ainsi le Rorschach au-dessus des autres épreuves de cette nature. C'est à l'issue de cette étape seulement qu'il convient de compléter celle-ci par une analyse dynamique et symbolique du protocole.

Anzieu (1961) stipule que le test de Rorschach provoque une régression profonde chez le sujet, et mobilise les mécanismes de défense destinés à lutter contre l'angoisse la plus primitive. C'est en ce sens que l'analyse dynamique du protocole permet d'évaluer l'intensité de l'angoisse du sujet, sa nature selon le registre conflictuel auquel elle se rattache, ainsi que les moyens défensifs mis en oeuvre pour lutter contre cette angoisse.

50 Loosli-Usteri, M. (1969). Manuel pratique du test de Rorschach. Paris : Hermann (1976). p. 141.

51 Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. Interprétation psychanalytique. Paris : Dunod (1997). p. 3.

52 Anzieu, D. (1961). Les méthodes projectives. Paris : P.U.F (1976).p. 103.

Rausch De Traubenberg et Sanglade, quant à eux, se sont centrés sur l'étude de la représentation de soi au Rorschach, et nous indiquent que << les réponses concentrent sur elles tout autant l'investissement narcissique que l'investissement d'autrui et en sont les révélateurs »53. Ils ajoutent qu'une analyse profonde permet de situer le stade atteint par le sujet dans la recherche de lui-même.

C'est donc par cet aspect pluridimensionnel que le test de Rorschach se présente comme un instrument adéquat pour notre recherche.

3/ Procédure

a) Le recrutement des sujets

Notre démarche pour trouver les participants à notre recherche fut tout d'abord guidée par le principe de non connaissance des sujets. Il nous a semblé que cela était essentiel pour limiter les biais d'interprétation des résultats en nous restreignant aux données récoltées lors de la rencontre dans le cadre de notre étude. En effet, nous avons ainsi pu nous appuyer sur les seuls critères que nous avons choisi pour l'analyse des protocoles de Rorschach, évitant par là même d'y entremêler des manifestations trop subjectives qui auraient été induites par une relation préexistante ente le testeur et les testés.

Nous avons donc commencé par poser des annonces indiquant les caractéristiques principales des sujets recherchés dans le cadre de notre recherche de master 1 en psychologie (Cf. annexe 2). Néanmoins, il s'est avéré que ce moyen n'a pas porté ces fruits puisqu'une seule de nos participantes a été recrutée de cette manière. Outre le fait que les termes << recherche en psychologie » puissent avoir un caractère << inquiétant » pour une grande partie de la population, nous avons envisagé après-coup que les personnes répondant à cette annonce fussent en réalité susceptibles d'avoir une demande particulière d'aide sous-jacente à leur volontariat, demande à laquelle nous ne pouvions répondre. Ainsi le sujet n° 4, rencontré dans le cadre de cette démarche, a subit un traumatisme (qui a donné lieu à un suivi psychiatrique encore d'actualité lors de notre rencontre), et qui a semblé motiver, au moins en partie, sa participation. Par la suite, nous avons donc été mis en contact avec les participants par connaissances ou des amis.

Le premier contact fut établit par téléphone. Les sujets étaient alors informés de la nature de la
tâche (passation d'un test projectif) et de la durée approximative de la rencontre. L'objet

53 Rausch De Traubenberg, N. Sanglade, A. (1984). Représentation de soi et relation d'objet au Rorschach. Grille de représentation de soi. Revue de Psychologie Appliquée, vol. 34, 1, pp. 41-57.

précis de l'étude ne fut cependant pas dévoilé afin de ne pas influencer l'attitude des participants lors de la rencontre. Nous prîmes soin d'évoquer les règles déontologiques auxquelles s'est soumise la recherche, notamment du respect de l'anonymat, du caractère éclairé de leur consentement, et de la possibilité de se retirer du protocole de recherche à tout moment. Il leur fut également précisé que leur participation était non lucrative et qu'il n'y aurait pas de restitution complète des résultats. Enfin, après accord des participants, il fut convenu d'un rendez-vous pour cette rencontre.

b) Le déroulement des rencontres

Les rencontres ont eu lieu dans un cadre neutre afin d'éviter la présence de stimuli externes pouvant interagir dans l'appréhension de la tâche. Elles se déroulèrent l'après-midi, au sein de l'Université Toulouse le Mirail, dans les salles se situant au niveau du parc du château. L'ambiance y était relativement calme et la luminosité assez satisfaisante pour ne pas utiliser de lumière artificielle.

Un temps d'accueil était réservé afin de mettre à l'aise le sujet, d'expliquer la situation et de réduire l'inquiétude due à la rencontre. Le participant installé, il lui fut rappelé les principes évoqués lors de l'entretien téléphonique, puis nous lui demandâmes de compléter et de signer l'accord écrit de participation à la recherche (Cf. annexe 3). Nous nous assurâmes également de l'absence de problème de vue.

Une fois la situation établie, nous débutions la passation du test de Rorschach. Prenant note des conseils de Rausch De Traubenberg (1970), le testeur se plaça sur la gauche du sujet afin d'éviter une possible anxiété provoquée par la position de face à face, celle-ci pouvant être perçue comme une véritable « situation d'examen et sous une surveillance impérieuse »54. La consigne utilisée fut la même pour tous les participants et formulée de manière impersonnelle et peu précise, laissant ainsi libre cours à l'interprétation personnelle du sujet de la tâche. La consigne donnée fut donc : « Je vais vous montrer des planches qui ne représentent rien et vous pourrez me dire tout ce à quoi cela pourrait vous faire penser ».

La passation du test s'est ensuite déroulée en deux temps, comme le préconise l'usage en France, le premier destiné à la passation proprement dite, et le second réservé pour l'enquête. Après la passation, un temps de parole était proposé dans un cadre moins formel, où le sujet était invité à formuler ses questions et à parler de son ressenti quant à cette expérience ; nous espérions ainsi réduire les hypothétiques bouleversements provoqués par la situation. A la fin

54 Rausch De Traubenberg, N. (1970). La pratique du rorschach. Paris : P.U.F (2006).p. 12.

de ce temps, nous avons recueilli quelques informations qui nous ont permis de mieux cibler les caractéristiques propres à chaque sujet.

Enfin, nous avons veillé à remercier le participant pour sa contribution, et à lui préciser que nous restions à sa disposition pour d'éventuelles questions tardives.

II/ HYPOTHESES DE RECHERCHE

1/ Hypothèse générale

Ainsi que nous l'avons montré précédemment, nombre d'auteurs admettent que les enfants de migrants, confrontés à deux modèles culturels distincts, sont soumis à un développement complexe. La création de liens entre filiation et affiliation, qui apparaît comme nécessaire à la stabilité de la personnalité, demeure parfois fragile. Après une série de recherches, Moro (1988, 1994, 2002, 2004) évoque l'existence d'une vulnérabilité psychologique spécifique aux enfants de migrants. Toutefois, ces travaux se sont principalement basés sur une population d'enfants et d'adolescents, dans lesquelles elle décrit trois périodes de risque électif qui sont : << la mise en place des interactions précoces mèreenfant avant un an, le début des grands apprentissages scolaires entre six et huit ans et l'adolescence »55. Or, qu'en est-il de la structuration psychique une fois ces périodes passées ? Nous serions tentés de penser que cette vulnérabilité psychique perdure à l'âge adulte, et affaiblit le niveau des excitations internes ou externes pouvant être assimilées par le moi. C'est donc dans la continuité de ces travaux que nous formulons l'hypothèse générale de cette recherche :

Les jeunes adultes issus de l'immigration présentent une vulnérabilité psychologique.

Nous postulons que la double appartenance culturelle influence la qualité du fonctionnement psychique. Dès lors, la variable indépendante correspond à << jeunes adultes issus de l'immigration », et la variable dépendante est attribuée à << vulnérabilité psychologique ». Afin de maitriser au mieux les facteurs de la variable indépendante, notre étude se base sur des jeunes femmes d'origine Maghrébine.

Cette hypothèse sera analysée à travers le test de Rorschach. En effet, ce matériel favorisant l'excitation de l'appareil psychique, il nous parait être un outil adéquat à estimer le seuil de tolérance du moi aux excitations, et les conséquences de la vulnérabilité sur l'organisation psychique des sujets.

55 Moro, M.R. (1994). Parents en exil. Psychopathologie et migrations. Paris : PUF (2002).p.24.

2/ Hypothèses opérationnelles :

a) HO1 : les jeunes femmes d'origine Maghrébine expriment des manifestations de l'angoisse au Rorschach

Selon Violet-Conil et Canivet (1952), « Il y a traumatisme, donc angoisse, chaque fois que le Moi perd sa capacité d'assimiler une excitation accrue »56. Or, si le propre de la vulnérabilité psychique est une moindre résistance aux excitations internes et externes, l'angoisse devrait surgir plus facilement chez les individus vulnérables. On peut ainsi émettre l'hypothèse que face aux excitations induites par le test de Rorschach, la vulnérabilité psychique des sujets se traduira par des manifestations attestant de l'angoisse qu'ils ressentent. Selon Bohm (cité par Violet-Conil et Canivet), au Rorschach, les signes de l'angoisse se manifestent tout d'abord sur les caractéristiques générales du protocole. Ce sont :

> L'appauvrissement général de la production

> La coartation du TRI

> L'aspect de la succession (rigide et accompagnée de F+% élevé, relâchée et accompagnée de choc-couleur, ou incohérente)

> Les interprétations fantastiques et fuyantes dans les planches multicolores > Le trouble du balancement des facteurs introversif-extratensif

Ensuite, l'angoisse se traduit par des manifestations sur les éléments des réponses telles qu'elles sont présentées ci-dessous :

Dans le mode
d'appréhension

Dans le déterminant

Dans le contenu

- Abaissement du nombre de

- Nombreuses F-

- Symétries nombreuses

G

- K peu nombreuses et de

- Anatomies nombreuses et

- Do d'inhibition

mauvaise qualité

de mauvaises qualités

- Nombreux Dd et Dbl

- FC ou CF nombreuses et

- Mauvaises originalités

 

dysphoriques, E purs

- interprétations sexuelles

 

- Clob

dépressives

 

- C isolées et explosives

- Hd et Ad plus nombreux

 

- Chocs-couleurs, Choc noir ou Choc-vide

que H et A.

56 Violet-Conil, M. Canivet, N. (1952). Le test de Rorschach et le diagnostic de l'angoisse. Rorschachiana, Revue Internationale de Rorschach et d'Autres Méthodes Projectives, Vol. I, Cahiers 2, 78-127.

Anzieu (1961), dans son tableau de l'angoisse pathologique, ajoute les signes suivants : > Indicateur d'angoisse > 15%

> Refus (ou peu de réponses) aux planches IV, VI, VII et IX

> Refus de réponses couleurs, fuite du rouge

> Augmentation du temps par réponse.

b) HO2 : les jeunes femmes d'origine Maghrébine mettent en place un système défensif coûteux contre l'angoisse

Après avoir analysé H02, il est intéressant d'étudier le système défensif afin de pouvoir rendre compte de la dynamique psychique propre aux sujets. Notre hypothèse générale indique que le seuil des excitations assimilables par le moi devrait se situer relativement bas. De ce fait, nous pouvons nous interroger sur l'aménagement défensif mis en place devant une source d'excitations telle que le Rorschach. Nous émettons l'hypothèse que les participants à notre recherche doivent avoir recours à des mécanismes de défense moins souples, qui vont entraver le fonctionnement psychique dans sa souplesse, son harmonie et son adaptation.

Chabert (1983) propose d'observer les mécanismes de défense au Rorschach à travers l'analyse des procédés d'élaboration du discours. Elle ajoute que ces mécanismes vont se traduire à travers trois types de données : les manifestations hors réponse (verbalisation ou caractéristiques qualitatives non verbales), dans la réponse, au sein d'une séquence associative stigmatisée par une cotation et à travers un ou plusieurs facteurs combinés dont le regroupement permet de dégager un mécanisme de défense spécifique. En outre, elle distingue quatre grandes catégories de procédés d'élaboration du discours renvoyant à des mécanismes de défense sous-jacents.

Les procédés rigides consistent à utiliser les données perceptives du matériel, soit dans le but d'éviter ou de minimiser le surgissement d'éléments en rapport avec la réalité interne du sujet, soit pour permettre à celle-ci de s'exprimer grâce à une stratégie de justification et de rationalisation. Ceux-ci sont observables dans :

> Les manifestations hors réponses, verbales ou non : les précautions verbales, le doute, les ruminations, la dénégation portant sur l'aspect externe de la perception, l'attachement au détail, les précisions scrupuleuses et les formations réactionnelles.

> Les réponses ou séquences de réponses : la dénégation de la représentation, la formation réactionnelle, le doute traduit par l'hésitation entre deux perceptions pour la même réponse.

> Les facteurs spécifiques : une formalisation excessive (F% > 65%), l'expression d'affect à minima (TRI coarté ou introversif, réponses sensorielles peu nombreuses), le doute (F #177; élevé), le souci de maitrise du matériel (augmentation du G%), l'attachement aux détails (forte utilisation du D et Dd), l'intellectualisation (combinaison de G organisés, kinesthésies et contenus spécifiques, artistiques), la négation des liens, soit entre représentation et affects (augmentation du F% et faiblesse des déterminants sensoriels), soit entre deux représentations (fragmentation des réponses en D ou Dd avec l'accent porté sur l'absence de rapport entre les réponses successives), les formations réactionnelles (FC fréquentes).

Les procédés labiles visent à lutter contre l'émergence de représentations gênantes par le recours à la fantaisie et aux affects. Ils se traduisent par :

> Les manifestations hors réponse : commentaires réguliers donnant l'impression d'une réactivité immédiate au matériel, la dramatisation, la labilité des réactions émotionnelles, l'accent porté sur la méconnaissance sous forme de dénégations successives, la manipulation labile du langage.

> Les réponses ou séquences de réponses : le refoulement (refus ou incapacité d'associer notamment aux planches IV et VI chargées en symbolisme sexuel), la dénégation quand une représentation dont la dimension symbolique évidente et évitée (un certain type de contenu, par exemple brouillard ou fumée, est alors investi dans une fonction d'écran à la représentation), l'érotisation des relations à travers des mises en scènes kinesthésiques, la mise en avant de la réactivité émotionnelle (primat de la couleur dans le déterminant au sein d'une séquence de réponses).

> Les facteurs spécifiques renvoyant à des mécanismes de refoulement : le souci de se maintenir relativement à distance du matériel (G vagues ou impressionnistes), le recourt aux manifestations sensorielles (TRI extratensif), la suggestibilité (grande variété des réponses C, C', E et Clob), la prévalence accordée à la réactivité subjective (F% bas), le symbolisme transparent des contenus (notamment pour les symboles sexuels), l'affrontement entre désirs contradictoires (représentations et/ou affects opposés). En outre, l'échec des mécanismes de refoulement est observable par une fuite en avant dans l'interprétation (précipitation dans la multiplication des réponses), des manifestations émotionnelles très intenses (TRI extratensif très dilaté), une perte de contrôle sur la réalité objective (F+% très bas) et des contenus très crus à valence sexuelle et régressive.

Les procédés d'inhibition marquent la lutte contre une implication projective ressentie comme dangereuse. Ils se repèrent par :

> Les manifestations hors réponse : une restriction de la production, une participation subjective peu engagée, une verbalisation minime, le temps de latence long, les silences nombreux, le refus des planches qui n'est pas rare. Dans le même temps, les quelques commentaires portent sur le blocage associatif et les manifestations anxieuses sont parfois très visibles au niveau du comportement.

> Les réponses ou séquences de réponses : anonymat des personnages humains (sans identité sexuelle), projection d'action floues, indéterminées (répression kinesthésiques fréquentes), réduction des charges émotionnelles apparentes (formules du style « un peu », « à peine »), évitement perceptif de localisations particulières (détails rouges des planches II et III, ou à valence symbolique), banalisation ou placage d'images stéréotypées.

> Les facteurs spécifiques évitant la confrontation avec les stimuli angoissants et révélant les difficultés d'implication : G primaires ou à l'inverse découpage extrême du matériel, F% élevé avec beaucoup de F#177;, TRI et formule complémentaire coartés. Les défaillances de tels mécanismes peuvent se constater par l'émergence de bouffées d'angoisses traduites par la présence de Clob, C', E et kinesthésies isolées à thème de chute ou de vertige. Au niveau des contenus, on trouve des contenus « phobiques » (A anxiogènes), des contenus révélant des inquiétudes corporelles, ou des contenus banalisés à outrance, factuels, concrets.

Bien entendu, tous ces critères apparaitront différemment selon s'ils concourent à la mise en

place de défenses de type névrotique ou de type limite. A contrario, les procédés en processus

primaires sous-tendent des mécanismes de défense psychotiques. Ils se remarquent par :

> Les manifestations hors réponses : méfiance du sujet argumentée par des remarques faisant preuve d'un vécu persécutif, décalage entre les productions spontanées et l'enquête, production importante, mal ordonnée, prolixité du discours, verbalisation confuse laissant surgir des bizarreries et des discordances...

> Réponses ou séquences de réponses : localisations arbitraires, mal définies ou peu cohérente (G mal organisés, immenses Dd aux découpes rares ou bizarres), médiocrité du contrôle formel (beaucoup de F-), réponses kinesthésiques à valeur interprétative ou délirante, absence de contention des mouvements pulsionnels (présence de C

pures), contenus marquant l'absence d'intégrité corporelle ou la confusion des règnes (Hd, Anat, Sang, H/A, H/Obj).

> Les facteurs spécifiques : mauvaise qualité de l'ancrage dans la réalité objective (F+% et F+% élargi faibles, diminution significative des Ban), désintérêt pour le réel (D% faible, réponses humaines et animales déréelles fréquentes à connotation persécutante), fragilité des barrières internes et massivité des affects (TRI très dilaté, K délirantes ou interprétatives, ? C très élevé avec dominance de C pures, contenus en référence au corps dans des images tronquées, morcelées, Anat, A ou Obj contaminés ou fragmentés), ou au contraire tonalité émotionnelle abrasée (TRI coarté), absence de réactivité spécifique aux planches.

Il nous semble cependant important de préciser que c'est la massivité de ces manifestations qui peut signer un fonctionnement psychotique ; les émergences en processus primaires peuvent apparaître ponctuellement, marquant alors seulement des points de fragilité qui sont compensés par ailleurs.

c) H03 : Les jeunes femmes d'origine Maghrébine font preuve d'une représentation de soiperturbée

Moro (1988, 1994, 2002, 2004) fait l'hypothèse que la vulnérabilité dont elle fait état est liée à la dissociation entre filiation et affiliation à laquelle ils sont soumis. Etant donné les enjeux identitaires et relationnels que cette proposition soulève, nous faisons l'hypothèse que de la fragilité de la structuration psychique se répercute sur la représentation de soi. Nous nous basons sur la grille de représentation de soi (Cf. annexe 4) élaborée par Rausch De Traubenberg et Sanglade (1984). Dans un souci de clarté, nous ne ferons pas usage du système de cotations qui s'y rattache, mais nous utiliserons simplement cette grille comme schéma de compréhension des données. Cet instrument nous permet notamment de dégager la relation dynamique du sujet à ses objets internes et externes, et de situer l'identité et les identifications du sujet à travers le jeu des pulsions libidinales et agressives. La grille se compose de quatre colonnes :

> La première colonne fait état de l'image corporelle de la représentation de soi, unitaire ou non, à travers l'objet représenté. Le contenu est classé en fonction de son appartenance au monde humain, animal ou au monde de l'inanimé. Le monde humain et le monde animal sont ordonnés selon la valence de la réponse, qui va du plus intégré au moins intégré. Le monde de l'inanimé n'est pas ordonnée hiérarchiquement mais reste significatif.

> La deuxième colonne analyse le mode de relation à l'objet. Les items vont des interactions aux actions isolées jusqu'à la simple dénomination statique ; les interactions et actions peuvent être positives, neutres, agressives, de dépendance ou incongrues. Les items, des points de vue de la réciprocité et de l'animation, sont ordonnées respectivement du positif au négatif, et du plus performant au nul.

> La troisième colonne spécifie l'identification sexuelle en regard de sa détermination, de son ambivalence ou de son instabilité.

> La quatrième colonne rend compte des facteurs spécifiques précisant le caractère de différenciation ou d'indifférenciation entre soi et l'autre.

d) H04 : le double contexte culturel propre aux jeunes femmes d'origine Maghrébine entraine des écarts par rapport aux normes admises au Rorschach

Cette hypothèse a pour objectif de vérifier si le fonctionnement psychique des sujets, pris dans sa globalité, présente des caractéristiques communes chez tous les testés. Il s'agit donc de repérer les écarts significatifs par rapport aux valeurs normatives de référence. Nous nous référons pour cela aux normes adultes communiquées par Claude Collado et présentées ci-dessous.

Modes d'appréhension

Déterminants

Contenus

G = 20-30%

F% = 50-60%

A% = 35-50%

D = 60% G/D 1/3

F+% = 80-90%

A > Ad

Dd = 6-10%

K = 5 à 7

H% = 15-20%

 

K > kan

 

Dbl = 3%

kan = 25-50%

H/Hd 2/1

Do = 0%

FC > CF + C

 
 

FE > EF + E

 
 

RC% = 30-40%

 

R = entre 25 et 30

Ban = 16% (en référence à la liste française des banalités)

Indicateur d'angoisse < 12%

Le TRI doit être plus dilaté que la formule secondaire

III/ PRESENTATION DES RESULTATS ET INTERPRETATION

1/ Protocole de Leïla :

a) Présentation de la participante :

Leïla est née à Millau, dans l'Aveyron. C'est une jeune femme de 23 ans au jour de notre rencontre, qui effectue diverses missions intérim et projette de partir en suite travailler à Londres. Ses parents sont Marocains ; Son père est arrivé vers la fin des années 1960, et sa mère l'a rejoint en 1983. Elle se définit comme Musulmane mais peu pratiquante. Cependant, elle semble gênée face à cette question.

b) Les représentants de l'angoisse

· Dans les caractéristiques générales du protocole :

Le R est très bas.

Le TRI et la FS sont inversés.

