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La procréation médicalement assistée

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par Pierre Léon André DIENG
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - DEA en Droit de la Santé 2005
  

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INTRODUCTION

L'actualité du débat de l'infécondité constitue une réalité qui suscite des interrogations. L'infertilité et la stérilité ont déchiré le voile de la procréation naturelle.

Un couple juge que le moment est venu pour lui de mettre au monde un enfant. Mais ce projet est mis en échec par son infécondité.

Les progrès scientifiques et techniques, qui améliorent sans cesse le cadre de vie du genre humain, ne resteront pas insensibles à ce drame cornélien. La médecine et la biologie vont, ainsi, largement contribuer à faire reculer l'apparente irréversibilité de cette situation incommode, grâce à la vague des innovations sans précédent qui se sont développées au cours de ces deux dernières décennies. La Procréation Médicalement Assistée (PMA) constitue l'une des voies offertes aux couples confrontés à la difficile conception d'un enfant.

La puissance de l'écho médiatique de cet évènement nourrit à la fois un mélange de fascinations et de peurs par les fantasmes dont il est porteur.

La PMA peut être entendue comme le projet parental tendant à recourir à l'ensemble des techniques médicales nouvelles existantes en vue de remédier à l'infécondité d'un couple hétérogène en âge de procréer.

Plusieurs acceptions terminologiques ont été confrontées.

Les juristes mettent l'accent sur la formule de « procréation médicalement assistée » constituant l'ensemble des techniques thérapeutiques qui permettent aux couples inféconds de satisfaire leur espoir de donner la vie à un enfant, abstraction faite des motivations personnelles et des curiosités expérimentales médico-scientifiques. Un autre concept a été utilisé. En effet, le terme « procréatique » a été avancé vers 1985, à la suite de la diffusion de nouvelles techniques de reproduction assistée (NTR) avec le don de gamètes, la parenté de substitution. Le terme englobe l'idée selon laquelle les méthodes en question sont susceptibles de transgresser le cadre médical pour répondre à d'autres motivations qui seraient déstabilisatrices de la vie sociale et de l'équilibre psychique des individus.

Il est également fait mention de l'idée d' « obtention » assistée d'enfant. N'est guère innocente non plus l'expression « procréation artificielle » qui met en exergue le caractère marginal par rapport à la norme sociale de la conjonction sexuelle naturelle entre un homme et une femme.

Le législateur français a donné sa préférence à l'appellation d' « assistance médicale à la procréation » en son article L 152-1 du code de la santé publique.

La PMA est donc l'ensemble des pratiques visant à provoquer une grossesse en dehors de tout contact sexuel.

Malgré sa médiatisation exagérée, la PMA n'en est pas moins, en soi, une nouveauté. Élaborée de manière artisanale, elle s'est développée très discrètement dans le milieu de la pratique médicale. A l'origine, la morale sexuelle et religieuse concevait mal qu'un tiers, le médecin, puisse intervenir dans l'intimité d'un couple. Pour échapper à la critique, le secret a servi de rempart à l'encontre du contrôle social de la réprobation que suscitent l'insémination artificielle et la fécondation in vitro.

L'insémination artificielle, encore appelée fécondation in vivo, semble avoir été évoquée pour la première fois dans les textes du Talmud du IIe et IIIe siècles avant notre ère. Les premières traces écrites concernant l'application de la technique aux mammifères remontaient au XIVe siècle avec un document arabe de l'an 1322 relatant son utilisation comme arme de guerre par certaines tribus qui inséminaient les juments de l'ennemi avec le liquide séminal des plus mauvais étalons. Quant à la première expérience de congélation-insémination de sperme animal, elle remonte à la seconde moitié du XVIIIe siècle avec les travaux du prêtre italien Lazzarano Spallanzani (1729 - 1799) qui, en 1770 à l'aide d'une seringue tiédie contenant du sperme de chien, féconda une chienne qui mit bas trois chiots bien constitués. Il venait ainsi de pratiquer la première insémination expérimentale sur le chien.

Le premier témoignage fiable de réussite d'une insémination artificielle sur un humain est attribué au médecin anglais John Hunter qui, en 1790, procéda à cet acte sur la femme d'un riche marchand de draps londonien qu'une malformation de la verge1(*) empêchait d'avoir une vie sexuelle satisfaisante.

A la fin du XIXe siècle, en 1886, l'idée de recourir au sperme d'un donneur pour suppléer la défaillance du conjoint n'a fait qu'accroître l'opprobre. Dès lors, l'insémination fut condamnée par une sentence du Saint-office de Rome le 24 mars 1897, et fut confinée à la clandestinité. Ce ne sera pas avant 1945 que l'on rapporte en Grande-Bretagne des cas d'insémination avec donneur. Ce qui motive la réitération d'une seconde condamnation le 29 septembre 1949 lors du 4ème congrès international des médecins catholiques tenu à Rome à la même date.

C'est dans les années 1950, avec les travaux de l'Anglais Parkes et de l'américain Sherman, que s'opère la maîtrise dans l'azote liquide la congélation du sperme humain. Et en France, la première banque de sperme fut créée à Paris en 1972 par le Professeur Netter.

Quant à la fécondation in vitro elle, aussi, a d'abord été mise au point sur l'animal. Après 15 ans d'efforts soutenus, l'équipe formée par le biologiste Edwards et le gynécologue P.C. Steptoe fut récompensée par la naissance de Louise Brown, le 25 juin 1978, à l'Oldham General Hospital en Angleterre qui consacrait la réussite de leur méthode.

Aux États-Unis, le premier enfant conçu in vitro , Elisabeth Carr, voit le jour le 28 décembre 1981.

En France, le premier enfant conçu par FIVETE, (Fécondation in vitro avec transfert d'embryons), Amandine, vit le jour le 24 février 1982 à l'hôpital Antoine Béclère de Clamart, grâce à l'équipe des Professeurs Jacques Testart, biologiste, et René Frydman, obstétricien.

Pour ce qui est de la gestation pour autrui, elle est vieille comme le monde et a longtemps existé sous forme d'entraide féminine (sororat) ou masculine (lévirat) avec la naissance du premier enfant qui sera considéré comme celui du ou de la défunt(e) dans l'espoir de lui permettre d'avoir un héritier et de perpétuer son nom.

Dans la plupart des sociétés, elle fait partie des moeurs. Déjà dans la Rome antique, l'expression « ventrem locare » était utilisée pour désigner le procédé par lequel on sollicitait les services d'une femme féconde pour donner la vie à un enfant pour le compte d'une autre femme qui, elle, était stérile ou qui mettait au monde des enfants mort-nés. Les exemples cités dans la Bible de Sarah avec sa servante Agar2(*), de Rachel avec Bilha3(*) et de Léa avec Zilpa4(*) sont illustratifs de la pratique qui était en cours.

Les familles bourgeoises et fortunées du XIXe siècle ont toujours eu recours à des mères porteuses. Cette pratique a traversé les âges pour réapparaître sous une forme « désexualisée ».

Mais entretemps les valeurs de la société internationale ont changé de sorte que, malgré que cette pratique soit la plus ancienne du monde de toutes les méthodes de procréation assistée, elle suscite de vives réprobations.

Ce rappel historique souligne la difficile gestation de la PMA et les réticences ou les acquiescements développés par l'opinion publique.

Mais progressivement avec l'évolution des moeurs et l'avancée de la science biomédicale et biotechnologique, la pratique a fini par se faire une place reconnue et institutionnalisée. Pour ce faire, les médecins ont dû prendre en considération dans l'exercice de leur art, les objections morales en excluant les demandes de projets parentaux qui heurtent les représentations courantes du moral, du naturel et du licite en matière de procréation.

Actuellement, la PMA est bien introduite dans la presque totalité des pays du monde même si des nuances sont notées quant à sa large publicité ou non.

Les pays occidentaux ont donc fini d'agréger le phénomène comme partie intégrante de leurs habitudes et s'attèlent plutôt à en améliorer la qualité pour réduire les taux d'échec.

Toutefois, l'exception culturelle aidant, l'approche des préoccupations est modulée, plus ou moins, fortement.

Ainsi, les pays comme les États-Unis, la Grande Bretagne, les Pays-Bas et l'Espagne, entre autres, affichent une liberté plus tolérante grâce à une législation très souple. A l'opposé, l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche, la France, entre autres sont très circonspectes et limitent de façon rigoureuse la pratique.

Cette nuance des positions est à l'aune du débat juridique quant à la nécessité ou non de la refonte des législations pour une adéquation avec les engagements internationaux, l'évolution des moeurs, le respect des droits fondamentaux en matière de procréation artificielle post mortem, le désir de procréer des femmes célibataires, ménopausées, le recours à une « mère porteuse » par un homme célibataire ou homosexuel ou un couple homosexuel ou lesbien. Mais également les incidences éthiques, sociales et religieuses qui peuvent en résulter.

Les législations occidentales sont donc tirés entre tenants de la liberté totale et partisans de la défense morale du droit de l'enfant face à l'égoïsme d'un droit à l'enfant.

Quoiqu'il en soit, l'enjeu dans tous ces pays occidentaux est le souci d'avoir un enfant « sain », d'où le recours fréquent au diagnostic pré-implantatoire en vue d'éviter la transmission de maladies héréditaires ou d'éventuels handicaps.

Dans les pays en développement, notamment africains, asiatiques, sud- américains et arabes, la pratique est vécue avec plus de pudeur, de réserve et de circonspection. Si ce n'est alors une insuffisance, voire même une absence de législation. En octobre 1986, l'Académie de Droit musulman de Fiqh, en Arabie Saoudite, a affirmé que seules la fécondation in vitro de l'ovule d'une femme par le spermatozoïde de son mari ou l'inoculation du sperme du mari dans l'utérus de l'épouse sont autorisées. Toute autre méthode serait illégale.

Le Sénégal, pays à forte obédience musulmane, a semble-t-il épousé la même démarche. Ainsi, en l'absence d'une législation nationale, les médecins sénégalais se font leurs propres censeurs : la gestation pour autrui et la participation du tiers donneur ne semblent pas admises. De ce fait, l'insémination artificielle et la fécondation in vitro sont pratiquées depuis 1989 à Dakar au sein des couples hétérogènes maritalement unis5(*).

Le but de la présente étude est de démontrer la réalité bien sénégalaise de la PMA qui consacre l'exigence de profondes mutations des mentalités lesquelles, au demeurant, devenant par ricochet incompatibles avec l'état actuel du droit positif dans tous ses compartiments. L'étude permettra également de relever l'insuffisance et l'inadéquation du système sénégalais et les problèmes soulevés par la pratique et l'environnement de la PMA.

Nous avons imposé une double limite au champ d'application de notre étude. Rien qu'en Occident le sujet n'arrive pas à être épuisé et il serait prétentieux de vouloir encore écrire par rapport à l'Occident où d'éminents devanciers et précurseurs, qui maîtrisent mieux leur environnement, ont déjà posé de solides fondements.

Tout comme nous n'étendrons pas notre étude à d'autres contrées ou régions du monde comme l'Amérique, l'Asie et le Moyen-Orient. Ce serait, assurément, le meilleur moyen de se perdre dans les dédales d'un labyrinthe et d'en ressortir terne sans avoir rien produit de consistant et de pertinent.

Nous éviterons, de cette façon, de rendre notre tâche beaucoup plus ardue et moins laborieuse à la bonne compréhension et lisibilité de tout lecteur intéressé. La PMA, indéniablement, suscite des interrogations captieuses dont la plus essentielle consiste à savoir comment le droit appréhende la pratique depuis le début de son processus en passant par les questions de sa licéité, du respect de l'ordre public et des bonnes moeurs, du respect des règles de l'indisponibilité du corps humain, de l'état des personnes, l'exercice déontologique de l'activité et de la recherche médicale, la préservation des valeurs culturelles, le statut et la filiation de l'enfant.

En plus, les questionnements qui se posent consistent également à savoir s'il est légitime de provoquer la conception d'enfants au moyen des procréations artificielles faisant recours à des donneurs de gamètes étrangers au couple ? de priver l'enfant de son identité biologique ? De provoquer délibérément ce dédoublement de la parenté ? L'intérêt de l'enfant a-t-il été pris en compte par le droit et la pratique ? Est-il socialement acceptable de faire des enfants qu'on ne verra et ne connaîtra jamais? Quand on fait un enfant est-ce pour soi-même ou pour lui ? L'enfant est-il une personne ou l'objet d'un droit subjectif ? Est-ce qu'un couple ou une personne célibataire, homosexuelle ou âgée peut exiger de la société ou du médecin l' « obtention » d'un enfant comme s'il s'agit pour lui de réclamer un droit fondamental constitutionnalisé dit « droit à l'enfant » ? Que veut-on signifier quand on affirme que la personne possède une dignité ? En raison de quel titre les hommes ne peuvent-ils pas être employés comme de simples matériaux d'expérimentations ? Le droit doit-il adhérer à toutes les manipulations (eugénisme, clonage, diagnostic pré-implantatoire) ? Tout ce qui est scientifique est-il possible et souhaitable ? Science ou scientisme ? Est-il permis de modifier les notions juridiques de « père », « mère » et « enfant » fondées sur le sang sans, en même temps, affaiblir la « famille de sang » dite naturelle ?

Au Sénégal, la PMA semble ne pas concevoir l'intervention d'un tiers.

Telle est la somme des pensées affichées et servies à l'opinion publique. Toutefois, en l'absence de législation, le doute légitime peut effleurer le bon sens lorsque la stérilité résulte du mari. Dès lors, la médecine sénégalaise va-t-elle continuer à se réfugier derrière le tabou religieux pour ne pas donner suite à la sollicitation d'un couple marié ? A-t-elle le droit de privilégier certains couples au détriment d'autres selon que la cause résulte d'une infertilité de la femme et /ou d'une stérilité du mari ? Ne serait-ce pas bafouer le principe d'égalité des citoyens ?

La foultitude des questionnements atteste du passionnant débat qu'attise notre sujet et donne déjà une avant-première de notre étude.

L'inégalité est dans le nature même et le droit n'a certainement pas pour mission d'assurer une égalité « concrète » entre individus. Tout au plus se doit-il d'exercer son autorité sécuritaire.

L'intérêt est toujours à la mesure de la vive controverse soulevée et toujours sous les feux de la rampe de l'actualité quant à l'opportunité de légiférer. Certains estiment qu'il serait risqué de légiférer dans un domaine où la science évolue sans cesse. D'autres, qui constituent la majorité, pensent qu'il faut poser un cadre juridique. Il est incontestable que c'est dans les pays développés que le phénomène a plus d'ampleur avec les débats intéressants et la riche production intellectuelle.

Au Sénégal, ce même débat cristallise les tenants et les opposants de la pratique de la PMA. D'aucuns, à l'image de la majorité citoyenne, manifestent une certaine négativité par rapport à toutes ces nouvelles techniques qui remettraient en cause des certitudes que l'on croyait indéfectibles et qui accentueraient l'effritement de la charpente des valeurs socioculturelles déjà suffisamment entamée par d'autres facteurs. Ils refusent cette pratique comme n'épousant pas nos moeurs. Ils estiment également que ce sont des dérives hors nature. En plus, ils invoquent volontiers les risques de réification marchande du corps humain à grande échelle, voire même favoriser l'implosion d'un vaste réseau de trafic de produits du corps humain dans un continent où la pauvreté est la chose la mieux partagée.

Ils avancent, enfin, que la valeur du corps humain serait réduite à sa plus simple expression du fait d'une industrialisation rentière de structures à vocation expérimentale en Afrique où la législation est plus poreuse ou inexistante.

Sous une autre appréciation, les partisans de la PMA défendent la réputation des couples infertiles ou stériles face aux quolibets et médisances en tous genres lorsque aucun enfant ne vient consolider le foyer. De plus pour les parties intéressées à la PMA, c'est la meilleure garantie au secret de leur situation et un semblant médiatique de faire croire à tous la capacité procréatrice des deux partenaires.

Pour le conjoint qui a du mal à contribuer à la conception ou qui ne le peut pas, c'est son honneur et sa dignité qui seront préservés et qui ne seront pas jetés au discrédit et à la curiosité publique de l'entourage élargi. Par ailleurs, ils auront la certitude que l'enfant est bien issu de leur sang.

Le sujet intéresse également le juge qui, en l'absence même de règle de loi, est tenu quand même de se prononcer pour ne pas tomber sous le coup du déni de justice. L'intérêt double pour le législateur sénégalais est soit de défendre les spécificités individuelles, de laisser libre cours l'exercice médical, soit de subir les protestations des conservateurs qui l'indexeront de libertinage, au cas où il apporte sa caution à ce nouveau phénomène de société. L'interdiction de la pratique ou celle de sa prise en charge publique constituent également autant de dilemmes pour l'État sénégalais. Quoiqu'il advienne les intérêts sont multiples selon les positions affichées.

Ce qui nous conduit à étudier, dans un premier temps, la résurgence des enjeux de la PMA (1ère partie) et, dans un deuxième temps, l'organisation juridique de la PMA (2ème partie).

Notre méthode de travail consistera à une telle option qui se justifie, dans le premier syllogisme par l'existence de justifications avancées par les praticiens de la science et de la médecine et les premières prémisses des implications prédictives que la pratique soulèvent au sein de la société.

De cette première approche de la récurrente réalité de la PMA, il sera, dès lors, aisé, à la lumière de la réflexion puisée des différentes argumentations, de déterminer l'impact prévisible de bouleversements juridiques lesquels se situent, en premier lieu, au niveau de la doctrine où l'on a perçu les clivages de la critique avant que leurs débats ne suscitent, en deuxième lieu, des incidences sur l'ordonnancement juridique.

De cette démarche progressive permettant ainsi d'identifier toutes les situations et les applications de la PMA, notre deuxième syllogisme s'explique, à la suite de ce qui précède, de l'obligation dévolue au législateur d'organiser toute activité dans la cité en vue de préserver la cohésion sociale. C'est donc tout le sens du passage en revue de l'encadrement normatif de la PMA. Mais puisque toute oeuvre humaine n'est jamais parfaite, il y a lieu de tirer les enseignements découlant de la régulation normative. De cette mise à nu de l'incohérence et de l'insuffisance de la portée du système normatif en vigueur, il apparaît nécessaire de procéder à la formulation de nouveaux référentiels à la réglementation laquelle est une nécessité salutaire aux fins de son amélioration et de sa crédibilité.

PREMIERE PARTIE - LA RESURGENCE DES ENJEUX

DE LA PMA

La PMA, par son introduction de plus en plus prégnante dans la vie intime des couples, est parvenue à s'imposer comme un phénomène de société plus que nécessaire confortant ainsi l'idée de la récurrente réalité du débat de son existence (TITRE I). Celle-ci, au demeurant, ne se fera pas sans impact prévisible sur les bouleversements juridiques (TITRE II).

TITRE I - LA RECURRENTE REALITE DE LA PMA

Elle puise son paradoxe dans les racines des justifications biomédicales avancées par les praticiens de la science et de la médecine (Chapitre I) et des premières prémisses des implications prédictives que la pratique n'a pas manqué de soulever au sein de la société (Chapitre II).

CHAPITRE I - LES JUSTIFICATIONS BIOMEDICALES

AVANCEES

Dans le souci de justifier leur activité en la matière, les praticiens ont noté l'existence de postulats servant de fondement à l'implantation de la PMA (Section I) et à la suite desquels ils en ont tiré une série d'espoirs permis par le recours à cette pratique médicalement assistée (Section II).

SECTION I - LES POSTULATS A L'IMPLANTATION DE LA PMA

A l'appui de leurs développements, les praticiens précisent souvent que l'implantation de la PMA reste motivée par le bilan du diagnostic médical effectué sur les patients (Paragraphe 1) et par l'existence de moyens médicaux de procréation artificielle (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Le bilan du diagnostic médical

Il peut résulter dans la plupart des cas que la lecture du bilan médical révèle des obstacles à la procréation naturelle (A) d'où la nécessaire intervention des praticiens (B).

A / - Les obstacles à la procréation naturelle

La première difficulté de la procréation naturelle demeure le choix terminologique entre les notions d'infertilité ou de stérilité pathologiques (1) et la seconde difficulté a pour pendant l'inefficience mitigée des traitements classiques (2).

1°/ - Les notions d'infertilité et de stérilité pathologiques

Il serait préférable d'éviter l'amalgame, la confusion, voire même la vaine redite en optant pour la formulation de constat d'une infécondation féminine (a) ou d'un dysfonctionnement masculin (b). Ceci permettrait une meilleure compréhension du phénomène des difficultés de la procréation naturelle.

a / Le constat d'une infécondation féminine

Les causes de stérilité et d'infertilité chez la femme sont multiples et d'origines très diverses. La femme fait l'objet d'une investigation par une série d'examens et de prélèvements destinés à vérifier si les sécrétions vaginales ne contiennent pas des bactéries susceptibles de nuire à la conception. On vérifie également la possible perméabilité des gamètes, c'est-à-dire si la circulation des ovules et des spermatozoïdes dans les trompes est faisable car la perméabilité des trompes de Fallope est essentielle au processus de fécondation. Dans le même ordre d'idées, une exploration est réalisée pour certifier ou non de la période de fécondité grâce à la courbe de température qui est capitale pour connaître les temps d'ovulation de la femme. La température se prend par la bouche (voie buccale) ou par le vagin (voie vaginale), voire même par le rectum (voie rectale) tous les matins au réveil, avant le lever afin de juger de l'existence, de la date et de la qualité de l'ovulation. Ainsi à la phase d'avant ovulation, la température se situe en général au-dessous de 36.7° C. Au fur et à mesure que l'on approche de l'ovulation, on note une diminution progressive de cette température et au moment de l'ovulation, elle est au-dessus de 36.7° C.

Toutefois, les principales causes d'infécondité féminine peuvent résulter de raisons vulvaires, ovaires, vaginales, utérines et cervicales. A titre de quelques exemples illustratifs, à défaut de pouvoir tous les citer, nous pouvons relever que ces causes soit sont anatomiques (persistance anormale de l'hymen qui obstrue l'orifice vaginal chez la femme vierge ; petites tumeurs bénignes dans l'utérus ou dans le col faisant des saillies qui ne sont enlevées que par une intervention chirurgicale ; rétrécissement anormal du canal du col, stérilité des trompes ou des ovaires décelée par une radiographie ou une échographie, etc.), soit elles sont fonctionnelles (le vaginisme caractérisé par une contraction involontaire des muscles qui entourent la vulve et le vagin rendant toute pénétration impossible ; l'étroitesse ou le poids de la femme rendant forcément le rapport sexuel incomplet, etc.). Par ailleurs des antécédents obstétricaux, gynécologiques ou sexuels (infections sexuelles) peuvent être la résultante de l'infécondation telles que aussi les fausses couches spontanées, les avortements clandestins, l'excessive médicamentalisation, etc.

Tout comme la femme, l'homme peut également être victime d'un dysfonctionnement de son appareil reproducteur.

b / La présence d'un dysfonctionnement masculin

Jusqu'à nos jours, les hommes ont du mal à admettre qu'ils peuvent être la cause de l'infécondité de leur couple, surtout lorsque leur comportement sexuel est plus que satisfaisant. C'est donc en toute bonne foi qu'ils indexent leur partenaire féminin et ne mettent pas en doute leur propre fertilité. Les choses ont changé et des progrès ont été faits dans l'exploration des dysfonctionnements sexuels des organes reproducteurs de l'homme. Ainsi devant un couple infécond, l'homme est dirigé vers un andrologue, c'est-à-dire un médecin endocrinologue spécialisé en infertilité masculine qui va procéder à l'investigation par l'analyse du sperme. A première vue, il suffit que cette analyse soit faite de façon très scientifique selon des normes rigoureuses. Cette analyse encore appelée spermogramme comporte trois volets relatifs tout d'abord à la concentration (ou numération), c'est-à-dire qu'un sperme doit contenir au moins 40 millions de spermatozoïdes au millimètre cube. Toutefois entre 20 à 40 millions de gamètes masculins, la procréation reste possible. Cependant à moins de 20 millions, il est assez rare qu'un homme puisse procréer. Ensuite, le volet de la motilité, c'est-à-dire au moins 60 % des spermatozoïdes doivent être mobiles. Enfin, le volet de la morphologie, c'est-à-dire l'apparence de 70 % des spermatozoïdes doit être de forme normale, ovale et de bonne grosseur.

Le sperme est recueilli dans un tube appelé éjaculat soit au moyen d'une masturbation, soit (pour des motifs moraux, religieux ou autres opposés à la masturbation) à la suite d'une interruption coïtale volontaire du rapport sexuel. Pour ce faire, quatre jours d'abstinence ou de continence sont exigés du sujet afin de permettre une bonne spermatogenèse, c'est-à-dire la formation du spermatozoïde qui prend environ 72 jours chez l'homme. De ce fait, un seul spermogramme ne suffit pas pour confirmer qu'il y a anomalie et problème de fertilité masculine. Dans certains cas, la stérilité masculine ne fait aucun doute du fait de la non-émission de sperme (aspermie) ou de l'absence totale de spermatozoïdes dans le sperme (azoospermie). Dans d'autre cas, il y a soit des déficiences spermatiques caractérisées par une diminution du nombre (oligospermie) ou de la mobilité (asthénospermie) des spermatozoïdes suivies ou non par un trop fort taux de formes atypiques (tératospermie) lesquelles déficiences représentent les causes les plus fréquentes d'hypofertilités masculines, soit des hypofertilités masculines d'origine immunologique, c'est-à-dire que l'on ne retrouve aucune anomalie du nombre, de la mobilité (encore appelé motilité) ou de la morphologie des spermatozoïdes. D'autres causes peuvent être à la source de ce dysfonctionnement masculin. C'est notamment « la tension psychique (stérilités psychologiques et/ou inexpliquées), l'abus d'alcool et de tabac, les excès alimentaires, l'irrégularité du mode de vie, la vie moderne, les facteurs environnementaux tels les pesticides, les produits nettoyants, le port de sous-vêtements serrés, la présence de substances hormonales dans la chaîne alimentaire (...) »6(*) qui peuvent influer sur la fertilité masculine. A côté de ces raisons probables, on avance la qualité du sperme avec l'âge (on estime qu'après 45 ans la qualité du sperme décroît régulièrement même si, çà et là, on note le pouvoir fécondant de certains hommes atteignant même 70 ans révolus), la prise de médicaments, la fréquence des rapports sexuels, les antécédents familiaux et personnels (les maladies infectieuses, le varicocèle, l'obstruction des canaux, les infections spermatiques, c'est-à-dire une présence de microbes décelés par l'examen de la spermoculture, les anomalies testiculaires, l'impuissance sexuelle, les traitements chimio-thérapeutiques, les variations saisonnières, etc.).

En définitive, l'âge maximal de fertilité, pour l'homme et la femme, se situe aux environs de 25 ans. Après 30 ans, on constate une diminution rapide de la fertilité, tant chez l'homme que chez la femme. Par suite, l'infertilité est définie comme étant une inhabilité à concevoir après des relations sexuelles normales, sans emploi de méthode contraceptive. Elle « est la conséquence d'un défaut de nidation et de développement d'oeuf fécondé »7(*). La stérilité, par contre, est l'incapacité de procréer ou de reproduire. Elle « résulte d'un obstacle à la fécondation (...), ne s'accompagne d'aucun symptôme ou indice et elle n'est révélée que par l'échec des tentatives de procréation »8(*). Une confusion a toujours régné, en effet, entre les notions de stérilité (incapacité totale de procréer) et d'infertilité (difficultés ou délais à concevoir). Ces délais sont, plus ou moins, longs et dépendent notamment de l'usage prolongé des moyens contraceptifs utilisés avant que l'on ne se décide d'avoir un enfant.

Par exemple, une grossesse se déclare en moyenne au bout de 48 mois après l'arrêt de la pilule contraceptive, 24 mois après le retrait du stérilet et 12 mois après le retrait du diaphragme et la non-utilisation du préservatif ou d'un spermicide. Ainsi l'infertilité est généralement diagnostiquée comme stérilité avant même que soient écoulés les douze mois requis en moyenne pour concevoir sans utilisation préalable de contraception. Par ailleurs ni la stérilité ni l'infertilité ne sont définies comme des maladies. La stérilité résulterait de facteurs purement physiologiques, telle que la recrudescence des MST résultant de la libération des moeurs depuis les années 1960, et de troubles psychologiques qualifiés de « manque de volonté » ou de « défaillances coupables de la volonté », expressions qui tentent maladroitement d'expliquer les cas « mystérieux » (inexpliqués) de l'infécondité. L'infertilité serait une sorte de « stérilité voulue » par les femmes et les hommes ayant trop travaillé intellectuellement qui préféraient reporter à plus tard leur potentialité procréatrice, un « onanisme » de désordres libertins ou encore un égoïsme primaire de l'individualisme ou de la crise économique d'une situation sociale instable. L'une des causes de retarder le destin de parentalité se retrouve également dans l'infléchissement des « activités contre-nature », dans la liberté reproductive (IVG, usage de contraceptifs, partenaires sexuels multiples). Toutes choses qui conduisent la nature a, inexorablement, posé ses limites. Ce qui oblige, quasi-inéluctablement, de telles personnes à changer d'avis et décider finalement, trop tard, d'avoir des enfants.

Toutefois, il serait réducteur de croire que seules l'infertilité et la stérilité pathologiques seraient les uniques obstacles à la procréation naturelle. Une autre explication peut être retenue relativement à l'inefficience mitigée des traitements classiques.

2°/ - L'inefficience mitigée des traitements classiques

Devant les difficultés liées à la procréation naturelle, les couples, en désespoir, vont recourir à la pharmacie qui va se déclarer parfois impuissante (a) et à la tradithérapie qui, elle aussi souvent, semble être inopérante (b).

a / L'impuissance de la solution médicamenteuse

Nous avions déjà avancé dans nos propos que la consommation en médicaments peut être envisagée comme l'une des causes de la stérilité et de l'infertilité.

En effet en ce qui concerne les traitements médicamenteux, les traitements chimio- et radiothérapiques, on recherchera toujours que lors de la prise d'un traitement au long cours, certains médicaments ont été incriminés dans la survenance des altérations spermatiques. Les cellules germinales sont extrêmement sensibles à ces traitements entraînant une azoospermie irréversible. Tout comme les traitements des dysfonctionnements ovariens, la prise exagérée de pilules sont autant de facteurs qui atténuent l'efficacité de la solution médicamenteuse pour venir à bout de certaines stérilités réputées inexpliquées.

Quoiqu'il advienne face à une infécondité persistante, la prise de « pilules du lendemain » tel le Viagra n'est pas synonyme de fertilité et leur abus conduit souvent à des complications définitives si ce n'est tout bonnement vers une mort certaine. De plus, il peut arriver qu'un traitement à base de médicaments puisse porter temporellement des résultats. Mais à la longue, si pour chaque enfant souhaité, il faut encore solliciter leur apport, l'organisme risque de ne plus répondre à ces produits artificiels.

L'impuissance des médicaments est à la mesure également de l'inopérabilité de la tradithérapie.

b / L'inopérabilité de la tradithérapie

La médecine traditionnelle dite tradithérapie, encore appelée pharmacopée, suscite un complexe de méfiance même si certains considèrent que, bien avant l'invasion arabe et la pénétration coloniale occidentale, elle faisait les beaux jours de tous les pays en développement aujourd'hui. On avance même qu'aucun peuple ne peut exister sur terre sans avoir développé les moyens qui lui permettent de perpétuer sa race, son identité, notamment des soins sanitaires qui lui sont spécifiques d'où la critique adressée à ceux qui ne lui reconnaissent aucune crédibilité. Cela nous amène donc à considérer la capacité opérationnelle de la médecine traditionnelle dans un contexte hostile fait de nouveautés, de technologies et de finesse dans la modernité de l'art médical. Ainsi, le premier problème de l'inopérabilité de la pharmacopée se situe dans son acceptabilité au niveau des praticiens qui ne lui reconnaissent pas une préséance dans l'art médical. Son acceptabilité reste aussi débattue dans certaines couches des populations qui rechignent à lui donner crédit. C'est justement à ce propos que tout récemment, face à des pages publicitaires diffusées dans les médias par le canal des radios et journaux privés de plusieurs guérisseurs venus du Nigeria qui estiment pouvoir soigner toutes les maladies, y compris la plus tristement célèbre parmi elles (le SIDA), les autorités sanitaires et politiques du Sénégal ont dû monter au créneau pour réactualiser leur mission de police administrative, de sécurité et d'alerte pour le respect de l'ordre public et des bonnes moeurs. Ce qui a, indubitativement, poussé l'organisation tradipraticienne sénégalaise à exiger que le projet de loi portant réglementation de leur art soit définitivement voté et adopté. En effet, le vote d'une telle loi rendrait plus opérationnelle la tradithérapie et permettrait de vérifier la réalité des prétentions de soins face à l'infertilité et la stérilité dans les ménages.

Les obstacles à la procréation naturelle ont conduit les praticiens à intervenir dans la vie des couples qui se sont, tout naturellement, tournés vers eux.

B / - La nécessaire intervention des praticiens

La médecine a pour devoir primordial d'assister les patients qui la requièrent en concours (1°) et le spécialiste a souscrit une clause de conscience (2°) qui lui permet de conseiller, d'informer son client (3°).

