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Enjeux énergétiques et logiques sécuritaires: une analyse du déploiement américain dans le golfe de Guinée

( Télécharger le fichier original )
par Gen-serbé SINIKI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Gouvernance et Politiques Publiques 2010
  

Disponible en mode multipage

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Enjeux énergétiques et logiques sécuritaires

une analyse du déploiement américain dans le golfe de

Guinée

Mémoire en vue de l'obtention du Master en Gouvernance et Politiques
publiques

Présenté par
Gen-serbé SINIKI
Licencié en Sciences Juridiques et Politiques
Sous la direction de
Dr. Claude-Ernest KIAMBA
Politologue,
Chargé de cours à l'UCAC/ICY

Enjeux énergétiques et logiques sécuritaires

une analyse du déploiement américain dans le golfe de

Guinée

Mémoire en vue de l'obtention du Master en Gouvernance et Politiques
publiques

Présenté par
Gen-serbé SINIKI
Licencié en Sciences Juridiques et Politiques
Sous la direction de
Dr. Claude-Ernest KIAMBA
Politologue,
Chargé de cours à l'UCAC/ICY

A ma mère,

Mme SINIKI née Matalet TEZERE Sarah

Remerciements

Nous remercions, tout d'abord, notre directeur de mémoire, Dr Claude-Ernest KIAMBA qui, malgré ses diverses occupations au cours de l'année, a accepté de diriger ce travail qui porte la marque de ses pertinentes critiques et remarques.

Nous remercions, aussi, les autres enseignants du Master Gouvernance et Politiques publiques dont les cours et séminaires nous ont servi d'outils pour réaliser le présent travail.

Nous exprimons notre gratitude à l'endroit de notre famille, pour son soutien moral et financier tout au long de notre parcours.

Nous exprimons notre reconnaissance au service de coopération et d'action culturelle de l'Ambassade de France au Cameroun, pour ses aides dans la réalisation de nos recherches.

Que nos amis qui ont accepté de lire et de corriger ce mémoire trouvent, ici, l'expression de notre gratitude.

Last but not least ! Que nos camarades de promotion trouvent, aussi, dans ce modeste travail le fruit de leurs différentes critiques.

Liste de sigles et abréviations

ACRI: African Crisis Response Initiative

ACSS: African Center for Strategic Studies

Africom: African Command

AGOA: African Growth and Opportunity Act

CDS : Commission de Défense et de Sécurité

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale CentCom : Central Command

CEWS : Système Continental d'Alerte Précoce

CGG : Commission du Golfe de Guinée

CIJ : Cour Internationale de Justice

CNUCED : Conférence des Nations Unies pour le Coopération Economique et le

Développement

COCAP : Centre d'Observation et de Contrôle d'Alerte Précoce COPAX : Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique centrale CPS : Conseil de Paix et de Sécurité

CSM : Conseil de Sécurité et de Médiation

DOE: Department Of Energy

Eucom: European Command

FAA : Force Africaine en Attente

FAAC : Forces Armées Alliées de la Communauté

FOMAC : Force Multinationale de l'Afrique Centrale

ITIE : Initiative sur la Transparence dans les Industries Extractives JCATS: Joint Combined Arms Training System

MAP : Mécanisme d'Alerte Précoce de la CEDEAO

MARAC : Mécanisme d'Alerte Rapide de l'Afrique Centrale

Mb/j : Millions de barils par jour

NDDSC: Niger Delta Defence and Security Council

OMAOC : Organisation Maritime pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre ONU : Organisation des Nations Unies

OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole

PaCom : Pacific Command

PAMD : Protocole concernant l'Aide Mutuelle à la Défense

PNAC: Project for the New American Century

PWYP: Publish What You Pay

RCA : République Centrafricaine

RDC : République Démocratique du Congo

ZEE : Zone Economique Exclusive

Liste de tableaux et graphiques

Tableau 1 : Situation des réserves dans le golfe de Guinée en 2005 (en millions de

barils)......................................................................................................23

Tableau 2 : Situation des raffineries dans le golfe de Guinee.......................................25

Tableau 3 : Evolution des bénéfices pétroliers nets des supers-majors entre 2000 et 2005 dans legolfe de Guinee........................................................................................26

Tableau 4 : Financement du pipeline Tchad-Cameroun ...................................46

Tableau 5 : les mécanismes de passage à une répartition de la rente petroliere..................59 Graphique 1 : Importations de pétrole aux Etats-Unis par pays d'origine en 2007..............38

Sommaire

Dédicace i

Remerciements ii

Liste de sigles et abréviations iii

Liste de tableaux et graphiques v

Sommaire vi

Résumé vii

Abstract viii

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE:ENJEUX ENERGETIQUES ET DECOMPOSITION SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE

17

CHAPITRE 1 :PRODUCTION ENERGETIQUE ET PRODUCTION DE L'INSECURITE DANS LES ETATS DU GOLFE DE
GUINEE 18

Section 1 : Le golfe de Guinée comme espace-enjeu en matière énergétique : pourquoi le pétrole de la région
attire ? 19

Section II : Augmentation de la production énergétique, émergence des nouveaux intérêts et accroissement
des flux transnationaux dans le golfe de Guinée : une rencontre des risques d'insécurité 25

CHAPITRE 2 :LE GOLFE DE GUINEE : DE L'ALTERNATIVE ENERGETIQUE A LA MENACE SECURITAIRE POUR LES
ETATS-UNIS 36

Section 1 : Le golfe de Guinée dans la « pétro stratégie » américaine 37

Section 2. L'insécurité dans le golfe de Guinée : un défi pour la sécurité nationale des Etats-Unis 43

DEUXIEME PARTIE :ENJEUX ENERGETIQUES ET RECOMPOSITION SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE 53

CHAPITRE 3 :LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE AU MIROIR DES DEFIS INTERNES ET SOUS-REGIONAUX
54

Section 1. La sécurisation comme outil de construction de la paix dans les Etats du golfe de Guinée 55

Section 2. Les dimensions militaires de sécurisation et leur mise en oeuvre par les Etats du golfe de Guinée .. 61

CHAPITRE 4 :LA VISION AMERICAINE DE LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE : UN ENJEU
MULTIDIMENSIONNEL DE SECURITE NATIONALE 71

Section 1 : La sécurisation du golfe de Guinée comme moyen de sécuriser les approvisionnements
énergétiques et de pré positionnement des Etats-Unis 72

Section 2 : Les dimensions fortement hégémoniques de la sécurisation du golfe de Guinée 80

CONCLUSION GENERALE 89

BIBLIOGRAPHIE 92

Résumé

Le pétrole du golfe de Guinée prend une importance grandissante dans la géopolitique énergétique mondiale. Pour plusieurs raisons, il intéresse les puissances dont les Etats-Unis qui se déploient dans cette sous-région de l'Afrique. Si ce pétrole a un impact macroéconomique sur les Etats producteurs et, participe de la sécurité énergétique des EtatsUnis, il occasionne l'émergence de nombreux flux (économique, migratoire, etc.) qui donnent lieu à la décomposition du champ sécuritaire dans cet espace, favorisant ainsi les crises et les conflits. Cet aspect du pétrole, comme facteur de désordre sécuritaire, présente des effets néfastes pour les exportations, la répartition de la rente, mais surtout, décrédibilise les institutions sociopolitiques dans les Etats du golfe de Guinée, dont les figures sociales se sont déjà, fortement, déteintes. De la même façon, le désordre sécuritaire dans le golfe de Guinée menace, directement, la sécurité nationale des Etats-Unis dont un des pans demeure la sécurité énergétique.

Cette situation pousse à la reconsidération des logiques sécuritaires de la part de chaque acteur étatique. La sécurisation est ainsi une opportunité pour fiabiliser cet environnement sociopolitique. Pareille entreprise, en mobilisant les Etats du golfe de Guinée individuellement, puis collectivement, se présente comme un moyen de restaurer la légitimité des institutions, d'améliorer la gestion des ressources pétrolières, et partant, de contribuer à la construction multidimensionnelle de la paix, aussi bien à l'intérieur des Etats que dans l'espace golfe de Guinée. Pour les Etats-Unis, il s'agit, d'abord, de sécuriser les routes d'approvisionnement énergétique, de se pré-positionner militairement dans cette région, ce qui coïncide avec les objectifs globaux de leur sécurité nationale « post-11 septembre ». Plus généralement, il s'agit d'une projection de puissance. Comme telle, cette orientation n'est pas sans répondre aux logiques d'hégémonie américaine. D'ailleurs, la volonté d'être présent dans le golfe de Guinée pousse Washington à déployer les autres traits de sa sécurité nationale, lesquels participent au maintien de sa puissance.

Mots dles : Enjeux énergétiques, logiques sécuritaires, golfe de Guinée, Etats-Unis, intérêt national, gouvernance, conflictualité, puissance, rente pétrolière, géopolitique du pétrole.

Abstract

The oil in the Gulf of Guinea is having an increasing importance in the global energy geopolitics. It attracts the interest of great powers for many reasons including the U.S.A whose presence in this sub-region in Africa in very remarkable. If this oil has a macroeconomic impact on producing States and participates in energy security of the United States, it create the emergence of economic/migratory flows qui give rise to the decomposition of the security of the area thereby making it a crisis and conflict zone. This issue of oil, considered as a factor of security disorder, discredits the sociopolitical institutions in the Gulf of Guinea whose social features have already faded greatly. In the same way, this security disorder in the Gulf of directly Guinea threatens the national security of the United States and one of these aspects is in energy security.

This situation leads to the reconsideration of security frameworks on the part of each State. Security measures become a means to make credible this sociopolitical environment. Such an undertaking of mobilizing the States in the Gulf of Guinea individually and collectively presents itself as a way to restore the legitimacy of institutions, to ameliorate the management of oil resources, to contribute to multidimensional construction of peace inside the States as well as among the States in the Gulf of Guinea. According to the United States, it is first of all a means to secure the ways of energy supply, to be military well positioned in this region, a reality which corresponds with their global objectives on national security «after September 11». Generally, it is a question of power projection. As such, this orientation goes in hand with the American hegemonic tendency. Also, the wish to be present in the Gulf of Guinea leads Washington to deploy other features of its national security, which all help to maintain its power.

Key words: energy stakes, security logics, Gulf of Guinea, United States of America, National interest, governance, conflict, power, oil revenues, oil geopolitics

INTRODUCTION GENERALE

Le pétrole est donc une ressource indispensable pour chacun des pays qui ne peuvent s'en passer mais aussi un enjeu vital âprement disputé entre des pays aux économies faibles et où s'immiscent volontiers des Etats tiers.'

D

epuis la révolution industrielle et, plus particulièrement, avec la fin de la première guerre mondiale, l'énergie constitue un enjeu important qui cristallise les relations entre Etats au niveau international. De ce fait,

l'approvisionnement énergétique des sociétés contemporaines donne lieu à des flux marchands qui représentent environ un cinquième (1/5ème) du commerce mondial de marchandises. Au sein des ces relations énergétiques internationales, le pétrole occupe une place centrale : il couvre environ 40 % de l'offre mondiale d'énergie2.

L'histoire de l'énergie a connu un tournant particulier autour des années 70, avec la crise du pétrole. De ce fait, le pétrole est apparu comme une donnée stratégique dans les relations entre Etats et un enjeu de sécurité nationale et internationale. Dans ses analyses sur la dualité « pétrole et sécurité », Pierre Noël indique que durant cette période, pour la première fois dans l'histoire, en dehors de quelques épisodes localisés, l'enjeu énergétique segmentait l'espace politique international entre « amis et ennemis » - reprenant le critère d'identification du politique chez Carl Schmitt3.

Dix ans plus tard, c'est-à-dire dans les années 1980, on est passé à une période de profonde restructuration de la scène énergétique ; et, pour cause, le fonctionnement des marchés est devenu plus flexible, le nombre des pays producteurs de pétrole a augmenté, les compagnies multinationales sont redevenues des acteurs-clés du système pétrolier mondial, la concurrence s'est renforcée considérablement. Les années 90 verront l'émergence de nouveaux grands consommateurs de pétrole à savoir les « dragons » de l'Asie du Sud Est, les pays de l'Amérique latine et bien sür les anciens pays du bloc soviétique. Il faut aussi noter que cette période marque la diversification de producteurs. Dans le même temps, c'est le pétrole de la Caspienne qui vient renforcer la concurrence entre offrants au niveau mondial :

1 Roland POURTIER, « Les hydrocarbures du Golfe de Guinée », disponible sur http://fig-stdie.education.fr/index.htm, 13 avril 2010, 22h30.

2 Chiffres tirés de « géopolitique du pétrole », disponible sur www.atlas-monde.net/geopolotique_du_petrole, consulté le 13 avril 2009, 11h30.

3 Pierre NOËL, « Pétrole et sécurité internationale : des nouveaux enjeux », septembre 1998, disponible sur http://upmf-grenoble.fr/iepe/textes/Noel98.PDF, consulté le 20 décembre 2008, 17h 35.

la production aurait atteint 2 millions de baril par jour (Mb/j) en l'an 2000 et est estimée à 6 Mb/j en 2015, d'après le Département de l'énergie américain4.

Cette concurrence entre producteurs se produit à un moment où le golfe de Guinée devient une région productrice non négligeable. Les multinationales présentes sont françaises (Total-Fina-Elf), anglo-néerlandaises (Shell), américaines (Chevron, Texaco, Exxon Mobil), chinoises (China National Petroleum Corporation, CNPC; China Petrochemical Corp, SINOPEC) ou encore brésiliennes (PETROBAS)5. L'impératif est alors la diversification des sources d'approvisionnement. Cette diversification suppose la « conquête » des nouvelles régions ; d'où l'attirance du golfe de Guinée. Or, la question sécuritaire est une préoccupation permanente pour les investisseurs et les partenaires commerciaux du continent africain. La sécurisation de l'approvisionnement passe donc par la sécurisation de la région et des installations des compagnies productrices.

1. Contexte de l'étude

Les coopérations en matière de sécurité et de défense entre les pays africains et les puissances occidentales (dans la plupart des cas, les anciens colonisateurs) semblent, aujourd'hui, plus que jamais, considérées comme ayant de relents de colonialisme et sont taxés souvent de moyens de soutien à certains régimes autoritaires du continent. C'est ainsi qu'au moment où le golfe de Guinée devient une zone importante dans la configuration géopolitique actuelle du monde, des nouvelles puissances d'Asie et d'Amérique semblent être plus intéressées. Chine, Inde, Brésil, Etats-Unis se retrouvent en concurrence depuis une décennie avec la France et la Grande-Bretagne dans cette région du continent6. La présence de ces puissances et des Etats-Unis, particulièrement, après le 11septembre 2001, qui au-delà des matières premières, investissent militairement sur le continent, pose quelques interrogations7. Ceci d'autant plus que le golfe de Guinée est en proie à plusieurs types d'actes d'insécurité : prises d'otages, rébellions armées, trafics d'armes et de drogues, plongeant les Etats de la région entre des défis internes (de paix et de sécurité, de conflits armés au regard de

4 Côme Damien Georges AWOUMOU, << le golfe de Guinée face aux convoitises », communication lors du de la 11e assemblée générale du CODESRIA autour du thème << repenser le développement africain : au delà de l'impasse, les alternatives », Maputo, 06-10 décembre 2005.

5 Idem, p.4.

6 Stanley HOFFMAN, << la France dans le monde : 1979-2000 », in Politique étrangère, n°2, 2000.

7 Sur les convoitises des puissances étrangères dans le golfe de Guinée, lire Côme Damien Georges AWOUMOU, Idem, p.5.

l'économie politique, d'environnement) et externes (de sécurité transfrontalière, d'intégration).

Par ailleurs, étant donné que le golfe de Guinée est devenu un espace de rivalité, la question de sa gouvernance est d'autant plus importante que les flux transnationaux, qu'ils soient d'ordre démographique, économique ou même culturel, défient les tracés des frontières des Etats de cette région au quotidien et sont des facteurs permanents de conflits.

2. Délimitation de l'étude

Etudier les logiques sécuritaires dans leurs relations avec les enjeux énergétiques dans le golfe de Guinée suppose de prendre en compte un certain nombre d'acteurs et de situer le travail sur une certaine étendue territoriale. Il s'avère que, pour des raisons de faisabilité, il soit pertinent de délimiter le champ d'étude, spatialement, temporellement (a) et matériellement (b).

(a) Délimitation spatiale et temporelle

Il est question de travailler sur le golfe de Guinée en tant que région constituée d'un ensemble d'Etats, dont les caractéristiques qui intéressent la présente analyse sont, particulièrement, la production de l'énergie et les dynamiques de sécurité. Parce qu'il est difficile à définir géographiquement, le golfe de Guinée apparaît, globalement, comme un espace « aux frontières incertaines mais désireux d'exprimer une identité collective singulière à des fins de différenciation identitaire, de pesée politique, de rationalisation économique, voire de légitimation politique interne. C'est un espace flou qui, par tâtonnement, tente (...) de dégager un " nous ", construit autour de significations régionales communes » 8. C'est surtout un « espaceenjeu »9 qui laisse entrevoir « d'énormes discontinuités, sources de son caractère crisogène ou belligène »10.

Du point de vue de la géographie physique, un golfe est une pénétration étendue de la mer dans le continent. En ce sens, le golfe de Guinée est situé dans la zone désignée par l'expression « Atlantique Sud-est ». Il s'agit, principalement, de la bordure occidentale du

8 Zaki LAIDI, Géopolitique du sens, Paris, Desclee de Brouwer, 1998, p.9.

9 Wullson MVOMO ELA, « Pétrostratégie et appels d'empire dans le Golfe de Guinée », in Enjeux, n°22, 2005, p. 13.

10 Ghislain Claude ESSABE, « Enjeux géopolitiques et tensions dans le golfe de Guinée: approche communautaire de règlement par la diplomatie parlementaire », projet de Thèse, Université Omar Bongo de Libreville, Libreville, 2008.p.10

continent africain, du détroit de Gibraltar au cap de Bonne Espérance. Entre ces deux extrémités, se localise l'espace atlantique centre-oriental. Il comprend les secteurs des pays des rivières du Sud et le golfe de Guinée, dans son acception la plus large, c'est-à-dire du Cap des Palmes à l'Angola. Ainsi, le golfe de Guinée réalise une synthèse de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale. L'Organisation Hydrographique Internationale définit le golfe de Guinée par une ligne (un arc de grand cercle) courant du cap des Palmes au Libéria jusqu'au cap Lopez au Gabon11.

Selon l'encyclopédie en ligne wikipedia, sur un plan de la géographie humaine, le golfe de Guinée est une zone hétérogène apparaissant comme un pôle de convergence des Afriques anglo-saxonne et latine (hispanophone, francophone et lusophone), des civilisations bantou et sahélienne, des religions chrétienne, musulmane et animiste. D'un point de vue institutionnel ou politique, le Golfe de Guinée12 s'entend comme « cette aire maritime ouverte, directement contiguë au littoral atlantique africain, entre la frontière ivoiro-libérienne, au Nord, et la frontière entre la Namibie et l'Angola, au Sud, et qui est la voie d'accès a l'océan mondial pour tous les Etats, riverains ou sans accès maritime, de l'Afrique Centrale et de l'Afrique Occidentale »13. Il s'agit ici d'une bande marine large de 12 milles marins. Les zones de juridiction restreinte ont une dimension théorique de 188 milles nautiques, dont 12 milles de Zone Contiguë et 176 milles de Zone Economique Exclusive (ZEE) proprement dite. Toutefois, Seuls les Etats bénéficiant d'une ouverture directe sur le golfe peuvent prétendre à l'exercice de l'une ou l'autre des prérogatives susmentionnées, dans l'une des zones marines définies par le droit international de la mer14. Ces Etats sont, du Nord au Sud : la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Nigeria, le Cameroun, la Guinée Equatoriale, Sao Tome et Principe, le Gabon, le Congo, le Congo Démocratique et l'Angola. Parmi ces Etats, huit ont mis sur pied la Commission du Golfe de Guinée (CGG), créée au terme d'une réunion qui s'est tenue, à Libreville, les 18 et 19 novembre 1999. Il s'agit de l'Angola, du Cameroun, du Congo, du Gabon, de la Guinée Equatoriale, du Nigeria, de la RDC et de Sao Tomé et Principe15.

11 << Golfe de Guinée >>, disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Golfe_de_Guinée, consulté le 23 décembre 2008, 23h

12 Il faut noter que le groupe nominal << golfe de Guinée >> dans son acception relevant de la géographie physique s'écrit avec un « g >> minuscule et dans son acception politique ou institutionnelle s'écrit avec un « G >> majuscule. Dans ce travail, nous utiliserons la première écriture qui est aussi celle admise dans les travaux géopolitique et de science politique en général. Lire Albert Didier OGOULAT, << Afrique centrale et golfe de Guinée : géopolitique des termes de l'échange entre deux regionymes sous-continentaux >>, in Enjeux, n°26, p. 9

13 Idem, p. 10.

14 Ibidem.

15 Ibidem.

Dans ce travail, la délimitation du golfe de Guinée est la même que celle qui relève du golfe de Guinée dit institutionnel ou politique. Toutefois, elle prendra aussi en compte son hinterland (notamment le Tchad, la RCA et les Grands-lacs) qui, d'après Côme Damien Georges Awoumou16, est essentiel dans l'analyse géopolitique de la région.

La présente analyse se situe à partir du 11 septembre 2001 jusqu'en 2009. C'est à partir de cette date du 11 septembre 200117 qu'il y a eu une configuration nouvelle qui est apparue dans la politique étrangère des Etats-Unis et partant la prise en compte des régions du monde, apparaissant jusque-là très peu importantes stratégiquement. Aussi, depuis cette date, les cartes politiques du monde ont considérablement changé. L'Afrique, et particulièrement le golfe de Guinée, est devenue stratégique pour des puissances dont la présence était, jusqu'alors, relative, comme les Etats-Unis. Pour des raisons de faisabilité, cette étude se limite à la fin de l'année 2009, qui correspond au début effectif de nos explorations sur le présent thème.

(b) Délimitation matérielle

Ce travail est une approche de l'étude de la Gouvernance à travers le prisme dialectique énergie/sécurité. Parce que la Gouvernance, en tant que domaine de savoir requiert une transversalité disciplinaire, il convient, dès lors, de convoquer des sous disciplines de la Science politique, fondamentalement les relations internationales. Celles-ci ont pour vocation d'étudier les acteurs et les facteurs d'interaction sur la scene internationale. Pour cette raison, en considération de l'espace géographique examiné dans le cadre de la présente étude, elles permettront de saisir les agissements au niveau aussi bien des Etats que des autres acteurs en présence dans le golfe de Guinée. Aussi, mener des recherches sur la relation pétrole/sécurité comme << objet politique » suppose la prise en compte des non-dits, des machinations, des stratégies et des alliances. De ce fait, comme l'analyse géopolitique permet de comprendre les « interactions entre le politique et le territoire, les rivalités ou les tensions qui trouvent leur origine ou leur développement sur le territoire»18 , y avoir recours sied au décryptage des enjeux énergétiques et des logiques sécuritaires dans les relations entre les Etats-Unis et les Etats dans golfe de Guinée.

16 Côme Damien Georges AWOUMOU, op cit. p.5.

17 Correspondant aux attentats contre les tours jumelles du world trade center de New-York et revendiqués par le groupe terroriste Al-qaïda, dirigé par le milliardaire islamiste d'origine saoudienne, Oussama Ben Laden.

18 Yves LACOSTE, cité dans << Géopolitique », disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Géopolitique, consulté le 13 janvier 2010, 12h 30.

3. Définition des concepts

Dans le cadre de cette étude, il est paru légitime, afin de rendre compréhensibles et intelligibles les propos qui y sont ténus, de procéder à la définition de certaines expressions dont l'usage est fréquent.

Enjeux énergétiques : Cette expression est la conjugaison de deux mots à savoir enjeux et énergies. Dans une acception courante, le terme enjeu renvoie à intérêt ; il signifie tout ce qu'on peut gagner ou perdre dans une compétition. Et la compétition elle-même est une recherche simultanée par deux ou plusieurs acteurs d'un même résultat. Quant à énergie, elle est l'ensemble de ressources du sous-sol ou non qui peuvent être exploitées pour servir de carburants. Il s'agit notamment du pétrole, du gasoil, du gaz. Nous choisissons de nous limiter au pétrole. Ainsi les enjeux énergétiques s'entendent, dans ce travail, d'une part, comme la compétition née et qui se développe autour de ces ressources, du pétrole fondamentalement et qui concerne toute l'exploitation, c'est-à-dire les phases d'exploration, de production et de commercialisation ; et, d'autre part, l'ensemble des flux qu'entraine cette exploitation.

Logiques sécuritaires : Ce groupe de mots est composé de « logiques » et de << sécuritaires ». Le terme logique renvoie à l'agencement, à une suite cohérente, à un ordonnancement entre plusieurs choses ou au sein des idées. Il s'agit d'interaction entre plusieurs éléments. Le terme sécurité, quant à lui, est utilisé dans plusieurs domaines et est, pour autant, polysémique.

Dans une première acception, il renvoie à l'état d'esprit d'une personne qui se sent tranquille et confiante. C'est le sentiment, bien ou mal fondé, d'être à l'abri de tout danger et risque ; il associe calme, confiance, quiétude, sérénité, tranquillité, assurance, sûreté. Dans ce travail, le terme sécurité renvoie à la sécurité nationale que d'aucuns appellent sécurité d'Etat. A propos, Penelope Hartiand-Thunberg écrit: « la sécurité nationale est la capacité d'une nation ~ poursuivre avec succès ses intérêts nationaux tels qu'elle les voit a n'importe quel endroit du monde »19. Une telle définition semble limitée dans son opérationnalité. Thierry Balzacq ne disait pas autre chose lorsqu'il signifiait que « cette définition n'est que partiellement vraie et partialement utile. Elle est partiellement vraie dans la mesure ot) certaines questions de sécurité n'ont pas besoin d'être articulées avant que l'on sache qu'un problème existe... *Elle+ est partialement utile

19 Penelope HARTLAND-THUNBERG, << National Economic Security : Interdependence and Vulnerability»,in Frans A. M. Alting von Geusau, Jacques Pelkmans (eds.), National Economic Security, Tilburg, John F. Kennedy Institute, 1982, p. 50.

parce qu'elle s'arrête aux actes du discours qui font qu'une question devient sécurisée si une élite décide d'en parler dans ce sens ))20.

C'est en se rapportant et en discutant les travaux de l'école de Copenhague, notamment Barry Buzan pour qui, « dans le contexte du système international, la sécurité désigne la capacité des États et des sociétés a préserver l'autonomie de leur identité et leur intégrité fonctionnelles ))21, qu'il fournit une définition plus intéressante. Il part de ce qu'il appelle la « sectorisation )) de la sécurité. Parce que les enjeux actuels donnent lieu à une volonté d'étendre l'application du concept de sécurité à d'autres domaines que le domaine politicomilitaire à savoir l'économique, le sociétal et l'environnemental, il pose deux questions à partir desquelles il bâtît sa définition. « La sécurité pour qui et la sécurité pour quelles valeurs et par rapport à quelles menaces ? )) On comprend justement que la première question consiste à clarifier le référent ou le sujet de la sécurité (individu, État, région, système international, etc.). La seconde pousse à spécifier le secteur concerné (économique, environnemental, politique, sociétal, etc.) et surtout à savoir quelle valeur est menacée par l'ébranlement d'un des secteurs susdits. A partir de ces deux questions, la sécurité nationale apparait comme la somme de la sécurité de chaque référent et de chaque secteur. De ce fait, la sécurité nationale est « par delà ses aspects militaires... la défense du territoire, la permanence des institutions et la protection des populations ))22.

On peut donc dire que les logiques sécuritaires renvoient aux agencements entre les différents éléments de décomposition et de recomposition sécuritaire, notamment dans le domaine de sécurité nationale comme pensée et mise en oeuvre par les pouvoirs publics compte ténu de l'évolution et de la complexification de l'environnement où ces éléments doivent être implémentés.

Intérêt national : Dans un sens premier, le terme intérêt s'entend comme ce qui est utile ou profitable à quelqu'un. Dans le domaine politique, il sied de préciser que son usage remonte aux traditions de la philosophie du « contrat social ))23. Ainsi pour Hobbes, il a servi de ferment à la conclusion du « pacte social )). Selon Machiavel, c'est une ligne de conduite dans

20 Thierry BALZACQ, « Qu'est ce que la sécurité nationale?», in La revue internationale et stratégique, n° 52, hiver 2003-2004, pp 33-50.

21 Barry BUZAN., People, States, and Fear : An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Londres, Longman, 2e éd., 1991, p. 65.

22 Pascal CHAIGNEAUX (dir.), Dictionnaires des relations internationales, Paris, Economica, 1998, p.348

23 Sur l'apport des « contractualistes » dans la conceptualisation de l'intérêt national, lire Jean Jacques ROCHE,
Théories des Relations internationales, collection « politique », éd. Montchrestien, 6e édition, 2006, p. 13 et suiv.

les relations entre les nations. Des lors, l'intérêt national, dans la philosophie politique, est ce qui est avantageux pour un Etat ou ce qu'il doit acquérir parce qu'il estime être tel. Mais plusieurs définitions peuvent être données à cette notion. Elle est utilisée par les hommes politiques pour définir ce qu'ils trouvent de profitable pour la nation24.

Il a fallu attendre le développement du réalisme comme théorie internationaliste pour que l'intérêt national entre dans le domaine de la science politique et soit considéré comme une catégorie analytique de la politique étrangère. L'intérêt national est utilisé, ici, comme une adaptation à la politique étrangère de l'expression « intérêt général », en indiquant ce qui est meilleur pour la nation dans ses relations avec d'autres Etats. Cette utilisation du terme met l'accent non seulement sur la menace que l'anarchie du système international peut représenter pour la nation, mais aussi les contraintes externes sur la marge de manoeuvre, les intérêts et la puissance des autres États, et d'autres facteurs hors du contrôle de la nation comme la localisation géographique et la dépendance vis-à-vis du commerce extérieur25. Cet usage analytique du terme qui met l'accent sur le rôle de l'État comme l'incarnation de l'intérêt de la nation a aussi été critiqué. On lui reprochait « l'absence d'une méthodologie convenue à partir de laquelle l'intérêt supérieur de la Nation peut être testé. Certains auteurs ont fait valoir que l'intérêt supérieur est, néanmoins, objectivement déterminé par la situation de l'État dans le système international et ne peut être déduit d'une étude de l'histoire et la réussite ou l'échec des politiques. D'autres auteurs admettent que l'intérêt national est interprété de façon subjective par le gouvernement qui mène l'action »26. On retombe alors à l'usage rhétorique et « politicien » du terme ; autrement dit, l'intérêt national serait simplement ce que l'homme politique pense être.