· Dans les modes d'appréhension :

2 réponses incluant le blanc (dont une en Ddbl associée à un contenu Hd teinté d'une tonalité dysphorique)

· Dans les déterminants :

1 seule K

1 CF dysphorique, deux FC (dont 1 FC') et une tendance CF.

2 FE (dont 1 associé à une tendance Fclob, et l'autre à un Choc).

1 Choc.

· Dans les contenus :

H = Hd

· Facteurs spécifiques de l'angoisse pathologique:

Peu de réponses et avec présence de signes d'angoisse aux planches IV, VI, VII et IX.

La planche IV fait apparaître la FE tendance Fclob, la planche VI comprend la FE et le Choc, La planche VII la FC', et la planche IX la CF dysphorique.

La couleur rouge est fuite à la planche II, et non intégrée à la réponse à la planche III.

c) Les mécanismes de défense

· Planche I :

Manifestations hors réponse : la verbalisation indique le doute et l'accent, porté sur la méconnaissance de la procédure à suivre signe un désir d'éviter la confrontation avec le stimulus. Le discours semble donc prendre lui-même un aspect défensif.

Réponse : une seule réponse qui comprend un doute entre deux représentations très proches. La représentation est une banalité en G, ce qui nous fait penser à des difficultés d'implication relevant d'une inhibition défensive.

· Planche II :

Manifestations hors réponses : la verbalisation est réduite à quelques mots indiquant une inhibition.

Réponses : la première réponse se maintient à une banalité confirmant le fonctionnement inhibiteur du sujet ; la couleur n'est pas intégrée à la réponse et la réponse à tendance à être déniée à l'enquête. La deuxième réponse semble se concentrée sur le Blanc (associée à 1 F+/-) dans le but d'éviter le rouge. Nous pensons également à un fonctionnement sur le mode de l'inhibition pour ces réponses.

· Planche III :

Manifestations hors réponses : la verbalisation est toujours minime.

Réponse : la seule réponse produite correspond à la banalité en G, le contenu humain est anonyme (sans identité sexée ni fonction), le rouge est évité. Le sujet est toujours sur le registre de l'inhibition.

· Planche IV :

Manifestations hors réponses : Verbalisation minime, et expression d'un besoin de réassurance dans la conduite à adopter qui signe une difficulté face à la planche.

Réponse : la FE de texture sur un contenu animal irréel indique une régression défensive face à une représentation anxiogène, indiquant une défense par les affects pour mettre à distance la représentation gênante, mais qui bloque les associations dans le même temps.

· Planche V :

Manifestations hors réponses : La verbalisation est toujours très restrictive lors de la passation.

Réponse : La participation subjective est peu impliquée ; l'unique réponse est une persévération et une banalité ; il semble que le sujet soit très inhibé.


· Planche VI :

Manifestations hors réponses : l'accent est porté sur la méconnaissance, le temps de latence est doublé.

Réponse : La réponse est explicitement anxiogène et accompagnée d'un Choc. L'angoisse est ici fixée sur la représentation dont le contenu est phobique. Par ailleurs, on voit apparaître à l'enquête une nouvelle association dont le contenu est régressif, teinté d'oralité, et qui semble venir renforcer le fonctionnement défensif du sujet. Les mécanismes d'inhibition sont donc très présent ici mais paraissent peu efficaces face à l'angoisse.

· Planche VII :

Manifestations hors réponses : la verbalisation est encore axée sur la méconnaissance du sujet quant à la tâche à accomplir dans un souci d'éviter la confrontation au stimulus. Réponse : la couleur est utilisée mais indique une sensibilité des affects dépressifs et le contenu est marqué par la régression qui s'accentue à l'enquête (dessin d'éléphants). Le registre défensif semble s'élaboré sur le mode de la labilité.

· Planche VIII :

Manifestations hors réponses : le sujet fait un petit commentaire sur la présence de couleurs et les affects positifs associés. Le temps de latence réduit indique une réactivité immédiate au matériel.

Réponse : Après la banalité élaborée en kinesthésie, la réactivité à la couleur tient une place importante dans la deuxième réponse. Les réponses laissent transparaitre la suggestibilité du sujet au matériel ici et l'utilisation des affects. Les contenus très factuels indiquent néanmoins la persistance de l'inhibition.

· Planche IX :

Manifestations hors réponses : la verbalisation est imprégnée des affects ressentis, la réaction à la planche est rapide, les commentaires sont plus nombreux et les verbalisations sur la méconnaissance se répètent (<< je ne sais pas »).

Réponse : l'utilisation de la couleur prédomine dans la première réponse ; elle est complétée à l'enquête par << la fumée » dans une valence régressive et agressive. L'utilisation des affects comme moyens défensifs est étayé par une fuite dans un Ddbl pour la deuxième réponse dont le contenu parait anxiogène.

· Planche X :

Manifestations hors réponses : la verbalisation est plus prolixe qu'au début du protocole, les
commentaires sur l'aspect formel de la planche sont nombreux. Le temps de latence est court.

Tous ces signes concourent à la mise en place de manifestations émotionnelles intenses. L'association avec le terme « bordel » est déniée, ce qui fait penser à la présence de culpabilité quant à l'excitation pulsionnelle induite par le stimulus (dont on peut retrouver les signes dans les commentaires du sujet sur les « limites rouges »).

Réponse : la kinesthésie d'objet signe l'émergence des pulsions sexuelles du sujet. La couleur est importante dans la détermination de la réponse et dévoile la prégnance du registre émotionnel.


· Facteurs spécifiques :

Le G% élevé arbore le souci de se maintenir à distance du matériel.

Le F% élargi et le F+% élevés, ainsi que le nombre de réponses banalisés témoignent d'une participation subjective plutôt basse. L'apparition de contenu phobique anxiogène appuie l'usage de mécanismes de défense sur le registre de l'inhibition.

Plusieurs signes peuvent également assurer d'un fonctionnement labile : le TRI est extratensif, la sensibilité à l'environnement est représentée par la variété des déterminants C, C', E et Clob, Le F% bas montre la prévalence accordée à l'émotion, et plusieurs contenus à valence régressive apparaissent dans le protocole. Nonobstant, il semble que certains de ces signes montrent davantage les défaillances du système défensif et le débordement du Moi par l'angoisse.

Le système défensif de Leïla opère donc principalement sur le registre de l'inhibition. En effet, après l'analyse descriptive des conduites défensives repérées dans le protocole, on remarque des difficultés d'implication dans la passation qui se manifestent notamment par une forte présence de G primaires, une réponse F+/-, l'utilisation de contenus factuels et une persévération. La verbalisation, quand elle n'est pas restreinte, se concentre sur des remarques descriptifs sur le matériel qui ne sont pas cotables (planches VII, IX et X). Le TRI n'est pas très dilaté.

Outre le fait que les mécanismes de défense de Leïla semblent entraver le Moi dans ses capacités d'analyse, de créativité et d'expression, ils paraissent, à plusieurs reprises, insuffisants à contenir ses angoisses ; elles transparaissent entre autres à travers la CF, le choc, le FE tendance Fclob . Les conflits latents mobilisent une grande énergie psychique qui semble également appauvrir le fonctionnement global.

L'apparition de la couleur aux planches chromatiques a un effet désinhibant. Cela permet à
Leïla de varier ses défenses, et notamment de recourir aux affects pour se défendre des
représentations gênantes. On observe ces procédés très timidement à la planche VIII, et plus

franchement à la planche IX. Ils opèrent une contention correcte des mouvements pulsionnels. Cela dit, on constate que le discours centré sur les émotions soutient le refoulement massif puisque certaines << réponses » sont tellement vagues qu'elles ne sont pas cotable.

Le système défensif de Leïla s'avère donc rigide, et gêne son fonctionnement psychique puisqu'il ne permet une utilisation harmonieuse des capacités du moi ; la réalité interne semble étouffée, au détriment des possibilités intellectuelles, imaginatives et de l'expression subjective.

d) La représentation de soi :

D'après la grille établie pour les réponses de Leïla57, plusieurs indices font état de difficultés quant à la représentation de soi.

La présence d'un seul H (Planche III), qui plus est non sexué, montre l'embarras de cette jeune femme face à son image corporelle. Il est à noter que le discours de l'enquête met l'accent sur l'interstice blanc, interprété comme << séparation entre les jambes et le haut du corps ». Néanmoins, la présence d'une seule Hd, de six A entiers, l'absence de réponses anat. et la reconnaissance de la symbolique phallique planche IV et VI nous permettent d'inférer que la représentation de soi est largement esquivée, donc anxiogène, mais unitaire. Rausch De Traubenberg précise aussi que la représentation de soi est unitaire dès que la perception du D courant planche VIII est correcte, ce qui est le cas pour Leïla. L'absence de réponses comprenant une détermination sexuée dans le protocole signale les anicroches de l'identification sexuelle.

Au niveau de l'analyse du mode de relation à l'objet, il semble que l'investissement d'autrui soit évité. Aucune interaction n'est présenté dans le protocole ; les deux actions bilatérales (planche III et VIII) sont peu spécifiées et ne laissent pas apparaître de motion pulsionnelle particulière. De plus, on observe deux réponses comportant un caractère agressif sans action (planche IV et IX) indiquant la sensibilité anxieuse de Leïla à l'agressivité venant de l'environnement. La tendance kp (planche IX) insiste sur la gêne provoquée par le jugement d'autrui. La réponse qui comprend une action simple impliquant kob (planche X) témoigne du désir d'investissement libidinal dans un contexte socialisé, indiquant par là même que les relations d'objet ne sont pas complètement évitées. Toutefois, on remarque que cette réponse intervient à la fin du test, alors même que notre relation testeur-testé va se terminer.

57 Cf. Annexe p. VIII.

e) Interprétation dynamique :

L'analyse du psychogramme de Leïla fait apparaître le manque d'investissement des capacités intellectuelles. A première vue, le fonctionnement intellectuel parait très pauvre (R très bas, G% élevé, peu de kinesthésies, persévération, 3F+ sur 4 sont des banalités). Toutefois, l'exploration du F+% élargi montre la bonne qualité formelle de la plupart des réponses. Si on le combine à l'utilisation d'une G organisé, il précise la présence de capacités intellectuelles. La légèreté des facteurs intellectuels semble résulter davantage d'un manque d'implication dans le test. Effectivement, le surinvestissement du mode d'appréhension globale, associé à la faiblesse d'appréhension des détails, dévoile la superficialité de l'approche du matériel. Les facteurs G sont associés à des déterminants de bonne qualité formelle, démontrant ainsi les aptitudes synthétiques. Néanmoins, la prégnance des G primaires témoigne de son utilisation défensive, au détriment des potentialités imaginatives. La présence d'une seule K confirme la carence de créativité. Le fonctionnement décrit jusqu'ici s'inscrit donc dans l'utilisation de défenses rigides par cette jeune femme. Leïla est capable d'utiliser les couleurs, ce qui indique qu'elle est sensible aux sollicitations externes. Le RC% et le A% bons, ainsi que les FC > CF témoignent de l'expression socialisée et maitrisée des émotions. Cependant, les difficultés à intégrer le rouge aux planches II et III désignent l'embarras dans le maniement de l'agressivité. De plus, La FC' et les deux FE font apparaître l'anxiété latente contre laquelle Leïla se défend. Le TRI et le RC% sont de type extratensif alors que la FS est introversif, ce qui, selon Canivet (cité par Collado) indique un conflit. Cela précise le fonctionnement sur le mode de l'inhibition de Leïla, d'autant plus que les formules sont plutôt rétractées.

Le DblD associé à F +/- planche II, la tendance Fclob planche IV, le Choc planche VI, la CF à valence régressive et agressive et le Ddbl planche IX, sont autant de signes indiquant que le sujet est parfois dépassé par l'angoisse, qui désorganise quelque peu le Moi.

Par ailleurs, on remarque que Leïla montre des signes d'angoisse principalement aux planches dont la symbolique sexuelle est patente. A la planche II, la réitération de la réponse « papillon », qui est aussi une banalité, montre que le sujet met en place de forts mécanismes d'inhibition dès la rencontre avec ce stimulus. A l'enquête, Leïla a du mal à retrouver cette réponse, et le discours inclue l'interstice blanc (Dd 24), ce qui signale la gêne ressentie face au rouge. La qualité formelle floue (F+/-) de la seconde réponse révèle l'anxiété latente. L'engramme est distinctement focalisé sur la grande lacune centrale. Selon Chabert (1983), la centration sur le Dbl s'inscrit toujours dans le contexte d'une faille et porte l'accent sur l'incomplétude. Elle ajoute que l'apparition de ce type de réponse à la planche II renvoie

souvent à l'angoisse de castration, notamment, à la difficulté de se confronté à la différence des sexes. De plus, Collado nous dit que les aspects sexuels et le blanc de la planche réfléchissent la sexualité féminine. Ainsi, il semble que Leïla soit angoissée face à sa propre sexualité. Aux planches IV et IV, l'apparition de deux FE de texture dont la tonalité est dysphorique marque les difficultés face à l'identification à l'image paternelle. Chabert soutient que les estompages de texture ont à voir avec la carence des besoins fondamentaux. Or, ces deux planches provoquent un mouvement régressif chez Leïla, qui s'exprime par la toute-puissance attribuée à la réponse « monstre » planche IV et par la survenue d'une réponse de registre oral à l'enquête planche VI (« feuille de salade »). Alors que la FE planche IV se présente doublée d'une tendance Fclob dans une valence régressive-agressive, celle de la planche VI est accompagnée d'un choc sexuel et se rattache à un contenu explicitement phobique doué d'attribut viril (« moustaches »). Selon Mucchielli (cité par Collado), la planche VI reflète la capacité du sujet à s'assumer comme individu sexué. Par ailleurs, même si l'angoisse est moins manifeste, on entrevoit la touche d'anxiété que dégage la structure inachevée de la planche VII. La sensibilité au gris témoigne bien de l'anxiété diffuse de Leïla, et le commentaire qui suit insiste sur le caractère ouvert de l'image. Elle force la mise en place de défenses fortes par une régression infantile de sorte que la symbolique féminine est esquivée.

La planche IX révèle l'émergence de l'angoisse dans un registre conflictuel différent. Selon Monod (citée par Chabert), cette planche témoigne de la position du sujet tel qu'il se situe, seul face au monde. Or, la CF reflète l'intensité émotionnelle dégagée, dont la tonalité semble plutôt agressive (flammes et fumée). D'ailleurs, notre patiente exprime clairement les affects négatifs émanant de cette perception (« le bas est plus positif que le haut, je le préfère »). La deuxième réponse, « une observation », est appréhendée dans le Ddbl 23. Chabert affirme que le Ddbl associé au regard témoigne de la réactivation d'une culpabilité primaire ou d'un vécu d'ordre persécutif. Ainsi, l'ensemble de ces réactions marquent les craintes massives de Leïla face aux relations socio-affectives profondes. D'autres facteurs dévoilent la perplexité de cette jeune femme face au monde social. Toutefois, les mécanismes de défense inhibent la survenue manifeste de l'angoisse. Nous pouvons déjà désigner l'extratensivité du TRI alors que la FS est introversif comme indice de cette problématique, puisque Collado évoque à ce propos l'inharmonie entre le moi intime et l'image que le sujet cherche à donner de lui-même. Qui plus est, les commentaires réguliers lors de la passation montrent l'importance de l'approbation du testeur et le besoin de réassurance que nécessite l'appréhension de la tâche (principalement planche I, IV, VII et IX). L'ensemble du discours

planche I signale le sentiment d'insécurité de Leïla face aux situations nouvelles et au jugement d'autrui. L'unique réponse correspond à la banalité, et indique donc sa difficulté à s'affirmer personnellement. La seule K du protocole, planche III, est très peu spécifiée et entraine la mise en place d'une forte inhibition face aux sollicitations extérieures. Il parait alors difficile pour Leïla de se montrer telle qu'elle est devant autrui. On constate également qu'elle est embarrassée face à la planche V (commentaire, temps court, une seule réponse ban). Selon Anzieu (cité par Collado), cette planche renseigne sur la représentation de soi face au monde et sur l'état du moi. Or, l'enquête met l'accent sur la dévalorisation (« un insecte car il est plus petit que sur les autres dessins »). Pour la psychanalyse, la planche VIII symbolise la rencontre avec le monde extérieur. L'apparition des couleurs semble soulager Leïla. Elle autorise la projection de mouvement en kan et l'utilisation adéquate de la couleur. On peut donc penser que le comportement socio-affectif du sujet est adapté. Cependant Mucchielli précise que cette planche suggère l'implication peu profonde du sujet dans les relations sociales. Qui plus est, les réponses de Leïla restent très factuelles. On comprend alors qu'elle peut appréhender de manière positive l'environnement, mais dans un fonctionnement qui reste très conformiste. Les réactions face aux couleurs vives de la planche X font apparaître le paradoxe dans lequel se situe le sujet. La réponse kob exprime clairement le désir d'investissement libidinal, alors même que le transfert touche à sa fin. La réponse adoucit néanmoins le pronostic quant aux difficultés d'implication dans des relations socioaffective profonde, malgré les commentaires signant la répression des pulsions sexuelles par le Surmoi (les D9 sont interprétés comme des « limites qui gênent le dessin »).

A l'issue de l'analyse du protocole de Leïla, on observe que les mécanismes de défense sont rigides et entravent le fonctionnement du Moi. De plus, ils sont parfois dépassés par l'angoisse et laissent apparaître une forte conflictualité quant aux identifications sexuelles. Le reste du temps, ils luttent ardemment contre l'expression de la vie interne. Ainsi, Il semble très difficile pour Leïla de s'affirmer face à autrui et de s'impliquer dans des relations profondes. Ces différents constats nous permettent de confirmer l'hypothèse selon laquelle Leïla présente une vulnérabilité psychologique.

2/ Protocole de Sabrina

a) Présentation de la participante

Sabrina est une jeune femme d'origine Algérienne âgée de 25 ans lors de la passation de l'épreuve. Elle est née à Lille, et son père et sa mère sont arrivés respectivement en 1968 et 1971 en France. Elle travaille également en intérimaire dans une usine. Elle ne pratique pas de religion.

b) Les représentants de l'angoisse

· Dans les caractéristiques générales du protocole :

Le R est inférieur à la norme.

Le TRI et la FS sont inversés et la FS est plus dilatée que le TRI.

· Dans les modes d'appréhension :

1 DblD associée à un contenu Hd d'une valence affective ambivalente.

· Dans les déterminants :

Une seule K

2 CF (dont 1 dysphorique), et 1 tendance CF.

3 FE (une associé à une remarque symétrie, une associé au Hd à valence affective ambivalente, et une associé à un contenu dysphorique), et 1 tendance FE.

· Dans les contenus :

2 symétries.

1 radio sous-tendant une réponse anatomie et 1 réponse foetus.

1 réponse sexuelle crue.

· Facteurs spécifiques de l'angoisse pathologique:

Le rouge n'est pas intégré aux réponses de la planche II et III.

Pas de réponse couleur à la planche X avec un temps par réponse supérieur à 1 minute.

c) Les mécanismes de défense

· Planche I :

Manifestations hors réponse : La verbalisation peu apparaître légèrement minime.

Réponse : hésitation entre deux représentations assez proches qui donne lieu à une interprétation irréelle. Le recours à la banalité pour la seule réponse dénote une certaine inhibition qui laisse néanmoins entrevoir la subjectivité de cette jeune femme.

Manifestations hors réponse : l'accent de la verbalisation est porté sur le blocage associatif. Réponse : la réponse est peu détaillée au début et marque l'inhibition du sujet qui se lève ensuite pour laisser apparaître une association révélatrice d'angoisse. L'enquête indique une difficulté à retrouver la représentation détaillée en après-coup qui nous permet d'inférer l'émergence des processus primaire dans cette réponse. Le sujet incorpore d'ailleurs le fond blanc de la planche à l'enquête comme pour se défendre contre l'agressivité évoquée par le rouge ; le déplacement sur un contenu animal semble s'installer comme compromis à l'élaboration de l'agressivité. Le contenu foetus et gémellité permettent d'entrevoir une angoisse de séparation. Les mécanismes de défense paraissent donc ici comme débordés par les processus primaires et les angoisses du sujet.

· Planche III :

Réponse : la première réponse en F- s'impose comme un recours au formel face à la gêne représentée par la planche. Dans la deuxième réponse, l'identité sexuée de l'engramme humain est légèrement déniée laissant ainsi entrevoir une certaine anxiété face à l'identification sexuelle. Celle-ci ne bloque pas l'élaboration du sujet qui projette une relation positive sur la planche. Nous pouvons faire l'hypothèse d'une formation réactionnelle face à l'agressivité évoquée par le rouge.

· Planche IV :

Manifestations hors réponses : critique du matériel et précautions verbales (« une sorte de >>).

Réponses : les réponses sont focalisées sur l'aspect formel du matériel, ce qui suppose l'utilisation de procédés rigides. La première réponse comprend une dénégation du contenu humain et un déplacement sur un contenu fantastique du monde enfantin. Néanmoins, la rigidité et la régression ne permettent pas de maintenir à l'écart la représentation sexuelle phallique qui émerge crument et semble teintée d'une puissance angoissante.

· Planche V :

Manifestations hors réponse : précautions verbales (« ça ressemble >>).

Réponse : la réponse, qui comprend une hésitation entre deux représentations suivie d'une mise à distance (« de dos >>), dévoile une sensibilité anxiogène. Cependant, la construction de la réponse en kan figure un système défensif opérationnel qui maintient à distance les affects gênants sans entraver le fonctionnement psychique.

Manifestations hors réponses : verbalisation axée sur l'intellectualisation, suivie d'une remarque sur le blocage associatif ; une précaution verbale.

Réponses : le contenu de la première réponse s'inscrit dans une transparence du symbolisme sexuel féminin dans une tonalité dépressive (impression de fragilité) qui est déniée (« jolie fleur ») ; Sabrina se défend par un déplacement sur un contenu intellectuel. La deuxième réponse exprime clairement un symbole sexuel masculin sur le mode de la sublimation. L'aspect estompé de la planche n'est pas pris en compte, les deux réponses sont purement formelles. Tous ces signes indiquent que les procédés rigides sous-tendent le refoulement qui intervient face à la représentation anxiogène de relations sexuelles.