1°/ - Le devoir d'assistance du professionnel

Les codes internationaux portant sur la pratique médicale, comme le serment d'Hippocrate, recèlent des dispositions donnant injonction aux corps médical et paramédical de veiller à apporter leur concours, leur connaissance et leur savoir aux services des patients.

Restant fidèle à ces principes, l'État du Sénégal a institué le code de Déontologie médicale (loi n° 67-147 du 10 février 1967). Ainsi, l'art. 5 dudit code dispose que tout médecin, quelle que soit sa fonction ou sa spécialité, doit porter secours à une personne en détresse. L'art. 25 précise, à son tour, que le médecin assure personnellement ou avec l'aide de tiers qualifiés tous les soins médicaux en son pouvoir. Toutefois, c'est l'art. 26 qui ouvre une possible permissivité à la pratique de la PMA. Cet article autorise le médecin à faire appel à toutes les méthodes scientifiques les plus appropriées pour élaborer un diagnostic, formuler une thérapeutique (laissée à sa libre appréciation) et s'efforcer d'obtenir l'exécution du traitement.

De ce fait, le médecin est tenu de ne point « négliger son devoir d'assistance morale ». Il en est de même pour la clause de conscience.

2°/ - La clause de conscience du spécialiste

Suivant l'art. 3 du même code, le praticien doit soigner avec la même conscience tous les malades quelles que soient les opinions, leur condition, leur nationalité, leur religion, leur réputation et les sentiments qu'ils lui inspirent.

Autrement dit, le médecin ne peut se réfugier derrière une objection de conscience pour se soustraire à son devoir de porter assistance et secours lorsqu'il est sollicité. Le médecin reste tenu par une obligation de réserve vis-à-vis des opinions et attitudes qu'il aurait réprouvées en d'autres circonstances. Sa conscience doit être « aveugle », « stérile », « sans état d'âme » face aux aspirations du patient, à la condition que celles-ci ne soient pas en conflit avec l'éthique et la déontologie de la profession médicale. Quid de l'étape obligatoire du counselling.

3°/ - L'étape obligatoire du counselling

Le médecin est tenu d'informer, d'éduquer et de communiquer avec le couple qui le sollicite en mettant à sa disposition tous les renseignements éclairés, les possibilités de surmonter les obstacles de l'infécondité, les étapes et les formalités à respecter pour prétendre à un suivi médical aboutissant au recours aux techniques de la PMA. Le médecin se donne comme objectif de polariser toute son énergie à atténuer l'anxiété et la confusion des sentiments de culpabilité du couple. La crise que vit l'individu et le couple peuvent entraîner des difficultés sexuelles comme la perte du désir, c'est-à-dire d'entretenir l'illusion de rapports sexuels pour rien, des épisodes d'impuissance ou d'anorgasmie. La crise psychologique, la détresse, la dépression, le sentiment de révolte et de colère justifient certaines réactions. Des manifestations de dévalorisation peuvent conduire à prendre pour cible tout environnement ou personne accusés à tort d'être responsables de la non fécondation. Ces passages à vide sont souvent renforcés par la séparation, la répudiation, la crainte d'être abandonné par le partenaire et le persiflage de quelques entourages. Au Sénégal, le législateur a fait de l'infécondité une cause de divorce à la charge du conjoint non tenu pour responsable. (art. 166 CF).

D'un autre côté, le choix de recourir à la PMA fait également l'objet d'une longue et lourde procédure faite de consultations minutieuses, détaillées, précises sur les réelles motivations, la vie, les conditions physiologiques et psychologiques du couple demandeur. C'est à l'aboutissement du bilan du diagnostic médical que les praticiens évoquent, volontiers, l'existence de moyens médicaux de procréation artificielle au bénéfice des couples en difficulté.

Paragraphe 2 - L'existence de moyens médicaux de procréation

artificielle

L'existence de moyens médicaux se conjugue par une prééminence des méthodes principales (A) et par un renfort de procédés complémentaires (B).

A / - La prééminence des méthodes principales

Les méthodes les plus exposées en vue se confondent avec l'insémination artificielle (1) et la fécondation in vitro (2).

1°/ - L'insémination artificielle

Encore appelée fécondation in vivo, elle peut être faite avec le sperme du conjoint (a) ou avec le sperme d'un tiers donneur (b).

a / L'insémination artificielle avec sperme du conjoint

Connue sous l'acronyme IAC, elle consiste à utiliser le sperme du mari ou du concubin, supposé normal, pour l'amener au niveau du col utérin d'une femme féconde ou dans l'utérus en dehors de tout rapport sexuel. Les indications de ce type d'insémination sont dues à des anomalies du sperme ou à des troubles de la fonction coïtale féminine ou masculine tels le vaginisme, les difficultés de l'érection, l'anéjaculation (difficulté ou impossibilité de l'éjaculation), le nombre insuffisant et la mobilité diminuée des spermatozoïdes (oligo-asthénospermie). Ainsi, l'insémination avec le sperme du conjoint a pour but que les gamètes masculins puissent réaliser la fécondation grâce à un moyen instrumental. Enfin, l'IAC est encore appelée insémination homologue. La deuxième variante vise la même finalité.

b / L'insémination artificielle avec sperme du donneur

La technique est encore appelée insémination hétérologue et porte l'acronyme d'IAD. Selon Marième Guèye, « elle est indiquée lorsque la stérilité est d'origine masculine par absence (azoospermie) ou déficience grave (oligo-térato-asthénospermie) des spermatozoïdes, nécessitant ainsi le recours à un don de sperme » et « l'homme doit accepter sa stérilité et renoncer de ce fait à toute parenté biologique »9(*). Elle s'adresse donc aux couples présentant une stérilité masculine définitive. Dans certains cas, des couples non stériles ont recours à elle pour éviter de transmettre des maladies génétiques (hémophilie, diabète, drépanocytose, par exemple au Sénégal) ou une séropositivité VIH (Sida) de l'homme qui risque de contaminer sa conjointe avec une forte probabilité de donner la vie à un enfant contaminé.

La fécondation in vitro vient compléter le recours à l'insémination comme moyen de PMA.

2°/ - La fécondation in vitro

C'est la formation hors de l'organisme maternel d'un embryon à partir d'un ovocyte et d'un spermatozoïde (a). Le principe consiste à stimuler l'ovulation afin d'obtenir un grand nombre d'ovules, à les prélever et à les mettre au contact des spermatozoïdes préparés en laboratoire au bout de 48 H à 72 H et à replacer les embryons ainsi obtenus dans la cavité utérine de la femme (b).

a / La fécondation in vitro stricto sensu

La FIV, suivant son acronyme, consiste à la rencontre suivie de fusion entre un ovocyte et un spermatozoïde et nécessite l'absence d'obstacles à tous les étages de l'appareil génital. Elle est utilisée dans le cas où la stérilité serait d'origine féminine. Selon l'auteur Marième Guèye, l'utilisation de cette technique s'explique par « l'absence ou l'obstruction des trompes empêchant la rencontre des gamètes dans les voies naturelles »10(*). Elle vise à une hyperstimulation tendant à obtenir non plus un ou deux ovocytes mais, en moyenne, six à dix follicules matures et même davantage. Certains oeufs fécondés sont, au bout, de deux jours, implantés dans l'utérus.

Voyons, à présent, ce qui fait la spécificité de la seconde variante.

b / La fécondation in vitro avec transfert d'embryons

Plus connue sous l'acronyme FIVETE, le processus est identique à la première variante ci-dessus. Les ovocytes, isolés à partir des liquides folliculaires recueillis, seront placés dans des milieux de culture en paillettes et inséminés avec les spermatozoïdes préparés. Le couple est averti de l'existence ou non d'embryons après deux jours de culture en vue d'effectuer le transfert embryonnaire. La patiente est installée en position gynécologique, les embryons placés dans un appareil sont introduits progressivement sans anesthésie. Suivant toujours, Marième Guèye « les embryons surnuméraires sont congelés en vue de tentatives ultérieures. Ce qui évite, en cas d'échec de la première implantation, de stimuler à nouveau la mère pour obtenir de nouveaux ovocytes »11(*). Ainsi, il est possible par cette pratique de conserver ces embryons pour un éventuel replacement ultérieur, en les congelant. Cette technique de congélation et décongélation, semble-t-il, n'a pas de conséquence délétère sur la qualité génétique de l'oeuf (embryon).

Ces deux méthodes principales sont renforcées par des procédés complémentaires que nous allons voir de façon brève.

B / - Le renfort des procédés complémentaires

De nombreuses autres méthodes dérivant de la FIV et de l'insémination artificielle ont été proposées ; Elles ne sont que très peu utilisées actuellement, souvent du fait de leur lourdeur. Nous ne ferons, ici, que les énumérer :

- Le TET (Tubal Embryo Transfer). C'est le transfert d'un embryon dans une trompe et non pas dans l'utérus ;

- Le TEST12(*). Selon Marième Guèye, cette technique est la même que dans le TET mais cette fois, l'embryon fécondé in vitro est implanté dans la trompe à l'aide d'un instrument dit cathéter passant par la voie vaginale ;

- Le GIFT (Gamètes Intra-Fallopian Transfert). Il consiste à transférer les gamètes directement dans la trompe. Cette méthode optimalise les chances en déposant un grand nombre de gamètes à l'endroit où a lieu la fécondation et évite à ceux-ci et aux éventuels embryons formés de séjourner dans un milieu qui ne leur semble pas toujours très favorable. Il semble qu'elle n'est utilisable que si la femme a des trompes intactes ;

- Le CIV-CIVETE. Suivant Marième Guèye, c'est une variante de la FIV et selon laquelle le vagin est transformé en incubateur. On y glisse un tube contenant dans un milieu de culture, ovocytes et spermatozoïdes. Au bout de deux jours, après recueil du contenu en laboratoire, on insère les embryons obtenus dans l'utérus ;

- Le POST (Preovulatory Ovocyte and Sperm Transfert). Il consiste à déposer dans le fond de la cavité abdominale des ovocytes et des spermatozoïdes. Les mauvais esprits imaginent déjà un scénario, techniquement possible, de l'utiliser pour susciter une grossesse masculine. Cette technique nécessite une perméabilité des trompes. Ce qui implique que seul un embryon de sexe masculin peut être implanté car le foetus féminin risquerait fort de ne pas pouvoir s'y adapter ;

- Le TOAST. D'après Marième Guèye, la technique est similaire au GIFT-TV mais l'ovocyte et le sperme sont placés dans l'utérus en passant par le col ;

- Le TV-GIFT. Celle-ci, à son tour, est semblable au GIFT mais cette fois les gamètes sont conduits dans la trompe par voie vaginale ;

- L'OPT. Il consiste au prélèvement d'un ovule et à son transfert dans l'utérus, puis la fécondation est faite soit naturellement, soit artificiellement ;

- FREDI. C'est une implantation d'un ovule dans une trompe, par voie vaginale, en vue d'une insémination retardée.

D'autres procédés sont également utilisés. C'est le cas notamment du ZIFT (Zygote Intra-Fallopian Transfert) qui se propose de réaliser le transfert de gamètes, de zygotes ou d'embryons par voie basse, c'est-à-dire par le col, la cavité utérine puis les trompes sous contrôle échographique. C'est le cas de l'ICSI appelée micro-injection intra-cytoplasmique qui permet de s'attaquer à certains types de stérilités masculines jusque-là rebelles à tout traitement et ainsi d'éviter de recourir au sperme d'un donneur. Ainsi, le recours à des techniques de micro-injection intramoléculaire est une voie thérapeutique consistant à « soigner » l'infertilité de l'homme. Mais cette technique « peut permettre de choisir le sexe de l'enfant en triant les spermatozoïdes X ou Y »13(*). Or, peut-on admettre une telle sélection en vue de choisir le sexe de son enfant ? Quoiqu'il en soit, la technique consiste à faire entrer par injection un spermatozoïde dans un ovocyte, in vitro, pour le féconder. L'embryon obtenu est ensuite transféré selon la méthode de la FIV.

En apothéose à leur argumentaire de la réalité des postulats à l'implantation, les praticiens certifient que ceux-ci vont permettre à la PMA de susciter de profonds espoirs.

SECTION II - LES ESPOIRS PERMIS PAR LA PMA

Selon les partisans de la PMA, celle-ci assure la concrétisation du projet parental (Paragraphe 1) et consolide le triomphe de la science (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La concrétisation du projet parental

Elle va se faire par un soutien effectif à la manifestation de volonté de procréer (A) et par une prise en compte de la dignité du couple (B).

A / - Le soutien effectif à la manifestation de volonté de procréer

Nous avons déjà développé les finalités de la médecine en rappelant le principe d'assistance imposé aux praticiens, d'une part, par les différents codes internationaux relatifs à la pratique médicale et, d'autre part, par le serment d'Hippocrate et le code sénégalais de déontologie médicale.

Ainsi, le rôle de la médecine, en conformité aux lois du pays et au respect de l'ordre public et des bonnes moeurs, est de prêter une oreille attentive à la sollicitation des couples qui veulent recourir à la PMA en s'appuyant sur toutes les techniques nouvelles médicales suscitées par le progrès scientifique et technologique. Le médecin ne procède alors qu'à l'application du devoir de porter secours avec conscience, d'utiliser avec la plus grande attention tous les moyens et techniques nécessaires à la formulation d'une bonne et judicieuse thérapeutique. Par suite, cette manifestation de volonté de procréer entre en droite ligne avec la garantie et la protection de la famille consacrées par la charte fondamentale de toute nation, en particulier par l'État du Sénégal. Le médecin est ainsi considéré comme un bienfaiteur qui apporte la joie dans un couple et pérennise les liens conjugaux.

Par là, il assure une réelle prise en compte de la dignité du couple.

B / - La prise en compte de la dignité du couple

Il reste malaisé de maintenir l'équilibre optimal d'un couple si l'un des partenaires doit subir soit les regards gênés, soit les regards lourds de reproches de l'autre partenaire, des proches et de curiosités non fondées de tierces personnes.

Dans la société sénégalaise, la maternité et la paternité demeurent des modèles de « normalité » et de réalisation personnelle, et le choix de ne jamais avoir d'enfant reste une exception. Le besoin de confirmer un potentiel de fertilité semble présent chez tous et la privation de cette possibilité provoque une blessure très profonde. D'où le légitime instinct de conservation de garder le secret d'un état d'infécondité. La question du secret est donc ce sceau de la confidentialité qui permet de préserver sa dignité dans une société voyeuriste et de stigmatisation de la vie privée d'autrui. Certains conjoints déclarent même se sentir très à l'aise avec l'idée de garder le secret de la PMA à l'intérieur de leur couple et y voient une occasion supplémentaire d'engagement mutuel profond. D'autres sont plutôt préoccupés par le contexte social actuel, par la crainte de heurter leur milieu familial ou social. Les croyances religieuses des familles et la réprobation possible de l'opinion publique sont autant d'arguments invoqués en faveur de la préservation de la dignité du partenaire défaillant, une prise en compte de l'aspect psychologique de l'infécondité et la sauvegarde de l'intimité des conjoints.

Cette assurance prononcée quant à la pertinence de l'existence de la PMA a conduit les praticiens à y voir un triomphe de la science.

Paragraphe 2 - Le triomphe de la science

Les progrès biomédicaux favorisent la consolidation des crédits alloués à la science (A) et constituent un appui moral à la recherche biomédicale (B) pour les praticiens, défenseurs de la PMA.

A / - La consolidation des crédits alloués à la science

Il ne fait plus de doute que la recherche a besoin de fonds pour poursuivre ses activités en vue de faire reculer plus loin les limites des barrières naturelles. Ainsi la médecine, voire même plus pertinemment la biomédecine ont davantage besoin de soutien et de moyens financiers afin de poursuivre des opérations jusque là privées de résultats concluants. C'est à ce titre qu'il faut convenir que tout n'est pas positif dans les essais et les techniques de la PMA dont on note souvent de fréquents échecs.

Toutefois, compte tenu des avancées remarquables prodiguées par la recherche biomédicale, les praticiens trouvent impérieux de renforcer la maîtrise de leurs techniques et cela doit, implicitement, s'accommoder par l'amélioration des procédés de la PMA laquelle passe, au demeurant, par des facilités d'emprunt, des décaissements et subventions privées et / ou publiques en vue d'atteindre de tels objectifs.

De ce fait, les progrès réalisés par la pratique de la PMA ont motivé l'esprit de mécénat, de philanthropie et de partenariat. C'est pourquoi l'élan de la recherche scientifique est très vivace dans les pays occidentaux qui n'hésitent pas à mettre le prix, aussi exorbitant fût-il, pour encourager toutes les activités y afférentes. Et dans cet ordre d'idées, la coopération inter-États a été dynamisée allant même jusqu'à associer les pays en développement comme le Sénégal qui a vu plusieurs de ses fils être formés en matière de PMA par les plus prestigieux établissements ou instituts occidentaux spécialisés en santé de la reproduction artificielle. Même si le coût pour l'Afrique est l'aménagement par ces firmes et laboratoires européens et américains de marges autorisées pour l'exercice libre d'essais, souvent à risques, qu'ils ne peuvent effectuer sur leur sol.

Cette consolidation des crédits s'accompagne, inéluctablement, par un appui moral à la recherche biomédicale.

B / - L'appui moral à la recherche biomédicale

Il est souvent reproché aux bailleurs et aux États d'apporter ou non un cautionnement appuyé actif aux chercheurs.

Il est, en effet, reproché aux Etats leur rôle passif, voire même leur silence complice, face aux exigeantes puissances financières de quelques firmes spécialisées dans la recherche.

En réalité, les praticiens avancent que l'appui ou la bénédiction des États s'explique par le souci de réduire leurs dépenses sociales de prise en charge sanitaire. Le souci de réduire la couverture sociale passerait par une maîtrise préventive des maladies dans l'intérêt de la santé publique. Ainsi, les découvertes font naître un immense espoir car elles permettent d'envisager des thérapeutiques, de plus en plus, performantes pour venir à terme de l'infécondité.

Par ailleurs, est née l'idée de la génothérapie qui porte sur les cellules de reproduction, mâles ou femelles, ou sur un embryon de quelques cellules afin que toute altération, tare ou dégénérescence ne soit plus transmise de génération en génération dans le patrimoine génétique humain.

Ainsi est né le concept de médecine prédictive. Il vaut mieux prévenir que guérir. Et pour prévenir, il faut prédire.

Tel serait le credo de la science selon les praticiens et pour l'État, de faire pencher autant que possible la balance dans le sens des avantages positifs de la couverture sociale. On peut donc dire, de tout ce qui précède, que les justifications biomédicales ont de la pertinence mais elles ont du répondant et celui-ci apprécie autrement les promesses mirobolantes en invoquant les implications prédictives au sein de la société.

CHAPITRE II - LES IMPLICATIONS PREDICTIVES

AU SEIN DE LA SOCIETE

La PMA ne semble apparemment pas faire la totale unanimité telle que semble le vouloir les praticiens. A ce propos, des contrastes ont été relevés par la bioéthique (Section I) et des problématiques perçues dans le cadre de vie (Section II).

SECTION I  - LES CONTRASTES RELEVES PAR LA BIOETHIQUE

La première critique servie à la PMA est sa défiance procréatique à l'impossibilité naturelle (Paragraphe 1) et la seconde a trait à la nébuleuse autour de la qualification du genre humain (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La défiance procréatique à l'impossibilité naturelle

La science a donné, selon certains, la forme à une dérive appelée scientisme lequel conduit, inexorablement, à des contournements aux limites naturelles infranchissables (A) et à des tendances inavouées à l'eugénisme (B).

A / - Les contournements des limites posées par la nature

Terme forgé en 1985, la procréatique vise toutes les représentations scientistes dont l'objectif essentiel est de susciter des expérimentations et curiosités contre nature.

C'est à ce titre qu'on a pu assister dans le cadre de la biomédecine et / ou de la procréation artificielle à la création inquiétante de chimères et d'hybrides.

En génétique, les chimères sont des individus porteurs de deux génotypes différents. C'est donc un « cocktail », un mélange bizarroïde de l'absurde et de la curiosité vers l'inconnu. C'est l'obtention par injection d'un noyau de cellule humaine dans un ovule d'animal. Toutefois, jusqu'aujourd'hui, cette manipulation avec des produits du corps humain ne parvient pas à résoudre le problème de la non maîtrise effective de l'expérimentation. On peut imaginer légitimement l'effroi que de tels actes ont soulevé dans la mythologie avec ce monstre fabuleux (à la Frankenstein) à tête de lion, corps de chèvre et queue de dragon qui crachait des flammes.

Quant aux hybrides, ce sont des croisements artificiels ou naturels appartenant à des genres, à des espèces ou à des variétés différentes. On peut citer le bardot qui est un croisement de cheval et d'ânesse. Ce sont donc des croisements entre des animaux ou des végétaux ; on peut imaginer des croisements très proches entre l'humain et son « cousin » lointain le singe, il y a qu'un pas que les esprits agités auront la libre démangeaison de franchir sans état d'âme.

Tout comme les modifications du vivant, du fait du pouvoir technocratique, sont celles de l'appropriation, par les structures scientifiques et médicales, de la santé et du corps des individus, lesquelles réduiraient ceux-ci à l'état d'objets utilisables dans un but de notoriété scientifique et médiatique. Le potentiel de l'ingénierie génétique, associé aux possibilités offertes par les technologies recombinantes de l'ADN, a conduit à la manipulation du génome humain à des fins inavouables et à une distinction catégorielle suspecte entre pré-embryon (susceptible de toutes formes et voies expérimentales) et embryon (non susceptible d'expérimentations). De telles dérives peuvent également engendrer cette propension des homosexuels, des célibataires, des ménopausées, etc., à exiger l'application de la PMA en vue d'un prétendu droit à l'homoparentalité, donc à l'homofamille. Enfin, le délai séparant le moment de la découverte scientifique et le moment de l'application à des fins de tests et d'essais est tellement mince et raccourci que l'on craint une précipitation mercantile à des fins exclusives de brevetabilité, donc de propriété industrielle et intellectuelle. Ce qui n'assure pas la garantie des sujets s'adonnant ou ayant recours à la PMA.

Les reproches adressés aux praticiens ne se limitent pas à ces quelques aspects relevés, la critique a également noté des tendances à l'eugénisme.

B / - Les tendances à l'eugénisme

A cet égard, plusieurs tendances ont pu être aussi soulignées relativement à :

1°/ La reconduction des pratiques nazies dénoncées dans le code de Nuremberg. Aujourd'hui, on assiste de plus en plus à l'élimination dans la sélection chromosomique des spermatozoïdes grâce à la micro-injection.

2°/ Cela conduit, indubitablement, à la question de la véritable finalité du diagnostic prénatal qui peut dévier vers un but non prévu et, en principe, non permis de diagnostic pré-implantatoire lequel pousse les couples à refuser une grossesse lorsque des risques handicapants ou des maladies héréditaires ou tares sont décelés à la suite d'une échographie. C'est ce qui a obligé Noëlle Lenoir, première femme à entrer au conseil constitutionnel français et qui a eu à présider le comité international de bioéthique de l'UNESCO, en 1993, à faire une virulente sortie contre l'eugénisme considéré comme « l'une des expressions du racisme fondé sur un pseudo-rationalisme scientifique. Or, il ne saurait appartenir à la science d'améliorer l'espèce humaine, au sens où des hommes auraient une valeur supérieure aux autres. A la folie de la pureté de la race, ne doit pas succéder celle de la pureté des gènes »14(*).

L'annonce chimérique d'un projet visant à conserver le sperme de lauréats du prix Nobel pour fertiliser des femmes d'intelligence supérieure repose, une fois de plus, le débat de la question l'insémination artificielle eugénique. Ces programmes d'eugénique positive soulèvent, aux plans génétique, social et éthique, des problèmes qui méritent beaucoup plus d'attention et de prudence15(*). Ainsi selon les détracteurs de la pratique, la PMA suscite la tentation de choisir le spermatozoïde à implanter en fonction de qualités génétiques et la pratique conduirait directement à l'eugénisme actif.

/ Le clonage humain, faussement thérapeutique du fait de maladies héréditaires toujours prévisibles ou possibles, serait en réalité reproductif et viserait à constituer en théorie pour chaque individu une réserve de plusieurs embryons avec le même patrimoine génétique que le donneur. Même si à ce jour, aucun vrai clone humain n'a officiellement été annoncé ou publié par des équipes de chercheurs, si ce n'est les déclarations intempestives de la secte des Raël, à des fins médiatiques pour réactualiser le débat, mais qui n'ont pas encore la teneur probante.

A ce titre, l'Unesco a adopté en novembre 1997, la « Déclaration Universelle sur le génome humaine et les droits de l'homme », qui stipule que le clonage humain représente « une offense à la dignité humaine ».

/ Tout comme l'acharnement procréatif à vouloir, au prix fort, concevoir un enfant de façon artificielle suscite des interrogations, des critiques qui comprennent mal cette obstination figée à vouloir donner la vie artificielle alors que la population démographique des enfants abandonnés ou miséreux ne cesse de croître et ceux-ci n'attendent qu'une âme bienveillante pour leur adoption.

La réflexion pointue de la bioéthique a également considéré qu'il existe une nébuleuse autour de la qualification du genre humain.

Paragraphe 2 - La nébuleuse autour de la qualification du genre humain

Cette nébuleuse sur la qualification du genre humain a trait à ce qu'il est fréquemment appelé la marchandisation du corps humain (A). Toutefois, si les contrastes relevés s'avèrent pour la plupart d'actualité on s'interroge quant à la valeur qu'il faut donner aux décisions bioéthiciennes (B).

A / - La marchandisation du corps humain

Elle se fait par une réification des gamètes (1), par une disqualification de l'embryon (2), par l'interrogation sur le statut de l'enfant conçu artificiellement (3) et par les déterminants de l'économie de marché dans la PMA (4).

1°/ La réification des gamètes

C'est l'éternel problème du conflit latent entre le droit de la personnalité et le droit de la propriété (a) et celui de l'acceptabilité de la gestation pour autrui (b).

a / Le conflit latent entre le droit de la propriété et le droit de la

personnalité

Il a toujours été affirmé le principe de l'indisponibilité du corps humain lequel n'est pas susceptible de commerce juridique dans le sens d'une marchandisation. Dès lors, il est interdit à toute personne, fut-elle l'intéressée, de passer des contrats sur son corps, ses produits et tissus. Tel est le sens inné du droit de la personnalité qui fait de l'homme non plus le titulaire, le propriétaire de sa personne mais un simple gardien comptable de sa maîtrise et de sa direction. Il ne peut donc aucunement l'aliéner, même pour des motifs nobles. Tout le contraire de l'inverse qui oppose à l'injonction légale de la personnalité juridique, la propriété qu'a l'individu sur ses biens et sa personne. Le corps serait un « bien » particulier sur lequel le propriétaire peut souscrire des actes d'usage, de profit et de disposition. C'est ainsi qu'avec l'essor du génie génétique, il est désormais possible de déposer dans des « banques » des gamètes et des cellules-souches en vue d'une éventuelle utilisation ultérieure. Le problème du stockage de produits humains, comme celui de leur conservation, heurte les sensibilités. D'autant que certaines firmes et certains laboratoires ou instituts considèrent que ces banques d'un genre spécial sont les meilleurs moyens d'assurer la propriété intellectuelle aux chercheurs dont les inventions ont des applications industrielles ou commerciales. Par suite, pour eux, ce droit de propriété, il faut l'envisager comme inné à chaque individu.

Il s'est posé également la question de l'acceptabilité de la gestation pour autrui.

b / La gestation pour autrui

De sérieuses réserves ont été formulées à l'encontre de la gestation pour autrui. On s'est interrogé sur la nécessité de susciter des naissances, en acceptant par avance délibérément la rupture de l'enfant avec sa mère biologique. « Cette manière de répondre au désir d'enfant n'est pas, dans son principe même, susceptible de garantir les intérêts de l'enfant futur (...) », a avancé Nathalie Massager16(*). Nombreux sont ceux qui utilisent la formule sentencieuse du principe de l'indisponibilité du corps humain pour contester le recours à une telle pratique. Le contrat de mère - porteuse dite maternité de substitution est perçue comme une dégradation du corps humain car il laisse des séquelles physiques et psychiques. De plus, la femme appartiendrait (comme esclave) à l'usufruitier ou au nu-propriétaire. Par la pratique, la femme serait un outil de production, une simple matrice fécondante et les risques d'une nouvelle forme d'exploitation et de traite de la femme restent possibles lorsque celle-ci est rémunérée. Les femmes riches, même celles qui ne sont pas stériles mais qui ne désirent pas subir les désagréments liés à la grossesse, vont recourir, moyennant des concessions financières, aux services de femmes indigentes attirées par l'appât du gain qui accepteront de devenir des « couveuses » en faveur d'autres. Cela peut consister soit à ce que la femme « louée » vende un ovule qui sera fécondé par le liquide séminal du conjoint de la solliciteuse, soit par le fait que l'ovule de la femme du couple soit portée par une autre femme.

Dès lors, on assiste à une disqualification de l'embryon.

2°/ La disqualification de l'embryon : simple matière ou foetus

Le débat oppose ceux qui estiment que l'embryon est une simple matière (a) à ceux qui le considèrent comme un foetus (b). De là, il sera plus aisé de convenir du sort à réserver aux embryons surnuméraires (c).

a / L'embryon est une simple matière

C'est à ce stade que la notion préfabriquée de pré-embryon a été proposée. En effet, l'embryon de moins de 14 jours est considéré comme un « préhumain », âge à partir duquel on semble croire qu'il est incapable de souffrance et que toutes les recherches et expérimentations embryonnaires sont autorisées à ce stade. Le but à terme est d'obtenir des embryons qui serviraient d'outils à la science et, en cas de besoin, ces cellules souches embryonnaires humaines seraient mises en culture où elles se multiplieraient indéfiniment.

Les détracteurs refusent cette alchimie arbitraire qui ne repose sur rien de consistant scientifique.

b / L'embryon est un foetus

Le foetus est un être humain qui est à son processus de développement et mérite la considération de son humanité. Il n'est pas permis, dès lors, de s'adonner à des expériences sur un être humain, sans défense dont le consentement n'est pas requis ou impossible à obtenir du fait de son incapacité légale.

A présent, on peut apprécier le sort des embryons surnuméraires.

c / Le sort des embryons surnuméraires

Suivant ce qui précède, on est en mesure d'apprécier le degré d'humanité ou non que l'on rattache à ces embryons en surnombre du fait de leur multiplication en milieux de culture artificielle dans les laboratoires et instituts de recherche.

Ainsi, la bioéthique s'élève contre le peu de respect que l'on manifeste à ces « êtres humains en devenir » que l'on reproduit en congelant et en décongelant à volonté, faisant fi de l'éthique médicale. Par suite le maintien artificiel de la vie de l'embryon ou du foetus en vue de la recherche ou son utilisation commerciale ou industrielle est une forme de dépersonnalisation discourtoise tout comme est source de tensions le statut de l'enfant conçu artificiellement.

3°/ Le statut de l'enfant conçu artificiellement

La naissance d'un enfant est toujours source de joies et de bonheurs. Mais il peut arriver que cette venue au monde soit mitigée. On peut douter du réel bien-être de l'enfant, de son épanouissement dans un tel contexte. Autrement dit, le problème de son insertion sociale risque de se poser dans nos pays africains qui conçoivent très mal une autre forme de procréation. Ce qui poserait une mal perception familiale et sociale touchant même le régime des successions et la part de responsabilité qui pourrait lui être accordée à un âge de maturité (imanat, prêtrise, etc.), toujours en Afrique.

La critique a continué sa réflexion et s'est penchée sur le coût marchand de la PMA.

4°/ Les déterminants de l'économie de marché dans la PMA

Ils s'analysent par l'existence d'un marché des embryons et des gamètes (a), par le coût de la PMA (b) et par les dérivations en cercle que ce marché peut entraîner (c).

a / Le marché des embryons et des gamètes

Nous avons, à plusieurs reprises dans nos développements, fait état d'un véritable monde des affaires autour duquel gravitent des structures marchandes. Quelle que soit leur appellation (firmes, laboratoires, instituts, cliniques ou hôpitaux spécialisés, centres appropriés, etc.), on assiste à la prolifération en Europe et en Amérique de centres de cryoconservation, de banques de gamètes (sperme, ovocytes), de cliniques ou de services accrédités, contrôlés ou non.

Au Sénégal, la clinique des Mamelles (clinique du Cap) et le centre pilote de soins intégrés en santé de la reproduction inauguré le 22 avril 1999 semblent être le fer de lance de l'ancrage de la PMA dans le pays. Ce qui montre au passage la limite à l'accessibilité. Mais, en raison de la mentalité du tabou, rien ne préjuge de l'exercice de la pratique dans des coins reculés du pays, notamment au Nord, à l'Est et au Sud du pays loin de la curiosité et pour une meilleure discrétion.

Quant à un probable système de rémunération du tiers donneur, il semble qu'il ne soit pas agréé dans la plupart des pays qui rappellent leur attachement profond au rejet d'incidences financières. Mais il résulte que si le tiers participant a entendu faire un don de gamètes, à titre de bénévolat, il n'entend nullement que celui-ci devienne un produit commercial et fasse l'objet d'une utilisation industrielle. Donc les profits qu'en tirent les praticiens et les structures sont en contradiction avec l'esprit d'assistance médicale faite de désintéressement. Mais la gratuité ne concerne que le donneur. L'argent n'est nullement éliminé du système. C'est le contribuable qui, en fait de compte, paye le coût de la PMA.