Les travaux néo-réalistes « post deuxième guerre mondiale » permettent de comprendre qu'on ne doit nier l'existence des valeurs supérieures à l'intérêt des Etats27. L'intérêt national est donc la poursuite de la puissance même en dehors du territoire national. Les premiers éléments qui le sous-tendent sont la survie de l'Etat et la sécurité, ensuite viennent la poursuite de la richesse et la croissance économique. Parce que l'intérêt national ne va pas de soi, chaque nation égoïste devrait prendre en compte les intérêts concurrents des

24 Dans la tradition française de la diplomatie, c'est le Cardinal de Richelieu, pendant la Guerre de Trente Ans, qui basait son action sur la notion d'intérêt national, à laquelle il préférait d'ailleurs l'expression « raison d'Etat ». Lire Henry KISSINGER, diplomatie, Paris, Fayard, 2000, 860p.

25 « Intérêt national », disponible sur http// www.answer.com /topic/national-interest, consulté le 13 janvier 2010, 11h.

26 Ibidem.

27 Jean Jacques ROCHE, op. cit., p. 56.

autres nations. Cette sorte de réciprocité dans les jeux d'intérêt national a pu être définie comme un mécanisme permettant aux Etats d'accepter des concessions dans des circonstances particulières, pourtant peu favorables à la collaboration28. Ceci parce que, pour maximiser ses gains, un Etat est amené à cohabiter avec les autres, au besoin à dissimuler ses intérêts inavoués derrière des paravents tels que la démocratie29 ou mener des guerres contre les autres nations.

Entendu comme tel, dans ce travail, l'intérêt national renvoie au sens que lui donne l'école néo-réaliste des relations internationales, c'est-à-dire ce que chaque Etat gagne ou estime lui être profitable présentement ou dans l'avenir, aussi bien dans le domaine économique, politique que culturel même si cela dépendrait des relations de domination vis-à-vis des autres.

4. Intérêt de l'étude

Le présent travail présente deux intérêts.

> Intérêt scientifique

Sur le plan scientifique, la présente étude s'inscrit à la suite des recherches déjà menées sur la géopolitique du golfe de Guinée. Elle aide dans la compréhension de la mise en oeuvre des outils de gouvernance à travers le rapprochement de deux phénomènes, à savoir l'exploitation pétrolière et la sécurité, souvent étudiés isolement, l'un de l'autre. Il est question, ici, de saisir les enjeux énergétiques comme facteurs, en même temps, de décomposition et de recomposition du champ sécuritaire. Cette étude montre les interactions entre les Etats sur la scène internationale et dans « l'espace golfe de Guinée » ; principalement, les rapports entre des Etats aux positions de puissance asymétriques. Il s'agit de comprendre au sens de François Thual, qui veut quoi ?, avec qui ?, comment ?, pourquoi ? Autrement dit, si « identifier les acteurs, analyser leurs motivations, décrire leurs intentions, repérer les alliances en gestation ou, au contraire, les alliances en voie de déconstruction, que ce soit au niveau local, régional, continental ou international»30 peut aider dans l'appréhension du sujet, il demeure que sa spécificité réside dans la construction d'une analyse méthodique d'objets

28 Robert JERVIS, « security regimes », in Stephan d. Krasner, International regimes, Inthaca and London, Cornell university press, 1983, P.182.

29 Jean Jacques ROCHE, op cit. p.57.

30 François THUAL, Méthodes de la géopolitique. Apprendre à déchiffrer l'actualité, Iris, Ellipses, 1996, p.9.

politiques dont les medias brouillent l'intelligibilité et relèguent simplement au champ de l'évènementiel.

> Intérêt social

Ce travail permet de comprendre les différentes stratégies des acteurs en présence, mais sert, surtout, de fondement à la construction multidimensionnelle de la paix dans le golfe de Guinée, en aidant à voir le rôle des populations en tant qu' « acteurs » dans la production de l'insécurité et de la sécurité. Ce travail permet aussi de saisir les déterminants sociaux de la recomposition de l'ordre sécuritaire en vue de faire de l'exploitation pétrolière, non plus seulement une malédiction, mais une opportunité de développement humain et économique en Afrique, d'une manière générale.

5. Revue de littérature

La construction de ce travail a été marqué par la rareté des ouvrages spécifiques sur la question; cela peut être dû au fait que « l'Afrique est l'arlésienne des ouvrages de géopolitique », pour reprendre Philippe Hugon31. Toutefois, la littérature à laquelle nous avons eu accès ou qui aborde les rapports entre l'énergie et la sécurité, en général, dégage quatre grands axes : d'abord, que l'énergie est une donnée stratégique mondiale, ensuite, que certains facteurs poussent les plus grands consommateurs à diversifier leurs sources d'approvisionnement et, qu'en l'occurrence, l'Afrique et le golfe de Guinée notamment, devient une opportunité qu'il convient de sécuriser.

Chaque puissance développe une politique spécifique en matière d'énergie. Et, pour cause, l'énergie présente une particularité fondamentale : c'est la source quasi unique de carburants pour les voitures, les camions et les avions. Pour Jean Pierre Favennec et Phillipe Copinschi, sans pétrole l'activité économique s'arrête, les armées sont paralysées. Le pétrole est une ressource vitale pour les États, et peut être en cela un enjeu potentiel de guerre. C'est aussi, un élément important du commerce international... L'énergie, en général, le pétrole notamment, représente donc une «rente dont le partage entre les différents acteurs, essentiellement les États producteurs et les compagnies pétrolières, est un enjeu considérable, d'autant que le pétrole est la source principale de revenus pour de nombreux pays et qu'une

31 Philipe HUGON, Géopolitique de l'Afrique, Armand Colin, 2006, p.6.

baisse significative des prix a des conséquences catastrophiques pour les grands exportateurs (pays de l'OPEP mais également Mexique, Russie, voire Norvège)32.

Au delà de cet aspect purement économique, les enjeux géopolitiques caractérisent grandement l'énergie et contribuent à son positionnement comme ressource d'envergure mondiale. Jean Pierre Favennec et Philipe Copinschi notent deux points essentiels: d'une part, les grands pays consommateurs de pétrole, à l'exception de la Russie, sont également de grands importateurs (États-Unis, Europe, Japon). Inversement, les grands pays producteurs sont de grands exportateurs. D'autre part, les deux-tiers des réserves de pétrole sont localisés au Moyen-Orient et, particulièrement, dans cinq pays : en Arabie Saoudite (25% des réserves mondiales), en Irak (11%), au Koweït, en Iran et aux Émirats arabes unis.33 Cette analyse recoupe en partie celle de Pierre Noël, surtout, concernant les portées géopolitiques de l'énergie. Cependant, il fait remarquer que l'équilibre depuis les années 90 dépend de la Caspienne qui, de par sa production, se situe en arbitre34.Un tel environnement ne peut créer qu'une situation de grande dépendance des consommateurs vis-à-vis des producteurs.

La dépendance énergétique est accentuée par une demande intérieure très forte. En effet, l'énergie fait partie intégrante de la politique étrangère des grandes puissances. Or, définir la politique étrangère suppose, selon Marcel Merle, prendre en compte quatre paramètres fondamentaux : le changement des mentalités, le progrès technique, les transformations économiques et les transformations du système international. Ces dernières procèdent de l'internalisation des problèmes internationaux et l'internationalisation des problèmes internes35. Ainsi, les politiques d'approvisionnement s'inscrivent dans cette logique.

Les raisons de la diversification des sources d'approvisionnement sont différentes selon les auteurs. Pour Cyril Oby36, elle est motivée par deux grandes raisons : d'abord, l'insécurité dans le golfe arabo persique ; ensuite, l'expansion rapide des importations de pétrole de la Chine et de l'Inde. Ce raisonnement relève du conjoncturel. Se référant à

32 Jean Pierre FAVENNEC et Philippe COPINSCHI, << Les nouveaux enjeux pétroliers en Afrique », in Politique africaine, n°89, mars 2003, pp. 127-148.

33 Ibidem.

34 Pierre NOEL, op. cit., p.4.

35 Marcel MERLE, la politique étrangère, Paris, PUF, 1984, p. 17 et suiv.

36 Ciril OBY, << Pétrole, sécurité internationale des États-Unis et défi du développement en Afrique de l'Ouest » in CODESRIA, Bulletin, Nos 3 & 4, 2005, p. 39.

l'histoire même de l'énergie au cours du siècle dernier, Pierre Noël37 explique que les producteurs arabes disposent d'un avantage comparatif très important lié au coüt de développement relativement bas dont ils jouissent. Depuis les années 1970, ces pays limitent très fortement le développement de leur capacité pour soutenir un prix mondial largement supérieur au prix concurrentiel. Or, de telles politiques portent en elles même les germes de la diversification de l'offre. Se basant sur la politique énergétique américaine depuis le premier choc pétrolier des années 70, il indique que l'Amérique n'accorde pratiquement aucune importance géopolitique à cette question. Elle cherche plutôt à emmener les pays producteurs à baisser leurs pressions qui se fondent généralement sur la baisse de la production qui a pour conséquence l'augmentation des prix sur le marché. Il s'agit finalement d'une politique de sécurisation d'« un bien mondial collectif». Ainsi, la diversification est plus une question liée aux prix sur le marché mondial et au risque de dépendance qu'à la sécurité au Proche-Orient.

A la question pourquoi cet intérêt pour le golfe de Guinée, les hypothèses sont nombreuses et variantes selon les auteurs. Pour Yves Boyer, il existe essentiellement trois raisons : la présence d'une forte communauté noire aux Etats unis, l'importance de vote des pays africains à l'ONU où ils représentent un tiers des membres dans les organisations multinationales (groupe de 77, Banque Mondiale, etc.) et la présence des matières premières, particulièrement, le pétrole38. Pour Bruno Hardy, deux raisons plutôt conjoncturelles expliquent cet intérêt. D'abord,

la Guerre au Terrorisme est un aspect prioritaire pour la sécurité nationale des ÉtatsUnis et certaines régions du continent sont des terrains fertiles a l'enracinement de réseaux terroristes. L'intensification de ces activités, dont certaines sont associées ~ Al Qaeda dans bon nombre de ces pays, laisse présager que le continent sera à moyen terme un champ de bataille dans la Guerre au terrorisme. La perméabilité des frontières, la présence de grandes zones non gouvernées, les tensions ethniques et les révoltes fréquentes sont un terreau fertile pour ces réseaux39.

Ensuite, l'objectif de développement et d'opérations humanitaires fait également partie de la politique étrangère des Etats-Unis. La question énergétique vient, selon lui, derrière dans

37 Pierre NOEL, ibidem.

38 Pierre NOEL, « les Etats Unis et la sécurité pétrolière mondiale : politique pétrolière américaine et production d'un bien mondial collectif », CFE, juillet 2004, p.18.

39 Bruno HARDY, « Les Etats-Unis et l'Afrique : Perspective de Sécurité. » in les chroniques du GERSI, vol. 3 n°3 mars 2008, p. 13. Lire dans le même sens, Philipe HUGON, op. cit., p.100-113.

le déploiement américain dans le golfe de Guinée. Il reconnait, toutefois, qu'à elle seule, cette région renferme près de 7% des réserves mondiales en hydrocarbures. Celles-ci sont aussi importantes que celles de l'Iran, du Venezuela et du Mexique réunis. Le Nigéria, pays dans lequel une bonne partie de ces ressources est située, est le plus grand exportateur africain de pétrole. En novembre 2007, il exportait plus de 39 184 000 barils par jour vers les États-Unis. Si on y ajoute l'importation provenant du second producteur africain, l'Angola - qui pour la même période exportait 12 459 000 barils par jour aux États-Unis - ainsi que les autres États producteurs (Gabon, Guinée-Équatoriale, Tchad), la région dépassait le Moyen-Orient au niveau des exportations vers les États-Unis40.

Jean-Pierre Favennec et Philipe Copinschi voient plutôt dans cette attirance pour le Golfe de Guinée des raisons de distance entre l'Afrique et l'Occident. Ainsi, soulignent-ils, que de par sa situation géographique, le golfe de Guinée est considéré par les États-Unis et l'Europe comme une « source de pétrole privilégiée » étant donné que le transport du pétrole du Proche-Orient en Amérique pose des difficultés surtout pour les coûts financiers et sécuritaires.41 Les États-Unis en particulier déploient depuis la mi-2002 des efforts considérables pour multiplier les livraisons de pétrole en provenance du golfe de Guinée.

L'Afrique est devenue prioritaire et Washington n'hésite visiblement plus à déployer une présence militaire sur ce continent. En l'espace de deux décennies, le continent est passé de grand négligé à celui de plaque tournante dans la politique de défense des États-Unis. Pour Bruno Hardy, l'Africom est devenue une porte d'entrée pour les Américains sur le continent. En revanche, on relèvera avec Cyril Obi, que bien qu'Africom soit une porte d'entrée, les américains ont délimité le continent par zones. A ce niveau, chaque zone obéit à une politique sécuritaire donnée. Si l'Afrique sahélienne répond au besoin principal de lutte contre le terrorisme, le golfe de guinée, par exemple, répond à d'autres logiques que sont la protection des importations en énergies, les ventes d'armes et une probable implantation de base navale dans les eaux São-toméennes42. Pour Pierre Noël, il apparaît important pour les américains de sécuriser les routes d'approvisionnement (le golfe de Guinée, l'oléoduc Tchad--Cameroun et l'oléoduc Higleig--Port-Soudan à l'est) et également les sites d'extraction de la région. En tout état de cause, « c'est la sécurité des flux pétrolier mondial qui est un intérêt stratégique pour les

40 Bruno HARDI, idem, p. 15.

41 Jean Pierre FAVENNEC et Philippe COPINSCHI, op. cit., p. 22.

42 Ciril OBY, op. cit., p.12.

américains- mais pas seulement parce que l'Amérique s'intéresse a la sécurité de ses alliés mais bien parce que les conditions d'approvisionnement sont déterminées sur un marché mondial »43. Cette sécurisation passe par la mise en place d'une politique de coopération en matière de sécurité.

6. Problématique

Dans toute la phase exploratoire de ce travail, il apparait que les grandes puissances consommatrices et importatrices d'énergies, notamment les Etats-Unis, s'intéressent à l'Afrique et au golfe de Guinée, en particulier. Cette convoitise dont fait l'objet la région est tributaire du fait qu'elle est inscrite dans la pétrostratégie de ces différentes puissances. Elle devient un espace de rivalité. Mais les jeux entre les Etats d'une part et les acteurs privés, d'autre part, ou même entre les deux à la fois, concourent au renforcement des risques d'insécurité, voire de conflit. Le pétrole dans la sous-région apparaît comme un facteur de conflits. Le golfe de Guinée se transforme, désormais, en territoire crisogène et polémogène. Dès lors, en quo! les enjeux l!és a l'exploitation de l'énergie, part!cul!èrement du pétrole, dans le golfe de Gu!née permettent aux Etats de cette rég!on et aux Etats-Un!s de répondre à leurs log!ques sécur!ta!res?

7. Hypothèses Afin de répondre à cette interrogation, nous avons deux hypothèses.

Hypothèse 1

L'intensification de la production énergétique dans le golfe de Guinée augmente les risques d'insécurité pour les Etats de la région et devient, de ce fait, une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Autrement dit, plus la production énergétique augmente, plus les menaces et l'insécurité deviennent importantes pour chaque acteur étatique.

Hypothèse 2

La sécurisation du golfe de Guinée est un enjeu majeur pour l'intérêt de la région et des Etats-Unis. Autrement dit, elle est une réponse aux défis de préservation de la paix, de répartition des rentes pétrolières pour les Etats de la région ; en même temps, elle permet aux Etats-Unis de garantir leurs approvisionnement, de se pré positionner militairement et de mettre en oeuvre les autres dimensions de leur sécurité nationale.

43 Pierre NOËL, op. cit., p.11.

8. Cadre méthodologique

La méthodologie que suit ce travail est guidée par un cadre théorique et une technique de collecte et d'analyse de données, qui de part l'actualité du présent thème, nous éviterait de tomber dans l'événementiel.

Cadre théorique

« La théorie, écrit Kenneth Watz, isole un domaine de façon à pouvoir le traiter intellectuellement *...+. Isoler un domaine est donc la condition première pour développer une théorie »44. Le système international donne à lire la réalité politique comme autonome, ce qui permet d'ailleurs de construire des théories. Le réalisme parait intéressant à plus d'un titre pour rendre compte de la présence américaine dans le golfe de Guinée. En effet, l'approche réaliste, dans la tradition de Hans Morgenthau ou Raymond Aron, considère que la scène internationale est un environnement anarchique où le comportement des acteurs que sont les Etats est basé sur leurs intérêts à agir et la guerre. Mais l'usure et la complexification des relations entre Etats laissent plus enclins à opter pour le néo-réalisme aussi appelé réalisme structurel ou structuro-réalisme, développé, principalement, dans la science politique américaine autour des années 70, à travers l'ouvrage de Kenneth Watz. Considérant que le seul déterminant du comportement des unités, en l'occurrence les États, est l'anarchie du système international, la théorie néo-réaliste corrige les erreurs et les égarements philosophiques de sa devancière, le réalisme dit classique. Admettant l'entrée en jeu des acteurs non étatiques, le néo-réalisme utilise le paradigme de la sécurité comme principe cardinal pour le besoin d'intérêt dans les relations entre Etats. Cette théorie permet d'analyser la compétition autour du pétrole du golfe de Guinée comme facteur d'anarchie qui est en même temps un enjeu d'intérêt et de sécurité nationale pour les acteurs étatiques en présence.

A cela, il sied d'ajouter la méthode stratégique développée par Crozier et Friedberg45. Cette approche, quant à elle, est une méthode organisée autour d'actions finalisées et calculées. Elle a pour but de permettre aux acteurs engagés dans une entreprise quelconque de minimiser les pertes tout en maximisant les profits. L'acteur au sens de Crozier et Friedberg est celui dont le comportement et l'action participent à structurer un champ, c'est-à-dire, à construire des régulations. L'objectif de ces auteurs est d'expliquer la construction des règles

44 Cité par Jean Jacques ROCHE, op. cit., p.40.

45 Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, l'acteur et le système, Paris, Seuil, 1981.

(le construit social) à partir du jeu des acteurs empiriques, calculateurs et intéressés. Ces acteurs sont dotés de rationalité, même si elle est limitée ; ils sont autonomes et rentrent en interaction dans un système qui contribue à structurer leurs jeux. Les acteurs que sont les Etats dans notre travail interviennent dans un système de relations entre eux, en même temps que ce système doit et peut s'ajuster à des contingences et des changements de natures diverses. On comprend, dès lors, que le système dans lequel se trouvent les Etats-Unis et les Etas du golfe de Guinée est conditionné par des jeux et des contingences dues au changement du système international et donne aux acteurs en présence la capacité de calculer leurs différentes interactions.

Technique de collecte des données

Ce travail est essentiellement documentaire. Une de ses caractéristiques est que le document étudié n'est pas établi par le chercheur et qu'il n'exerce aucun contrôle sur la façon dont il a été établi46. Ainsi, la sélection opérée permet d'interpréter ou de comparer des matériaux pour les rendre utilisables. Aussi, les articles de revues scientifiques, les ouvrages, la presse, les discours, etc. sont indiqués, pour ce faire. A cela, il sied d'adjoindre la méthode empirique qui, elle, permet d'observer directement les faits c'est-à-dire prendre la mesure des enjeux énergétiques et logiques sécuritaires dans le golfe de Guinée à travers le déploiement américain et l'action des Etats de la région.

46 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993, p. 513

PREMIERE PARTIE

ENJEUX ENERGETIQUES ET DECOMPOSITION SECURITAIRE DANS LE
GOLFE DE GUINEE

L

a production du pétrole dans le golfe de Guinée suscite des nombreuses convoitises. Les acteurs de cette << ruée vers l'or africain>> sont nombreux et n'ont pas tous les mêmes objectifs. Ils sont étatiques ou non, chacun avec

des fortunes diverses. Aussi, l'intensification de la production permet l'augmentation des flux transnationaux, fussent-ils économiques, politiques, démographiques ou religieux, portant, les uns aussi bien que les autres, les germes de la décomposition sécuritaire dans cette zone de l'Afrique.

Dans le même sens, la région occupe une place de choix dans la politique énergétique des Etats-Unis. Cependant, en se positionnant comme acteur étranger majeur et << grand client >> du pétrole sub-saharien, Washington contribue à sa sécurité énergétique, élément fondamental de sa sécurité nationale. Mais les risques d'insécurité dans le golfe de Guinée ont directement un impact sur sa sécurité énergétique, et donc sur sa sécurité nationale. Il convient de comprendre que l'augmentation de la production énergétique, si elle est une opportunité, participe de la production d'un désordre sécuritaire pour les Etats du golfe de Guinée (chapitre 1) et partant, pour les Etats-Unis (chapitre 2).

CHAPITRE 1

PRODUCTION ENERGETIQUE ET PRODUCTION DE L'INSECURITE DANS
LES ETATS DU GOLFE DE GUINEE

Le pétrole [...], parce qu'il est particulierement prisé, va contribuer à redéployer des dynamiques internes, sousrégionales et internationales révélatrices d'appétits pétroliers, eux-mêmes, générateurs de diverses formes de rivalité et de conflictualité.47

L

'exploitation de l'énergie dans le golfe de Guinée procède de la politique de développement à travers les ressources naturelles des Etats de la région dont la situation générale est marquée par la pauvreté et la précarité des

populations. Cette posture coïncide, en effet, avec la stratégie des grandes et moyennes puissances devenues, de par le caractère de leurs industries ainsi que de leurs modes de vie, plus que jamais dans leur histoire, dépendants de l'énergie ; ceci dans un contexte géopolitique mondial sans cesse reconfiguré. Si le golfe de Guinée s'avère être une opportunité énergétique, il est aussi un espace de convoitise où acteurs étatiques, entreprises multinationales et acteurs sociaux, essayent de s'y insérer ; les uns et les autres avec des intérêts tantôt divergents, tantôt convergents, parfois complémentaires, mais singulièrement contradictoires.

C'est ainsi que l'augmentation de la production énergétique dans le golfe de Guinée crée des situations où se rencontrent des acteurs et des intérêts divers susceptibles de favoriser les risques d'insécurité pour la région, en tant qu'espace dont les frontières des Etats qui le composent se disséminent de jour en jour du fait des flux transnationaux ; et dont les gouvernements ont souvent du mal à imposer, sur tous leurs territoires, l'ordre étatique. C'est dans l'objectif d'une telle démonstration que le présent chapitre, avant d'évoquer la rencontre des risques d'insécurité dans le golfe de Guinée (section 2), essaye de répondre à l'interrogation pourquoi le pétrole de la région attire (section 1) ?

47 Estanislas NGODI et Mathias-Eric OWONA NGUINI, « le pétrole off-shore comme ressource stratégique en Afrique centrale : une richesse au coeur des tensions frontalières et des appétits», in Enjeux, n°26, Mars 2006, p. 11.

Section 1 : Le golfe de Guinée comme « espace-enjeu » en matière énergétique :

pourquoi le pétrole de la région attire ?

Dire que le golfe de Guinée est devenu un (( espace-enjeu », c'est reconnaitre qu'il est passé d'une région stratégiquement moins importante à un espace de rivalité ; espace où les acteurs, fussent-ils étatiques ou non, s'insèrent chacun avec des stratégies diverses. Plusieurs facteurs concourent à cette (( affluence » vers l'Afrique. La géopolitique mondiale du pétrole d'abord, la spécificité de la région, ensuite.

Paragraphe 1. Les raisons liées à la géopolitique mondiale du pétrole

Le développement de l'économie de marchés, la facilité des échanges dans le transfert des flux ainsi que les politiques économiques de chaque Etat, ont permis depuis quelques décennies l'émergence des nouvelles puissances qui se lancent, elles aussi, dans la dynamique de la diversification de leurs approvisionnements, alternative à la dépendance énergétique. Leur insertion comme acteurs non négligeables dans les relations internationales permet de reconfigurer les anciens jeux de puissance.

A. La montée des nouveaux consommateurs et la réconfiguration des précarrés

L'Asie offre, en ce début du vingtième-unième siècle, des acteurs importants en matière de consommation d'énergie. En effet, à se limiter aux dix dernières années, les chiffres sont forts pertinents. La Chine, huitième importateur de pétrole en 2000, puis au quatrième rang en 2003 après les États-Unis, le Japon et l'Allemagne, occupe le deuxième rang mondial, depuis 2006. Ses importations qui représentaient 27 % du total de la consommation de pétrole en 1999, puis 37 % en 2002, ont atteint 45 % en 2005. L'Inde, pour sa part, sixième consommateur mondial de pétrole, devrait avant la fin de la décennie occuper le quatrième rang mondial48.

L'augmentation de la consommation au niveau global suppose des approvisionnements de plus en plus importants. Or, les anciens grands consommateurs, c'està-dire les Etats occidentaux et la Russie, ont déjà des régions qui apparaissent comme des zones d'influence où leurs projections de puissance ont dépassé aujourd'hui le simple cadre des << missions civilisatrices» entreprises durant la colonisation. Le maintien des sociétés industrielles des ex-puissances colonisatrices et la singularité de leurs politiques étrangères

48 François LAFARGUE, << Etats-Unis, chine, inde, rivalité pétrolière en Afrique » in Afrique contemporaine, Printemps 2003, p.48-56. De telles hausses se remarquent aussi quand il s'agit d'évoquer des nouvelles puissances émergentes de l'Afrique comme l'Afrique du sud ou de l'Amérique latine comme le Brésil.

vis-à-vis de leurs anciennes colonies leur permettent d'être les plus grands clients en matière d'énergie. Les présences française et anglaise en Afrique sont illustratives. L'implantation des compagnies Total-Fina-Elf, et Shell au Gabon, Cameroun, Congo, Nigéria, Angola traduisent l'interférence des diplomaties d'Etat dans le champ de l'économie pétrolière, justement, parce que la sécurité énergétique participe de la sécurité nationale dans les grandes puissances49. Mais l'entrée en jeu des nouveaux grands consommateurs vient, sinon déstabiliser ces jeux d'influence, du moins contribuer à une redistribution des cartes. Les entreprises chinoises, indiennes ou malaisiennes, s'insèrent dans les pré carrés, ci-haut évoqués. En Afrique, particulièrement, cette reconfiguration de la géographie économique des entreprises extractives permet aux multinationales américaines, au nombre desquelles Texaco et Exxon Mobil, d'être aujourd'hui plus visibles50.

B. La problématique des alternatives à la dépendance et le scénario du futur

énergétique

La dépendance en matière énergétique est admise comme un problème majeur de sécurité par les grands consommateurs. En effet, le fait que la production interne ne suffît pas à permettre une autosatisfaction dans ce domaine a pour principale conséquence la hausse de l'importation. Cependant, les seules sources d'approvisionnement présentent des risques permanents de rupture. Pour s'en rendre compte dans l'histoire récente, on peut remonter jusqu'à 197451. Trente années après, la dépendance et les risques de rupture deviennent plus réels. Les analyses géopolitiques sur la question se recoupent fortement. En effet, pour les offres au niveau mondial, on peut dégager deux grands ensembles, chacun présentant des limites pouvant être cause d'insécurité énergétique.

> Le Moyen-Orient, très riche en pétrole et en gaz, se trouve loin des consommateurs européens et encore plus loin des Etats-Unis et du Japon. Il est caractérisé par une grande diversité de pays, de peuples, de religions et de régimes. Il a connu une histoire complexe depuis l'Antiquité jusqu'aujourd'hui. C'est une zone où les risques de conflits demeurent

49 La situation est similaire en Europe centrale où l'influence de la Russie sur les anciens Etats du bloc soviétique se fait sentir à travers la politique énergétique russe.

50 Philippe COPINSCHI et Pierre NOEL, « l'Afrique dans la géopolitique mondiale du pétrole », in Afrique contemporaine, Printemps 2003, pp. 35-36.

51 Lorsqu'en octobre1973, Israël entre en guerre contre les pays arabes (autrement appelée guerre du ramadan ou du kippour), ces derniers décidèrent d'un embargo contre les Etats-Unis, le Portugal, les Pays-Bas, l'Afrique du Sud et la Rhodésie, supposés soutenir « l'ennemi ». Mais, cet embargo a été levé en juillet 1974, après avoir échoué. Ce, parce que les grandes compagnies pétrolières, maîtresses des flux d'approvisionnement mondiaux en pétrole, avaient réparti la pénurie entre tous les pays industrialisés, ceux visés par l'embargo comme les autres.

nombreux mais qui possède aussi, heureusement, des facteurs de stabilité comme l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP).

> L'autre grande zone riche en hydrocarbures - la Russie et les deux pays riverains de la mer Caspienne orientale, le Kazakhstan et le Turkménistan-peut alimenter naturellement à l'ouest l'Europe et à l'est le Japon, la Corée du Sud et la Chine. Mais l'approvisionnement restera dépendant de la volonté de la Russie qui peut choisir en cas de déficit de production par rapport à la demande, de privilégier l'approvisionnement de l'Europe ou, au contraire, celui de l'Extrême-Orient52.

Il s'agit aussi de comprendre à travers une telle classification que la diversification des sources d'approvisionnement concoure à une pluralité de l'offre, ce qui permet aux grands consommateurs de recourir à d'autres régions en cas de difficultés. Les enjeux peuvent devenir militaires à la limite d'autant plus que cette diversification passe par la découverte, le contrôle et la sécurisation des nouveaux gisements et des détroits53. Aujourd'hui, on peut admettre avec Yves Lacoste que « la poudrière du Proche-Orient » donne à penser que les problèmes géopolitiques liés à la diversification des sources d'approvisionnement sont plus que jamais une préoccupation pour les consommateurs d'énergie, les Etats-Unis en tête54. De ce fait, l'émergence de nouveaux producteurs, ceux du golfe de Guinée en l'occurrence, révèle de grands enjeux géopolitiques.