· Planche VII :

Manifestations hors réponses : le temps de latence est légèrement plus court.

Réponses : l'aspect régressif des projections est prévalent à cette planche. Ce sont deux engrammes humains qui expriment la faiblesse du moi et l'angoisse face à l'imago maternelle. L'ambivalence affective qui accompagne la représentation maternelle peut révéler à travers le déplacement sur le contenu fictif et enfantin. La symétrie signale, au niveau le plus manifeste, un recours aux caractéristiques objectives du matériel. Ces procédés évitent le débordement par le moi d'une angoisse envahissante, et laissent simplement apparaître une sensibilité anxieuse face à la problématique de Sabrina.

· Planche VIII :

Manifestations hors réponses : réaction à la couleur qui s'inscrit dans une formation réactionnelle.

Réponses : La première réponse expose une inquiétude corporelle exprimée dans une réponse «scientifique » ; après la banalité, la troisième réponse s'inscrit également dans une démarche intellectuelle (G combiné). La couleur semble importante dans la détermination des réponses ici. L'intellectualisation s'inscrit dans les procédés rigides qui permettent au sujet de se défendre correctement face aux projections qui sont angoissantes (comme le confirme le choix des planches négatives). En effet, ceux-ci ne bloquent pas l'expression des affects.

· Planche IK :

Réponses : la première réponse apparaît une fois de plus sur le mode de la régression, dans une verbalisation imprégnée d'affects. La deuxième réponse est centrée sur l'axe médian, mais intègre la couleur dans une projection en mouvement, faisant appel à un mouvement pulsionnel que l'on peut interpréter dans un sens de vitalité. L'affectivité prend donc une

place essentielle dans le système défensif du sujet dans une planche qui réactive l'affrontement contradictoire des désirs (représentations et affects positifs alors que Sabrina dit ne pas être << inspirée >> par cette planche). En rapport avec la symbolique de la planche, on peut émettre l'hypothèse d'une inquiétude quant aux relations à autrui opposé au désir d'établir ces relations ; les défenses interviendraient donc dans ce conflit afin de réduire l'angoisse face aux relations d'objets.

· Planche X :

Manifestations hors réponses : le temps de latence est relativement court.

Réponses : La couleur n'est pas intégrée dans les réponses et signe une mise à l'écart des émotions. La première réponse formel est associée à un contenu architecture qui signifie le besoin de structuration du sujet face à l'angoisse révélée ici. La deuxième réponse indique la représentation d'un visage humain, mais elle est exprimé dans le contenu masque, qui s'inscrit lui-même dans un registre régressif. Sabrina use donc de mécanismes de défense variés contre ses préoccupations concernant les inquiétudes corporelles et les relations humaines.

· Facteurs spécifiques :

On relève donc des signes de l'utilisation de procédés rigides : intellectualisation et formations réactionnelles.

En outre, on observe aussi des signes de l'utilisation de procédés labiles : un contenu sexuel cru, des contenus à valence régressive, TRI extratensif. Le symbolisme transparent de certains contenus et l'affrontement entre désirs contradictoires signalent l'utilisation des mécanismes de refoulement.

Le système défensif de Sabrina se base principalement sur des procédés rigides. Le G% élevé s'apparente à un souci de maitrise du matériel. En effet, les G sont souvent organisés. Au niveau du discours, on observe l'usage de précautions verbales : << une sorte de >> (planche IV, VI, VII, VIII), << ça ressemble assez >> (planche V), << on a l'impression de voir >> (planche X), ainsi qu'une critique sur l'aspect externe du matériel (planche IV). On voit également apparaître plusieurs formations réactionnelles : le terme << jolie >> est associé à un contenu dont la tonalité dépressive est patente (planche VI), ou il est utilisé avec insistance à la planche IX qui dégage des affects dysphoriques chez le sujet ; de même, la formation réactionnelle planche VIII est claire dans le commentaire << ouah la couleur >>, alors que la réponse qui suit est imprégnée d'anxiété et que cette planche fait l'objet du choix négatif à l'épreuve du choix des planches. Enfin, Sabrina se défend par des intellectualisations planche

VI où l'accent est porté sur des connaissances en horticulture, et planche VIII dans des contenus scientifique et symbolique.

Par ailleurs, on distingue beaucoup de régressions au sein du protocole puisque 6 réponses apparaissent dans un contexte régressif (planche II, VI, VII, IX et X). Hormis la réponse planche II qui spécifie nettement une régression au stade foetal, les autres réponses s'inscrivent simplement le registre du monde enfantin (plusieurs réponses font appel notamment à des personnages de dessins-animés).

De plus, Sabrina a parfois recours aux affects pour se défendre des représentations gênantes, comme le stipule le G impressionniste planche VIII qui intègre la couleur et la réponse CF planche IX.

Les mécanismes de défense de Sabrina semblent relativement efficaces à contenir l'angoisse. En effet, Elle ne présente aucun choc ni de Fclob qui sont les signes les plus directs d'envahissement par l'angoisse. Ils n'inhibent pas à outrance les capacités intellectuelles ou adaptatives du moi et permettent aux émotions de s'exprimer (utilisation variée des déterminants). Néanmoins, l'importance des régressions indique que le sujet tend à se comporter de façon immature face aux excitations pénibles. De plus, force est de constater l'anxiété latente qui est présente tout au long du protocole, sur laquelle nous reviendrons plus tard, et qui précise que le système défensif de Sabrina doit lutter contre de vives problématiques internes.

d) La représentation de soi :

A travers la grille de présentation de soi de Sabrina58, on observe 5 réponses se référant à des engrammes humains, tous nettement définis au niveau des identifications sexuelles. Sabrina est donc capable de se représenter comme individu sexué. La présence du D banal planche VIII et la majorité des engrammes humains et animaux entiers (4 humains entiers et 5 animaux entiers) précise que l'image corporelle est unitaire. Cependant, on note que 4 des réponses humaines, ainsi que la tendance Hd planche X, s'inscrivent dans un registre régressif (engrammes enfants et/ou irréels), ce qui laisse penser que le sujet adopte une position quelque peu immature et anxieuse face à sa sexualité. De même, la présence de 2 engrammes jumeaux précise la fragilité des assises narcissiques de Sabrina. On remarque d'ailleurs que cette caractéristique apparaît face aux deux planches dont la symbolique féminine est patente (planche II et VII).

58 Cf. Annexe p. IX.

Au niveau des relations d'objet, Sabrina présente une seule K dans son protocole, ce qui semble indiquer qu'elle montre des difficultés dans l'abord des relations sociales. Néanmoins, cette kinesthésie est de bonne qualité, et s'inscrit dans une interaction réciproque positive. Elle prend donc valeur de pronostic plutôt positif et représente les possibilités d'investissement dans les relations socio-affectives. La kinesthésie animal planche V signale également les capacités d'action face à l'environnement, et la kinesthésie d'objet planche IX sous-tend la force des pulsions de vie. Sabrina est également capable d'élaborer ses pulsions agressives, comme le témoigne la kinesthésie animale planche II qui, selon Rausch De Traubenberg, est un indice d'une représentation de soi d'un niveau évolué. Nonobstant, la forte régression associée à la projection de l'interaction réciproque agressive précise que le maniement de l'agressivité est encore problématique. 2 autres réponses apparaissent dans un contexte agressif sans action ou d'action agressive subie. Tous ces signes déterminent l'hypothèse selon laquelle les relations d'objet opèrent dans un registre génital, mais elles paraissent menaçantes pour Sabrina, et forcent parfois une régression aux stades antérieurs.

e) Interprétation dynamique

Plusieurs éléments du protocole de Sabrina font état de bonnes capacités intellectuelles. Les contenus utilisés sont variés, les G sont régulièrement organisés, et associés à des F+. D'ailleurs, Sabrina donne une réponse globale organisée à la planche VIII qui se prête peu à ce mode d'appréhension, ce qui témoigne, selon Collado, d'un bon niveau intellectuel. Le F% est correcte, ainsi que le F+%, bien qu'il ait tendance à être élevé, ce qui pourrait signifier que ce sujet agit sur un mode défensif. Le A% relativement faible insisterait en ce sens. De même, la faiblesse du D% et l'absence de Dd dénotent un manque d'analyse du matériel, qui prend alors sens de défense face à l'implication dans l'épreuve. Le système défensif entrave donc l'harmonie intellectuelle et inhibe quelque peu le sujet, comme le confirme le nombre de réponses total qui est en-dessous de la norme. Au niveau de la structure affective, la formule CF > FC dévoile l'immaturité affective de cette jeune femme. La récurrence des contenus appartenant au monde enfantin soutient cette hypothèse. La présence de 3 réponses FE précise la tonalité anxieuse de l'affectivité, mais qui reste toutefois bien contrôlée ; elle ne semble pas entraver l'adaptation du sujet. Par ailleurs, le TRI extratensif qui s'oppose à la FS introversif est un indice de conflit. Ceci confirme le fonctionnement inhibé de Sabrina. De plus, la FS est plus dilatée, ce qui, d'après Canivet, exprime encore l'inhibition de la vie psychique. Le H% élevé semble indiquer quant à lui que Sabrina est quelque peu préoccupée par les relations humaines.

En effet, plusieurs facteurs témoignent du << malaise >> de Sabrina face aux sollicitations environnementales. Tout d'abord, on remarque que cette jeune femme adopte un comportement d'emblé inhibé à la planche I. Or, selon Collado, cette planche réactive le vécu d'une situation nouvelle sous le jugement d'autrui. Si l'on se réfère aux détails donnés à l'enquête, on peut penser que le regard d'autrui est menaçant pour Sabrina puisque l'engramme perçu est doté d'attributs agressifs (<< griffes >>, << mandibules >>). Le fait que les deux animaux perçus soient << mélangés l'un avec l'autre >> fait ressortir la fragilité du Moi dans ce contexte. De même, la thématique agressive évoquée par la planche II provoque l'émergence d'angoisse qui se repère facilement dans la forte régression qu'elle induit et le recours à la symétrie pour lutter contre elle. Néanmoins, Sabrina montre qu'elle est capable d'élaborer les pulsions agressives en les déplaçant sur une kinesthésie animale. Mais, si l'on se réfère à la signification d'attitude affective infantile que Rausch De Traubenberg attribue à la kan, on ne peut que constater la prégnance du recours à la régression. La présence d'une FE de texture à la planche V et le fait que l'engramme soit perçu de dos dévoilent la sensibilité anxieuse du sujet face à cette planche. Chabert affirme que les estompages de texture représentent une protection contre les stridences désagréables de la réalité externe. Ainsi, on peut penser que Sabrina recherche un soutien qui lui permettrait de réalisé son unité personnelle. La perception kinesthésique indiquerait qu'avec un minimum d'étayage, cette jeune femme est tout à fait capable d'élaborer une image de soi positive face au monde. De même, la FE de perspective planche VIII, sous-tend une réponse anatomie. Or, selon la psychanalyse, une telle réponse indique des relations sociales conflictuelles avec intériorisation du conflit. Le contenu est déterminé par une action agressive subie (<< crâne ouvert >>), ce qui confirme la sensation de menace qui émane de la rencontre avec le monde extérieur. Cependant, force est de constater qu'après cette première appréhension anxieuse de la planche, Sabrina donne deux autres réponses, dont une G secondaire qui prend en compte la couleur, et qui, selon Collado, témoigne d'un bon équilibre affectif. Le système défensif permet ici de dépasser le conflit pour appréhender correctement la situation et renforce le pronostic positif quant aux possibilités évolutives du sujet. La kinesthésie humaine investie d'une interaction réciproque positive planche III, et la kob planche IX représentant directement les pulsions de vie, insistent également sur le désir d'investissement libidinal dans les relations socio-affectives.

Par ailleurs, Chabert précise que l'estompage de perspective dénonce les insuffisances narcissiques, tout en constituant une tentative d'y faire face. On observe ce fonctionnement à plusieurs reprises dans le protocole de Sabrina. En effet, la faiblesse des assises narcissiques

transparait clairement à travers la thématique de gémellité. D'après Chabert, les scénarios relationnels qui impliquent deux personnages ou deux animaux dans une relation narcissique de double ont pour visée l'évitement d'une relation entre deux êtres différents, ce qui pourrait engendrer une conflictualité impossible à admettre. Or, ce type de réponse apparaît une première fois à la planche II qui, pour Canivet (cité par Collado), renvoie au problème des relations mère-enfant, puis à la planche VII, particulièrement reconnue comme planche maternelle. Ceci semble indiquer que la relation de Sabrina à sa mère n'a pas été suffisamment sécurisante pour envisager sereinement la séparation et assurer au sujet une stabilité des assises narcissiques. De même, Loosli-Ustéri (citée par Collado) affirme que le creux blanc planche VII doit refléter les aspects maternels sécurisants. Or, le contenu projeté par Sabrina dans ce creux signifie clairement l'ambivalence de l'imago maternelle, qui apparaît soit comme << princesse », soit comme << sorcière ». En outre, on remarque que le sujet met en place des mécanismes pour lutter contre ces failles narcissiques. La présence de deux contenus architecture (planche IX et X) est un indice de solidité de l'image du Moi. Ce type de contenu insiste sur les limites intérieur/extérieur. De plus, le protocole de Sabrina fait apparaître à plusieurs reprises ce que Chabert nomme les réponses << peau », dont le contenu évoque une surface limitante entre dedans et dehors. En effet, la première réponse de la planche VII est investie d'une fonction (<< indien ») et la deuxième et parée d'objets (<< bijoux », << colliers », << chose qui lui couvre tout le crâne »). L'ensemble de ces signes rend compte de l'établissement de barrières très investies dans le but de se défendre face à la fragilité narcissique.

Enfin, il nous semble important de noter l'anxiété que ressent Sabrina face à son identité sexuelle. Comme nous l'avons précisé auparavant, les identifications sexuelles sont définies. Néanmoins, on constate une certaine hésitation dans l'attribution de l'identité féminine à l'engramme humain planche III : << je dirais pas des femmes, mais ça a quand même le corps un peu de femme ». Cette hésitation est minime puisqu'elle est totalement levée à l'enquête. On perçoit une réponse sexuelle crue et dépressive à la planche IV: << gros appareil génital qui traine par terre ». Elle dévoile la puissance angoissante attribuée à l'imago paternelle. On repère d'ailleurs l'embarras du sujet dans le maniement excessif de la planche. De plus, la planche VI fait ressortir une grande impression de << fragilité » associée à un contenu dont la symbolique sexuelle féminine est patente. Or, pour Monod, cette planche évoque la position de la femme face à l'autre sexe. On peut donc penser que Sabrina se sent quelque peu menacée dans sa féminité face au sexe masculin. Le fait que le symbole phallique soit

interprété comme « quelque chose de sacré » semble préciser la puissance accordée à la position masculine et la dévalorisation de la position féminine qui y est associée.

A travers cette analyse, nous percevons clairement la fragilité des assises narcissiques de Sabrina et ses difficultés d'affirmation dans sa position féminine. Ceci explique probablement le manque d'assurance qu'elle ressent face à l'environnement et aux relations socio-affectives en général. Cependant, plusieurs signes indiquent que le système défensif de cette jeune femme, quoique légèrement rigide, semble efficace et lui permette de surmonter ses difficultés avec un minimum d'étayage. Sabrina parait capable se tourner vers les autres et de s'investir. Etant donnée les possibilités d'évolution positive, nous ne pouvons confirmer l'hypothèse d'une vulnérabilité psychologique chez ce sujet.

3/ Protocole de Narjis

a) Présentation de la participante

Narjis a 24 ans lors de notre rencontre. Elle est née en Ariège, de parents Marocains. Sa mère est arrivée en 1978 en France, mais elle n'a aucune idée de la période d'immigration de son père. Elle est Auxiliaire de Vie Scolaire, s'occupant d'une petite fille handicapée moteur. Narjis est de confession musulmane et pratiquante.

b) Représentants de l'angoisse

· Dans les caractéristiques générales du protocole :

Le R est inférieur à la norme.

La succession est relâchée et accompagnée de Chocs (dont un choc couleur).

· Dans les modes d'appréhension :

2 Dd (1 associé au choc au noir et l'autre à une réponse sexuelle crue).

· Dans les déterminants :

3 F-.

1 seule K.

2 FC (dont une dysphorique et rattachés à des contenus anatomie et Hd).

2 C pures.

4 FE (dont 2 associés à Hd).

2 chocs (un choc au noir et un choc couleur).


· Dans les contenus :

2 anatomies.

2 réponses sexuelles et une tendance.

Hd > H et Ad > A.

· Facteurs spécifiques de l'angoisse pathologique:

Indicateur d'angoisse = 38,1% (avec 3 contenus présents sur les 4 facteurs). 1 seule réponse à la planche IX et pas de réponse couleur à la planche X. Augmentation du temps par réponse à la planche VII et IX.

c) Les mécanismes de défense

· Planche I :

Manifestations hors réponse : précaution verbale (« impression de voir »).

Réponse : les 2 réponses sont données en F+ et D, ce qui montre l'attachement au concret ; la seconde représentation est déniée dans une verbalisation qui insiste sur l'importance de la logique pour le sujet. Celui-ci parait donc se défendre de l'anxiété exprimée distinctement à l'enquête par des procédés rigides.

· Planche II :

Manifestations hors réponse : restriction de la verbalisation et du discours ; les temps de latence et de réponse sont très courts.

Réponse : Le rouge est évité dans la réponse ; néanmoins, l'enquête révèle l'angoisse qui y est associée dans un contexte de castration. Le contenu de la réponse correspond à une banalité. Le fonctionnement défensif s'élabore sur le mode de l'inhibition, néanmoins il ne suffit pas à maintenir à l'écart des représentations et des affects teintés d'angoisse.

· Planche III :

Manifestations hors réponse : précaution verbale (« impression de voir ») et commentaire sur le blocage associatif concernant le rouge.

Réponse : la première réponse est encore une banalité et signale une persévération. L'action représentée est très floue et indique que l'imagination est inhibée. L`identité sexuée des engrammes est présente mais l'enquête révèle la faiblesse de l'image corporelle de Narjis (la réponse devient H/A et la deuxième réponse Anat) contre laquelle elle essaie de se défendre par une dénégation (l'aspect dysphorique du rouge est dénié à l'enquête). On retrouve donc

une angoisse face à l'identification sexuelle féminine ; la remarque face au rouge et l'association avec le contenu anatomie signe la suggestibilité du sujet.

· Planche IV :

Manifestations hors réponses : le temps de latence est très élevé. Choc. A la fin de la planche, la verbalisation concerne le blocage associatif.

Réponses : Narjis est submergée par l'angoisse. La première réponse apparaît en Dd et signale la fuite dans les éléments perceptifs face à la massivité dysphorique de la planche. Le lien entre les deux représentations est dénié (« ne vas pas du tout avec tout le reste ») et l'angoisse est trop présente pour permettre l'élaboration d'une identification sexuelle masculine. La focalisation sur la tête d'animal vient peut-être contre-investir la représentation sexuelle masculine. Les représentations sont également déniées au début de l'enquête. La deuxième réponse s'exprime dans une tonalité distinctement dépressive dont l'estompage met en évidence l'insatisfaction des besoins fondamentaux. En conséquence, les procédés rigides sont insuffisants à contenir l'angoisse du sujet.

· Planche V :

Manifestations hors réponse : temps de latence élevé et précaution verbale (« j'aurais dit »). Réponse : la première réponse, qui fait apparaître la banalité, s'avère quelque peu anxieuse à l'enquête (papillon sans ailes). La deuxième réponse (F- Ad) dévoile les défaillances du contrôle formel face à une représentation imprégnée d'agressivité mais qui apparaît de façon moins crue qu'à d'autres planches. Le matériel réactive donc une anxiété contre laquelle Narjis se défend correctement puisque les procédés d'élaboration ne signalent pas de désorganisation patente.

· Planche VI :

Réponses : le recours à l'axe médian et à l'estompage de perspective soulignent la fragilité narcissique du sujet en même temps qu'ils montrent la tentative d'y faire face. L'angoisse est latente dans les trois réponses. La confrontation à la relation sexuelle parait anxiogène, et l'apparition de deux réponses sexuelles montre l'échec du refoulement.

· Planche VII :

Manifestations hors réponses : la verbalisation minime et les temps de latence et de réponse longs équivoquent à des procédés d'inhibition.

Réponses : les réponses semblent s'inscrire dans un contexte régressif. A l'enquête, le
discours concernant la deuxième réponse arbore une formation réactionnelle (« tout est bien
représenté »). Dans le même mécanisme qu'à la planche IV, l'investissement du contenu tête

signe probablement l'évitement de la représentation sexuelle féminine. Le système défensif construit sur des procédés d'inhibition entrave légèrement l'expression de la vie imaginative.

· Planche VIII :

Réponses : la première réponse fait apparaître l'utilisation du refoulement pour lutter contre une identification sexuelle inquiétante ; à l'enquête, la verbalisation concernant cette représentation est fortement érotisée. La deuxième réponse est une banalité ; le contenu animal reste très vague. La troisième réponse fait explicitement apparaître les mécanismes de refoulement en jeu ; l'association d'un G impressionniste et du C pur révèle le recours aux affects dans un souci de maintien à distance du matériel. Les procédés labiles du discours sous-tendent les mécanismes de refoulement qui laissent toutefois transparaitre les préoccupations libidinales de Narjis.

· Planche IX :

Réponses : la présence du choc à la fadeur confirme l'hypothèse d'une fragilité de l'identité et de l'identification sexuelle notamment. Le discours est essentiellement centré sur les émotions, et la seule réponse en G impressionniste et C démontre le refoulement. L'affrontement entre des désirs contradictoires transparait au sein de la réponse même qui indique deux affects opposés (vie et mort). Narjis semble envahit par l'émotion dans son aspect défensif qui bloque les capacités intellectuelles ici.

· Planche X :

Réponses : L'ensemble du discours et des réponses dévoilent l'insistance des inquiétudes face aux relations sexuelles. La première réponse s'inscrit comme une persévération quasiidentique à la réponse 15 et indique la récurrence des inquiétudes du sujet quant à sa propre sexualité/féminité. La réponse anatomie qui suit accentue ce phénomène alors que la troisième réponse laisse apparaître l'anxiété face à l'autre sexe. Le système défensif s'appuie sur des procédés rigides (non prise en compte de la couleur) mais semble inopérant : Le moi est envahit par les préoccupations.