De plus avec les modifications du vivant et du génome humain, les produits humains traités font l'objet d'une opération marchande sans précédent.

Et le coût va ainsi s'en faire ressentir sur le public.

b / Le coût de la PMA

La PMA a un prix exorbitant et pose divers problèmes d'accessibilités. Au vu des progrès techniques et de la technologie de pointe utilisée, en plus de la distribution marchande des gamètes qui demeurent des produits naturels même s'ils peuvent parfois être modifiés, les techniques de la PMA sont excessivement chères et même en temps, en rentabilité des prestations, des frais d'entretien et de fonctionnement des structures, du personnel que les couples doivent subir.

Au Sénégal, il faut « pas moins d'un million de F CFA »17(*).

Ce qui n'est pas à la portée de la majorité de la population qui n'a pas une enveloppe financière si accessible. De plus, il y a également des facteurs d'accessibilité géographique et de communication pour de larges secteurs de la population qui auront du mal à se déplacer jusqu'à Dakar, à plus forte raison qu'ils soient bien informés des programmes de PMA. Ainsi, l'offre n'est pas publique, elle est secrète, elle est coûteuse et discriminatoire (portefeuille des groupes d'intérêts aisés). De plus, la PMA ne fait pas encore l'objet des préoccupations de planification sanitaire. Cette absence de faisabilité politique, légale et organisationnelle fait qu'elle repose exclusivement sur des considérations de coût-bénéfice, coût-efficacité et coût-utilité exprimées en unités monétaires et en effets qualitatifs (qualité). Les facteurs quantité et social sont ignorés.

Quant à la demande, sa faiblesse résulte du manque d'information, du coût et des appréhensions socio-religieuses.

Le problème des tarifications demeure donc une préoccupation car les prix ne s'équilibrent pas d'eux-mêmes selon les mécanismes de l'offre et de la demande et « les spécialistes expliquent que le coût pratiqué, ici et là, est fonction du poids des investissements médicaux et des consommables et autres réactifs utilisés dans ce processus »1(*)8. Le coût des intrants et la dépendance à l'extérieur obligeraient à la discrimination sélective. Mais on estime que la principale raison est que l'économie du marché n'obéit pas aux mêmes règles de COQ (coût d'obtention da la qualité) et de CNQ (coût de non qualité) que les règles de l'économie générale. Car la santé n'est pas un « bien » qui peut être consommé et échangé et c'est un domaine riche en situations de monopoles où l'arbitraire du profit tous azimuts est une tentation si forte en violation manifeste du serment d'Hippocrate.

De telles apparentes contraintes peuvent donner la forme à des dérivations en cercle de toutes sortes.

c / Les dérivations en cercle

Face à une économie de marché aussi exclusive par le coût de la PMA entre 800.000 F CFA et 1 million F CFA, certains marchands d'illusion seront tentés de mettre sur pied de vastes réseaux de trafic à but lucratif dans le but de rendre « accessible » la PMA aux couches africaines les plus défavorisées en exploitant, tant bien que mal, la paupérisation, en promettant des prix bas aux couples désespérés et en offrant une tarification aux tiers participants, si ce n'est parfois en parfaite violation de leur consentement. Tout ceci à l'image du trafic d'organes très actif et à celle de la multiplicité dans les pays occidentaux de systèmes d'assurance dont les propositions de couverture sociale en matière de PMA semblent, plus ou moins, imprécises. En France depuis le 1er juillet 2003, la FIV est prise en charge par l'assurance-maladie, c'est-à-dire que le coût des analyses de laboratoire est pris en charge. Ainsi, la mise en culture de l'ovule, sa fécondation, la conservation et éventuellement la congélation des embryons (...) ne seront donc pas facturés aux patients. Par contre, les frais de prélèvement et d'implantation ne sont pas couverts par ce financement. On peut s'interroger de ce que l'assurance-maladie puisse être étendue à la PMA qui, en principe, résulte des phénomènes de stérilité et d'infertilité lesquels ne constituent pas des cas de maladie.

La riche production des questionnements développés par la bioéthique a conduit à l'appréciation de la valeur de ses décisions.

B / - La valeur des décisions bioéthiciennes

Malgré une participation active à la réflexion sur les enjeux de la PMA et les contributions du code international d'éthique médicale, du comité international de bioéthique ainsi que les déclarations suscitées au plan mondial telles la Déclaration universelle sur le génome humain et des droits de l'homme du 11 novembre 1997, la Déclaration internationale sur les données génétiques humaines du 16 octobre 2003 et la Convention d'Oviedo de 1997 pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine dite Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine, suivie des protocoles additionnels portant interdiction du clonage d'êtres humains (Paris, 1998) et portant sur la transplantation, les décisions bioéthiciennes n'ont de valeur que consultative et ne lient ni les Etats, ni les personnes ou organismes impliqués dans la pratique de la PMA. C'est donc dire que ce sont de simples recommandations ou avis dépourvus de toute force probante et exécutoire. Elles constituent en de simples protestations et récriminations en tous genres, fruits d'autorités et de sommités, plus ou moins, opposées à la PMA. Par suite du constat de leur inefficience, il n'est admis aucune possibilité de sanctions ou mesures coercitives pour rendre effectives les décisions adoptées.

A la suite des remarques apportées par la bioéthique, d'autres problématiques relativement au cadre de vie sociétal ont pu être relevées.

SECTION II - LES PROBLEMATIQUES DANS LE CADRE DE VIE

Elles s'articulent autour des appréhensions sociales qui ont été soulevées par les populations elles-mêmes (paragraphe 1) et des répercussions environnementales que la PMA peut entraîner (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Les appréhensions sociales soulevées

Cette crainte de la PMA est l'essence même des réflexes conservateurs du grand public (A) et du scepticisme religieux (B).

A / - Les réflexes conservateurs du grand public

Le grand public s'oppose à tout dénivellement des normes sociales (1) et manifeste une suspicion légitime dans l'inconnu du savant démiurge (2).

1 °/ L'opposition au dénivellement des normes sociales

La population craint des risques de déperdition du socle socioculturel (a) et une rupture de l'équilibre familial (b).

a / Les risques de déperdition du socle socioculturel

Cette déperdition passerait par une déstructuration des valeurs ancestrales africaines, voire sénégalaises, préétablies qui servent de repères au groupe social et qui ont été posées à la suite d'un accord de vie commune que nous ont légué les précurseurs de nos peuples actuels. C'est dire donc que la PMA est, à maints égards, une violation du contrat social.

Dans le même ordre d'idées, la PMA serait lourde de menaces sur les interdits sociaux qui assuraient l'ordre et la stabilité sociale. Elle remettrait, à coups sûrs, les tabous et les coutumes au rang de pièces d'antiquaire.

Ce qui aurait pour incidence majeure, la rupture de l'équilibre familial.

b / La rupture de l'équilibre familial

La plupart des individus intéressés ressentent comme un malaise moral la pratique de la PMA. Autrement dit, celle-ci est perçue comme une amoralité caractérisée comme une atteinte grave à la nature même de la conception humaine. Elle constitue un acte contre l'origine naturelle de l'être humain, une violation du déroulement naturel de la création d'une vie humaine. La PMA apparaît comme une immixtion intolérable dans le foyer conjugal des époux et est considérée comme un fait injurieux avec la crainte d'une remise en cause des bases mêmes de la société et de sa cellule fondamentale, la famille. Pas plus que les contributions fertilisantes d'un donneur ne sont pas conseillées car des problèmes psychologiques et émotifs peuvent survenir chez certains couples. On refuse ainsi toute dislocation de la cellule familiale naturelle dite biologique. Il vaut mieux encourager le couple à accepter le fait qu'il n'ait pas d'enfants et à en profiter plutôt qu'à persévérer dans une voie qui n'est pas la sienne. Les tenants d'une telle opinion se sont même complus à des questionnements empiriques et métaphysiques, notamment la question des bornes entre ce qui relève de l'humanité et ce qui est de l'animalité. En effet, avec la PMA, on assiste à l'éclatement des notions classiques de « père »et de « mère ». Qu'est-ce qu'un « père » alors ? Une « mère » ? « Un enfant » ? Que devient le rôle du lien du sang dans tout cela ? Qu'est-ce une « généalogie » ? Une « descendance » ?

Toute une somme de doutes qui déclenchent une suspicion légitime dans l'inconnu du savant démiurge.

2°/ La suspicion légitime dans l'inconnu du savant démiurge

Le savant démiurge a toujours été perçu comme celui qui a perdu ses facultés mentales par le seul fait de ses penchants scientistes, disons procréatiques, car il s'est lancé une foultitude de défis hasardeux à relever quel qu'en soit le prix à payer.

Toutefois, les savants d'aujourd'hui jouissent, bel et bien, de toute leur lucidité. Malheureusement, c'est à dessein, que les milieux du médical, de la presse, du politique ne fournissent pas une information claire, suivie et assidue qui permette d'édifier la lanterne des populations livrées à elles-mêmes. Cette situation d'absence ou de déficit d'information est beaucoup plus persistante en Afrique, notamment au Sénégal où la loi de l'Omerta (rétention de l'information, silence coupable et complice) des cercles ésotériques d'initiés et de privilégiés a été érigée tacitement en règle, semblable à l'effet négatif d'un groupe lobbyste de pression. Ce qui n'a pas l'heur de plaire aux groupes religieux qui restent sceptiques pour la plupart d'entre eux.

B / - Le scepticisme religieux

Il se manifeste par la diversité des opinions dans la tradition judéo-chrétienne (1) et par la vision du monde musulman de la PMA (2).

1°/ La diversité des opinions dans la tradition judéo-chrétienne

La diversité recoupe la perception controversée de la pensée juive (a) et le débat dispersé dans l'univers chrétien (b).

a / La perception controversée de la pensée juive

La position de la tradition rabbinique est fort complexe. Il y a, en effet, plusieurs interprétations. Mais toutes insistent sur la primauté de la filiation par la mère qui, seule, transmet la judéité. La pensée juive refuse toute forme ou variante de l'IAD. Ce rejet vise à assurer une double protection : celle de l'enfant issu d'une telle procréation et celle de la société. Mais dans la pratique, il y a un recours manifeste à l'IAD au sein des couples mariés lorsque le mari est frappé de stérilité. Et ce, en dépit de la condamnation du judaïsme qui risque de s'appliquer, a fortiori lorsque l'identité du donneur est connue. Ainsi, la fécondation assistée n'est envisageable dans la conception rabbinique que si elle ne fait intervenir que deux conjoints régulièrement mariés. La PMA, in vivo et in vitro, est donc homologue. Par ailleurs, l'obtention du sperme pose de sérieux problèmes car la pratique de la masturbation et toute éjaculation à perte sont formellement prohibées. Toutefois, elles sont tolérées puisque la finalité du recueil du sperme est le recours à la PMA. L'interdit est quelque peu atténué.

Sous un autre angle, les dons d'ovules, le phénomène des mères porteuses, les transferts d'embryons, la confusion entre spermes de donneurs différents consécutive à des substitutions ou manipulations sont bannies car pouvant conduire à des risques d'inceste et d'anonymat préjudiciables à l'enfant et à la société. Le monde médical se doit de limiter, autant que faire ce peut, les procédés d'assistance faisant appel à des applications de fécondation avec donneur et se doit de privilégier la procréation assistée homologue. Enfin, « la congélation des embryons est envisageable dans l'optique d'une prochaine procréation au sein du même couple concerné (mais non pour un autre couple, d'où l'interdiction du don d'embryons). La destruction des embryons surnuméraires peut être envisagée car, d'après le Talmud, l'embryon est considéré comme de l'eau jusqu'à 40 jours de grossesse»1(*)9.

L'univers chrétien connaît, également, une dispersion dans le débat de la PMA.

b / Le débat dispersé dans l'univers chrétien

Il nous paraît intéressant de rappeler l'attitude invariable de l'Église traditionnelle et la flexibilité du milieu réformé des protestants.

- Pour ce qui est de l'attitude invariable de l'Église traditionnelle, nous préciserons les sensibilités actuelles de l'Église catholique qui demeure toujours figée et imperturbable et de l'Église orthodoxe qui dénote une certaine nuance.

* L'Église Catholique est celle dont la position demeure la plus rigide et la plus stricte. Le 10 mars 1987, le Vatican a publié un document intitulé « Instruction sur le respect de la vie humaine et de la dignité de la procréation ». Ce texte prône et tente de justifier l'interdiction, non seulement d'une quelconque intervention sur l'embryon humain, mais aussi du recours à n'importe quelle autre méthode de PMA.

L'argument principal qui y est invoqué est celui d'un lien intransgressible entre la procréation et l'acte sexuel. Quant aux couples stériles, il leur est recommandé d'offrir leur souffrance à Dieu, de penser à l'adoption ou de se dévouer à l'enfance déshéritée. La position du Vatican souligne également le respect qu'il faut donner à l'embryon dès sa conception car il est un être humain et, à ce titre, mérite d'être protégé. Il faut préciser que certains laïcs recommandent la pratique de l'adoption, en particulier d'enfants abandonnés ou orphelins, au lieu du recours à la PMA.

On a pu opposer au Vatican que le désir de procréation relève d'un des droits humains les plus essentiels et ne peut être satisfait qu'avec l'aide d'une médecine moderne. Dès lors, pourquoi ce désir doit-il vraiment être frappé de tabou et d'interdit ? On se demande même si, dans l'esprit de certains catholiques, la stérilité pourrait représenter, en quelque sorte, le stigmate de quelque péché originel dont les couples qui sont concernés doivent en assurer l'expiation ?

Par suite, le Vatican rejette tous les procédés de la PMA, le recueil du sperme par masturbation et les dons de gamètes. Le diagnostic prénatal est accepté pourvu qu'il ne soit substitué aux effets du diagnostic pré-implantatoire. Toutefois, de nombreuses institutions de soins d'obédience catholique ne souscrivent pas à ce texte, font fi des interdits et continuent d'appliquer la PMA à leurs patients.

* L'Église Orthodoxe épouse les mêmes contours que sa devancière mais émet certaines réserves prudentes qui doivent rester circonscrites que dans le cadre du couple, à l'exclusion de la participation d'un donneur. On peut ainsi considérer que la position est proche de la tradition israélite, excepté pour les cas d'IAD autorisés par le judaïsme. C'est la raison pour laquelle nous estimons que la singularité de l'Église Orthodoxe est plus nuancée que le radicalisme sans concession de l'Église catholique. Cette dernière constitue la plus sérieuse et la plus crédible opposition à l'avènement et au développement de la PMA.

A côté de l'Église traditionnelle, les milieux réformés du protestantisme affichent une flexibilité plus favorable aux patients.

- Flexibilité du milieu réformé des protestants.

Il faut préciser au passage que l'Église Anglicane adhère à la PMA au sein d'un couple marié. Quant à la participation d'un tiers, des divergences ne permettent pas de retenir une ligne directrice. Ceci étant précisé, le protestantisme a une démarche beaucoup plus ouverte. La PMA semble être autorisée et l'insistance sur la nécessité absolue de respecter l'anonymat laisse croire que la participation du tiers donneur est communément acceptée. La congélation d'embryons et l'utilisation d'embryons surnuméraires seraient admises par certains milieux qui déclarent « que le don de sperme, d'ovules ou d'embryons doit être autorisé dès lors qu'il est fondé sur l'altruisme pur et simple, à l'exclusion de toute motivation d'ordre pécuniaire»2(*)0 et peut être regardé comme de « simple parenthèses techniques »21. Dans l'ensemble, les droits de l'enfant doivent peser plus que le droit à l'enfant des couples.

Toutefois, les propos avancés ci-dessus par la Fédération protestante de France ne font pas l'unanimité au sein de la diversité des églises protestantes. Il y a des divergences selon les différentes composantes, « des positions très diverses sont prises par les nombreuses sectes ou communautés qui sont issues du protestantisme et fleurissent notamment aux États-Unis » 2(*)2 et des « réserves prudentes sont faites sur l'intervention de donneurs (...) »2(*)3. Même en France, certains s'interrogent sur la légèreté des propos tenus en soulignant : « En somme peut-on préparer une histoire  ·entre parenthèses· ? »2(*)4 . De plus, « l'enfant est un don et non un dû »25. Dès lors, les propos tenus par un Pasteur de l'Église protestante du Sénégal quant à la participation d'un tiers donneur dans la fécondation in vitro et au prétendu but généreux de la PMA2(*)6, n'engagent que son auteur et ne lient pas toute la diversité des communautés protestantes du Sénégal.

Le monde musulman a également de son côté une vision du phénomène de la PMA.

2°/ La vision du monde musulman

Tout comme pour les précédentes religions, il y a lieu de noter une réserve indécise dans les avis (a) et l'approche confrérique au Sénégal (b).

a / La réserve indécise dans les avis

A l'image des écoles doctrinales et d'interprétations des textes musulmans, les avis restent partagés surtout lorsqu'ils embrassent et suivent la politique de l'Etat basée sur l'islam. Or, manifestement la compréhension religieuse du Coran ne sera pas la même, à l'identique, dans les pays musulmans du Proche et Moyen Orient ou asiatiques (comme l'Indonésie), de l'Arabie Saoudite, du Koweït que dans certains pays maghrébins plus ou moins «libéraux » comme le Maroc, l'Égypte et la Tunisie. A plus forte raison ne seront pas non plus unanimes les interprétations entre pays d'Afrique noire tels le Soudan, le Nigéria et la Mauritanie par rapport à d'autres plus souples comme le Sénégal, le Mali et la Guinée entre autres qui seront différentes.

Ainsi, il existe des pays musulmans farouchement opposés à la PMA et son invocation même constitue une hérésie, voire même un acte d'abjuration propre aux renégats et aux déviationnistes. Par contre, d'autres pays musulmans parviennent à trouver des canaux par lesquels la PMA reçoit une onction de sainteté. C'est la même situation que l'on perçoit dans l'approche confrérique au Sénégal.

b / L'approche confrérique au Sénégal

Il est impensable d'aller soutenir en milieu omarien, Khadre et dans certaines zones de l'Est et du Sud du Sénégal de telles idées sur la PMA. Ces cadres géographiques sont hostiles et très conservateurs à tout ce qui ne reflète pas la pureté stricto sensu à la foi islamique. On peut même étendre le refus de la PMA dans certains milieux musulmans au Nord, à Saint-Louis, notamment dans les familles hal pulareen de Matam entre autres. Quid des grandes familles maraboutiques, en particulier toucouleurs, premiers réceptacles de l'entrée de l'Islam au Sénégal. En réalité, on peut présumer simplement que c'est plutôt dans les zones occidentale, côtière et arachidière que l'acceptation de la PMA est, plus ou moins, aisée avec une tolérance auprès des communautés mouride, niassène et surtout tidiane. Une mention de réserve en ce qui concerne la communauté layène est à noter tant une ligne définitive n'a pas été adoptée, même si on remarque de profonds accents de méfiance irréversible à l'encontre de la pratique.

De manière générale, on s'accorde à affirmer au Sénégal l'omnipotence de Dieu mais on reconnaît au médecin le droit et l'obligation de prendre en charge la situation d'infécondité des couples mariés. L'Islam sénégalais ne reçoit pas la gestation pour autrui, la participation du tiers donneur et les dons de gamètes. Par suite, « les lois islamiques tolèrent le recours à la procréation médicalement assistée, à condition qu'elle soit pratiquée au sein du couple. En effet, le sperme et les ovocytes doivent provenir des deux conjoints. Il est hors de question de faire intervenir une tierce personne pour pallier les insuffisances biologiques de l'un ou de l'autre conjoint »2(*)7. La participation du tiers donneur est assimilée à l'adultère, même en l'absence de conjonction sexuelle. A la place, on peine à accepter l'adoption. Alors que paradoxalement, la filiation naturelle de l'enfant est un problème de  société sénégalais du fait du statut social défavorable qui lui est réservé. Que dire de la pratique de la gestation pour autrui ou de la conception post mortem aux travers des institutions coutumières du sororat et du lévirat en vue de perpétuer une descendance au parent du de cujus ?

Les populations se sont également attelées à poser des questions sur les risques de répercussions environnementales de la PMA.

Paragraphe 2 - Les répercussions environnementales de la PMA

La PMA pourrait entraîner des périls sanitaires (A) et des nuisances sur la nature (B) rendant la critique encore plus prononcée à son encontre.

A / - Les périls sanitaires

La PMA qui a engendré de fol espoirs ouvrirait la voie à toute une série de modifications de la structure cellulaire de l'organisme humain (1) lesquelles peuvent être constitutives de dangers sur le système de défense immunitaire (2).

1°/ Les modifications de la structure cellulaire

Elles se font à plusieurs niveaux notamment :

a / L'association des gènes et des gamètes. Avec les modifications du vivant sur le génome humain, la structure génétique peut faire l'objet de mutations par des interventions sur l'appareil reproducteur afin d'inoculer aux gamètes certaines caractéristiques génétiques dont on n'est pas parvenu, à l'état actuel de la science, à prouver qu'elles seront sans incidences sur la fonction reproductrice, encore moins sur l'état sanitaire de l'organisme. Il est évident que les derniers développements de l'ingénierie génétique peuvent susciter le pire à telle enseigne que le génie génétique appartient à la catégorie des techniques à effets négatifs à long terme. La potentialité de modification de l'espèce humaine par une intervention sur les cellules germinales en est l'exemple le plus inquiétant. Elle aura une incidence sur le processus de régénération des cellules modifiées.

b / Le processus de régénération continu des cellules modifiées. Le renouvellement de ce processus de régénération doit être continu, soutenu et fréquent du seul fait que la violation des lois de la nature entraîne la vie relativement courte des cellules modifiées qui n'ont plus cette prégnance naturelle à cause de leur profonde « aseptisation ».

c / Cela joue ainsi sur la composition de la protéine de fertilisation naturelle des cellules fabriquée par l'organisme. Et pour suppléer à ce qu'ils ont modifié, les praticiens démiurges peuvent être tentés de s'adonner à d'autres substitutions.

d / Ces substitutions peuvent être des combinaisons de produits humains avec des essences et compositions animales et / ou florales, d'où le risque d'hybrides et de chimères génétiques.

On ne peut pas occulter que le non-respect des prescriptions sanitaires est similaire à celui relatif aux tests de dépistage des maladies transmissibles et infectieuses dans le cadre de la PMA. D'un autre côté, tout acte médical n'est pas exempt d'inconvénients et présente souvent des dangers sur le système de défense immunitaire.

2°/ Les dangers sur le système de défense immunitaire

Ils se situent sur plusieurs sphères :

a / L'usage abusif de productions hormonales peut entraîner ce qu'il est convenu d'appeler le syndrome d'hyperstimulation ovarienne au cours d'une FIVETE. La stimulation des ovaires, nécessaire à l'obtention de plusieurs ovocytes, peut parfois dépasser son but et pousser à un tel syndrome lequel est une affection qui, mal surveillée, peut aboutir à des complications graves (kystes ovariens, thromboses, paralysies). La PMA pose le problème du placement intra-utérin de plusieurs embryons susceptibles de déclencher des grossesses doubles ou multiples à risques.

b / L'excès de la fréquentabilité des essais induit aussi au non-renouvellement des ovules. En effet, le recueillement des ovules nécessite des interventions chirurgicales qui ne sont pas exemptes de risques lors de leur extraction. Et leur capital n'est pas aussi régénérateur que celui des spermatozoïdes. La fréquence des fécondations in vitro peut provoquer des césariennes, des fausses couches, des risques pour les embryons et les foetus, ainsi que des naissances d'enfants prématurés avec des malformations.

c / Ceci s'explique, en partie, par l'épuisement à terme des capacités psychomotrices et de défense de l'organisme par le fait de l'acharnement procréatif et qui peut entraîner, à la longue, la mort de la patiente.

d / Il y a, par ailleurs, un risque imprévisible non décelable de contamination des cellules avant réimplantation avec du sperme infecté de virus dont le donneur est porteur, de transmission de maladies héréditaires, tares et pathologies génétiques dont certaines peuvent difficilement être constatées.

La PMA poserait encore quelques nuisances à la nature.

B / - Les nuisances à la nature

Elles semblent se faire par une proximité des infrastructures avec les populations riveraines (a) et une probable incidence des produits OGM sur la fécondité (b).

a / La proximité des infrastructures de la PMA

On a reproché aux infrastructures de PMA de faire naître de vives tensions de cohabitation spatiale entre les détracteurs qui ne veulent pas de cet environnement rapproché qui heurte leur conscience et les médecins, les laboratoires et les personnels qui s'y sont installés pour mieux se rapprocher de leurs patients. De même, on invoque le coût d'absorption en ressources énergétiques (énergie nucléaire dans certains pays avec les risques prévisibles) que les contribuables doivent payer même si beaucoup d'entre eux ne sont pas au courant de l'existence de cette pratique ( le cas des pays en développement), surtout pour la cryoconservation des gamètes et des embryons (effets à long terme de l'état de conditionnement avec la conciliation psychologique de l'opposition à cette proximité).

b / La probable incidence des produits OGM sur la fécondité

On peut s'interroger, à juste raison, sur les effets à long terme de la consommation d'OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) sur la baisse de la fécondité et la recrudescence exponentielle de l'infécondité. Ce qui serait une des raisons d'apparition de la PMA. Des études sérieuses devraient être menées. Mais dans l'attente de cette perspective, le principe de précaution si cher aux environnementalistes devrait trouver une extension bien fondée dans le domaine de la santé et précisément dans le champ vaste de la PMA afin de susciter une indemnité d'assurance non seulement quant aux risques avérés ou non mais encore quant aux nuisances que peut développer la PMA.

L'analyse de la récurrente réalité de la PMA avec tout ce qu'elle peut susciter comme espoirs et implications, nous amène à considérer à présent l'impact prévisible qu'elle a pu faire dans le droit positif ainsi bouleversé.

TITRE II - L'IMPACT PREVISIBLE DES BOULEVERSEMENTS

JURIDIQUES

La PMA a, largement, créé des clivages querellés au sein de la doctrine (chapitre I) et l'on a pu, également, souligner les incidences qui n'ont pas manqué de secouer l'ordonnancement juridique (Chapitre II).

CHAPITRE I - LES CLIVAGES QUERELLES DE LA CRITIQUE

Les auteurs ont eu à parler de crise ou de renouveau du concept de personne humaine (section I) et de consolidation ou de précarisation de la protection de la personne humaine (section II).

SECTION I - LA CRISE OU LE RENOUVEAU DU CONCEPT

DE PERSONNE HUMAINE

Le débat doctrinal pose, ici, la variabilité des approches conceptuelles de la personne humaine (paragraphe 1) et projette la situation d'impasse dans laquelle se trouvent les principes juridiques (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La variabilité des approches conceptuelles

de la personne humaine 

Elle s'articule autour de la dichotomie entre les notions de potentialité et de conception biologique (A) et du choix à opérer entre la conscience avérée et l'état végétatif de l'être foetal (B).

A / - La dichotomie entre la potentialité et la conception biologique de la

vie humaine

Les attitudes et les prises de positions antagonistes que l'on observe aujourd'hui à propos des découvertes et techniques en biomédecine, et plus particulièrement en santé de la reproduction, en matière de procréation médicalement assistée, reposent chacune sur une conception particulière et fondamentale de la vie, spécialement de la vie humaine.

- Une première conception de la PMA qui est religieuse, factuelle et absolue ne considère que le phénomène vital, c'est-à-dire la potentialité de l'embryon comme devenir de l'être humain. Elle affirme la sacralité de la vie qui existerait grâce à la supériorité d'une nature créatrice maîtresse de ses créatures et de leurs droits. On retrouve, dans la plupart du temps, les tenants de cette ligne de réflexion parmi les opposants à l'avortement, les adversaires aux méthodes de PMA et qui sont, tous, des partisans acharnés de la peine de mort. Ces théoriciens ont toujours considéré la personne humaine comme le substrat du sujet de droit et le corps humain comme le support de la personne. Cette conception est à la base de l'adage classique « infans conceptus... » qui démontre que l'enfant à naître est un être humain, une personne, un sujet de droit. Par suite, l'adage est susceptible de s'appliquer à l'embryon, voire même aux gamètes (des sources de vie) auxquels la reconnaissance juridique est et doit être octroyée.

- La seconde conception de la PMA affirme le droit des vivants sur les non vivants. Autrement dit, elle ne considère que la conception biologique qui est la rencontre de deux gamètes différents. Et précisément, la PMA vise la concrétisation d'un tel objectif. Les manipulations restent possibles puisque la personne humaine résulte de son caractère de vivant. Il faut donc attendre la naissance de l'enfant pour que soit reconnue l'existence juridique de l'enfant conçu. Avant la naissance, ce dernier serait donc un non-sujet de droit, une non-personne, au pire des cas une matière, un objet, une curiosité scientifique. Par suite, la règle de l' « infans conceptus... » ainsi formulée revêt un caractère fictif qui ne repose sur rien de consistant, sinon un simple arbitraire de création juridique.

C'est autour de cette dichotomie que se pose également la controverse du choix entre la conscience avérée ou l'état végétatif de l'être foetal.

B / - Le choix entre la conscience avérée ou l'état végétatif de l'être foetal

C'est la querelle doctrinale consistant à déterminer si le foetus dans le milieu où il évolue a conscience ou non de son humanité et ce sera en fonction de cette considération que l'on saura s'il y a lieu ou non de lui attribuer le concept de personne humaine.

Certains estiment autant l'embryon que les gamètes ne peuvent être considérés comme pourvus d'une conscience. Celle-ci serait innée à la seule personne physique et vivante. Et que dès lors, vouloir attribuer les caractéristiques physiologiques et juridiques à ces produits du corps humain, ce serait faire courir le risque d'une extension inutile de la personnalité juridique. L'état végétatif du foetus inconscient serait donc une réalité.

Mais l'opposition rétorque à cette argumentation que l'individu, qu'il soit conscient ou inconscient, raisonnable ou insensé, demeure une personne, un sujet de droit. Ces auteurs soulignent que même en bas âge ou sous l'empire d'un trouble mental, l'humanité d'un individu n'en est pas pour autant contestée. Toujours dans un souci de fragiliser l'opinion précédente, ils font remarquer que lors d'une opération d'avortement tendant à supprimer un embryon ou lors d'une simulation de destruction de gamètes, il se passe un acte de conservation, un instinct de survie de ces derniers. Ce qui est une preuve, selon ces auteurs, de leur humanité. Ainsi, la thèse selon laquelle le foetus à l'état végétatif ne serait absolument pas apte à ressentir quoi que ce soit ne peut pas prospérer.

Une autre piste de réflexion a été explorée quant à la situation d'impasse dans laquelle sont plongés les principes juridiques en matière de droit familial.

Paragraphe 2 - La situation d'impasse des principes juridiques

Elle se présente par une flexibilité ou une évanescence des principes de droit (A) et par leur confrontation avec les nouveaux droits subjectifs (B).

A / - La flexibilité ou l'évanescence des principes juridiques

L'avènement des méthodes de la PMA, les manipulations et les expérimentations sur le corps et les produits du corps humain ont mis en difficulté les classiques principes d'indisponibilité, d'inviolabilité et d'intangibilité du corps humain. La fragilisation des principes et des droits de la personne est de plus en plus évidente.

Ces principes étaient déjà, dans le passé, posés comme des dogmes indiscutables et inexpliqués. Autrefois, la dignité de la personne impliquait l'inviolabilité et sous-entendait l'indisponibilité, l'intégrité, l'absence de caractère patrimonial du corps humain et l'intégrité de l'espèce humaine. Selon une partie de la doctrine, ces principes ont, pour essence, de renforcer et d'asseoir une réelle protection de la personne humaine. D'autres sont moins optimistes et estiment que cette formulation élimine les embryons et les foetus n'ayant pas de vie autonome par rapport à la femme qui les porte ou par rapport aux procédés artificiels qui leur assurent une maturation ante-fécondation.

Mais, désormais, les principes sus-cités postulent à une remise en cause de leurs fondements. On assiste ainsi, fréquemment, à des prélèvements de cellules ou de produits du corps humain à l'occasion de certaines interventions médicales au cours desquelles le consentement de la personne est inutile ou n'est pas, sciemment, requis ou sollicité. C'est le cas des déchets opératoires qui sont très souvent appropriés par la collectivité ( par exemple la structure médicale entre autres). Le corps humain a, dorénavant, un caractère patrimonial ( une valeur marchande), pénètre le champ du commerce et fait l'objet même d'actes extra-contractuels (dons).

Les brèches continuent ainsi d'élargir la fragilisation. Et la présence de nouveaux droits subjectifs a fini d'entamer l'érosion de ces principes séculiers.

B / - La confrontation avec les nouveaux droits subjectifs

Des auteurs se sont interrogés sur ce qu'ils qualifient de dévoiement du droit au respect de la vie privée. En effet, devant l'amplification du phénomène de la PMA, les droits de la personnalité subissent des agressions de plus en plus pernicieuses. Cette vulnérabilité poserait, selon eux, la précision de la valeur légale du droit au respect de la vie privée puisque la nature de ce droit a changé de sens. Il n'est plus un droit à l'intimité et à la tranquillité, il est devenu la liberté pour chacun de choisir son mode de vie affectif, sexuel et familial. La création apparente de ces nouveaux droits a permis d'installer, durablement, les concepts de droit de disposer du corps et des produits du corps humain, le droit à un embryon, le droit à des organes, etc.

