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La construction d'une carrière de fan: étude de cas chez les fans de Mika

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par Christina Chiron
Université Victor Segalen Bordeaux 2 - Licence sociologie 2010
  

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Un lien avec la vie personnelle

Néanmoins, ce besoin de s'échapper du quotidien trouve quelquefois sa source dans un événement douloureux de la vie personnelle, se situant à peu près à la même époque où elles ont découvert Mika. Indirectement, il allait se révéler être celui qui allait davantage les aider à surmonter leur peine, même si ce lien entre l'évènement et Mika n'a pas toujours été repérable sur le moment: « Je m'en suis rendue compte assez tard en fait que mon lien avec Mika et le fait de devenir fan soit lié avec ce qui me soit arrivé. Mais c'est vrai que du coup, c'est très lié. » (Déborah, 23 ans).

Plus qu'un proche et par ses chansons, l'artiste se révèle être un soutien pour traverser les moments de joie comme de peine: « sa joie de vivre correspondait à une période pas facile à vivre et cela m'aidait » (Sylvie, 42 ans). Lucinda (24 ans), s'est d'ailleurs aperçue au fil du temps que la plupart des membres du forum ont tous plus ou moins vécu un moment difficile, et que par conséquent, pense que « c'est aussi un besoin de combler quelque chose. » Elle ajoute d'ailleurs: « J'ai toujours été persuadée que ce qu'on fait (multiples concerts, voyages de dingue, volonté à tout prix de voir Mika, etc) c'est aussi pour combler un manque ou pour ne pas penser à quelque chose de difficile. En discutant avec d'autres fans, on se rend compte que finalement on est tous tombés dans ce "groupe" après un événement douloureux ou à un moment de nos vies où ça n'allait pas trop. Je pensais être la seule, et en fait, en discutant, on a tous eu le coup de coeur à un moment bien précis de notre vie ». Et en effet, dans trois de mes entretiens, cette situation s'est retrouvée. Dans les trois cas, la perte d'un proche, où le travail de deuil était difficile et la période compliquée, a été en partie facilité avec l'arrivée de Mika. Les passages narrés sont d'ailleurs plutôt longs, en témoigne l'entretien de Béatrice (42 ans), qui s'est « rattrapé[e] à lui comme d'autres se raccrochent à la foi », et qui raconte: « j'avais perdu le frère de mon grand père, qui était devenu avec le temps comme un grand père pour moi (c'est compliqué mais en 2 mots : mon grand père est décédé quand j'étais ado et c'est lui qui m'a élevée pendant quelques années, donc très dur pour moi à l'époque et j'ai reporté mon affection sur mon oncle). Et quand cet oncle est décédé en mars 2007, j'ai tout eu à gérer : sa femme est morte un an avant, ils n'avaient pas d'enfant...et ne s'entendaient pas avec le reste de la famille. Du coup j'ai du tout faire (avec l'aide de mon mari) et j'ai eu beaucoup de mal a surmonter tout ça. Et quand Mika est vraiment arrivé dans "ma vie", ça a été comme une libération. Je me souviens d'avoir pleuré sur ''any other world'' comme je crois je ne l'avais jamais fait, et franchement ça m'a libéré. Et pas de bol, ma grand mère décède en septembre 2007, et franchement là j'ai mieux encaissé le coup ». Le vocabulaire utilisé est plutôt fort, puisqu'elle parle d'une libération, et Mika lui a ainsi « permis de [se] me sortir de [son] mon esprit de l'époque ».

Il en va de même pour Déborah (24 ans): « Octobre 2007 était une période très difficile pour moi, donc ce concert m'a transporté dans le monde qu'il me fallait pour m'échapper de tout ça. J'ai en effet perdu très brutalement ma grand-mère dont j'étais extrêmement proche en septembre 2007. Elle est décédée d'une rupture d'anévrisme dans un supermarché de ma ville et le hasard a voulu que je fasse mes courses ici au même moment : j'ai donc vécu tout ça en direct et j'ai dû tout gérer... Bref, j'ai vécu un vrai choc en voyant les pompiers, devoir appeler ma famille... C'était très dur. J'ai commencé à sombrer en dépression (ce qui n'est pas du tout dans ma nature)... jusqu'au concert et ma venue sur le forum. J'ai pu oublier les choses et avoir de nouveaux projets. » Ce fut aussi le cas pour Aurélie: « mon grand père qui était décédé au début de l'année 2007. J'avais besoin de me "changer les idées" ».