· Facteurs spécifiques :

Les procédés rigides se manifestent par une forte utilisation du D et du Dd qui indiquent l'attachement aux détails et la négation des liens entre les représentations. De plus le F% est dans la norme et montre le recours au formel pour maintenir la vie psychique interne à distance.

Par ailleurs, le recours aux affects intervient également et s'exprime à travers une mise à
distance du matériel (G impressionnistes), une érotisation des relations homme/femme latente,

l'affrontement entre des désirs contradictoires et le TRI extratensif. Le refoulement est souvent mis en échec. On observe ce phénomène par une relative perte de contrôle sur la réalité objective (F+% inférieur à la norme), l'apparition de contenus sexuels crus et des manifestations émotionnelles très intenses à la planche VIII et IX (C pures).

Les mécanismes de défense de Narjis interviennent principalement dans le cadre des procédés labiles du discours. On remarque d'emblée la grande suggestibilité du sujet par rapport aux qualités chromatiques des planches. D'autant plus que l'expression des affects prend un aspect souvent excessif, soulignant la mise en place du recours à la dramatisation. Les planches noires suscitent des commentaires anxieux ou dépressifs (planche I, IV, V) et l'apparition de la couleur planche VII entraine l'expression direct des émotions positives (<< chaleur >>, << coeur >> etc.) ; Le rouge soulève des préoccupations somatiques, et les deux planches grises appellent à l'utilisation de l'estompage. Quant à la planche IX, elle laisse transparaitre de manière exagérée l'affrontement d'affects opposés (<< la vie, la mort >>). Les engrammes humains sont caricaturés dans leur identité sexuelle ; les personnages féminins sont décrits par leur << poitrine >>, leurs << fesses >>, leurs << parties intimes >> (planche III, VIII, X). La planche VI et la planche X dévoilent la prégnance de l'érotisation des relations homme/femme. L'utilisation de G impressionnistes indique le souci de se maintenir à distance du matériel. On entrevoit ce mécanisme de façon explicite à la planche IX où il témoigne de l'intensité du refoulement. Enfin, le TRI extratensif souligne le recours soutenu aux manifestations sensorielles (présence de 2 C pures et la FS est extratensive pure). Néanmoins, Plusieurs facteurs témoignent de l'utilisation synchronique de procédés rigides. On constate une forte utilisation des détails (D% élevé), et, face à l'angoisse provoquée par la planche IV, Narjis se réfugie dans un Dd en premier lieu et insiste sur l'absence de lien entre ce détail et le reste de la planche. Le discours concernant la réponse anatomie planche III montre l'utilisation d'une dénégation : << le rouge ça relie au sang, mais ce n'est pas négatif, ça fait pas peur >>, et le discours planche VII indique une formation réactionnelle : << tout est bien représenté >>.

Toutefois, face à l'acuité de l'angoisse que nous pouvons déceler à travers plusieurs manifestations explicites (2 chocs, indicateur d'angoisse = 38,1% entre autres), les mécanismes de défense de Narjis semblent peu efficaces. De même, ils ne parviennent pas toujours à maintenir l'adaptation du Moi à la réalité objective, comme l'exprime le F+% qui est un peu faible (75%).

d) La représentation de soiLa grille de représentation de soi de Narjis59 montre que cette jeune femme est

globalement préoccupée par cette problématique. Au niveau de l'image du corps, on remarque que les réponses Hd et les réponses Ad sont supérieures aux réponses A et H, ainsi que la présence de deux anatomies, ce qui signe la gêne de Narjis à percevoir son entité corporelle. Néanmoins, la perception de plusieurs engrammes humains entiers dont l'identité sexuelle est clairement définie précise que la nature du conflit se situe ailleurs que dans une perception morcelée du schéma corporel qui relèverait d'un fonctionnement psychotique. Plusieurs Hd et Ad témoignent d'ailleurs de la focalisation sur la partie << tête >> aux planches dont le symbolisme sexuel est patent (IV, VII), et servirait en ce sens là de défenses face aux représentations sexuelles anxiogènes. A l'inverse, d'autres engrammes humains, qu'ils soient perçus entièrement ou non, insistent fortement sur les attributs sexuels. Cela se produit particulièrement pour les représentations féminines (planche III, VIII et X) et la persévération s'inscrit dans ce contexte. Ainsi, ils notifient davantage le questionnement paroxystique de Narjis quant à sa féminité qu'ils ne signifient la stabilité de son identité sexuelle.

Par ailleurs, la présence d'une seule kinesthésie au sein du protocole précise l'inhibition de Narjis par rapport à l'investissement des relations d'objet. La K planche III représente une action très neutre, et la tendance kp planche VII marque la timidité de ce sujet à s'engager dans une relation. De même, la description des personnages planche II qui sont << face à face >> et ont les << mains collées >> nous amène à penser que la perception du mouvement est proche de la conscience, mais reste refoulée devant le danger que représente l'expression des motions agressives suscitées. De plus, Narjis donne deux réponses (planche IV et V) qui incluent soit un caractère agressif sans action, soit une action agressive subie, et qui signalent donc la sensation de menace qui peut émaner du monde environnant.

e) Interprétation dynamique

Si l'on se réfère aux valeurs du psychogramme de Narjis, on relève que le niveau intellectuel est correct. Le type d'appréhension est varié et équilibré, ce qui pourrait indiquer une certaine harmonie intellectuelle. Toutefois, on remarque que le système défensif vient infiltrer ce constat. 3 G sont des banalités tandis que les 2 autres se rapportent distinctement à des représentations écrans. Ce mode d'appréhension est donc plus représentatif d'une approche superficielle du matériel que de capacités synthétiques et imaginatives. L'unique K

59 Cf. Annexe p. X.

témoigne également des carences de créativité. De même, l'apparition des Dd indique une désorganisation de la pensée, et non une finesse dans l'analyse du matériel, puisque l'un apparaît en premier lieu lors du choc à la planche IV et l'autre est associé à un F- et une réponse sexe à la planche VI. Le F+% est relativement faible et, si l'on observe les réponses F- de Narjis, on se rend compte qu'elles portent le poids des préoccupations fantasmatiques de cette jeune femme, qui débordent alors dans la sphère intellectuelle. Narjis semble aussi avoir du mal à contrôler ses émotions ; en premier lieu, nous pouvons nous référer à l'extratensivité des deux formules du TRI (la FS est extratensive pure). Les émotions envahissent facilement le Moi. C'est d'ailleurs un des principaux mécanismes de défense du sujet qui sous-tend le refoulement des représentations gênantes (contexte d'apparition des 2 C pures). Il s'agit surement d'affects << superficiels » plutôt que de débordement pulsionnel à proprement parler. Quant aux deux réponses FC qui indiqueraient une certaine harmonie entre les facteurs intellectuels et émotionnels, force est de constater qu'elles renvoient à des contenus qui sont rattachés aux conflits inconscients. Tous ces signes nous amènent donc à penser que les problématiques inconscientes de Narjis occupent une place importante dans son psychisme. Soit elles mobilisent une grande énergie psychique pour s'en défendre, soit elles enrôlent l'ensemble de la sphère cognitive et émotionnelle lorsqu'elles ne sont pas suffisamment contenues.

Par ailleurs, il est difficile de ne pas remarquer la tonalité érotique de l'ensemble du protocole. L'identité sexuelle de cette jeune femme est au coeur de ses préoccupations. Nous avons déjà évoqué le caractère excessif des qualifications sexuelles des engrammes féminins ; ils sont presque à chaque fois décrit à travers << la poitrine », << les fesses », les parties intimes ». Le symbolisme féminin de la planche VII est bien reconnu, mais il rend Narjis anxieuse. Cela se remarque notamment par une forte manipulation des planches et des temps relativement longs. De plus, on perçoit plusieurs mécanismes de défense qui luttent efficacement contre l'émergence d'une représentation sexuelle. Les deux réponses s'inscrivent dans un contexte régressif, portent sur des contenus << tête » et se localisent dans le haut de la planche. Le terme << fillettes » figure bien le caractère non pubère de l'engramme humain. Quant à la FE de texture, elle met en évidence l'anxiété et la régression que Narjis effectue afin de l'apaiser. Les planches VI et X dévoilent la problématique du sujet dans ses rapports avec le sexe opposé. En effet, la confrontation avec les détails phalliques de la planche VI donne lieu à une FE de perspective et une mise à distance de l'engramme perçu : << vraiment une image de très loin ». Selon Chabert, la FE de perspective représente le décalage entre les aspirations profondes du sujet et sa position effective qu'il déprécie. Les réactions de Narjis à cette

planche figurent donc son fonctionnement en faux-self. L'apparente facilité avec laquelle elle aborde le thème de la sexualité ne ferait que masquer la faiblesse de l'estime de soi dans les situations mettant en jeu un comportement sexuel. Les réponses de la planche X précise l'angoisse latente qui découle de la confrontation au sexe masculin. On y voit encore une représentation féminine très sexualisée, doublée d'une réponse anatomie (« ovaires »). Puis, face à ces réponses, apparaît une représentation masculine anxieuse qui entraine le recours à l'estompage. C'est probablement cette angoisse latente qui bloque l'émotivité de notre patiente puisqu'elle ne donne aucune réponse intégrant la couleur à une planche qui provoque normalement l'extratensivité. En outre, à la planche III, on remarque que le conflit d'identification sexuelle déstabilise le Moi puisqu'il entraine la confusion des règnes : les femmes perçues deviennent mi-femmes, mi-animaux. Ainsi, l'ensemble de la sphère identitaire est fragilisé. Le choc planche XI est accompagné d'un discours qui met l'accent sur le « dégradé » de la planche. Nous pensons donc qu'il s'agit d'un choc à la fadeur, ce qui d'après Collado, indique un manque de structuration de l'identité. La réponse qui suit signale l'intensité du refoulement face aux pulsions qui paraissent difficilement maitrisables. En effet, la psychanalyse considère que cette planche met le sujet en face de ses propres pulsions, et Narjis donne ici une C pure qui représente sans façon le conflit entre les désirs contradictoires du sujet.

Qui plus est, ce protocole montre une expression franche de l'angoisse de castration. La problématique de Narjis se situe donc clairement dans le registre oedipien. Dès la première planche, notre patiente projette une image masculine dysphorique. Le discours de l'enquête marque la fragilité des limites du Moi, conflit probablement réanimé face au père oedipien venant troubler la relation mère-enfant. Elle se défend de ce flou par une réponse peau : « avec un long manteau ». Narjis est aussi très sensible à l'agressivité suggérée par la planche II. La couleur rouge réactive l'angoisse de castration et la culpabilité ; le sujet associe cette couleur à « la douleur, la maladie, la pauvreté ». En conséquence, le Surmoi oppressant inhibe globalement le psychisme : Narjis, donne une seule réponse banale et peu détaillée lors de la passation, le temps de latence et de la planche est très court, et la kinesthésie est réprimée. Selon Collado, le Choc-Clob planche IV est l'expression de l'angoisse face au Surmoi. Cette angoisse est telle qu'elle donne à une perception en Dd en premier lieu, associée à un contenu « tête d'insecte » qui signale le déni de la puissance paternelle. Celle-ci fait retour dans la réponse qui suit : « feuille qui a été bouffée par les insectes ». Par ailleurs, Rausch de Traubenberg affirme que la véritable représentation de soi commence à travers la reconnaissance du stimulus et de sa signification. Or, si la signification est reconnue en après-

coup par le sujet, elle donne lieu à une réponse franchement dépressive. La FE de texture insiste ici sur les carences affectives. Ceci nous amène à nous questionner sur la qualité de la relation de Narjis à sa mère. Il semble qu'elle n'est pas été assez sécurisante pour envisager une séparation sereine. On comprend alors la menace que représente l'imago paternelle dans sa fonction de tiers séparateur. Enfin, l'angoisse libérée à cette planche est tellement forte qu'elle persiste à la planche V. En effet, la thématique de castration est encore représentée dans les réponses du sujet à cette planche, alors que celle-ci ne suggère pas ce type de problématique en temps normal. La banalité est bien vue, mais l'enquête fait apparaître une réponse de type << défect >> : << on voit le papillon sans forcément voir les ailes >>. De plus, la deuxième réponse prend un caractère agressif et menaçant.

Les conflits de Narjis sont si intenses qu'ils paraissent envahir sa vie affective et relationnelle. Si l'on se réfère aux planches chromatiques qui suscitent les sollicitations au monde extérieur, on constate la prégnance de la thématique sexuelle. L'émotivité est soit mise en avant de manière factice (G impressionnistes déterminés par des C pures planche VIII et IX), soit totalement refoulée (absence de réponses couleurs planche X). Cela signifie probablement que cette jeune femme se maintient à des relations quelque peu superficielles et ressent des difficultés à s'investir dans des relations plus profondes. Le H% très élevé révèle effectivement les inquiétudes du sujet par rapport aux relations sociales en général.

Pour conclure, nous pensons pouvoir dire que Narjis présente les caractéristiques d'un fonctionnement hystérique. Le questionnement de celle-ci sur son identité féminine occupe la première place dans sa vie psychique. La résurgence du conflit oedipien mobilise l'ensemble des fonctions du Moi. Il envahit la sphère intellectuelle et force la mise en place de défenses << coûteuses >> pour l'économie psychique et insuffisantes à contenir l'angoisse. Les fragilités identitaires qui en découlent entravent son adaptation sociale. Plusieurs signes laissent penser que cette participante adopte un comportement en faux-self dans son monde relationnel. Cette analyse aboutit donc à la confirmation de l'hypothèse de départ : Narjis présente un fonctionnement psychique vulnérable.

4/ Protocole d'Amel

a) Présentation de la participante

Amel, âgée de 24 ans lors de la passation du test, est née à Toulouse de parents Algériens. Son père est arrivé en 1964 et sa mère l'a rejoint en 1976. Elle effectue un Certificat d'Aptitudes Professionnelles dans le domaine de la coiffure. Cette jeune femme est musulmane mais non pratiquante. Par ailleurs, elle a été victime d'une agression donnant lieu à un procès, durant lequel elle a été soumise à la passation de quelques planches du Rorschach en 2006. Elle est toujours suivie par un médecin psychiatre depuis ce jour.

b) Représentants de l'angoisse

· Dans les caractéristiques générales du protocole :

Le R est très bas et le discours associatif est très pauvre.

· Dans les déterminants :

1 seule K.

2 C pures (1 associée au contenu sang). 1 Fclob

1 EF.

1 Choc majeur.

· Dans les contenus :

1 réponse sang.

· Facteurs spécifiques de l'angoisse pathologique:

Refus des planches II, VI et IX.

1 seule réponse à IV associée au Fclob.

b) Les mécanismes de défense :

· Planche I :

Manifestations hors réponse : la verbalisation est d'emblée minime ; un commentaire sur le blocage associatif.

Réponse : La seule réponse est une banalité. L'ensemble de ces caractéristiques montre une inhibition importante d'Amel.


· Planche II :

Manifestations hors réponse : Refus ; le discours exprime clairement le recours au caractère objectif du matériel (« une tache noire »).

Réponse : l'inhibition est quelque peu levée à l'enquête pour permettre l'expression d'une réponse qui reste toutefois très floue. (Pas de kinesthésie et anonymat complet des engrammes humains).

· Planche III :

Manifestations hors réponse : toujours le recours aux caractères objectifs de la planche, accompagné d'une verbalisation portant sur le blocage associatif ; le discours est restreint. Réponses : la première réponse est caractérisé par le défaut de précisions quant à l'action projetée et à l'identité des humains. Elle signale également l'inhibition du sujet. En outre, celle-ci ne réussit pas à contenir l'angoisse d'Amel qui transparait clairement dans la deuxième réponse.

· Planche IV :

Manifestations hors réponses : recours aux données objectives du matériel.

Réponse : hésitation entre deux termes très proches pour la même représentation. La perception de la représentation est peu caractérisée (« animal »). Le caractère de puissance est contre-investit à l'enquête par une projection beaucoup plus petit (« insecte »), ce qui peut être interprété comme une défense vis-à-vis de l'autorité paternelle source d'angoisse.

· Planche V :

Manifestations hors réponse : recours aux données objectives du matériel et commentaire sur le blocage associatif.

Réponse : la seule réponse se caractérise par son contenu stéréotypé et banal. L'inhibition persiste.

· Planche VI :

Manifestations hors réponses : refus de la planche qui signe un fonctionnement sur le mode d'une inhibition complète face à cette planche patente en symbolisme. La tâche est complètement évitée.

· Planche VII :

Manifestations hors réponses : le discours est toujours très restreint.

Réponses : la première réponse annonce la tonalité anxiogène que prend la planche pour le
sujet. Elle peut aussi être comprise comme une représentation écran qui sous-tend le
refoulement mis en place pour lutter contre une représentation gênante. La deuxième réponse

est encore très peu détaillée ; les engrammes humains sont anonymes (<< individus >>). Le sujet est donc encore inhibé ; l'enquête laisse néanmoins transparaitre les inquiétudes corporelles d'Amel, mais le discours qui les concerne est très peu évocateur.

· Planche VIII :

Manifestations hors réponse : la verbalisation est réduite aux quelques mots indiquant les projections.

Réponses : les deux réponses ont un contenu très banal. Dans la deuxième réponse, la couleur est incluse, ce qui signe une certaine capacité d'expression des émotions. Mais, toute implication subjective reste évitée.

· Planche IX :

Manifestation hors réponse : Refus qui annonce l'inhibition massive du sujet.

· Planche X :

Manifestation hors réponse : le discours est toujours très restreint.

Réponses : la première réponse s'inscrit dans un recours au formel qui révèle des difficultés d'implication (F+/-), alors que la deuxième réponse notifie l'utilisation de l'affectivité dans un souci de mise à distance du matériel (G vague en C pure). L'implication subjective et profonde n'est pas révélée, les comportements défensifs prédominent.

· Facteurs spécifiques :

Plusieurs facteurs attestent de l'utilisation de procédés d'inhibition qui semblent dominants dans ce protocole : les 3 refus, la forte utilisation du G primaire, les contenus souvent banalisés à outrance. Les défaillances des mécanismes d'inhibitions s'observent notamment à travers l'émergence de bouffée d'angoisse à des planches spécifiques. Amel utilise parfois quelques procédés labiles : mise à distance du matériel (G Vagues), recours aux manifestations sensorielles (TRI extratensif, C pure planche X).

Le protocole d'Amel présente donc un caractère excessivement restrictif. Tout d'abord, trois planches sont refusées. Qui plus est, les procédés d'élaboration du discours marquent nettement une inhibition massive. Le discours est extrêmement parcimonieux tout au long du protocole. De plus, la récurrence des phrases, toujours identiques, << ce sont des tâches >> et << ça ne m'inspire pas >> (planche I, II, III, IV, V et IX) montrent le scepticisme de notre patiente à s'impliquer dans l'épreuve projective. Ces manifestations s'accompagnent de perceptions très factuelles, et qui restent peu définies : << bête ou animal >> planche IV, << animaux >> planche VIII, << papillon >> planche I et V, sans plus de précisions. Quant aux

contenus humains, ils ont définis par les termes << individus >> ou << personnes >>, et ils sont perçus << face à face >> à chaque fois, indiquant probablement par là une répression kinesthésique. On remarque aussi que l'enquête elle-même ne donne lieu à aucune association et s'en tient à une description sommaire de l'engramme. Par ailleurs, on note deux réponses << insectes >> (planche IV et X) et une réponse << sang >> (planche III), évoquant le déplacement de l'angoisse sur un contenu anxiogène par la mise en place de mécanismes de défense de type phobique. On peut également constater les manifestations directes du refoulement planche VII et X. En effet, la perception << nuages >> dans une réponse EF de diffusion (planche VII) joue le rôle de représentation écran empêchant la représentation angoissante d'être projetée. Il en va de même pour la réponse << nature >> en G vague déterminé par une C pure.

Nous entrevoyons ainsi que l'angoisse latente domine le fonctionnement psychique d'Amel, mais est exploitée au bénéfice du refoulement et de l'inhibition massive de toute vie interne. Le Moi est alors grandement restreint dans ses fonctions au profit d'un système défensif très ferme.

c) La représentation de soi60

S'il on inclut la représentation apparut en après-coup lors de l'enquête (planche II), le protocole d'Amel comprend trois représentations humaines entières, ainsi que cinq représentations animales entières. On peut donc avancer que ce sujet dispose d'une représentation de soi unitaire au niveau de l'image corporelle. Nonobstant, l'une des réponses A, perçue en F+/-, évoque plusieurs insectes perçus sur la totalité de la planche (planche X) et une réponse << sang >> apparaît associée au H (planche III). Cela présage éventuellement d'une inquiétude quant à l'image du corps. On remarque aussi qu'aucune des perceptions ne possède d'identité sexuée, le vocable employé étant réduit à << individus >> et << personnes >>. Amel évite ainsi toute identification sexuelle de son corps. On peut d'ailleurs considérer le refus de la planche VI comme équivalent à ce conflit, cette planche étant d'après LoosliUstéri (citée par Collado) la << planche sexuelle par excellence >>.