A côté de ces paradigmes de droits relatifs à la PMA, le droit à l'enfant constitue le droit qui suscite le plus de débats. Certains auteurs considèrent que c'est un droit fondamental garanti par la charte fondamentale. De plus, il constituerait une liberté publique d'accéder à une vie familiale. Le droit à l'enfant constitue, sur ce registre, une prérogative illimitée d'accès aux pratiques de la PMA. Face à cette revendication, la société serait obligée de garantir l'accès aux techniques de procréation artificielle à tous ceux qui le désirent, sans avoir à considérer les mérites ou démérites des individus pour avoir des enfants par ce moyen. D'autres, au contraire, rejettent la notion de « droit à l'enfant » comme étant incompatible avec un système juridique civilisé car elle suppose réduire l'enfant à la condition de « chose due », tel un droit de propriété, en niant par là sa dignité de « personne ». Ce droit à l'enfant n'est que l'égoïsme d'un intérêt exclusif du parent et on doit lui substituer ou adjoindre un droit de l'enfant. Suivant donc de tels auteurs, l'homme peut disposer de ce qu'il a dans les limites légales et morales, mais il ne peut pas exiger ce qui n'est pas déjà, ce qui n'existe pas.

Devant la persistance des passions déclenchées par la PMA, l'idée de la consolidation ou de la précarisation de la protection de la personne humaine a également fait l'objet d'une question difficile que nous nous proposons d'aborder.

SECTION II - LA CONSOLIDATION OU LA PRECARISATION DE

LA PROTECTION DE LA PERSONNE HUMAINE

Les incertitudes et les contradictions fort nombreuses qui emportent la doctrine multiplient l'ambiguïté du renforcement ou du dévoiement de la protection (Paragraphe 1) et donnent un sentiment de double mirage à l'activité biomédicale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Le renforcement ou le dévoiement de la protection

Un tel questionnement accentue la discutabilité de la qualification de l'embryon (A) et rend plus opaque l'idéologie nouvelle du droit de la famille (B).

A / - La discutabilité de la qualification de l'embryon

En fait, la notion d'embryon est un faux ami. Il faut plutôt entendre tous les produits du corps humain utilisés dans la pratique de la PMA. C'est donc en plus de l'embryon, les embryons surnuméraires et les gamètes.

Spécifiquement quant à la qualification juridique de l'embryon, des auteurs ont souligné cette remarque : peut-il y avoir un enfant conçu sans qu'il y ait une femme ? Cette tournure sous forme de postulat ainsi adoptée leur permet de se prononcer, avec une suffisante aisance, sur le statut de l'embryon et du foetus. Pour eux, l'embryon hors de son milieu de culture naturel ou artificiel ne peut jamais fabriquer la vie et se développer. Il n'est donc qu'une matière difforme qui a besoin d'assistance. Dès lors, la nature humaine ne saurait lui être accordée. Et dans un souci de s'aménager les bonnes faveurs de quelques susceptibilités, ces auteurs ont songé à la formulation de la notion de pré-embryon pour désigner le stade de cette « matière » ou « chose » qui pourra faire l'objet de toutes les explorations, expérimentations et manipulations génétiques et biomédicales. Ils considèrent alors l'embryon au sens strict du terme comme exempt d'utilisations scientifiques et accepteraient sa potentielle humanité. De tels développements qui scindent ce produit humain en embryon et pré-embryon sont fermement contestés par d'autres auteurs qui soutiennent la cause humaine de l'embryon comme un tout et qui voient dans les gamètes mâles et femelles toute l'expression de la nature humaine qui mérite alors protection. Le problème de la garantie s'est, de même, posé avec les considérations relatives à l'idéologie nouvelle du droit de la famille.

B / - L'idéologie nouvelle du droit de la famille

A l'instar de l'évolution des moeurs, certains soutiennent certaines formes parentales et consentent, volontiers, à l'idée d'extension de la notion de famille à des couples homosexuels. Ils s'appuient sur le principe d'égalité des citoyens à fonder un foyer. La protection des droits et des libertés doit assurer à certaines minorités sexuelles (transsexuels, homosexuels) une vie privée et familiale conformément aux textes portants sur les Droits de l'Homme. Il importe peu alors, pour la réalisation de ce projet, que l'on fasse recours à des gamètes de tiers anonymes ou proches. De tels auteurs consentent à un subreptice remplacement de la structure familiale traditionnelle par une autre. C'est ainsi qu'ils partagent l'avis d'une femme ménopausée qui a recours à la PMA ou d'un homme homosexuel qui sollicite la gestation pour autrui en vue de concrétiser leur volonté d'avoir un enfant. A défaut de trouver une législation permettant à de telles personnes de profiter de la parenté de substitution, les tenants d'une telle conception préconisent le recours à la fécondation extra-corporelle par l'entremise de paillettes de gamètes et de couveuses artificielles d'embryons. Ce qui signifie que seul le recueil de gamètes suffit, la suite se fera en laboratoire. Il est évident que des opposants se sont insurgés contre ce qu'ils qualifient d'excessifs dérapages inadmissibles. Ils se préoccupent du sort de l'enfant à naître, de son avenir dont personne, apparemment, n'est responsable et qui se retrouvera obligé d'accepter une filiation homoparentale ou uniparentale, c'est-à-dire avec un seul descendant connu et déclaré officiellement.

Dès lors, le double mirage ou la face de Janus de l'activité biomédicale mérite d'être clarifié.

Paragraphe 2 - Le double mirage de l'activité biomédicale

On a pu s'interroger à juste titre, de l'ambiguïté de l'acte médical (A) et des manipulations du corps humain (B).

A / - L'ambiguïté de l'acte médical

A ses origines, l'acte médical constituait plus un souci premier de donner satisfaction aux patients et aux malades. C'est pour perpétuer cet esprit désintéressé que le serment d'Hippocrate a été institué. Mais il est vrai que, depuis quelques décennies à la suite notamment des innovations médicales, on assiste à un glissement vers une onérosité consécutive aux amortissements des coûts d'acquisition de la technique et du matériel et de rémunération de la formation des personnels de monopole médical. Certains avancent que la santé a un prix et c'est ce prix qui améliore les performances des praticiens et fait progresser la recherche biomédicale. Ceci permettrait d'assurer de meilleures prestations de service aux patients. Ainsi, on a pu constater que la pratique de la PMA constitue un véritable secteur d'activités économiques avec la présence remarquée des laboratoires, des banques de gamètes, des instituts, voire même des participations des établissements bancaires et financiers à de vastes programmes y afférents. Le monde des affaires s'est trouvé une bonne place qu'il espère toujours rentabiliser. Cette mercantilité affichée a instauré une discrimination quant à la réelle possibilité d'accès de toutes les populations à la PMA . Ce qui a fait dire que l'exigence de gratuité ou plutôt l'atténuation du coût de la PMA, doivent permettre d'éviter que l'acte ne soit fait que pour des raisons économiques. Pour eux, l'appât du gain suppose une auto-dégradation plus accélérée de la personne compte tenu de ce que nous avons déjà affirmé avec le déclin des principes d'indisponibilité, d'inviolabilité et d'intangibilité du corps humain du fait de la pratique aveugle de la PMA. Par suite, un minimum d'esprit d'altruisme doit motiver les acteurs gravitant autour de la PMA d'autant que le tiers, lui, a entendu faire des dons de gamètes et s'attend à pouvoir en bénéficier, à titre gratuit, s'il en éprouve ultérieurement la nécessité.

De la même façon, les manipulations du corps humain suscitent des réactions diverses.

B / - Les manipulations du corps humain

Des auteurs ont justifié et légitimé les manipulations et expériences effectuées sur le corps humain et sur les embryons surnuméraires. Ils évoquent des finalités thérapeutiques et des progrès scientifiques significatifs grâce à la maîtrise en cours du code et du patrimoine génétiques de l'homme. Ils énumèrent les nouvelles connaissances que les recherches sur l'embryon pourraient apporter tels le diagnostic des anomalies du génome, à travers l'étude des chromosomes de l'embryon, les études biomédicales qui ont besoin de la production d'embryons humains comme partie intégrante de leurs analyses.

D'autres auteurs doutent de la véritable utilité pratique de ces recherches. Au-delà de la question d'utilité de ces recherches, on peut toujours se demander si elles sont compatibles avec le respect dû à l'embryon humain. Le droit doit-il adhérer à toutes ces manipulations dont certaines suscitent l'effroi avec la pratique des chimères constituées par la formation d'un embryon humain possédant plusieurs informations génétiques, la création d'hybrides entre l'homme et l'animal, le choix abusif du sexe de l'enfant pour de simples commodités de confort, ainsi que le clonage, c'est-à-dire la duplication délibérée d'un être humain ? De telles tendances à « l'élevage » sur l'homme constituent une réification de la personne humaine et des produits du corps humain. Pas plus que ne sont admises les formes d'eugénisme individuel avec les diagnostics prénataux et pré-implantatoires qui sont des risques de dérives eugéniques non maîtrisables.

Les recherches biomédicales, ainsi que les pratiques de la procréation artificielle n'ont pas seulement concerné les clivages querellés de la critique, elles ont eu aussi des incidences sur l'ordonnancement juridique.

CHAPITRE II - LES INCIDENCES SUR

L'ORDONNANCEMENT JURIDIQUE

Elles sont perceptibles dans le droit de la famille en raison des diverses controverses suscitées (section I) et recoupent également les remises en cause observées dans le droit de la personnalité (section II).

SECTION I - LES CONTROVERSES DANS LE DROIT

DE LA FAMILLE

Elles peuvent être appréciées par l'analyse de la licéité de l'acte de procréation artificielle (paragraphe 1) et de l'objectivité de l'extension de la structure familiale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La licéité de l'acte de procréation artificielle

La procréation artificielle pose le problème de la validité des techniques utilisées (A) et de l'indéfinition légale du statut juridique de l'embryon (B).

A / - La validité des techniques utilisées

L'idée de trop qui rend inadéquate la comparaison est l'ambition, ici et là, caressée de promouvoir le parallélisme des formes entre la conception artificielle et la conception naturelle de la procréation. Le but est de comparer la diversité des techniques utilisées dans la PMA avec l'essentiel de la législation. A la source, il est suffisant de mettre en évidence la non conformité de la pratique avec l'esprit des textes de loi. Ce qui, du reste, a conduit la plupart, sinon toutes, les législations occidentales à adopter des textes particuliers pour donner un semblant de légalité aux méthodes de la PMA. Ce faisant, ces nouveaux textes sont en porte à faux avec les textes en vigueur qu'ils prétendent remplacer et qui, paradoxalement (consciencieusement ou non), n'ont pas fait l'objet d'une abrogation. Le législateur viserait-il par là une « abrogation » par désuétude ? En fait, le législateur cherche par là à éviter de trancher entre deux tendances d'opinions qui s'affrontent à propos de la PMA. Il n'en demeure, pour autant, qu'il y a là, sans doute, un risque de donne possiblement incestueuse des techniques de la PMA. Il s'agirait alors d'un inceste du deuxième type, c'est-à-dire un inceste entre individus de même sexe qui ne sont pas homosexuels, mais partagent le même partenaire sexuel. Cette forme d'inceste transgresse l'interdit, l'impossibilité de faire se rencontrer des substances considérées comme de nature identique. C'est l'effet de deux femmes qui ont des « relations sexuelles » avec le même homme ou de deux hommes avec une même femme. Ce fantasme de partager, sous le déguisement de l'acte hétérosexuel dans la PMA, est en réalité fictif du fait qu'il n'y a pas de relations sexuelles vécues directement entre la mère et le donneur de sperme. Il y a seulement rencontre de substances dans le même « lieu » : le vagin de la femme dans lequel le sperme du mari « rencontre » le sperme du donneur (qui peut être un parent très proche). L'hypothèse de ces fantasmes incestueux de dons de gamètes n'est pas à exclure a priori. Ainsi, la vie sexuelle est perturbée et pose l'adéquation des moyens médicaux avec l'ordre public et les bonnes moeurs.

Le problème de l'indéfinition du statut juridique de l'embryon rend plus complexe la licéité de l'acte de procréation artificielle.

B / - L'indéfinition du statut juridique de l'embryon

Nous partirons de l'embryon pour voir succinctement comment aujourd'hui il est perçu par le droit en vigueur. La question de la formulation du cadre juridique de l'embryon consiste en ce que le droit n'ait d'autre choix que de faire oeuvre imaginative pour répondre à la situation de certains embryons. Y aurait-il deux sortes d'embryons ? Ne parle t-on pas en effet couramment des embryons surnuméraires, de la chosification du pré-embryon qui échappe pour les quinze premiers jours de son existence au règne humain de par la volonté de la science génétique ? Que penser de la question des expérimentations embarrassantes sur l'embryon dont le chercheur, le biologiste ou le médecin au sein d'une équipe de pointe pourraient difficilement renoncer à l'exploration du fait qu'il constitue une source intarissable de connaissances souvent profitables à l'homme et à la collectivité ? De ces embryons trop nombreux qui ne pourront pas tous être replacés, faut-il les conserver, les donner à un autre couple stérile, les détruire, les utiliser pour la recherche ?

Ainsi la question juridique du statut de l'embryon qui se résume en droit civil sénégalais (art. 1er al. 2 et 3 CF), d'une part, à l'embryon conçu in vitro dont la réalisation du projet de replacement dans l'utérus de la mère se trouve dans une situation de vide juridique total, ne satisfait pas aux conditions civilistes de la personnalité juridique et, d'autre part, à l'embryon (ou le foetus) in utero, quoique n'ayant pas la personnalité juridique, existe aux yeux de la loi civile qui lui reconnaît des droits à la jouissance et à l'exercice dont il n'entrera en possession qu'à sa naissance, s'il naît vivant et viable. Ainsi donc le foetus, même de maturité très avancée, ne bénéficie pas traditionnellement de la protection juridique. A propos des textes internationaux (conventions, déclarations, résolutions...), il est exprimé le droit à la vie, par référence au concept de personne, sans toutefois préciser à partir de quel moment commence ce droit à la vie, tandis que d'autres proclament le respect de la vie avant la naissance, sans se référer au concept de personne. Au motif qu'il est illusoire de s'entendre sur le statut de l'embryon humain, les instances nationales et internationales productrices de normes éludent généralement la question et répondent, par moments, par des interprétations et considérations divinatoires. Quant au droit pénal sénégalais le droit à la vie, depuis la conception jusqu'à la naissance, était successivement protégé par deux infractions spécifiques, l'avortement qui constitue un délit ( art. 305 CP) et l'infanticide qui est considéré comme un crime ( art. 285 CP). Ces textes sont inadaptés à la PMA. De ce fait, c'est avec une aisance que d'aucuns dénient tout droit subjectif à l'embryon lequel présuppose, en droit civil, l'existence de la personnalité juridique et même tout droit de l'homme, puisque l'embryon précoce n'est pas encore un être humain. Il serait suicidaire pour la société de faire l'impasse sur l'embryon humain précoce ou de croire que son humanité ne dépend que de notre bon vouloir alors qu'il est porteur de cette vie que nous partageons tous. En effet, la naissance du premier enfant artificiel éclipse très vite pour le profane toutes les étapes qui ont dû être franchies pour qu'au départ d'une éprouvette jaillisse la vie et pour que cette vie évolue jusqu'à la mise au monde d'un nouveau-né. Il peut donc s'avérer exact aujourd'hui de parler d'une insécurité juridique de l'embryon et du foetus et même d'un réel vide juridique légal. La licéité de l'acte de procréation artificielle ne saurait occulter l'objectivité réelle et conséquente de cette propension à étendre la structure familiale.

Paragraphe 2 - L'objectivité de l'extension de la structure familiale

Elle traduit la question de la légalité de la notion de nouvelle parentalité artificielle (A) et rend possible une relecture de l'institution de l'adoption (B).

A / - La légalité de la notion de nouvelle parentalité artificielle

Dans cette nouvelle approche de la famille ce qui est en jeu, et constitue bien un enjeu, c'est l'articulation de l'individu à la société et le rôle que peut jouer la famille. Les diverses manifestations d'une évolution des moeurs ont, progressivement, suscité des transformations de la famille qui remettent en cause dangereusement l'accomplissement des fonctions traditionnelles d'une extrême importance, particulièrement celles concernant les enfants. Autant de signes significatifs de la remise en question du bon fonctionnement d'une société et de sa perpétuation. La famille est redevenue un enjeu et les transformations qu'elle subit résultent d'une brusque rupture dans les mentalités et participent non plus d'une modernité positive mais d'une dérive culturelle laquelle est favorisée par les renoncements du droit. A travers ces transformations, c'est l'existence même de la famille et la viabilité de la société qui sont en jeu. Les lois nouvelles ont entériné cette évolution des représentations de la parentalité dans la société contemporaine et ont pris acte du fait que maternité et paternité, seraient des réalités qui ne se calquent plus automatiquement sur la physiologie ou la sociologie. Ces nouvelles formes de paternité et de maternité se sont progressivement dégagées au contact des techniques de la PMA. Ce gauchissement a donné une modification radicale dans l'art de donner la vie au sens où une maternité peut inclure la participation d'un ou de deux co-géniteurs que l'on appelle, par convention, donneurs ou donneuses. On assiste à un bouleversement de l'adage « mater semper certa est » (la mère est toujours certaine) avec son corrélat « pater semper incertus » (le père toujours incertain) avec la résolution de la PMA qui a ébranlé l'adage devenu parfois caduc et qui donne essence à un nouvel adage qui définirait la paternité comme certaine en lieu et place de la maternité qui deviendrait, elle, de plus en plus incertaine. En effet, la femme d'un couple peut avoir un utérus parfait mais des ovocytes non fonctionnels (traitement anti-cancéreux, malformation etc.) Elle peut vouloir recourir à un don d'ovocyte d'une seconde femme appelée donneuse qui sera fécondé en éprouvette par le sperme de son conjoint. L'embryon ainsi créé sera ensuite implanté à la conjointe (la femme du couple). Elle sera considérée comme la mère utérine et sociale de l'enfant à naître mais pas sa mère génétique. Qui est donc la vraie mère ? Un autre exemple peut être illustré également avec le fait d'une mère porteuse du sperme et de l'ovocyte du couple solliciteur. Il s'agit au fond d'une allégorie moderne du jugement de Salomon : à qui appartient l'enfant quand les deux mères se le disputeraient ? Est-ce la contribution génétique ou bien celle gestationnelle de la maternité qui devrait être prise en compte? Sous ce même rapport, il existe une distribution renouvelée du rôle de la paternité entre plusieurs individus. Ce cumul de paternités, dans lequel plusieurs co-géniteurs ou co-pères participent à la conception d'un enfant, a pour base l'atteinte à la virilité d'un homme qui accepte, en désespoir de cause, de recourir à la PMA. Il se pose alors, comme pour les femmes, une crise de la désignation du véritable père. Certaines législations musulmanes théocratiques n'hésitent pas à considérer et assimiler l'intervention du tiers participant dans l'intimité du couple à la notion d'adultère. Pour éviter une telle assimilation, les législations occidentales ont procédé à une relecture de l'institution de l'adoption.

B / - La relecture de l' institution de l'adoption

La paternité et la maternité artificielles sont devenues intentionnelles et adoptives, mais dans un sens particulier. Il s'agit de ce qu'on peut appeler une adoption pré-conceptionnelle différente de l'institution classique de l'adoption dont elle n'épouse que les effets. Cette forme particulière d'adoption peut résulter d'une adoption par le père social ou la mère sociale de gènes qui ont été donnés par un autre homme ou par une autre femme et qui donneront la vie à un futur enfant ou peut résulter de l'adoption d'un embryon donné par un autre couple ou encore de l'adoption pré-conceptionnelle de l'enfant du conjoint, c'est-à-dire dans le cas de l'adoption par un mari stérile de l'enfant de sa compagne conçu avec le sperme d'un donneur.

Par ailleurs, nous savons dans la définition légale de la maternité adoptive que la mère est, en effet, celle que la société désigne comme telle et elle n'est pas la mère gestatrice. C'était, jusqu'à l'avènement de la PMA, le seul cas ancien de l'adoption posé et institué par la loi. Mais la mention « adoption » est en passe de subir des manoeuvres substitutives par les dérives cachées sous une apparence de l'accouchement anonyme. En effet, l'accouchement dans l'anonymat, appelée « accouchement sous X » est celui de la femme à qui la loi permet de ne pas révéler son identité, ni à l'institution qui l'accueille ni aux personnes qui l'assistent et la soignent. Dans ce cas, l'acte de naissance de l'enfant dont cette femme a accouché est dressé sans indiquer le nom de cette femme. Toutefois, rien n'empêche l'établissement ultérieur de la filiation de l'enfant envers sa mère biologique, à l'initiative de celle-ci avant toute adoption et, si possible, qui doit prouver qu'une convention avait été signée avec le couple stérile. De même, l'enfant avisé des conditions de sa naissance pourrait voir plus tard son action se heurter à l'anonymat légal de la femme qui persisterait à ne pas le reconnaître, malgré les « aveux » et « révélations » lesquels, au demeurant, sont constitutifs de violations de l'accord souscrit avec la gestatrice. De ce fait, cet enfant est condamné à subir les rigueurs de la loi « l'enfant a pour mère la personne désignée comme telle dans l'acte de naissance », même si celle-ci ne l'a pas mis au monde. Ainsi, la pratique de l'accouchement sous anonymat est pervertie. A l'origine, elle s'expliquait par le souci d'éviter les infanticides dans une société qui rejetait tout enfant né hors mariage et avait été consacré, pour la première fois, par un décret révolutionnaire français de 1793 qui garantissait à la mère, lorsqu'elle le souhaitait, le secret de la maternité. En 1941, un décret du régime de Vichy organisait à son tour la pratique.

Pour le surplus, les problèmes posés par la PMA concernent également la mesure de l'établissement de la contestation de la filiation maternelle et du bouleversement de la filiation maternelle. Autrement dit, la possibilité d'accoucher dans l'anonymat peut-elle favoriser le recours à certaines fraudes dans le cadre des méthodes de la PMA, particulièrement en cas de gestation pour autrui ? L'accouchement sous anonymat peut, bel et bien, avoir une incidence sur le sort de l'enfant qui en est issu. Les législations qui l'autorisent se trouvent devant un choix de société.

Sous un autre angle, la pratique est un véritable déni de justice organisé qui donne à la mère un pouvoir exorbitant, celui d'accoucher d'un enfant qu'elle peut totalement priver de père (même si elle est mariée, le système de l'abandon lui permet d'effacer complètement la filiation paternelle ainsi que la sienne). De tels bouleversements constituent, pour une part, des remises en cause du droit de la personnalité.

SECTION II - LES REMISES EN CAUSE DU DROIT

DE LA PERSONNALITE

Elles se font par l'invocation des libertés publiques comme moyen de pression (paragraphe 1). Ce qui pose la question du dilemme de la protection de l'indisponibilité du corps humain (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La pression des libertés publiques

Cette pression des libertés publiques est la reconnaissance par l'Etat de son devoir impératif de garantir tous les droits concédés aux citoyens (A). Toutefois, ce voeu pieux et abstrait subit une difficile application par rapport aux principes d'égalité et de non discrimination (B).

A / - La garantie étatique des droits et des libertés

L'État est le garant des libertés et des droits octroyés par tous les textes en vigueur. Ainsi, l'État se trouve confronté à son devoir de veiller à l'exercice par les citoyens de tous leurs droits inaliénables de la personnalité. Et précisément celui de l'exigence de concilier l'accomplissement des droits familiaux et la protection de l'enfant à naître. La réflexion n'a d'autres ambitions que de s'interroger sur le sort des enfants qui pourraient être mis au monde. La question est de savoir s'il est opportun d'introduire dans le droit positif l'anonymat des tiers participants ou tout simplement se poser la question de la légalité de l'acte même de la procréation artificielle. Il convient de se demander quelles seraient les incidences de ce choix de société pour toutes les personnes concernées : l'enfant en priorité, mais aussi le couple qui le « met au monde » et ceux qui auraient contribué grâce à leurs dons de gamètes. Il est donc certain que le développement de la PMA donne au problème une dimension nouvelle : la femme qui mettrait au monde, à la suite d'un don de gamètes, un enfant ne serait pas sa mère génétique et le statut de l'enfant pose, en efficience, des problèmes d'identité. La problématique juridique mise en évidence constitue le conflit entre deux ordres de valeurs : les droits du couple en détresse de ne pas assumer son infécondité et ceux de l'enfant de ne pas être abandonné. La recherche d'un équilibre entre les droits contradictoires est sans doute malaisée. Le législateur, d'un autre côté, accentue cette omnipotence de la femme qui, libre de décider de donner ou non la vie, de consentir ou non de mettre au monde un enfant pour elle seule par procréation médicalement assistée en privant, par là, l'enfant d'un père. Il n'y a plus donc de « pater is est », plus de présomption de paternité. La filiation avec participation d'un tiers donneur est en effet contestable à partir du moment où quelqu'un peut soutenir que l'enfant n'est pas issu de la PMA. L'existence de la filiation avec participation de donneurs est un véritable déni juridique par le seul fait même d'avoir eu recours à un don de gamètes. A l'image du malheureux oedipe, du côté de l'enfant, pourquoi l'enfant né grâce à la participation d'un donneur de gamètes n'aurait-il pas le droit de connaître la particularité de son histoire, c'est-à-dire que celui qui l'élève et dont il porte le nom, son parent affectif et effectif, n'est pas son géniteur ? Le montage de la participation du tiers ne devrait-il pas, en toute équité, accorder aux enfants ainsi conçus une filiation juste fondée sur le cumul des paternités et non la substitution de l'une à l'autre ? Outre l'intérêt de l'enfant, la prise en compte d'une pluripaternité, semble-t-il, respecterait la relation contributive entre les deux hommes ou les deux femmes. Ainsi, les images du « père visiteur » ou de la « garde conjointe » font partie de ce nouveau monde, de cette nouvelle  « forme familiale » et seraient tout  « bénéfiques » à l'enfant grâce au système de droit de visite dans la PMA ( un « ménage » à trois pour un enfant). Par ailleurs, le législateur est dans une mauvaise posture dans la difficile application des principes d'égalité est de non-discrimination.

B / - La difficile application des principes d'égalité

et de non-discrimination

L'individualisme, état par lequel l'homme se définit en fonction de lui-même,  par lequel il est sa propre référence et s'octroie le pouvoir de se donner à lui-même sa loi, est parfois le talon d'Achille des législations occidentales sur lesquelles pèse l'obligation de mettre sur le même pied d'égalité tous les acteurs et les citoyens qu'elles régissent. C'est à ce propos que les homosexuels, lesbiennes, femmes célibataires, ménopausées, hommes célibataires voulant recourir aux services d'une mère porteuse, évoquent volontiers, pour eux, les mêmes droits conférés à d'autres, notamment la possibilité de recourir aux méthodes de la PMA. Ainsi, considérés comme minoritaires du fait de leurs penchants, ils s'appuient sur tous les artifices juridiques entrevus dans les textes pour revendiquer le même traitement juridique. La loi sur cette question, semble-t-il, est prise dans sa propre spirale de reconnaissance existentielle de la procréation artificielle.

La même loi est en difficulté lorsqu'il survient des cas de situations extrêmes avec le décès d'un des conjoints du couple stérile. Au nom du désir d'enfant, est-ce qu'il y a lieu de poursuivre la réalisation d'un projet parental artificiel surtout lorsque la personne décédée avait déjà donné son consentement ou avait fait l'objet de prélèvements de ses gamètes ? Par un hypothétique refus, la loi violerait la liberté de conscience et de consentement des conjoints qui avaient entendu souscrire à la pratique. Et une autorisation légale serait également heurtée la philosophie du droit en vigueur et des sensibilités sociales qui n'acceptent pas que l'on provoque une grossesse après le décès d'un des auteurs. On a pu aussi s'interroger sur le degré de conformité de l'exercice libre de la pratique biomédicale de la PMA avec l'ordre public et l'intérêt général, ainsi que cette propension mercantiliste de la PMA au nom du principe sacro-saint de l'exercice du commerce et de l'industrie. L'emprise du monde des affaires dans l'accaparement des produits du corps humain fragilise, par ricochet, la protection juridique que devait assurer la loi quant à l'indisponibilité du corps humain.

Paragraphe 2 - La protection de l'indisponibilité du corps humain

Il a été fait cas du peu d'empressement et parfois même de l'indécision de la législation à se prononcer sur le cas de la circulation des produits du corps humain (A) et celui à décliner sa réaction significative quant à la licéité des conventions sur le corps humain (B).

A / - La circulation des produits du corps humain

La circulation des enfants est remplacée par la circulation des substances.

A l'heure actuelle, la circulation des substances est rendue possible par l'extériorisation partielle de la capacité reproductrice des corps. La fusion des gamètes, pouvant avoir lieu en éprouvette, avait remplacé la circulation des enfants (c'est-à-dire les transports d'un enfant d'un foyer à un autre). Ce ne sont plus désormais que les substances procréatives qui circulent par le canal de la logique biomédicale. La perspective du développement de la procréation médicalement assistée défie les lois de la biologie et met en cause les principes de l'indisponibilité du corps humain, ceux de l'état des personnes et les principes de la déontologie médicale et de la recherche expérimentale.

Par une alchimie juridique les textes de loi, qui ont toujours réaffirmé que le corps humain ne saurait en aucune façon faire l'objet d'une quelconque disposition, sont soudainement frappés d'impuissance face aux fréquentes atteintes résultant des concessions onéreuses et dons effectués sur des parties ou des produits du corps humain. Or, il a toujours été avancé que les produits d'origine humaine n'ont pas de prix et ne peuvent donc être ni achetés ni vendus. Autrement la démarche juridique aurait dû décider, face à de telles « agressions », que les gamètes qui sont des produits du corps humain, ne peuvent en cela faire l'objet d'une disposition de la part de la personne même dont ils sont issus. Mais récemment la France a pris 26 décrets d'application le 06 août 2004, relatifs à la bioéthique dont le premier d'entre eux a mis en place un dispositif transitoire autorisant l'importation de cellules souches embryonnaires humaines, en attendant la création en 2005 d'une Agence de biomédecine. On le voit bien que la circulation des produits du corps humain qui, en principe, est interdite semble devenir une norme juridique qui entre en contrariété avec les règles existantes. Ce même esprit semble guider la licéité des conventions sur le corps humain.

B / - La licéité des conventions sur le corps humain

La diversité des conventions possibles en matière de PMA n'a pas dérogé à la règle du caractère licite de leur établissement. Que ce soit le consentement, l'objet et la cause qui constituent des conditions de fond de validité de tout accord, on a eu du mal à comprendre les justifications juridiques qui les ont insérés dans un dispositif légal, fut-il un dispositif spécial et isolé par rapport à l'ensemble des normes en vigueur dans un pays. Tout au plus, la loi a atténué le domaine contractuel en excluant la pratique de la gestation pour autrui, la rémunération du donneur de gamètes et toutes clauses de donneurs

quant à l'utilisation finale des dons. Tout au plus, le donneur peut simplement solliciter que son don soit au bénéfice d'un couple stérile. De même, les cellules cédées ainsi que leurs dérivés ne sauraient davantage, servir de prétexte aux héritiers du donneur pour exiger des droits. Malheureusement, la loi n'a considéré que partiellement l'aspect contractuel par rapport à toutes les autres variantes contractuelles, notamment, la convention de cryoconservation des gamètes qui a donné l'existence aux banques de cellules reproductives, ou la convention d'établissement de recherche biomédicale sur les embryons surnuméraires. Ce paradoxe a été même au centre du débat de la campagne électorale des présidentielles fédérales américaines du 2 novembre 2004. En effet lors d'une déclaration tenue à Hampton (Etat de New Hampshire) à la mi-octobre 2004, le candidat démocrate, John Kerry, a plaidé pour la relance de la recherche publique sur les cellules souches embryonnaires, jugée prometteuse pour lutter contre certaines maladies (Alzheimer, Parkinson ou diabète). Alors que le candidat président républicain sortant, George Bush, avait interdit, en août 2001, le financement public au nom de la vie et de l'humanité de l'embryon. Il est évident que si le challenger John Kerry entend financer la recherche embryonnaire, non seulement il reconnaît le caractère déshumanisant de la cellule souche embryonnaire humaine, mais en plus les subventions publiques ne seront pas désintéressées, c'est-à-dire que par des conventions conclues avec les laboratoires et instituts de recherche, l'Etat fédéral sera le premier bénéficiaire de son « investissement ». Dès lors, on ne saurait comment les Etats peuvent très sérieusement interdire ou contrecarrer d'autres conventions très voisines de la PMA qui heurteraient les consciences.

Au sortir de l'analyse de la résurgence des enjeux de la PMA, le contrepoint de la volonté de procréer artificiellement va consister pour le législateur à mettre en oeuvre un cadre approprié, à imposer son rôle qui est de pallier aux conséquences et constats qu'occasionne la PMA en l'organisant et non de permettre qu'elle se réalise dans le silence et la pénombre.

DEUXIEME PARTIE - L'ORGANISATION JURIDIQUE

DE LA PMA

L'activité médicale est d'une sensibilité extrême, pointue et sourcilleuse à telle enseigne que la plupart des législateurs des grandes démocraties occidentales n'ont pas entendu la laisser à la seule volonté des praticiens. A leur initiative, il a été établi un encadrement normatif de la PMA (TITRE I). La lecture de cette régulation normative de la PMA recèle pour autant de riches et importants enseignements qui méritent une attention toute particulière (TITRE II).