L'augmentation de la consommation dessine le « pic pétrolier » qui devrait intervenir dans les trente prochaines années et qui supposerait une raréfaction réelle du pétrole dans le monde. Ce nouveau scénario de rareté, de plus en plus croissante et désormais acquise, suppose que « [les grandes puissances vont] devoir négocier une porte fort étroite, délimitée par les

capacités de montée en puissance des liquides non conventionnels, la réduction de l'intensitéénergétique, mais d'abord et avant tout par la compétition des émergents, a commencer par la

52 Ces deux ensembles sont ceux décrits par planète-énergie, disponible à planete-energies.com/géopolitique, consulté le 1er décembre 2009, 17h50.

53 Le cas du détroit d'Ormuz est de ce fait plus explicite. Il est le passage obligé de près de 20 % du commerce mondial dont 40 % des exportations du pétrole. Ce qui explique que les pays de la région -Iran, Oman, Émirats arabes unis et Arabie saoudite - sont visiblement dans un espace en menace permanente. D'où la surveillance d'ailleurs de la cinquième flotte américaine. Même situation pour le canal de Suez dont la fermeture entre 1967 et 1973 a obligé les Etats européens à contourner par le cap de Bonne Espérance et à construire des pétroliers plus grands.

54 Yves LACOSTE, « Géopolitique du pétrole » in Géopolitique, Paris, La Découverte, 2006, p. 47

Chine, qui selon l'agence US de l'énergie deviendra le premier consommateur mondial dans les cinq ans »55 . On comprend donc que « le futur énergétique dessine la géopolitique de demain»56 .

Paragraphe 2. Les raisons liées à la spécificité de la région

Le golfe de Guinée offre de nombreuses opportunités que les entreprises et les puissances exploitent pour se positionner. C'est une zone au potentiel énergétique assez important et présentant de grandes possibilités d'investissement étant donné le manque de moyens techniques, humains et financiers des Etats.

A. Le golfe de Guinée : une région au potentiel énergétique avéré et à la production croissante

Depuis quelques années, les activités d'exploration s'intensifient dans cette zone et permettent la découverte de nouveaux gisements et leur exploitation.

1. les reserves énergétiques du golfe de Guinée

Le pétrole est un secteur dont l'intensification des activités d'exploration et de production illustre une forte croissance. De nombreuses estimations relatives aux réserves disponibles sont faites et varient d'un organisme à l'autre. En 2001, les réserves prouvées de pétrole de la planète plaçaient l'Afrique avec 10,2 milliards de tonnes de réserves de pétrole brut au troisième rang mondial des régions détentrices de pétrole derrière le Proche-MoyenOrient (93,2 milliards de tonnes) et l'Amérique du sud (13,0 milliards) ; et devant l'Europe orientale (8,1 milliards), l'Amérique du Nord et le Mexique (7,5 milliards), l'Extrême-Orient (6,0 milliards) et l'Europe occidentale (2,3 milliards)57.

Les activités d'exploration qui s'intensifient sur le continent permettent des nouvelles découvertes de gisements. Entre 2001 et 2005, les estimations des réserves en gisements sur le continent africain ont exponentiellement évolué, passant de 10,2 milliards à 80 milliards de barils. Les réserves du continent, en général, se situent essentiellement dans deux zones : l'Afrique du nord (Algérie, Egypte, Lybie et Tunisie) et le golfe de Guinée.

55 Michael T. klare Tom DISPATCH, « Le futur énergétique dessine la géopolitique de demain » disponible sur http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2761, consulté le 13 mars 2010, 13h 30.

56 Ibidem.

57 Michel KOUNOU, Pétrole et pauvreté au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie politique du pétrole dans le golfe de Guinée, Yaoundé, Editions CLE, 2006. pp.39 et suivantes.

Tableau 1 : Situation des réserves dans le golfe de Guinée en 2005 (en millions des barils)

n.d

n.d

Benin

Cote

d'hynira

Tchad

Afrique du
cud

R.D. C

Mauritanie

Congo
Brazzaville

Guinee-
eauatoriale

Gabon

Sao tome et
Principe

Cameroun

Ghana

Soudan

35,5

0,1

1,5

1,2

0,25

0,1

0,01

0,08

0,5

0,82

1

2,5

5,4

Angola

Nigeria

Source : JAI, l'Etat de l'Afrique, Hors série, n° 8, 2005 ; US Energy Information Administration, country analysis, 2005 et CIA, the Wold Factbook, updated, 9 august 2005.

Le Nigéria demeure le pays du golfe de Guinée qui a les plus grandes réserves du pétrole. Si en 2001, certains estimaient ses réserves à 31,5 milliards de barils, elles sont passées à 35,5 milliards en 200558. Ces réserves sont tellement importantes qu'elles représentent quasiment le double de tous les autres pays africains détenteurs. Les estimations de l'Angola sont aussi en forte hausse grace aux découvertes au large de Cabinda et en offshore profond au large de Luanda. Autres découvertes importantes celles du Tchad (150 millions de barils dans les champs de Sedigui et du bassin du Lac Tchad ainsi que dans la région du Kanem et de Kumia)59. Mais les travaux d'exploration qui ont cours jusqu'à maintenant indiquent des nouvelles découvertes dans la région du Mayo Kebbi et du Salamat. La situation est similaire en Guinée Equatoriale avec les gisements mis en exergue au large de la partie occidentale de Malabo.

2. La progression de la production énergétique dans le golfe de Guinée

La production dans le golfe de Guinée n'a pas commencé à la même date. La plus ancienne est sans aucun doute celle de l'Angola qui a débuté en 1956. De 1990 à aujourd'hui, sept Etats (Guinée-Equatoriale, Soudan, Tchad, Afrique du Sud, Benin, Mauritanie, Sao Tomé et Principe) sont devenus producteurs du pétrole. Ce qui augmente la production globale de cette partie de l'Afrique. Depuis 2001, trois Etats (Tchad, Mauritanie, Sao Tomé) sont devenus producteurs du pétrole. Leurs productions sont en hausse permanente. Toutefois, les productions sont en baisse au Cameroun et au Gabon parce que ces deux Etats sont devenus très dépendant de leurs exportations, et tarissant par voie de conséquence leur réserves. Cependant, la production est particulièrement en hausse au Nigéria et en Angola. Ajoutés aux nouveaux producteurs de la région et aux autres, dont la production est plus ou moins

58 Jeune Afrique l'Intelligent, « l'état de l'Afrique », hors série, n°8, 2005, p.45

59 Ibidem

constante, on arrive donc à voir que le golfe de Guinée est en progression en matière énergétique60.

B. Les facilités d'investissement pour les multinationales pétrolières et le manque de

moyens techniques des Etats du golfe de Guinée

Il est admis en général que l'environnement sociopolitique en Afrique sub-saharienne est une cause de démotivation des investisseurs, surtout, étrangers. Pourtant, les régimes fiscaux marqués par des grandes facilités qu'offrent les Etats du golfe de Guinée aux multinationales sont une des principales raisons incitatives d'investir dans cette région. Depuis les années 1970, les gouvernements africains qui voulaient exploiter leurs ressources énergétiques ont présenté des facilités fiscales à leurs partenaires. Pendant les années 1990 qui y ont vu l'arrivée de nouveaux producteurs, ces facilités sont devenues plus grandes, en démontrent les régimes contractuels mis sur pied. En effet, historiquement, les conventions qu'on rencontre en Afrique sont les accords de joint-venture (accords d'association)61 et les accords de partage de production62.

Dans ces contrats, les plus grands avantages financiers vont aux multinationales. C'est le Nigéria qui s'affirme comme une exception en la matière. La Nigéria National Petroleum Corporation fait partie de deux consortiums où elle semble détenir les plus grandes parts. Dans un premier groupe où elle est en concurrence avec Shell, elle a 55% des parts contre 45% pour sa partenaire. Dans le second, elle détient 60% contre 40% pour Exxon-Mobil, Chevron Texaco, ENI/Agip et TotalFinaElf63. Dans les Etas où il n'existe pas de compagnies nationales, comme en Sao Tomé et Principe ou au Bénin, ces sont les entreprises étrangères qui se chargent de toutes les phases de l'exploitation.

Par ailleurs, la question du manque des moyens techniques en Afrique dans le domaine de l'extraction des ressources naturelles est un enjeu de l'affaiblissement du contrôle même de ce secteur de l'économie par les Etats producteurs. En effet, à l'observation des compagnies pétrolières dans le golfe de Guinée, on peut dire que les moyens techniques employés sont

60 Lire annexe sur l'évolution de la production du pétrole dans le golfe de Guinée, (p. C du présent document).

61 Il y a association entre les compagnies nationales et les compagnies étrangères. Ces dernières sont, en général, des opérateurs de bloc, c'est-à-dire celles qui sont responsables de l'exploitation, du développement et de la production d'un bloc pour le compte d'un consortium. Le partenaire étranger agit comme un contractant envers le gouvernement, finance seul l'ensemble de coüts de production, se rembourse les investissements effectués appelés cost oil et partage les profits « profit oïl » avec le gouvernement.

62 Il suppose que l'intégralité des dépenses d'exploitation et parfois de mise en production est assumée par la compagnie étrangère contre rémunération.

63 Michel KOUNOU, op. cit., p. 59.

essentiellement étrangers. Ceci est tributaire du fait que les Etats de la région n'ont pas l'expertise possible et les finances nécessaires pour acquérir une technologie dans le domaine qui est supposée être de haut niveau.64. La faiblesse des raffineries explique le fait que le pétrole africain soit foncièrement destiné à l'exportation, et ce d'autant qu'hormis l'Afrique du sud et le Nigéria, l'Afrique sub-saharienne n'est pas un consommateur avéré d'énergie.

Tableau 2 : Situation des raffineries dans le golfe de Guinée (2008)

Nigeria

Angola

Congo
Brazzaville

Guinea-
equatoriale

Gabon

Soudan

Cameroun

Afrique du
sud

R.D. C

Cote
d'Ivoire

Tchad

Ghana

Benin

Mauritanie

Sao Tome et
Principe

4

1

1

1

1

4

1

4

1

1

1

1

0

0

1

Source : US Energy Information Administration, country Analysis, 2005 et augmentée par nos recherches de 2008.

Section II : Augmentation de la production énergétique, émergence des nouveaux intérêts et accroissement des flux transnationaux dans le golfe de Guinée : une rencontre des risques d'insécurité

La production croissante de l'énergie dans le golfe de Guinée ne va pas sans conséquence sur la sécurité des Etats de la région. Elle occasionne l'émergence de nouveaux enjeux parce qu'il y a irruption de nouveaux acteurs non étatiques donnant lieu, au demeurant, à de nombreux risques d'insécurité. S'il faut admettre le pétrole ici comme facteur d'insécurité, il faut surtout noter qu'il y a insertion, dans cette partie de l'Afrique, de nouveaux flux économiques, démographiques et culturels auxquels s'ajoute la sempiternelle question de la répartition de la manne pétrolière par le pouvoir central.

Paragraphe 1. L'augmentation de la production comme facteur d'insertion de nouveaux flux économiques : multinationales, «économie des gangs » et gestion interne de la rente pétrolière

Le jeu de positionnement des compagnies pétrolières laissent entrevoir une concurrence marqué par la réalisation des bénéfices toujours exorbitants, pouvant avoir des conséquences sur le fonctionnement des Etats.

64 L'inexistence de structures de raffinage du pétrole africain explique donc, en partie seulement, l'incongruité qui oblige des Etats producteurs à brasser leur ressource naturelle en exportant leur production dans presque sa totalité, pour se retourner ensuite et importer du brut et raffiné à des coûts encore plus élevé, Michel KOUNOU, idem, p.72.

A. L'insertion des multinationales dans le champ de l'économie pétrolière africaine : entre logiques rentières et dynamiques prédatrices

Depuis le début de la production énergétique en Afrique, le pétrole a été l'affaire des entreprises étrangères. La progression des bénéfices de ces unités de production traduit les logiques qui structurent leur présence.

Tableau 3 : Evolution des bénéfices pétroliers nets des Super Majors entre 2000 et 2005 dans le golfe de Guinée

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Exxon Mobil

17,72

15,32

11,46

21,51

25,33

36,1

Chevron Texaco

7,727

3,288

1,131

7,23

13,32

14,1

Total

8,035

7,564

6,638

7,705

8,866

12

Shell

12,813

10,301

9,656

12,313

18,18

25,3

BP

10,12

6,795

6,795

10,462

15,73

22,3

Source : Michel KOUNOU, 2006

Le cas de Total-Fina-Elf est fort illustratif de la « dialectique conquête de gisements/contrôle de production » dans le golfe de Guinée, en général, dans sa partie Afrique centrale, en particulier. Cette entreprise, à l'analyse du tableau ci-dessus, garde un grand dynamisme sur le continent ce, d'autant plus que 50% des réserves qu'elle contrôle se trouve en Afrique et, surtout, dans ce qui apparaît comme le pré carré français, au-delà de ses frasques hautement médiatisés65. D'après des chiffres plus récents pour cette compagnie, le continent représente 45% de sa production mondiale de pétrole et 14 % de celle de gaz en 2008 (soit en moyenne 33% de sa production d'hydrocarbures au lieu de 29% en 2000). En termes d'investissements en exploration et production, la part du continent dans ses investissements mondiaux du secteur est passée de 19% en 2000 à 33% en 2008, ce qui en fait, selon Total, « l'un des pôles de croissance du groupe ». Pour Eni, en 2008, 54% de sa production pétrolière sont réalisés en Afrique66.

65 Point n'est besoin ici de rappeler l'action d'un opérateur comme Elf dans la survie des régimes sous-régionaux ou dans la pérennisation des conflits. Qu'il s'agisse du conflit angolais ou de la guerre civile congolaise, on sait aujourd'hui que cette multinationale a financé toutes les parties en conflit et ce faisant, a accentué le caractère endémique de ces conflits. Joseph Vincent NTUDA EBODE, « pétrole et politique en Afrique centrale. Entre convoitises, instrumentalisation et marchandages : où est l'éthique ? », in Enjeux, n°14, Janvier - Mars 2003.

Lire dans ce sens François-Xavier VERSCHAVE et Laurent BECCARIA, Noir procès ; offense à chef d'Etat, les arènes, Paris, 2001 et François-Xavier VERSCHAVE, Noir silence ; qui arrêtera la Françafriqe ?, Les arènes, Paris, 2000. Ces documents donnent de nombreuses informations sur les dessous des relations tumultueuses entre Elf et les dirigeants africains ainsi que les conséquences de ces relations.

66 Jeune Afrique, « état de l'Afrique », hors série, 2009.

Aujourd'hui, avec plus de 400 compagnies présentes sur le sol africain, on peut dire que le continent représente une part croissante de leurs activités et de leurs investissements. Et la dimension que la rivalité et les jeux de positionnement prennent dans cet espace pousse chaque acteur à bâtir des stratégies toujours plus pointues. Ainsi, un rapport d'aoüt 2009, publié par le Royal Institute of International Affairs, analyse que les différents modes d'intervention de ces compagnies au Nigéria et en Angola se font soit directement par la conclusion de contrats pétroliers d'exploration et de production, soit par le financement connexe des secteurs de l'aval pétrolier et des infrastructures dans le cadre d'accords de type « oïl-for-infrastructure >>, trop récents pour en connaître la véritable portée à long terme67.En général, on admettra avec Michel Kounou que

parce qu'elles sont puissamment structurées sur le plan financier-leurs chiffres d'affaires respectifs dépassent parfois largement le budget, voire le Produit National Brut de nombreux Etats producteurs subsahariens- ces compagnies jouent un rôle actif en amont (exploration et production) ; les compagnies pétrolières étrangères ont structuré un monopole rigide leur permettant de pressurer les ressources stratégiques, à travers des mécanismes précis68.

B. Criminalisation des Etats, émergence de « l'économie de gangs» et répartition

inégale des ressources pétrolières

En Afrique, l'Etat est devenu, de par les pratiques politiques qui y ont cours, une menace à son propre fonctionnement. En effet, le paradigme de l'Etat criminel développé par Jean François Bayart, Stephen Ellis et Béatrice Hibou69 rend compte aisément de l'insertion de l'informel dans l'économie politique des Etats subsahariens. La criminalisation de l'Etat suppose d'un côté que l'on assiste à des pratiques douteuses assimilables à des « stratégies de tensions » télécommandés en sous-marin par des dirigeants en mal de restaurations autoritaires ; d'un autre, même les régimes qui se réclament des urnes s'érigent en vecteurs de criminalisation. Ainsi, drogues, blanchiment d'argent sale, implication des organisations militaires dans le pillage des villes, dans le détournement de l'aide humanitaire et des rentes

67 Royal Institute of International Affairs, « Thirst for African Oil : Asian National Oil Companies in Nigeria and Angola>>, disponible sur www.chathamhouse.org.uk, consulté le 10 décembre 2009, 15h00.

68 Michel KOUNOU, op cit., p.75.

69 Jean François BAYART, Stephen ELLIS, Béatrice HIBOU, la criminalisation de l'Etat en Afrique, Paris, Complexe, 1997.

issues des ressources naturelles permettent de rejoindre les critères de criminalisation de l'Etat70.

La question de la criminalisation de l'Etat dans le golfe de Guinée s'accentue avec l'exploitation du pétrole. On a d'abord, les compagnies pétrolières qui font l'essentiel de l'économie de la région, avec une forte possibilité de connivence entre celles-ci et les gouvernements en place. Ensuite, l'on assiste à une sorte de prédation des ressources par ces compagnies, parce que les Etats n'ont pas de moyens de contrôle des productions et des réserves exploités. Enfin, ces compagnies sont souvent la suite économique de l'appareil politico diplomatique déployé par les grandes puissances71. En même temps, les Etats de la région sont dirigés par (( des gouvernements perpétuels » c'est-à-dire marqués par (( la longévité gouvernante suprême qui demeure la norme en raison de la rareté des dynamiques d'alternance »72. Dans un tel contexte, le gouvernement perpétuel est dans la logique de l'accumulation de ressources de tous ordres, dans une perspective monopoliste et conservatrice du pouvoir. En même temps, dans certains de ces Etats, le militarisme comme procédure politique enlise certains gouvernements dans le triptyque (( pouvoir, violence et accumulation »73. Il se prolifère donc des réseaux donnant lieu à un ensemble d' (( Etats-rhizomes »74 et contraignant l'entretien des relations entre compagnies pétrolières et détenteurs du pouvoir politique. Dans un tel environnement, (( la multiplication des situations de conflits dont la principale logique politique est la prédation pure et simple et qui tendent a s'accompagner d'une insertion forte dans l'économie internationale illégale (...) suggèrent que le glissement vers la criminalisation du sous-continent est une probabilité forte »75. Par ailleurs, il faut noter que les firmes multinationales utilisent parfois des procédures de corruption et de fraudes76. Le fait que certains de ces

70 Pour ces auteurs justement, la criminalisation passe par des critères tels que la << privatisation » de l'usage légitime de la violence par les détenteurs du pouvoir et son instrumentalisation au service de leurs stratégies d'accumulation ; l'existence d'une structure occulte et collégiale du pouvoir qui entoure, voire contrôle le détenteur officiel de celui-ci, et qui bénéficie de cette privatisation de l'usage légitime de la coercition, à moins qu'elle ne recoure impunément à une violence privée et illégitime (notamment par le biais du milieu de la délinquance organisée), etc.

71 On peut comprendre à partir du phénomène de corruption d'Etat dans l'affaire Elf Congo et de tout ce que d'aucuns ont appelé la « françafrique >>.

72 Mathias Eric OWONA NGUINI, << Le gouvernement perpétuel en Afrique centrale : le temps politique présidentialiste entre autoritarisme et parlementarisme dans la CEMAC >>, in Enjeux, n° 19, avril-juin 2004

73 Achille MBEMBE, << Pouvoir, violence et accumulation>>, in Le politique par le bas, contribution à une problématique de la démocratie en Afrique noire, Paris, Karthala, collection les Afriques, 1992.

74 Jean François BAYART, Stephen ELLIS, Béatrice HIBOU, op. cit., p. 33

75 Idem, p.53

76 Jacques FONTANEL, La globalisation en « analyse », géoéconomie et stratégies des acteurs, Paris, L'harmattan, Collection « côté cours >>, 2006.

gouvernements aient en face d'eux des rébellions (Nigéria, Tchad République Démocratique du Congo ou précédemment Angola, Congo-Brazzaville ...) suscite grandement de la suspicion et pour cause, la présence de ressources naturelles peut pousser de tierces parties - Etats et entreprises - à s'engager dans des conflits ou, du moins, à les alimenter.

La criminalisation des Etats et la stratégie économique des multinationales favorisent une difficile répartition de la rente pétrolière. Ainsi, les Etats producteurs du golfe de Guinée sont caractérisés par une gouvernance pétrolière dont les contours ont du mal à être maitrisés, engendrant une opacité du système de gestion et donnant lieu à une « dé légitimation » du pouvoir central. La question de l'opacité dans la gestion de la rente pétrolière participe de la dynamique de l'accumulation et de la conservation du pouvoir par le « gouvernement perpétuel », cité plus haut. Il faut reconnaitre que dans les cas du Nigeria, de l'Angola, du Congo ou du Gabon, l'afflux de pétrodollars ne se traduit pas forcément par une croissance économique ou une vie plus opulente pour les masses. « Toutefois, cela signifierait un objectif militaire de sécurisation de la subordination des ressources pétrolières (...) aux demandes du marché pétrolier mondial »77. En effet, le nouveau boom pétrolier de l'Afrique post-ajustement produirait, paradoxalement, « une pauvreté accrue » pour les masses, et plus de richesses pour les élites dirigeantes et leurs partenaires internationaux78. Cette difficulté à repartir la rente entre tous maintient dans une pauvreté grandissante les populations du le golfe de Guinée.

Les indicateurs généraux de pauvreté ont continué de se dégrader au cours de l'exploitation pétrolière. C'est ainsi, que malgré le fait qu'ils soient détenteurs et producteurs de pétrole, le Tchad suivi du Benin, de la RDC et de la Côte d'ivoire affichent des taux de pauvreté de plus élevés. En outre, l'accès régulier à un point d'eau aménagé est devenu problématique au Tchad, au Congo Brazzaville, en Angola, en Guinée équatoriale et au Cameroun. Seuls le Gabon et l'Afrique du sud s'en sortent mieux. L'insuffisance pondérale s'avère beaucoup plus prononcé en RDC, au Tchad et au Nigéria.79

77 Cyril OBY, op. cit. , p.39.

78 Comme ces États pétroliers continuent de se procurer des pétrodollars qui sont investis en grande partie pour renforcer la classe dirigeante, en resserrant sa mainmise sur l'État, achetant plus d'armes et de munitions pour les « besoins de sécurité » et imposant des politiques en faveur de mandants extérieurs tels que les bailleurs de fonds, les investisseurs étrangers et les institutions financières internationales.

79 Voir annexe des indicateurs généraux de pauvreté des Etats pétroliers du golfe de Guinée, (p. D du présent document).

Paragraphe 2. Augmentation des flux démographiques et culturels et apparition des acteurs non étatiques aux intérêts divers: la dissémination des territoires dans le golfe de Guinée

Les flux aussi bien démographiques que culturels qui sont produits dans le golfe de Guinée connaissent une augmentation caractéristique de la porosité des frontières. On assiste à l'insertion des acteurs non étatiques dans cette région, déjà en proie à des velléités pour le contrôle et la gestion des ressources par certains groupes ethniques.

A. Le contrôle et la gestion des ressources au coeur des velleités ethnoculturelles

Les ressources énergétiques sont géographiquement situées sur de espaces où vivent de groupes ethniques donnés80. D'une manière virtuelle ou réelle, des menaces peuvent venir de ces groupes. Le Nigéria avec les sécessionnistes biafrais et ceux du Delta du Niger, l'Angola avec les rebelles du Cabinda, le Cameroun avec la question anglophone, le Tchad et le combat du député Yorongar Ngarledji, originaire du Logone oriental où se situe Doba, la ville pétrolifère, permettent de comprendre les velléités ethnoculturelles des revendications autour du pétrole. Les leaders de ces groupes estiment que les ressources exploitées, ou devant l'être, servent les « autres » et non pas le groupe ethnique originaire de la région. Ils mettent en avant la dialectique entre un « nous », qu'ils pensent principalement bénéficiaires, et les « autres », entendus comme les autres composantes ethniques de la société au sein de l'ordre étatique.

On peut classer ces revendications suivant deux tendances principales. Une première catégorie correspondant aux combats sociaux et politiques donc non armés (Cameroun ou Tchad), une deuxième catégorie correspondant aux combats politico militaires (Angola ou Nigéria). Au regard de la première configuration des revendications, c'est-à-dire celles non armées, le cas anglophone au Cameroun est pertinent à ce propos parce que << l'évocation de la question anglophone s'inscrit résolument dans une double logique du « champ » et du « marché » politique caractéristiques de relations de concurrence et/ou de complémentarité, de confiscation ou de partage, de pillage ou d'exploitation des ressources pétrolières entre la minorité anglophone et l'Etat étiqueté francophone... » 81. Principalement, il s'agit de contester le monopole de l'Etat

80 Dans ce travail, le terme << ethnie » renvoie aussi à << tribu ».

81 Louis Marie NKOUM-ME-NTSENY, << Minorités et partage des ressources : la question du pétrole dans le discours identitaire anglophone », in Enjeux, n°13, Octobre -Décembre 2002, p.17

dans la gestion des ressources naturelles82. En réalité, l'insertion du pétrole dans le discours politique des autorités dans les années 1970 a été considérée par les « ingénieurs de l'idéologie anglophone » 83 comme source de domination de l'espace francophone qui chercherait, par l'entremise du président d'alors Ahmadou Ahidjo, à financer la « caisse noire » et à renforcer son image d'homme providentiel. De telles suspicions ont été observées récemment lors du tracé du pipeline Tchad-Cameroun, pendant lequel les leaders anglophones ont demandé à l'Etat d'opter pour Limbé et non Kribi. En somme, ces prétentions permettent de confirmer le pétrole comme « ressource enjeu de conflit »84.

Dans la seconde configuration, il s'agit de rejoindre le terrain des armes. En l'espèce, le cas du Nigéria est fort saisissant, car de nombreux mouvements du Sud et du Sud-est ont recours à la violence armée. L'analyse de dix-huit mouvements contestataires actifs au Sud et au Sud-est du pays selon leur nature, leurs objectifs avoués et le niveau de contestation a donné la répartition suivante : selon leur coloration, les regroupements à caractère ethnique représentent 78% et selon leur mode d'action, 72% mouvements contestataires étudiés prônent ou pratiquent la violence insurrectionnelle et institutionnelle contre 28% qui prônent et pratiquent le débat politique85. Il faut retenir, dans ce contexte, que les relations de sous système entre les populations assimilées au virtuel « Etat souverain » du Biafra et le Gouvernement Fédéral ont toujours été de nature « conflit/négociation » au sujet du positionnement politique et de la redistribution des revenus ; le point de rupture n'ayant été atteint que pendant la guerre du Biafra. La menace sécessionniste a toujours été l'argument de prédilection et même le plus opérant des populations du Sud et du Sud-est du Nigeria. On assiste à un désordre généralisé : Armée nigériane contre milices ethniques biafraises, milices biafraises contre milices biafraises.

82 Cette contestation n'est pas récente et encore moins statique. Elle accompagne tout le processus d'étatisation du Cameroun, c'est-à-dire de la réunification (1er octobre 1961) à l'unification (2 juin 1972), de la fédération (1961-1972) à l'Etat unitaire actuel (1972-...)

83 Louis Marie NKOUM-ME-NTSENY, Ibidem

84 Dans ce jeu, « l'évocation ne peut qu'être complexe dans tout débat identitaire où s'entremêlent dans une perspective de concurrence ou d'interdépendance (champ politique) et de transaction (marché politique) entre le local et le national, le local et le transnational, le national et le transnational. » Ibidem

85 Léopold Maxime EKO EKO, « Gestion des crises liées à l'exploitation pétrolière dans le Golfe de Guinée : La rétrocession de Bakassi otage des pseudo sécessionnistes biafrais », Etude stratégique, disponible sur http://www.strategicroad.com/pays/strategicpubs.htm, consulté le 29 novembre 2009, 12h

B. c La révanche de l'individu »86 : flux réligieux et migrations dans le golfe de Guinée

L'espace golfe de Guinée est aussi en proie depuis peu à une augmentation de nouveaux acteurs religieux et à des mouvements migratoires. S'agissant des flux religieux, on peut noter deux grandes tendances : la diffusion des Eglises, notamment dans la partie sud du golfe de Guinée, et celle de l'islam dans sa partie Nord.

Il faut reconnaître que la présence du christianisme et de l'islam n'est pas un phénomène nouveau. Cependant, la diffusion de ces religions sous une certaine forme s'accentue depuis un peu plus d'une décennie. Ainsi, « les dénombrements exhaustifs d'Églises récemment effectués par des coordinations d'Églises évangéliques dans plusieurs pays du golfe de Guinée, sur une initiative et des financements nord-américains, peuvent accréditer cette interprétation »87. Un peu partout fleurissent des communautés chrétiennes influencées par des prédicateurs américains prosélytes, qui prônent un « christianisme radical et ultraconservateur »88. Au Congo, par exemple, les guerres, la peur de l'insécurité, l'enrichissement rapide de certains groupes proches des pouvoirs successifs ont donc renforcé des polarisations socio spatiales qui étaient relativement faibles à Brazzaville avant 1991. Les quartiers résidentiels aisés sont peu étendus, mais l'on y observe une concentration significative des sieges d'Églises exogènes à forts moyens.