De même, toute projection de mouvements ou expressions d'affects en lien avec les représentations humaines est esquivée. La seule kinesthésie du protocole est la banalité planche III, où l'action est très neutre et tend à représenter une simple posture. Le terme << face à face >> introduit quand même un minimum d'échange, mais qui reste craintif ; la

60 Cf. Annexe p. XI.

même formule langagière est appliquée aux autres engrammes humains perçus sans mouvement, montrant de la sorte la sensibilité anxieuse et le repli d'Amel face au monde socio-affectif. De plus, il est à noté que la kinesthésie du protocole est suivie de la réponse « sang », ce qui marque la tonalité agressive et menaçante rattachée aux relations humaines.

d) interprétation dynamique :

Comme nous l'avons déjà remarqué, Amel est très inhibée, ce qui influence l'ensemble de son protocole. Effectivement, si l'on se réfère aux données du psychogramme, on distingue que la pauvreté et le déséquilibre de son type d'appréhension s'inscrit directement dans ce mode de fonctionnement. L'emploi massif du G, la faiblesse de l'usage du D et l'absence des autres modes d'appréhensions traduisent de grosses difficultés à s'engager personnellement dans la projection. Sur les huit G, deux sont de contours très flous et apparaissent comme représentations écrans ; un autre est de forme indéfinie (F+/-). Quant aux G associés à des déterminants formels corrects, ils se maintiennent à des perceptions factuels. Le type d'appréhension ne renvoie donc pas à de réelles capacités imaginatives et arbore le manque d'analyse du matériel. Par ailleurs, il semble que notre patiente ait tendance à se laisser submerger par ses émotions lorsque celle-ci ne sont pas réprimées. Ce constat transparait notamment à travers la primauté de la couleur lorsque celle-ci apparaît dans le déterminant ; en effet on note l'emploi de deux C pures pour une FC, et d'une EF qui représente le seul estompage du protocole. On peut ajouter à ce sujet le F% qui est quelque peu faible ainsi que l'extratensivité des deux formules du TRI.

Dans ce contexte, il est difficile d'entrevoir la vie fantasmatique d'Amel. Néanmoins, quelques indices peuvent nous éclairer sur les conflits qui animent sa psyché. On remarque justement que la faiblesse de l'estime de soi réduit l'implication du sujet dans le champ socioaffectif. Le signe le plus significatif du malaise d'Amel à ce propos constitue en son refus de la planche IX. Monod et Anzieu (cités par Chabert) considérant que cette planche évoque la position du sujet face au monde, on dénote alors une paralysie d'Amel ; elle se bloque totalement lorsque les sollicitations environnementales sont trop fortes ou demandent un engagement profond. Dans le même registre, on constate que les réponses planche VIII se maintiennent à une approche impersonnelle du matériel malgré la prise en compte de la couleur (une FC) dont l'utilisation est forcée. Les réactions à cette planche sont donc très contrôlées, indiquant un manque de spontanéité et une hyper adaptabilité face au monde extérieur. De plus, comme nous l'avons exposé auparavant, la K planche III révèle une réticence de notre sujet à s'engager dans les relations humaines. Nous pourrions stipuler que

la récurrence de la position << face a face » pour les engrammes humains renseigne sur poids du regard d'autrui, qui semble déstabilisant pour Amel. On comprend que la situation de jugement par les autres soit désagréable pour elle si l'on rapproche de ce constat deux réponses signalant la fragilité de sa personnalité. La EF de diffusion apparaît a la planche VII, que certains auteurs considèrent comme la planche du déséquilibre. Or, selon Chabert, les estompages de diffusion traduisent une certaine fragilité de l'identité, notamment par l'aspect flou, instable et éphémère de la perception. Cette réponse souligne alors la faiblesse du Moi d'Amel, dont on peut dégager la tonalité anxieuse envahissante, et qui se distingue surtout face aux sources de déséquilibre. Pour la psychanalyse, la planche X suggère le morcellement du Moi. Or, Amel donne deux réponses G a cette planche qui se prête davantage au découpage et a l'appréhension des détails. La première réponse est déterminée par un F+/-, ce qui, d'après Rausch De Traubenberg, peut signaler l'incertitude du sujet et l'anxiété. Cette proposition est d'autant plus valable que le contenu de la perception s'apparente a un contenu phobique. La réponse qui suit met en évidence l'étendue des mécanismes de défense en réaction a cet état anxieux a travers une perception vague déterminée par une C pure. L'assemblage de ces facteurs signe donc la fragilité du Moi de notre patiente, qui l'oblige a recourir a de fortes défenses. Son équilibre psychique est vite déstabilisé.

D'autre part, cette jeune femme se montre très sensible a la thématique de l'agressivité dans les rapports sociaux. Le refus qu'elle fait de la planche II exprime cette crainte puisque l'enquête débloque la perception humaine évocatrice d'une lutte (<< face a face »). Les réponses qui suivent a la planche III ne se dégagent pas de ce thème, alors que ce stimulus apporte habituellement un sentiment de détente ; l'engramme humain est implicitement associé a la réponse << sang ». Collado précise que la réponse << sang » est rattaché a l'angoisse de castration. D'autres signes dévoilent la sensibilité d'Amel a cette angoisse. Il s'agit principalement de ses réactions a la planche IV, indiquant un refus de reconnaître le caractère de puissance suggéré. Le sujet use d'une projection caractérisée par sa petite taille dans la réalité (<< insecte ») pour éviter l'impression de domination. Mais, dans le même temps, celleci témoigne du retour du refoulé son aspect anxiogène. De plus, Bohm (cité par Collado) fait de cette planche celle du symbolisme sexuel, notamment a travers son caractère phallique. Ainsi, si l'on relie l'anxiété d'Amel a ce stimulus et son refus de la planche VI, on peut conclure a son incapacité d'assumer sa féminité. Cette jeune femme refuse tout contact faisant appel a la sexualité. De même, on remarque que le symbolisme féminin de la planche VII n'est pas du tout sollicité.

De cette interprétation, on peut conclure qu'Amel se présente comme une personne fragile et facilement déstabilisée. A cet égard, le monde extérieur est perçu comme potentiellement menaçant, et de ce fait elle semble réticente à l'approcher ou à s'engager personnellement dans les relations sociales. Force est de constater que face à la précarité de son équilibre psychique, elle met en place un système défensif démesurément rigide. Néanmoins, nous pensons qu'elle a subi un traumatisme important auparavant, qui, s'il n'est pas à l'origine de sa fragilité psychique, y a fortement contribué. En effet, elle nous a affirmé avoir été victime d'une agression, à laquelle a suivi une expertise psychiatrique dans le cadre du procès. Ceci coïncide avec son refus de la planche II et VI où s'exprime la vivacité des séquelles traumatiques. De plus, nous pensons que notre attitude, dans cette situation, n'a pas forcément favorisé l'expression subjective du testé. Nous avons-nous-mêmes été quelque peu interloqués par l'inhibition de cette personne, ainsi que par les conditions dans lesquels elle avait déjà passé le test de Rorschach. Sous couvert de précautions face à ce sujet qui paraissait traumatisée, il nous semble que nous n'avons peut-être pas su l'encourager suffisamment et créer le climat nécessaire à sa libre expression. Ceci aurait ainsi permis une meilleure appréhension du fonctionnement psychique d'Amel. C'est donc avec réserve que nous validons l'hypothèse initiale d'une vulnérabilité du fonctionnement psychique d'Amel.

5/ Protocole de Mina

a) Présentation de la participante

Mina est née au Maroc. Elle est arrivée en France à l'âge de 2 ans 1/2 avec sa mère, rejoignant son père ici depuis les années 60. Elle a donc effectué l'ensemble de sa scolarité en France. Elle a vécu chez sa tante à partir de l'âge de 5 ans, ses parents ayant décédé dans un accident de voiture. Elle-même a subit un traumatisme crânien lors de cet accident, qui a donné lieu à un suivi médicale et psychologique. Dans ce contexte, elle relate avoir passé plusieurs fois le test de Rorschach lors de cette période. Agée de 31 ans lors de notre rencontre, elle est aide-soignante. De confession musulmane, elle n'est pas pratiquante.

b) Représentants de l'angoisse

· Dans les caractéristiques générales du protocole :

Le R est très bas.

Troubles du balancement des facteurs introversif-extratensif : Le TRI et la FS sont inversées ; le TRI est extratensif alors que le RC% tend vers l'introversion.

· Dans les déterminants :

2 F- (toutes les 2 à la planche VII).

1 seule K.

3 CF.

1 Fclob accompagné d'une tendance Choc.

· Dans les contenus :

Hd = H.

· Facteurs spécifiques de l'angoisse pathologique:

Peu de réponses à la planche IV et IX.

c) Les mécanismes de défense

· Planche I :

Manifestations hors réponse : Manipulation labile du langage avec l'accent porté sur la dédramatisation d'une situation pénible par l'humour. Le discours peut se comprendre comme un moyen d'éviter la tâche.

Réponse : hésitation entre plusieurs représentations proches pour une seule perception banale qui signale une implication subjective minime. Les mécanismes de défense semblent être présents davantage dans le discours que dans la projection elle-même.

· Planche II :

Manifestations hors réponses : commentaire centré sur la difficulté de projection au début, qui est contredite ensuite. Le discours est labile.

Réponses : les réponses indiquent une formation réactionnelle face à l'agressivité suggérée par le stimulus. La première réponse signe une utilisation de l'affectivité pour appuyer les défenses, et la deuxième réponse démontre une érotisation des relations à travers une mise en scène kinesthésique. Ces processus permettent de maintenir le refoulement de la motion pulsionnelle gênante (agressivité et culpabilité).

Manifestations hors réponse : le temps de latence succinct témoigne d'une réactivité quasiimmédiate au matériel.

Réponse : les engrammes humains non sexués constituent l'unique représentation qui est par ailleurs une banalité. L'échec des procédés d'inhibition à l'oeuvre ici laisse émerger à l'enquête les témoins de l'instabilité de l'identité sexuée de Mina.

· Planche IV :

Manifestations hors réponse : le temps de latence est encore très court, la verbalisation est minime et les affects manifestés (rires) paraissent opposés à ceux réellement ressentis face au stimulus. L'inhibition à l'oeuvre est donc étayée par le recours à l'émotivité.

Réponse : L'unique perception dévoile l'angoisse de Mina (? choc et Fclob) face à l'autorité paternelle. Le symbolisme sexuel relié à l'angoisse de castration est transparent (pinces). Face à cette angoisse, le sujet se défend par la régression et le rejet du problème dans le passé (« d'un autre temps »). Le refoulement ne suffit pas à contenir l'angoisse de Mina face à un surmoi oppressant.

· Planche V :

Manifestations hors réponse : le temps de latence est toujours très court ; la verbalisation est succincte.

Réponse : L'attitude de Mina face à cette planche nous révèle surtout l'intensité de l'angoisse face à la planche précédente, qui perturbe le fonctionnement du Moi. Les mécanismes de défense sont dépassés par cette angoisse.

· Planche VI :

Réponses : la première réponse signale le refoulement massif mis en place face à cette planche. C'est le prototype d'une représentation écran face au symbolisme sexuel suggéré, dont la tonalité dysphorique transparait clairement à l'enquête. Celui-ci s'avère plutôt efficace et permet une formation de compromis satisfaisante qui s'exprime dans la deuxième réponse faisant preuve de bonnes capacités imaginatives et d'une maitrise du matériel.

· Planche VII :

Manifestations hors réponses : le discours est focalisé sur la méconnaissance la dénégation de la sollicitation projective du matériel.

Réponses : les mécanismes de défense sont défaillants car le Moi perds ses fonctions adaptatives (2 F-). Mina essaie de contrôler le surgissement de l'angoisse par l'utilisation des données formelles du matériel. Néanmoins, ce contrôle échoue et le Moi est désorganisé.

Manifestations hors réponse : les commentaires sont immédiatement tournés sur la couleur et les affects positifs associés. Le discours est plus abondant et semble intervenir en faveur d'un évitement de la projection.

Réponse : A l'inverse du discours, la réponse n'est aucunement déterminée par la couleur. Le contenu est banal et l'implication du sujet est minime. Les mécanismes de défense variés marquent une lutte contre l'implication projective ressentie comme dangereuse, et inhibe le Moi dans ses capacités intellectuelles.

· Planche IX :

Manifestations hors réponse : le discours est succinct.

Réponse : Une seule réponse dont la tonalité est dysphorique ; la couleur prime dans la détermination de la perception, et le D blanc est ressenti comme un vide. Les mouvements pulsionnels submergent le Moi et le système défensif est inefficace.

· Planche X :

Manifestations hors réponses : Le temps de latence très court et les commentaires centrés sur l'émotivité induite par la couleur montrent une réaction immédiate au matériel.

Réponses : La première réponse donnée en G impressionniste révèle l'utilisation des affects comme défenses face à la gêne occasionnée par le matériel. La deuxième réponse indique une formation de compromis réussie, sous-tendue par une perception de bonne qualité formel et résultant d'une fine analyse du matériel. Le contenu dévoile la tonalité quelque peu anxieuse de l'affirmation de soi face au regard d'autrui, mais ceci ne compromet pas les fonctions adaptatives du Moi.

· Facteurs spécifiques :

De nombreux facteurs attestent de l'usage de procédés labiles. Les temps de latence souvent très courts et les commentaires réguliers donnent l'impression d'une réactivité immédiate au matériel, le recours aux manifestations sensorielles (TRI extratensif), notamment planche II et X, l'utilisation de G impressionniste montre le souci de maintien à distance du matériel, la sensibilité au symbolisme suggéré par les planche semble importante et le symbolisme des contenus est parfois transparents, le F% bas signale la prévalence de la réactivité subjective, Les mécanismes de refoulement paraissent prédominant et sont sous-tendus par quelques difficultés à retrouver les représentations lors de l'enquête. Ils provoquent, en outre, une perte de contrôle sur la réalité objective (planche VII) qui abaissent significativement le F+%.

Par ailleurs, les procédés d'inhibitions oeuvrent de temps en temps ; on voit apparaître des G primaires et des procédés d'évitement de la confrontation au matériel, ainsi qu'une utilisation défensive de contenus banalisés aux planches où la production est restreinte et où Mina s'appuie sur les données perceptives du matériel (notamment planche VIII).

Le système défensif de Mina s'appuie ainsi sur un panel de mécanismes variés. Néanmoins, les caractéristiques générales du protocole indiquent la prédominance des procédés labiles. Le discours est parfois lui-même manipulé comme défense face à l'implication projective, notamment planche I et VIII. Les temps de latence sont souvent prompt, témoignant dès lors d'une réactivité immédiate au matériel. L'extratensivité du TRI, composé uniquement de déterminants où la couleur prédomine (3 CF) marque le recours aux manifestations sensorielles. Le discours planches VIII et X fait apparaître la suggestibilité de Mina à la couleur. Le F% relativement bas indique également une mise en avant de l'affectivité. De plus, on entrevoit la tonalité érotique accordée aux relations dans la kinesthésie animale planche II. Cette réponse montre d'ailleurs le renforcement du système défensif face à ce stimulus puisqu'elle constitue aussi un déplacement des motions pulsionnelles sur le contenu animal, et qu'elle s'apparente à une formation réactionnelle face aux pulsions agressives que le matériel suscite. D'autre part, on distingue clairement les manifestations du refoulement à travers l'utilisation de l'estompage planche VI et le G impressionniste planche X qui signent la mise en place de représentations écrans. De plus, le sujet a parfois du mal à retrouver ses réponses lors de l'enquête (planches II et VII). La réponse planche IV s'inscrit quant à elle dans un recours à la régression et une mise à distance de l'engramme perçu (« sorti d'un autre temps »). Nonobstant, Mina parait inhibée face aux planches III et V, auxquelles le discours se restreint et les réponses se maintiennent à des banalités. A la planche VII, les commentaires se focalisent sur le blocage associatif et les réponses s'inscrivent dans recours au formel qui échoue. Quant à la planche VIII, elle montre également un recours à un contenu factuel déterminé uniquement par la forme malgré les remarques positives provoquées par l'apparition de la couleur.

Somme toute, les mécanismes de défense desservent le Moi en affaiblissant ses fonctions d'adaptation. Effectivement, ils provoquent occasionnellement une perte de contrôle sur la réalité objective planche VII qui abaisse significativement le F+%. Constatant que le R est très bas, les fonctions intellectuelles paraissent également restreintes. De plus, ils ne suffisent pas toujours à contenir les préoccupations fantasmatiques de Mina, ce que l'on remarque entre

autres par l'émergence de contenus crus à valence sexuelle lors de l'enquête planche III et de l'angoisse planche IV et IX.

d) La représentation de soi61

D'après la récapitulation des réponses de Mina, on remarque huit réponses comprenant des représentations animales ou humaines entières et une seule représentation humaine partielle. Ce sujet dispose donc d'une image corporelle de soi unitaire. Néanmoins, l'apparition d'une seule réponse H parmi ces engrammes entiers précise que les identifications sont incommodantes et doivent la plupart être déplacées sur des contenus animaux pour être représentables ; ce constat vaut notamment pour les réponses A planche II, IV et VII. De plus, trois perceptions animales sont qualifiées de << bizarres », parmi lesquelles deux ne sont << pas finies ». L'image inconsciente du corps est subséquemment vécue comme non aboutie ; elle n'est pas vraiment assumée. On peut rattacher ces difficultés d'affirmation de l'image corporelle aux troubles de l'identification sexuelle de Mina, qui transparait à travers plusieurs facteurs. En effet, la réponse H comprend des attributs sexuels mixtes. Mina qualifie ses représentations d' << hermaphrodites ». Cette réaction signifie que cette jeune femme est dans une recherche active de son identité sexuelle, qui demeure de ce fait instable. De même, l'épreuve du choix des planches détermine la tonalité dysphorique accordée aux planches suggérant fortement l'identification aux imagos parentales. Pour les planches les moins agréables, elle choisit la planche IV dont le symbolisme paternel est patent et la planche VII qui réactive l'identification féminine et/ou maternelle. Or, on connaît l'importance des relations aux imagos parentales dans la mise en place des repères fondamentaux concernant l'image du corps. De plus, l'appréhension de la planche VI, dont le symbolisme sexuel est également transparent, provoque une réponse << nuage », ce qui d'après Rausch De Traubenberg, constitue une régression à une représentation de soi embryonnaire. Cette régression permet ainsi à Mina d'éviter de se représenter comme être sexué. La confrontation avec des symboles sexuels parait donc fortement anxiogène pour Mina, ranimant sans doute ces incertitudes quant à son identité sexuelle.

Par ailleurs, le protocole de cette participante présente peu de kinesthésies, mais celles-ci marquent bien son ambivalence quant aux investissements objectaux. La kan de la planche II et la K de la planche III s'inscrivent dans un contexte positif qui témoigne de la capacité de Mina à nouer des liens sociaux agréables. La kan est d'ailleurs très érotisée, et manifeste par

61 Cf. Annexe p. XII.

là le désir libidinal de cette jeune femme de s'investir dans une relation intime. Cependant, il semble qu'il ne soit pas vraiment assumé puisqu'il ne peut être projeté sur des engrammes humains. La kan planche V révèle quant à elle les craintes de Mina face au monde extérieur. Le fait que le papillon ait « du mal à s'envoler » montre en effet une représentation de soi peu épanouie dans les relations sociales. De même, le thème de destruction qui se dégage de l'appréhension de la planche IX souligne ses réticences à s'investir dans des relations profondes qui paraissent menaçantes et potentiellement déstructurantes. L'ensemble de ces facteurs nous permettent donc de penser que Mina est capable de relations d'objet sur un mode génital mais manque de confiance en elle. Elle souhaite s'investir dans des relations socio-affectives, et parallèlement redoute que celles-ci ne lui soient défavorables.

e) Interprétation dynamique

Les valeurs du psychogramme de Mina dévoilent un certain manque d'implication dans l'épreuve qui correspond à un comportement défensif. En conséquence, les fonctions intellectuelles du Moi paraissent peu investies. Mina n'use que de deux modes d'appréhension différents et dans des proportions mal réparties. Le G% élevé se compose principalement de perceptions factuelles ou révèle une appréhension peu élaborée du matériel. Le D% modique s'inscrit dans le même mode de fonctionnement en signalant le défaut d'analyse du matériel. Ce type d'appréhension atteste donc d'une conduite défensive par le recours à une réalité globale et adaptative contre l'émergence de représentations plus engageantes. En effet, la présence d'un G organisé de bonne qualité formelle (planche VI) précise que le sujet dispose de bonnes capacités d'élaboration mentale. De même, certains D associé à des F+ montre la finesse analytique de Mina lorsque les motions pulsionnelles sont correctement maitrisées (planches II et X). Cependant, majorité des D (planches VI, VII et IX) montrent l'échec des tentatives de contrôle, auquel suit inévitablement une désorganisation du Moi. Le F% et le F+% relativement faible soutiennent l'axiome de la faiblesse du Moi de notre sujet à contenir ses émotions qui, lorsqu'elles émergent, envahissent les fonctions intellectuelles. Par ailleurs, quand la couleur ou l'estompage sont intégrés dans les réponses, ils prédominent systématiquement dans le déterminant, quelque soit la tonalité affective associée. La structure émotionnelle de Mina apparaît de ce fait instable ; cette jeune femme se montre très impulsive. Le TRI extratensif renforce le constat d'un tel comportement, tandis que la FS introversif indique qu'elle dispose vraisemblablement d'aptitudes à contenir ces affects qui pourraient être développées. Néanmoins, comme l'affirme Canivet (cité par Collado), l'inversion de ces deux formules signifie que les émotions sont probablement mises en avant

de façon défensive alors que la personnalité profonde est inhibée. Ce qui précède nous permet d'inférer que les conflits inconscients de Mina indisposent son fonctionnement psychique. Soit les mécanismes de défense affaiblissent les fonctions intellectuelles du Moi et répriment l'expression de sa subjectivité, soit ils sont inefficaces à contenir les préoccupations fantasmatiques.