TITRE I - L'ENCADREMENT NORMATIF DE LA PMA

Cet encadrement s'opère, de prime abord, par la mise en place d'une législation de base en matière de PMA qui en définit les contours (Chapitre I) et, ensuite, par l'aménagement d'un régime de responsabilité en matière de PMA (Chapitre II).

CHAPITRE I - LA LEGISLATION DE BASE EN MATIERE

DE PMA

Il revient de considérer le contenu du projet de parentalité artificielle (section I) et les objectifs que vise cette réglementation de parentalité artificielle (section II).

SECTION I - LE CONTENU DU PROJET DE PARENTALITE

ARTIFICIELLE

Il repose, essentiellement, sur le descriptif des règles de formation (paragraphe 1) et la sanction prévue en cas de violation de ces règles de formation (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Le descriptif des règles de formation

Il demeure constant que la PMA fait l'objet d'une sélection rigoureusement organisée par le droit positif (A). Sur ce, nous relèverons toute la pertinence qui s'attache à une telle sélection adoptée (B).

A / - La sélection opérée par le droit positif

La sélection a défini, d'une part, les conditionnalités (1) et, d'autre part, les droits et obligations des acteurs (2) pour une meilleure acceptation de la PMA.

1°/ Les conditionnalités

Elles peuvent être comprises en conditions générales (a) et en conditions particulières tenant à l'acte d'autorisation de la PMA (b).

a / Les conditions générales

Le cadre contractuel a toujours été régi par des conditions cumulées de forme et de fond.

- La principale et unique condition de forme reste l'écrit. En principe, le formalisme contractuel est un droit consensuel, c'est-à-dire qu'aucune forme n'est exigée quant à la validité de l'acte juridique de PMA souscrit par le couple demandeur et le praticien. Selon l'article 41 cocc, « (...) Le contrat se forme librement dès le seul échange de consentements ». Mais compte tenu de la particularité de l'art médical, exceptionnellement ce principe du consensualisme est substitué soit à un formalisme dit d'efficacité qui pourrait servir, ultérieurement, comme formule ad probationem (formalités de preuve) et / ou soit à un formalisme dit de validité ( ad validitatem ) qui privilège l'écrit ( un acte sous-seing privé ou un imprimé pré-rédigé). Et c'est précisément à ce propos qu'il faut plus voir le contrat médical (même s'il a une large part synallagmatique, commutative et onéreuse) comme un contrat solennel, voire même un contrat d'adhésion du fait de tout le monopole de la technicité et des connaissances scientifiques que détient le seul initié(praticien). Aujourd'hui avec l'envol des NTIC, on peut s'interroger sur la pertinence des contrats médicaux par télédistance, d'autant plus que cet outil informatisé peut servir à des opérations chirurgicales, a fortiori pour ce qui est de la PMA. Les praticiens sénégalais sont moins prolixes à délivrer des informations de partenariat en ce sens, au nom d'un argument spécieux et prétexte d'obligation de réserve. Si la PMA est faite dans le secteur public hospitalier, il n'y a pas de contrat entre les parties. L'intéressé est usager du service public en tant que patient mais non en tant que malade car la PMA ne relève pas de la maladie.

- Quant aux conditions de fond, notamment le consentement, l'objet, la cause, la capacité, etc., les législations sont partagées et privilégient l'appui logistique des valeurs et traditions culturelles spécifiques à chaque peuple, à chaque race, à chaque continent, etc. Relativement au consentement et à la capacité, ce sont les règles du droit civil, voire même de la pratique anglo-saxonne qui sont reçues. Celles-ci considèrent que le consentement, devant émaner des deux parties (couple et praticien) suivant l'art. 58 cocc, ne doit pas être frappé d'aucune incapacité de protection (les incapables majeurs et les mineurs ou adolescents) ou d'aucune incapacité de défiance (une interdiction frappant le médecin qui résulte soit du code de déontologie de sa profession, soit du fait de la loi) selon l'art. 57 cocc. En outre, il doit être extériorisé et intègre (exempt de vices d'erreur, de dol et de violence, fut-elle une contrainte morale).

Avec l'évolution des concepts sur l'ordre public et les bonnes moeurs, ainsi que celle sur l'indisponibilité, l'inviolabilité et l'intangibilité du corps, des éléments et des produits du corps humain, l'objet portant sur la PMA, c'est-à-dire l'assistance médicale à la conception d'un enfant par des méthodes scientifiques et la cause qui est le souhait de voir venir au monde un enfant né artificiellement ont reçu une validation de licéité et de moralité. C'est donc dire que les traits de bonnes moeurs et d'ordre public sont contingents et évoluent selon le temps et les circonstances. Cette flexibilité de ces notions a permis le développement des contrats d'expérimentation sur les cellules embryonnaires, les contrats de dons et de ventes de gamètes, de participation d'un tiers à l'intimité du couple stérile, etc.

A la limite de ces quelques conditions générales, il y a lieu de relever également des conditions particulières tenant à l'acte même de PMA.

b / Les conditions particulières tenant à l'acte de PMA

On retrouve ici les conditions générales, notamment pour ce qui est des critères juridiques que nous avons fait précéder par des critères dits naturels.

- Les critères naturels portent principalement sur l'âge des conjoints et, par là, concordent avec la condition générale relative au consentement et à la capacité du conjoint. Le critère sur l'âge est également une exigence juridique. Au Sénégal, l'âge minimum pour le mariage est fixé à 18 ans conformément à la majorité civile (loi n° 99-82 du 3 septembre 1999 portant réforme de l'art. 276 alinéa 1er CF et relative au rabaissement de la majorité civile de 21 ans à 18 ans). Mais il est prévu des dispositions d'autorisation ramenant cet âge pour la femme à 16 ans et même moins (art. 111 CF). En France, « cet âge minimum est fixé à 18 ans et 15 ans (...). On peut penser, pour le plaisir de raisonner qu'un jeune couple, pourvu qu'il soit en âge de procréer, entrera dans la prévision légale (...) »2(*)8 de la PMA. Toujours en France, il n'y a pas, en principe, d'âge maximum. Tout compte fait, le but est d'imiter biologiquement la nature. D'autant plus que l'Allemagne situe également cet âge à 16 ans2(*)9 et l'Angleterre entre 16 et 18 ans, par référence à l'institution du mariage3(*)0. Les législateurs occidentaux semblent, par ailleurs, indécis dans le cas des femmes ménopausées et il semble donc qu'une limite a été posée par l'institution d'un âge maximum excluant l'accès à la PMA. Cet âge maximum semble fortement recouper avec la ménopause. Mais là également, celle-ci varie d'une femme à une autre rendant complexe la définition d'un âge maximum standard. Tout compte fait, cette crainte légitime consiste à éviter que la PMA ne devienne le mode de procréation du deuxième (ménopause), voire du troisième âge.

Le second et dernier critère naturel pose la condition de stérilité ou d'infertilité pathologiques dont nous avons déjà fait une large part dans nos développements. Cette condition vise à évincer de l'accès à la PMA toute personne physique ne relevant pas de cette prévision. Il n'est pas nécessaire de situer le degré de la condition, c'est-à-dire son caractère irrémédiable, partiel, l'origine de la cause transmissible etc. Il suffit seulement que la personne soit en âge de procréer mais en est privée naturellement. Par suite, le constat médical avéré en fait foi en bonne et due forme.

- Les critères juridiques, en plus des critères généraux et naturels ci-dessus, réunissent plusieurs exigences qui répondent à un souci d'un mieux contrôle d'opportunité d'accès à la PMA.

C'est ainsi que l'information demeure au coeur de tout le processus pré- et post-opératoire de la PMA. Elle se doit d'être plurielle alliant la sensibilisation par la méthode de l'IEC (information, éducation, communication), le secret durant tout le parcours, la précision des renseignements relatifs à la diversité des méthodes de la PMA, leurs avantages et leurs inconvénients, si possible l'état de la législation en la matière, les sanctions prévues, les engagements à honorer à la naissance de l'enfant, etc. C'est dire que l'information doit toucher tout ce qui tourne autour de la PMA, y compris la participation du tiers et les opérations « marchandes » ou scientifiques (expérimentations). Cette même information est également requise auprès du tiers participant. Il convient de préciser, tout d'abord, que le Sénégal médical n'adhère pas à la participation d'un tiers dans l'intimité du couple, tout comme la plupart des pays de la Ummah islamique. Ceci précisé, l'expression « donneur » renvoie, à côté du tiers donneur de sperme traditionnel, à trois autres types de donneurs : la donneuse d'ovocytes, les donneurs d'embryons et la mère de substitution, plus improprement connue sous l'appellation de « mère porteuse ». La situation du tiers participant est une anticipation de la question des droits et des devoirs que nous verrons plus loin. Mais nous préférons examiner celle du tiers présentement. Nous pouvons retenir que les législateurs occidentaux s'accordent à privilégier d'abord la gratuité des dons, donc un caractère bénévole qui exclut toute rétribution ou toute forme de compensation onéreuse. Ensuite, l'anonymat est la règle dans la plupart des pays, à quelques variantes près. En troisième lieu, les praticiens et les structures doivent respecter le donneur et la finalité de son don. A ce propos, un consentement écrit spécial est souvent requis. Par contre et enfin, la responsabilité du donneur, à la suite d'une sélection morphologique (race, groupe sanguin, etc.) et d'élimination de certaines maladies (transmissibles, infectieuses, héréditaires), peut être engagée en cas de dissimulation à dessein de son état sanitaire.

D'un autre côté, la loi exige qu'il y ait présence d'une situation matrimoniale au sein d'un couple hétérosexuel. C'est ce que les praticiens sénégalais appliquent conformément à la législation en vigueur relative au mariage (art. 111 CF). Plusieurs législateurs occidentaux reçoivent la demande de simples concubins hétérosexuels et on assiste même fréquemment dans ces pays à une agrégation des demandes de femmes vivant seules.

Dans le suivi des conditionnalités requises, la sélection assujettit également les acteurs à des droits et obligations.

2°/ Les droits et les obligations des acteurs

Nous verrons ceux qui s'appliquent aux praticiens et aux établissements assimilés (a) et ceux des couples demandeurs ou patients (b).

a / Les droits et les obligations des praticiens et des établissements

assimilés

On peut les assimiler à des conditions techniques tenant à une bonne pratique de la PMA. Ils visent non seulement tous les praticiens, les personnes qui sont à toutes les périphéries du médical, du paramédical et du scientifique, ainsi que les hôpitaux, les laboratoires, les structures privées, les instituts de cryoconservation, de vente ou d'expérimentation sur les gamètes et les embryons, les directeurs, les collectivités, l'État, etc. Nous avons déjà largement posé la réflexion sur l'obligation essentielle de l'information plurielle, les questions de l'anonymat, du secret, la diversité des analyses et leur conformité à la pratique médicale. Les acteurs précités doivent se conformer aux prescriptions légales, notamment se soumettre à un droit de contrôle sur l'utilisation de la PMA à des fins prévues. C'est ainsi que le médecin est tantôt considéré comme tenu par une obligation de moyens, tantôt tenu par une obligation de résultat dans la satisfaction de la volonté du couple. Il reste toutefois seul maître quant à la manière de parvenir à cette fin. Tout État pour sa part doit veiller à ce que sa loi relative à la PMA soit respectée et doit veiller également à rendre accessible la pratique de la PMA aux personnes autorisées. Il doit également préserver l'ordre public en le conciliant à la nécessité de faire progresser la science pour le bien-être physique et social. Les organismes et les directeurs de structures, s'ils ont le droit de rentabiliser, de faire prospérer la vente des gamètes, des embryons et de faire avancer la recherche, ne doivent pour autant s'adonner à une pratique dévalorisante de réification du corps humain. Les couples demandeurs ou patients obéissent aux mêmes paramètres d'exigences.

b / Les droits et les devoirs des patients

Le débat conflictuel entre un droit à l'enfant et un droit de l'enfant n'a pas fini de confiner la volonté de procréer dans des contours fixes. Le patient est, toutefois, en droit d'exiger une suffisante, éclairée et véritable information afin de pouvoir apprécier à sa juste mesure ce qui lui est permis et / ou interdit.

Si en Occident, les droits individuels peuvent prendre le pas sur les droits du couple du fait de la prépondérance des personnes seules à se voir garantir un droit encore indéfini à la PMA, au Sénégal il n'en est pas ainsi car seul le couple hétérosexuel marié bénéficie de ce droit par la seule volonté des médecins.

Par suite, les patients s'engagent à recourir à des pratiques qui peuvent, souvent, être lourdes en incidences fâcheuses sur leur santé, voire par un échec. Ils s'engagent à assurer le développement et l'éducation de l'enfant ainsi procréé au sein d'une famille harmonieuse. Si les patients peuvent exprimer leur désapprobation quant à la violation par le praticien du pacte qui les lie, cette même possibilité est offerte à ce dernier lorsque le patient n'honore pas le contrat souscrit. C'est le cas par exemple lorsque après un long processus entamé mettant le temps et les moyens du praticien, le patient ne donne plus signe de vie ou s'en réfère à une autre structure. S'il lui est permis de changer d'avis, il reste tenu par ce qui a été déjà dépensé en temps et en moyens par ledit établissement spécialisé. On s'est interrogé, somme toute, sur la pertinence de la sélection positive adoptée.

B / - La pertinence de la sélection positive adoptée

La décision de procéder à une sélection a permis à différents législateurs intéressés par la pratique d'exclure certaines PMA de complaisance (1) et de rejeter d'autres comportements négatifs en matière de PMA (2).

1°/ L'exclusion des PMA de complaisance

Elle concerne respectivement la gestation pour autrui (a), le clonage humain reproductif (b) et l'eugénisme (c).

a / La gestation pour autrui

La sagesse et la prudence élémentaires semblent parfois faire défaut  chez bon nombre de praticiens. Ainsi, les progrès techniques de la PMA peuvent aboutir à des pratiques de plus en plus discutables. Un auteur précise que « c'est dans les années 1980, aux USA, qu'un gynécologue et un avocat eurent l'idée de · prêt · ou de · location · d'utérus »3(*)1 dont la finalité consiste pour « la mère dite · porteuse · ou de ·substitution · (...) à accoucher anonymement et à abandonner l'enfant dès sa naissance. Le père reconnaît alors le bébé et il ne reste à son épouse stérile qu'à faire une adoption plénière de l'enfant de son mari. En échange, la mère porteuse est dédommagée financièrement. »3(*)2. Ce qui a eu l'heur de déplaire un autre auteur qui n'a pas manqué de qualifier une telle pratique d'« aliénation de la maternité »3(*)3.

Et c'est ce même auteur qui fait la différenciation entre la mère porteuse qui est une sorte de « couveuse » d'un ovule fécondé d'un couple et la mère de substitution qui accepte d'être inséminée avec le sperme du mari de la femme stérile. Il s'empresse, toutefois, de préciser que « pour le droit français, il n'y a pas de différence (...) »3(*)4, entre ces deux formes de maternité et qu'il y a lieu de procéder au « (...) rejet définitif de la pratique de la gestation pour autrui »3(*)5 qui « (...) relève du domaine de la psychologie prénatale (...) »3(*)6 et qui constitue une situation de l'enfant né d'une pratique de gestation pour autrui....créée de toutes pièces par ceux qui ont suivi « le législateur britannique (qui) est le seul à autoriser, officiellement, la gestation pour autrui (...) »3(*)7.

La sélection a déclaré également l'illicéité du clonage humain reproductif.

b / L'illicéité du clonage humain reproductif

Le clonage humain consiste à une duplication délibérée d'un être humain. Si le phénomène des jumeaux (un embryon qui, en se divisant, donne lieu à un double de soi) existe dans la nature, cela ne justifie pas pour autant que l'on provoque volontairement et artificiellement la formation d'un embryon humain porteur de la même information génétique qu'un autre humain, un foetus, un être humain vivant ou décédé. « Le clonage reproductif pose des questions qui relèvent (...) des droits et libertés fondamentaux de la personne humaine »3(*)8 et  fait l'unanimité contre lui, tant le péril qu'il représente est inestimable pour l'espèce humaine. La Déclaration Universelle sur le génome humain du 11 novembre 1997 en ses articles 10 et 11 interdit les recherches et les applications du clonage à des fins de reproduction d'êtres humains. La presque unanimité a récemment été ébranlée, encore n'est pas coutume, par l'attitude unilatérale de la Grande-Bretagne. En effet, « A l'été 2000, le gouvernement Britannique de Tony Blair et le directeur de la santé publique britannique se sont prononcés en faveur du clonage des embryons humains à des fins thérapeutiques (...). La décision britannique en faveur du clonage des embryons humains à des fins thérapeutiques fait suite à une avancée très rapide des recherches ces dernières années, en particulier aux États-Unis où la législation n'interdit pas la manipulation avec l'embryon »3(*)9.

La pratique de l'eugénisme n'est également pas acceptée.

c / La non admission de l'eugénisme

Nous avons largement contribué dans la première partie de notre travail à démontrer les problèmes que soulève la PMA.

Et précisément, la PMA peut conduire à des choix de modes de vie, à façonner un nouvel type de société et un nouveau équilibre planétaire qui s'instaureraient grâce à l'élimination de tout gamète ou de tout embryon défectueux. C'est ce qui a suscité la révolte de Noëlle Lenoir qui considère l'eugénisme comme « (...) l'une des expressions du racisme fondé sur un pseudo-rationalisme scientifique. Or, il ne saurait appartenir à la science d'·améliorer·  l'espèce humaine, au sens où des hommes auraient une valeur supérieur aux autres »4(*)0. Elle rappelle, au passage que la folie de la pureté de la race d'Adolf Hitler ne doit pas être substituée faisant de sorte que certains individus soient exempts de vices physiques ou de maladies et présentant une « perfection divine » infaillible.

La plupart des législations occidentales prononcent des intentions louables mais la pratique de l'ICSI et la sélection des donneurs en dit long sur la pérennité oblitérée de l'eugénisme4(*)1.

L'exclusion des PMA de complaisance motive également le rejet des autres comportements de PMA.

2°/ Le rejet des autres comportements de PMA

Il s'articule autour de la procréation post mortem (a), de la brevetabilité et la commercialité du corps humain (b), de possibles dérives (c) et des recherches expérimentales pour une simple curiosité scientifique (d).

a / La procréation post mortem

Un point de débat tout particulier soumis aux législateurs occidentaux est celui qui concerne l'utilisation du sperme du conjoint à la suite de son décès et, dans le même sens, le recueil d'ovocytes de la femme décédée (épouse ou concubine). Les législations ont dû répondre à la question s'il est licite de concevoir un enfant sans père ou sans mère ? La réponse découle d'elle-même et oblige la loi à rejeter une telle pratique, notamment en France depuis l'avènement des lois sur la bioéthique du 29 juillet 1994. Selon ces lois, la pratique incriminée a une cause illicite et immorale du fait de sa non conformité à l'ordre public et aux bonnes moeurs car nul n'a le droit de concevoir un enfant sans l'existence de l'autre parent. C'est pourquoi un tel accord va à l'encontre des dispositions légales (art. L 152-2 alinéa 3) qui exigent que « l'homme et la femme formant le couple doivent être vivants (...) ». La loi a posé également les conditions d'accès aux produits reproducteurs du corps humain. Ce qui a eu pour incidence l'amélioration scientifique de ces produits mais également d'entraîner la brevetabilité et la commercialité du corps humain que la loi va avoir à connaître.

b / La brevetabilité et la commercialité du corps humain

Les principes de l'indisponibilité et de l'intangibilité du corps humain ont fait, pendant des siècles, la charpente du droit positif. Aujourd'hui, avec les mutations sur l'ordre public et les bonnes moeurs, ils ont fini par perdre de leur pertinence, notamment avec les techniques de PMA dont le coût s'explique par la présence des activités marchandes tout autour de la pratique médicale. C'est ainsi que l'art. L 672-8 de la loi française n° 94-654 du 29 juillet 1994 n'autorise pas les praticiens à se faire rémunérer au titre des prélèvements effectués et l'art. L 673-5 et s. prévoit une réglementation rigoureuse sur les activités des établissements spécialisés lesquels sont limitativement en position de monopole contrôlé (art. L 184-1 et s.). Cet essor de ces « banques » spéciales et ces structures, grâce à des expérimentations de perfectionnement, conduit à s'interroger sur « les meilleurs moyens d'assurer la protection de la propriété intellectuelle aux chercheurs dont les inventions ont des applications industrielles ou commerciales. Faut-il l'envisager comme un droit voisin des droits d'auteur ? » 4(*)2. Et le chapitre III de cette même loi est suffisamment dissuasive, semble-t-il, si ce n'est qu'il n'est qu'une compilation d'intentions sur les risques encourus par les personnes contrevenantes à la réglementation.

La PMA peut être aussi source de plusieurs dérives.

c / Les possibles dérives

Nous avons déjà vu que le vent nouveau de la PMA a fait une place facile à toutes sortes de sollicitations enrichissant, au passage, le vocabulaire de vocables nouveaux à l'image de l'homoparentalité. Celle-ci va consister pour des couples homosexuels à croire qu'ils sont titulaires d'un droit de recourir à la PMA en vue de donner naissance à un enfant. Sous ce même rapport, de simples personnes célibataires, ménopausées, exemptes de toute pathologie peuvent être tentées de solliciter une vie familiale de monoparentalité. C'est pour faire face à de tels comportements qui dénaturent l'esprit noble de la PMA que beaucoup de législations limitent l'accès des techniques à certaines gens qui, pour faire respecter leur liberté, ne manquent pas de soulever les concepts juridiques d'égalité ou de libertés fondamentales.

Tout comme la loi proscrit certaines recherches qui ne sont motivées que par une curiosité scientifique.

d / Les recherches expérimentales pour la curiosité scientifique

C'est le cas déjà étudié de ce qu'il est convenu d'appeler les hybrides et les chimères, les productions surnuméraires d'embryons, la modification du patrimoine génétique des gamètes et le choix abusif du sexe de l'enfant ; ainsi que toutes autres recherches n'ayant d'autre finalité que l'autosatisfaction de ce que nous avons déjà appelé sous le vocable expressif du savant-démiurge plongé dans un scientisme démesuré.

Ainsi, le projet de parentalité artificielle fait l'objet de règles précises de formation dont l'inobservation entraîne une sanction par le législateur et par les autorités compétentes.

Paragraphe 2 - La sanction de la violation des règles de formation

Toute violation, pour être sanctionnée, doit faire l'objet d'une déclaration de nullité (A). Mais dans certains cas, des limites ont été apportées à la nullité (B).

A / - La déclaration de nullité

Il revient de préciser les auteurs (1) et l'étendue de la nullité (2).

1°/ Les auteurs de la nullité

La nature juridique du corps humain suffisait à déclarer nulle et de nul effet toute convention passée sur lui.

La société des hommes a évolué mais il n'en demeure pas pour autant qu'elle a mis en oeuvre un système de régulation pour légaliser les nouvelles formes de PMA et pour en rejeter les travers.

La convention portant sur la procréation artificielle et même la distribution onéreuse des gamètes et autres formes de concession font l'objet d'une réglementation. Compte tenu du caractère d'ordre public et des bonnes moeurs, le Procureur de la République est intéressé au premier chef par la pratique s'il survient des faits susceptibles de heurter la société. Ensuite, les acteurs, à des degrés d'intérêts divers (les partenaires pris individuellement ou solidairement, les praticiens, les établissements spécialisés), peuvent invoquer la nullité. De même des proches ou des tiers concernés ou informés de certaines situations incompatibles avec l'ordre public peuvent la soulever. C'est notamment le cas de proches qui dénoncent une convention de gestation pour autrui ou le fait d'un tiers donneur qui n'avait pas donné son consentement soit au prélèvement de son gamète, soit au recours de la PMA, soit à certaines formes de dons ou de recherches. Tout comme le cas des praticiens qui se font rémunérer lors des prélèvements. Il peut également s'agir d'un tiers dont l'anonymat n'a pas été préservé auprès du couple demandeur ou vice-versa. En d'autres termes, il suffit que l'une des conditions générales, juridiques, naturelles déjà étudiées soit violée pour que l'acte passe sous le coup de la nullité. En raison de l'intérêt général, la nullité demeure absolue. Elle est d'ordre public.

2°/ L'étendue de la nullité

Comme déjà affirmé, la nullité est absolue, elle est d'ordre public du fait de la protection juridique du corps humain, des valeurs morales et sociales de la société. Elle ne saurait, par conséquent, être relative ce qui serait une légèreté qui heurterait la société ; et la prescription est extinctive avec le délai de droit commun qui est de 10 ans au Sénégal (art. 222 cocc).

Tout comme il est possible de soulever l'exception de nullité (art. 90 cocc). Mais là, il faudrait être prudent avec l'intérêt de l'enfant et considérer les motivations réelles du demandeur à l'époque de la demande pour ne pas entraîner des bouleversements préjudiciables. En pareil cas, la stabilité sociale s'opposerait à l'invocation d'une telle exception en nullité au profit de la prescription extinctive, voire de la confirmation si l'ordre public n'est pas irrémédiablement troublé. C'est dire qu'il y a lieu parfois de recourir aux obstacles de l'exercice de l'action en nullité.

La nullité entraîne la résolution si l'acte n'est pas encore entamé. En d'autres circonstances, notamment l'inobservation des termes d'une cession de dons de gamètes, la résiliation pourrait opérer.

La nullité n'opère pas dans certaines situations que nous avons déjà ébauchées.

B / Les limites apportées à la nullité

C'est le cas notamment lorsque la personne qui avait droit d'invoquer la nullité renonce à le faire. Par exemple, le mari stérile qui n'avait pas consenti à l'acte de PMA fait par sa femme. Par là, il procède ou peut procéder à une renonciation tacite ou expresse. C'est un acte abdicatif. Par suite, la PMA est expurgée de son irrégularité de façon rétroactive comme s'il n'avait jamais été nul, comme s'il avait toujours été valable. Cette confirmation demeure possible que si l'acte (consentement vicié) relève de la nullité relative parce qu'on ne peut déroger par des conventions aux règles de l'intérêt général, comme la rémunération du praticien ou du tiers donneur. On peut également invoquer comme limite la prescription extinctive pour le non exercice de l'action en nullité dans le délai imparti ou l'immixtion d'un tiers non intéressé à l'acte (mouvements opposés aux PMA, groupes religieux).

C'est autour de l'analyse du contenu du projet de parentalité artificielle que se dessinent les véritables objectifs qui ont amené le législateur à définir une réglementation.

SECTION II - LES OBJECTIFS DE LA REGLEMENTATION

DE PARENTALITE ARTIFICIELLE

Ils visent cumulativement à assurer la sécurisation du statut de l'enfant né artificiellement (paragraphe 1) et à garantir le contrôle juridique de l'exercice de la PMA (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La sécurisation du statut de l'enfant artificiel

Le législateur vise à promouvoir une réelle insertion sociale à l'enfant ainsi procréé (A) et à consolider sa protection légale (B).

A / - L'insertion sociale de l'enfant procréé

Elle se fait par l'établissement d'une filiation nouvelle (1) et par une vocation à être successible (2).

1°/ L'établissement d'une filiation nouvelle

En fait de filiation nouvelle, les législateurs occidentaux visent à assimiler l'enfant procréé à un enfant légitime issu d'une procréation naturelle. C'est dire que l'enfant est assimilé à un enfant issu directement du couple qui lui a, ainsi, donné vie au sens complet du terme.

L'établissement de la filiation intervient de plein droit, par mention du nom du mari de la femme dans l'acte de naissance, de sa nationalité et de son insertion dans sa nouvelle famille. De la même manière, la preuve de l'éloignement ou de l'impuissance ne saurait prospérer (art. 191 à 194 CF). « Ainsi la filiation légitime rattache juridiquement l'enfant à ses père et mère qui sont dans les liens du mariage » 4(*)3. Tel semble être l'attitude du Sénégal qui devrait chercher à faire coïncider la filiation juridique à la filiation artificielle, même si aucun texte n'est encore pris en l'espèce. La filiation artificielle est ainsi assimilée à la filiation biologique, voire naturelle. Si le Sénégal n'accepte que les PMA homologues au sein du couple hétérosexuel marié, l'Occident privilégie en plus la PMA hétérologue et celle reposant sur le concubinage. Si la première situation peut se voir appliquer la « position sénégalaise » pour un couple marié, la seconde n'est pas assujettie à une présomption de paternité. Il faut, par suite, une déclaration écrite avant le recours à la PMA. Cette même déclaration ou consentement est requis du couple hétérologue qui a recours aux services d'un tiers participant.

La loi, d'un autre côté, assure la vocation de successible à l'enfant.

2°/ La vocation à être successible

Avec la PMA, l'enfant légitimé par un nom et une nationalité détient une vocation héréditaire, c'est-à-dire il est appelé par la loi à avoir une existence de successible au moment de sa conception (s'il naît vivant et viable par la suite) [art. 399 alinéa 1er CF]. Et le principe dans les successions de droit commun, c'est que tous les enfants légitimes du couple succèdent à leurs parents de façon égalitaire (art. 520 à 522 CF). C'est dire que l'enfant artificiel n'est ni un enfant naturel, ni un enfant adopté. Mais le débat persiste dans la doctrine surtout avec le recours du tiers participant. Toutefois, le législateur français semble avoir déjà «prédit» le cas de l'enfant artificiel et tranche le débat en assimilant l'enfant naturel ou adopté à l'enfant légitime en matière successorale (art. 757 c.civ.fr). Au Sénégal, le débat successoral entre enfant naturel, enfant adopté et enfant légitime n'a jamais été tranché de façon nette par le législateur complaisant avec le droit musulman, on peut craindre que l'avènement de ce troisième « casuistique » que constitue l'enfant artificiel ne ravive les passions 4(*)4. En outre, il existe un privilège moyenâgeux de masculinité qui n'a pas son pendant dans le monde actuel fait d'égalité démocratique et surtout juridique.

Quand bien même, l'enfant bénéficie d'autres formes de protection légale.

B / - Le bénéfice d'une protection légale

Les législateurs occidentaux ont prévenu sur les cas de désistement post-PMA en déclarant irrecevables toutes les contestations ultérieures de filiation artificielle projetée. C'est dire que le désaveu de paternité ou de maternité (dans le cas hétérologue) ne peut plus prospérer en la matière lorsque la PMA est déjà réalisée et a permis la venue au monde d'un enfant. La demande en désaveu n'est pas recevable si le conjoint a consenti à l'acte de PMA, sauf réserve de l'hypothèse où l'enfant n'est pas issu de la pratique artificielle (le cas d'une tromperie sur un enfant issu des oeuvres de l'épouse et d'un amant), à condition de rapporter la preuve qu'il n'est pas le père. En l'espèce, ce sont les modes ordinaires de la preuve qui opèrent (art. 197 et s. CF).

Par suite, le ou les conjoint(s) récalcitrant(s) pour honorer leurs engagements s'exposent à voir leur responsabilité retenue pour inexécution de « l'accord » de PMA sollicité.

Nous étudions plus loin le régime de la responsabilité. Retenons, sur cette même lancée, que la PMA vise aussi un objectif de contrôle juridique de l'exercice de la PMA.

Paragraphe 2 - Le contrôle juridique de l'exercice de la PMA

L'existence d'une réglementation de la PMA est autant de restrictions posées en matière biomédicale (A) et d'entraves imposées à l'exercice de l'activité des structures connexes (B).

A / - Les restrictions en matière biomédicale

La biomédecine est une science toute nouvelle qui marque toujours sa part prépondérante vers l'inconnu. Il sied aux législateurs qui l'ont instituée d'en insuffler de larges limitations puisque l'enjeu de la réglementation consiste à préserver la dignité et l'intégrité du corps humain. A ce titre, la plupart des législations ont développé un ensemble de mesures restreignant le libre exercice médical de cette profession. Déjà, le corps médical et paramédical exerce son art dans une ambiance de corpus juridique lequel est une exigence de conformité à la déontologie médicale du groupe. En plus, des textes internationaux comme le serment d'Hippocrate, entre autres.

Par suite, la science biomédicale doit entrer dans les plans du cadrage normatif mais également tenir compte, autant que faire ce peut, du contexte socioculturel. C'est ainsi qu'il faut comprendre la non acception au Sénégal de la PMA avec participation du tiers et, plus ou moins, des opérations mercantiles sur les gamètes ou les embryons. Tout comme en Occident où l'on ne reçoit pas toujours les demandes de certaines minorités qui semblent relever de désirs extravagants et provocateurs et les restrictions posées à la biomédecine. C'est dire que certaines activités biologiques en santé de la reproduction des praticiens sont suivies d'autres entraves imposées à l'activité des structures connexes.