Dans l'espace nord du Nigeria, nord et centre du Tchad, nord du Cameroun et dans une certaine mesure nord Centrafrique, qui se situe sur une bande proche du Sahel, on retrouve un mouvement des musulmans sous l'impulsion des imams venus du golfe arabo persique et du Maghreb. Il s'agit d' « un déferlement agressif et intensif »89, par la mesure des moyens mis en oeuvre et la qualité des acteurs : Arabie Saoudite, Soudan, Koweït, Maroc, etc. En ce sens, « l'émergence des organisations islamiques, en milieu non musulman, voire même musulman, [est] ressentie avec frayeur a cause de la crainte d'une dérive islamiste et islamisant »90.

86 Concept qui explique le rôle de plus en plus important qu'acquiert l'individu dans les relations internationales, jusque très stato-centrées. Nous l'empruntons à Bertrand BADIE qui l'a développé dans << Flux migratoires et relations transnationales » in Etudes internationales, vol. 24, n°1, 1993, pp. 7-16

87 Élisabeth DORIER-APPRILL et Robert ZIAVOULA, << La diffusion de la culture évangélique en Afrique centrale: Théologie, éthique et réseaux » Hérodote, n° 119, La Découverte, 4e trimestre 2005, p.129

88 Ibidem

89 Gondeu LADIBA, << L'émergence des organisations islamiques au Tchad : causes, enjeux et territoires » in Enjeux, n° 21, Octobre-Décembre 2004, p.17

90 Ibidem.

Par ailleurs, les Etats du golfe de Guinée sont le théâtre, comme toute l'Afrique, de nombreuses migrations. Ceci est surtout dû à la perméabilité des frontières, à la présente dans plusieurs pays à la fois des mêmes peuples, ignorant donc les tracés de territoires. Déjà, la dynamique de l'Etat concourt à développer et à politiser tout mouvement de migration. Pour Bertrand Badie, le transfert de l'allégeance communautaire vers l'allégeance étatique implique, au moins, que l'individu soit connaissable, localisable, doté d'un domicile fixe91. Ce qui peut expliquer les difficultés de capture des populations nomades par les gouvernements tchadien, camerounais ou nigérian. Ainsi d'ailleurs, l'arbitraire du découpage de l'Etat-nation maintient la mobilité permanente des populations tribales africaines dont la structure communautaire exclut toute territorialisation.

Une autre forme de ces mouvements de populations, souvent sources de tensions même entre Etats, reste le phénomène des diasporas. L'augmentation de la production énergétique dans un Etat suscite la fascination des populations des Etats voisins qui perçoivent le pays producteur comme un nouvel Eldorado. Or, la constance des diasporas constitue une situation susceptible d'encourager l'affirmation nationale des Etats d'accueil ; « ils deviennent un prétexte pour la résurgence de l'orgueil nationaliste des populations d'accueil. Cette affirmation nationale glisse parfois dans la xénophobie et a une incidence considérable sur les relations internationales »92. On ne peut, de ce fait, pas être étonné par les refoulements à répétition qui structurent les agissements gabonais et équato-guinéen concernant la migration camerounaise.93 Si « la xénophobie ici est un processus de construction des citoyennetés gabonaise et équato-guinéenne ; d'affirmation de leur identité nationale et d'endiguement de l'influence camerounaise »94, il faut reconnaître que les diasporas ont toujours eu du mal en Afrique subsaharienne chaque fois que leur nombre grandit. Toutefois, l'observation de l'échange des diasporas entre le Cameroun, le Gabon, et la Guinée Equatoriale révèle la démarcation du

91 Bertrand BADIE, op. cit., p.13.

92 Yves Alexandre CHOUALA, << Le marquage diasporique du jeu interétatique de l'Afrique du golfe de Guinée (Cameroun, Gabon, guinée équatoriale) », in Enjeux, n°13, Octobre -Décembre 2002, p. 23.

93 Lors de la fête de son parti le 17 juillet 2000 au palais des congrès de Malabo, le président OBIANG NGUEMA déclarait : Faites attention aux étrangers et surtout aux Camerounais, car ces derniers ont eu de l'argent du pétrole avant, et leurs gisements pétroliers étant déjà épuisés, ils cherchent à nous envahir, cité par Yves Alexandre CHOULA, (2), << la crise diplomatique de mars 2004 entre le Cameroun et la GuinéeEquatoriale : fondements, enjeux et perspectives », in Polis, volume 12, 2004-2005.

94 Yves Alexandre CHOUALA, (2), ibidem. Selon l'auteur, dans le golfe de Guinée en général, le Nigeria et le Cameroun constituent des puissances diasporiques. Avec près de quatre millions de ressortissants installés sur le sol camerounais, près de 50.000 en Guinée Equatoriale et au moins 10.000 au Gabon, le Nigeria s'affirme sans doute comme la puissance diasporique du golfe de Guinée. Les Camerounais au Gabon avoisinent 50.000 et en Guinée Equatoriale ils sont près de 20.000.

premier par rapport aux seconds. Ces diasporas vivent entre deux Etats, celui de provenance et celui d'accueil. Leur existence quotidienne s'insère dans des multiples espaces interstitiels de sociabilité ; d'où l'hypothèse de (( citoyens de deux Etats et demi » dont parle Yves Alexandre Chouala, c'est-à-dire l'Etat d'origine, l'Etat d'installation et les multiples réseaux associatifs, affectifs ou ethniques dans lesquels s'investissent les diasporas entrainant aussi ce que Bertrand Badie appelle (( ía crise de ía citoyenneté »95. En tout état de cause, les échanges entre ces groupes peuvent concerner les armes légères, les drogues ou encore les pratiques liées à criminalité transfrontalière, productrices de crise de l'ordre étatique96.

Paragraphe 3 : Pétrole et différends territoriaux

Les différends territoriaux sont une catégorie analytique de la conflictualité dans l'Afrique du golfe de Guinée. Ces différends entre Etats portent sur des territoires dont les richesses en hydrocarbures sont prouvées97. C'est le cas du différend de Mbagne entre la Guinée-Equatoriale et le Gabon. Les relations entre ces deux Etats sont faites de méfiances mutuelles. Le même type de différend existe entre le Nigéria et la Guinée-Equatoriale concernant les frontières maritimes. Les différents territoriaux créent des alliances de situation. Ainsi, la Guinée-équatoriale a toujours soutenu le Nigéria au détriment du Cameroun concernant le différend de Bakassi. La Guinée-Equatoriale aurait même fournit des facilités militaires au Nigéria. Selon Yves Alexandre Chouala, on peut avoir deux pistes d'analyse. D'abord, on a l'alliance avec le Nigeria permet à la Guinée de prévenir une action militaire contre elle. (( La Guinée Equatoriale tentait ainsi d'endiguer la reproduction du syndrome de Bakassi sur son propre territoire »98. Ensuite, la Guinée-Equatoriale prédisait un arrêt de la CIJ en faveur du Nigéria. (( Toutefois, ía coopération active de ía Guinée Equatoriaíe avec íe Nigeria sur l'affaire de Bakassi ne semble pas avoir réduit les craintes de ía première par rapport au second qui fait toujours montre de velléités hégémoniques et d'ambitions territoriales non dissimulées »99.

95 Sur les difficultés de l'insertion des migrants dans le tissu socio politique des Etats d'accueil, lire Jean LECA, << Nationalité et citoyenneté dans l'Europe des immigrations >> in Jean COSTA-LASCOUX, Pierre WEIL, Logiques d'Etats et immigration, Paris, Kime, 1992 pp.18-60.

78 Lire à propos Claude ABE, << Pratique et production de la criminalité transfrontalière en Afrique centrale : l'exemple des Zargina >>, in Revue de l'APAD, n°27, disponible à http://apad.revues.org/document201.html, consulté le 21 novembre 2009, 15h.

97 Jean RIEUCAU, << Bioko (Guinée équatoriale) : un espace insulaire stratégique au centre du golfe de Guinée >>, in Les cahiers d'Outre-mer, Avril-septembre 2004, pp.217-232.

98 Yves Alexandre CHOULA, (2), op. cit., p.4.

99 Idem, p.7.

S'agissant des crises diplomatiques entre le Cameroun et la Guinée-Equatoriale, le Congo et le Gabon seraient plus proches de la Guinée-Equatoriale. En même temps, la Guinée-Equatoriale accuse son voisin gabonais de soutenir les rebelles guinéens sur l'ile de Corisco. Tous ces différents ont un point commun. Les territoires autour desquels se développent tous ces agissements sont très riches en ressources naturelles, le pétrole principalement. C'est, peut être, pour éviter des désagréments d'ordre sécuritaire que les Etats du golfe de Guinée se préoccupent des jeux d'alliance.

*
* *

Ce chapitre a permis de comprendre que le pétrole du golfe de Guinée attire pour plusieurs raisons. On a, d'un côté, les raisons liées à la configuration géopolitique mondiale qui suppose l'émergence des nouveaux consommateurs et la maximisation de la consommation par les puissances contraintes de diversifier les sources d'approvisionnement et de « conquérir », de contrôler des nouvelles régions telles que le golfe de Guinée. Cette région a une potentialité forte en termes de réserves et de production. Toutefois, elle est aussi une région qui est l'objet d'une perpétuelle conflictualité dont le pétrole est un des principaux facteurs. L'intensification de la production ne fait qu'augmenter les risques d'insécurité. A part les Etats de la région qui ont réglé des différents portant sur des zones pétrolifères, à l'exemple de Bakassi, territoire camerounais qui avait suscité les convoitises du voisin nigérian, on a l'augmentation de flux transnationaux avec, notamment, la forte présence des multinationales pétrolières, les migrations, etc.; en somme des nouveaux acteurs dans le domaine de l'économie , du social et de la politique qui échappent au contrôle des Etats déjà fragilisés. Dans un tel contexte, la porte est ouverte à la captation de la rente pétrolière par l'élite gouvernante, la corruption, la criminalisation mais aussi à la formation des Etats prétoriens, facteurs de leurs propres insécurité.

CHAPITRE 2

LE GOLFE DE GUINEE : DE L'ALTERNATIVE ENERGETIQUE A LA MENACE
SECURITAIRE POUR LES ETATS-UNIS

En janvier 2002, The African Oil Policy Initiative Group a recommandé que le pétrole africain soit érigé en priorité pour la sécurité nationale des Etats-Unis après les événements du 11 septembre 2001, [et] que le gouvernement américain déclare le golfe de Guinée `'zone d'intérêt vital»100.

L

a sécurité, comme il a été mentionné à l'introduction de ce travail, ne se recherche pas seulement sur le territoire national. Elle doit même être poursuivie hors d'un Etat tant qu'en dépend l'intérêt national. Étant donné la place qu'occupe le golfe de Guinée dans la « pétrostratégie » des Etats-Unis, l'insécurité de la région devient un défi pour la sécurité nationale américaine, tant il est que les menaces dans le golfe de Guinée peuvent coïncider avec les menaces auxquelles font déjà face les Etats-Unis.

Wullson Mvomo Ela permet de mieux saisir la question lorsque, dans ses analyses, il souligne que les enjeux de sécurité, de géostratégie, de démocratie et de développement, qui s'expliquent pour la plupart par la faiblesse de l'Etat et l'absence dans la sous-région d'une structure forte pour la défense des intérêts des Etats et des peuples, constituent autant d' «appels d'empire» favorables à la logique impériale américaine. Au point que le golfe de Guinée apparaît, de plus en plus, comme le quatrième pilier de la politique d'énergie et de sécurité des Etats-Unis à travers le monde, après le Moyen-Orient, l'Asie centrale, les Amériques. Bref, comme une «nouvelle province pétrolière» des Etats-Unis !101 Il convient ainsi de parler de l'importance du golfe de Guinée dans la stratégie énergétique des Etats-Unis (section1) et de voir en quoi l'insécurité dans la sous-région est un enjeu pour les américains (section 2).

100 Côme Damien Georges AWOUMOU, op.cit., p.4.

101 Wullson Mvomo ELA, op.cit., p. 13.

Section 1 : Le golfe de Guinée dans la « pétro stratégie » américaine

Le golfe de Guinée occupe une place importante dans la stratégie pétrolière américaine. De ce fait, il correspond à un « espace vital »102 et la politique énergétique des Etats-Unis s'y prête d'ailleurs.

Paragraphe1. La politique énergétique des Etats-Unis : fondements et mise en oeuvre

Les enjeux liés à l'énergie poussent à la mise en oeuvre des politiques publiques de grande envergure dans ce domaine. Aux Etats-Unis, la politique énergétique est axée essentiellement sur la sécurité de l'offre.

A. Les fondements de la politique américaine en matière énergétique

La politique énergétique des Etats-Unis se fonde sur la sécurité énergétique par tous les moyens. En effet, selon le Conseil Mondial de l'Énergie, la sécurité énergétique se définit comme « la disponibilité de l'énergie, sous différentes formes et a tout moment, pour les consommateurs en quantité suffisante et à des prix raisonnables » 103. La spécificité d'une stratégie de sécurité énergétique réside dans la manière dont un État réagit face aux menaces énergétiques que sont la dépendance et la vulnérabilité104. La politique pétrolière de Washington a toujours été fondée, non sur une réduction de la demande, mais sur la diversification de l'offre. Il s'agit de trouver de nouveaux fournisseurs en hydrocarbures plutôt que modifier les habitudes de consommation et promouvoir de nouvelles formes d'énergie.

Selon Francis Lalonde, en 2002, les États-Unis ont produit 7,6 millions de barils par jour (mb/j) de pétrole alors qu'ils en ont consommé 19,7 pour un écart de 11,9 mb/j. Les besoins de la société américaine en matière de pétrole dépendent ainsi à 60,1 % des importations105. Des sources de la Conférence des Nations Unies pour la Coopération et le Développement (CNUCED), on peut indiquer que le pétrole brut et les produits pétroliers ont représenté 16,4% du total des importations américaines de marchandises en 2007 (contre

102 L'administration BUSH a qualifié le golfe de Guinée d' << espace vital » pour les Etats-Unis. Lire à propos Côme Damien Georges AWOUMOU, op. cit., p.5.

103 Francis LALONDE, << La sécurité énergétique américaine ou la défense de l'American way of life ? », in Bulletin d'information de l'Institut d'Etudes internationales de Montréal, n°65, octobre 2003, p.3

104 La dépendance aux importations représente le déficit en volume entre la production et la consommation sur le sol national. Une demande non soutenue par l'offre est compensée par des importations et cette part d'importation dans la consommation nationale représente le taux de dépendance. Ibidem.

105 Ibidem.

9.8% en 2000), 88,7% de leurs importations de produits de l'énergie (contre 88% en 2000) et 39,3% de leur consommation d'énergie. On est dans une situation croissante de dépendance, critère par excellence de menace énergétique106.

Graphique 1 : Importations de pétrole brut aux Etats-Unis par pays d'origine en 2007

Source : Secrétariat de la CNUCED, d'après des données de COMTRADE, 2009.

Cette dépendance n'est, cependant, pas un signe de vulnérabilité. Elle fait plutôt référence aux risques d'une rupture des approvisionnements énergétiques, c'est-à-dire à une pénurie possible de pétrole en sol américain. On peut comprendre que dépendre à 60,1 % des importations en matière de pétrole n'est pas, pour autant, un excellent indicateur de sécurité énergétique, loin s'en faut ! Il convient de rappeler que la provenance des importations pétrolières américaines est beaucoup plus révélatrice de cette dépendance. Les deux tiers (2/3) des importations proviennent de fournisseurs fiables (Canada, Mexique) alors que le quart (1/4) des approvisionnements est délicat (Arabie Saoudite et Venezuela) et 5 % sont menacés

106 Chiffres du Secrétariat de CNUCED, 2009.

(Irak et Nigeria)107 et la part des autres Etats du golfe de Guinée est aussi difficile parce que la région présente des facteurs permanents d'insécurité.

Cette politique ne fait pas l'économie des stratégies développées au fur et à mesure par le Department Of Energy (DOE) qui donne de moyens pour corriger l'importation énergétique. C'est ainsi que les Etats-Unis ont contrebalancé leur dépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger par l'exportation de biens, de services et de capital utilisé dans la production du pétrole. Quoi qu'il en soit, l'importation est importante pour les Etats-Unis.

Les Etats-Unis encouragent la promotion et l'exploitation des différents sites de production d'énergie dans le monde. Cette politique leur permet d'une part, de minimiser leur dépendance vis-à-vis d'une région ou d'un pays spécifique riche en ressources pétrolières, et d'autre part de créer de nouveaux marchés pour les

»108.

biens, les services et les capitaux américains. Ces deux aspects figurent aussidans la politique américaine d'importation d'énergie

B. Mise en oeuvre de la politique énergétique des Etats-Unis

La mise en oeuvre de la politique énergétique des Etats-Unis appelle à la combinaison de plusieurs moyens : la diplomatie, la stratégie économique, l'armée, les partenariats historiques, etc. Depuis la signature du Project for the New American Century (PNAC) en 1998 et l'accession, le 20 janvier 2001, de George W. Bush à la tête de l'exécutif américain, les Etats-Unis ont opté à grande échelle de mettre tous les moyens en jeu pour assurer leur sécurité énergétique109. Ces moyens supposent mêler politique et économie pour l'intérêt de la nation.

En réalité, la mise en oeuvre de la politique énergétique des Etats-Unis suit des traditions bien données. Elle est tributaire de l'histoire et de la géopolitique de l'énergie tout au long du 20ème et en ce début du 21ème siècle. Elle est donc à l'entrecroisement de la projection de puissance aussi bien économique que politique, mais faite aussi des manoeuvres diplomatiques et militaires.

107 Le Nigéria est considéré comme le pays du golfe de Guinée dont l'exportation énergétique est la plus menacée à cause de la présence des rebelles dans lé région productrice du delta du Niger.

108 CNUCED, « La politique américaine de l'énergie », in Information de marché dans les secteurs de produits de base, CNUCED, 2009, p.4.

109 Le fait que les acteurs politiques soient aussi des acteurs économiques y est certainement pour quelque chose. L'on a noté sous l'administration Bush que la plupart des dirigeants ont appartenu aussi à des grandes compagnies pétrolières.

Paragraphe II. Le golfe de Guinée comme « espace vital » en matière énergétique pour les Etats-Unis

Le golfe de Guinée est sujet à de nombreuses convoitises, nous l'avons vu, de la part des Etats-Unis. Mais considérer cet espace comme un espace vital en matière énergétique pour la première puissance du monde, c'est reconnaitre qu'il est une source importante, du moins stratégique, d'approvisionnement ; et que par ricochet, il permet la réalisation de gros bénéfices pour les multinationales américaines.

A. Le golfe de Guinée comme source d'approvisionnement énergétique

Depuis que les risques de rupture de l'approvisionnement augmentent du fait de la reconfiguration géopolitique mondiale, les Etats-Unis essayent de construire un nouveau partenariat avec les pays du golfe de Guinée. Aussi, il sied de reconnaître que l'intérêt porté aux pays du golfe de Guinée (Nigeria, Angola, Gabon, Congo, Guinée équatoriale) n'apparaît donc pas comme simplement circonstanciel, lorsqu'en février 2003 les pressions américaines (et françaises) se multiplient pour emporter le vote du Cameroun, de l'Angola et de la Guinée au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) au sujet de l'intervention en Irak. Ce d'autant plus qu'il se construit une véritable politique africaine des Etats-Unis110.

Les attaques terroristes perpétrées en 2001 aux Etats-Unis et leur catalogage comme << déclaration de guerre », les incertitudes autour du conflit israélo-palestinien ou encore la controverse autour des projets nucléaires iraniens, ont incité les Américains à tenter de réduire leur dépendance du pétrole importé du Moyen Orient, où gisent les deux tiers des réserves mondiales. Dès 2002, des responsables américains ont ainsi reconnu la valeur << stratégique » des réserves d'hydrocarbures du continent africain, où les « majors » pétroliers américains et européens sont déjà bien implantés. Washington a aussi manifesté un nouvel intérêt pour le développement << énergétique » de l'Afrique sub-saharienne111. Cette dynamique a pour enjeu l'augmentation des importations en matière énergétique. En 2002, le golfe de Guinée fournissait 15% des importations américaines de pétrole, mais ces chiffres devraient atteindre

110 Ciril OBI, op. cit., p.12.

111 Depuis 2001, les Etats-Unis multiplient les rencontres au sommet entre dirigeants : visite du Secrétaire d'Etat, Colin POWEL, au Gabon et en Angola (septembre 2002) ; déjeuner entre Georges Bush et dix chefs d'Etat de l'Afrique centrale à Washington (13 septembre 2002), visite d'un responsable aux affaires militaires à Principe (juillet 2002) ; implication dans la résolution des conflits au soudan et au Tchad, symposium sur le pétrole africain à Washington (début 2002) ; visite du chef de l'exécutif américain au Nigeria, Afrique du sud, etc.(septembre 2002), tournée du commandant adjoint de l'EUCOM au Ghana, Nigeria, Afrique du sud, Sao tome et principe, Angola (mars 2002), mise sur pied d'un groupe de travail sur la politique pétrolière.

25% en 2015, selon les recommandations du Rapport Cheney112. On peut reprendre l'analyse de François Lafargue pour dire que les États-Unis profitent de l'exploration des gisements en eaux profondes qui implique la maîtrise de techniques sophistiquées et un coût onéreux, ce qui limite le nombre d'investisseurs potentiels113.

B. Le golfe de Guinée comme zone de projection économique pour les multinationales

pétrolières américaines

Notons que les compagnies américaines qui opèrent dans le golfe de Guinée sont constituées de majors et des indépendants. Les plus importantes d'entre elles sont Exxon Mobil et Chevron Texaco. Il faut admettre que la présence économique des Etats-Unis dans le golfe de Guinée relève essentiellement de l'économie de rente. De ce fait, les investissements vont en augmentant. Par exemple, Chevron Texaco avait annoncé en 2002 qu'il a investi 5 milliards de dollars américains dans le pétrole africain de 1997 à 2002 et qu'il devrait dépenser 20 milliards de dollars américains au cours de la période qui va de 2003 à 2008 ; Exxon Mobil entendait investir 15 milliards dollars américains en Angola pendant la période 2003-2007, et 25 milliards dollars américains à l'échelle de toute l'Afrique durant les prochaines décades114.

Ces multinationales contrôlent de nombreuses réserves d'hydrocarbures et s'occupent aussi bien de la production que de la commercialisation, et leurs bénéfices sont en forte croissance. Exxon Mobil, par exemple, détient plus de 2000 stations services et 1501 de réserves sous son contrôle. Les chiffres donnés par les résultats nets de Chevron et Exxon sont édifiants. Leurs taux de croissance (sur les profits nets) dans certains Etats étaient de plus de 100% entre 2002 et 2003. Les bénéfices cumulés pour la période 2000 à 2004 représentent 9% et 14%115. L'insertion des multinationales et des indépendants américains dans le golfe de Guinée permet de recadrer les destinations de l'exportation des hydrocarbures de l'Afrique. C'est ainsi que les Etats-Unis deviennent la destination privilégiée du pétrole africain.

112 Ce rapport (Report of the National Energy Policy Development Group, << Reliably, offordable, and environmentably sound energy for America's future », mai 2001, la version électronique est disponible sur http://www.scienceshumaines.com/www.pppl.gov/common_pages/natio%20nal_energy_policy.html) conduit à réaffirmer le rôle du golfe de Guinée dans la stratégie pétrolière des Etats-Unis. Il donne aussi quelques pistes pour permettre au gouvernement américain de mettre en oeuvre effectivement cette politique en Afrique. Par ailleurs, ce rapport souligne l'importance de former un bloc institutionnel des producteurs du golfe de Guinée.

113 François LAFARGUE, << Chine/États-Unis. La course aux hydrocarbures ! », in Sciences humaines, septembre 2007.

114 Michel KOUNOU, op.cit., p. 34.

115 Ibidem.

Le rapport 2009 du département d'Etat américain au commerce est encore plus explicite116. On y apprend que les Etats-Unis exportent beaucoup de leurs produits vers l'Afrique. Selon le même rapport, les exportations américaines ont augmenté de 29,3 %, pour passer à 18,6 milliards de dollars, principalement, dans les secteurs suivants : machines, véhicules et pièces détachées, blé, produits pétroliers raffinés, aviation et matériel électrique (y compris appareils de télécommunication). Les importations de produits africains aux EtatsUnis ont augmenté de 27,8% en 2008 et atteint 86,1 milliards de dollars, grâce entre autres à la hausse considérable (31,9%) des importations de pétrole brut (qui représentent 79,5% de toutes les importations en provenance de l'Afrique subsaharienne). Ces chiffres incluent les importations hors taxes de pays africains admissibles au Système généralisé de préférence des États-Unis (GSP) et au GSP élargi de l'AGOA, en plus des produits textiles et de vêtements importés en franchise de droits et hors contingent conformément aux dispositions de l'AGOA. « Les importations aux États-Unis en provenance des pays africains producteurs de pétrole ont toutes enregistré une hausse, notamment celles en provenance du Nigéria (16,2 %), de l'Angola (51,2 %), de la République du Congo (65,2 %), de la Guinée équatoriale (89,5 %), du Tchad (55,4 %) et du Gabon (4,4%) »117. Aussi, les Etats qui bénéficient de l'AGOA sont des Etats pétroliers. « Les 5 pays qui ont bénéficié le plus de l'AGOA en 2008 ont été le Nigéria, l'Angola, l'Afrique du Sud, le Tchad et la République du Congo. En ont également tiré profit, entre autres, le Gabon, le Cameroun »118

En même temps, les exportations américaines ont connu une hausse dans le golfe de Guinée. « Les exportations de produits américains ont connu une augmentation de 17,6 % en Afrique du Sud, de 47,7 % au Nigéria, de 65,4 %en Angola, de 192,4 % au Bénin (en raison surtout d'une augmentation importante des produits pétroliers raffinés, de voitures et de pièces détachées) et de 46,2 % au Ghana, pays qui sont les principaux destinataires de ces exportations »119.A la lecture de tous ces chiffres, l'insécurité ambiante dans le golfe de Guinée devient une potentielle menace pour cette sécurité économique et, partant, pour la sécurité nationale des Etats-Unis.

116 Charles Corey, « Le commerce entre les É.-U. et l'Afrique s'est accru de 28 % en 2008 »disponible à l'adresse http://www.america.gov/articles/webcontent/2009/071/20090715165112liameruoy0.3164636.xml, consulté le 13 mars 2010, 22h.

117 Ibidem.

118 Ibidem.

119 Ibidem.

Section 2. Insécurité dans le golfe de Guinée : un défi pour la sécurité nationale des

Etats-Unis

Les enjeux sécuritaires des Etats-Unis après le 11 septembre 2001 sont marqués par les questions de terrorisme. Aussi, leur politique africaine ne peut en faire abstraction. Comme telle, l'insécurité dans le golfe de Guinée devient un enjeu de sécurité pour les EtatsUnis, car de cette région dépend aussi la sécurité énergétique américaine.

Paragraphe 1. Les enjeux actuels de la sécurité nationale américaine et leurs impacts sur la politique africaine des États-Unis

Les enjeux de sécurité ne sont jamais figés dans l'histoire des puissances. En effet, selon chaque période et selon les menaces avérées ou potentielles, les puissances construisent leurs réponses face à ce qui peut leur apparaître comme insécurité. Si, pendant la guerre froide, le communisme et le bloc de l'Est représentaient des menaces pour les Etats-Unis, aujourd'hui, ce ne sont plus que les Etats à proprement parler mais les réseaux, les flux transnationaux qui ont provoqué un « retournement du monde » - synonyme d'émancipation des individus et des groupes, de libération des particularismes - qui défient les souverainetés et partant la sécurité nationale des Etats-Unis120.

A. Les enjeux de la sécurité nationale américaine après le 11 septembre 2001

Partant des considérations ci-haut évoquées, l'après 11 septembre a permis un réajustement des questions de défense et de sécurité aux Etats-Unis. En effet, les attentats du 11 septembre ont permis la construction dans les << catégories représentationnelles » des citoyens américains comme << acte de guerre », cet épisode perpétré par des individus appartenant à un réseau mouvant et, au demeurant, incontrôlé, Al qu'aida. Plus qu'un choc, la nation américaine a ressenti quelque chose de comparable à un viol de son intégrité territoriale, frappant non seulement l'Etat, mais aussi la société américaine dans son ensemble121. De ce fait, la lutte contre le terrorisme est devenue primordiale dans la politique sécuritaire des Etats-Unis122. Ainsi, les Etats-Unis ont essayé de se rendre compte que face à

120 Bertrand BADIE et Marie-Claude SMOUTS, Le retournement du monde. Sociologie de la scène internationale, Presses de la FNSP et Dalloz, 1995, 2e édition. P.240.

121 Lire dans ce sens Guillaume PARMENTIER, << Politique étrangère des États-Unis », in Annuaire Français de Relations Internationales, Centre Thucydide, 2003.

122 Selon Neomi RAL, l'importance qu'ont prise ces attentats peut être démontrée à travers quelques statistiques. Dans la période allant d'octobre 2002 à octobre 2005, sur 525 titres de discours donnés par le département de la défense, on dénombrait 58 fois le mot « terror » ; et de 2002 à 2006, les discours sur l'état de la nation faisaient 2 mentions à l'éducation pourtant la plus haute priorité interne de l'administration Bush, 3

la puissance, il pouvait exister des réseaux aussi importants pour occasionner des << désordres sécuritaires » sur leur territoire. Ce qui peut correspondre dans l'imaginaire collectif à une troisième guerre mondiale entre l' <<ordre >> et le << désordre >>, pour reprendre Thomas Friedman, éditorialiste au New York Times123. Aussi, pour la Maison Blanche, sous Georges Bush, the events of September 11, 2001, taught us that weak state can pose as great a danger to our national interest as strong states. Poverty does not make onto terrorists and murderers; yet poverty weak institutions, and corruption can make weak states vulnerable to terrorist networks and dr Zig cartel whit in theirs borders.124

Une stratégie de sécurité nationale a été adoptée, à Washington, en décembre 2002, basée sur trois axes principaux. D'abord, il s'agit d'une stratégie globale qui met en avant la sécurité, la liberté et la prospérité ; il s'agit de promouvoir la liberté politique, l'économie de marché, « l'institution building » et le développement. Ensuite, il s'agit d'une stratégie d'éradication des ennemis de la civilisation, notamment, les << Etats-voyous >> et le terrorisme. Enfin, il est question de neutralisation des nouvelles menaces caractérisée par la prévention et l'action préemptive, les coalitions << ad hoc >> et les institutions internationales, l'aide aux Etats et « l'institution building »125. Cette stratégie a été taxée de néoconservatrice, parce que mise sur pied par l'administration Bush. Aujourd'hui, l'accession des démocrates à la tête de l'Union n'a pas changé grand-chose dans les représentations du 11 septembre. Pour le Président Barak Obama, « les attentats du 11 septembre 2001, conjugués à la poursuite des actions violentes engagées par ces extrémistes contre des civils, ont amené certains dans mon pays à juger l'islam inévitablement hostile non seulement à l'Amérique et aux pays occidentaux, mais aussi aux droits de l'Homme »126.