Ici, les proches, même s'ils ont constitué un fort soutien, n'ont pas pu entièrement les aider, il leur fallait une aide « extérieure », liée à la musique. La musique se révèle donc être un formidable rempart contre les difficultés - presque au même titre que la religion, comme en a témoigné Béatrice précédemment - créant ainsi un lien particulier entre le fan et l'artiste, où le fan a l'impression d'être compris et entendu. Déborah montre bien ici ce besoin d'avoir quelque chose qui lui appartienne, et qu'elle ait réussi à surmonter cette période difficile, pas seulement avec l'aide des proches, mais aussi grâce indirectement à Mika, et à la rencontre des autres fans sur le forum: « Mais c'est sûr que j'ai eu un vide immense dans ma vie, du jour au lendemain. Ma famille, mes amis ne pouvaient pas le combler car ils étaient déjà là avant. Il me fallait quelque chose d'autre, de différent. Et qui m'appartienne uniquement, que ce soit mon aventure qui me permette de m'aider à avancer.»

Le décalage apporté entre un passage douloureux et la gaité des chansons leur a permis d'avoir un soutien, et de se sortir d'un quotidien parfois difficile. Bien sûr, ces deux exemples ne sont pas significatifs de tous les fans, et pour d'autres, devenir fan de Mika a été uniquement lié à sa musique, sans avoir eu à traverser nécessairement ce genre d'épreuves.

Nous pouvons donc dire ici que la découverte de Mika s'est faite quasiment de la même manière pour les interrogés, qui ont d'abord entendu les chansons à la radio ou ailleurs, et qui ont fini d'être convaincus lorsqu'ils ont vu la prestation scénique de l'artiste. C'est ici que débute la carrière de fan, qui vont vouloir en savoir plus sur lui, et en cherchant davantage d'informations, vont s'inscrire sur le forum, et affirmer définitivement leur statut, et leur identité de fan. De même, certains ont vu en Mika un moyen de se sortir de la réalité, d'apporter un plus dans leur vie, et pour d'autres, une aide précieuse pour surmonter des périodes plus ou moins difficiles.

Petit à petit, l'artiste va s'imposer comme faisant entièrement partie du quotidien des fans, notamment par le biais du forum (nous le verrons en deuxième partie). En effet, Mika va devenir presque un membre de la famille, comme en témoigne Béatrice (42 ans): « c'est bête à dire mais quelque part il fait partie de notre vie ». Lucinda (24 ans) est du même avis: « à force de le côtoyer aussi souvent, il devient presque un proche, il a pris une place très importante dans ma vie. Je crois aussi qu'il fait partie de nos proches maintenant, du coup on espère avoir un peu d'importance à ses yeux, comme il en a pour nous »; Delphine (29 ans): « [c'est] un peu comme s'il faisait partie de l'entourage. Enfin en restant objective car ce n'est évidemment pas le cas, mais vu qu'il prend pas mal de place dans ma vie, c'est un peu ça ... Il fait partie de ma vie mais pas d'une manière physique disons ». L'immersion de Mika dans la vie des individus sera caractérisée par l'écoute des chansons, mais que nous étudierons dans la troisième partie.

A présent, nous allons donc passer à la deuxième partie, qui va davantage porter sur l'affirmation de son identité de fan à travers l'appartenance à une communauté. Nous y verrons que le fan, s'étant distingué de ces proches par cet attachement à Mika, va chercher à entrer en contact avec des semblables, ce qui le rassure sur sa « normalité ». Christian Le Bart parle d'ailleurs de « stratégie de dé-différenciation »20(*). Nous verrons cependant aussi que faire partie d'un groupe n'a pas que des avantages, notamment du fait que cela suppose de perdre une partie de son individualité, en étant assimilé à une masse de fans.

* 20 Le Bart (2000), op. Cit

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