Or, nous entrevoyons plusieurs fois dans le protocole de Mina que le registre conflictuel se situe principalement au niveau oedipien. En effet, les réactions de notre patiente à la planche IV témoignent de la prégnance de l'angoisse de castration par rapport à laquelle la mobilisation de plusieurs mécanismes de défense ne suffit pas à la contenir ; c'est face à cette planche qu'apparaît le Fclob et la tendance au choc. Elle prend donc un aspect dysphorique, qui ressort aussi dans la réponse << monstre >>. On peut affirmer que la représentation est castratrice de par sa description à l'enquête où Mina lui attribue << des pinces >>. Or, selon la théorie psychanalytique, les réponses dysphoriques à cette planche indique que l'oedipe n'est pas bien dépassé. D'autre part, il semble que l'angoisse de castration est été si intense face à ce stimulus qu'elle se répercute sur la réponse suivante à la planche V. Celle-ci insiste sur la malformation des membres de l'engramme perçu, ce qui d'après Collado témoigne également de la sensibilité à cette angoisse. On remarque aussi que la confrontation avec le symbolisme sexuel de la planche VI provoque immédiatement la mise en place d'une EF de diffusion qui, outre sa fonction défensive, rend compte de la fragilité des assises narcissiques. En effet, le caractère flou de cette perception dévoile l'inconsistance de l'enveloppe corporelle face à ce stimulus et, dans le même temps, marque l'émergence de l'angoisse de perte d'objet par l'aspect sombre attribué à ce << gros nuage noir >>. Il semble que l'image paternelle soit ici interprétée dans sa fonction de fauteur de trouble dans la relation à la mère, et que cette relation n'ait pas été assez sécure pour autoriser l'accession à une position sexuée assumée. Toutefois, après cet accès d'angoisse, le système défensif de Mina reprend le dessus et lui permet d'explorer de façon satisfaisante le matériel en tenant compte du symbolisme phallique de la planche. Il reste que reconnaissance des détails phalliques demeure craintive puisqu'elle consiste dans l'attribution de << cornes >> situées dans des Dd. Mina évite d'interpréter les D phalliques, qui réactivent sans doute trop l'angoisse. Par ailleurs, la formation réactionnelle planche II et la qualité de la K planche III signent la possibilité de formations de compromis réussies face à la problématique oedipienne lorsque les références à l'image paternelle ou au symbolisme phallique ne sont pas trop suggérées. Malgré tout, la kinesthésie humaine révèle comme nous l'avons déjà dit les troubles de l'identification sexuelle de Mina. A ce niveau, nous nous permettons de revenir sur la réponse << cornes >>

planche VI. La théorie psychanalytique stipule que le bas de cette planche évoque la féminité. Or, c'est dans cette partie que Mina projette les caractéristiques phalliques de la planche. Ce constat peut correspondre a un déni qui signale ainsi la difficulté de cette jeune femme a reconnaître sa féminité. Cette problématique persiste également a la planche VII où la suggestion du symbolisme féminin et/ou maternel perturbe le Moi dans ses fonctions adaptatives. Effectivement, après la levée du blocage associatif, les deux réponses qui apparaissent sont des F-. De plus, l'investissement du détail inférieur comme lien contraste avec la perception des animaux qui << se tournent le dos ». Ce sont d'ailleurs des animaux des fonds-sous marins, environnement qui renvoie généralement a l'image maternelle archaïque. La succession de ces deux réponses rappelle donc le climat d'insécurité qui se dégage des relations précoces. La planche IX, très saturée en symbolisme maternel-féminin selon Chabert, déclenche aussi des réactions d'angoisse chez notre sujet. La lacune centrale est interprétée comme un << gros trou », une blessure. L'appel a la régression suscité par ce stimulus met donc en évidence des affects dépressifs qui prédominent dans la détermination de la projection (CF) ; ils sont sous-tendus par l'expression << avec rien autour », laquelle confirme l'impression de solitude et le manque d'étayage.

Cette planche révélant en même temps le vécu des relations a l'environnement, nous en déduisons que les carences affectives précoces n'ont pas permis a Mina de construire une image de soi suffisamment forte pour appréhender sereinement les relations socio-affectives profondes. Ses associations montrent ici un environnement hostile envers elle, qui parait même menaçant : << c'est tout les arbres qu'on a coupé ». On retrouve d'ailleurs cette problématique a travers la planche V où l'image de soi est vécue sur un mode dépressif (<< il a les ailes qui tombent »), et où la kinesthésie témoigne des difficultés d'affirmation de soi et d'action face au monde extérieur (<< il a du mal a s'envoler »). Il est a noter que les réactions du sujet a la planche I marquent également l'embarras du sujet a s'affirmer face a au jugement d'autrui et a la nouveauté de la situation. En effet, cette jeune femme hésite plusieurs fois entre des perceptions voisines, pour finir par ressentir le besoin de justifier sa réponse : << je sais qu'elle est bizarre ma chauve-souris ». En outre, son comportement face a la planche VIII, il illustre la stupeur de notre patiente dans les situations socio-affectives impromptues. Après une première réaction enjouée face a la couleur, elle a du mal a définir sa perception qui, finalement, n'est aucunement déterminée par la couleur. Cet enchainement découvre donc un comportement superficiel et défensif face aux sollicitations sociales, doublé d'une inhibition des affects authentiques. Pourtant, la K planche III démontre les capacités de Mina a s'investir dans des relations sociales agréablement vécues. De même que ses réponses a la

planche X expriment ses pulsions libidinales et son désir de s'inscrire dans une vie sociale épanouie (<< c'est la fête, il y a tout le monde »). Cette dernière planche nous permettrait ainsi d'établir un pronostic positif quant aux possibilités du sujet de dépasser ses angoisses pour participer activement à la vie en société. Par ailleurs, nous interprétons sa dernière réponse << masque avec des décorations » comme révélatrice du transfert positif que Mina a établit sur le testeur et sur l'épreuve.

En conclusion, le protocole de Mina fait apparaître une certaine fragilité des assises narcissiques qui ont probablement entravé la résolution du complexe d'oedipe. Les perturbations de la relation mère-enfant ont maintenu une angoisse face à l'image paternelle vécue comme tiers séparateur. En outre, l'histoire de cette jeune femme, nous ayant expliqué que ses deux parents sont décédés au cours d'un accident durant son enfance, concorde avec ce constat et pourrait être à l'origine de ses perturbations. Somme toute, celles-ci ont entrainé des troubles de la représentation de soi. L'identité sexuelle de cette jeune femme est instable et ses conflits inconscients enrayent son ouverture vers le monde extérieur. Face à ceux-ci, Mina met en place un système défensif qui étouffe globalement le Moi, et s'avère parfois insuffisant à contenir ses préoccupations fantasmatiques. L'ensemble de ces éléments aboutissent à la confirmation de l'hypothèse de départ : Mina présente un fonctionnement psychique vulnérable. Toutefois, il nous semble important de souligner qu'un travail psychothérapeutique permettrait vraisemblablement de restaurer une image de soi suffisamment forte pour exploiter pleinement ses ressources internes.

6/ Protocole de Fatiha

a) Présentation de la participante

Fatiha est née au Maroc et est arrivée en France à l'âge de 8 ans avec sa mère. Son père est arrivé dans les années 1970. Agée de 32 ans lors de notre rencontre, elle travaille dans un snack-bar. Dans le même temps, elle passe des concours pour travailler dans le milieu hospitalier, auprès des enfants. Fatiha est musulmane, mais ne pratique pas régulièrement.

b) Représentants de l'angoisse

· Dans les caractéristiques générales du protocole :

Le R est relativement bas.

Le TRI est coartatif.

· Dans le mode d'appréhension :

2 Dbl (planche II) et 2 G/Dbl (planche I et VII).

· Dans les déterminants :

3 F- (2 associé au contenu anatomie et 1 associé à une tendance choc).

Aucune K.

1 Fclob et une tendance Fclob.

1 Choc au noir et une tendance choc au vide.

· Dans les contenus :

2 anatomies (associées à F-).

H = Hd.

· Facteurs spécifiques de l'angoisse pathologique:

L'indicateur d'angoisse est supérieur à 15% (17,6%). Néanmoins, nous nous y réfèrerons avec précaution car il ne contient que deux des quatre indicateurs (Hd et anat).

Une seule réponse aux planches IV, VI, VII et IX.

Une seule réponse incluant la couleur.

c) Les mécanismes de défense

· Planche I :

Manifestations hors réponse : Fuite en avant dans l'interprétation avec 3 réponses données dans un temps court ; la verbalisation est minime.

Réponse : les trois réponses traduisent un recours aux données formelles du matériel qui laisse malgré tout transparaitre l'angoisse latente de Fatiha. Le système défensif opère cependant un contrôle de celle-ci et le Moi n'est pas désorganisé.

· Planche II :

Réponses : les deux réponses signent clairement le débordement de l'angoisse et des mouvements pulsionnels. Elles sont toutes les deux déterminées par le blanc probablement dans le souci d'éviter la confrontation aux stimuli trop excitant. La première réponse en kob (associé au D rouge) marque la profusion de la pulsion agressive, qui est toutefois exprimée dans un contenu relativement socialisé qui indique un minimum de maitrise. La deuxième

réponse émerge en processus primaire signifiant la fragilité de la structuration interne ; le contrôle formel échoue et la représentation est difficilement récupérée à l'enquête. Le système défensif est mis en échec et le Moi est débordé.

· Planche III :

Manifestations hors réponse : dénégation des sollicitations induites par la planche.

Réponse : la première réponse témoigne d'un fonctionnement encore désorganisé, peut être suite à l'intensité de l'angoisse suscitée planche II. Le recours au formel échoue et le contenu renforce l'hypothèse d'une fragilité de la structuration interne. La deuxième réponse manifeste le recours au formel et aux données perceptives qui permet le retour à un fonctionnement plus adaptatif. Nonobstant, le système défensif est alors trop rigide pour recevoir les sollicitations externes normalement perçues comme le montre l'absence de la K banale et indispensable. L'invitation du testeur à l'enquête aux limites réussit à lever quelque peu les défenses et autorise la projection d'un « corps de femme », mais la perception kinesthésique n'est pas donnée.

· Planche IV :

Manifestations hors réponse : la verbalisation est minime.

Réponse : Fatiha donne une seule réponse dans une tonalité plutôt dysphorique, dont le contenu mythique indique la mise à distance de la représentation gênante. Le Moi parait inhibé.

· Planche V :

Manifestations hors réponse : le discours est restreint au strict minimum.

Réponse : Fatiha fait ici un choc important qui signale les défaillances du système défensif face à l'émergence de l'angoisse; la facilité de la planche permet toutefois la perception de la banalité mais dans une absence d'implication subjective.

· Planche VI :

Manifestations hors réponse : la dénégation de la projection, le commentaire critique sur le matériel et le temps de latence long indique l'inhibition.

Réponse : la réponse est une persévération en kob, cette fois-ci inscrite dans une sensibilité anxieuse (?EF). Le contenu démontre la sensibilité de Fatiha au symbolisme de la planche. Une réponse sexuelle crue apparaît d'ailleurs à l'enquête. Le système défensif semble bloquer les capacités du Moi tout en contrôlant peu l'anxiété associée à l'expression directe de la décharge pulsionnelle.


· Planche VII :

Manifestations hors réponse : le temps de latence est très court.

Réponse : Fatiha hésite entre deux perceptions très proches (une masculine et une féminine) pour la réponse qui intègre le blanc. Le contrôle formel raté et la tendance choc marquent la désorganisation du Moi par l'angoisse suscité. Le système défensif entrave les capacités intellectuelles du Moi et ne permet pas le maintien de l'adaptation.

· Planche VIII :

Manifestations hors réponses : Commentaire marquant la réactivité immédiate à la couleur et fuite en avant dans les interprétations (3 réponses en 20 secondes). Forte manipulation de la planche.

Réponses : la première réponse constituée par la banalité vue en mouvement dévoile les possibilités imaginatives de Fatiha. La troisième réponse est la seule du protocole qui intègre les couleurs ; elle est difficilement retrouvée à l'enquête. Ainsi, malgré l'affect positif associé à l'arrivée de la couleur, celle-ci semble gênante. Il s'agit probablement d'une utilisation défensive des affects, qui se montre par ailleurs efficace puisque les trois réponses sont de bonne qualité et signent le bon fonctionnement du Moi.

· Planche IX :

Manifestations hors réponse : commentaire indiquant les affects positifs associés à la couleur.

Réponse : l'accent est porté sur le débordement pulsionnel qui envahit Fatiha (kob explosive). Aucune autre représentation n'est possible ; le moi est donc débordé par la pulsion malgré la formation réactionnelle présente dans le commentaire.

· Planche X :

Manifestations hors réponses : le commentaire montre une réactivité immédiate à la couleur dans une tonalité positive qui recouvre une formation réactionnelle.

Réponses : la première réponse en G vague notifie une mise à distance du matériel, mais à travers de laquelle transparait la thématique dépressive. La deuxième réponse précise l'anxiété dégagée par l'appréhension de la planche ; toutefois, la qualité formelle correcte et le contrôle opérant de cette réponse démontre que le système défensif est efficace.

· Facteurs spécifiques :

Le système défensif de Fatiha s'avère prendre appui principalement sur des procédés rigides.

La formalisation est quelque peu excessive malgré le F% dans la norme, celui-ci étant parasité par les débordements pulsionnelles cotés kob. Le TRI coartatif montre le peu d'expression affective.

L'apparition de la couleur donne lieu à des formations réactionnelles exprimées dans les commentaires (affects positifs associés à une kob explosive planche IX, à deux réponses dont la tonalité est dépressive pour l'une et anxieuse pour l'autre à la planche X), plutôt qu'à un recours aux émotions face à des représentations gênantes. Les procédés d'inhibition se présentent quelques peu à travers la restriction de la production et l'utilisation de G primaires indiquant les difficultés d'implications. Ces deux procédés sont parfois dépassés par les émergences en processus primaires, qui montrent un ancrage un peu faible dans la réalité objective (F+% bas), qui est quelque peu relativisé par la qualité formelle des kinesthésies mineures (F+% élargi = 75%).

Fatiha utilise souvent les données perceptives du matériel afin d'éviter le surgissement d'éléments en rapport avec sa vie psychique. Cependant, ce type de défenses ne suffit pas toujours à lutter contre des mouvements pulsionnels vigoureux. La forme détermine la plupart de ses perceptions ; le F% est dans la norme mais il tend vers le haut, et il serait probablement très élevé si les forces pulsionnelles, représentées par les kinesthésies d'objet, étaient suffisamment contenues. Le TRI coartatif signale l'expression à minima des affects. En outre, les commentaires positifs sur la couleur sont le résultat d'un comportement plaqué puisqu'ils contrastent avec les réactions face aux planches chromatiques ; les réponses ne sont quasiment pas déterminées par la couleur (une seule FC), ou bien même la représentation associée s'inscrit dans une tonalité dysphorique (planche IX). De plus, le RC% ne marque pas de réactivité particulière à la couleur. L'épreuve du choix des planches démontre parfaitement le caractère factice des réactions du sujet au stimulus couleur, si bien qu'elles ne peuvent, à proprement parler, suggérer l'utilisation de procédés labiles. La présence de deux dénégations corrobore l'emploi de procédés rigides. La première dénégation apparait à la planche II, où la deuxième réponse est annulée en après-coup et refoulée partiellement à l'enquête. Puis, l'expression « je ne vois rien ici » planche III témoigne d'une autre dénégation puisqu'elle apparaît en réaction immédiate à la présentation de la planche et, est directement suivi d'une réponse dysphorique. D'autre part, Fatiha a parfois recours à des procédés d'inhibition. On remarque alors une restriction de la production et l'utilisation de G primaires (planches IV, V et VII). A l'inverse, les planches I et VIII provoque une fuite en avant dans l'interprétation, chacune donnant lieu à trois réponses dans un laps de temps très court. On observe aussi la

mise en place du refoulement à la planche III, empêchant la représentation humaine d'accéder à la conscience alors que celle-ci est très fortement sollicitée par le matériel. Le refoulement est cependant partiellement levé à l'enquête aux limites pour autoriser la projection d'une seule figure humaine. La EF de diffusion qui apparaît à la planche VI signale également l'usage de ce mécanisme de défense.

Etant donné l'émergence de mouvements pulsionnels peu contrôlés et la prégnance de l'angoisse au sein du protocole, il semble que le système défensif de Fatiha soit régulièrement dépassé.

d) La représentation de soi62

Plusieurs facteurs attestent d'une représentation de soi d'un niveau intermédiaire. Nous remarquons à travers la grille de représentation de soi de Fatiha que la seule représentation humaine entière qui apparaît présente un caractère irréel. Ceci étant dit, la reconnaissance du caractère de puissance dégagée par ce stimulus planche IV, ainsi que les réactions du sujet à la planche VIII nous permettent d'écarter l'hypothèse d'une représentation de Soi complètement morcelée. En effet, Rausch De Traubenberg affirme la planche VIII se révèle déstructurante dans tous les déficits d'identité plus ou moins masqués. Or, force est de constater que Fatiha l'appréhende correctement, perçoit le D banal et ne montre aucun signe particulier témoignant d'une fragilité à ce niveau. La symbolique phallique de la planche VI est également perçue, constituant par là un signe positif. Néanmoins, elle provoque l'émergence d'un mouvement pulsionnel intense et une régression à une représentation de soi peu évoluée dévoilée par la réponse « fumée ». L'identification sexuelle parait possible, même si elle est trop angoissante pour être assumée à ce jour. D'autres facteurs indiquent une image corporelle quelque peu archaïque. Nous pouvons citer dans ce contexte la projection de deux anatomies osseuses et la réponse « iles » à la planche X, témoignant selon Rausch De Traubenberg d'une fausse identité. De plus, il nous a fallu mener une enquête aux limites avancée pour que la K banale planche III soit perçue. L'engramme est alors appréhendé en configuration unilatérale dont la description est donnée en termes rationnels (« un corps de femme ») et ainsi isolée de toute implication affective. Cette réponse montre donc tout autant les troubles de l'image corporelle de cette jeune femme que ses difficultés à s'inscrire dans une relation d'objet génitale.

62 Cf. Annexe p. XIII.

A ce niveau, la seule kinesthésie présente au sein du protocole, mises à part les kinesthésies d'objet, est projetée dans la réponse A banale à la planche VIII. Elle représente d'ailleurs une action bilatérale neutre, minimisant ainsi toute implication dans une relation duelle en même temps qu'elle signe une moindre réactivité aux sollicitations relationnelles. Toutefois, le peu représentations humaines et de représentations paires nous permettent de notifier que la représentation de soi est perturbée chez ce sujet.

e) Interprétation dynamique

Nous remarquons par le montage du psychogramme de Fatiha un type d'appréhension déséquilibré. Le G très élevé se compose de plusieurs perceptions de bonnes qualité formelle et d'un G secondaire (planche VI), pouvant ainsi témoigner de capacités synthétiques. Néanmoins, nous constatons que ce mode d'appréhension prend souvent une fonction défensive permettant d'éviter la confrontation avec un matériel anxiogène ; il sert parfois à éviter l'appréhension en configuration bilatérale pour les planches suscitant ce mode d'appréhension (planche III, VII), ou il s'inscrit dans un mouvement d'évitement des détails (planche VI). Quant au D% faible, ils peuvent représenter dans ce contexte un faible intérêt pour le réel étant donné que le protocole de cette jeune femme montre l'émergence directe de sa vie fantasmatique et pulsionnelle plusieurs fois. La présence d'une seule réponse incluant la couleur, connotée d'ailleurs d'une grande conventionalité, précise le détachement de Fatiha quant au monde extérieur. Le type coartatif du TRI marque l'abrasion de toute expression socialisé de la vie psychique émotionnelle ou imaginative. Nous pouvons ajouter ici le H% faible qui se compose d'un (H) et d'un Hd, provoquant tous deux des manifestations anxieuses (Fclob et FE), et témoignant du peu d'investissement des relations humaines. Toutefois, les trois D de bonne qualité formelle qui apparaissent à la planche VIII indiquent quand bien même le rapport au réel est globalement maintenu. La présence de quatre banalités soutient ce constat. Par ailleurs, le nombre de Dbl est très élevé et apparaît systématiquement en première réponse. Il est corroboré par la présence de deux Gbl, également données en premier lieu. Outre la signification symbolique que nous leurs accordons et que nous évoquerons plus tard, nous stipulons qu'ils témoignent d'un comportement d'opposition du sujet vis-à-vis de la consigne donnée. Le F% est d'une valeur correcte et précise les tentatives de maitrise des émotions sollicitées. Nonobstant, il est associé à un F+% médiocre qui signale l'échec de ce contrôle. Si nous ajoutons à l'ensemble de ces facteurs la présence de trois kob, il nous semble pouvoir postuler que le Moi de Fatiha est régulièrement submergé par sa dynamique interne, et que ses fonctions d'adaptations sont alors obstruées. Effectivement, il

semble que les fantasmes de ce sujet envahissent l'ensemble de l'appareil psychique dès la moindre excitation externe.

Par ailleurs, le registre conflictuel se montre polymorphique. Le début du protocole marque la prégnance du registre de la castration primaire. Dès la première réponse, Fatiha insiste sur les lacunes intermaculaires et les interprète comme << les yeux>>, ceci dans une tonalité anxieuse manifeste (?Fclob, précipitation dans les réponses). Or, Chabert affirme que ces Dbl à la planche I réactivent effectivement une culpabilité primaire ou un vécu d'ordre persécutif lorsqu'ils sont associés au regard. Nous pouvons ajouter ici la thématique de dévoration présente dans l'interprétation des autres Dbl comme << bouche >>. Fatiha réussit néanmoins à donné par la suite deux autres réponses qui nous précisent que ces angoisses sont relativement contenues ; elles sont de bonnes qualité formelle et ne présentent pas de débordement fantasmatique. Par contre, la planche II, autrement plus difficile à appréhender, mobilise une image au dynamisme pulsionnel dominant, projetée également dans la lacune centrale, mais qui peut être appréhendée dans le contexte de la castration secondaire. La perception d'un << avion de chasse >>, décrit par sa << pointe >>, désigne la sensibilité du sujet aux aspects phalliques de la planche. Chabert nous dit qu'une telle réponse renvoie généralement à la blessure imposée par la reconnaissance de la différence des sexes et par le sentiment d'impuissance dans la situation oedipienne, en même temps qu'elle rend compte de la lutte pour éviter la confrontation anxiogène. L'insistance de la puissance suggérée par la représentation phallique et le remplissage du Dbl par cette même représentation, évoquant quant à lui la sexualité féminine, nous permettre d'inférer que celle-ci s'inscrit dans un déni des aspects féminins du matériel. La confrontation à la situation oedipienne apparaît désorganisante chez Fatiha. Elle provoque, après la première appréhension que nous venons d'analysé, l'apparition de fantasmes de destruction. Effectivement, la seconde réponse, toujours perçues dans un Dbl, est une anatomie osseuse de qualité formelle médiocre, et annonce la remise en cause de l'intégrité corporelle. Il semble donc que cette jeune femme ne puisse supporter la blessure imposée par l'oedipe, celle-ci induisant une régression à un registre conflictuel prégénital. Par ailleurs, cette problématique s'étend également à la planche III, tout d'abord appréhendée comme << squelette d'un crabe >> de mauvaise qualité formelle également. Fatiha essaie ensuite de se réfugier dans la perception d'une banalité (<< noeud papillon >>). Cette réponse insinuant une caractéristique vestimentaire, elle nous fait penser que l'appel à la représentation humaine est reconnu. Néanmoins, l'absence de la << K H ban >> étaye le constat déjà émis antérieurement stipulant l'incapacité de se confronter à la situation oedipienne et la désorganisation patente de la pensée qui en résulte. Les réactions de Fatiha à

la planche IV témoignent d'un retour à un fonctionnement plus adaptatif. La réponse « géant » reprend l'aspect structurant d'un corps humain tout en reconnaissant le caractère de puissance suggéré par le matériel. Nous y voyons certes quelques manifestations d'angoisse (Une seule réponse en Fclob), mais celle-ci reste contrôlée et s'inscrit davantage dans le contexte de castration secondaire. En effet, l'image paternelle est reconnue ; elle peut être abordée de manière plus élaborée grâce à la mise en place de mécanismes de défense plus efficaces. Ceci dit, le choc de la planche V révèle toute l'intensité de l'angoisse qui est restée contenue à la planche IV. Il semble donc que l'image paternelle oedipienne ait malgré tout été traumatique.