Mais les propos d'Obama appellent aussi à une vision nouvelle de la réalité. Aussi, ditil dans ce qui est qualifié de << discours au monde musulman >>, que le dialogue devrait être promû. « Tant que notre relation restera définie par nos différences, nous donnerons du pouvoir à ceux qui sèment la haine et non la paix et qui encouragent le conflit au lieu de la coopération qui peut

mentions au chômage, 62 aux taxes, 91 à l'Irak et 122 au terrorisme. « La stratégie sécuritaire des Etats-Unis dans la corne de l'Afrique depuis le 11 septembre 2001 », mémoire de maitrise en Science politique, Université du Québec Montréal, août 2008.

123 Cité par Neomi RAL, Idem, p.28.

124 Maison blanche citée par Neomi RAL, Ibidem.

125 Jean VOGEL, << Comment définir la nouvelle politique mondiale des Etats-Unis ? Quelques éléments préliminaires >>, in Barbara Delcourt, Denis Duez, Eric Remacle (Eds.), La guerre d'Irak, prélude d'un nouvel ordre international ?, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt/M, New York, Oxford, Wien, P.I.E.-Peter Lang, 2004, pp. 189-205.

126 Barak OBAMA, discours prononcé à Université du Caire, Le Caire, Égypte, 4 juin 2009, 13h10 (heure locale) disponible sur le site Africom.mil/, consulté le 13 avril 2010, 10h 30.

aider nos deux peuples à connaître la justice et la prospérité. C'est ce cycle de la méfiance et de la discorde qui doit être brisé »127. En réalité, cette << ouverture » au monde musulman ne fait que poursuivre la première et la troisième stratégie de sécurité nationale, dont nous faisions mention plus haut et qui visent en même temps la promotion de la démocratie et l'aide à la construction des institutions fortes dans les Etats pouvant être ou pouvant abriter des menaces pour les Etats-Unis.

B. Sécurité nationale et politique africaine des Etats-Unis

Dans la période de l'après guerre froide, les Etats-Unis poursuivent officiellement les mêmes objectifs en Afrique depuis l'Administration Clinton. Pour le président Clinton, trois principes guident la politique de Washington sur le continent africain. D'abord, trouver des solutions africaines aux problèmes africains, c'est-à-dire limiter les interventions directes et chercher des relais sur place ; ensuite, intégrer l'Afrique dans les circuits de l'économie mondiale, comme fondement de la diplomatie commerciale ; enfin, s'opposer activement au terrorisme islamiste, comme au Soudan ou en Libye. Les attentats du 11 septembre 2001 ont inversé l'ordre de priorités. Le troisième point, c'est-à-dire la lutte contre le terrorisme, est devenu le premier axe de la politique africaine des Etats-Unis. Les discours d'Obama n'ont

pas apporté des nouveautés sauf en rappelant que la bonne gouvernance et la démocratie ainsique les droits de l'homme permettront aux Africains de répondre à leurs propres problèmes.

Les propos de Barak Obama ne semblent pas ignorer le point de vue de son secrétaire d'Etat. Selon Hillary Clinton, « l'Afrique est capable de réaliser et réalise actuellement des progrès économiques. Il n'y a d'ailleurs pas besoin d'aller chercher bien loin pour constater que l'Afrique regorge de possibilités, certaines déjà mises a profit et d'autres qui attendent d'être exploitées par nos soins communs si nous sommes résolus à le faire »128.

En clair, la politique africaine des Etats-Unis est une suite logique de leur politique de

sécurité nationale et Hilary Clinton pensent que les ressources africaines être exploitées aussi<< par les soins » des Américains quoique sous la vigilance des africains eux-mêmes. On peut
analyser aussi en disant qu'en intégrant l'Afrique dans le commerce mondial, les Etats-Unis pourront bénéficier largement du contrôle des richesses en Afrique.

127 Ibidem.

128 Hillary CLINTON, discours de Nairobi, Kenya, 10 août 2009, disponible sur africom.mil/, consulté le 13 février 2010, 14h.

Paragraphe 2. L'insécurité dans le golfe de Guinée comme menace pour l'approvisionnement énergétique des Etats-Unis

L'émergence du terrorisme islamiste et l'insécurité croissante dans les Etats ont provoqué une très forte méfiance des Etats-Unis à l'égard de l'Afrique. Le golfe de Guinée, région pétrolière et pétrolifère, n'échappe point à cette configuration. Et l'insécurité dont elle est victime peut causer la rupture des approvisionnements pour les Etats-Unis, parce que les installations pétrolières seront sans conteste des bonnes cibles.

A. Menace pour les installations pétrolières continentales

Les installations pétrolières sont souvent la cible des attaques de toutes sortes. Il convient, dès lors, de les inscrire dans les préoccupations sécutaires nationales pour les EtasUnis. Et l'insécurité ambiante dans le golfe de Guinée n'est pas de nature à apaiser cette

manière de voir. En effet, les différents actes terroristes perpétrés contre les pipelines déjaopérationnels sont divers. Il arrive que les terroristes incendient le corridor en utilisant des
bombes de toutes sortes. Ils peuvent aussi utiliser la technique du «bunkering» qui consiste acibler les points névralgiques du pipeline, siphonner ensuite le tuyau, y extraire du pétrole,

puis revendre sur le marché noir. Situations courantes dans le Delta du Niger (sud du Nigeria) depuis quelques années. Pour comprendre l'importance des pipelines dans les projets des terroristes, il faut saisir l'importance des investissements dans l'édification de ceux-ci. Prenons le cas du pipeline Tchad-Cameroun.

Tableau 4 : Financement du pipeline Tchad-Cameroun

Groupes de financement du pipeline Tchad-Cameroun Apport financier

1/ Groupe de la banque mondiale 292,9 millions de dollars US

* Prêt BIRD 92,9 millions

*Prêt SFI 200 millions

2/ Autres sources

*Banque européenne d'Investissement 941,5 millions

*Agences de crédit à l'exportation 41,5 millions

us ex im Bank 200 millions

COFACE 200 millions

Africaine d'Import Export 500 millions

3/ financement additionnel Indéterminé

ABN armo Indéterminé

Crédit Agricole Indosuez Indéterminé

Source : Michel KOUNOU, 2006

Le pipeline Tchad-Cameroun est un grand investissement qui a coûté environ 3,5 milliards de dollars ; soit un peu plus de 2500 milliards de francs CFA. Il permet l'acheminement du pétrole exploité dans 300 puits situés à Doba (Sud du Tchad), jusqu'au terminal de Kribi, situé au sud du Cameroun. Cet investissement qui traverse le Cameroun sur une longueur de 890 km est assurément l'un des plus coûteux d'Afrique subsaharienne. On concevra qu'il peut facilement être objet d'acte de terrorisme. Le pipeline est exploité par plusieurs sociétés, dont la malaisienne Petronas. Mais le gros du pourcentage revient aux géants américains Exxon-Mobil Corporation (40%) et Chevron Corporation (25%)129.

Il faut aussi que la protection continentale s'étend par ailleurs aux infrastructures telles que les bureaux, les raffineries, les stations services et même le personnel130. Le Nigeria est devenu le théâtre quotidien des prises d'otages (qui servent d'objet de chantage contre rançon) et des sabotages des infrastructures pétrolières à cause de la faiblesse de ses moyens de sécurité. Les Etats-Unis sont en train de procéder, en collaboration avec les forces locales à la sécurisation de l'ensemble de la région. C'est dans cet ordre d'idées qu'un responsable du Département d'Etat rapporte que « les entreprises américaines prolifèrent dans la région et nous avons besoin de protéger leurs intérêts et ceux de nos nombreux ressortissants qui s'y installent progressivement des attaques terroristes qui pourraient subvenir »131.

B. Menaces pour les installations pétrolières maritimes

Les Etats du golfe de Guinée sont en proie à de nombreux actes de criminalité dans leurs eaux. En effet, les problèmes de sécurité sont liés à des trafics de tout genre : piraterie, prise d'otages, sabotage des plates-formes pétrolières, non délimitation des espaces maritimes, etc. D'où le besoin de sécurité qui devra s'étendre à la protection des routes de transport du pétrole. Il s'agit des chemins maritimes empruntés par les tankers depuis l'embarcation jusqu'à leur destination. Ceci se fait en prévision des activités des pirates qui attaquent les cargaisons. Les Etats-Unis ont l'habitude de faire appel aux forces locales chargées d'appuyer leurs propres hommes en matière de sécurité maritime. C'est dans cette logique qu'ils ont disséminé près d'un million d'hommes au Moyen-Orient132. Cette perspective comparative permet d'envisager un scénario similaire dans le golfe de Guinée. Les actes de prise d'otage sont de

129 Michel KOUNOU, op. cit., p.95.

130 http://www.géostratégie.ens.fr/etats_unis, consulté le 13 janvier 2010, 17h.

131 Alexis NZEUGANG, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001 : contribution à l'étude des dimensions pétrolière et militaire », Mémoire de Master II en Science Politique, Université de Yaoundé 2/ SOA, 2006, p.27.

132 Ibidem.

coutume dans la sous région surtout dans les eaux du Cameroun, du Nigéria, du Benin et de Sao Tomé. L'actualité nous en donne les illustrations constamment. Faire un inventaire d'actes de criminalité dans les eaux de la sous-région permettra de comprendre l'urgence de la question. Dominique Lebleux essaye d'en dresser un kaléidoscope pour l'année 2008133 dans les eaux camerounaise134 et nigérianes135.

Le cas du Cameroun et du Nigéria n'est pas une exception, mais a le mérite au moins de donner une forte visibilité des actes de banditisme dans les eaux du golfe de Guinée. Pour le Nigéria, Depuis plus de deux ans, le sud du pays connaît une recrudescence d'attaques violentes contre le personnel et les équipements pétroliers. Ainsi, entre janvier 2006 et l'été 2008, plus de 300 étrangers ont été enlevés contre rançon dans le Delta du Niger et 60 installations pétrolières attaquées136. Ce qui convient de retenir, c'est que cette crisogeneité de l'espace maritime dans le golfe de Guinée peut laisser des ouvertures pour des actes à vocation terroristes. Et le fait que les risques d'insécurité dont nous avons fait mention dans le premier chapitre du présent travail soient encore permanents n'augure point un horizon radieux.

Paragraphe 3. L'insécurité dans le golfe de Guinée comme menace pour les intérêts politiques et diplomatiques des Etats-Unis dans la région

Les Etats-Unis, en tant que puissance mondiale, ont, dans les relations internationales pu imposer une << vision du monde ». En effet, la notion de << pax americana » les place dans le rôle moderne qu'avaient l'Empire romain en son époque (Pax Romana), et l'Empire

133 Dominique LEBLEUX, << Prise d'otage ; une activité criminelle en expansion dans le chaos mondial », Ecole de Hautes Etudes en Sciences Sociales, avril 2009, sur http://www.drmcc.org/IMG/pdf/AlerteMCC.pdf, consulté le 22 janvier 2010, 11h.

134 Le 31 octobre de l'année 2008, un chalutier est attaqué par deux bateaux pirates : 7 Français, 1 Tunisien et 2 Camerounais sont pris en otage sur un pétrolier affrété par le groupe français Bourbon, déjà rançonné le 2 août 2008 au Nigeria. L'opération est menée par le groupe armé « Bakassi Freedom Fighters », mené par le général Ag Basuo. Le groupe rebelle nigérian <<Niger Delta Defence and Security Council » (NDDSC) a en particulier revendiqué le 12 juin 2008 une attaque menée en novembre 2007 contre l'armée, coütant la vie à 21 militaires.

135 Le 25 octobre 2008, 17 personnes à bord du navire Ajax, affrété par le groupe français Bourbon, près d'un important terminal pétrolier et gazier a vu 9 de ses membres d'équipage être retenus: 5 Nigérians, 2 Ghanéens, 1 Camerounais et 1 Indonésien. Le 4 décembre 2008 un navire pétrolier est attaqué à 13 milles nautiques des côtes du pays, près d'une plateforme appartenant à l'entreprise canadienne Addax Petroleum. On y a dénombré 3 otages : un Russe, un Mexicain, un Nigérian. Peu de temps avant, le 17 octobre 2008 : Huit bateaux de pêche et leurs 96 membres d'équipage arraisonnés dans l'État de Bayelsa (sud du pays).

136 Lire dans ce sens, Alternatives Internationales de décembre 2008 et << les deux français otages au Nigéria sont libres » disponible sur http://www.lefigaro.fr/international/2008/09/06/01003-20080906ARTFIG00500-lesdeux-francais-otages-au-nigeria-sont-libres-.php, consulté le 31 juillet 2009, 11h 30.

britannique au XIXe siècle (Pax Britannica), une position de gendarme du monde137. Cette position les amène à fonder leur action politique sur des critères propres à leurs « catégories représentationnelles ». Ainsi, pour soutenir un Etat, les Etats-Unis mesurent, dans ce pays, le degré de démocratie et de bonne gouvernance. Or, dans une telle optique, le gouvernement américain aura du mal à entretenir des très bonnes relations avec un Etat qui est menacé de tous bords par l'insécurité. Le déficit de gouvernance, de démocratie, la pauvreté sont autant d'éléments perçus comme des menaces à la sécurité. On comprend avec Frédéric Leriche que « la priorité est donc désormais le soutien à la démocratie et au développement économique, conçus comme étant articulés ; c'est la stratégie de l'élargissement démocratique" chère a B. Clinton. Symboliquement, cette nouvelle posture se concrétise par le renouvellement du dialogue diplomatique et politique entre les Etats-Unis et l'Afrique. Elle se traduit surtout en 2000 par le vote de la loi Trade and Development Act (dite AGOA, African Growth and Opportunity Act ) »138.

Dans le même ordre d'idée, en 2002, l'Administration Bush annonce la création de la Millenium Challenge Corporation. Cette institution a pour fonction de canaliser les aides au développement accordées à l'Afrique. Les sommes devraient permettre de financer les pays qui respectent une liste de critères attestant de leur caractère démocratique et de leur politique de lutte contre la corruption (la << bonne gouvernance >>). Elles devraient être prioritairement dévolues au développement du potentiel local, d'une manière intégrée à l'économie mondiale et devraient donc bénéficier secondairement aux entreprises américaines. Mais l'insécurité coïncide fortement avec le terrorisme qui d'après les Etats-Unis gagnent de l'espace en Afrique. « Nous ne laisserons pas les terroristes menacer les peuples africains ni utiliser l'Afrique comme base pour menacer le monde », a déclaré Georges Bush lors de sa tournée africaine de juillet 2003139. L'élection de Barak Obama n'occulte en rien cette option politique. Hillary Clinton, secrétaire d'Etat ne disait pas autre chose lorsqu'elle s'adressait aux gouvernements africains.

Le secteur privé et la société civile jouent un rôle de plus en plus important
dans toute l'Afrique en tenant les gouvernements responsables de leurs

137<< Pax americana >>, disponible sur : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Monde_%28univers%29, consulté le 31 août 2009, 19h.

138 Frédéric LERICHE, La politique africaine des Etats-Unis: une mise en perspective >>, in Afrique contemporaine, Automne 2003, p. 29.

139 Jim Fisher-Thompson, « L'initiative pan-Sahel encourage la coopération entre les pays du Sahel et du Maghreb>>, service d'information du département d'Etat des Etats-Unis, Washington File, disponible sur http://usinfo.state.gov/regional/af/security/french/f4032503.htm, consulté le 13 mai 2009, 19h.

actes et en exigeant une économie et une société plus équitables, plus ouvertes et plus justes. Les dirigeants doivent diriger. Ils doivent montrer à leur population que la démocratie donne des résultats. Il n'est pas possible de réaliser des progrès durables dans les pays qui ne gèrent pas comme il faut leurs ressources naturelles, où les bénéfices provenant du pétrole et des minerais viennent gonfler les comptes en banque d'une oligarchie constituée de sociétés dont le siège est dans un autre continent, mais qui ne font pas grand chose pour promouvoir la croissance et la prospérité à

long terme 140.

Cette vision des Etats-Unis permet de comprendre que les partenariats entre Etats-Unis et Etats du golfe de Guinée ne peuvent faire abstraction de la vision américaine du monde. D'où cette mise en garde de Madame Clinton.

Citoyens et pouvoirs publics doivent unir leurs efforts pour mettre en place et maintenir de solides institutions démocratiques : un appareil judiciaire indépendant et sûr de lui, une fonction publique dévouée et professionnelle, une presse libre et une société civile dynamique. C'est ce que nous avons appris dans mon pays ; nous essayons encore d'améliorer notre démocratie après deux cent trente ans et nous voulons vous faire profiter de ce que nous avons appris en chemin, souvent au prix d'erreurs. Et nous sommes prêts à jouer un rôle de partenaire avec les citoyens et les dirigeants désireux d'améliorer la gouvernance et la transparence141.

Les difficultés sécuritaires dans le golfe de Guinée ne permettent pas une mise en

place aisée de cette politique. En effet, les problèmes de sécurité dans la sous-région

deviennent aussi des problèmes de sécurité nationale pour les Etats-Unis pour le simple fait

que la sécurité des Etats-Unis intègre une forte dimension politique. On peut, dès lors,

comprendre les mesures américaines de sécurisation du golfe de Guinée.

140 Hillary CLINTON, op. cit., disponible sur africom.mil/, consulté le 13 février 2010, 14h.

141 Ibidem.

*
* *

A l'issue de ce chapitre, on peut comprendre que sur le plan énergétique, le golfe de Guinée est une région qui acquiert une grande importance pour les Etats-Unis. Il est inscrit, en effet, dans la stratégie pétrolière américaine. Les réserves de la région ont poussé le gouvernement et les compagnies pétrolières américaines à déployer l'appareil politico diplomatique pour accéder à cette zone qui se transforme en alternative pour la sécurité énergétique et, partant, pour la sécurité nationale de l'Union. Elle devient aussi une zone de projection économique pour les Etats-Unis. Cependant, le golfe de Guinée présente des risques permanents d'insécurité pour les Etats-Unis qui voient que leurs intérêts aussi bien politiques, économiques que diplomatiques sont menacés. Comme telles, les menaces que présente cette région de l'Afrique deviennent des menaces pour la sécurité nationales des Etats-Unis.

Conclusion de la première partie

L

e pétrole du golfe de Guinée prend une grande importance dans la configuration géopolitique mondiale. De nombreux facteurs concourent à ce nouveau visage de l'Afrique. D'abord, les agissements du système

énergétique international ; ensuite, la spécificité de la région. Le golfe de Guinée devient une source croissance d'approvisionnement énergétique pour de nombreuses puissances et une zone de projection économique pour de nombreuses multinationales et indépendants. C'est ainsi que dans le cadre de sa sécurité énergétique les Etats-Unis investissent et se déploient dans cette région de l'Afrique.

Cette partie a permis de comprendre que le golfe de Guinée en même temps qu'il s'illustre dans la production énergétique est l'objet des nombreux facteurs d'insécurité. La décomposition ou le désordre sécuritaire dans cette région de l'Afrique est liée aux différents flux transnationaux qui se diffusent au fur et à mesure que l'exploitation pétrolière s'intensifie. Si cette insécurité touche les Etats de la région dans leur fonctionnement et l'ordre politique qu'ils devraient incarner, il n'en demeure pas moins qu'elle apparait aussi comme déstabilisatrice pour la sécurité nationale des Etats-Unis, dont la sécurité énergétique est un des socles. La décomposition sécuritaire dans le golfe de Guinée donne aux Etats de la région et aux Etats-Unis les raisons d'une recomposition sécuritaire que les pages suivantes s'attèleront à expliquer.

DEUXIEME PARTIE

ENJEUX ENERGETIQUES ET RECOMPOSITION SECURITAIRE
DANS LE GOLFE DE GUINEE

L

'importance que le pétrole du golfe de Guinée a pour les Etats de cette sousrégion ainsi que pour les Etats-Unis necessite que cette zone soit catégorisée comme sécurisée. Autrement dit, la sécurisation142 du golfe de Guinée qui

est déjà une entréprise à laquelle s'attèlent les différents acteurs étatiques permet, d'une manière générale, de rendre cette partie de l'Afrique « plus sûre » et partant, son pétrole aussi.Ce travail de récomposition sécuritaire présente des enjeux d'intérêt et de sécurité nationale.

Cette partie s'interressa, justement, à voir, dans un prémier temps, l'importance de la sécurisation pour l'intérêt national des Etats du golfe de Guinée en ce qu'elle est une réponse aux défis de préservation de la paix et même de répartition des rentes pétrolières (chapitre 3). Ensuite, la sécurisation du golfe de Guinée permet aux Etats-Unis de garantir leurs approvisionnements, de se pré positionner militairement et de mettre en oeuvre les autres dimensions de leur sécurité nationale (chapitre 4).

142 La sécurisation renvoie au fait de rendre plus sûrs un objet, un espace ou un sujet donné [...] C'est l'art de sécuriser, c'est-à-dire l'art de mobiliser un ensemble de moyens financiers et humains afin de mettre en oeuvre une gamme de pratiques permettant de fiabiliser un espace sociopolitique spécifique, Thierry BALZACQ, op. cit., pp 39-40.

CHAPITRE 3

LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE AU MIROIR DES DEFIS
INTERNES ET SOUS-REGIONAUX

Les causes des crises africaines sont bien plus profondément enracinées (..). Prévenir les crises nécessite de désamorcer, en profondeur, la montée de l'angoisse sociale ; sortir de la crise exige d'organiser le reflux de cette angoisse ; construire la paix, c'est interdire son retour.143

L

a sécurisation du golfe de Guinée apparait capitale à un moment où les enjeux énergétiques sont à la base, soit directement ou indirectement, des risques d'insécurité permanente. Alors que les circonstances prêtent à la « décomposition des territoires »144 et à l'accentuation des « solidarités sans territoire »145, lesquelles participent du « contournement [même] des Etats » 146 dans la sous-région, il convient de comprendre que la sécurisation devient un aspect fondamental de la construction de la paix. Cette dernière est, d'ailleurs, mise à mal quotidiennement parce que le fonctionnement des Etats et, surtout, la répartition de la rente issue des ressources nationales sont des sujets de défiance.

Dans un tel contexte, la conjoncture sécuritaire est susceptible d'éclairer sur les ruptures, les repositionnements et les réinventions sociopolitiques à l'oeuvre dans la dynamique politique et sociale nationale147, mais aussi sous-régionale. Ce sont, justement, ces réinventions sociopolitiques qui structurent l'importance de la sécurisation dans l'édifice de la paix dans le golfe de Guinée (section 1). Les moyens sont aussi bien institutionnels, stratégiques qu'opérationnels. Néanmoins, la mise en oeuvre de cette approche ne se fait pas sans difficultés (section 2).

143 Joseph Vitalis, << Les crises africaines. Violence, pouvoir et profit », in Etudes 2003/6, Tome 399, p.595

144 Au sens de Bertrand BADIE, La fin des territoires. Essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect, Collection << l'espace politique », Fayard, 2003, p.132.

145 Ibidem.

146 Bertrand BADIE et Marie-Claude SMOUTS, op. cit., p.70.

147 Yves-Alexandre CHOUALA, << Conjoncture sécuritaire, champ étatique et ordre politique au Cameroun : éléments d'analyse anthropo-politiste d'une crise de l'encadrement sécuritaire et d'un encadrement sécuritaire de crise », in Polis, vol. 8, Numéro Spécial, 2001.

Section 1. Sécurisation comme outil de construction de la paix dans les Etats du golfe de Guinée

Aujourd'hui, la sécurité ne signifie pas éliminer la menace immédiate, mais aussi de travailler sur les sources de l'insécurité148. En effet, la sécurisation du golfe de Guinée passe par la restructuration de l'Etat dans le contexte africain qui, d'après Tshiyembe Mwayila, porte en lui-même les germes de sa propre insécurité149 et dont une des conséquences les plus manifestes est la difficile construction effective d'une nation.

Paragraphe 1. La restructuration de l'Etat et la construction nationale

S'il est admis, à partir des catégories wébériennes, que l'Etat a le monopole de la violence légitime, il n'en demeure pas moins que cet Etat-là est structuré autour d'un certain nombre d'institutions fortes à même de mettre en oeuvre les outils de sécurité. Il est donc important de considérer l'Etat comme « totalité », pas au sens totalitaire du mot, mais comme un ensemble intégrateur dans lequel se reconnaissent les citoyens.

A. La reforme de l'Etat comme moyen de renforcer les institutions et de restaurer la légitimité sécuritaire

Le processus d'étatisation est fondamentalement un processus de sécurisation150. En effet, parler de la réforme de l'Etat, revient à réaffirmer la place de ses différentes composantes au sens juridique: territoire, gouvernement et population. L'appareil sécuritaire de l'Etat devient, de ce fait, très important dans le golfe de Guinée où la perméabilité des frontières et la dissémination des territoires mettent quotidiennement à mal l'ordre politique. Parce que l'Etat est un système, la sécurité devient un instrument au service de son fonctionnement et de la répartition des pouvoirs en son sein, préalables à une redistribution des revenus nationaux151. Dans un tel contexte, la réforme de l'Etat est importante tant il est vrai que l'insécurité et la

148 Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, «L'ordre et la sécurité publics dans la construction de l'Etat au Cameroun », Thèse de doctorat en science politique, Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux, Université Montesquieu Bordeaux 4, février 2007.

149 Tshiyembe MWAYILA, L'Etat post colonial facteur d'insécurité en Afrique, Dakar, Présence africaine, 1990

150 Yves-Alexandre CHOUALA, (3), op. cit. p. 14.

151 « L'État est en même temps une structure organisationnelle complexe, une collectivité et un instrument de politique. En ce sens, l'État est donc d'abord un instrument de promotion de la sécurité avant d'être le sujet ou le référent de la sécurité. Il est l'organe qui assure la médiation entre l'intérêt national, défini de façon unitaire, et les intérêts des communautés en son sein. », Thierry BALZACQ, op. cit., p. 34.

délinquance dans le golfe de Guinée relèvent de « l'ordre de la banalité », au sens que donne Achille Mbembe à l'expression152.

Il s'agit de réformer le secteur de la sécurité, non dans son approche primaire, mais dans ses interactions avec les autres secteurs dont dépend la survie de l'Etat. Yves Alexandre Chouala, dans ses travaux sur la conjoncture sécuritaire, le champ étatique et l'ordre politique au Cameroun, souligne, d'ailleurs, à propos que « si l'Etat voit l'ascension vertigineuse de sa décrédibilisation et l'érosion de son prestige social dans le phénomène insécuritaire, c'est à l'intérieur de celui-ci qu'il doit reconstruire sa noblesse et sa respectabilité tant nationale qu'internationale. Principal facteur de désocialisation/décivilisation de l'Etat, l'insécurité est aussi la ressource cardinale à mobiliser dans l'optique de la (ré) étatisation »153. Il convient donc de donner une nouvelle dimension à l'armée, la rendre républicaine, au service du développement. C'est peut être ainsi que l'armée intégrera son rôle dans « la division du travail » et recevra une nouvelle légitimité.

B. Le problème de la construction de la nation

La construction de la nation prend forme avec l'étatisation de la société en Afrique. Ce qui pose un problème étant donné que la dynamique des communautés ethniques défie aujourd'hui la figure sociale de l'Etat comme unité154. Le processus d'unification, et notamment, sous la forme de l'Etat-Nation, définit la communauté politique. Amitai Etzioni parle de la communauté politique comme une communauté structurée par trois types d'intégration: le monopole de l'usage légitime de la violence, etc., l'existence d'un centre de décision capable de déterminer l'allocation des ressources et des récompenses au sein de la communauté et, enfin, l'existence d'un point transcendant d'identification de la majorité des citoyens155.

152 Achille MBEMBE, De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, 280p.

153 Yves-Alexandre CHOUALA, << Conjoncture sécuritaire, champ étatique et ordre politique au Cameroun... >> Idem, p. 15.

154 Ceci est un phénomène qui trouve déjà ses origines dans la présence même du colonisateur. << Au lendemain de la pénétration coloniale, la puissance colonisatrice, a compris très tôt que l'exploitation paisible et rationnelle des ressources de la nouvelle colonie, passait nécessairement par la maîtrise des populations autochtones. Il fallait à tout prix mettre en place des mécanismes de nature à retourner les structures sociales existantes contre les populations et s'en servir pour asseoir sa domination. Cette mutation ne devait s'opérer que par la remise en cause de la réalité sociale traditionnelle et par l'introduction des distinctions entre les populations », Xavier Bienvenu KITSIMBOU, << la démocratie et les réalités ethniques au Congo >>, Thèse de doctorat en Science politique, Université de Nancy 2, 2001, pp.35-36.

155 Amitai ETZIONI, << A paradigm for the study of political unification >> in World Politics, XV(1), 1962, pp. 45 -74.

La spécificité des sociétés en Afrique dans leur rapport avec la nation est problématique et doit être repensée pour une sécurité nationale effective. Dans un contexte de politique d'affection156, c'est-à-dire de mobilisation de la ressemblance, l'allégeance à la nation est supplantée par le communautarisme. Ainsi, la construction de la nation doit être un processus de légitimation du rôle social de l'Etat. Il s'agit de mettre sur pied un nationalisme légitime, c'est-à-dire la croyance en une communauté dont l'Etat a la charge ou en des intérêts supérieurs dont celui-ci a le monopole de la définition, en une unité des groupes sociaux épars dont il assure la représentation, qui permet de réaliser un consensus autour du pouvoir central157. Dans le golfe de Guinée, le discours officiel dans la plupart des Etats donne une forte dimension symbolique à la nation. Ce qui occulte cette ambition politique, c'est, justement le fait que la construction de la nation soit de l'ordre du discours et non du concret. Autrement dit, la réalité, le vécu social des groupes ethniques qui ont intégré la méfiance des uns par rapport aux autres dans leur façon de faire et de penser, déconstruit le discours sur l'unité nationale.

