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Mutations financieres et financement de l'économie au Cameroun

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par Dieudonne Desire ELANGA
Universite de Douala Cameroun - DEA 2004
  

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INTRODUCTION GENERALE

Le système financier international a connu au cours de ces trois dernières décennies, d'importantes mutations accélérées notamment par l'essor des technologies de l'information et de la communication, qui ont profondément modifiés les modalités de formulation et de mise en oeuvre des politiques économiques. Ces mutations désignent la profonde évolution des systèmes financiers amorcée dès les années 1970 dans les pays anglo-saxons, les années 1980 pour les pays européens et les années 1990 dans beaucoup de pays émergents (Romey,2004). Il s'agit d'une évolution relative à la conjoncture actuelle qui trouve son explication dans le rétablissement des équilibres macroéconomiques et l'ajustement financier. A cet effet, le passage aux changes flottants à partir de 1973, le changement de contexte macro-économique (chocs et contre chocs énergétiques, ralentissement de la croissance, creusement des déficits publics),ont conduit à partir du début des années 1980, les pouvoirs publics à modifier le cadre institutionnel mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. C'est ainsi que les missions des banques centrales, des banques de second rang, mais aussi des institutions financières internationales se sont modifiées progressivement. Aussi, on est passé dans de nombreux pays, d'un système financier centralisé à un système financier décentralisé. Cette dernière évolution s'est traduite par l'apparition des marchés émergents dans de nombreuses économies en développement .Les pays développés se sont orientés vers l'économie de marché en s'engageant dans la désintermédiation, tandis que les pays en développement parachèvent la libéralisation financière.

Dès lors, il s'est observé dans la sphère financière internationale, deux faits majeurs qui ont particulièrement marqué son évolution.

Il y a, d'une part, la globalisation financière qui s'est accompagnée d'une libéralisation des systèmes financiers nationaux. Cette libéralisation se caractérise par ce qu'il est convenu d'appeler le phénomène des trois « D » : décloisonnement, désintermédiation, dérèglement.

Il y a, d'autre part, l'accélération des innovations financières dont, le développement ne s'est pas effectué partout au même rythme. Les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Angleterre) ont été leaders en la matière avec notamment la création du Nasdaq en 1971, celle des marchés organisés d'options à Chicago en 1973 et à Londres en 1978 (Romey, 2004).Les pays européens ont suivi dans les années 1980, puis les pays émergents dans les années 1990.A l'origine de cette transformation, deux types d'initiatives, l'initiative privée, surtout dans le cas des pays anglo-saxons, avec une accélération sans précédent d'innovations financières introduites le plus souvent par les institutions financières (Silber, 1983)1(*). L'initiative publique a dominé notamment dans les pays européens soucieux de rattraper le retard de leur place financière par rapport aux pays en avance. Progressivement, les marchés financiers se sont développés, les banques ont suivi le même mouvement en formant des conglomérats2(*) financiers multispécialisés. La banque est devenue une industrie et se préoccupe non seulement de sa fonction d'intermédiation, mais aussi de la tenue de ses marges et de son taux de profitabilité Bekolo Ebé (1998). Elle est passée de la banque universelle à la banque éclatée incluant à cet effet la sous traitance.