B / - Les entraves à l'activité des structures connexes

La vie en société repose sur un contrôle strict du commerce juridique, c'est-à-dire des activités, notamment celles de la PMA qui méritent un certain regard appuyé de la puissance publique. C'est ainsi qu'en France, les deux lois bioéthiques du 29 juillet 1994 contiennent des dispositions relatives aux activités d'assistance médicale à la procréation (art. L 184-1 à L 184-7 suivis des articles R. 184-1-1 à R.184-3-20 du décret n° 95-560 du 6 mai 1995). Les activités ne sont entreprises qu'après avis conformes de la commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. Ces activités sont effectuées sous la responsabilité d'un praticien nommément agréé à cet effet dans chaque laboratoire ou établissement autorisé. Les articles L 181-1 et s. du CSP (code de santé publique) précisent le régime de l'autorisation que doit obtenir un établissement de santé par la justification des pièces du dossier spécifique. Tout établissement doit présenter un rapport annuel au ministre de tutelle en charge de la santé. L'autorisation accordée peut faire l'objet de retrait en cas de manquements, notamment en cas de non respect des conditions techniques et biologiques de fonctionnement, de conservation des gamètes ou des embryons, de la tenue des registres relatifs aux gamètes et aux embryons, ainsi que de l'utilisation inappropriée de ces derniers.

C'est dire que les expérimentations et le « commerce » des produits du corps humain par les firmes, instituts, etc. font l'objet d'un suivi très rigoureux. L'ensemble de la législation de base en matière de PMA est complété par un régime de responsabilité.

CHAPITRE II - LE REGIME DE RESPONSABILITE

EN MATIERE DE PMA

Le régime de la responsabilité repose autour de la compréhension de son mécanisme (section I ) et de la mise en oeuvre de la sanction réparatrice (section II).

SECTION I - LE MECANISME DE LA RESPONSABILITE

Nous relèverons, comme préalable à l'analyse, la transversalité de la notion de responsabilité (paragraphe 1) avant que nous ne mettons l'accent sur l'établissement de cette responsabilité (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La transversalité de la notion de responsabilité

Elle s'exprime par la précision de la nature du régime de responsabilité (A). Et le constat qui en émerge est celui d'une dilution progressive des responsabilités (B).

A / - La nature du régime de responsabilité

La responsabilité est une notion partagée par la morale, par l'éthique et par le droit. Nous ne l'envisagerons, ici, que du point de vue juridique. La responsabilité, c'est l'obligation, morale ou juridique de répondre de ses actes et d'en supporter les conséquences. Elle peut être définie à la manière d'Antoine de Saint-Exupéry « être homme, c'est être responsable » 4(*)5ou à l'image de la crainte confuse qu'elle suscite pour Jean Guitton qui estime « Qu'il est profond, qu'il est réconfortant et toutefois qu'il est redoutable, qu'il est simple et toutefois qu'il est ambigu, juridique et magique en même temps, ce mot de six syllabes : responsabilité. »4(*)6 ou également à la manière de Jean Paul Sartre, comme « la simple revendication logique des conséquences de notre liberté »4(*)7. La responsabilité juridique consiste donc à répondre de ses actes et à les assumer selon les normes du droit. Elle suppose intrinsèquement la conjonction de trois faits objectifs : une faute a été commise sur une personne, cette personne souffre d'un préjudice et la faute a directement causé le préjudice (lien de causalité). Quand ces trois éléments sont présents, l'auteur de la faute doit réparer financièrement la victime ou être puni d'une sanction qui tient compte de la nature des faits reprochés et du statut professionnel du mis en cause. C'est ainsi que la responsabilité médicale peut obliger l'auteur à réparer pécuniairement le préjudice qu'il a causé à la victime : c'est la responsabilité civile. Le but est d'obtenir une indemnisation (dommages-intérêts) pour un préjudice certain (expertisé) d'ordre physique, matériel ou moral. C'est à la victime d'apporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Cette responsabilité peut alternativement s'envisager sur deux terrains : la responsabilité extracontractuelle (délictuelle et quasi-délictuelle) et la responsabilité contractuelle en vertu des articles 118 cocc «  est responsable celui qui par sa faute cause un dommage à autrui » et 119 cocc «  la faute est un manquement à une obligation préexistante de quelque nature qu'elle soit ». En droit sénégalais, cette distinction quant à la nature contractuelle ou extracontractuelle doit être relativisée parce que le législateur a consacré le principe de l'unité de la faute4(*)8. Alors qu'en France la responsabilité extracontractuelle est régie par les articles 1382 à 1386 c.civ. et la responsabilité contractuelle par les articles 1147 et 1142 c.civ.

La responsabilité médicale peut aussi entraîner la condamnation répressive de l'auteur : c'est la responsabilité pénale. Elle est fondée sur l'art. 307 CP4(*)9. L'objectif est la punition du coupable. Les exemples ne manquent pas. Ce peut être une imprudence, une négligence, une inattention, une inobservation des règlements, des homicides et /ou des coups et blessures volontaires, involontaires, des atteintes à l'intégrité corporelle, etc.

La responsabilité médicale peut également être jugée suivant les règles particulières à la puissance publique : c'est la responsabilité administrative. A l'hôpital public, le médecin exerce une mission de service public. Il n'existe pas de contrat entre le patient et le praticien public mais entre le patient et l'établissement public de santé. En cas de litige, le patient doit donc saisir les juridiques administratives pour obtenir la réparation de son préjudice causé par les collectivités publiques ou par l'État. C'est à l'usager (patient) d'apporter les preuves de la faute. Le seul lien entre l'agent public (médecin), le malade (usager) et le visiteur (tiers) est le fait du service public et le fonctionnement de ses installations ou le fait de l'acte médical ou de gestion de la PMA. Seule la responsabilité administrative de l'agent public est engagée car la faute est liée au service public. Dès lors, il est logique de substituer la responsabilité de l'administration à celle de l'agent public médical. L'établissement public de santé assume la responsabilité des fautes commises par ses agents.

Enfin, la responsabilité médicale peut être mise en cause, non plus devant les juridictions étatiques, mais devant une juridiction professionnelle. Par exemple, le Conseil de l'Ordre des Médecins : c'est la responsabilité ordinale encore appelée responsabilité disciplinaire. L'Ordre des Médecins veille au respect des règles professionnelles (code de déontologie médicale du Sénégal : Décret n° 67-147 du 10 février 1967 et des textes légaux en vigueur).

Nous le voyons, la transversalité de la notion de responsabilité est multiforme et on assiste, de plus en plus, à une dilution progressive des responsabilités.

B / - La dilution progressive des responsabilités

Le régime de la responsabilité est devenu, par une tendance évolutive, une quête d'un équilibre délicat à atteindre entre la protection des structures publiques et la garantie des victimes. En effet, le but de l'action en responsabilité est un but patrimonial, c'est-à-dire une responsabilité à but restitutif et que la sanction, c'est l'allocation de dommages et intérêts. C'est ce qui a amené le professeur Pape Demba SY à dire qu'il se fait « (...)un rapprochement ... »5(*)0 entre les différentes responsabilités et « Dans certains pays, certains estiment qu'il n'y a plus lieu de faire une distinction entre responsabilités publique et privée, extracontractuelle et contractuelle... En d'autres termes, l'objet de la responsabilité médicale, comme l'indique la doctrine, c'est la réparation des dommages causés par des actes médicaux »5(*)1. Le régime de responsabilité entre de plus en plus dans cette perspective. Cette responsabilité couvre tous les actes médicaux ou chirurgicaux, les actes d'organisation et de fonctionnement du service, d'exécution ou d'accomplissement des soins.

Et pour ce faire, la dilution des responsabilités connaîtra des bouleversements suivant les développements du même auteur : « En réalité du juge ou du législateur dépasse la conciliation de ces intérêts opposés pour atteindre le contribuable. C'est d'ailleurs pourquoi la mission de socialisation des risques a été inventée, c'est-à-dire de faire supporter à la collectivité le dommage causé à un de ses membres par la recherche de l'inter-commun. Le régime de la responsabilité (...) entre dans cette perspective »5(*)2. La responsabilité sort de la dichotomie de la sphère ·privée-publique· pour épouser les contours d'une responsabilité de la communauté, c'est-à-dire une responsabilité sociale qui doit jouer pour s'intégrer dans la politique nationale de l'assurance.

Le préalable de la transversalité de la notion de responsabilité ainsi surmonté et posé, il sied maintenant de mettre l'accent sur l'établissement de cette responsabilité.

Paragraphe 2 - L'établissement de la responsabilité

Nous ferons, d'abord, la description des règles d'engagement (A) et, ensuite, nous apporterons des précisions relatives à la saisine juridictionnelle (B).

A / - La description des règles d'engagement

Elle s'articule autour de la concomitance entre un fait générateur et un dommage (1) et de l'exigence d'un lien de causalité (2).

1°/ La concomitance entre un fait générateur et un dommage

Il doit survenir une simultanéité entre un fait générateur et la réalisation d'un dommage.

Le fait générateur constitue la faute de l'auteur. La faute, suivant les articles 118 et 119 cocc, est un manquement à une obligation préexistante de quelque nature qu'elle soit. Ce manquement peut être une transgression d'une norme contractuelle, déontologique ou légale. C'est ce qui fait dire que le Sénégal a opté pour une conception unitaire du manquement. Sous réserve de cette précision, le manquement peut ne pas résulter d'un texte. A ce propos, le droit utilise la formule du modèle-standard du « bon père de famille ». Elle consiste à vérifier si une personne sensée, prudente, avisée, placée dans les mêmes conditions que l'auteur aurait commis pareilles inattentions, négligences, imprudences. Par suite, la faute peut être une faute technique médicale liée aux différentes méthodes de PMA connues. C'est le cas des actes de soins, médicaux ou chirurgicaux, notamment la survenance d'une complication exceptionnelle alors que le praticien a mis en oeuvre tous les moyens nécessaires ou encore les risques liés aux explorations chez la femme stérile, les complications résultant de médicaments inducteurs d'ovulation, d'hyperstimulation qui peuvent être la conséquence sur la morbidité maternelle et périnatale du fait de grossesses multiples, les contaminations découlant du don d'un tiers (virus, maladies infectieuses, héréditaires) ou les erreurs sur les gamètes (un gamète de race noire inséminé à une femme de race blanche), etc. La faute peut aussi être par omission, notamment l'absence d'examens complémentaires, le défaut d'utilisation d'une technique courante, omission de conseil du patient, etc. Ceci précisé le médecin doit apporter à l'acte qu'il pose tous les soins du médecin raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. On lui reproche une faute ou une « négligence », s'il ne s'est pas conformé à ce standard. Le praticien est lié par une obligation généralement analysée comme une obligation de moyens. Il n'est pas tenu du résultat mais seulement de donner ses soins et de procéder à l'intervention sans une faute professionnelle. La PMA, en effet, semble ne pas être un acte médical complexe au vu de l'avancée technologique et biomédicale. La faute peut également être le fait du centre ayant fourni le matériel médical de la PMA, le fait du donneur qui omet de révéler certains de ses antécédents, le fait aussi du couple ou de l'un des partenaires. Par suite, le préjudice peut être corporel, matériel ou moral et doit être actuel, certain. Les victimes sont tenues de justifier un intérêt légitime, notamment la perte de chance d'acquérir une situation convoitée après plusieurs échecs qui ont épuisé l'organisme, leur temps et leurs moyens . c'est le pretium doloris. Le dommage doit également être direct mais rien n'empêche qu'il soit par ricochet par le vécu de la douleur d'un proche. C'est le cas du tiers (apparenté) intéressé qui est fondé à invoquer l'exécution défectueuse, le délai tardif, les fautes techniques (chirurgicales), de surveillance, de conservation des gamètes par des banques spéciales, les expérimentations non consenties qui ont des répercussions touchant à la fois la victime immédiate et la victime médiate (indirecte). Toutefois, il demeure constant qu'il doit exister un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

2°/ L'exigence d'un lien de causalité

Pour qu'il y ait responsabilité, il faut que le préjudice soit la conséquence de la faute. Ainsi, il est constant que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui d'un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, selon l'article 1382 c.civ.fr. La doctrine a élaboré trois catégories de lien de causalité. En effet, la relation de causalité pose parfois des problèmes délicats lorsqu'il s'agit de l'établir en présence de plusieurs faits qui ont concouru à la réalisation du même dommage. Prenons l'exemple d'un centre de conservation qui livre soit un gamète d'une race non sollicité (race noire), soit de mauvaise qualité (contamination) à une structure de PMA qui ne procède pas aux contrôles et analyses et l'insémine à la femme (race blanche) du couple demandeur. Devant toutes ces causes, que faire ? On peut se référer à la théorie de l'équivalence des conditions et considérer que toutes les causes se valent. C'est dire que tout fait,  même éloigné, sans lequel le dommage ne se serait pas produit est réputé causal. Pour le cas de notre exemple, le centre, la structure de PMA, le praticien et ses auxiliaires seraient responsables. Cette théorie a la préférence car elle permet de mieux garantir l'indemnisation de la victime.

On peut aussi ne retenir que la dernière cause, c'est-à-dire la théorie de la proximité des causes avec plusieurs nuances doctrinales intégrant les concepts de causalité efficiente, directe et immédiate. En l'espèce dans notre exemple fictif, seul le praticien serait responsable.

Enfin, on peut retenir que la causalité adéquate, c'est-à-dire la cause la plus prépondérante qui est celle qui comporte la possibilité objective du dommage réalisé. Les faits n'ont pas le même rôle dans la genèse du dommage. On procède à une recherche de probabilité permettant d'établir et de déterminer la cause la plus prépondérante.

L'existence de cette controverse montre la difficulté de rapporter la preuve du lien de causalité. Il n'y a pas sur ce point une solution de portée générale.

Par ailleurs, la faute doit être prouvée par celui qui s'en prévaut. Il sera donc très difficile à un patient victime de prouver que son praticien ou le centre a commis une faute. La matière étant très technique et très hermétique aux non initiés. Mais il peut arriver que l'on ait recours à une présomption de responsabilité, à charge pour le praticien ou le centre de prouver l'absence de faute de leur part. C'est ainsi que la présomption de faute est retenue en cas de recherches biomédicales5(*)3. Et même, on tend à passer d'un régime de présomption de la responsabilité à celui d'une obligation de résultat. Par exemple une obligation de sécurité de résultat dont on ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère. Aujourd'hui avec le recours aux tiers-payeurs (assurances), la responsabilité peut être atténuée et même résulter d'une responsabilité sans faute. Il y a même la possibilité de limiter la responsabilité de l'auteur si la victime a concouru à la réalisation de son dommage (le patient qui ne respecte pas les consignes prévues par le praticien de la PMA, prise de médicaments, alimentation à surveiller, etc.). L'établissement de la responsabilité passe également par la maîtrise des précisions relatives à la saisine juridictionnelle.

B / - Les précisions relatives à la saisine juridictionnelle

On peut s'interroger et apprécier le rôle du Ministère Public (1) mais également le problème de la détermination du juge compétent à saisir (2).

1°/ Le rôle du Ministère Public

La PMA, nous ne cesserons de le redire, touche à l'indisponibilité du corps humain, à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Aussi, le Procureur de la République est garant de la protection des intérêts de la société et de l'intérêt général. C'est ainsi qu'il est le garant du respect du droit pénal. On a assisté en France avec les lois bioéthiques du 29 juillet 1994 à une propension à la pénalisation qui se manifeste dans les réformes aménagées à l'assistance médicale à la procréation.

Ainsi, le ministère public peut et doit se saisir d'office lorsqu'il est avisé que les activités relatives à la PMA sont d'une gravité extrême qu'elles violent les lois et les règlements en vigueur.

Tout citoyen ou patient qui pense être victime d'une infraction à la loi pénale par la pratique de la PMA et qui prétend être victime d'une faute médicale peut adresser une plainte avec constitution de partie civile motivée au Procureur de la République, soit par simple lettre, soit par l'intermédiaire du commissariat de police. Souvent, le plaignant charge un avocat de déposer la plainte. L'enquête préliminaire peut procéder à l'audition du plaignant, de la personne mise en cause, des témoins et à des constatations matérielles. La décision du Procureur peut prendre la forme d'un classement de la plainte sans suite, d'une citation directe du prévenu devant le tribunal ou de l'ouverture d'une information confiée à un juge d'instruction. Ce dernier peut décider une expertise pénale. Quant au plaignant, il lui est loisible de saisir le juge d'instruction en se constituant partie civile s'il n'accepte pas le classement sans suite de sa plainte par le Procureur de la République.

Le plaignant (ou patient) doit également résoudre le problème de la juridiction compétente à saisir.

2°/ La détermination de la compétence

Nous avons déjà développé qu'en matière de responsabilité médicale il s'est dessiné une tendance, un rapprochement, une dilution des responsabilités. Dès lors, on peut envisager, dans le futur, à la facilitation de la procédure de l'action en justice.

Mais présentement, le patient suivant l'introduction de sa requête doit se conformer aux procédures civile, administrative, pénale, etc. Nous ne reviendrons pas sur les conditions d'engagement qui, à quelques variantes près, sont similaires.

La procédure administrative ne peut être entamée que dans le respect des formes édictées mettant l'accent sur les actes de puissance publique et la mission de service public dans les délais de recours contentieux en matière administrative (articles 39, 729 à 733 code de proc.civ. du Sénégal soit pour le recours pour excès de pouvoir d'un acte décisionnel lié à la PMA , soit pour le recours de pleine juridiction lié à la défense d'un droit subjectif lié à la PMA). La procédure civile, souvent dite accusatoire, est l'affaire des parties (le demandeur et le défendeur). Le Procureur de la République n'intervient pratiquement pas dans la procédure (sous réserve de rares exceptions :la procédure de type accusatoire dans les juridictions civiles a partiellement acquis un caractère inquisitoire avec l'institution du juge de la mise en l'état lui permettant de procéder à l'audition des témoins et de provoquer des expertises). Le débat est très contradictoire avec les plaidoiries des avocats et la comparution des parties. Ainsi, le plaignant a intérêt à solliciter l'assistance d'un auxiliaire de justice (avocat) qui sera, à même, de mieux introduire son dossier en justice. L'action en justice consiste à s'attacher les services d'un avocat car une bonne maîtrise de la procédure des compétences ratione personae, ratione loci et ratione materiae est une étape importante surmontée dans la revendication d'un droit lésé et froissé. Il revient, à présent, de réfléchir sur la mise en oeuvre de la sanction réparatrice.

SECTION II  - LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION

REPARATRICE

Pour l'obtention de la réparation, le patient doit se conformer au formalisme de cette dernière (paragraphe 1). Ce qui lui permettra de réaliser la réparation de son préjudice (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La conformité au formalisme de la réparation

Elle se fait par une stricte observance de quelques exigences préalables (A) complétées par des modalités subséquentes à la procédure de réparation (B).

A / - La stricte observance des exigences préalables

Le patient doit franchir des étapes pour l'obtention d'une réparation (1) et son préjudice est sujet à une évaluation (2).

1°/ Les étapes à l'obtention d'une réparation

Le régime de la responsabilité en matière de PMA crée à la charge de l'auteur du dommage une obligation de réparer le tort causé à la victime. Les sujets de l'action, c'est, d'abord, les accipiens (créanciers de la réparation) qui sont les victimes directes ou leurs héritiers (victimes par ricochet ou indirectes) ou encore ceux qui bénéficient d'une subrogation (c'est notamment la compagnie d'assurance). C'est ensuite les solvens (débiteurs de la réparation) qui sont les auteurs directs, indirects, solidaires ou co-solidaires déclarés responsables ou leurs ayant-droits, c'est-à-dire en cas de cession ou d'absorption d'un établissement de PMA ou encore de changement de direction (nouvel employeur). En principe le successeur ou ayant-cause à titre particulier n'est pas de plein droit directement tenu des obligations (dettes) de son auteur conformément à une jurisprudence ancienne (c.cass.fr. 15 janvier 1918) sauf si une clause de cession l'inclut (stipulation pour autrui avec obligation acceptée par le tiers).

Le créancier de la réparation n'est pas au bout de sa peine et doit compléter sa procédure en réparation par une évaluation du préjudice.

2°/ L'évaluation du préjudice

Elle est fonction de l'importance du risque couru et subi, de la gravité du dommage du patient lié à la PMA. Ainsi le domaine de l'évaluation du préjudice est si exhaustif qu'il serait impossible d'en faire une énumération complète.

Tout au plus, on peut affirmer que l'objectif visé est l'exclusion logique des préjudices douteux ou hypothétiques. Avec le concours de l'expertise médicale, il peut arriver que le préjudice ne soit pas encore réalisé. Le dommage futur est inévitable mais on ne sait pas encore comment il va évoluer. Certaines atteintes physiques ou physiologiques demeureront inchangées, alors que d'autres évolueront. C'est pourquoi le dilemme est quel sens donné au préjudice à venir suivant son aggravation, son amélioration ou sa disparition. Cet élément assez mal connu constitue l'évolution ultérieure des séquelles. On estime toutefois, grâce aux progrès de la médecine, qu'un expert averti doit être capable de poser un pronostic sérieux statistiquement valable. Le droit à la réparation exige donc une précision certaine et éclairée des lésions par un interrogatoire minutieux, l'étude des documents justificatifs, les pièces extra-médicales (les constats de police ou les procès-verbaux), les pièces médicales et les examens complémentaires.

L'évaluation s'achèvera pour le requérant par la satisfaction d'autres modalités subséquentes à la procédure en réparation.

B / - Les modalités subséquentes de la procédure en réparation

Elles peuvent être comprises autour de l'étendue et de la forme de la réparation.

L'étendue de la réparation revient à s'interroger sur la nécessité ou non de procéder soit à une réparation partielle en ne tenant compte que du seul préjudice subi, abstraction faite des autres paramètres qui n'étaient pas entrés en concours au moment de la survenance du dommage, soit on s'attèle vers une réparation intégrale qui tienne en considération toute la variété de préjudices qui viennent en complément. On peut ainsi estimer que le plaignant invoque un préjudice économique constitué par les frais médicaux et pharmaceutiques, les pertes de ressources et les frais divers dus à une incapacité temporaire, les conséquences financières d'une lésion irréversible ou encore l'invalidité. Il peut demander également un préjudice moral constitué par les souffrances physiques ou psychiques, l'amoindrissement de sa personnalité (la violation du secret médical, de son consentement ...). Ceux-ci renvoient dans leur ensemble, au pretium doloris ou quantum doloris lequel prend en compte le préjudice esthétique (atteinte corporelle de nature à enlaidir la victime) résultant de cicatrices, de modifications morphologiques du fait de traitements longs. Le préjudice ·agrément· (la perte du goût de la vie, des distractions, des loisirs), le préjudice professionnel (les incidences, les traumatismes sur le maintien de l'activité professionnelle de la victime), le préjudice obstétrical (la perte de la fonctionnalité des organes reproducteurs), le préjudice sexuel (les troubles psychologiques) sont autant d'invocation d'une perte de chance.

Par suite, la forme de la réparation est une réparation par équivalent, c'est-à-dire l'allocation de dommage-intérêts compensatoires (art. 133 alinéa 1er cocc), la réparation en nature du corps ou des produits humains ne semble pas très plausible, même si elle demeure dans l'ordre du possible avec les greffes et opérations chirurgicales d'organes. L'allocation peut se faire en une seule fois ou par le versement de rentes échelonnées fixées par le juge. Avec le système de l'assurance de la responsabilité médicale, on s'achemine vers une baremnisation laquelle pour l'instant n'est pas définitive et reste imprécise. La conformité au formalisme ici présentée permet la réalisation de la réparation du préjudice.

Paragraphe 2 - La réalisation de la réparation

Elle vise la perception de l'application et des intérêts que pose la réparation (A) dont les tendances recoupent avec le recours au système de l'assurance (B).

A / - L'application et les intérêts de la réparation

Le principe de la réparation ne saurait se faire en dehors de tout processus juridictionnel. L'action en réparation doit, impérieusement, être introduite devant la juridiction civile (ou administrative), à moins que l'acte dommageable ne soit en même temps une infraction pénale. Dans ce cas, la victime pourra également saisir la juridiction répressive avec toutes les conséquences qui s'attachent à la décision pénale défavorable qui le priverait du recours civil.

Nous avons déjà posé que le système juridictionnel permet, en outre, d'écarter les demandes en réparation fantaisistes, douteuses, voire délibérément exagérées. Toutefois, l'avantage est la réparation intégrale du préjudice car le corps humain fait l'objet d'une protection très particulière, même si l'on reconnaît que la personne humaine n'a pas un prix aussi conséquent pouvant faire l'objet d'une appréciation évaluative. Mais le revers de la médaille est que la décision de justice, revêtue de l'autorité de la chose jugée, peut parfois ne pas revêtir une juste et équitable indemnisation. Et cela s'amplifie, de plus en plus, avec le recours au système de l'assurance (taux de baremnisation du code CIMA tome I).

B / - Le recours au système de l'assurance

L'assurance a fini de pénétrer le milieu médical face au développement sans cesse croissant du contentieux de la responsabilité. Pour ce faire, il est souvent demandé réparation sous le couvert de la garantie d'une compagnie d'assurance ; et les auteurs de dommage (les praticiens, le personnel médical et paramédical, les établissements de santé, les instituts et les centres spécialisés en PMA, les laboratoires, etc.) souscrivent nécessairement à une police d'assurance. A la base, se trouve un contrat d'assurance par lequel l'assureur s'oblige à garantir l'assuré contre les réclamations pécuniaires des tiers. L'assureur est donc débiteur de la réparation, même si l'assuré ne verse passe régulièrement ses cotisations, en l'absence de toute dénonciation du contrat d'assurance. L'assureur n'est tenu que du fait dommageable prévu au contrat d'où la nécessité de mieux rédiger les clauses d'un tel contrat, somme toute, d'adhésion. L'assureur est tenu de faire une proposition d'indemnisation à temps déterminé que la victime et son conseil examineront pour en apprécier la suffisance et la pertinence. En cas de désaccord sur ce règlement à l'amiable, le juge sera saisi. Dès lors, celui-ci désignera une expertise médicale qui appréciera dans son rapport l'intégralité du préjudice. Il n'existe pas une fixation du taux, celui-ci est fonction de la délicatesse des traumatismes. Il peut exister donc plusieurs barèmes et il semble qu'une baremnisation unique n'est pas encore reçue.

L'étude de l'encadrement normatif de la PMA nous a permis de relever et de tirer beaucoup d'enseignements qu'il nous revient, à présent, de considérer.

TITRE II - LES ENSEIGNEMENTS DECOULANT

DE LA REGULATION NORMATIVE DE LA PMA

Nous nous sommes interrogés, de prime abord, sur la dimension qu'il faut donner au dispositif juridique ainsi institué (Chapitre I) et, ensuite, sur la portée réelle du système normatif en vigueur (Chapitre II).

CHAPITRE I - LA DIMENSION DU DISPOSITIF

JURIDIQUE INSTITUE

Elle vise à maintenir la voie de la réaffirmation de l'idéologie sécuritaire (section I) et à favoriser l'agrégation des objections de conscience (Section II).

SECTION I - LA REAFFIRMATION DE L'IDEOLOGIE

SECURITAIRE

Les États sont soucieux de leurs prérogatives ; et la réaffirmation de l'idéologie sécuritaire explique leur volonté d'exercer pleinement leurs pouvoirs de souveraineté (Paragraphe 1) en vue de la préservation de la cohésion du groupe social (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - L'exercice des pouvoirs de souveraineté

Tout État détient le monopole de la production des normes, notamment celles relatives à la PMA (A) et il détient également l'exclusivité de la répression (B).

A/ - Le monopole dans la production des normes

Tout État s'attribue seul la compétence de créer des règles de droit. Le pouvoir normatif existe avec l'existence d'une société, notamment pour régir les activités qui sont exercées sur un territoire. L'État est au dessus des contingences et des intérêts de groupes qui peuvent avoir une tendance à édicter des règles qui privilégient plus certains que d'autres. C'est l'une des raisons qui ont poussé un État de droit à faire en sorte que toute les normes, qui pourraient exister et prendre forme dans des secteurs d'activité, puissent être conformes, au préalable, à l'assise textuelle étatique. Toutes les règles juridiques doivent dériver des règles édictées par l'État de droit. Il revient ainsi à l'État, garant de l'intérêt général et de l'ordre public, d'orienter et de limiter, au besoin, le droit des autres acteurs sociaux. Et c'est précisément dans cette finalité que les acteurs médicaux s'obligent à préciser, en leur sein d'abord, un cadre normatif avant que l'État ne vienne, par la suite, formaliser cette volonté en faisant de sorte que ce cadre ne s'isole pas de la politique normative de référence que l'État s'est librement choisi.

L'État s'est arrogé et doit donc s'arroger le seul privilège d'élaborer et d'adopter une législation en matière de PMA, même s'il s'est entouré ou doit s'entourer d'experts venant d'horizons divers qui l'assistent à percevoir toutes les incidences et les problèmes que la PMA pourrait susciter.

L'État dispose également de la prérogative exclusive de commander et de se faire obéir. Il dispose ainsi de l'exclusivité dans la répression.

B / - L'exclusivité dans la répression

La PMA est au coeur des polémiques qu'elle inspire. Elle déclenche les passions les plus incontrôlables mais également les plus inacceptables. En effet, l'acte même de la PMA, ses techniques et ses dérivés, notamment la participation du tiers dans l'intimité du couple, les activités de manipulation sur les gamètes, le foetus, les embryons surnuméraires et les tentatives d'utilisation à des fins autres telles la procréation sollicitée par la femme ménopausée, par la femme célibataire, par les couples homosexuels, etc. font l'objet autant de débats que de récriminations pouvant pousser certains esprits à échafauder des opérations punitives. Le risque est connu que dans certains pays occidentaux, les manifestations publiques ne suffisent plus à canaliser l'opposition. On a pu, ainsi, assister à des actes violents à l'encontre des structures qui pratiquent l'avortement ou la culture des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés). C'est pour éviter et pour sanctionner les expéditions punitives d'autoproclamés justiciers que l'État détient seul l'exclusivité de la contrainte organisée. Un pouvoir de coercition qui lui permet de faire exécuter ses décisions et de les faire prévaloir sur les autres décisions privées. Il a le pouvoir de demander unilatéralement des prestations ou abstentions et de contraindre, au besoin, les récalcitrants à s'exécuter par la force exercée par son système organisé et perfectionné de sanctions. Ce système judiciaire, assorti de garanties judiciaires et d'un appareil répressif (les forces de l'ordre), ne saurait tolérer des forces armées ou milices concurrentes, des contre-pouvoirs qui mettraient en péril sa crédibilité, son autorité, voire même son existence.

La finalité de cette exclusivité consiste à renforcer la préservation de la cohésion du groupe social.

Paragraphe 2 - La préservation de la cohésion du groupe social

Elle passe, nécessairement, par la sauvegarde de l'ordre public (A). Ce qui est d'un apport inestimable quant à la justification à donner à l'utilité régalienne de l'édiction de règles (B).

A / - La sauvegarde de l'ordre public

Les législations en matière de PMA ont entendu dresser un encadrement social de la pratique en faisant de sorte que les règles s'agrègent dans une parfaite socialisation des moeurs. La PMA doit, avant tout, fonder son essor sur l'intérêt de l'enfant à naître. Dans le cas de la PMA lorsque l'enfant n'existe pas encore, l'intérêt protecteur de cet enfant mériterait que l'on détermine le cadre familial indispensable à son équilibre.

L'État se donne un double rôle lequel constitue le reflet d'un État de droit moderne. En effet, longtemps apprécié dans un confinement modélisé d'État-gendarme, l'État par excellence laissait et laisse toujours libre cours à la liberté de commerce et d'industrie, il ne s'occupe que de la périphérie de la conservation des valeurs culturelles et des bonnes moeurs. Et précisément, les activités, notamment celles relatives à la PMA, s'exercent librement dans la stricte limite de ne pas entamer le socle traditionnel des valeurs familiales séculaires et de l'intimité de la fonction sexuelle reproductive. Il se donne ainsi un pouvoir de veille de l'ordre public, de direction et de contrôle économique et moral des activités et des opérations concernant la PMA. Par là, il vise, cumulativement et simultanément, l'autre versant de son image d'État protectionniste.

Ce qui donne toute sa particularité à l'utilité régalienne de l'édiction des règles qu'il pose.

B / - L'utilité régalienne de l'édiction de règles

Le législateur a entendu et devra remplir sa mission en définissant le modèle concevable d'une bonne et acceptable procréation médicalement assistée. Ce modèle doit reposer sur la fondation d'une famille. Cela devient, ainsi, en partie un acte social du fait de la nécessaire intervention légale et médicale. Dans ce cas, la création de la famille ne fait plus partie de la seule sphère privée du couple et ne peut être laissée au « bon vouloir » des individus. La société, par le canal de son législateur, doit alors intervenir pour définir les cas où elle acceptera de donner son aide. L'édiction de règles doit donc reposer sur l'intérêt de l'enfant. Ce droit à la vie doit-il aussi permettre d'exprimer le désir de l'enfant de naître ou de ne pas naître ? Peut-on invoquer les droits de l'homme pour « obtenir » un enfant ? Le droit au respect de la vie privée, tant au plan national qu'au plan international, ne peut justifier un « droit à l'enfant ». Le droit au respect de la vie privée n'est pas la liberté de tout faire. La liberté de chacun s'arrête au respect des droits des autres. Le principe d'individualité doit être combiné avec celui de sociabilité. Ainsi, l'admission du respect de la vie privée comme fondement d'un droit à l'enfant irait à l'encontre de la philosophie du droit, laquelle permet de déterminer le reflet de la véritable image démocratique ou non et de la politique de conduite générale d'un État dans le concert des nations. Aucun État ne peut se permettre de perpétuer à nouveau l'ère de l'esclavage, de la servitude et de l'exploitation car, à l'heure actuelle, l'idée reçue de tous est qu'un être humain ne peut jamais servir de moyen à la satisfaction des droits et des besoins des autres. Telle est, de façon succincte, l'utilité régalienne de l'édiction des règles de la PMA qui fait que le respect de la vie privée ne crée pas un droit absolu de procréer à tous et pour tous. La dimension du dispositif juridique s'apprécie également par sa souplesse à consentir à l'agrégation des objections de conscience qui, du reste, l'ont amené à intervenir dans toutes les activités relatives à la pratique de la PMA.