Paragraphe 2. De la captation à la répartition de la rente pétrolière : une

logique de changement

La diversité des enjeux qui structurent les champs politique et social interpellent les Etats pétroliers du golfe de Guinée à repenser la gestion des revenus nationaux. Il en va certainement de leur sécurité nationale. Claude-Ernest Kiamba ne disait pas autre chose lorsqu'il souligne que si la gestion des revenus nationaux est un facteur de désintégration de l'Etat, la penser autrement devient un moyen de ré-intégration de l'Etat en Afrique158. Dans de nombreux Etats, c'est un processus déjà engagé. Il s'agit de mettre en oeuvre une gestion intégrée et concertée (Etat, société civile et population locale) des ressources nationales.

A. La problématique de la gouvernance pétrolière en Afrique: l'opportunité d'une émergence

Le défi de la gestion de la rente pétrolière pour le développement et la sécurité demande de passer d'une logique de production pure à une logique de répartition. Il s'agit de passer d'une situation déséquilibrée voire opaque à deux acteurs (États, compagnies

156 Luc SINDJOUN, La politique d'affection en Afrique noire, Boston, GRAF, 1998, 230p.

157 Lire pour une analyse plus exhaustive, Luc SINDJOUN, l'Etat ailleurs, entre noyau dur et case vide, Paris, Economica, Collection la vie du droit en Afrique, 2004, 340p.

158Claude-Ernest KIAMBA, cours d'Analyse des conflits, licence de Sciences juridiques et Politiques, Université Catholique d'Afrique Centrale, 2007-2008.

pétrolières) et inéquitable, car coupée de la population, à une situation avec un État plus fort (moins endetté), des exploitants moins puissants (plus de concurrence, contrat de partage de production) et une participation effective accrue de la société civile. Et, pour cause, Etanislas Ngodi note que

le désordre politique trouve son fondement dans le banditisme politique. La culture de violence et l'insécurité socio-économique sont des conditions mises en place pour la consolidation et la conservation du pouvoir. Le sous- développement des pays producteurs du pétrole n'est plus a démontrer en Afrique. En effet, dans la gestion de la rente pétrolière, de nombreux pays africains sont dépourvus d'institutions politiques capables de faire contre- poids, de lutter contre l'autocratie des régimes politiques, l'inefficacité des services publics et la mise a l'écart de la société civile dans les tractations politiques159.

De ce fait, de nouveaux outils doivent être intégrés par les Etats. Il s'agit spécifiquement du paradigme de la bonne gouvernance. Philippe Moreau Defarges écrit qu'en contexte de gouvernance, « (~) la décision, au lieu d'être la propriété et le pouvoir de quelqu'un (individu ou groupe), doit résulter d'une négociation permanente entre les acteurs sociaux, constitués en partenaires d'un vaste jeu, le terrain de jeu pouvant être une entreprise, un État, une organisation, un problème à résoudre »160. Comme tel, il s'agit d'intégrer aussi bien la société civile que le secteur privé dans ce processus de gouvernance pétrolière. De nombreuses initiatives sont prises pour aider les Etats à intégrer les outils de gouvernance dans la gestion de leurs revenus pétroliers. Selon Christine Rosellini, à la suite d'un premier rapport de Global Witness sur l'Angola en 1999, une coalition britannique en faveur de la publication des paiements dénommée Publish What You Pay (PWYP), a été constituée en juin 2002 autour des ONG comme CAFOD, Oxfam, Save the Children, Open Society Institute et Transparency International. La coalition compte plus de 200 membres à travers le monde. Par ailleurs, sous la pression des ONG, Tony Blair alors Premier Ministre du Royaume Uni a lancé en

159 Etanislas NGODI, « Gestion des ressources pétrolières et développement en Afrique », disponible sur http://codesria.org/Links/conferences/general_assembly11/papers/etanislas_ngodi.pdf, consulté le 29 janvier 2010, 00h.

160 Philippe Moreau DEFARGES, La gouvernance, Paris, P.U.F. 2008, p. 5.

Etat

Pétrole, source de revenu

unique. Opacité de la gestion des recettes, Mauvaise gouvernance, corruption, Corruption, Evasion fiscale, Endettement (quand le

prix du pétrole baisse), Achats des armes, faillite des structures étatiques hors pétrole, Taux d'investissement élevé dans le secteur pétrolier, forte instabilité des recettes, Relation privilégiée (complicité), domination des compagnies multinationales pétrolières

Contrats secrets, Hyperspécialisation de l'économie dans le pétrole, Faiblesse du secteur privé hors pétrole, Disparition des activités agricoles

Bénéfices captés par les élites (redistribution

clientéliste),Risque d'instabilité politique, Hostilité à l'égard des compagnies pétrolières, appauvrissement de la

population, dégradation des indicateurs sociaux, instabilité sociale, risque de guerre civile, augmentation de la répression politique, développement du secteur informel

Secteur prive

Population

septembre 2002 à la suite du Sommet Mondial sur le Développement Durable à Johannesburg, l'Initiative sur la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE)161.

Tableau 8 : Les mécanismes de passage à une répartition de la rente pétrolière

Acteurs/Types de gestion

Logique de captation de la
rente

 
 

Logique de répartition de
la rente

facteurs de changement/pressions

Baisse de la rente (plafonnement, voire tarissement des réserves pétrolières) et augmentations des coûts de production (sécurité, environnement, Surendettement et tarissement, vieillissement de puits de l'aide (augmentation de

la sélectivité), Pression des
ONG/media/opinions, publiques

(promotion de promotion de

l'éthique des entreprises et

respect de l'environnement)

Budgétisation des revenus pétroliers.

Contractualisation de l'utilisation des revenus pétroliers, Diversification de la fiscalité, Financement des secteurs sociaux, Amélioration de la gouvernance

Développement économique,

Diversification de l'activité économique, secteur pétrolier plus concurrentiel (arrivée de compagnies indépendantes)

Répartition des richesses plus égalitaire, réduction de la pauvreté, Paix

Source : Christine ROSELLINI, in Afrique contemporaine, Printemps 2004

161 Cette initiative cherche à pousser la communauté internationale vers la transparence pétrolière. L'ITIE soutient concrètement l'effort international en faveur de la transparence. L'ITIE a développé un modèle de publication pour s'assurer que les versements des compagnies extractives sont bien encaissés.

B. La gouvernance pétrolière au concret : l'action des Etats du golfe de Guinée en la matière

On peut estimer que les Etats sont plus que jamais appelés à changer leurs stratégies de gestion des ressources. Plusieurs mesures ont été initiées dans ce sens. On peut à partir des pratiques en cours dégager quatre cas de figure162. Dans un premier cas, on a les Etats qui ont réformé leur mode de gestion du surplus pétrolier. Il s'agit, notamment, du Congo et du Nigéria dont les excédents dans les revenus pétroliers sont versés aux banques centrales. Deuxièmement, on a les Etats qui intègrent la transparence dans la gestion quotidienne des revenus pétroliers. C'est le cas du Tchad qui a mis sur pied un college de contrôle et de surveillance des recettes pétrolières. Avec la contribution de la Banque mondiale, le Tchad entendait tirer les leçons du passé en faisant le choix de la législation, afin que les recettes pétrolières aillent pour partie à la lutte contre la pauvreté et la bonne gouvernance. En plus, 10% des revenus devrait être épargnés pour les générations futures163. Mais cette dernière mesure n'a pu faire long feu parce que lorsque l'intégrité territoriale fut menacée en 2006 par les rebelles dans l'Est du pays, le « réalisme » a poussé le gouvernement à réorienté ces fonds vers notamment le domaine de la défense. A São Tomé, l'utilisation des ressources se fait avec l'aide de la Banque mondiale. Le Nigeria, quant à lui, procède à la publication des revenus pétroliers de l'État sur une base mensuelle. Troisièmement, il est des Etats qui ouvrent le secteur du pétrole à la concurrence. Autrement dit, l'État participe davantage aux consortiums (le Tchad et le Cameroun participent ainsi aux côtés des compagnies multinationales à l'exploitation du pétrole tchadien). La situation de monopole d'une entreprise étrangère (Elf au Congo, Gabon, Cameroun ; firmes américaines en Angola) commence à être rare et les partenaires se diversifient (Nigeria). Les relations entre les compagnies pétrolières et l'État ont commencé à changer au Congo avec le passage du régime de concession aux contrats de partage de production164. Enfin, on assiste dans certains Etats à la promotion des liens entre les compagnies pétrolières et le reste de l'économie.

162 Christine ROSELLINI, << la répartition de la rente pétrolière en Afrique centrale : enjeux et perspectives », in Afrique contemporaine, n°216, 2005, p. 125 à 138.

163 Sur les fondements et les modalités de gestion des 10% pour les générations futures, lire notamment Benoît MASSUYEAU et Delphine DORBEAU-FALCHIER, << Gouvernance pétrolière au Tchad : la loi de gestion des revenus pétroliers », in Afrique contemporaine, 2005/4 (n°216).

164 Idem, p. 27 et suiv.

Section 2. Les dimensions militaires de sécurisation et leur mise en oeuvre par les

Etats du golfe de Guinée

Si la sécurité nationale est foncièrement une question d'Etat, la complexification des relations internationales pousse celui-ci à prendre en compte aussi bien les dynamiques de dedans que les dynamiques de dehors. L'Etat s'insère désormais dans une nouvelle logique sécuritaire, celle de la sécurité avec les autres.

Paragraphe 1. Les initiatives nationales de sécurisation

Chaque Etat du golfe de Guinée développe des logiques très poussées pour sa sécurité. Chaque Etat essaie de (ré) construire une image de ses forces de sécurité et de défense suivant une catégorie bien précise.

A. La reconsideration de la sécurité nationale des Etats dans le golfe de Guinée

Chaque Etat développe une doctrine militaire par rapport à son environnement interne et externe. En effet, depuis les indépendances, la plupart des Etats africains insistent sur la dimension de l'intégrité de leurs frontières par leurs armées. Mais, il faut noter que la trajectoire historico-politique de chaque Etat conditionne l'importance qu'il accorde à son armée. Il peut s'agir pour l'Etat de noter les types de menaces avérées ou non auxquelles il fait face. Du coté des enjeux internes, on peut avoir les rebellions, le banditisme urbain ou encore les violences intercommunautaires. Du côté externe, on peut avoir les conflits liés au territoire, la criminalité transfrontalière, etc.

Dans une perspective comparative, Joseph Vitalis fournit une analyse de la manière dont l'armée est pensée à travers ses fonctions. D'abord, s'agissant de ía fonction de confinement, les armées africaines oeuvrent pour la maîtrise des pertes de substance, humaine et matérielle (pillage de l'Angola, du Congo-Zaïre, de la Sierra Leone), le contrôle de l'entrée d'éléments déstabilisants, seul moyen de briser la solidarité transnationale des crises (Sahel/Sahara, Tchad/Darfour, République centrafricaine/Sud-Soudan, arc de crise du golfe de Guinée). Ensuite, on a l'acquisition du renseignement qui est donc la deuxième mission de la force publique : donner au pouvoir central les moyens de savoir et de comprendre. Puis, la mission de contrôle des populations, la plus visible des tâches de police, consiste à faire échec aux facteurs et fauteurs d'insécurité, délinquants et criminels, au plus tôt et au niveau de contrainte le plus faible. Aussi, note-il que les armées peuvent certes agir hors du territoire national mais, en Afrique, le caractère transnational des menaces appelle à une coordination bi

et multilatérale des forces publiques de pays voisins, par des opérations de maintien de la paix ou la création de forces sous-régionales, plutôt que par l'action offensive ou défensive de moyens de combat165.

Nous devons comprendre que les doctrines sont très souvent mises à mal par les réalités quotidiennes soit par les comportements au sein même des Etats-majors, soit par les logiques internes et externes aux Etats qui sans cesse menacent leur souveraineté. Souvent aussi, on voit des confusions entre armées, police et gendarmerie surtout dans les Etats comme le Tchad où le visage social des forces de sécurité s'est considérablement dé/socialisé, déshumanisé voire même décivilisé.

Mais, en gros, ce qui structure la pensée sécuritaire en Afrique aujourd'hui peut être résumé en quelque points : démocratisation du secteur de la sécurité et de la défense, adaptation des forces armées au nouvel environnement de la sécurité et aux nouvelles missions d'interposition sur le théâtre d'opération sous-régionale, une restructuration conjoncturelle au service de la sécurité du régime et non de la sécurité de l'Etat, la formation et l'entrainement des forces de police166.

B. L'impact des reformes du secteur de la sécurité sur la gouvernance des Etats

C'est souvent fort de constats décevants du rôle des corps de sécurité que les Etats africains se lancent dans l'optique d'une réforme du secteur. Plusieurs réformes sont envisagées. Les enjeux ont considérablement changé et les Etats optent pour des corps bien formés à même de répondre aux conflits internes et externes. Les premières reformes permettent d'abord de répondre aux logiques sécuritaires internes, ensuite, il s'agit d'avoir des forces de défense et de sécurité aptes à coïncider avec les crises des sous-régions. À cela s'ajoute l'existence des dispositifs régionaux de gestion de crises qui reposent sur une logique aussi bien diplomatique que militaire. Il s'git de républicaniser les armées. Axel Augé dit, justement, que « l'armée n'est pas un isolat social. L'armée et les forces de sécurité sont dans la société tout comme la société est dans l'armée »167.

165 Joseph VITALIS, << La réforme du secteur de sécurité en Afrique : Contrôle démocratique de la force publique et adaptation aux réalités du continent », in Afrique contemporaine - Printemps 2004.

166 Axel AUGÉ, << Les réformes du secteur de la sécurité et de la défense en Afrique sub-saharienne : vers une institutionnalisation de la gouvernance du secteur sécuritaire », in Afrique contemporaine - Printemps 2004, p.125.

167 Ibidem.

Il s'agit en un mot de rendre les armées plus performantes. Pour de nombreux Etats, notamment, pétroliers du golfe de Guinée, il faut augmenter les dépenses dans le secteur168. L'exemple du Tchad est d'une grande importance dans cette analyse. Alors que le Fonds Monétaire International reproche à l'Etat tchadien de maintenir ses dépenses militaires à un niveau trop élevé, alors même que ses recettes pétrolières sont en baisse, ce qui crée un déficit budgétaire représentant 20 % du Produit Intérieur Brut, le président Idriss DEBY ITNO justifie.

De 2005 à 2009 nous avons effectivement consacré à notre armée presque autant de ressources qu'à notre développement. Nous n'avions, hélas, pas le choix. Avant le conflit avec le Soudan, l'armée tchadienne ne comptait pas plus de 25 000 hommes, contre plus de 8 0000 aujourd'hui, auxquels s'ajoutent les multiples équipements qu'il nous a fallu acquérir. Si nous n'avions pas consenti a cet effort exceptionnel, on ne parlerait plus du Tchad aujourd'hui. Mais si nos amis du FMI et de la Banque mondiale étaient objectifs, ils reconnaîtraient que, depuis 2003, ce que nous avons dépensé pour la santé, l'éducation et les infrastructures est dix fois, cent fois supérieur a nos dépenses militaires169.

Les Etats en augmentant les dépenses prétendent aussi professionnaliser leurs armées et à les socialiser. C'est dans cette optique que les propos du Président tchadien permettent de comprendre en substance que l'armée, entre 2005 et 2009, a crée 55 000 emplois.170 Le constat est que l'augmentation des dépenses dans le domaine de la sécurité et de la défense, notamment, n'est pas synonyme de performance de l'armée ou de la police. Encore faut-il prendre en compte les sous-secteurs dans lesquels on investit. Une étude consacrée à

168 Les dépenses militaires sont une évaluation des sommes attribuées que les gouvernements attribuent à des fins militaires. Ces dépenses permettent d'évaluer la priorité donnée aux moyens militaires d'assurer la sécurité, selon la façon qu'a chaque gouvernement d'évaluer la sécurité nationale, ou d'atteindre d'autres types d'objectifs nationaux définis dans les doctrines de sécurité nationale.

169 << Les vérités d'Idriss Deby Itno », interview du 27/04/2010, Jeune Afrique, disponible sur le site de jeune Afrique.

170 Soit presque deux fois l'effectif du reste de la fonction publique nationale. Ces reformes ont produit un << effet pervers »; l'armée tchadienne semble être une troupe incontrôlée, omniprésente dans les villes et les quartiers, notamment a N'Djamena, et dont on ne distingue plus clairement ni les grades ni les corps. Elle semble se construire par empilements successifs de rebelles ralliés au gré des stratégies changeantes de leurs chefs, sans aucune planification de l'état-major, ni intégration véritable du commandement et des hommes. International Crisis Group, << Tchad : un nouveau cadre de résolution du conflit », Rapport Afrique, N°144 - 24, septembre 2008.

l'efficience des dépenses militaires dans 37 Etats africains dont l'ensemble de ceux du golfe de Guinée conclut que :

les résultats obtenus après estimation des scores d'efficience des dépenses militaires indiquent qu'en moyenne, les gouvernements africains sont très peu efficients en ce qui concerne les services de défense. Toutefois, les résultats indiquent aussi que les inefficiences observées en Afrique ne sont pas liées au niveau des dépenses allouées, mais plutôt sont la résultante de l'allocation sous-optimale des ressources dans les dépenses publiques171.

Les indicateurs sociaux ne pas positifs non plus. Les Etats qui allouent des grosses sommes aux dépenses de sécurité présentent des indicateurs sociaux moins satisfaisants en Afrique. L'étude dont nous faisons écho souligne aussi qu' à partir d'une comparaison des indicateurs sociaux dans les pays à des niveaux différents de revenus, les auteurs concluent que des dépenses publiques élevées n'améliorent pas significativement le bien-être social. Le message central de cette partie est qu'augmenter les allocations budgétaires pour la défense n'est pas le moyen le plus efficace pour accroître les outputs économiques et sociaux en Afrique, et qu'une attention plus soutenue doit être accordée à améliorer l'efficience des dépenses militaires172. Au contraire, les Etats sont militarisés. Il se « crée des principautés fondées essentiellement sur la force des armes et le jeu d'influence des puissances protectrices ou conquérantes. Le trait politique dominant devient alors l'instabilité. Car, tout changement d'intérêt ou de rapports de forces au sein de la coalition des Etats protecteurs déclenche systématiquement des rebellions »173. L'enjeu des reformes sécurité devient, de ce fait, politique. Les Etats engagent des réformes destinées d'abord au renforcement de la subordination de l'armée aux autorités politiques civiles puis à la modernisation du secteur de la sécurité. C'est l'exemple du Bénin. Ceci donne lieu à des réformes centrées sur la reconstruction du secteur de la sécurité et de la défense, comme en Côte d'Ivoire, ou plus récemment au Togo. La régionalisation devient tout au moins important pour les Etats du golfe de Guinée, au vu de flux transnationaux.

171 Thérèse Félicitée AZENG, « Dépenses militaires, gouvernance et efficience économique : le cas de l'Afrique sub-saharienne », Mémoire de Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Sciences Economiques, Macroéconomie appliquée, option Finances Publiques, Université de Yaoundé 2-Soa, 2007, p.42.

172 Ibidem.

173 Wullson MVOMO ELA, op.cit., p. 29.

Paragraphe 2. Les initiatives sous-régionales ou comment la sécurisation

convoque la « gouvernance collective »

Pour faire face aux enjeux sous-régionaux et afin de répondre toujours à leurs logiques sécuritaires, les Etats du golfe de Guinée optent aussi pour une sécurisation collective.

A. La question de la coopération sous-régionale et les limites de la CGG

La création d'une entité régionale rassemblant les pays producteurs est un atout pour consolider leur poids sur la scene internationale. Cette coopération apparaît d'autant plus importante qu'elle permet aux différents pays riverains de créer des mécanismes nécessaires pour mieux profiter des énormes rentes de la vente du pétrole et d'établir des projets de développement favorisés par l'affluence massive de capitaux étrangers. Elle pourrait, en outre, permettre aux producteurs de négocier l'octroi de nouvelles concessions contre une réduction, voire une annulation de leurs dettes extérieures. De plus, l'augmentation récente du prix du baril pousse les Africains à renforcer leur coopération régionale pour profiter de la manne pétrolière et revitaliser l'Association des producteurs de pétrole africains.

La problématique d'un regroupement des Etats du golfe de Guinée ne date pas d'aujourd'hui. Selon de Albert Didier Ogoulat174, à quelques exceptions près, tous les Etats du golfe de Guinée ont oeuvré, dès 1972 à Yaoundé, au Cameroun, à la mise au point de la vision africaine du droit de la mer. Ayant signé l'acte final de la Convention de Montego Bay, ils ont, depuis 1983, presque tous ratifié ladite Convention entrée en vigueur en novembre 1994. Au plan sous-régional, ces Etats sont tous membres, au moins depuis 1975, de l'OMAOC (Organisation Maritime pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre) qui se préoccupe de l'harmonisation des politiques maritimes pour les pays de la range maritime atlantique centreorientale.

Entre temps, les enjeux énergétiques ont considérablement évolué. De ce fait, les pays riverains du golfe de Guinée se sont déjà dotés d'un instrument plus spécialisé de coopération, la commission du golfe de Guinée dont le rôle consiste à étudier les voies et moyens susceptibles de préserver la paix, la sécurité et la stabilité dans cet espace, d'instaurer un climat de confiance et de compréhension, de coordonner et d'intensifier leur coopération et de prévenir d'éventuels conflits. Il s'agit pour eux de défendre leurs intérêts communs, de surmonter les conflits éventuels sur la délimitation des eaux territoriales et de préserver la paix. « Des progrès ont été réalisés dans le cadre de ce nouveau mécanisme mis à contribution pour

174 Albert Didier OGOULAT, op. cit, p.10.

la résolution de conflits frontaliers entre le Congo et l'Angola ou Saõ Tomé et Principe contre le Nigeria»175.

Des difficultés subsistent, en ce moment, sur l'effectivité des programmes de cette commission. Plusieurs obstacles se posent: les différends frontaliers entre Etats, les conflits internes, le leadership sous-régional, la jeunesse relative de l'institution. Depuis sa création, la commission n'a pas véritablement fait fonctionner ses institutions. Le but du sommet de Luanda du 25 novembre 2008 était de rendre opérationnel ces institutions, à travers les textes statutaires et la mise en place d'un nouveau secrétariat exécutif, chargé d'harmoniser l'action de la commission avec les autres organisations sous-régionales, notamment en matière de sécurité176. Il n'en demeure pas moins que l'existence d'autres organisations sous-régionales dans le même espace géographique peut concourir à confondre les politiques de sécurisation. A défaut, chaque organisation c'est à dire CEEAC et la CEDEAO travaille dans l'espace relevant de sa compétence.

B. Les mécanismes et instruments sous-régionaux de sécurisation : la CEEAC et la

CEDEAO au service de la CGG

La CGG, n'ayant pas de mécanismes spécifiques, se base pour le moment sur les instruments et mécanismes de la CEDEAO177 et de la CEEAC. La CEEAC a un rôle institutionnel dans la sécurisation du golfe de Guinée. Sa feuille de route sur les questions de paix et sécurité révèle qu'elle « doit renforcer sa capacité de mener des actions multidimensionnelles de préservation et de sécurisation du Golfe de Guinée aux fins de l'exploitation pacifique et durable de ses ressources, en collaboration avec d'autres acteurs de la sous-région »178.

La CEEAC a créé, en 1999, un Conseil de paix et de sécurité de l'Afrique centrale (COPAX) qui a pour mandat de prévenir et résoudre les conflits et de mener les actions nécessaires à la consolidation de la paix et de la sécurité. Le COPAX est l'organe de concertation politique et sécuritaire des États membres. De même que le Protocole du CPS, le Protocole relatif au COPAX marque une mutation normative à l'échelle de la région en

175 Etanislas NGODI et Mathias-Eric OWONA NGUINI « Le pétrole off-shore comme ressource stratégique en Afrique centrale : une richesse au coeur des tensions frontalières et des appétits », in Enjeux, n°26, Mars 2006, p.12.

176 Il s'agit du deuxième sommet de Chefs d'Etat après 2001.

177 Le seul Etat de l'Afrique de l'Ouest qui appartient à la Commission du golfe de Guinée est le Nigéria. Fondamentalement les mécanismes de la CEDEAO ne visent pas expressément la sécurisation de la région. Mais puisque le golfe de Guinée dépasse le cadre des Etats reconnus comme membres de la commission, les mécanismes de la CEDEAO lui profitent par défaut.

178 CEEAC, Feuille de route« paix et sécurité » de la CEEAC, Pour discussion au séminaire Afrique Centrale, PIR 10ème FED, Bruxelles, du 30 septembre au1er octobre 2009, p.12.

intégrant comme principes la protection des droits et libertés fondamentales et de la légalité institutionnelle dans chaque Etat. Le COPAX est compétent pour traiter aussi bien des conflits interétatiques que des conflits internes. Il est appuyé par une structure de préparation des décisions, la Commission de défense et de sécurité (CDS)179.

Par ailleurs, notons que le Protocole du COPAX prévoit la mise en place d'un Mécanisme d'alerte rapide de l'Afrique centrale (MARAC) chargé d'informer et d'alerter les instances décisionnelles aux fins de la prévention des crises, ainsi que l'établissement d'une Force multinationale de l'Afrique centrale (FOMAC) capable d'appuyer l'action politique et diplomatique de la Communauté par des déploiements de terrain. Le MARAC fait partie intégrante du Système Continental d'Alerte Précoce (SCAP) avec lequel il doit être capable d'interagir de manière dynamique. La FOMAC s'inscrit dans le cadre de la Force Africaine en Attente (FAA). Ainsi, la première brigade régionale est-elle l'un des cinq piliers de la FAA tels que conçus par les Feuilles de route successives de l'UA (2005, 2008)180. Ses objectifs de capacité qualitatifs et quantitatifs, procédures, doctrines, etc. sont définis dans le cadre des travaux effectués au niveau continental afin de lui permettre d'être pleinement interopérable avec les brigades mises en place par les autres CER.

S'agissant de la CEDEAO, les initiatives en matière de sécurité commune sont plus anciennes. En effet, trois ans après la création de l'organisation à l'initiative du Nigéria et du Togo, a été signé un Protocole de non-agression, lors du Sommet de Lagos en août 1978, qui prescrit aux États membres de « s'abstenir de menace et d'usage de force ou d'agression »181 les uns envers les autres et prévoyant que « toute dispute qui ne peut être réglée de manière pacifique entre les États membres sera soumise à un comité de la Communauté »182. Ensuite, un Protocole concernant l'Aide Mutuelle à la Défense (PAMD) a été signé par treize des seize Etats membres de la Communauté à Freetown en Sierra Leone le 29 mai 1981 et entré en vigueur cinq ans plus tard. Le PAMD engage les Etats membres de la CEDEAO par un traité collectif de défense qui accepte qu'une menace armée ou une agression contre l'un des Etats constitue une menace ou agression contre la Communauté et s'engage à donner une aide et une assistance mutuelle pour la défense. Le Protocole prévoit une réaction collective dans le cas

179 Idem, p.4.

180 Ibidem.

181 CEDEAO, Protocole de non-agression de la CEDEAO, août 1978, p.3.

182 Ibidem.

où un Etat membre est victime d'un conflit armé intérieur. Dans ce cadre sont aussi créées les Forces Armées Alliées de la Communauté (FAAC).

Le 10 décembre 1999 a été adopté un Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de la paix et de la sécurité dans la sousrégion. En mai 2000, à Monrovia a été lancé le Conseil de Sécurité et de Médiation du Mécanisme, qui peut autoriser toute forme d'intervention, y compris la décision de déployer des missions politiques et militaires, informer les Nations unies et l'Union africaine de ses décisions, fournir et réviser les mandats et nommer les commandants des forces. Le Conseil supervise les activités de plusieurs organismes. La Commission pour la Défense et la Sécurité qui a pour activités d'examiner toutes les questions techniques et administratives et d'estimer les besoins logistiques pour les opérations de maintien de la paix. Le Conseil des Sages, nommé par le Secrétaire exécutif pour promouvoir une diplomatie de prévention dans la région. Le Centre d'Observation et de Contrôle d'Alerte Précoce qui est le coeur du Mécanisme d'Alerte Précoce de la CEDEAO avec quatre zones d'observation et de contrôle dans la sous-région. Enfin, on a l'ECOMOG183 qui est le groupe de contrôle de la CEDEAO.

A mettre les mécanismes de la CEEAC aux côtés de ceux de la CEDEAO, on se retrouve devant des nombreux mécanismes dont les rôles se confondent. On dira comme Chantal Belomo que « sur le plan pratique, la pléthore d'institutions de défense énonce l'aporie de leur cohérence »184. Elle souligne d'ailleurs que la paix et la sécurité que tentent de construire les mécanismes régionaux et sous-régionaux souffrent de la faiblesse du régionalisme et du multilatéralisme. Cette faiblesse est due à la construction autoritaire, hégémonique des systèmes étatiques, au repli, aux égoïsmes nationaux et au refus de l'émergence des hommes charismatiques sur le plan régional. Ce d'autant plus que la construction d'une ou de plusieurs puissance(s) continentales pourrait opérer un « checks and balances » et obstruerait à cet effet les ambitions de projection des grandes puissances, ce qui par ailleurs est aux antipodes de leur politique de domination185.

La solution viendrait peut être des mesures nouvelles. Pour prévenir les conflits liés aux ressources naturelles en Afrique centrale, Joseph Vincent Ntuda Ebode recommande par exemple la détermination et la délimitation des frontières non encore précisées. Ensuite, souligne-t-il qu'il serait intéressant de mettre en oeuvre une évaluation aussi précise

183 L'ECOMOG s'est illustré dans des nombreux conflits en Afrique de l'Ouest (Libéria, Sierra-Leone, GuinéeBissau, Côte-d'Ivoire).