Aussi, le Cameroun n'a pas été épargné par cette évolution de la structure financière. L'intérêt porté par les autorités de ce pays à modifier le cadre institutionnel mis en place au lendemain des indépendances est apparu clairement au début des années 1990, et motivé par la crise économique qui a frappé les pays de la CEMAC3(*) en général, et le Cameroun en particulier. A cet effet, le système financier camerounais, dont les défaillances ont été révélées en 1987 par la crise économique, a subi de profondes mutations au cours des années récentes. Les marchés financiers étant inexistants, ces mutations ont porté essentiellement sur le système d'intermédiation bancaire. Les autorités publiques ont joué par là un rôle essentiel dans ces changements et cela pour un certain nombre de raisons : la crise économique qui a frappé les pays de la CEMAC en général et le Cameroun en particulier a eu pour conséquence la faillite outre des banques commerciales, mais des institutions financières spécialisées dans le financement à long terme. Il s'en est suivit une détérioration des termes de l'échange provoquant la chute des recettes d'exportations, un important déséquilibre des finances publiques qui augmentaient d'années en année, une dégradation du solde budgétaire primaire en rapport au PIB jusqu'en 1995 tel que l'ont montré (Avom et Gbetnkom, 2003). Ce ratio est passé de -0,4% en 1985 à -6,7% en 1993. Il a été également observé une élévation du ratio dette publique extérieure/ PIB allant de 33,9 en 1985 à 108,0 en 1994, une baisse de la croissance allant de 20,5% en 1985 à -6,7% en 1990 (Banque de France, 1991-1996-1997-1998). Ainsi, pour juguler cette crise, les pouvoirs publics ont mis en place un certain nombre de reformes financières visant à stabiliser et à assainir l'environnement macroéconomique. Ces reformes ont consisté en une redéfinition de la politique monétaire, en une restructuration du système bancaire par le biais des liquidations, de fusions, ou de recapitalisation de certaines banques. Une autre politique générale et non la moindre mise sur pied au début des années 1990, a consacré à n'en point douter la création de la COBAC4(*) dont l'objectif est de contribuer à l'assainissement du système bancaire par un contrôle régulier et une supervision des établissements de crédit.

En effet, les banques camerounaises ne bénéficiant plus des situations de rente, et soumises à une réglementation, ont encore en mémoire la situation de détresse à laquelle leurs actifs ont fait face durant la crise. Ce qui les a poussé à opter pour le rationnement du crédit limitant ainsi les ressources des agents qui en exprimaient le besoin. C'est dans cette optique que le système financier camerounais a connu une mutation importante. Cette mutation s'est traduite par un développement remarquable des institutions de micro-finance, une émergence de nouveaux établissements financiers, une innovation financière quoique faible, une libéralisation du secteur financier et des reformes financières adoptées par les pouvoirs publics.

Bien plus, les besoins de financement se sont révélés de plus en plus importants. L'alternative des banques de développement écartée, celle qui a reçu une grande adhésion a été la mise sur pied d'une bourse de valeur mobilière, dont les activités tardent à démarrer jusqu'ici. C'est ainsi aussi que, sous l'angle monétaire, le marché monétaire a été créé et rendu opérationnel à partir du 1er Juillet 1994. Ces changements se sont opérés dans le cadre de la stabilisation macroéconomique et de l'ajustement financier.

Dès lors, le problème consiste à se demander si au Cameroun les mutations financières ont favorisé une allocation efficiente des ressources au secteur productif. Autrement dit ont-elles dans une certaine mesure contribué à rendre le fonctionnement du système financier efficient quant à la mobilisation de l'épargne nécessaire au financement de l'économie ?

Au demeurant, le problème se ramène aux conséquences des récentes mutations financières sur les circuits de financement de l'économie. De manière subsidiaire, quelles ont été leurs implications en terme de politique économique quant à l'orientation du financement de l'économie ?

Ainsi, l'objectif général de ce travail est d'évaluer la contribution des mutations financières au financement de l'économie camerounaise. Plus spécifiquement, il s'agira de savoir si les mutations financières se sont accompagnées d'une allocation efficiente des ressources financières dans l'économie. C'est en répondant à cette question que nous pouvons poser de nouvelles hypothèses de départ permettant une orientation des futures changements opéres pour stabiliser l'environnement macroéconomique.

Ce travail est d'autant plus digne d'intérêt qu'il apporte une contribution au débat dont fait l'objet actuellement le concept de mondialisation financière.

Dans la littérature existante, l'influence des mutations financières sur les circuits de financement a donné lieu à de nombreux travaux.