SECTION II - L'AGREGATION DES OBJECTIONS

DE CONSCIENCE

Elle se spécifie, alternativement, par l'empreinte de la bioéthique dans la réglementation (paragraphe 1) et par la captation de l'éveil sociologique des préoccupations de la population (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - L'empreinte de la bioéthique dans la réglementation

Elle s'est faite par la reconnaissance officielle du rôle précurseur et dynamique des comités d'éthique (A). Ce qui aura pour incidence favorable la réception implicite de leurs avis (B).

A / - La reconnaissance officielle de l'activité des comités d'éthique

La plupart des États développés et en développement ont favorisé et permis l'éclosion des comités d'éthique. Au début, le scepticisme étatique, quant à leurs travaux, les isolait dans l'informel. Cet état dubitatif sur leur crédibilité allait vite, au fil des temps, se transformer par une perception plus attentive de leurs activités qui sont d'un apport considérable tant par la richesse de leurs analyses que par la qualité pertinente des problèmes qu'ils ne cessent de soulever sur les pratiques biomédicales et leurs répercussions morales, sociales, religieuses, éthiques, philosophiques et juridiques. C'est ainsi que la Human Fertilization and Embryology Authority dite HFEA 5(*)4 a été créée par une loi anglaise de 1990, intitulée «Loi sur la fécondation artificielle et l'embryologie humaine'', et a pris ses fonctions le 1er août 1991. Cette loi a entendu créer une structure autonome, dotée d'une indépendance budgétaire et a prévu des modalités de fonctionnement qui garantissent l'autonomie de cet organe qui dispose d'un budget de 1,6 millions de livres Sterling qu'il gère comme il l'entend. Il recrute également son propre personnel. Les membres de cette autorité d'éthique britannique sont désignés par le ministre de la santé et sont au nombre de 21. Ceux-ci déterminent la politique à conduire que mettent en fonction 30 employés. Il dispose d'une large compétence dans la délivrance des agréments aux centres de soins, leur évaluation et le renouvellement des licences. C'est sur ce modèle britannique que sera mise en oeuvre la future Agence française sur l'Embryologie Humaine dite APEGH qui risquerait de concurrencer le comité consultatif national d'éthique (CCNE). Il faut également préciser que la loi anglaise est complétée par le code de déontologie de la HFEA approuvé par le ministre et le parlement. Sous ce même rapport, le Groupe européen d'éthique a été institué (GEE) en remplacement du groupe européen d'éthique des biotechnologies (GCEB) créé en 1997.

Au Sénégal, le débat reste tendu quant à la réalité de l'existence et du fonctionnement d'un groupe de réflexions éthiques que d'aucuns qualifient d'informel et de statique. Ce que récusent, bien entendu, d'autres qui, toutefois, concèdent la réalité de textes imprécis et l'on s'interroge, d'ailleurs, sur le sens de leurs résultats d'activité. Toutefois, lors des premières journées bioéthiques pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre organisées à Dakar (République du Sénégal) du 11 au 13 juillet 2005, le public sénégalais a pu admettre la réalité de l'existence d'un comité national d'éthique présidé par Samba Kor Sarr. Ce qui nous amène, inéluctablement, à considérer le sens effectif de la réception implicite des avis bioéthiques.

B / - La réception implicite des avis bioéthiques

Le législateur n'a souvent fait que conférer aux travaux des comités d'éthique une force légale laquelle constitue alors la réglementation officielle qu'il se donne. Tel semble être le cas des lois bioéthiques françaises n°94-653 et n°94-654 du 29 juillet 1994 portant sur la procréation médicalement assistée. C'est également le cas de la plupart des observations éthiques aux États-Unis et en Europe. A cet effet, le Groupe de Travail interministériel sur l'éthique du Canada s'est penché sur les politiques gouvernementales en matière d'éthique et considère que les travaux des comités d'éthique officiels ont des incidences réelles et certaines dans les choix de politique et de législation mis en place dans les pays. C'est ainsi que l'influence non contestable des décisions, rapports et études de la bioéthique fait la différence entre les pays et permet d'apprécier le degré de permissivité ou de rigueur dans les approches de la législation en matière de PMA. C'est donc dire que très souvent, on assiste à une reprise des avis autrement formulés ou à l'identique relativement aux législations et / ou aux décisions de justice.

C'est ce même souci qui a guidé la captation de l'éveil sociologique de la population.

Paragraphe 2 - La captation de l'éveil sociologique

L'éveil sociologique est cette prise de conscience populaire du phénomène de la PMA qui oblige le législateur à se poser en arbitre de l'irrationnel populaire (A) et à polariser en lui les mouvements de pression (B).

A / - L'arbitrage de l'irrationnel populaire

La vox populix ne déroge jamais à ses pulsions, ses passions et ses sensations. L'instinct réfractaire est inné dans les masses guidées souvent par un suivisme dont elles ne connaissent généralement pas la vraie réalité, le sens ou le pourquoi. Le législateur, pour autant, est tenu de donner suite aux interpellations de la place publique. C'est ainsi que l'imaginaire populaire estime que le corps s'identifie à la personne, que le but de tout « contrat médical » est une finalité thérapeutique. Il y aurait donc tromperie dans l'intervention médicale et l'expérimentation non thérapeutique sur l'homme car les recherches biomédicales et les déviances constatées dans la pratique de la PMA attestent qu'il n'y a parfois aucune finalité palliative (les mères porteuses, les couples homosexuels, les atteintes à l'intégrité de la dignité des embryons surnuméraires, etc.). Il s'agirait, pour elle, d'une réification du corps humain dans l'intérêt d'autrui, une location de son corps ou des produits du corps. Ce qui serait la voie vers de nouvelles formes déguisées de la débauche, de la prostitution et de l'encouragement tacite de l'adultère. En plus de l'inacceptable travail de discrédit opéré sur les fondements de la famille traditionnelle qui ne saurait justifier ce droit à l'enfant par le moyen de la PMA. Tout le débat porte sur l'existence même de la disponibilité de son propre corps au regard des valeurs morales, sociales et religieuses de la nation. La PMA constituerait une auto-dégradation de l'homme dont on ne perçoit pas, à long terme, les risques sur son humanité du fait de la non prise en compte de précautions. C'est fort de cette crainte vers l'inconnu d'où veut le plonger la science que l'imaginaire populaire développe ses attentes qui ne sont pas tombées dans l'oreille discrète d'un législateur désintéressé. Celui-ci tient également compte des préoccupations de toutes les couches sociales avant d'établir une réglementation relative à la PMA en recourant aux moyens des sondages d'opinion pour évaluer les positions et les impacts, par l'organisation de grands débats et forums en vue de polariser tous les mouvements de pression.

B / - La polarisation des mouvements de pression

Nous avons déjà évoqué l'attitude de certains groupes privés à l'image des actes violents perpétués contre la pratique de l'avortement et des OGM, tout comme nous avons posé le débat de la contribution officieuse ou officielle des comités d'éthique et de la société, comme ci-dessus pour l'irrationnel populaire qui, tous, entrent en droite ligne d'une forme de pression manifestée à l'encontre des pouvoirs publics pour les inviter à aller dans le sens voulu par eux.

Ici, également, l'accent est mis sur les associations, les lobbies, les communautés religieuses ou autres qui détiennent une parcelle prépondérante de mobilisations d'énergie et de paralysie de la vie sociétale. Mais le revers pour le législateur est qu'il est pris entre deux groupes d'intérêts dont il se doit de concilier les desiderata au moment de l'élaboration et de l'adoption des textes majeurs, notamment ceux portant sur la PMA qui occupe toute notre attention. De tels groupes de pression sont si puissants qu'ils peuvent défaire un régime, si ce n'est de marquer leur empreinte dans la plupart des différents textes nationaux ou internationaux. On peut citer, pour exemples, les principes relatifs à l'expérimentation sur l'être humain, exposés dans le code de Nuremberg de 1947, la Déclaration de Helsinki de 1964, la Déclaration de Manille de 1981, la Convention d'Oviedo de 1997 ou la Déclaration de l'Unesco sur les données génétiques internationales du 16 octobre 2003.

Les législateurs qui ont entendu porter et reconnaître la PMA, ont ainsi donné un cadre juridique à cette pratique.

A présent, l'interrogation légitime qui intéresse, en définitive, la démarche intellectuelle pour tout juriste est de faire la portée de ce système normatif en vigueur laquelle, au demeurant, constitue l'ultime étape de notre étude.

CHAPITRE II - LA PORTEE DU SYSTEME NORMATIF

EN VIGUEUR

Il est étonnant de relever un parallélisme dans le positionnement des subtilités au niveau des pays qui ont eu à légiférer sur la PMA (section I), avant que nous ne nous risquons à faire une esquisse pour de nouveaux référentiels à la réglementation (Section II).

SECTION I - LE PARALLELISME DANS LE POSITIONNEMENT

DES SUBTILITES

Le constat conséquent que l'on peut observer est relatif à la disparité dans les encadrements juridiques (paragraphe 1) et la valse des solutions jurisprudentielles (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La disparité dans les encadrements juridiques

Les législateurs ont une perception différente de la PMA manifestée par des formulations hétéroclites (A) et la rédaction de leurs textes ne s'est pas faite sans imperfections (B).

A / - Les formulations hétéroclites des législateurs

Nous apprécions, successivement, la particularité en Occident (1) et la cristallisation des pays en développement (2) sur cette question.

1°/ La particularité en Occident

Elle nous conduira à considérer, tout d'abord, la situation en Europe (a) et à voir, ensuite, la spécificité aux États-Unis (b).

a / La situation en Europe

Certains pays européens ont adopté des lois en matière de PMA. Nous en analyserons, de façon succincte, certaines d'entre elles qui sont variées, voire opposées sur bien des points.

L'Allemagne avec la loi du 13 décembre 1990 assure la protection de la vie embryonnaire. Cette loi est de nature pénale par rapport à la protection civile assurée par d'autres pays. La loi donne une prééminence au respect de la vie humaine et l'embryon est réputé digne dès sa fécondation. Par suite, elle interdit toutes les recherches sur l'embryon et cherche à trancher à sa racine le problème des embryons surnuméraires en rendant obligatoire le transfert à l'utérus maternel les embryons obtenus. C'est donc une manière d'interdire la création des banques d'embryons humains. Elle interdit également la maternité de substitution, les manipulations du patrimoine génétique des gamètes, le clonage, l'eugénisme (choix du sexe), les chimères et les hybrides, le don d'embryons, ainsi que le don d'ovocytes. Toutefois, cette loi accuse des lacunes sur la protection de l'embryon. L'insémination artificielle et la FIV que la loi n'évoque pas sont considérées comme licites qu'elles soient ou non réalisées grâce à un tiers donneur. Ce qui n'est pas interdit reste possible. La réforme du droit de la famille permet à l'enfant de contester la paternité du mari ou du compagnon de sa mère, d'autant que depuis 1989 il lui est loisible de connaître ses origines biologiques et d'avoir accès aux informations sur les donneurs. Si l'insémination artificielle post mortem est interdite, on ne comprend pas la prescription discriminatoire de genre qui autorise le don de sperme mais interdit le don d'ovules.

- L'Autriche a pris une loi relative à « la médecine de la reproduction », entrée en vigueur le 1er juillet 1992. Cette loi combine à la fois des normes civiles et des normes pénales. Elle constitue une solution de compromis opposant la position restrictive allemande et la position permissive du monde anglo-saxon. Mais elle semble plus proche de la loi allemande de protection de la vie embryonnaire et de l'intérêt de l'enfant en sanctionnant les recherches sur l'embryon, la maternité de substitution, la participation hétérologue (art. 3 al 1er et art. 1er al. 2,1), le don d'embryons à un autre couple (art. 17 al 2). Des insuffisances sont, cependant, notées. La loi n'emploie pas le terme d' « embryon » pour indiquer l'ovule fécondé. Elle fait référence à l'expression « cellules susceptibles de développement ». Or, il n'y a que l'embryon qui puisse se développer jusqu'au terme de la naissance d'un enfant et plus tard de la maturité d'un adulte. Par ailleurs, seul le don de sperme est accepté. En revanche, le don d'ovules est interdit (art. 3 al.3) pour éviter, maladroitement, le dédoublement de la maternité (comme si cela n'est pas possible pour la paternité). L'identité du donneur est régie par la règle de la confidentialité. Mais l'enfant, arrivé à l'âge de 14 ans, a le droit de connaître ses origines paternelles (art. 20 al.2). La loi s'oppose à la gestation pour autrui (art.137 b) mais consent à l'insémination hétérologue (art. 3 al.3).

- Dans les pays scandinaves, la Suède a pris deux lois relatives à l'insémination artificielle (n° 1140 du 20 décembre 1984) et à la FIV (n° 711 du 14 juin 1988). L'IAD n'est acceptée que pour la femme mariée ou en concubinage, la FIV hétérologue est interdite. L'enfant peut se voir communiquer les données de son origine. Quant à la Norvège, elle a adopté la loi n° 68 du 12 juin 1987, analogue à celle suédoise. Le don d'ovules est interdit.

- La Suisse a adopté un nouvel article 24 novies concernant les biotechnologies dans la constitution fédérale qui fixe les limites de la PMA. Une loi a été adoptée, en ce sens, en décembre 1998. Le recours à la PMA est strictement contrôlé5(*)5. L'enfant, devenu majeur, peut demander à l'office fédéral de l'état civil l'identité du donneur5(*)6.

- L'Italie ne dispose pas de législation spécifique et compte tenu de l'impossibilité de considérer comme illicites les techniques de la PMA, le code civil fournit les règles applicables. Par suite, le principe d'anonymat des donneurs et l'accès aux informations ne sont pas du tout organisés5(*)7.

- L'Espagne. La loi n° 35 du 21 novembre 1988 s'efforce de préserver l'identité du donneur. Les enfants ont le droit d'obtenir des informations générales sur les donneurs mais non leur identité. Ce principe souffre de deux exceptions : d'une part lorsque la vie de l'enfant est en danger et que la levée de l'identité pourrait le sauver, et, d'autre part lorsque la procédure pénale l'exige. Mais en réalité, la loi espagnole ne garantit pas le respect de la vie humaine mais le laisser-faire scientifique en posant le concept de  « pré-embryon » susceptible de toutes les recherches même celles non thérapeutiques et rend licite le don d'embryons pour la recherche.

- Le Royaume -Uni. Le régime juridique de la PMA résulte d'une loi n°37 du 1er novembre 1990 entrée en vigueur le 1er août 1991. C'est la seule législation européenne qui n'interdit pas la procréation pour autrui à titre bénévole. La loi autorise toute personne âgée de 18 ans à s'enquérir auprès de la HFEA de la probabilité de sa conception artificielle. Toutefois, la loi interdit la révélation de l'identité des donneurs, à moins que l'enfant ne souffre d'un handicap congénital résultant du refus du donneur de le signaler. Les recherches sur l'embryon constituent le fondement de la législation : la production délibérée d'embryons (annexe 2, art. 3,1) et l'extraction des embryons de l'utérus par lavage utérin et leur utilisation sont autorisées (annexe 3, art. 7). De même, l'insémination post mortem n'est pas interdite et il n'y a pas d'obstacles pour une femme, seule, de bénéficier de la PMA. Ce qui est un risque avec la volonté affichée des femmes ménopausées ou des lesbiennes de recourir à cette technique de la science médicale au nom de l'égalité des droits entre les citoyens. C'est la raison pour laquelle le donneur exerce un véritable droit de contrôle sur la destination finale à accorder à ses gamètes (annexe 3, art. 5 al.1).

La plupart des autres pays ( le Danemark, la France, la Finlande, etc.) ont également adopté des législations. Mais notre choix est guidé par un souci d'apprécier d'autres horizons. Entamons à présent la spécificité des États-Unis.

b / La spécificité des États-Unis

Nous avons déjà parlé du débat électoral qui a opposé les candidats Georges Bush et John Kerry sur le financement à apporter ou non à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Tout ceci pour dire qu'aux États-Unis, les recherches sur les embryons humains ont connu une avancée très rapide et « la législation n'interdit pas la manipulation d'embryons »5(*)8. La législation est très permissive, à l'image du Royaume-Uni et de la plupart des pays du monde anglo-saxon. Le texte de base américain semble être l'Uniform Status of Children of Assisted Conception Act5(*)9. D'un autre côté, « le recours à la mère porteuse peut être prohibé dans un État, mais autorisé dans un autre (...) »6(*)0. Ce qui n'est pas pour garantir la fiabilité d'une législation uniforme. L'hétérocléité des textes fait l'objet d'une cristallisation dans les pays en développement.

2°/ La cristallisation dans les pays en développement

Elle se particularise par une absence ou une insuffisance d'un cadre légal (a). Comme c'est le cas du Sénégal (b).

a / L'absence ou l'insuffisance d'un cadre légal

Les pays en voie de développement d'Asie, d'Amérique et d'Afrique ne disposent pas, pour leur grande majorité, d'une législation en matière de PMA et le peu de pays qui, par extraordinaire, en posséderaient accusent de nombreuses lacunes, si ce n'est une inadaptabilité des textes avec l'évolution des moeurs, du droit et des progrès biomédicaux. C'est pourquoi il est plus préférable de parler de la rareté des textes car ces pays ont d'autres urgences à résoudre que de mettre leurs maigres ressources dans des pratiques que les populations, fortement conservatrices, auront du mal à accepter. Mais nous ne ferons pas un injuste procès de croire que parmi tous ces pays, certains ne se sont pas donnés les moyens pour être, plus ou moins, à un niveau acceptable de celui des nations occidentales. Quid du cas du Sénégal.

b / Le cas du Sénégal

Au Sénégal, en l'absence de législation alors que la pratique de la PMA existe bel et bien même si elle est limitée qu'aux couples hétérosexuels mariés tenus à une procréation artificielle homologue, est-il possible dans notre entendement de faire une interprétation par analogie avec l'Italie6(*)1 qui, elle également n'a pas posé de texte mais qui se réfère aux règles civiles ? On peut le penser et l'affirmer. Ne dit-on pas que même en l'absence de texte, le juge sénégalais est tenu de se prononcer sous peine d'être coupable du déni de justice ? A plus forte raison l'arsenal juridique du droit en vigueur sénégalais peut constituer une solution de rechange en attendant que le politique soit plus téméraire pour officialiser le débat de la PMA qui fait, timidement, partie de nos états d'âmes et de nos nouvelles moeurs de citoyens du monde. Sous un autre rapport, la rédaction des textes a mis à nu pas mal d'imperfections.

B / - Les imperfections des textes

Nous verrons respectivement le phénomène de l'opacité des textes (1) et la relativité des contributions internationales (2).

1°/ L'opacité des textes

Nous avons relevé lors de l'analyse des formulations hétéroclites quelques travers dans certains pays occidentaux. Nous poursuivons cette lancée en mettant l'accent, exclusivement, sur le cas de la France. C'est ainsi que le droit français accepte de parler d'une médecine dont la caractéristique est sa mouvance évolutive. Ce qui doit l'obliger à se réformer sans cesse. Or, bien des problèmes de la PMA restent non résolus, des lacunes de nature à encourager des discriminations et des fraudes. En effet, le législateur français a entendu jouer sur deux registres : les règles du droit commun et, les règles du droit spécial issu des articles 311-19 et 311-20 c.civ. L'art. 311-19 c.civ. interdit l'établissement d'un lien de filiation entre le donneur et l'enfant et toute action en responsabilité l'encontre du premier. L'esprit de cette disposition est de garantir l'impunité, du reste inadmissible, de l'anonymat du donneur, même au détriment des conséquences génétiques de maladies qui menacent la santé de l'enfant, c'est-à-dire une possibilité de transmettre une tare grave sans que l'identité du donneur soit révélée. Une sorte d'immunité inacceptable6(*)2.

L'art 311-20 c.civ. al. 4 ouvre droit à la mère et à l'enfant une action en responsabilité contre celui qui, après avoir consenti à la PMA, ne reconnaît pas l'enfant ainsi conçu. Le texte laisse transparaître un relent discriminatoire. En effet, la règle « (...) ne vise pas la responsabilité de la mère qui, le cas échéant, ne reconnaîtrait pas l'enfant, ni ne le traiterait comme sien. Le législateur a pensé, semble-t-il, qu'une telle situation ne se rencontrerait pas en pratique. Pour autant, l'hypothèse envisagée n'est pas irréaliste »6(*)3. D'autant, par analogie, l'action en recherche de maternité naturelle ne sera même pas recevable si la mère, encore qu'ayant voulu la PMA, a exercé son droit à l'accouchement sous anonymat avec toutes les conséquences permissives qui s'attachent à cette pratique. Très souvent les femmes veulent désister en cas de survenance d'handicap physique ou congénital de l'enfant à venir. On ne voit guère donc comment pourrait prospérer une action en réclamation d'état en vue d'établir la maternité légitime et par contrecoup, par présomption, la paternité légitime. Il y a, par là aussi, une rupture de l'égalité de traitement dans l'engagement de la responsabilité de l'homme (mari ou concubin) et de la femme. D'un autre côté, l'art. 311-20 en son alinéa 2 autorise la contestation ou la réclamation d'état si l'on parvient à démontrer que le consentement donné à la PMA a été privé d'effet ou que l'enfant n'est pas issu de la PMA. C'est une porte ouverte aux couples en voie de dislocation de leur vie commune. Par ailleurs, la loi n'a pas non plus tranché le récurrent débat sur l'humanité des gamètes ou de l'embryon. Ce qui va avoir une incidence certaine sur la disponibilité ou non du corps humain.

Or, le phénomène de la manipulation est bien une réalité6(*)4. La vie humaine à l'état embryonnaire souffre des déficits des textes légaux tendant à la protéger. La pratique même de la maternité pour autrui n'a pas été interdite. En effet, l'art. 227-12 CP et l'art. 16-7 nouveau c.civ.fr ne condamnent que les intermédiaires tandis que les médecins intervenants sont mis à l'abri de toute poursuite6(*)5. Ce qui leur permet d'être complices impunis de fraude à la PMA par le biais de la gestation pour autrui6(*)6. La matière pénale oblige même à s'interroger sur l'expression d'un « droit pénal de la bioéthique ou des sciences biologiques ou biomédicales » et sur l'applicabilité d'un tel arsenal répressif du fait du degré effarant des imperfections techniques des textes incriminateurs6(*)7 par les abus de renvoi et les excès d'indéfinitions manifestes.

Ainsi, les textes sur la PMA présentent une absence de soin et de clarté dans la ligne rédactionnelle, une difficile lisibilité et compréhension des intentions ésotériques du législateur français en raison de leur large part divinatoire ( une foultitude d'interprétations possibles).

Cette opacité des textes français, également valable pour la plupart des législations de plusieurs pays, est renforcée par la relativité des contributions internationales.

2°/ La relativité des contributions internationales

La Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant (CIDE), adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU le 20 novembre 1989, vise à assurer la protection de l'enfant. Suivant l'art. 7 CIDE, les États doivent garantir à l'enfant « (...) dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et être élevé par eux ». Peu d'États font cas de cette disposition lorsqu'il s'agit pour l'enfant de connaître ses origines génétiques en matière de PMA. Le principe du secret des origines est enraciné dans la plupart des législations, même s'il est fortement contesté aujourd'hui. C'est ainsi que l'Allemagne et la Suisse, sur la question de la PMA, ont constitutionnalisé le droit à connaître ses origines biologiques. Toutefois, seules les lois anglaise, espagnole et suisse ont résolu explicitement un tel problème6(*)8. Pour la majorité, le secret des origines est toujours maintenu à l'égard des tiers, voire même de l'enfant. On peut ainsi estimer qu'au Sénégal aucun parent (ou entourage, encore qu'il fut au courant) ne s'aviserait d'informer son enfant sur son origine artificielle. C'est dire le peu d'attache que les États font des textes internationaux qu'ils ratifient, pourtant, à tour de bras à l'envi pour se donner une bonne réputation dans le concert des nations. C'est sur cette même note que l'on peut douter de la force juridique de la Convention d'Oviedo de 19976(*)9 portant sur les Droits de l'Homme et la Biomédecine (ainsi que son protocole additionnel de Paris sur le clonage), de la force obligatoire de la recommandation n° 1100 de 1989 du Conseil de l'Europe sur l'utilisation des embryons et foetus humains dans la recherche7(*)0, des Déclarations de L'UNESCO relatives, d'une part, au génome humain et les Droits de l'homme du 11 novembre 19977(*)1 et d'autre part, aux données génétiques humaines du 16 octobre 2003 par adoptés les États signataires d'autant que l'on a pu assister au cours de l'été 2000, à la relance de l'actualité sur le clonage humain en Grande-Bretagne avec l'autorisation du gouvernement de Tony Blair7(*)2. C'est dire que la formule du « dans la mesure du possible » de l'art. 7 CIDE est un aveu d'impuissance de cette disposition devant la conduite souveraine et indépendante des États de leur destinée. Les textes internationaux passent, également et délibérément, sous silence des situations hésitantes difficiles à trancher telles « les inséminations post mortem ou lorsque le mari est à l'article de la mort, le devenir des embryons sans projet parental, le problème des couples qui ne sont pas stériles ou le désir de la procréation « ·sans père· »7(*)3. La disparité dans les encadrements juridiques aura, inévitablement, pour corollaire la valse des solutions jurisprudentielles.

Paragraphe 2 - La valse des solutions jurisprudentielles

Elle tourne autour de la contrariété visible des interprétations (A) laquelle entraîne un désarroi perceptible chez les juges qui auront du mal à rendre des décisions justes et équitables (B).

A / - La contrariété dans les interprétations

Les cours et tribunaux ont, dans un premier temps, prononcé des condamnations de principe face à l'utilisation de la PMA, notamment le caractère illégitime de l'IAC a été relevé par le tribunal de Bordeaux en 1880 dans l'affaire Lejâtre citée par un auteur7(*)4. Un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 28 mai 1956 qualifie la pratique au sein d'un couple de procédé humiliant, artificiel et condamnable7(*)5. Avec l'évolution des moeurs et de la réforme législative qui a donné existence aux lois bioéthiques sur la PMA, le juge français, sans sourciller, par une alchimie de juridisme, s'est complu à reconnaître la PMA aujourd'hui et ne semble plus la vouer à l'interdiction et à l'illégalité. Alors que, paradoxalement, il sait pertinemment que les principes fondamentaux sur l'intangibilité et l'indisponibilité du corps humain sont toujours actuels. Le juge accepte donc le « charcutage » juridique du corps humain en cellules, produits et éléments du corps humain, écorchant vif au passage la théorie personnaliste et civiliste de Rau et d'Aubry pour qui le corps constitue la personne humaine même, sa personnalité. Il garde également le silence sur le statut de l'embryon et les manipulations dont il peut faire l'objet en matière de PMA alors qu'il lui reconnaît une humanité et une capacité d'acquérir des droits7(*)6. On ne comprend donc pas son silence à propos des dons de gamètes et des banques concernant ceux-ci. On peut également relever cette contrariante discrimination (toujours au profil des femmes !) : Un enseignement homosexuel de 47 ans, Philippe Fretté, a revendiqué devant la cour européenne de Strasbourg le droit à l'adoption qui lui est refusé par la France en raison de « la présomption irréfragable de la jurisprudence française, selon laquelle aucune personne lesbienne ou gay ne présente les garanties suffisantes pour accueillir un enfant (...) »7(*)7. Sur la base de cet existentiel, le Conseil de Paris oppose un refus au sieur Fretté qui saisit le tribunal administratif de Paris, en invoquant que l'adoption est ouverte depuis 1966 aux personnes célibataires de plus de 28 ans sans que le code civil ne précise si elles doivent vivre seules ou être hétérosexuelles. Le tribunal annule la décision. Mais l'arrêt du Conseil d'État du 9 octobre 1996 confirme le refus d'agrément du Conseil de Paris. Le sieur Fretté estime que cette haute juridiction viole la Convention Européenne des Droits de l'Homme relative, notamment au respect de sa vie privée et familiale. La cour européenne, saisie en dernier ressort, cautionne l'État français dans sa volonté de sélectionner les catégories de parents au regard de son modèle parental. Cette décision a divisé la cour européenne. Les magistrats français, tchèque, lituanien et albanais ont applaudi alors que les magistrats britannique, belge et autrichien s'en sont offusqués. Paradoxalement, le 27 juin 2001 la justice française a donné naissance à la première famille homosexuelle (Tribunal de Grande Instance de Paris) permettant à une femme homosexuelle d'adopter les trois enfants mineurs de sa compagne conçus par IAD (avec l'aide d'un donneur anonyme) et élevés par ces deux femmes dont l'une est leur mère de naissance et l'autre leur mère « sociale »7(*)8. Une cacophonie qui en dit long sur les divergences des juges d'autant plus que la gestation pour autrui a toujours été rejetée depuis 19847(*)9. Cette absence d'une ligne jurisprudentielle cohérente déroute les juges et rend audacieux le comportement de certaines personnes. Ce qui accentue davantage le désarroi chez les juges.

B / - Le désarroi des juges

Ce désarroi, accentué par le degré de libéralisation des moeurs et de la culture dans chaque pays, aura une incidence sur le fonctionnement objectif de la Cour Européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg. Ainsi, le juge anglo-saxon est plus permissif, notamment aux États-Unis où une personne vivant seule contesta la décision(et eut gain de cause) que l'accès à une banque de sperme soit réservé exclusivement qu'aux seuls couples mariés8(*)0. La législation et la jurisprudence y sont plus tolérantes, voire très libérales avec de fréquentes remises en cause de situations réputées acquises, d'où la bonne renommée des avocats anglo-saxons capables du pire comme du meilleur. L'affaire Blood qui a défrayé la chronique en Angleterre à propos de l'insémination artificielle post mortem permettant à une femme de réaliser son voeu8(*)1 montre le fossé qui sépare certains pays anglo-saxons d'autres pays latino-germaniques comme la France. En effet, la France refuse à la Dame Pirès cette même technique au décès accidentel de son mari alors que la femme était en pleine tentative de FIV (après sept tentatives infructueuses et deux fausses couches) et qu'il restait deux embryons congelés à l'hôpital pour lesquels la justice s'était empressée d'exiger la destruction8(*)2. Alors que dans le passé, en 1984, le Tribunal de Grande Instance de Créteil avait ordonné la restitution de paillettes de sperme à une veuve en vue de son insémination. La justice est demeurée même insensible devant le cas extrême d'un couple dont le mari était atteint du Sida. Elle a donc rejeté la demande de la veuve (TGI Toulouse, 26 mars 1991. JCP 1992, II, 2107)8(*)3. Alors que le comité consultatif d'éthique français, dans ses avis n° 56 du 10 février 1998 et n°69 du 8 novembre 2001, a largement contribué au débat pour remédier à ces demandes croissantes et pressantes des couples au sein desquels l'homme est séropositif et la femme séronégative (le contraire étant possible). Le CCNE s'est même prononcé en 1993 en faveur du transfert d'embryons post mortem dans son avis du 17 décembre 1993 sur le transfert d'embryons après le décès du conjoint. Par ailleurs, le juge français est déconcertant dans sa manière de désavouer comme nulle la convention de gestation d'autrui. En effet, le TGI d'Aix-en-Provence en 1984 a prononcé l'adoption simple d'un enfant né d'une mère de substitution. En l'espèce, la mère de substitution était la soeur de la femme stérile ; une démarche similaire à l'affaire « Baby Melissa » du 3 février 1988 aux États-Unis8(*)4. Le juge français va également, à son tour, se heurter à des fraudes bien pointues comme l'insémination artificielle d'une femme homosexuelle réalisée par sa compagne médecin, à l'aide d'un don de sperme effectué sur un homme vivant lui-même en concubinage homosexuel (cass. 1ère, 9 mars 1994, D. 1995, somm. com. 117 ; D. 1995, J. 197)8(*)5. Enfin, on peut citer la possibilité de désaveu de la part d'un mari ayant consenti à l'insémination par un arrêt de la cour fédérale allemande en 1983 (BGH, 7 avril 1983, NJW 1983, 2073).

La conséquence de cette discordance est la fragilisation de la jurisprudence aggravée par la dynamique évolutive des moeurs, des opinions au sein de la société et des progrès biomédicaux.

Devant les imperfections des textes et les difficultés d'interprétation, nous allons nous risquer à esquisser des propositions pour de nouveaux référentiels à la réglementation de la PMA.

SECTION II - UNE ESQUISSE POUR DE NOUVEAUX

REFERENTIELS A LA REGLEMENTATION

Nous mettrons, tout d'abord, en exergue les ambitions de la réforme juridique de la PMA (Paragraphe 1) avant que, ensuite, nous ne déclinons les grands chantiers juridiques à entreprendre (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Les ambitions de la réforme juridique de la PMA

Elles devront être axées sur une recrédibilisation des législations existantes (A) mais aussi sur le sens du partage coopératif par l'instauration d'un partenariat fécond entre le Nord et le Sud (B).