D'autre part, le protocole de Fatiha se caractérise aussi par l'absence quasi-totale d'identifications féminines. Nous avons évoqué le déni des caractéristiques féminines de la planche II. Cette jeune femme répète ce comportement face à la planche VII dont l'implication symbolique est nettement féminine/maternelle. Tout d'abord, nous remarquons que la confrontation à ce stimulus provoque massivement de l'angoisse. Fatiha fait ici une tendance au choc et donne une seule réponse de mauvaise qualité formelle qui comprend la lacune centrale. La réponse montre une négation de la sollicitation symbolique de cette planche. Notre patiente hésite entre deux perceptions très proches, l'une tenant plutôt d'une représentation féminine, et l'autre d'une représentation masculine : « une grenouille ou un crapaud ». De plus, Collado soutient que des ressemblances entre la planche I, II, VII et IX suggèrent des problèmes d'identification à l'image maternelle. Or, nous observons que c'est aux planches I, II et VII que les réponses du sujet comprennent les détails blancs. Celles-ci peuvent ainsi être interprétées comme représentant les carences de la relation à la mère et appelant ma mise en place de mécanismes de déni pour combler ce manque. Nous nous appuyons également sur les dires de Rausch De Traubenberg (citée par Chabert) qui observe ce mode d'appréhension chez des sujets insécures. Quant à la planche IX, nous pouvons la rapprocher de la planche II de par l'émergence des mouvements pulsionnels agressifs qu'elles induisent toutes les deux. On y retrouve l'expression de fantasmes de destruction. L'appréhension de la planche VI déclenche elle aussi la projection d'un mouvement pulsionnel qui s'inscrit dans une persévération. De même qu'à la planche II, on retrouve une représentation phallique associé à cette force pulsionnelle ; une représentation sexuelle crue apparaît à l'enquête dans la même localisation (« phallus ou pénis »). Cette réponse est accompagnée d'un refoulement de la partie féminine du stimulus. L'accent est donc fortement porté sur la position active associée aux identifications masculines. Fatiha se montre d'ailleurs anxieuse face à cette planche ; le temps de latence est relativement long et elle ne donne

qu'une seule réponse comprenant un estompage. Enfin, la seule identification féminine apparaît dans un contexte particulier. Il s'agit de la réponse que nous donne le sujet lorsque nous avons menée l'enquête aux limites planche III. Nonobstant, Il nous semble difficile de parler d'une réelle identification étant donné son aspect purement physique. L'utilisation des termes << corps de femme >>, soutenus par une description << technique >> évoque une identification corporelle de base et un rejet de l'empreinte psychique de la féminité. L'ensemble de ces facteurs indiquent donc que la différence des sexes est acquise, mais qu'elle constitue la problématique centrale de Fatiha face à laquelle elle doit recourir à des défenses archaïques.

Force est de constater que les failles fondamentales du développement psychosexuel de cette jeune femme perturbent ses relations sociales. Seule la planche VIII est appréhendée en configuration bilatérale. Cette réponse a probablement été encouragée par l'apparition de la couleur et la banalité, témoignant quand bien même du minimum de réceptivité aux sollicitations externes. A l'inverse des planches où nous avons pu observer le débordement de la vie fantasmatique, les perceptions ont ici un caractère très factuel. La couleur est peu prise en compte, et la réponse incluant ce déterminant est partiellement refoulée à l'enquête. Ces réactions semblent attester d'une adaptation de façade à la réalité socio-affective. L'ambivalence relationnelle de Fatiha se dévoile aussi dans le transfert qu'elle fait sur le testeur et l'épreuve. Nous remarquons en effet que la première réponse du protocole associe un contenu masque à une sensation dysphorique. Elle marque donc clairement l'anxiété du sujet qui résulte de la situation nouvelle et de la confrontation à nous-mêmes. Nous avons d'ailleurs déjà évoqué que cette réponse révélait un vécu d'ordre persécutif. Par contre, nous pouvons saisir la tonalité dépressive qui transparait à travers la réponse << iles >> à la planche X, montrant d'après Schafer (citée par Collado) comment le sujet sort du transfert.

A l'issue de cette analyse, nous discernons que le registre conflictuel de Fatiha se situe à un niveau globalement prégénital. Sa vie fantasmatique désorganise régulièrement le Moi, qui met en place à plusieurs reprises des mécanismes de défense archaïques. Par ailleurs, lorsque les sollicitations sont moins intenses, elle dispose de mécanismes de défense plus adaptatifs. En conséquence, l'alternance entre les débordements pulsionnels et fantasmatiques et le maintien d'une certaine adaptation à la réalité, la représentation de soi d'un niveau globalement intermédiaire, ainsi que le caractère polymorphe des défenses et des problématiques, rendent compte d'un fonctionnement limite. De plus, il nous parait intéressant de citer Rausch De Traubenberg qui affirme que le TRI coartatif correspond à un mode de fonctionnement psychique vulnérable, chez des sujets peu tolérants dans les

situations de stress en raison de la rigidité de leurs mécanismes de défense. L'ensemble de ces signes nous amènent donc à valider l'hypothèse de la vulnérabilité psychologique de Fatiha.

7/ Analyse normative

Après une l'analyse singulière de chaque protocole de notre recherche, il nous parait intéressant d'observer si l'on retrouve des variations communes à l'ensemble des psychogrammes de nos participantes.

a) Résultats

Tableau 1 : Comparaison des valeurs moyennes des sujets aux normes du test de Rorschach

 

Facteur

Valeur
moyenne

Ecart-type

Norme

Ecart à la norme

Modes
d'appréhension

G%

48,9

16,52

20-30%

très supérieur

 

D%

44

13,68

60%

très inférieur

 

Dd%

2,9

4,48

6-10%

inférieur

 

Dbl%

4,2

4,99

3%

limite supérieur

Déterminants

F%

48,8

8,05

50-60%

limite inférieur

 

F+%

79,3

11,86

80-90%

limite inférieur

 

K

0,84

0,63

5-7

très inférieur

 

RC%

35,2

3,83

30-40%

-

Contenus

A%

40,1

11,14

35-50%

-

 

H%

20,1

8,50

15-20%

limite supérieur

Nombre de
réponses

R

15,7

3,67

25-30

inférieur

facteurs
additionnels

ban%

28,8

7,05

16%

supérieur

 

ang%

15,1

11,89

< 12%

supérieur

 

On peut d'or et déjà remarqué que la population de cette recherche s'écarte souvent des
normes françaises puisque sur treize facteurs essentiels du psychogramme, il n'y a que le
RC% et le A% qui s'incluent précisément dans la norme. D'autre part, le Dbl%, le F%, le

F+% et le H% sont très proches de la norme. Néanmoins, les résultats de cette analyse devront être appréhendés avec prudence, étant donné que l'analyse statistique inférentielle ne révèle qu'une seule valeur significative : le K (cf. annexe 6).

Tableau 2 : Distribution des 6 sujets par rapport aux normes au test de Rorschach

Facteur

< norme

norme

> norme

G%

0

1

5

D%

5

1

0

Dd%

4

2

0

Dbl%

3

0

3

F%

3

3

0

F+%

3

3

0

K

6

0

0

RC%

1

5

0

A%

2

3

1

H%

2

2

2

R

6

0

0

Ban%

0

0

6

Ang%

-

4

2

 

Nonobstant, le tableau 2 met donc en évidence dix facteurs pour lesquels plus de la moitié des sujets s'écartent de la norme, dans un sens ou dans l'autre. On remarque particulièrement que tous les sujets ont un ban % supérieur à la norme, et un K et un nombre de réponses total inférieur à la norme. Par la suite, cinq sujets sur six ont un D% inférieur à la norme, puis un G% supérieur à la norme ; quatre sujets sur six ont un Dd% inférieur à la norme.

b) Hypothèses d'interprétation

· Le facteur K, d'après Chabert (1983) est le plus signifiant dans l'approche de la représentation de soi. Ils reposent la question de la construction de la personne en relation avec son environnement objectal. En outre, ils représentent les capacités identificatoires, intellectuelles, imaginatives et de conscience de la vie intérieure. Le nombre de K très bas nous permet de supposer que l'ensemble de nos sujets présentent un défaut dans l'intégration de la représentation de soi, ainsi qu'un désinvestissement de la vie intérieure et imaginative.

· Le nombre de réponses total, inférieur à la norme pour toutes les participantes également, peut indiquer une attitude d'inhibition ou un refus d'engagement.


· Le ban% parait élevé seulement en rapport au nombre de réponses total faible. D'après Collado, il marque la conformité au groupe social. Nous pensons qu'il est préférable de ne pas émettre d'hypothèse sur ce facteur puisque si nous le considérons dans sa valeur numérique, il se situe dans les normes.

· Le G% élevé associé au D% faible pour 5 de nos testées peut être compris davantage comme l'indice d'une approche superficielle de la tâche plutôt que comme capacités imaginative étant donné le peu de K auxquels il se rapporte. Il s'agirait alors d'une défense face à une implication personnelle ressentie comme dangereuse.

· Le Dd% faible pour 4 sujets soutien l'hypothèse émise ci-dessus pour les modes d'appréhension selon laquelle l'approche du matériel reste superficielle.

· Selon Collado, le F% est un indice d'adaptation et de contrôle de l'affectivité. Or, la moitié de ces jeunes femmes ont un F% bas, ce qui montrait une propension assez importante de notre population à se laisser déborder par les affects.

· Toujours selon Collado, Le F+% bas, qui concerne également la moitié des sujets, serait un indice de difficultés importantes d'adaptation à l'environnement. Il peut également être compris comme un signe de faiblesse du Moi ou d'inhibition.

Nous avons tenté de cerner les principales caractéristiques communes de la population de notre étude. Effectivement, il semble que le contexte biculturel propre à notre population induise des variations communes à l'ensemble de nos sujets par rapport aux normes admises pour plusieurs facteurs. A l'inverse, d'autres facteurs ne paraissent pas influencés par la variable indépendante puisqu'ils présentent des écarts disparates aux normes du test de Rorschach. Ainsi, nous observons des caractéristiques communes doublées des signes de la singularité de chacune de ces jeunes femmes. C'est pourquoi il est indispensable de mettre en relations ces résultats avec l'analyse des protocoles de chacune de nos participantes.

III/ DISCUSSION ET CONLUSION

L'objet de notre recherche était de vérifier si les jeunes femmes en situation de double contexte culturel présentaient une vulnérabilité psychologique. En effet, nous avons observé à travers les différentes théories exposées en première partie de ce travail que certains auteurs considèrent que le développement de la personnalité dans un contexte biculturel est une source de potentialités. Toutefois, nombre d'entre eux précisent que les conflits d'appartenance et les ruptures entre les modèles culturels en question vont fragiliser la dynamique psychique de ces sujets. Afin de vérifier l'hypothèse de cette vulnérabilité spécifique, nous avons mis en place quatre hypothèses opérationnelles.

La vulnérabilité psychologique qualifiant un état de moindre résistance aux excitations internes et externes, nous avons posé l'hypothèse H01 que nos patientes auraient un seuil de tolérance à l'angoisse plus faible que la population générale. Or, nous observons que la plupart de nos participantes montrent des signes d'angoisse franche dans leurs protocoles. Pour Sabrina, même si l'angoisse n'est pas aussi manifeste, nous entrevoyons clairement qu'elle est présente tout au long de son protocole dans une tonalité latente. De même, nous pouvons remarquer que l'angoisse d'Amel face au test de Rorschach inhibe l'ensemble de son fonctionnement psychique. D'après ces faits, il semble donc que nos participantes fassent effectivement preuve d'un seuil de tolérance bas face aux excitations psychiques, et que l'angoisse surgisse ainsi plus facilement.

En conséquence de l'hypothèse précédente, H02 s'attachait aux influences du système défensif sur la dynamique psychique. D'après nos analyses, Sabrina est la seule de nos participantes dont le système défensif semble relativement efficace, tout en ne perturbant pas le fonctionnement du Moi. En effet, les autres jeunes femmes incluses dans cette étude montrent un système défensif rigide chacune à leur manière, bloquant certaines fonctions du Moi, notamment les capacités imaginatives et/ou intellectuelles. Dans le même temps, leurs mécanismes de défense ne suffisent pas à contenir l'angoisse qui émerge face à certains stimuli selon la subjectivité propre à chaque sujet. Nous pouvons donc constater que la majorité de nos patientes ont un système défensif qui est globalement défaillant.

Enfin, étant donné que la question identitaire demeure au centre de cette problématique, H03 examinait la représentation de soi de ces jeunes femmes. Or, l'analyse de cette hypothèse se montre révélatrice puisque que nous discernons que tous ces jeunes femmes ont une

identification sexuelle féminine problématique. De plus, il ressort des interprétations que quatre d'entre elles semblent avoir vécu une relation mère-enfant perturbée. Nous pouvons rapprocher ce constat des théories citées dans la première partie de cet ouvrage qui évoquent les défaillances de la figure maternelle, particulièrement dans sa fonction d'objectprésentering. Nous avons également remarqué que toutes présentent des difficultés d'affirmation de soi face à l'environnement social. A ce niveau, nous avions mentionné les conséquences de la peur de la différence culturelle que peut manifester la société d'accueil, induisant notamment des représentations dévalorisantes de la culture originelle, et attaquant par là l'estime de soi des sujets concernés. Nous retrouvons d'ailleurs des difficultés d'implication dans les relations sociales en générales qui émanent probablement des instabilités identitaires de nos sujets. La représentation de soi de nos participantes parait donc altérée par ces facteurs, qu'ils proviennent de l'environnement familial ou extérieur.

Enfin, H04 avait pour tâche d'observer si des variables communes se retrouvaient dans les principales valeurs normatives des psychogrammes de nos participantes. Or, nous remarquons effectivement que plusieurs valeurs s'écartent des normes françaises dans le même sens. Les facteurs les plus représentatifs de ces divergences sont le K et le nombre de réponses totales, tous deux très en dessous de la norme pour toutes nos participantes. Ceux-ci nous aiguillent déjà sur l'hypothèse d'une représentation de soi généralement peu élaborée chez ces jeunes femmes, et de comportements inhibés.

D'autre part, il nous semble intéressant de signaler que la moitié de nos participantes ont un TRI extratensif et une FS inversée introversif, alors même que cette caractéristique est généralement signe de conflit entre les aspirations profondes des sujets et l'image qu'ils donnent à voir aux autres.

Il semble donc d'après l'ensemble de ces résultats que nous puissions admettre la véracité de l'hypothèse générale de cette étude : les jeunes adultes issus de l'immigration présentent une vulnérabilité psychologique.

Qui plus est, N. Vercruysse et C. Chomé (2002) ont réalisé une étude similaire en Belgique, dans laquelle elles ont administré le test de Rorschach à trente jeunes femmes d'origines Maghrébine, se centrant sur l'axe des représentations humaines et de relations. L'analyse des facteurs des psychogrammes de leurs sujets montrent, à quelques divergences près, des variations semblables à celles de nos participantes par rapport aux normes. Elles observent un nombre de réponses total faible, un surinvestissement des réponses globales associé à un nombre limité de réponses détails, une restriction des indices formels, ainsi qu'un nombre de

kinesthésies globales proche de 1. Les conclusions auxquelles elles arrivent sont conformes aux nôtres sur certains points. Leurs résultats témoignent notamment d'importantes difficultés d'intégration de la représentation de soi, tant au niveau des identifications primaires que secondaires. De plus, ces auteurs remarquent que leurs sujets présentent globalement des difficultés quant à la figuration et au maintien du lien objectal, associées entre autres aux marques d'une problématique de séparation-individuation. Il semble donc que la vulnérabilité des jeunes femmes issues de l'immigration ne soit pas spécifique à la France. Il serait alors nécessaire d'effectuer des études similaires dans différents pays pour établir des liens entre les modalités d'accueil des populations migrantes et la vulnérabilité de leurs enfants.

Toutefois, il est nécessaire de situer les biais qui ont pu intervenir dans les résultats de notre recherche. Tout d'abord, nous nous basons sur six protocoles, ce qui est trop faible pour valider en toute confiance la significativité des résultats. Il aurait été bon gré d'étendre le protocole expérimentale à davantage de participants. De plus, l'historicité de chacune de nos participantes, hormis la situation biculturelle, doit être prise en compte dans l'interprétation des résultats. Or, ne les ayant rencontré qu'une seule fois, nous ne pouvons faire de liens véritables entre celle-ci et le diagnostic psychologique résultant de l'interprétation des protocoles. Nous savons déjà que deux d'entre ces jeunes femmes ont un parcours de vie atypique qui a vraisemblablement marqué leur psyché. Enfin, notre manque d'expérience dans le maniement du test de Rorschach a probablement interféré dans certaines valeurs et orienté nos interprétations. Nous avions déjà évoqué les conséquences de notre attitude face à Amel, concernant l'embarras que nous avions ressenti face à son inhibition. Il se peut que nous n'ayons pas adopté les positions les plus propices à l'aisance dans la passation du test pour les autres sujets également. Ceci a surement influencé le nombre de réponses de nos participantes.

Nonobstant, en vue de la concordance des résultats pour notre population, notre recherche semble être une piste intéressante à développer. En effet, nous nous demandons ce qu'il en est de cette vulnérabilité psychologique pour les jeunes hommes issus de l'immigration. Ainsi, s'ils présentent une vulnérabilité, s'exprime-t-elle de la même manière que pour les jeunes femmes ou apparaît-elle sous des modalités différentes ? De même, nous nous sommes centrés sur la population d'origine Maghrébine ; toutes les populations migrantes sont-elles exposées à cette vulnérabilité ? Il serait donc intéressant d'élargir cette expérience à différents modèles culturels d'origine. Enfin, nous nous sommes référés uniquement aux normes françaises pour l'analyse des protocoles. Or, nous avons montré que les deux modèles culturels en présence influent le développement de la personnalité. Etant donné le peu de

données concernant les normes Maghrébines au Rorschach, il nous parait important de développer les études de terrain au Maghreb afin que nous puissions observer les empreintes de la culture d'origine des sujets ayant grandi dans un double contexte culturel. Ceci permettrait notamment de comparer nos résultats à ces normes, et de restituer correctement les variations des facteurs respectivement propres à la culture d'origine et à notre variable indépendante.