Les analyses théoriques sur l'innovation financière ont été faites par Silber (1975). Pour cet auteur, l'innovation financière est à l'origine des transformations du système financier, et deux types d'initiatives peuvent être associées en l'occurrence l'initiative privée et l'initiative publique. Cette innovation financière est comprise comme le produit d'une contrainte exogène qu'il s'agit de contourner. L'idée était déjà présente chez Gurlez et Shaw (1960) pour qui : « Dans toute économie, la structure financière est continuellement remodelée par les efforts des agents économiques pour échapper aux contraintes déjà existantes ». Les analyses de Silber (1975,1983) et Kane (1983,1988) confèrent d'intéressants fondements théoriques aux innovations de contournements, notamment celles introduites par les institutions financières afin de relâcher la contrainte de la réglementation. Kane (1988) va élaborer un schéma de la dynamique innovation réglementation réductible à deux enchaînements :

1) Réglementation ? contournement par l'innovation ? adaptation de la réglementation.

2) Innovation ? adaptation de la réglementation ? contournement par l'innovation.

Cette innovation se développe pour attirer la clientèle en mettant à sa disposition des instruments supposés correspondre à ses besoins. Pour Bourguinat (1992), ce développement constitue une conséquence de la mondialisation des marchés et de la globalisation financière. Il va analyser la finance internationale en insistant sur le fait qu'il existe de nos jours un vaste marché financier international dont, les parties sont étroitement solidaires et interdépendantes. Dans la même optique, Bekolo-Ebe (1998) estime que les économies contemporaines s'engagent au renforcement des interconnexions et à une unification du marché qui s'homogénéise par de-là les Etats-nations.

Par la suite, les études de Sandretto et Tiani (1993), Tamba et Tchamanbe Dine (1995), Bekolo-Ebe (1996), relèvent les changements de la sphère financière sur le plan global en s'interrogeant sur l'origine de la crise et sur l'efficacité des mesures correctives. Pour Bekolo-Ebe (2001) et Joseph (2001), les reformes ont consisté en une redéfinition de la politique monétaire, avec l'adoption de la programmation monétaire, mais aussi en la mise en place d'un cadre prudentiel et en une restructuration du système bancaire, et en la création du marché monétaire. Ce qui permet aux banques secondaires de recourir à la technique de l'open Market pour se refinancer.

Aussi, Hugon (1996) va analyser les innovations financières de la part des institutions officielles. Ces innovations concernent les nouveaux produits, les nouveaux circuits, les nouvelles organisations mais également les nouvelles réglementations, et les changements de politique économique.

Les travaux de Joseph.A (2000) montrent à travers le test de Granger que la sphère financière n'a pas d'influence sur la sphère productive. Les canaux de transmission entre ces deux sphères étant la part de l'épargne collectée par les banques et effectivement allouée aux investissements. Les banques vont donc rationnées. Mais ces travaux ne tiennent pas compte de la finance informelle dont l'influence sur la sphère réelle est indéniable au Cameroun. A cet effet, certaines études ont montré que 49% des activités sont financées par le système informel. Aussi, Eboué (1996) estime que c'est le rationnement bancaire de la demande privée de crédit qui explique le dynamisme de la finance informelle.

De même que le concept de finance informelle a émergé pendant les années 1980, le concept de micro-finance a émergé pendant la décennie suivante. Lelart (2002) élabore les facteurs à la base de l'essor de la micro-finance et pense que l'émergence de la micro-finance est une manifestation de la vitalité de la finance informelle. Dès lors, la finance informelle contribue certes au financement de l'activité économique, en particulier au sein des familles et de micro-entreprises, et elle le fait efficacement. Mais elle n' y contribue que faiblement, pour des montants limités et pour des durées courtes. De nombreuses études Nzemen (1988), Lelart (1989) montrent que les mécanismes informels sont de puissants instruments de mobilisation de l'épargne et de financement d'activité tant formelle qu'informelle. Il n'en demeure pas moins vrai qu'ils font face à des contraintes qui en limitent l'incidence positive. Aussi, le partitionnement des circuits financiers relève du dualisme financier dans les pays en développement, composés d'une part, d'un système informel plus adapté aux structures et aux besoins des populations. D'autre part, d'un système financier formel déconnecté des structures économiques internes.

C'est ainsi aussi que, Lelart (2002) va analyser les conséquences de l'évolution de la finance informelle sur l'évolution des systèmes financiers et trouve qu'il est possible que le système financier ne comporte plus qu'une seule catégorie d'institutions. On serait en présence d'un système unifié. Romey (2004) définit les grands traits de la mutation financière et pense que la globalisation financière et l'accélération des innovations financières en constituent les deux principaux piliers.
Demartini (2004) va quant à lui analyser les conséquences de la mutation financière et trouve qu'en favorisant une allocation des capitaux, la mutation financière a sans doute contribué à rendre le fonctionnement des systèmes bancaires plus efficient. Seulement, ce gain d'efficience s'est opéré au prix d'une instabilité accrue.

Il faut tout de même noter que, depuis les travaux de Goldsmith (1969), il est reconnu qu'il existe un lien entre le taux de croissance à long terme de l'économie et le niveau d'évolution du secteur financier. Seulement, cette hypothèse est galvaudée dans les économies en développement lorsqu'on tient compte des restrictions réglementaires introduites par les politiques gouvernementales. Aussi Guillaumont et Kpodar (2004) relèvent que l'instabilité du développement financier croit avec celui-ci, tout en montrant l'effet favorable du développement financier sur la croissance économique et l'effet défavorable des crises financières.

Les approches théoriques des origines des mutations financières nous permettrons de poser le cadre théorique. Par la suite, nous analyserons les conséquences des mutations financières sur les circuits de financement dans une démarche empirique. Il s'agira d'abord d'évaluer la solidité financière du système bancaire, laquelle s'appréciera à travers le respect des normes prudentielles édictées par la COBAC, les indicateurs de rentabilité et les autres indices de performance. A cet effet, il sera calculé les ratios de solvabilité, de liquidité et les indicateurs de rentabilité. Ensuite, il sera évalué la politique de crédit entre 1972 et 1990 (année qui marque le début des réformes). Les résultats seront donnés sous formes de graphiques et de tableaux explicatifs des évolutions observées. Enfin, il sera évalué la politique de crédit élaborée entre 1990 et 2003. A cet effet, il sera décelé l'évolution des tendances. Or, la connaissance des tendances est essentielle à la politique dès lors que celle-ci tend à s'appuyer sur des prévisions. L'objectif de la politique économique sera dans cette optique d'encourager ou de contrarier les tendances spontanément observées dans l'économie. C'est pourquoi nous tenterons, d'interpréter les évolutions observées et d'en dégager quelques implications.

Par ailleurs, notre étude utilise les données relevées depuis 1972, mais s'étend beaucoup plus sur la période comprise entre 1990 à 2002. Période concentrant à notre avis les récents bouleversements observés sur la sphère financière Camerounaise.

C'est ainsi que ce travail sera organisé en deux parties. Dans la première partie, il sera présenté les fondements théoriques des origines des mutations financières. A ce niveau, nous présenterons au chapitre 1 les origines internationales des mutations financières et, au chapitre 2 les origines internes des mutations financières. Dans la deuxième partie, nous analyserons les conséquences des mutations financières sur les circuits de financement au Cameroun. Ici, le chapitre 1 présentera l'évaluation de l'impact des mutations financières sur le financement de l'économie au Cameroun et, au chapitre 2 il sera analysé les implications de l'évolution des circuits de financement.

* 1 Silber W (1983), « The process of Financial innovation », American Economic Review, mai.

* 2 Le terme conglomérat financier désigne « Tout groupe de sociétés ayant un actionnariat commun et dont les activités exclusives ou prédominantes consistent à fournir des services significatifs dans au moins deux secteurs financiers différents(banques, titres, assurances) »(Scialom,1999,pp40).

* 3 CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale est née en 1994 sous les cendres de l'Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale (UDEAC). Elle est composée de six (06) pays : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad et République Centrafricaine

* 4 COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale, créée le 16 octobre 1990

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