A / - La recrédibilisation des législations existantes

Elle passe, nécessairement, par la réappréciation des attentes (1) et par la refonte ou la réadaptation des textes en fonction des indicateurs sociaux (2).

1°/ La réappréciation des attentes

Devant les dangers d'une appropriation de la vie humaine par la science et par des sollicitations de personnes réputées hors normes, il revient au droit de réaffirmer la dimension de la vie humaine. Il n'est pas exact - et même très périlleux - de penser que la protection de la vie humaine est une question subjective relevant de la seule conscience individuelle. Si cela était le cas, quel serait alors le rôle du droit dans la société ? Car, si le principe selon lequel il faut protéger la vie et la dignité des hommes était purement subjectif, il faudrait alors supprimer toute règle juridique, du fait que le droit tout entier s'inspire de ce principe. En agissant, le législateur ne fait que ce qu'il est habitué à faire : prendre en considération les faits qui risquent d'être dommageables à l'intégrité humaine soit par leur prévention, soit par leur sanction. La PMA touche nos valeurs les plus sensibles, celles de la vie et de l'amour. L'essor de la biomédecine a, certes, remis en question des notions juridiques qui paraissaient intouchables, celles de notre identité comme individu et comme espèce mais il épouse les contours d'une vision progressiste dont l'espoir doit être de concilier développement, éthique et régulation juridique. Cet essor doit briser l'isolement des sciences, permettre à chacun de se réapproprier les développements scientifiques, les intégrer et en juger l'intérêt en se référant à sa propre échelle des valeurs. A cette fin, l'information se doit d'être essentielle. Les lieux d'étude (les écoles, les universités) doivent être un cadre fécond à l'apprentissage du phénomène de la PMA car ils permettront le contrôle démocratique à la base sociale pour tous les choix de demain. Il faut donc s'assurer que soit mené à bien l'information de la population par des relais que constituent les lieux d'étude et portant sur les questions de société engendrées par le développement biomédical. Ceci pourra contribuer largement à rendre efficace les méthodes de la PMA qui sont à encourager si, toutefois, la pratique et ses techniques demeurent contrôlées et limitées. Peut-on suggérer que les chercheurs aient recours à des éléments immatures du corps humain prélevés sur des personnes décédées ? De sorte à faire prévaloir (l'est-il vraiment par ce moyen ?) « l'intérêt de l'enfant, de contrôler la liberté de conscience des couples stériles, de veiller au respect de la personne en s'appuyant sur les droits de l'homme, les textes nationaux et connexes en matière d'expérimentation humaine. Ce qui appelle à une refonte ou à une réadaptation permanentes des législations »8(*)6.

2 °/ La refonte ou la réadaptation des textes de la PMA

On peut s'interroger sur la refonte totale ou la réadaptation contextuelle des textes relatifs à la PMA. L'option importe peu, seul le contenu occupe les esprits. Mais il faut relever que l'hypothèse d'une flexibilité sans cesse mouvante d'une refonte n'est pas pour conforter la sécurité juridique des activités. Le législateur peut et doit protéger l'embryon humain. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle fiction juridique, mais d'établir une présomption de personnalité en faveur de l'embryon. La présomption est un procédé qui permet de surmonter un obstacle lorsque la réalité est douteuse ou incertaine. Les vieux principes juridiques « in dubio reo » ou encore « in dubio pro debitore » expriment fort bien cette idée selon laquelle le doute a toujours profité à l'accusé ou au débiteur, surtout dans le cas où sa vie ou ses biens seraient en jeu. De la même manière dans le cas de l'embryon, ce même critère présomptif conduit à rappeler un principe juridique de base : « in dubio pro vita », c'est-à-dire que devant le doute, le droit doit protéger l'embryon (une vie) comme une personne dès qu'il commence à exister, dès sa conception (ovule fécondé). L'enfant conçu n'est accusé que d'exister. Ne doit-on pas, au moins, faute d'accord sur une commune pensée, adopter une règle protectrice de l'embryon ? Car avant tout il ne s'agit pas tant de définir avec certitude si l'embryon est déjà une personne humaine que de savoir ce que l'on peut faire de lui. Sa protection ne dépend pas de sa qualification comme individu mais le degré de valeur juridique que l'on doit accorder à un type de vie qui possède déjà une potentialité humaine complète. Le législateur commet alors une grave erreur lorsqu'il s'abstient de protéger l'embryon sous prétexte que son statut s'avère de définition impossible ou que cela relève des croyances de chacun. Il se trompe alors doublement. Par suite, beaucoup de juridictions et de comités d'éthique ne lui garantissent pas une véritable personnalité du moment que l'on admet sa possible destruction. L'embryon ne serait alors qu'une « chose protégée » disposant d'une personnalité juridique incomplète et conditionnelle. La maxime « infans conceptus pro nato habetur ... » ne se limiterait qu'à une fiction de naissance et ne comporterait aucune fiction de personnalité, aucune fiction d'humanité. Enfin, il n'appartient pas au législateur d'un pays qui a ratifié la CIDE (art.7) d'institutionnaliser l'impossibilité pour un enfant, dans le cadre d'une IAD, de connaître ses parents biologiques et d'être élevé par eux. Une telle loi romprait l'égalité entre tous les enfants.

Dans le but d'éviter des impairs relevés dans la plupart des États, l'instauration d'un partenariat Nord-Sud serait enrichissante pour l'Afrique en général et le Sénégal en particulier.

B / - L'instauration d'un partenariat Nord-Sud

Le triptyque des axes d'échanges devra reposer sur un souci majeur de rendre accessible les méthodes de la PMA aux populations des pays en développement. Ainsi, les interventions porteront notamment sur le renfort de

1°/ la coopération pour la diffusion et la maîtrise de la technologie de la PMA et la construction des infrastructures en la matière. La formation du personnel médical et paramédical permettra, à court terme, d'amoindrir le coût et les intrants tournant autour de toutes les activités principales, dérivées et connexes de la PMA. Dans ce même ordre d'idées, l'expérience juridique permettra d'asseoir les bases textuelles dans nos pays africains.

2°/ Toutefois, si l'opportunité pour le Sénégal est d'instituer, au plus pressé, une législation spéciale, il n'en demeure pour autant que le soutien législatif occidental doit être limité pour laisser la place à l'exception culturelle sénégalaise afin d'éviter les travers que l'on a pu constater ailleurs. Ainsi, même si un futur texte sénégalais doit tenir compte du référentiel international, le texte doit agréger une responsabilité sociale participative de la population sénégalaise. On vise par là une meilleure socialisation du modèle parental ou du projet de parentalité tout court en le rendant le plus accessible possible à la population. Si besoin est, cette accessibilité pourrait se faire par un appui étatique qui prendrait en compte la tradition sénégalaise et une association du principe de solidarisation nationale.

3°/ Néanmoins, il y a une nécessité impérieuse de prendre la mesure du contrôle à apporter aux transferts des essais et expérimentations (très souvent bannis en Occident) dans les pays en développement. On se rappelle, avec frayeur, les abus de l'expérimentation médicale engendrés par les pratiques barbares des médecins nazis, de « l'affaire du Jewish Chronic Disease Hospital dans laquelle des cellules cancéreuses ont été injectées à des patients afin de connaître les réactions immunitaires de rejet du transplant. Dans l'affaire du Tuskegee syphilis study, des médecins n'ont pas prescrit de pénicilline à des noirs syphilitiques dans le but de suivre l'évolution à long terme de la maladie »8(*)7. Il faut donc veiller à l'éthique de l'expérimentation8(*)8. Les ambitions juridiques de la réforme de la PMA ainsi déterminées, nous pouvons maintenant franchir la dernière ligne droite de notre étude en entamant la réflexion sur les grands chantiers juridiques à entreprendre.

Paragraphe 2  - Les grands chantiers juridiques à entreprendre

La procréation médicalement assistée mériterait fort bien la promotion d'un traité afin de mettre un terme aux disparités entre États (A). Au Sénégal, l'adoption d'un code de la recherche et des pratiques médicales nouvelles est vivement souhaitée non seulement pour la PMA mais pour toutes autres activités, notamment médicales (B).

A / - La promotion d'un traité

C'est en pensant aux conséquences inévitables de la pratique que la réclamation d'un traité au niveau mondial trouve toute son actualité et tout son intérêt. On peut même l'envisager, d'abord, aux niveaux continental, régional et sous régional afin de mieux réduire à la base les problèmes relatifs à l'exception culturelle que l'on retrouve sur l'international. Ainsi, la promotion d'un traité est vivement recommandée pour la zone ouest-africaine, voire pour tout le continent africain, à l'image de la convention-cadre de bioéthique du Conseil de l'Europe8(*)9. Mais la promotion d'un tel traité doit être un tremplin pour une convention stricto sensu marquée par le juridique. Il doit s'agir d'un document ambitieux qui s'attacherait aux grands principes comme l'accès équitable aux applications de la biologie et de la recherche, l'importance du consentement des personnes, l'interdiction de faire du corps humain et de ses parties des sources de profit, la limitation des possibilités d'intervention sur le génome humain aux seules fins de prévention et de thérapeutique. Le respect de la vie privée doit s'accommoder des valeurs culturelles sociétales du modèle de parentalité unanimement reconnu dans toutes les civilisations. C'est avoir la suite de ses ambitions à l'instar du parlement européen qui a adopté le 16 mars 1989 la « Résolution sur la fécondation in vitro et in vivo » relative aux procréations hétérologues9(*)0, d'où la pertinence pour le Sénégal (et toute l'Afrique à travers leurs institutions) de s'activer pour l'adoption d'un code de la recherche et des pratiques médicales nouvelles.

B / - La pertinence de l'adoption d'un code de la recherche et des

pratiques médicales nouvelles

L'absence d'un cadre juridique uniforme pour la médecine est la source possible de toutes les dérives et des abus incommensurables préjudiciables à la santé des sénégalais souvent mal informés et victimes d'un paternalisme médical et paramédical dégradant de leur dignité. Ainsi, les termes de référence en vue de la pré-élaboration doivent impliquer la participation de tous les acteurs sociaux : le citoyen doit être vu comme un partenaire-patient participant librement et non plus comme une personne assujettie à des manipulations pour réaliser, tout simplement, un code sur lequel il ne va avoir aucune emprise. Il doit être pris comme un individu coopérant de façon efficace à l'amélioration des thérapeutiques médicales. Ce code doit favoriser l'introduction du droit humanitaire et du droit effectif à la santé ( le respect des droits des patients) avec toute sa gamme de régime de responsabilité et de sanctions, du rôle plus significatif et prépondérant d'un comité d'éthique doté d'une capacité de censure, de saisine juridictionnelle (à l'instar du Procureur de la République, le garant de l'ordre public et des bonnes moeurs) et d'une exigence qui impose des consultations préalables et obligatoires dudit comité et qu'on ne le limite plus à des considérations purement consultatives. Cette obligation de sécurité doit être renforcée par l'application du principe de précaution pour prévenir les risques en matière de santé et, plus est, en matière de PMA. L'objectif est la maîtrise ou le contrôle de la part d'incertitude, c'est-à-dire que, en cas de risque potentiel pour la santé issu d'une incertitude scientifique, la précaution postule d'agir sans attendre que l'existence de ce risque soit confirmée par la preuve scientifique.

Ce risque est donc celui que l'on qualifie de « potentiel », c'est-à-dire un risque virtuel qui n'est pas concrètement un risque, qui n'est pas certain mais qui peut généralement se produire9(*)1. Pour ce faire, les acteurs (les chercheurs, les laboratoires, les banques de gamètes, les sujets à des expérimentations etc.) devront souscrire à une police d'assurance obligatoire à la PMA9(*)2. Le Sénégal pourrait, sur cette même lancée, s'appuyer d'une part sur le rapport adressé au Président de la République français et d'autre part sur le code de la recherche de ce même pays9(*)3 dont le livre II, notamment le titre II et particulièrement le chapitre III, porte sur les activités et la recherche biomédicales.

Le code doit, enfin, être un moyen de prévention à l'encontre de certains comportements. Nous pensons que l'avènement de la PMA suscite des interrogations légitimes mais un judicieux encadrement juridique permet d'en faire un cadre d'épanouissement pour les véritables couples infertiles ou stériles entrant toujours dans le modèle parental des valeurs culturelles que le Sénégal se refusera, en tous temps, d'aliéner pour ne pas perdre son âme laquelle constitue, en définitive, son originalité et sa grande force au sein de la communauté internationale.

CONCLUSION

Il ressort de notre étude, que nous avons cherché à approfondir et à réfléchir de la question de l'incidence des modes de PMA sur le droit et les réponses que celui-ci pourrait apporter. Comme nous avons eu à le souligner dans l'introduction, l'essentiel de notre démarche visait à s'interroger du moment à partir duquel l'être humain doit être protégé par le droit, ainsi que les actes liés à la procréation artificielle qui comportent une réification de la personne devant être découragés et interdits par la loi. A la lumière, la préférence accordée à telle solution plutôt qu'à une autre dépend de la conception personnelle que l'on développe à partir des notions classiques, telles que la définition de la maternité, de la parenté socio-affective ou encore de l'intérêt de l'enfant. Les observations relevées semblent imposer de remettre en cause l'analyse juridique traditionnelle dans ses développements en matière de status familiae dans le sens d'une fonction juridique fondée sur le mécanisme de la rétroactivité sans cesse des actes ou faits que l'on croyait acquis. Dès lors, l'évolution du droit positif commande de considérer que la notion de PMA recouvre l'idée d'anticipation. Ainsi, la PMA est soumise à l'oeuvre du temps. Le droit est naturellement parvenu, par le truchement intellectuel de la fiction juridique, à marquer son empreinte sur le temps qu'il a réduit à une dimension purement contingente. Le législateur peut, à son aise, faire tourner la science biomédicale au gré du droit en vue de s'efforcer de tenir compte du fossé qui sépare l'approche socio-médicale de la PMA de l'héritage juridique de la société. La science juridique a bouleversé sa tradition juridique par les mécanismes de la rétroactivité et de l'anticipation pour justifier ses options de permettre ou d'interdire tel ou tel acte lié à la PMA. Ce serait un retour à l'insécurité juridique de l'époque romaine où il était communément admis que l'enfant à naître ne pouvait, en aucun cas, être regardé comme un être juridique dès lors que demeurait incertaine la question de sa nature humaine pendant la grossesse. Ce qui a conduit, inéluctablement, à justifier l'affirmation d'un droit à l'enfant et le recours à des artifices juridiques pour la réification du corps humain aux travers de ses divers produits (les gamètes, les embryons surnuméraires, le diagnostic pré-implantatoire...). Par suite, en fait de vide juridique sénégalais en la matière, il faut relativiser. En réalité, il est plutôt fait cas de l'absence d'une législation spécifique.

Toutefois, le droit positif sénégalais contient un cadre de règles plus adaptées que d'autres relatif aux bouleversements provoqués par les techniques de la PMA sur le droit. De ce fait, dans l'urgence, des modifications isolées et précises s'imposent, sous peine de placer les juridictions sénégalaises qui seront saisies des premiers litiges en la matière, devant des situations inextricables sur le plan du droit. Des réformes doivent donc être entreprises dans le but d'adapter le droit en vigueur aux situations particulières engendrées par le recours à la PMA. Certaines règles méritent d'être modifiées dès lors qu'elles sont appelées à régir le statut de l'enfant issu d'une technique de PMA. Par ailleurs, il revient au législateur sénégalais de prendre position dans les grands débats soulevés par les techniques de PMA, qui imposent de faire des choix de société. A cet égard, il sied de privilégier la sécurité juridique car l'important est de tracer, avant tout, la ligne de ce qui est tolérable et de ce qui ne l'est pas. Car les options à prendre relèvent d'une politique législative.

Il faudra encore décider de la licéité des modes de PMA post mortem et de la gestation pour autrui car l'inexistence d'une réglementation est une tentation qui peut pousser à la curiosité scientifique et investir le domaine médical sénégalais. Tout comme il s'impose de donner un fondement légal au prélèvement des gamètes, de gérer le sort à réserver en droit aux embryons surnuméraires. Ce problème de fond qui est celui de la protection de la vie embryonnaire, n'a pas encore été résolu à travers le monde. La racine du problème c'est d'avoir accepté la culture d'embryons surnuméraires et l'existence d'embryons congelés. Ce qui amène le droit positif sénégalais à négliger actuellement d'octroyer son concours en prenant position contre les périls qui menacent la protection de la vie embryonnaire assujettie à des manipulations qui restent toujours suractivées.

Jusqu'à ce jour et ce depuis 1989, le législateur sénégalais a préféré occulter les difficultés liées à la pratique de la PMA alors que ses effets à long terme sur l'imaginaire social, en ce qui concerne la dignité reconnue à l'être humain, sont encore inconnus.

Quel sera son impact sur la mentalité des générations futures ?

Ne seront-elles pas amenées à accorder une valeur moindre à la vie humaine dès l'instant qu'elle sera produite et non plus procréée ?

L'attitude du législateur est préjudiciable à la sécurité juridique, en ce sens qu'il laisse aux juges la tâche délicate de définir les grandes options à prendre en la matière. Or, ceux-ci n'ont jamais voulu prendre une réelle indépendance et sortir du « cercle paternaliste » du législateur sénégalais.

Le législateur sénégalais aurait-il pris plaisir à l'argument d'aucuns qui estiment que la PMA constitue une pratique marginale, répondant à un phénomène de mode passager, de sorte que les incidences qui en résultent, en droit, sont d'une importance moindre ? D'un autre côté, interdire la pratique serait une piètre solution car elle est appelée à jouer, à l'avenir, un rôle de plus en plus important au Sénégal, dès lors que des indices concordants démontrent une baisse progressive du taux de fécondité des couples en âge de procréer ou ne serait-ce que de leur propre volonté en raison de la crise économique. Or, la baisse constante du taux de fécondité a pour effet d'augmenter, corrélativement, le nombre de couples infertiles qui pourront solliciter, ultérieurement, de recourir aux méthodes de la PMA pour concevoir un enfant. La décision de légiférer s'impose donc d'autant plus que le phénomène est appelé à prendre une ampleur croissante et cette ampleur ne doit pas conduire au rabaissement de l'homme à un niveau qui n'est pas le sien, comme cela se produit dans la plupart des législations occidentales. En effet, les fictions juridiques, posées dans ces pays qui ont permis l'institutionnalisation de la PMA, ne doivent pas permettre au droit de détruire ses propres racines en facilitant des modifications sociales dont les dérives possibles échappent aujourd'hui à leur imagination. Dès lors, le principe de précaution, loin d'être un obstacle au médecin, est son meilleur allié et, pour le droit, de raffermir la valeur supérieure de la personne humaine.

Une autre tâche urgente revient à « réhumaniser » la science.

Celle-ci doit être confirmée dans sa fonction naturelle de servir l'homme et non pas se servir de l'homme. A ce propos, il faudra résoudre le problème du transfert des installations européennes d'essais en Afrique afin qu'elles ne pussent pas expérimenter dans nos États africains ce qu'elles ne peuvent pas accomplir dans leur propre pays, moyennant un « prix de l'indignité » devant le lit de la pauvreté africaine. La PMA constitue donc un marché au plein sens du terme. Dans cet ordre d'idées, le pouvoir des groupes d'intérêts en matière de PMA doit être réduit dans l'espoir de faciliter l'accès de ce « marché » aux petites bourses par une intervention publique qui assimilerait le recours à la PMA aux soins prénataux. Ce souhait relève d'une logique de préoccupations de santé publique afin que la PMA devienne une pratique de masse dans laquelle tout le monde y trouve son compte : les médecins auront plus de clients, les industriels vont accroître leur chiffre d'affaires et l'accent ne sera pas mis sur l'aspect mercantile de la procédure, en principe, lourde et coûteuse. L'acceptation sociale de la PMA serait également une bonne affaire pour la sécurité sociale en réduisant le coût pour la société de la prise en charge des enfants lourdement handicapés du fait d'un défaut de diagnostic prénatal. Le revers, c'est la reconnaissance indirecte de la pratique du diagnostic prénatal sous forme pré-implantoire, c'est-à-dire eugénique, disons-le. L'accès, plus ou moins, à tous de la PMA est donc le pendant du principe du droit à l'intimité en matière de procréation, voire (sous réserve) d'un droit à l'enfant. L'absence d'une politique nationale favorise l'expansion du marché illicite des éléments et produits du corps humain ainsi que toutes sortes d'activités économiques paramédicales parallèles (la cryoconservation des gamètes, le diagnostic pré-implantatoire et prénatal, etc.). Elle est donc, aujourd'hui, à l'origine d'une « supermarché de la procréation » qui privilège les classes aisées du Sénégal parce que possédant l'argent et les contacts nécessaires, à cause de la logique marchande. Ainsi, au lieu de constituer un facteur de progrès, au sens des Lumières, les avancées de la science en matière de procréation sont en train d'être détournées au profit de nouvelles formes d'inégalité sociale. La loi n'est pas un simple reflet complaisant, c'est également une sanction. Même si elle assouplit le régime de l'adoption, elle ne peut inciter les couples inféconds à recourir à sa voie s'ils préfèrent au contraire entendre « la voix du sang », fût-elle sous la forme d'une PMA. L'adoption de fait, à l'africaine, consistant à confier un enfant à sa naissance à un parent proche ou éloigné ne satisfait pas toujours la volonté de concevoir un enfant issu du jus sanguinis, d'autant plus que l'enfant confié peut être ramené à ses parents biologiques pour diverses raisons, notamment pour mauvaise conduite. Tout comme cette volonté de concevoir un enfant ne peut être atténué dans le cadre de la polygamie où la rivalité entre co-épouses est une arme perfide qui n'épargne pas les âmes ou les cordes les plus sensibles.

Le concours parallèle d'autres mécanismes sociaux (les organisations sénégalaises des droits de l'homme) se révèlera aussi indispensable, à côté d'une justice soucieuse de la préservation de l'exception culturelle sénégalaise. Sinon, le législateur et le juge sénégalais risquent de renier ce qui constitue leur mission et leur credo : garantir le respect de tout homme comme une fin en soi. Un déni de justice et / ou un déni de droit que tout juriste sénégalais serait malaisé d'endosser. Étant donné la valeur de ce qui est en jeu, la dissuasion du droit pénal est plus incitative et plus incisive que tout autre et constitue le modèle de référence de la rigueur de l'ordre public à préserver.

Toutefois, le législateur se doit d'être très vigilant devant certaines attitudes qui pourraient prendre racine. En effet de la réflexion sur la PMA, le féminisme n'est pas éloigné de la revendication de son existence. L'invention de l'émancipation féminine dans les années soixante, précédée dès la fin du XIXe siècle par le développement du travail industriel et salarié des femmes avec la génération des suffragettes, a insufflé une vague féministe en Occident grâce à la propagande contraceptive. Le développement de l'instruction supérieure des femmes (enseignement, magistrature, banque, administration, etc.) modifia le moyen d'accéder à une « vie sentimentale » grâce à l'indépendance financière. La nouvelle génération féministe revendique le droit à une sexualité plus libre et plus épanouie qui ne nuise pas à son développement psychique et physiologique. Le rôle de l'homme se limite souvent à sa capacité d' « étalon fécond » si ce n'est à son exclusion tout simplement. La nouvelle vague entend bien explorer et définir désormais elle-même sa féminité avec le concours d'expatriées revenues métamorphosées par les valeurs occidentales. Cela les rend toutes disponibles pour expérimenter les nouvelles possibilités de PMA, pour prolonger la maternité après la ménopause, pour utiliser des hormones de synthèse dans le but de limiter les risques de la ménopause sur la santé. Elles ont recours volontiers à l'eugénisme pour éviter de mettre au monde un enfant handicapé, débile ou difforme et, elles voudraient, à ce propos, l'extension de l'avortement thérapeutique. Le mouvement féministe est donc la revendication du droit à la différence et, paradoxalement, une invite à l'égalité acceptant, si besoin en est, l'acharnement thérapeutique (même au prix de lésions détériorant l'organisme) pour combattre la stérilité ou l'infertilité et avoir un enfant à tout prix, même « en achetant » une mère porteuse ; n'est-ce pas là un choix conditionné par une surévaluation du désir de maternité ? Faut-il accepter l'évolution vers une maîtrise d'une reproduction normalisée et unilatéralisée par la femme ? La PMA peut constituer un outil dangereux pour des femmes qui croient que l'égalité et la reconnaissance de leurs droits est la faculté permissive de tout faire. C'est une arme qui ne doit pas tomber entre n'importe quelle main (mère sexagénaire grâce à la PMA)9(*)4.

Finalement, la conquête de la liberté féminine dépossède l'homme de sa propre liberté d'être père et se réalise parfois aux dépens des droits de l'enfant à naître, rien que pour satisfaire un ego.

* 1 Jacques-E. Rioux et autres « l'insémination artificielle thérapeutique », presses de l'Université

de Laval, 1983, pp 32-33

* 2 Bible: Genèse, chapitre 16 versets 1 à 2

* 3 Bible: Genèse 30 versets 1 à 3

* 4 Bible: Genèse 30 verset 10

* 5 in Internet de Norbert Ouendji « Fécondation in vitro au Sénégal -les bébé éprouvette au tribunal de la société »

http://www.cfd.nl/science/news/wcs0005.htm

Marième Guèye -Thèse Doctorat (cf. Bibliographie, rubrique «  Thèse » annexes de la thèse : Le Soleil)

* 6 Guy CHEVALLIER et autres « Je veux un enfant », éd. Stock 1995, p. 135-136

* 7 Howayda Srour. Thèse Faculté Médecine, UCAD, année 1994, n° 28, p. 17

* 8 id.

* 9 Marième Guèye, Thèse Faculté Médecine, UCAD, 1994, n° 29, p. 82

* 10 Marième Guèye, id., p. 81

* 11 Marième Guèye, id., p. 81

* 12 Marième Guèye, id., p. 83

* 13 Le courrier de l'UNESCO, septembre 1994, p. 7

* 14 Le Courrier de l'UNESCO, septembre 1994, p.8

* 15 Jacques Rioux et autres « L'insémination artificielle thérapeutique », Les presses de l'université Laval, Québec 1983, p.167

* 16 Nathalie Massager «Les droits de l'enfant à naître », éd. Bruylant, 1997

* 17 Norbert Ouendji « Fécondation in vitro au Sénégal - Les bébé éprouvette au tribunal de la société » in Internet http://www.cfd.nl/science/news/wcs0005.htm

* 18 Norbert Ouendji « Fécondation in vitro au Sénégal - Les bébé éprouvette au tribunal de la société » in Internet http://www.cfd.nl/science/news/wcs0005.htm

* 19 Docteurs Guy Chevallier et Charles Brami « Je veux un enfant », éd. stock 1993, p. 265

* 20 et 21 Nathalie Massager « Les droits de l'enfant à naître », éd. Bruylant , 1997, pp. 655, 654

* 22 et 23 Docteur Guy Chevallier et Charles Brami « Je veux un enfant », éd. stock 1993, pp. 265,264

* 24 et 25 http : // www .protestants. org/ docpro/ doc / 0725.htm : « PMA et statut de l'embryon »

* 26 Marième Guèye, Thèse Médecine UCAD, 1994, n°29, pp. 87-88

* 27 Marième Guèye, Thèse Doctorat Médecine, 1994, n°29, p. 86

* 28 Jean Hauser - colloque sur « les Filiations par greffe - adoption et PMA », éd. LGDJ 1997, p. 22

* 29 in Internet http : // www. senat. fr./ lc / lc 70 / lc 701. html

* 30 Id.

* 31 Guy Chevalier et Charles Brami « je veux un enfant », éd. stock 1993, p.259

* 32 Id.

* 33 Roberto Andorno « La distinction juridique entre les personnes et les choses-A l'épreuve des procréations artificielles », éd. LGDJ 1996, pp. 259-260

* 34 Id.

* 35 Id.

* 36 Id.

* 37 Nathalie Massager «  Les droits de l'enfant à naître », éd. Bruylant 1997, p.831

* 38 Internet « Actualités sur le clonage humain » http/www. Inagp.inra.fr/ens-recher/biotech/textes societes/debats/ clonage/decisgb.htm

* 39 Id.

* 40 Le courrier de l'Unesco, septembre 1994, p.8

* 41 Guy Chevallier et Charles Brami, précité, p.258

* 42 Le courrier de l'Unesco, septembre 1994, p.25

* 43 Pierre L. A. Dieng « La dignité de l'enfant », mémoire maîtrise, 2003, p.19

* 44 Pierre L. A. Dieng, id., pp. 62-64

* 45 D. Malicier et autres «  la responsabilité médicale », éd. Alexandre Lacassagne, 1992, pp. 29, 31

* 46 D. Malicier et autres «  la responsabilité médicale », éd. Alexandre Lacassagne, 1992, pp. 29, 31

* 47 Id.

* 48 Isaac Y. Ndiaye, cours « droit des obligations » , Faculté de Droit , UCAD, année 2000 / 2001

* 49 Papa Samba Diouf «  état de la jurisprudence sur la responsabilité médicale au Sénégal », mémoire maîtrise 2001/2002, p. 39 et s.

* 50 Pape Demba Sy «La responsabilité publique hospitalière » cours DEA Droit de la santé, Faculté de Droit, UCAD-EDRA, année juillet/août 2004

* 51 Id.

* 52 Id.

* 53 Angelo Castelleta «  Responsabilité médicale », éd. Dalloz référence, 2002, p. 112

* 54 Internet http : // membres.lycos.fr/ eurosantedroit / hfeadescription. Htm

« La Human Fertilization and Embryology Authority: le modèle avoué du législateur britannique »

* 55 Roberto Andorno, précité, pp.208-209, 257

* 56 http: //www. senat.fr /lc/lc70/ lc 707. html

* 57 Site internet : id. , précité

* 58 http://www.inapg.inra.fr/ens_rech/bio/biotech/textssociete/debats/clonage/decisgb.htm

Intitulé «  Actualités sur le clonage  »

* 59 Roberto Andorno, id., précité, p.206

* 60 Revue française d'études américaines, n°77, juin 1998, p.47

* 61 Site in internet http://www.senat.fr/lc/lc7/lc70.htm

* 62 Roberto Andorno « Distinction juridique entre les personnes et les choses... », éd. LGDJ 1996, p.247

* 63 Colloque « Les filiations par greffe-adoption et PMA », éd. LGDJ 1997, pp. 99-100

* 64 Roberto Andorno, id., précité, pp.124 et s., 160-162, 168-169, 273-274

* 65 Nathalie Massager  « Les droits de l'enfant à naître », éd. Bruylant 1997, pp. 845-846

* 66 Nathalie Massager, id., précité, pp. 937-938

* 67 Colloque « Les filiations par greffe », précité, pp.33 et s.

* 68 Internet http://www.senat.fr/lc/lc70/lc700.htm

* 69 Conventions.coe.int/treaty/Treaties/Html/164.htm

* 70 assembly.coe.int/Documents/AdoptedText/ta89/frec1100.htm

* 71 Portal.Unesco.org/fr/ev.Php-URL_ID=13177

* 72 http://www.Portal.Unesco.org/ev.php-URL_ID=17720

* 73 P. Barrière et autres « Pratique de l'assistance médicale à la procréation », 3é éd. Masson 1998, pp.243-251, 255, 261-262

* 74 Nathalie Massager, précité

* 75 Id.

* 76 c.cass. civ.24 avril 1929 ? DH1929.298; www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/ccass.htm

* 77 www.membres.lycos.fr/mhchbv/france1.htm « La France se voit reconnaître le droit de refuser l'adoption aux homosexuels » , « Un homosexuel revendique le droit d'adoption à Strasbourg »

* 78 www.membres.lycos.fr/mhchbv/france1.htm « La justice accouche de l'homo famille... »

* 79 Nathalie Massager, id., précité, pp.871 et s.

* 80 Revue française d'études américaines  « Le système de santé en question », n°77, juin 1998, p.54

* 81 Liber Amicorum M.T. Klein « Droit comparé des personnes et de la famille »

* 82 Liber Amicorum, id., précité, pp.149-150 ; http://www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/themes/amp-2.htm

* 83 TGI Créteil 1ère ch.Civ.1er août 1984, JCP 1984 ,II, 20321, cf. Roberto Andorno, id., précité, p.196

* 84 Roberto Andorno, id., précité, pp.265-266

* 85 http://www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/themes/amp-1.htm

* 86 Jacques Lemaire et Charles Susanne «  Bioéthique : jusqu'où peut-on aller ? », éd. de l'Université de Bruxelles 1996, pp.27-28

* 87 Jacques Lemaire et Charles Susanne, id., précité, pp.58, 64

* 88 Id.

* 89 id., précité, p.54

* 90 Roberto Andorno, id., précité, p.257 in fine, p.258 in limine litis

* 91 Ousseynou Sy, mémoire maîtrise «  La protection de la santé face au droit de l'OMC », année 2000/2001,

Faculté de droit UCAD, p.18

* 92 Revue française d'études américaines « Le système de santé en question », n°77, juin 1998

* 93 Code de la recherche et rapport, in Internet : http://www.recherche.gouv.fr/discours/2004/legisrecherche.htm

* 94 http : // www. Inserm.fr/éthique/Ethique.nsf/0/7ac092c407daf1a80256ac5003ebc93 ? open D «  A propos de ·l'Affaire de Draguignan · : Ménopause et procréation médicalement assistée »






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