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INDEX THEMATIQUE

· Affiliation : 5, 8, 11, 13, 20, 30, 35, 41, 46

· Angoisse : 5, 9, 17, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 34, 37, 42, 43, 45, 48, 50, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 64, 65, 66, 68, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 80, 81, 84, 86,

87, 88, 89, 90, 91, 93, 95, 96, 101

· Appartenance : 8, 9, 11, 13, 20, 35, 41, 46, 101

· Double contexte culturel : 5, 10, 22, 34, 47, 101, 104

· Filiation : 5, 11, 13, 17, 20, 21, 22, 41, 46

· Identité : 11, 12, 15, 16, 20, 31, 32, 33, 45, 46, 49, 57, 63, 65, 67, 68, 69, 70, 72, 74, 76, 81, 84, 88, 93

· Intégration : 4, 7, 8, 10, 12, 14, 17, 19, 22, 31, 33, 34, 99, 103

· Mécanismes de défense : 12, 27, 28, 29, 30, 34, 37, 43, 44, 45, 49, 51, 54, 55, 56, 57, 59, 60, 65, 68, 70, 73, 76, 78, 80, 81, 82, 83, 86, 89, 96, 97, 98, 101

· Modèle culturel : 11, 13, 20, 22, 34

· Rorschach : 5, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43, 47, 73, 79, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104

· Représentation de soi : 5, 13, 31, 32, 33, 35, 38, 46, 52, 55, 60, 61, 69, 71, 76, 84, 85,

88, 93, 94, 97, 99, 101, 102, 103

· Structuration psychique : 5, 22, 34, 41, 46

· Vulnérabilité psychologique : 21, 22, 41, 55, 64, 98, 101, 102, 103

INDEX ONOMASTIQUE

· ANZIEU, D: 37, 43, 55, 77

· BEN SLAMA, F: 8

· BERGERET, J: 13, 20, 26, 27, 29

· BETTSCHART, W: 17

· BOHM, E: 42, 78

· BOIZOU, M.F : 33

· BRUSSET, B : 25

· CALLAHAN, S: 30

· CAMILLERI, C : 12, 15, 19, 20

· CANIVET, N : 42, 53, 61, 63, 85

· CHABERT, C: 27, 33, 37, 43, 53, 54, 62, 63, 70, 77, 78, 87, 95, 96, 99

· CHABROL, H: 30

· CHOME, C. : 102

· CLANET, T: 12, 31

· COLLADO, C: 37, 47, 53, 54, 55, 61, 62, 63, 71, 76, 78, 85, 86, 96, 97, 100

· COTTRAUX, J: 27

· COUCHARD, F: 5, 21

· COSTALAT-FOUNEAU, A. M: 32

· DE CARMOY, R: 11

· DEVEREUX, G: 4, 9, 17

· FDHIL, A: 12

· FREUD, A: 21, 28

· FREUD, S: 7, 8, 9, 15, 23, 24, 25, 26, 29, 33, 37

· GIUDICELLI, S: 24, 25

· KAES, R: 8, 15

· KARDINIER, P : 9

· LACAN, J: 7

· LE GALL, A : 24

· LOOSLI-UTERI, M : 37, 63, 76

· MARTEAUX, A : 16


· MEAD, G.H : 31

· MEAD, M : 9

· MORO, M.R : 10, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 41, 46

· NATHAN, T: 16, 20

· PIGOTT, C : 12, 17

· RAUSCH DE TRAUBENBERG, N : 32, 33, 38, 39, 46, 52, 61, 62, 71, 78, 84, 93, 96, 97

· REVAH-LEVY, A : 10

· ROHEIM, G : 23

· ROUVIERE, H : 33

· SANGLADE, A : 32, 38, 46

· SCHNAPPER, D : 14

· SIBONI, D : 10

· TOMKIEWICZ : 21

· VERCRUYSSE, N : 102

· VINSONNEAU, G : 12, 15, 19, 20

· VIOLET-CONIL, M : 42

· WIDLOCHER, D : 27

· WINNICOTT, D.W : 7, 11, 17

· YAHYAOUI, A : 18

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 4

PARTIE THEORIQUE

I/ LA CULTURE ET L'INDIVIDU 7

1/ La culture : un essai de définition 7

2/ Culture et psychisme 8

a) L'universalisme 8

b) Le culturalisme 9

c) L'approche complémentariste 9

3/ Le double contexte culturel 10

a) « L'entre-deux » cultures 10

b) La filiation 11

c) L'affiliation 11

d) Les possibilités d'aménagement 12

- L'intégration des cultures 12

- Le rôle de l'environnement 13

II/ L'INTEGRATION CONFLICTUELLE DES MODELES CULTURELS 15

1/ Les transmissions défectueuses de l'environnement 15

a) Les figures de l'étrangeté 15

b) Les fragilités de la parentalité 16

- La remise en cause du statut parental 16

- L'ambiguïté des rôles 16

- Le deuil parental indépassé 17

2/ La contradiction des valeurs culturelles 18

3/ Le risque transculturel 19

a) La coupure des liens 19

- Le déni de l'affiliation à la société d'accueil 20

- Le déni de la filiation 20

b) La vulnérabilité spécifique des enfants de migrants 21

- Définition de la vulnérabilité 21

- La situation transculturelle source de vulnérabilité 21

III/ LES SIGNES CLINIQUES 23

1/ L'angoisse 23

a) Définition 23

b) Les théories freudiennes de l'angoisse 24

- La première conception freudienne 24

- La deuxième conception freudienne 25

c) les contemporains de Freud 26

- La stabilité structurelle 26

- L'unicité du sujet 27

d) L'approche cognitiviste 27

2/ Les mécanismes de défense 28

a) La théorie psychanalytique 28

b) La classification des mécanismes de défenses selon le DSM IV 29

3/ La représentation de soi 31

a) Perspective interactionniste et structurale 31

b) Perspective cognitiviste 32

c) Perspective psychanalytique 32

d) Représentation de soi et image de soi 33

PROBLEMATIQUE 34

PARTIE METHODOLOGIQUE

I/ PROTOCOLE EXPERIMENTAL 36

1/ Caractéristiques des participants 36

2/ Matériel utilisé : Le test de Rorschach 36

3/ Procédure 38

a) Le recrutement des sujets 38

b) Le déroulement des rencontres 39

II/ HYPOTHESES DE RECHERCHE 41

1/ Hypothèse générale 41

2/ Hypothèses opérationnelles 42

a) HO1 : les jeunes femmes d'origine Maghrébine

expriment des manifestations de l'angoisse au Rorschach 42

b) HO2 : les jeunes femmes d'origine Maghrébine mettent

en place un système défensif coûteux contre l'angoisse 43

c) H03 : les jeunes femmes d'origine Maghrébine

font preuve d'une représentation de soi perturbée 46

d) H04 : le double contexte culturel propre aux jeunes femmes

d'origine Maghrébine entraine des écarts par rapport

aux normes admises au Rorschach 47

III/ PRESENTATION DES RESULTATS ET INTERPRETATION 48

1/ Protocole de Leïla 48

a) Présentation de la participante 48

b) Les représentants de l'angoisse 48

c) Les mécanismes de défense 49

d) La représentation de soi 52

e) Interprétation dynamique 53

2/ Protocole de Sabrina 56

a) Présentation de la participante 56

b) Les représentants de l'angoisse 56

c) Les mécanismes de défense 56

d) La représentation de soi 60

e) Interprétation dynamique 61

3/ Protocole de Narjis 64

a) Présentation de la participante 64

b) Les représentants de l'angoisse 64

c) Les mécanismes de défense 65

d) La représentation de soi 69

e) Interprétation dynamique 69

4/ Protocole d'Amel 73

a) Présentation de la participante 73

b) Les représentants de l'angoisse 73

c) Les mécanismes de défense 73

d) La représentation de soi 76

e) Interprétation dynamique 77

5/ Protocole de Mina 79

a) Présentation de la participante 79

b) Les représentants de l'angoisse 80

c) Les mécanismes de défense 80

d) La représentation de soi 84

e) Interprétation dynamique 85

6/ Protocole de Fatiha 88

a) Présentation de la participante 88

b) Les représentants de l'angoisse 89

c) Les mécanismes de défense 89

d) La représentation de soi 93

e) Interprétation dynamique 94

7/ Analyse normative 98

a) Résultats 98

b) Hypothèses d'interprétation 99

DISCUSSION ET CONCLUSION 101

· Références bibliographiques 105

· Index thématique 109

· Index onomastique 110

ANNEXES I

1/ Présentation des participantes II

2/ Annonce de recrutement de la population III

3/ Accord de participation IV

4/Grille de Représentation de soi de N. Rausch De Traubenberg & A. Sanglade V

5/ Grille de représentation de soi des participantes VII

A/ Leïla VIII

B/ Sabrina IX

C/ Narjis X

D/ Amel XI

E/ Mina XII

F/ Fatiha XIII

6/ Analyse statistique des valeurs moyennes XIV

ANNEXES II : Protocoles et psychogrammes des sujets

1/ Leïla I

· Protocole II

· Psychogramme V

2/ Sabrina VI

· Protocole VII

· Psychogramme XI

3/ Narjis XII

· Protocole XIII

· Psychogramme XVI

4/ Amel XVII

· Protocole XVIII

· Psychogramme XXI

5/ Mina XXII

· Protocole XXIII

· Psychogramme XXVI

6/ Fatiha XXVII

· Protocole XXVIII

· Psychogramme XXXI

ANNEXES

1/ PRESENTATION DES PARTICIPANTES

Sujet

Age lors de la
passation

Pays de
naissance

Pays d'origine
des parents

Religion

N° 1 : Leïla

23 ans

France

Maroc

Musulmane non
pratiquante

N° 2 : Sabrina

25 ans

France

Algérie

Pas de religion ;
certaines
croyances

N° 3 : Narjis

24 ans

France

Maroc

Musulmane
pratiquante

N°4 : Amel

27 ans

France

Algérie

Musulmane non
pratiquante

N°5 : Mina

31 ans

Maroc ; arrivée
en France à
2ans 1/2.

Maroc

Musulmane non
pratiquante

N°6 : Fatiha

32 ans

Maroc ; arrivée
en France à
8 ans

Maroc

Musulmane non
pratiquante

Moyenne d'âge : 27 ans.

2/ ANNONCE DE RECRUTEMENT DE LA POPULATION :

Étudiante en Master 1 de psychologie
RECHERCHE
Jeunes femmes d'origine Maghrébine
Volontaires pour passer le test projectif du Rorschach dans le cadre
de la réalisation de mon mémoire de recherche

Contactez Camille:06 -- -- -- -- / ---------@hotmail fr
Merci!

3/ ACCORD DE PARTICIPATION :

Je soussigné accepte de participer à la recherche

scientifique menée par Mlle Camille PATRY, sous la direction de Mr Claude COLLADO.

J'accepte l'analyse psychologique des données obtenues sachant qu'il n'y a pas de bénéfice direct. Je peux à tout moment et sans justification interrompre ma collaboration à cette recherche. Je peux demander à ce que les données me soient restituées, ou détruites.

J'ai la garantie de l'exploitation de cet entretien à des seuls fins universitaires et scientifiques, ainsi que du respect de mon anonymat.

Cette recherche est conforme au respect des dispositions légales, éthiques et déontologiques.

Fait en double exemplaire à Toulouse, le

Signature, précédé de la mention « lu et approuvé » :

4/ GRILLE DE REPRESENTATION DE SOI (RAUSCH DE TRAUBENBERG ET SANGLADE):

Première colonne Monde humain :

01 : H Contenu humain entier

02 : H enf Contenu humain enfant

03 : H Humain défini par la fonction (rois, clown, indiens...)

04 : (H) Humain irréel

05 : H/A Humain devenant animal ou inversement

06 : HA Mélange des règnes humain et animal

07 : Hd Partie du corps autre que la tête

08 : Hdt Tête humaine ou partie de tête humaine

09 : (Hd) Hd irréelle

00 : At Anatomie humaine

001 Squelette entier

002 Anatomie osseuse

003 Anatomie viscère

004 Sang, veines, artères

005 Foetus

Monde animal :

10 : peau d'animal

11 : A animal entier

12 : bébé animal

13 : animal préhistorique

14 : (A) animal irréel et chargé de toute puissance

15 : animal anthropomorphe

16 : animal Walt Disney

17 : Ad autre que bouche, dents, cornes, pinces

18 : Ad bouche, dents, cornes, pinces.

19 : (Ad) partie d'animal irréel

100 : Anatomie animal

101 squelette entier

102 anatomie osseuse

103 anatomie viscère

104 sang, veines, artères

Monde inanimé et divers :

20 : objets quelconques (y compris tableaux et peaux d'animal)

21 : objets détails

22 : objets représentants l'humains (marionnettes, poupée...)

23 : vêtements et accessoires (couronne, fleurs, lunettes)

24 : objets signes de puissance (sceptres, totem, blasons)

25 : architecture

26 : objets creux (vase)

27 : objets pointus, coupants, actifs (pinces, ciseaux, armes, flèches)

28 : objet à moteur (voitures, vaisseaux, bombes, explosifs)

29 : éléments naturels (grottes, rochers, volcans, nuages)

30 : botanique

31 : géographie

33 : paysages

40 : alimentation

50 : lignes, traits, bâtons, pointes

51 : trous

52 : matières (peintures, papier, encre)

60 : abstractions

61 : symboles

Seconde colonne

1 : Interaction réciproque positive (« se font des révérences »)

2 : Interaction réciproque agressive (« se battent »)

3 : Action bilatérale à caractère neutre (« jouent du tam-tam »)

4 : Interaction actif/passif non agressive (l'un des personnages ou animaux exerce une

action non agressive sur l'autre)

5 : Interaction actif/passif agressive

6 : Interaction actif/passif de dépendance (mère et enfant...)

7 : Action simple et posture, impliquant K ou kan

8 : Action à caractère agressif (« attraper »)

80 : caractère agressif ou menaçant sans action (« méchant », animaux avec dards...)

9 : Action incongrue et bizarre

10 : Action subie (« homme battu »)

11 : Image en miroir

12 : Dénomination simple ou posture n'impliquant pas K ou kan

13 : Dessin, caricature

14 : Statue, momie

15 : Etre humain ou animal mort

16 : Image incomplète (femme sans tête...)

Troisième colonne

M : Masculin

F : Féminin

MF : Un personnage masculin, un personnage féminin

/ : Non précisé

O : Ambivalent, bisexué ou instable

Quatrième colonne

D : Contenu détérioré

U : Unilatéral

J : Jumeaux, siamois

S : Scènes

Sx : réponse sexuelle

X : Imago parentale paternelle

Y : Imago parentale maternelle

GRILLE DE REPRESENTATION DE SOI DES

PARTICIPANTES

A/ Grille de représentation de soi de Leïla

Réponse

Contenus

Analyse de l'image
corporelle de la
représentation de soi

Actions

Analyse du mode de relation à
l'objet

Facteurs spécifiant
l'identité sexuelle et
le caractère de
différenciation
soi/non-soi.

1

animal entier

dénomination simple

 

2

animal entier

dénomination simple

 

3

paysage

dénomination simple

 

4

humains entier

action bilatérale neutre et non
définie

/

5

animal irréel

caractère agressif sans action

 

6

animal entier

dénomination simple

 

7

animal entier

dénomination simple

 

8

Ad trompe

dénomination simple

 

9

animal entier

action bilatérale neutre

 

10

botanique

dénomination simple

 

11

élément naturel

caractère agressif sans action

 

12

Hd autre que tête

dénomination simple

/

13

abstraction

action simple

 

B/ Grille de représentation de Sabrina

Réponse

Contenus

Analyse de l'image
corporelle de la
représentation de soi

Actions

Analyse du mode de relation à
l'objet

Facteurs spécifiant
l'identité sexuelle et
le caractère de
différenciation
soi/non-soi.

1

animal entier

caractère menaçant sans action
(griffes)

 

2

foetus animaux

interaction réciproque agressive

jumeaux

3

animal entier

dénomination simple

 

4

humains entiers

interaction réciproque positive

féminins

5

humain irréel puissant

dénomination simple

masculin

6

sexe

dénomination simple

réponse sexuelle

7

animal entier

action simple (kan)

 

8

botanique

dénomination simple

 

9

objet signe de
puissance

dénomination simple

 

10

humain entier enfant

dénomination simple

masculin/jumeaux

11

Hd tête

dénomination simple

féminin

12

anatomie viscère

action subie (crâne ouvert)

 

13

animaux entiers

dénomination simple

 

14

objet symbole

dénomination simple

 

15

humain irréel

dénomination simple

masculin

16

élément naturel

action simple

 

17

objet quelconque

dénomination simple

 

18

objet représentant
l'humain (masque)

dénomination simple

 

C/ Grille de représentation de soi de Narjis

Réponse

Contenus
Analyse de l'image
corporelle de la
représentation de soi

Actions

Analyse du mode de relation à
l'objet

Facteurs spécifiant
l'identité sexuelle et le
caractère de
différenciation soi/non-

soi.

1

humain entier

dénomination simple

(masculin à l'enquête)

2

partie d'animal

dénomination simple

 

3

humains entiers

dénomination simple

masculins

4

humains entiers
(tendance H/A)

action bilatérale neutre et faible

féminins

5

anatomie viscère

dénomination simple

 

6

tête d'animal

dénomination simple

 

7

botanique

action subie (« bouffée »)

contenu détérioré

8

animal entier

dénomination simple

 

9

partie d'animal bouche

caractère agressif sans action

 

10

géographie

action simple impliquant kob

 

11

réponse sexuelle

dénomination simple

sexe masculin

12

réponse sexuelle

dénomination simple

sexe féminin

13

tête d'animal

dénomination simple

 

14

têtes humaines

dénomination simple

féminins

15

partie d'humain

dénomination simple

féminin + réponse
sexuelle

16

animaux entiers

dénomination simple

 

17

abstraction

dénomination simple

 

18

abstraction

dénomination simple

 

19

partie d'humain

dénomination simple

féminin + réponse sexuelle

20

anatomie viscère

dénomination simple

féminin

21

tête humaine

dénomination simple

masculin

D/ Grille de représentation de soi d'Amel

Réponse

Contenus

Analyse de l'image
corporelle de la
représentation de soi

Actions

Analyse du mode de relation à
l'objet

Facteurs spécifiant
l'identité sexuelle et le
caractère de
différenciation
soi/non-soi.

1

animal entier

dénomination simple

 

2

humains entiers

action bilatérale neutre et faible

/

3

anatomie sang

dénomination simple

 

4

animal entier

dénomination simple

 

5

animal entier

dénomination simple

 

6

élément naturel

dénomination simple

 

7

humains entiers

dénomination simple

/

8

animaux entiers

dénomination simple

 

9

botanique

dénomination simple

 

10

animaux entiers

dénomination simple

 

11

abstraction

dénomination simple

 

Réponse

Contenus

Analyse de l'image
corporelle de la
représentation de soi

Actions

Analyse du mode de relation à
l'objet

Facteurs spécifiant
l'identité sexuelle et le
caractère de
différenciation
soi/non-soi.

1

animal entier

dénomination simple

 

2

partie d'humain

dénomination simple

 

3

animaux entiers

interaction réciproque positive

 

4

humains entiers

action bilatérale neutre

bisexués

5

animal irréel chargé de
toute puissance

caractère agressif sans action
(« pinces »)

 

6

animal entier

action simple impliquant kan

petite tendance
contenu détérioré
(mal formé)

7

éléments naturels

dénomination simple

 

8

animal entier

dénomination simple

 

9

géographie

dénomination simple

 

10

animaux entiers

dénomination simple

 

11

animaux entiers

dénomination simple

 

12

botanique

action subie (« arbres coupés »)

 

13

abstraction

dénomination simple

 

14

objet représentant
l'humain

dénomination simple

 

Réponse

Contenus

Analyse de l'image
corporelle de la
représentation de soi

Actions

Analyse du mode de relation à
l'objet

Facteurs spécifiant
l'identité sexuelle et le
caractère de
différenciation
soi/non-soi.

1

Objet représentant
l'humain (masque)

dénomination simple

 

2

animal entier

dénomination simple

 

3

animal entier

dénomination simple

 

4

objet à moteur

action impliquant kob

 

5

anatomie osseuse

dénomination simple

 

6

anatomie osseuse
animale

dénomination simple

 

7

vêtement

dénomination simple

 

8

humain irréel

dénomination simple

 

9

animal entier

dénomination simple

 

10

objet à moteur

action impliquant kob

 

11

animal entier

dénomination simple

 

12

animaux entiers

action bilatérale neutre

 

13

animal entier

dénomination simple

 

14

botanique

dénomination simple

 

15

élément naturel

interaction actif/passif
agressive

 

16

géographie

dénomination simple

 

17

tête humaine

dénomination simple

 

6/ ANALYSE STATISTIQUE DES VALEURS MOYENNES :

A/ Statistiques descriptives :

 

Leïla

Sabrina

Narjis

Amel

Mina

Fatiha

Moyenne

Ecart-type

G%

38,5

55,5

23,8

72,7

50

52,9

48,9

16,52

D%

46,1

38,9

66,7

27,3

50

35,3

44

13,68

Dd%

7,7

0

9,5

0

0

0

2,9

4,48

Dbl%

7,7

5,5

0

0

0

11,8

4,2

4,99

F%

38,5

50

57,1

45,4

42,8

58,8

48,8

8,05

F+%

90

88,9

75

90

66,7

65

79,3

11,86

K

1

1

1

1

1

0

0,84

0,63

RC%

38,5

38,9

33,3

36,4

28,6

35,3

35,2

3,83

A%

53,8

27,8

28,6

45,4

50

35,3

40,1

11,14

H%

15,4

27,8

33,3

18,2

14,3

11,8

20,1

8,50

R

13

18

21

11

14

17

15,7

3,67

Ban%

38,5

22,2

23,8

36,4

28,6

23,5

28,8

7,05

Ind.
Ang.

7,7

11,1

38,1

9

7,1

17,6

15,1

11,89

B/ Test t de Student :

Les valeurs sont analysés selon la table de t au risque á = 5% pour un degré de liberté = 5. tT = 2,571. m = moyenne des sujet ; jl = norme.

facteur

hypothèse

tc

significativité de
la différence

seuil de
significativité

G%

m>t

0,5906

non significative

-

D%

m<j.t

- 0,4774

non significative

-

Dd%

m<j.t

- 0,4647

non significative

-

Dbl%

m>t

0,0981

non significative

-

F%

m<j.t

- 0,3144

non significative

-

F+%

m<j.t

- 0,1962

non significative

-

K

m<j.t

- 3,3437

significative

p<0,05

RC%

m = j.t

0,0532

-

-

A%

m = j.t

- 0,0879

-

-

H%

m=j.t

0,0551

-

-

R

m<j.t

- 1,3126

non significative

-

Ban%

m>t

0,7412

non significative

-

Ang%

m>t

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Résumé : En regard de la situation actuelle en France, cette recherche a pour objet la structuration psychique des jeunes adultes de la seconde génération de l'immigration. Elle pose la question de la présence d'une vulnérabilité psychologique chez six jeunes femmes d'origine Maghrébine. Afin d'y répondre, nous avons utilisé le test de Rorschach ; l'étude des protocoles est axée sur les manifestations de l'angoisse, les mécanismes de défense, la représentation de soi et une analyse comparative des facteurs principaux du psychogramme en rapport aux normes françaises. A l'issue de cette recherche, nous montrons que cinq de ces sujets présentent effectivement une vulnérabilité psychologique. Il ressort en effet de l'analyse des protocoles de Rorschach qu'elles font globalement preuve d'un seuil de tolérance à l'angoisse relativement bas, d'un système défensif coûteux, d'une représentation de soi perturbée. Les psychogrammes présentent aussi des variations communes. Ainsi, cette étude ouvre la voie à d'autres questions en rapport avec la problématique, telles que la constitution de normes Maghrébine pour le Rorschach, la présence de vulnérabilité psychologique pour des populations d'autres origines culturelles ou l'extension de cette recherche à une population masculine.

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Mots clés : double contexte culturel - vulnérabilité psychologique - Rorschach.

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Summary: Considering the current situation in France, the subject of this research is the psychic structuring of young adult descendants of immigrants. It suggests the presence of a psychological vulnerability among six young women originally from North Africa. In order to reply to it, we have used Rorschach test; examination of protocols is based on displays of anguish, defense mechanisms, self-representation and a comparative analysis of psychogramme main factors with regard to French norms. At the close of this research, we prove that five of the participants show signs of psychological vulnerability. The results of the Rorschach's protocol analysis bring out that they all demonstrate a relatively low tolerance threshold to anguish, costly defenses, and a disturbed self-representation. Psychogrammes show common variations as well. Therefore, this study leads to other questions in relation to this problem like the constitution of North Africa norms for the Rorschach, the presence of psychological vulnerability among populations from various origins or the extension of this research to a male population.

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Keywords: double cultural context - psychological vulnerability - Rorschach.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway