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Jean zay, ministre des beaux arts 1936-1939, étude de cas sur sa politique cinématographique

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par Lisa Saboulard
Université de Toulouse II Le Mirail - Master 1 Histoire Contemporaine 2010
  

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3.3.2) Un assainissement financier

Autre modification du COIC, allant dans le sens des réformes voulues par Jean Zay : le contrôle des recettes envers l'exploitation.

La grande innovation réside dans le contrôle des recettes, déjà imposé en 1939 mais jamais appliqué. Des billets numérotés à l'estampille du COIC sont distribués aux exploitants. Le spectateur est tenu d'en conserver une partie qu'il doit, le cas échéant, présenter aux contrôleurs du COIC, la souche étant gardée par l'exploitant. La mesure, qui vise à normaliser les rentrées fiscales et à faciliter le versement d'un pourcentage à la production. La mesure, tout comme en 1939, est mal accueillie par les directeurs de salle qui, une fois payée la location du film, règnent en maitre sur les recettes. D'autant que toute infraction au contrôle est sanctionnée par une amende pouvant s'élever à 10 000, voire 20 000 francs.

La mesure est heureusement complétée par une réforme fiscale qui facilite la tâche des directeurs de salle et supprime les taxes. Pour rappel, l'ancien système, archaïque et complexe, était leur casse tête quotidien. Jean Zay et son équipe n'ayant pas touché aux taxes, celles-ci sont toujours au nombre de trois : le droit des pauvres de 9,5% qui pesait sur les spectacles depuis 1797, une taxe d'Etat de 2 à 17% et une taxe municipale égale à la moitié de la taxe d'Etat. L'exploitation est désormais soumise à une taxe unique variant de 2 à 25% des recettes selon les villes. Mais la situation se dégrade à partir d'octobre 1942 avec la création d'une taxe de luxe de 18% qui, également appliquée au cinéma, provoque une flambée du prix des places et une baisse de la fréquentation.

Autre loi importante sur le contrôle financier et l'aide à la production : la loi du 3 novembre 1940 prévoit des avances spéciales aux entreprises pour encourager la reprise de l'activité économique. Le Crédit National232(*) est l'un des organismes habilités à distribuer ces financements. La production cinématographique figure, parmi tant d'autres, sur la liste des secteurs pouvant en bénéficier. La décision d'accorder ces financements est prise par un Comité d'attribution des avances composé pour l'essentiel de hauts fonctionnaires et de financiers.

Il faut attendre le 19 mai 1941 pour que soit promulgué le texte qui institue un système d'avances « aux entreprises intéressant l'industrie cinématographique française » et créé dans le même un Comité d'attribution des avances au cinéma.

« Tout le monde est d'accord, je crois, pour souhaiter la création d'un organisme qui mette dans certaines conditions de sécurité et de contrôle, à la disposition des entreprises qui le méritent, des possibilités de financement ».233(*)

C'est chose faite avec la création d'une nouvelle procédure de financement de la production cinématographique qui permet que soient allouées des avances « consenties par l'intermédiaire du Crédit National, dans la limite d'un maximum de cinquante millions de francs pour prélèvement sur les ressources visées à l'article premier de la loi du 3 novembre 1940 relative à l'utilisation sous forme d'avances à certaines entreprises des ressources prévues par le décret du 23 octobre 1939 ». Quand aux garanties de l'avance, on retrouve la notion de nantissement, chère à Jean Zay. Elles consistent en un nantissement de premier rang sur le film234(*) ; en une délégation d'une partie des recettes de films (75%) ; dans le dépôt du négatif et de copie du film dans les blockhaus agréés par le Crédit National -ou la désignation par le producteur d'une caution personnelle, garantissant la bonne fin du film. Quand à la durée de l'avance, il est prévu qu'elle devra être remboursée dans un délai maximum de trois années. Le remboursement est généralement fractionné et s'effectue par délégation d'un pourcentage de recettes.235(*)

Les professionnels du cinéma ne sont que peu représentés, et c'est la puissance publique qui contrôle étroitement les processus de décision avec une prépondérance des critères financiers. La profession ne participe donc pas directement à sa propre institutionnalisation et n'a en fait qu'un rôle consultatif. Le pouvoir régalien et administratif prend toute la place, ce qui correspond bien à la visée explicite de réorganisation du secteur et de contrôle des corporations. Ainsi, les pouvoirs publics se mobilisant directement pour soutenir et réorganiser le secteur du cinéma, le Crédit National a une mission financière visant à favoriser la production cinématographique.

Cependant, cette mise en place des mesures de réorganisation qui étaient prônées depuis de nombreuses années s'effectue au service d'une idéologie et d'un contexte nauséabond.

« C'est un domaine dans lequel nous ne souhaitons pas voir apporter la règlementation brutale et draconienne que, dans certains pays, on a imposée, où le cinéma est devenu un strict instrument de propagande à la disposition du gouvernement ».

Précisa Jean Zay devant la commission Renaitour236(*). C'est pourtant ce à quoi le cinéma contribue sous le régime de Vichy. Du fait de la mise en place de ce régime particulier, la réorganisation du domaine cinématographique est en conséquence fatalement entachée des ambigüités, des obscurités et des compromissions qui caractérisent la période mais, le cinéma français en sera pourtant durablement marqué

En effet, la transition entre deux époques et deux régimes, dans le domaine cinématographique, est préparée longtemps avant la Libération. Les plans d'une nouvelle politique du cinéma s'élaborent au sein du Comité de Libération du cinéma français. Il s'agit tout d'abord de poser les bases d'une organisation administrative obéissant à des principes démocratiques et comportant un système de concertation permanente avec la profession. Le COIC se transforme d'abord en Office professionnel du cinéma. Puis la loi du 25 octobre 1946 institue le Centre National de la Cinématographie qui préside encore aujourd'hui les destinées du cinéma...

Jean Zay critiquait déjà à son époque « l'éparpillement » des compétences cinématographiques parmi différents ministères et prônait déjà le rassemblement de ses fonctions au sein du ministère de l'Education et des beaux arts.237(*) C'est chose faite seulement au temps de Malraux. Premier acte, le rattachement en 1959 du CNC au ministère de la Culture, précédemment sous la tutelle du ministère de l'Industrie. Par là, il est signifié aux acteurs économiques du secteur que c'est l'orientation culturelle qui prend les commandes.

Deuxième acte, les mécanismes d'aide antérieurs ne sont pas remis en cause, mais complétés par l'instauration de deux grandes mesures qui marquent que l'Etat français considère officiellement le cinéma comme un art et pas simplement comme une industrie du divertissement : la création de l'Avance sur recettes et celle d'un soutien aux salles Art et Essai, qui récompense les films de qualité, autre idée qui était chère à Jean Zay :

« Ce qui est certain, et ça sera ma conclusion, c'est que du point de vue de l'ingéniosité, du talent, du concours des artistes, du point de vue de la valeur des scénarios, des résultats techniques, le cinéma français, contrairement à ce qu'on a parfois dit, dispose des possibilités qui sont loin d'être inférieures à celles des autres nations ».238(*)

* 232 Explication du rôle de celui-ci le chapitre VI de Creton L., Histoire Économique Du Cinéma Français - Production Et Financement (1940-1959), p 149 à 180 l'article « à l'origine de l'inflation du cout des films. L'intervention du Crédit National dans le cinéma français » par François Garçon.

* 233 Jean Zay, Où va le cinéma français p 124.

* 234 Ce qui signifie une cession d'antériorité s'il y a un nantissement antérieur

* 235 Explication plus détaillé du fonctionnement de système dans le Traité théorique et pratique du droit du cinéma français tome II de Lyon-Caen G., Librairie général du droit et de la jurisprudence, Paris, 1950. p 99 et pages suivantes.

* 236 Où va le cinéma français ? p 133.

* 237 « On s'occupe du cinéma au Ministère de l'Education Nationale [ ...], à la Présidence du Conseil, au ministère du Commerce, au ministère de l'économie nationale, au ministère de l'Intérieur, au sous secrétariat des Loisirs [...] on ne s'étonnera pas que si je dis qu'il y a un Ministère qui me parait tout naturellement désigné pour être le Ministère du Cinéma, c'est le Ministère de l'Education Nationale [...] qui doit de façon plus complète centraliser tout ce qui est la vie intellectuelle française. » Où va le cinéma français ? p 119.

* 238 ibid, p 133.

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