184 Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, op. cit., P.218.

185 Ibidem.

que possible des superficies et des quantités de ressources naturelles en jeu dans les zones transfrontalières. Aussi, conviendra-t-il de ne pas oublier l'examen des leçons d'expériences positives, en Afrique centrale et au-delà, de gestion commune transfrontalières des ressources naturelles et l'implication de tous les acteurs locaux qui ont un intérêt premier à une exploitation économiquement et écologiquement équilibrée des ressources naturelles des régions qu'ils habitent186. Une telle solution peut être étendue au golfe de Guinée.

C. La coopération sécuritaire internationale comme solution aux apories des initiatives

sous régionales : l'entrée en jeu des Etats-Unis

Les Etats du golfe de Guinée peuvent miser sur les coopérations qu'ils développent avec des partenaires, les grandes puissances notamment. Cette option permet aux Etats de la région de bénéficier des moyens colossaux dont disposent les grandes puissances. A part la France présente historiquement dans cette zone, les Etats-Unis proposent une aide dans ce sens. Ainsi, des sources officielles américaines, le Commandement pour l'Afrique est un état majeur avec la responsabilité de coordonner et de gérer des programmes qui permettra aux gouvernements africains et aux organisations régionaux, tels que l'African Standby Force, d'avoir des plus grandes capacités sécuritaires et de pouvoir répondre en période du besoin. Le Commandement pour l'Afrique continuera les activités de coopération de sécurité déjà en cours, et pourra mieux coordonner l'appui américain avec le département de la défense et avec d'autres agences gouvernementales américaines pour rendre ces activités plus efficaces.

D'autres puissances, hormis les Etats-Unis oeuvrent pour la coopération bilatérale avec chaque Etat de la région en matière de sécurité et de défense. La France est certainement une des plus anciennes dans le domaine. Cette coopération suit l'histoire politique contemporaine des Etats francophones du golfe de Guinée, de l'Afrique en général. Mais cette option, si elle est avantageuse pour les parties, pose aussi des gros problèmes dans le contexte actuel où les Etats africains devraient chercher par tous les moyens à affirmer leur indépendance même dans le domaine sécuritaire. En occupant les eaux internationales au large de l'Afrique, des pays comme le Royaume-Uni et la France ont élargi leur territoire national et ils manifestent quotidiennement leur puissance et leur capacité de dominer l'Afrique. Quelle sera la marge de pouvoir des armées africaines si elles doivent être financées et équipées par des étrangers.

186 CEEAC, Rapport de la réunion des experts, Conférence sur les problèmes de sécurité transfrontalière en Afrique centrale, 4-5 septembre 2007, Yaoundé, Cameroun.

*
* *

Les enjeux propres aux Etats, pris isolement, ou à la sous région, prise comme bloc géographique, ou encore liant les deux à la fois, poussent les entités étatiques à développer des initiatives de sécurisation. La sécurisation leur permet, non seulement, de se construire mais aussi de la dimension de la gouvernance de la rentre pétrolière. La sécurisation apparait comme un enjeu de paix dans la sous-région. Mais la mise en oeuvre de cette sécurisation dépasse le cadre d'un seul Etat, ce qui pousse les uns et les autres vers des regroupements sous-régionaux. Ces regroupements, même si elles ont des instruments en matière de sécurisation, présentent quelques limites dues à certaines rivalités et l'opérationnalité des moyens déployés. Comme telle, la coopération avec les grandes puissances devient une alternative. Sauf que cette option se présente comme de un moyen de domination par ces puissances étrangères.

CHAPITRE 4

LA VISION AMERICAINE DE LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE :
UN ENJEU MULTIDIMENSIONNEL DE SECURITE NATIONALE

Au-delà des aspects purement économiques et financiers, ce «remodelage» discret mais méthodique de la carte des approvisionnements pétrolier répond à une préoccupation de puissance et de sécurité187.

L

'intérêt national, comme on le sait, peut être poursuivi hors du territoire de l'Etat. Comme tel, l'importance du golfe de Guinée dans la pétro stratégie des Etats-Unis doit amener Washington à faire de la région, une zone sécurisée. Sous-région à forts enjeux énergétiques, le gouvernement américain voit aussi dans le golfe de Guinée une région qui doit répondre à sa stratégie de sécurité nationale. Au-delà des aspects purement économiques et financiers qui structurent la présence de Washington dans le champ du pétrole africain, il s'agit d'un projet de projection de puissance188.

Sécuriser le golfe de Guinée consiste pour les Etats-Unis à contrôler les routes des approvisionnements en énergie et à se stationner militairement d'une part (section1). D'autre part, la sécurisation donne une lecture qui dépasse le champ discursif de la lutte contre le terrorisme. Elle concoure à la logique sécuritaire des Etats-Unis post-guerre froide et particulièrement post 11 septembre qui consiste à dire que les maladies, les guerres et la pauvreté dite désespérée de l'Afrique ne menacent pas seulement la guerre contre le terrorisme, mais également une des valeurs fondamentales de la sécurité nationale américaine à savoir la préservation de la dignité humaine. Cette dernière approche est une vision qui intègre l'hégémonie dans la logique de sécurité nationale des Etats-Unis (section2).

187 Wullson MVOMO ELA, op. cit., p.14.

188 S'il est vrai que les Etats-Unis utilisent plusieurs moyens (politique, économique ou encore militaire) pour se projeter dans le golfe de Guinée, il faut noter que l'Afrique prend une importance dans les milieux de formations intellectuelles des doctrines géostratégiques. Dans ce sens, est mis sur pied le Centre africain d'études stratégiques - African Center for Strategic Studies (ACSS) - qui est une branche de l'Université nationale de défense du Pentagone. Cette institution académique, crée en 1999, fournit un enseignement destiné à du personnel militaire de haut niveau, mais aussi à des leaders civils (responsables politiques ou associatifs, chefs d'entreprise, etc.). Les programmes traitent des relations civilo-militaires, de la sécurité nationale, de l'économie de la défense, etc. Voir : Pierre ABRAMOVICI « Conseillers spéciaux, coopération technique, accords tous azimuts : Activisme militaire de Washington en Afrique », in Le monde diplomatique, Juillet 2004.

Section 1 : La sécurisation du golfe de Guinée comme moyen de sécuriser les approvisionnements énergétiques et de pré positionnement des Etats-Unis

Le positionnement des troupes américaines à travers le monde n'a pas toujours eu comme premier objectif la sécurisation des routes d'approvisionnement des hydrocarbures (comme en l'Asie Centrale). Mais, il n'en demeure pas moins que la présence militaire américaine représente un atout stratégique primordial et offre aux Etats-Unis le monopole de cette sécurisation. Depuis le 11 septembre 2001, les discours officiels américains percevant les menaces contre la sécurité nationale sur tous les points du globe, on arrive à une sécurisation, non plus par défaut, mais obligatoire. Toutefois dans le golfe de Guinée, la sécurisation prend, a priori, deux aspects primordiaux à savoir les approvisionnements et le pré positionnement.

Paragraphe 1 : Sécuriser les approvisionnements

Il est admis, en général, que la sécurité des approvisionnements constitue le deuxième pilier de la géopolitique mondiale du pétrole189. En effet, on peut affirmer que toute stratégie d'approvisionnement relève d'une représentation géopolitique particulière. Ainsi, les EtatsUnis ont une vision mondiale de l'approvisionnement, d'où leurs efforts, depuis les années 80, pour favoriser la diversification, et donc la mondialisation, du marché qui passe par une dimension militaire très forte190. Aujourd'hui, l'Afrique pourrait éventuellement avoir un rôle central dans le développement du terrorisme international. Les motivations, les moyens et les cibles sont bien là. Mieux, le continent présente à la fois un environnement favorable et un vaste champ d'action pour tous ceux qui voudraient s'y attaquer aux Etats-Unis et au système mondial191. Pour ce faire, il convient fortement de sécuriser les installations ainsi que le personnel.

A. La sécurisation des installations

Les installations sont les aspects les plus visibles d'une présence économique. Comme telles, elles méritent d'être sécurisées. A ce niveau il se passe comme une sous-traitance. Tantôt l'armée américaine passe par les armées nationales tantôt elle passe par les compagnies de sécurité privées.

189 Le premier aspect communément admis étant la production dont nous avons mention dans la première partie de ce travail.

190 Atelier énergie 2004-2005, Fiche introductive 0.01, « Quelle approche adopter face au risque de rupture d'approvisionnement en Europe ? », p.2.

191Jakkie CILLIERS, « L'Afrique face au terrorisme », in Afrique contemporaine - Printemps 2004.

1. La sécurisation des pétroliers

La piraterie dans les eaux du golfe de Guinée peut être utilisée comme techniques par les terroristes pour s'attaquer aux pétroliers. Cependant, un pétrolier n'apparaît pas comme une cible facile. Il ne peut être attaqué que dans une zone géographique réduite (rade, port, détroit). En outre, « le système de la double coque ainsi que le compartimentage des supers tankers, oblige les terroristes à se doter de moyens importants si leur objectif est de couler le navire, ou tout du moins qu'une partie de sa cargaison se déverse »192. Aussi, le pétrolier n'est peut-être pas la cible idéale pour provoquer le plus de dégâts possibles : l'attaque d'un méthanier, d'un propanier ou d'un butanier aurait des conséquences bien plus importantes car ces produits sont explosifs. Du point de vue économique, l'attaque d'un pétrolier n'a que de faibles conséquences et aucun effet sur le commerce mondial (un pétrolier ne représente que 2 millions de barils, à comparer aux 900 millions dont disposent les pays occidentaux en stock)193.

Dans le golfe de Guinée, et le delta du Niger en particulier, les populations locales constituent une source essentielle de terrorisme local. Elles voient dans l'action terroriste le moyen ultime de faire valoir leurs revendications politiques, notamment pour une meilleure redistribution des bénéfices tirés de l'exploitation des ressources énergétiques. Ces actions permettent également de faire pression sur les compagnies pétrolières étrangères afin que celles-ci emploient de la main d'oeuvre locale ou versent des compensations pour les dommages environnementaux qu'elles causent. Par les sabotages ou prises d'otages, les populations locales veulent obliger les majors à négocier de nouveaux accords. Le cas du Nigéria est certainement le plus édifiant dans la sous-région. Les communautés des régions du Sud et du Sud-est du Nigéria occupent un territoire qui dispose des ressources rares ou mieux pertinentes. Selon les archétypes dominants de la zone, le territoire et ses ressources sont perçus soit comme un don de Dieu en faveur des autochtones, soit comme un legs des ancêtres194. Le Nigéria n'est un cas isolé. Ces derniers mois, l'Angola, le Cameroun, la Guinée-équatoriale et le Gabon ont connu des attaques ciblées ou des menaces d'attaque liées

192 Atelier énergie 2004-2005, Fiche 1.1, « Description des cibles potentielles des terroristes », p. 1.

193 Ibidem.

194 Léopold Maxime EKO EKO, op. cit., consulté le 29 novembre 2009, 15h.

aux ressources pétrolières. A cela s'ajoutent des enlèvements et des attaques récurrents des navires voués à l'exploration et à l'exploitation pétrolières195.

Quoiqu'il en soit, le gouvernement américain met en oeuvre des mécanismes sécuritaires afin d'éradiquer toute attaque terroriste qui pourrait affecter les installations de ses compagnies pétrolières. S'agissant particulièrement du golfe de Guinée, « la tentative de coup d'état à Sao-Tomé-Et-Principe a fourni aux Etats-Unis un motif pour déployer des forces militaires sur l'archipel et sécuriser les eaux profondes du Golfe riches en hydrocarbures que ce petit pays partage avec la Guinée-Équatoriale et le Nigeria »196. Pour les Etats-Unis, les plateformes en mer peuvent être plus efficacement sécurisées par la marine américaine. Estanislas Ngodi et Mathias Eric Owona Nguini analysent cette posture à partir des avantages que présente la géographie physique du golfe de Guinée.

Les Etats de l'Afrique centrale disposent de champs pétrolifères facilement réliables aux routes maritimes qui les achemineraient vers les marchés américains. C'est ainsi que la localisation des puits de pétrole angolais situés en mer est extrêmement avantageuse au plan sécuritaire et économique. Une fois le tanker rempli de sa cargaison, la ligne océanique Angola-Etats-Unis est directe en haute mer. La zone marine au golfe de Guinée, ot) se situent les Etats pétroliers d'Afrique centrale dont les plus en vue s'appuient sur le pétrole off-shore, paraît moins exposée aux menaces terroristes susceptibles de menacer les points de passage stratégiques des pétroliers considérés comme zones névralgiques depuis le 11 septembre 2001197.

L'administration américaine s'est donnée pour objectif de mettre, de manière offensive, ses capacités de renseignement au service des entreprises et d'organiser l'environnement des informations. Ainsi, les services de « contre-intelligence >> sont dorénavant directement impliqués dans les activités commerciales et industrielles. Aussi, la présence américaine est un moyen par ricochet de sécuriser l'approvisionnement de ses partenaires stratégiques. Cette hypothèse s'est vérifiée en d'autres endroits de la planète où les

195 << Golfe de guinée : enjeux sécuritaires autour du pétrole >>, disponible sur

http://www.lesafriques.com/actualite/golfe-de-guinee-enjeux-securitaires-autour-du-petrole.html?, consulté le 13 avril 2009, 11h.

196 << Le monopole de sécurisation des routes d'approvisionnement énergétique par les militaires américains >>, in Atelier énergie 2004-2005.

197 Estanislas NGODI et Mathias Eric OWONA NGUINI, op. cit., p.13. Voir en ce sens, annexe carte du golfe de Guinée, (p. B du présent document).

Etats-Unis ne se limitent pas à la propre sécurisation de leurs approvisionnements. Ils prennent également en charge la sûreté des flux à destination de pays consommateurs placés en dehors des routes d'approvisionnement américaines : le Japon, la Chine, et la Corée du Sud entre autres. En effet, devant la montée des périls menaçant le détroit de Malacca (13% du ravitaillement mondial en pétrole y transite), tels que la piraterie ou le terrorisme ; plusieurs bases américaines ont été installées dans la région (notamment aux Philippines)198.

2. La sécurisation des installations terrestres

Les installations terrestres sont plus facilement attaquables par les terroristes. Qu'il s'agisse des pipelines, des sites de stockages ou même de tous autres emplacements stratégiques situés sur les parties continentales des pays producteurs de pétrole. S'agissant des pipelines, lorsqu'il est en surface, constitue une cible beaucoup plus facile à atteindre qu'un super tanker dans la mesure où son parcours est connu. Selon l'atelier-énergie, « les attaques réalisées sur un pipeline peuvent prendre plusieurs formes. En premier lieu, l'explosion d'une section du pipeline par le biais d'une bombe peut provoquer des pertes économiques ou en vies humaines (l'explosion d'un oléoduc en Colombie en 1998 a fait 70 morts). En second lieu, des sabotages permettent de détourner une partie du produit, qui est ensuite revendu sur le marché noir »199. Cette seconde option est fréquente dans certaines localités du golfe de Guinée. Dans le sud et sud est nigérian, les mouvements rebelles du delta du Niger utilisent fréquemment cette méthode de sabotage pour perturber l'activité des productions pétrolières. Les conséquences sont alors nombreuses et fâcheuses.

Une attaque pourrait également être dirigée contre des sites de stockages stratégiques mais demeure cependant extrêmement difficile à mettre en oeuvre. En revanche, l'attaque d'un port paraît plus réalisable notamment en utilisant un tanker comme bélier. Les répercussions d'un tel acte seraient considérables, aussi bien du point de vue humain (perte de vies importante), qu'économique (fermeture du port, destruction des infrastructures, endommagement d'autres navires, etc.). De la même manière, les usines de regazéification situées en pays consommateurs et très explosives sont très sensibles.

Souvent la sécurisation est faite soit directement par l'armée américaine, soit par l'entremise des armées nationales. Mais les armées des Etats du golfe de Guinée ayant des difficultés aussi bien dans leurs états-majors que dans leurs fonctionnements, les Etats-Unis

198 Idem, p. 4.

199 Ibidem.

préfèrent sous-traiter avec des compagnies privées de sécurité. C'est le cas au Nigéria, mais surtout sur le pipeline Tchad-Cameroun qui est sous la surveillance de la société française de sécurité privée Géos200.

B. Sécuriser le personnel

Le personnel des multinationales pétrolières peuvent aussi être des cibles potentielles des

actes de délinquance : les bureaux des dirigeants placés dans les grandes villes, et surtout les raffineries. Dans cette hypothèse les moyens utilisés sont différents de ceux pouvant être utilisés dans les cas suscités. Les agents chimiques et biologiques, au système de détection peu fiable, à la faible « traçabilité » et aux difficultés technologiques limitées, afin de tuer un nombre élevé de personnes, grâce à leur capacité de nuisance immédiate importante, en provoquant une désorganisation de l'économie concernée.

Dans le golfe de Guinée, la zone la plus marquée reste le delta du Niger. Les compagnies qui exploitent le pétrole dans cette région interrompent constamment leurs activités parce que justement leurs personnels sont souvent pris en otage.

Paragraphe 2 : L'opportunité d'un pré positionnement américain dans le golfe de Guinée

La présence militaire américaine répond à un besoin pressent de positionnement des soldats dans les quatre coins du monde. Pour ce qui est du golfe de Guinée, il s'agit d'un pré positionnement qui répond au besoin de pacification de la région et à une logique sécuritaire globale basée sur l'expansionnisme militaire.

A. L'expansionnisme militaire américain et son prolongement en Afrique L'expansion est une expression forte de la puissance militaire américaine. En effet,

elle permet non seulement de donner une dimension internationale à l'armée mais favorise surtout le développement économique. Ainsi, les dépenses militaires constituent un antidote aux effets déstabilisateurs des désaccords sociaux. La menace de guerre est un instrument de stabilité des gouvernements et elles assurent l'allégeance des citoyens à l'Etat201. Ceci explique l'attitude que les Etats-Unis adoptent face à des menaces extérieures. En réalité, les

200 Ce sont les arguments « pragmatiques » qui visent particulièrement la réduction des coüts, l'efficacité et la flexibilité qui ont justifié les décisions prises ces dernières années, en particulier dans les pays anglo-saxons, dans le domaine de la sécurité au sens large (sécurité publique et armée). Ainsi, la multiplication des acteurs privés de la sécurité est également expliquée par un changement paradigmatique - du gouvernement à la gouvernance - dans le domaine de la sécurité internationale.

201 Lire, notamment, Jacques FONTANEL et Fanny COULOMB, Galbraith, économiste de la paix, Paris, Collection « innovations », L'Harmattan, 2005.

enjeux économiques deviennent fortement dépendants des aspects militaires de la puissance américaine.

Les Etats-Unis sont présents militairement, directement ou indirectement, dans le monde entier. Il est certain que la position dominante des Etats-Unis constitue un atout majeur qui pourrait leur permettre, à l'avenir, d'imposer leurs choix aux autres acteurs. Elle constitue, en effet, un formidable moyen de pression et pourrait représenter une véritable « arme économique » en cas de conflit avec certains pays (la Chine par exemple).

En Afrique, l'expansion militaire américaine se confond avec la politique de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit, avant tout, de contrôler les sous-régions susceptibles d'être des territoires propices aux terroristes, menaces à la sécurité nationale des Etats-Unis. Il faut, pour ce faire, convoquer les approches classiques de la géopolitique pour expliquer la nécessité d'un pré positionnement américain en Afrique du golfe de Guinée. Il existe trois types de puissances : terrestre, maritime et nucléaire. Puisque la puissance terrestre a cessé d'avoir une très forte influence au bénéfice de la puissance maritime, eu égard à la capacité de celle-ci d'être partout sans beaucoup d'entraves ; et étant donné que la puissance nucléaire n'est possédée que par quelques Etats, la puissance maritime reste, au bout de compte, celle que recherche toute puissance moyenne. Les Etats-Unis, étant une superpuissance, donc détenant tous ces types de puissance, envisage renforcer leur présence dans les eaux du golfe de Guinée pour contrer toute autre puissance. Ceci est d'autant plus stratégique que « tout îlot qui est en dehors du continent et qui émerge au-dessus de hautes mers et au-dessus des Océans est une possession étrangère, de la même façon tous les points stratégiques qui rapprochent l'Afrique des autres continents appartiennent aux puissances étrangères et ils sont parmi les endroits les plus surveillés du monde.»202 Les Etats-Unis peuvent facilement contrôler les routes d'approvisionnement du pétrole en provenance du golfe de Guinée. D'ailleurs, « les eaux internationales autour de l'Afrique sont occupées par la flotte des grandes puissances, car celui qui contrôle le rimland ou l'anneau maritime autour du continent africain contrôle fatalement l'Afrique *...+ A cause de l'histoire des pays africains et de leur totale dépendance en armements militaires, il suffi sait d'encercler le continent pour contrôler facilement les pays, car il devient ainsi possible d'observer tout ce qui y entre et tout ce qui en sort »203.

202 Fweley DIANGITUKWA, « la surveillance des côtes d'Afrique centrale par des équipes de gardes-côtes : un impératif pour la sécurisation maritime de la sous-région » in Enjeux, n° 26, 2006, p. 26.

203 Ibidem.

Aujourd'hui, on assiste à l'érection de trois sous-régions particulièrement «intéressantes» pour la lutte contre le terrorisme et, subséquemment, au déploiement et au contrôle par l'armée américaine. En plus du golfe de Guinée, il faut compter la Corne de l'Afrique et le Sahel-Sahara. Historiquement, la position géostratégique de Djibouti a provoqué l'intérêt des militaires occidentaux. Auparavant, cet Etat n'abritait qu'une base française, née d'un accord de coopération militaire entre les deux États, au lendemain de l'indépendance du pays, en 1977. Selon la presse204, pour 30 millions de dollars par an, les américains louent, depuis septembre 2002, le camp Lemonnier, où ils ont installé près de 2 000 hommes, un poste de commandement et une << task force >> chargée de contrôler le trafic maritime de la zone. L'objectif de ce mécanisme est de couper les voies d'accès vers la Somalie, pays sans État ni gouvernement, considéré comme la tête de pont d'Al-Qaïda en Afrique orientale.

Dans le Sahel-Sahara205, les menaces viennent des salafistes et d'autres mouvements islamistes. Pour ce faire, en attendant de disposer d'une base dans la région, les américains ont lancé une politique d'encadrement des forces gouvernementales. En 2003, l'initiative Pan Sahel, un programme de formation accélérée des armées subsahariennes (coût : 100 millions de dollars), a été lancée. En 2005, l'initiative, désormais baptisée Fintlock, a été étendue à trois pays maghrébins (Algérie, Maroc et Tunisie). Son financement a également été revu à la hausse (500 millions de dollars) avec un rythme de manoeuvre militaire annuel206. Déjà, selon Le Monde diplomatique207, les 23 et 24 mars 2004, les chefs d'état-major de huit pays (Tchad, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger, Sénégal, Algérie, Tunisie) ont participé, pour la premiere fois, à une discrete réunion au siege du commandement européen de l'armée américaine (US-Eucom), à Stuttgart. Cette rencontre, dont les travaux sont restés secrets, concernait la << coopération militaire dans la lutte globale contre le terrorisme >> ; elle traitait du Sahel, zone tampon entre le Maghreb et l'Afrique noire, entre les zones pétrolières du Nord et celles du golfe de Guinée.

204 Ouazani et Jean-Dominique GESLIN, << zones sous hautes surveillances >>, sur jeuneafrique.com/info, mis en ligne 01/10/2007 à 18h:19, consulté le 10 janvier 2010.

205 Sur les cartes géopolitiques africaines des Etats-Unis, le Sahel et le Sahara constituent une seule zone.

206 Ouazani et Jean-Dominique GESLIN, idem, consulté le 10 janvier 2010.

207 Pierre ABRAMOVICI, op.cit., p. 16.

B. La mise en oeuvre des mécanismes de sécurisation à travers les dispositifs militaires

La volonté d'une sécurisation réelle du golfe de Guinée s'est accentuée à partir du moment où cette zone a changé de configuration dans la politique énergétique des Etats-Unis, et coïncidait aussi avec la lutte contre le terrorisme. En effet, les visites de militaires de haut rang, notamment celles du général Carlton Fulford à Sao-Tomé et Principe en 2002 et du général Charles F. Wald au Nigéria, en Angola, au Gabon et à Sao-Tomé et principe, en mars 2004, peuvent être examinées comme les germes de cette volonté. Ensuite, le programme de formation des forces équato-guinéennes dans le cadre de l'African Crisis Response Initiative (ACRI), l'ouverture au Nigéria, Anchor State (Etat-pivot), de la politique de sécurité des Etats-Unis en Afrique de l'Ouest, d'un centre de formation militaire du Joint Combined Arms Training System (JCATS), à Abuja, l'organisation au Cameroun, en mai 2004, d'une session de l'African Center for Strategic Studies (ACSS), la supervision militaire de la sous-région par le commandement européen de l'armée américaine (USeucom), sont significatifs de la volonté des Etats-Unis de prendre position dans le golfe de Guinée et d'y «établir un mandat régional»208. Mais des sources officielles américaines, la sécurisation du continent est une question antérieure à cette série d'événements. Mais dans le cadre de la guerre déclarée au terrorisme international, d'autres zones du continent deviennent aussi importantes du point de vue sécuritaire. Depuis 2007, est né Africom, le commandement militaire américain pour l'Afrique.

Les concepteurs du Commandement militaire des Etats-Unis d'Amérique pour l'Afrique comprenaient les rapports importants entre la sécurité, le développement, la diplomatie et la prospérité en Afrique. Par conséquence, le Commandement militaire des Etats-Unis d'Amérique pour l'Afrique, ou l'AFRICOM, a adopté une structure des effectifs très intégrée, une structure qui inclut une représentation important de personnel venant du Département de l'Etat, de l'USAID, et d'autres agences gouvernementales américains qui travaillent avec l'Afrique 209.

Il s'agit aussi de rationaliser les opérations menées par les États-Unis en Afrique, en réunissant dans une seule et même structure tous les pays du continent - à l'exception de l'Égypte -, jusqu'à présent répartis dans trois commandements différents : le Central

208 Wullson MVOMO ELA, op cit., p.13.

209 http://www.africom.mil/indexFrancais.asp, consulté le 28 décembre 2009, 18h.

Command (CentCom), basé en Floride, le Pacific Command (Pacom), situé à Hawaii, et l'European Command (Eucom), installé à Stuttgart, en Allemagne. À terme, ce redéploiement permettra à l'Amérique de n'avoir plus qu' « un commandant qui travaille avec les Africains quotidiennement, au lieu de trois différents qui ont chacun d'autres priorités relatives à leur région », selon le sous-secrétaire à la Défense, Ryan Henry210. La structure devrait pouvoir compter sur un millier d'hommes environ.

L'autre nécessité pour Africom est de s'établir sur le continent à partir d'une base. Déjà de nombreux pays africains se montrent retissant pour l'installation de l'état-major d'Africom sur leurs territoires. Dans le golfe de Guinée, l'armée américaine a pu contourner l'opposition des Etats africains en établissant une station radar à São Tomé211, nouveau venu au club des pays producteurs de pétrole. Cette implantation permet de sécuriser les approvisionnements en provenance de l'Angola, du Gabon, du Congo, de la Guinée équatoriale et du Nigéria212. Il faut retenir, au demeurant, que la préoccupation numéro un de Washington demeure focalisée sur l'équilibre géopolitique de la zone et sur la stabilité des pays producteurs de brut.

Section 2 : Les dimensions fortement hégémoniques de la sécurisation du golfe de Guinée

Après la guerre froide, les Etats-Unis se sont engagés dans la protection de l'avancée du monde occidental. Parlant de la politique géoéconomique des Etats-Unis, Jacques Fontanel dit que c'est le besoin de sécurité globale qui en est le fondement213. Aussi, le développement économique est un instrument de promotion de stabilité politique... Les Etats-Unis se sont engagés dans la recherche de l'hégémonie, seule politique permettant, à leurs yeux, de maintenir un niveau de sécurité nationale suffisant. Une telle entreprise est subordonnée à la puissance militaire dont la vertu serait d'empêcher la guerre sans renoncer pour autant aux

210 Jean-Baptiste MAROT, « les GI débarquent », in Jeune Afrique, N°2571, du 18 au 24 avril 2010.

211 Il s'agit d'un système de surveillance dont le coût est estimé a 18 millions de dollars et dont la portée couvrira l'Afrique centrale en général, et le golfe de Guinée en particulier. Selon Jendayi FRAZER, secrétaire d'État déléguée aux Affaires africaines, cette zone est le théâtre de nombreuses formes de criminalité. La pêche clandestine représente un manque à gagner annuel de 1 milliard de dollars pour les pays riverains. Au moins vingt-cinq actes de piraterie ont été recensés en 2005 dans ces eaux qui restent un point de passage important pour le trafic international de la cocaïne. Quant aux violences que connaît depuis un an le Delta du Niger et qui ont fait plus d'un millier de morts, elles provoquent d'importantes ruptures d'approvisionnement en hydrocarbures. Source : Jeune Afrique, « Radars américains » article mis en ligne le 02/01/2007, disponible sur jeuneafrique.com, consulté le 15 décembre 2009.

212 Ces programmes accompagnent une stratégie reposant sur la notion classique d'"Etats pivots" ; l'assistance militaire est, en effet, orientée prioritairement vers certains Etats, considérés comme susceptibles d'assurer la stabilité régionale.

213 Jacques FONTANEL, op. cit., p. 356.

principes des intérêts nationaux. La puissance militaire américaine devient un instrument au service des intérêts nationaux qui eux-mêmes résident sur l'idée d'une paix mondiale214. Plus concrètement, « la politique des Etats-Unis dans le golfe de Guinée s'inscrit dans une logique d'hégémonie globale »215. Il s'agit d'une volonté de domination et de prosélytisme incontestable.

Paragraphe 1 : A travers l'aide publique

L'aide publique est présentée dans les discours libéraux comme présentant des grands avantages pour les pays qui la reçoivent. Les Etats-Unis en se projetant sur le golfe de Guinée ne peuvent pas ignorer que cette aide est un moyen pertinent de domination.

A. L'aide publique dans la pensée américaine : un outil de politique étrangère

Dans la pensée américaine, l'aide publique au développement est un instrument fondamental de politique étrangère. Il s'agit d'une approche foncièrement néolibérale et néoréaliste. L'aide publique permet aux Etats-Unis, non seulement de soutenir leurs partenaires, mais de toucher les populations dans les Etats surtout les moins développés afin que celles-ci soient insérées désormais dans une logique d'acteurs, dans une perspective de démocratie et de bonne gouvernance. A dire vrai, la pauvreté ou le sous-développement des autres sont considérées comme des menaces pour les américains. Aujourd'hui, les Etats-Unis ont mis sur pied de nombreuses agences dans le domaine de l'aide bilatérale : US Agengy for International Development, The Peace Corp (volontaires qui acceptent de travailler dans les pays pauvres), The Interamerican Foundation et l'African Development Foundation.

Officiellement, il s'agit pour le gouvernement américain d'encourager la croissance des autres pays dans le cadre d'une gouvernance démocratique, renforcer les Etats fragiles en vue d'améliorer leur sécurité et leur stabilité, face aux désastres naturels et aux crises politiques violentes. Il est question, en réalité, de prendre en compte les intérêts géoéconomiques des Etats-Unis en lien avec les pays d'une haute valeur stratégique, protéger l'environnement et la santé collective, apporter une aide humanitaire en vue de réduire la

214 On peut dire que le discours et l'action politique des Etats-Unis permettent de dégager une forte ambivalence. On a d'un côté cette volonté de promouvoir l'expansion de la "civilisation américaine"(liberté de conscience, démocratie, égalité des chances) à travers le monde dont la principale articulation est la volonté de promouvoir la liberté de commercer et d'entreprendre. D'un autre côté, les Etats-Unis soutiennent l'ouverture au libre-échange, véritable impératif pour que leurs entreprises se développent.

215 Wullson MVOMO ELA, op cit, p.15.

misère et enfin aider à l'éducation216. Les travaux de Sami Makki sur «l'impact de la militarisation de l'humanitaire et de la privatisation du militaire » font prendre conscience qu'il s'agit d'une tendance structurelle qui n'est pas liée spécifiquement à l'idéologie néoconservatrice, quand bien même les conceptions néo-libérales qu'elle charrie peuvent renforcer les effets de ces transformations217.

B. L'aide publique américaine en oeuvre en Afrique

Le Commandement américain en Afrique inscrit l'aide dans le domaine social comme une de ses préoccupations majeures. La sécurité des Etats-Unis dépend de la sécurité globale qui elle-même dépend de la sécurité dans le domaine social des différents partenaires, nous le disons déjà. Pareille vision du monde concoure à l'établissement d'un commandement qui ne s'occupe plus seulement de la défense nationale au sens purement militaire du terme. Pour comprendre cette option politique, il convient de remonter à la période de la guerre froide pendant laquelle le gouvernement américain a beaucoup utilisé l'aide aux pays en développement comme outil diplomatique pour contenir l'expansion du communisme en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Aujourd'hui la menace soviétique détruite, cette aide a une visée hégémonique d'autant qu'elle sert d'instrument construction de la paix.

« La construction de la paix est une nécessité pour le gouvernement américain '>218. Et l'aide permet aux Etats africains bénéficiaires d'intégrer le processus de l'économie globalisée. Il s'agit aussi de dominer à travers le soft power219. Cette action correspond à l'intérêt des EtatsUnis de garantir un monde pacifié, prospère, capable de maintenir le niveau de vie des américains, tout en promouvant la démocratie et les droits de l'Homme. En défendant les valeurs chères au peuple américain, en faisant partager au monde entier grâce notamment à l'aide, le gouvernement américain renforce le pouvoir effectif du pays sur le destin du monde, donc sur l'Afrique aussi.

216 Dès octobre 2001, le secrétaire d'Etat Colin Powell avait déclaré que les ONG américaines constituaient « des multiplicateurs de forces '> et étaient « des instruments du combat '> américain contre le terrorisme. Barbara DELCOURT, cours de Théories de la sécurité, Université libre de Bruxelles, Année académique 2006-2007. P.117.

217 Sami MAKKI, << Guerre au terrorisme, paramilitarisme et droits de l'homme » in Le débat stratégique, n°80, Eté 2005.

218 LANCASTAR, <<foreign aid >>, in Foreign affairs, vol. 79, n°5, Septembre-Octobre 2000.

219 Contrairement au << hard power >> qui suppose de dominer par la force, le << soft power >> correspond à l'usage des moyens plus << doux >> mais qui présentent, in fine, les mêmes résultats de domination.

Un autre versant de l'aide publique dans le déploiement américain dans le golfe de Guinée est l'intervention humanitaire. On parle quotidiennement de désastre écologique, d'explosions démographiques, de drogue, de corruption, mais surtout d'épuration ethnique et les exemples dans l'histoire contemporaine africaine sont nombreux. Cette intervention est dirigée contre un adversaire, elle peut impliquer l'usage de la force et d'autres moyens coercitifs pour cesser des manquements massifs et violents au droit des personnes. Ceci est une option visible dans la présence américaine dans l'Afrique du golfe de Guinée qui intègre plusieurs types de lutte armée. Il y a des dynamiques groupusculaires (émiettement et radicalisation de la lutte), identitaires (recherches de spécificité souvent culturelle), communautaires (affirmation des l'unité nationale), autonomistes ou indépendantistes.

Un autre type d'aide est celle apportée aux Organisations de la Société Civile. Cette catégorie d'aide permet de comprendre que dans la nouvelle logique américaine, le peuple a un rôle grand à jouer. On est dans le paradigme de « l'universalisation de la démocratie »220
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Il s'agit d'émanciper le peuple afin de construire des sociétés démocratiques et plus ouvertes au libre marché et aux investissements étrangers. Pour cela, les objectifs de sécurité nationale des Etats-Unis seront atteints puisque la frustration qui a conduit aux évènements du 11septembre 2001 est née au sein des peuples. Dans le golfe de Guinée, les organisations non gouvernementales américaines sont bien présentes aussi dans la partie Afrique centrale qu'Afrique de l'ouest. Sur le terrain, des ONG de promotion de la démocratie et des Droits de l'Homme servent de relais pour être en même temps des sources perspicaces d'information pour le gouvernement américain. Au Cameroun par exemple, il existe plusieurs organisations notamment le CRAT, FAMM et d'autres ONG qui se font les chantres de la politique américaine. On peut aussi assimiler les médias qui reçoivent de nombreuses aides de la part du gouvernement américain. Ils l'interface entre les gouvernants et les gouvernés : ils sont donc associés à cette entreprise par leur formation à la couverture des challenges, à la responsabilité et au professionnalisme dans l'information de la société.

En tout état de cause, si la dimension hégémonique demeure dans ce que l'intervention militaire apparait comme un instrument de domination et qu'elle se propose de défendre les intérêts occidentaux par la recherche d'un consensus sur l'expansion du commerce international, avec des nouveaux standards et l'ouverture des marchés du Sud,

220 La promotion de la démocratie, même si, elle est vue comme un projet de propagation des idéaux américains, répond aussi à la logique idéaliste selon laquelle, « les démocraties ne se font pas la guerre ».

donc des économies du golfe de Guinée, on peut comprendre que la politique humanitaire devient de ce point de vue un instrument de choix stratégique221.

Une lecture réaliste et néoréaliste de l'aide en tant qu'instrument ou composante de politique extérieure part du postulat que tout Etat cherche d'abord à accroître ses richesses et son pouvoir. L'aide s'inscrit alors dans une relation par laquelle les donateurs acceptent un effort financier pour conquérir des marchés, maintenir et accroître leurs aires d'influence et promouvoir les intérêts de leur classe dirigeant222.. Basons-nous sur la théorie néoréaliste qui affirme que tout Etat cherche plutôt à garantir sa sécurité et sa survie et que l'arène internationale est appréhendée comme un lieu anarchique. On peut comprendre que les EtatsUnis se préoccupent d'abord de leur sécurité. Et l'aide publique sert ainsi à promouvoir les intérêts politiques et économiques du gouvernement américain en lui permettant d'influencer, de récompenser ou de punir d'autres pays. Il n'est pas étonnant donc qu'il est plus efficace de présenter l'aide publique au développement au Congrès des Etats-Unis comme un système de défense stratégique que de faire référence à la lutte contre la pauvreté dans des pays éloignés pour faire voter les budgets requis223.

Paragraphe 2 : A travers le modèle culturel

Les masses financières engagées lors des transactions pétrolières étant considérables, elles confèrent aux acteurs du marché un pouvoir d'influence global. Dès lors, les problématiques pétrolières peuvent constituer un levier pour promouvoir le rayonnement national. A ce titre, la présence d'une compagnie pétrolière de nationalité américaine dans un pays producteur génère de nombreux avantages culturels et diplomatiques. Les Etats-Unis ne sont pas seulement une grande puissance ou hyperpuissance du point de vue économique. Ils constituent aussi un modèle culturel dont la diffusion à l'échelle mondiale est une réalité permanente depuis le milieu du siècle dernier. Mieux, c'est même ce modèle qui concoure au rayonnement de la puissance américaine. Le déploiement américain dans une partie donnée du monde n'échappe pas à la diffusion de certains de leurs éléments culturels. En général, il est admis historiquement que les cultures dominantes ont toujours cherché à nier les cultures

221 De la sorte, on pourrait considérer que le militaire s'approprie progressivement l'espace humanitaire. Barbara DELCOURT, op cit, p.118.

222 Pierre JACQUET « Revisiter l'aide publique au développement » in Economie internationale, n° 108, 2006.

223 Gilles CARBONNIER, « L'aide au développement une fois de plus sous le feu de la critique », in Revue internationale de politique de développement, disponible sur http://poldev.revues.org/122, Consulté le 04 mai 2010, 11h.

régionales, du moins à réduire leurs visibilités. Aujourd'hui, la circulation des certaines cultures, notamment des pays pauvres, est mise à mal par l'homogénéisation occidentale, ou plutôt américaine. La culture est même devenue une marchandise dans ces conditions puisqu'elle respecte la loi du marché.224 En tout cas, elle est productrice de sens et constitue un élément de géopolitique, au sens de Zaki Laidi, pour qui justement si le continent africain tâtonne pour être un espace de sens, il subira naturellement l'influence des autres225.

Il devient donc clair que « si l'Amérique domine aujourd'hui le monde, elle le doit autant à l'hégémonie de sa culture qu'à sa puissance économique »226. Or, aux Etats-Unis, les deux sont intimement liés puisque Hollywood (siège des industries culturelles américaines) est l'une des industries les plus florissantes du pays227. A l'intellectualisme s'oppose le mercantilisme, au protectionnisme le libre-échangisme. Philippe Moreau Desfarges résume fort pertinemment la situation américaine lorsqu'il note que les Etats-Unis sont dans une position de producteur dominant dont le premier objectif est d'élargir son marché. Les biens culturels ne sont peutêtre pas des marchandises comme les autres mais ils se vendent, ils s'achètent, s'exportent et s'importent. Quel est le gouvernement qui ne se mobiliserait pas pour la promotion d'un des fleurons de son économie, surtout à une époque où, justement l'une des tâches qui reste à la politique est le soutien au déploiement extérieur des activités nationales228.

Paragraphe 3. A travers un système de dépendance économique

Ce troisième point permet de comprendre l'ambivalence du discours de sécurisation que prônent les Etats-Unis. « L'approche américaine n'est pas dénuée d'intérêt stratégique puisqu'elle constitue aussi une appréhension plus globale de la sécurité, fondée sur la stabilité attendue de l'insertion - délicate - des sociétés africaines dans la sphère de l'économie marchande, dominée par les Etats-Unis »229. Depuis septembre 2001, des nombreuses manoeuvres sont entreprises par le gouvernement américain pour donner au golfe de Guinée une nouvelle dimension dans l'économie mondiale. Dans ce cadre, on peut reconnaitre avec Jacques Fontanel que « les pouvoirs publics américains influencent les rapports commerciaux, souvent au

224 Jacques FONTANEL, op. cit, p.511.

225 Zaki LAIDI, op. cit., p. 100 et suiv.

226 Ibidem.

227 Un exemple : pour les Américains, l'enjeu économique induit par la production cinématographique apparaît très vite. En effet, le coût d'un film ne varie pas qu'il ait cent mille spectateurs où quelques millions, d'où l'intérêt d'étendre le marché des films américains le plus possible. La conception américaine de la production cinématographique et audiovisuelle est en cela très différente de celle de la France, par exemple.

228 Philippe MOREAU DESFARGES, cité par Jacques FONTANEL, op. cit., p.376.

229 Frédéric LERICHE, op. cit., p.15.

détriment des populations locales. La domination économique l'emporte sur le développement »230. Particulièrement, souligne-t-il, d'ailleurs que comme les Etats africains sont très endettés, la monnaie d'échange la plus solide dont ils disposent est de donner l'accès aux firmes étrangères à la richesse de leur sous-sol. Parce que dépendants des variations brutales du prix du pétrole brut, et des conflits politiques et sociaux internes et externes, avec la prédation des entreprises transnationales, les Etats du golfe de Guinée comptent uniquement sur l'exportation de leur pétrole vers les puissances étrangères dont les Etats-Unis. Cette malédiction pétrolière231 détruit les autres activités exportatrices.

La présence américaine devient donc un moyen de rendre les Etats du golfe de Guinée dépendant vis-à-vis des Etats-Unis en termes de leur exportation232. Dans cette perspective, le pétrole servira plus au développement de la géoéconomie des Etats-Unis qu'au développement réel de la sous-région. On retombe dans «le partage inégal » c'est-à-dire la faible intégration des économies périphériques dans l'économie-monde dominée par la prédation et l'omniprésence des économies du centre (les pays développés).

*
* *

Conscient du rôle que joue le golfe de Guinée pour son intérêt national, le gouvernement américain n'hésite pas à déployer des gros moyens militaires pour sécuriser la région. Ces moyens permettent dans un premier temps de sécuriser les approvisionnements énergétiques, ensuite de se positionner militairement dans la zone afin de répondre à d'autres logiques sécuritaires.

Une telle présence militaire s'accompagne de nombreux autres moyens mis en oeuvre pour se positionner et étendre la puissance américaine dans cette partie du globe. Ainsi, il apparait plus facile de dominer par l'aide publique ou le modèle culturel. Le << soft power >> permet à ce niveau de légitimer l'hégémonie américaine dans le golfe de Guinée. Ce qui a

230 Jacques FONTANEL, op cit., p. 561.

231 Paul COLLIER, << développement : la malédiction pétrolière >>, in Sociétal, n° 42, 4e trimestre, 2003.

232 On retiendra avec Frédéric LERICHE (idem) qu'il s'agit d'une double stratégie. Le shaping qui consiste à façonner l'environnement social et économique africain aux normes et standards américains par un ensemble d'opérations de médiatisation favorables à l'image de marque des Etats-Unis. La civilianization repose sur le principe que les forces démocratiques dominent les forces militaires. Il s'agit un préalable à la mise en place d'un processus de développement, commercial, dont l'économie américaine pourrait tirer partie.

aussi pour conséquence à long terme de maintenir les Etats de cette région dans une dépendance vis-à-vis des Etats-Unis, non seulement du point de vue de leurs exportations mais aussi stratégiquement.

Conclusion de la deuxième partie

L

a sécurité du golfe de Guinée est un enjeu d'intérêt national pour chaque acteur étatique engagé dans la région. Vu de la région, cette entreprise de sécurisation permettra aux répondre aux différentes menaces qui

fragiliseraient la production et affaibliraient les Etats dans leurs fonctionnements quotidiens. Il s'agit ici de recomposer l'ordre sécuritaire. Les Etats s'y attèlent non sans grandes difficultés. D'abord individuellement, puis collectivement voire avec des acteurs étrangers à la région dont cette sécurisation concoure au renforcement de leur sécurité nationale. C'est le cas des Etats-Unis qui ont grand intérêt à sécuriser cette région.

Sécuriser le golfe de Guinée permet aux Etats-Unis de répondre à des logiques sécuritaires dont le fondement reste l'expansionnisme militaire, traduit dans la région par un déploiement des soldats américains et une aide à la formation des armées nationales. Ce déploiement n'est pas seulement d'ordre philanthropique. Ainsi, la sécurisation de la région s'inscrit dans la dynamique de la sécurité nationale américaine post 11 septembre. Et les politiques d'aide et de coopération entreprises par le gouvernement américain suivent toujours cette logique, en permettant surtout l'expression de l'hégémonie des Etats-Unis.

CONCLUSION GENERALE

Par delà les illusions rétroactives et le blues colonial, c'est bien un nouvel ordre mondial qui se construit en Afrique. 233

L

e présent travail visait la compréhension des interactions entre le pétrole et la sécurité à travers l'analyse du déploiement américain dans le golfe de Guinée. Cette région est, en effet, devenue très importante pour le

gouvernement américain. En même temps, on note une croissance au niveau des agrégats macroéconomiques soutenus par l'exploitation énergétique dans les Etats pétroliers de cette région. Comme tels, on comprend le rôle et les enjeux pour chaque acteur. Toutefois, on note aussi une forte détérioration du champ sécuritaire. La question de fond était de voir en quoi les enjeux liés à l'exploitation de l'énergie, et du pétrole particulièrement, permettent aux acteurs étatiques en présence (Etats du golfe de Guinée et Etats-Unis) de répondre à leurs logiques sécuritaires?

Deux axes ont paru légitimes pour répondre à pareille interrogation. D'abord, identifier l'intensification de la production énergétique dans le golfe de Guinée comme augmentant les risques d'insécurité aussi bien pour la région que pour les Etats-Unis. Autrement dit, plus la production énergétique augmente, plus les menaces et l'insécurité deviennent importantes. Ensuite, il s'agissait de comprendre la sécurisation du golfe de Guinée comme un enjeu majeur pour l'intérêt de la région et des Etats-Unis. Autrement dit, elle est une réponse aux défis de préservation de la paix, de répartition des rentes pétrolières pour les Etats de la région. En même temps, elle permet aux Etats-Unis de garantir leurs approvisionnement et de se pré positionner militairement.

Cette étude, passée sous le prisme du néoréalisme et de l'analyse stratégique, a permis de comprendre que le golfe de Guinée est une région qui fait face à un ensemble de flux ; lesquels participent d'un désordre sécuritaire et menacent aussi bien la production énergétique que << la survie » même des Etats. En réalité, plusieurs raisons sous-tendent la convoitise dont fait l'objet le golfe de Guinée, notamment de la part des Etats-Unis. D'abord, la structure du système énergétique international et ensuite, la spécificité de la région. Le golfe de Guinée est une source croissante d'approvisionnement énergétique pour Washington, soucieux de la

233 François GAULME, << au-delà du blues colonial, un nouveau cadre international pour la sécurité en Afrique », in Afrique contemporaine, n° 208, p.85.

diversification en la matière. Il reste que pour les Etats-Unis, cette insécurité menace plusieurs intérêts économiques, diplomatiques et politiques. Puisque le pétrole est une question d'intérêt et de sécurité nationale, c'est donc une préoccupation pour Washington. Autrement dit, l'insécurité dans le golfe de Guinée est aussi une insécurité pour les EtatsUnis.

La décomposition sécuritaire dans le golfe de Guinée permet aux Etats de la région et aux Etats-Unis de repenser les besoins d'une recomposition sécuritaire. Toute la deuxième partie s'est inclinée à étudier l'influence des enjeux énergétiques sur la recherche de l'ordre sécuritaire dans le golfe de Guinée. Pour les Etats de cette région, en même temps qu'il s'agit de la considérer comme un moyen pour eux de reconstruire les institutions, de construire la nation et surtout d'intégrer des nouveaux outils de gouvernance dont le manque structurait l'insécurité, la sécurisation est un atout pour la production énergétique et la répartition de la rente qui en est issue. La sécurité du golfe de Guinée est un enjeu d'intérêt national pour chaque acteur étatique engagé dans la région. Les initiatives sont d'abord individuelles. C'est ainsi que de nombreuses reformes sont entreprises au sein de ces Etats pour redonner un nouveau visage à leurs appareils sécuritaires, en mal de légitimité. Mais la dimension transfrontalière de l'insécurité convoque une action collective entre plusieurs Etats. Tantôt la CEEAC, tantôt la CEDEAO sont, à travers leurs différents mécanismes et instruments de sécurité, des véritables alternatives à la CGG dont les limites sont visibles en matière de sécurisation. Ainsi, la complexification du jeu sécuritaire pousse les Etats à voir au-delà des frontières du golfe de Guinée. D'où l'entrée en jeu, dans le champ sécuritaire du golfe de Guinée, des Etats-Unis.

Cette action de sécurisation venant des Etats-Unis n'est pas une action de pure philanthropie. Il s'agit, en effet, pour le gouvernement américain de sécuriser ses routes d'approvisionnent et de se déployer dans la région. Ainsi, l'action est d'abord militaire : formation des armées locales, recherche d'une base en vue d'un pré positionnement des troupes, mise sur pied d'un commandement pour le continent, mise sur pied d'un arsenal de programmes militaires. Cette action répond aux enjeux énergétiques et suit aussi une logique sécuritaire qui s'inscrit dans une action globale des Etats-Unis pour faire face aux nouvelles menaces à leur sécurité nationale : le terrorisme, les « Etats-voyous », les autoritarismes ou encore la faible insertion de certains Etats dans la globalisation. Cette stratégie américaine ne va pas sans intérêt de puissance. Au-delà du soutien apporté aux Etats du golfe de Guinée, il

s'agit de dominer non plus à travers le << hard power >> mais surtout, le << soft power >>. De ce fait, l'aide au développement, l'aide politique ou encore la mise sur pied des initiatives comme l'Agoa ne sont rien d'autre que des instruments de politique étrangère et de sécurité nationale des Etats-Unis, dont la permanence dépend de la sécurité des ses partenaires. Il s'agit de comprendre que la dimension hégémonique de ces actions constitue le fondement de la géoéconomie américaine.

Il est vrai que cette étude a permis de confirmer nos hypothèses de travail. Mais, il reste que le déploiement américain dans le golfe de Guinée se fait dans une période de forte consommation de la part des pays émergents qui n'hésitent pas, eux aussi, à entrer dans cette << ruée » vers le pétrole africain. Et l'Afrique dans tout cela ? L'espace golfe de Guinée deviendra-t-il un espace de rivalité entre puissances ? Assistera-t-on à une guerre énergétique dont le golfe de Guinée sera le théâtre ? En même temps, la dépendance des Etats de la région à l'exportation du pétrole n'est-elle pas une menace à leur prospérité économique, tant il est vrai que nous faisons face à des économies de moins diversifiées ? Le pétrole ne sera-t-il pas un nouveau moyen de captation de ressources et de conservation de pouvoir, synonyme de déficit de gouvernance ? Peut-on faire du pétrole un atout véritable de développement ?

Point n'est besoin de noter, ici, que ces interrogations permettent de dessiner des scénarii sur le futur de la sous-région africaine du golfe de Guinée. Sans que ces questions ne soient l'objet directe de ce travail, leurs analyses peuvent être des nouveaux themes d'étude que la présente recherche permettra peut être d'étayer, ne serait-ce qu'en partie !

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Discours

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Rapports, communications et études

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Royal Institute of International Affairs, << Thirst for African Oil : Asian National Oil Companies in Nigeria and Angola>>, disponible à www.chathamhouse.org.uk, consulté le 10 décembre 2009, 15h00 Léopold Maxime EKO EKO, << Gestion des crises liées à l'exploitation pétrolière dans le Golfe de Guinée : La rétrocession de Bakassi otage des pseudo-sécessionnistes biafrais >>, Etude stratégique, disponible sur http://www.strategicroad.com/pays/strategicpubs.htm, consulté le 29 novembre 2009

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CEEAC, Feuille de route« paix et sécurité » de la CEEAC, Pour discussion au séminaire Afrique Centrale, PIR 10ème FED, Bruxelles, du 30 septembre au1er octobre 2009

Thèses, mémoires et cours

Alexis NZEUGANG, << Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001 : contribution à l'étude des dimensions pétrolière et militaire », Mémoire de Master II en Science Politique, Université de Yaoundé 2/ SOA, 2006

Barbara DELCOURT, cours de Théories de la sécurité, Université libre de Bruxelles, Année académique 2006-2007

Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, « L'ordre et la sécurité publics dans la construction de l'Etat au Cameroun », These de doctorat en science politique, Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux, Université Montesquieu Bordeaux 4, février 2007

Claude-Ernest KIAMBA, cours d'Analyse des conflits, licence de Sciences juridiques et Politiques, Université Catholique d'Afrique Centrale, 2008-2009

Ghislain Claude ESSABE, << Enjeux géopolitiques et tensions dans le golfe de Guinée: approche communautaire de règlement par la diplomatie parlementaire », projet de Thèse, Université Omar Bongo de Libreville, Libreville, 2008.

Neomi RAL, « La stratégie sécuritaire des Etats-Unis dans la corne de l'Afrique depuis le 11 septembre 2001 », mémoire de maitrise en Science politique, Université du Québec Montréal, août 2008.

Thérèse Félicitée AZENG, << Dépenses militaires, gouvernance et efficience économique : le cas de l'Afrique sub-saharienne », Mémoire de Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Sciences Economiques, spécialité macroéconomie appliquée, option finances publiques, Université de Yaoundé 2/ SOA, 2007.

Xavier Bienvenu KITSIMBOU, << la démocratie et les réalités ethniques au Congo », Thèse de doctorat en Science politique, Université de Nancy 2, 2001

Conventions internationales

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Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale, Protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité de l'Afrique centrale (Copax), 1999

Annexe 1 : Carte du golfe de Guinée (prise de vue satellite)

Source : Image NASA, Europa Technologies, TerraMetrics et National Geographic, 2007

Annexe 2 : Evolution de la production énergétique dans le golfe de Guinée

Etats

Date de démarrage de la

production

Production pétrolière de l'Afrique sub-saharienne entre 1990 et 2005 (en millions de tonnes). NB: les chiffres de 2005 représentent la production en millions de barils/jour

1990

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Nigeria

1958

88

88

103,
3

107,
8

98,6

107,4

116

2,4

Angola

1956

24

36

70,6

70

84

86

98

1,6

Congo Brazzaville

1960

7,5

13

13,1

20

11,8

11,2

11,3

0,26

Guinée Equatoriale

1993

 

5

5,9

25

11,5

13,5

17,4

0,42

Gabon

1957

14

16

31

50

30

26

22

0,26

Soudan

1992

 

1,8

5

7,5

8,2

8,8

12,8

0,41

Tchad

2003

 
 
 
 
 

10

10

0,22

Cameroun

1977

8

5

9

10

3,7

35,6

32,9

0,08

RD Congo

1976

1,4

1

1,1

1,2

1,2

1,2

1,2

0,02

Cote d'ivoire

1975

n.d.

0,5

0,03

0,03

0,06

0,01

0,01

 

Ghana

1985

n.d.

0,3

0,26

0,28

0,28

0,32

0,32

0,07

Bénin

1999

n.d.

0,02

0,01

0,01

0,03
2

0,03

0,03

0,04

Sao-tomé et Principe

2007

 
 

0

0

0

0

0

0

Source : Michel KOUNOU, 2006

Annexe 3 : Indicateurs généraux de pauvreté dans les Etats producteurs du pétrole (du golfe de Guinée) entre 2001 et 2004

 
 

indicateurs
de
pauvreté
humaine,
valeur en
%

Taux de
privation
d'accès
régulier à un
point d'eau;
valeur en %

insuffisance
pondérale des
enfants de
moins de 5 ans

Taux
d'alphabétisme
(2001)

 

1 Nigeria

38,8

40

29

56,8

 

2 Angola

41,5

50

31

42

 

3 Congo Brazzaville

30,1

54

14

82,8

 

4 Guinée Equatoriale

38,1

56

19

84,2

 

5 Gabon

 

13

12

71

 

6 Soudan

32,4

31

17

59,9

 

7 Cameroun

36,2

37

21

67,9

 

9 RD Congo

41,4

54

31

62,7

 

1 Côte d'ivoire

41,9

16

21

49,7

 

1 Tchad

58,8

66

28

45,8

 

1 Ghana

35,1

21

25

73,8

 

1 Bénin

48,4

32

23

39,8

 

1 Sao-tomé et

Principe

 

21

13

83,1

Source : Michel KOUNOU, 2006

Table des matières

Dédicace iRemerciements ii

Liste de sigles et abréviations iiiListe de tableaux et graphiques v

Sommaire viRésumé viiAbstract viiiINTRODUCTION GENERALE 1

1. Contexte de l'étude 2

2. Délimitation de l'étude 3

(a) Délimitation spatiale et temporelle 3

(b) Délimitation matérielle 5

3. Définition des concepts 6

4. Intérêt de l'étude 9

5. Revue de littérature 10

6. Problématique 14

7. Hypothèses 14

8. Cadre méthodologique 15

PREMIERE PARTIE :ENJEUX ENERGETIQUES ET DECOMPOSITION SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE 17

CHAPITRE 1 :PRODUCTION ENERGETIQUE ET PRODUCTION DE L'INSECURITE DANS LES ETATS DU GOLFE DE
GUINEE 18

Section 1 : Le golfe de Guinée comme « espace-enjeu » en matière énergétique : pourquoi le pétrole de la
région attire ? 19

Paragraphe 1. Les raisons liées à la géopolitique mondiale du pétrole 19

A. La montée des nouveaux consommateurs et la réconfiguration des précarrés 19

B. La problématique des alternatives à la dépendance et le scénario du futur énergétique 20

Paragraphe 2. Les raisons liées à la spécificité de la région 22

A. Le golfe de Guinée : une région au potentiel énergétique avéré et à la production croissante 22

B. Les facilités d'investissement pour les multinationales pétrolières et le manque de moyens

techniques des Etats du golfe de Guinée 24

Section II : Augmentation de la production énergétique, émergence des nouveaux intérêts et accroissement
des flux transnationaux dans le golfe de Guinée : une rencontre des risques d'insécurité 25

Paragraphe 1. L'augmentation de la production comme facteur d'insertion de nouveaux flux économiques : multinationales, «économie des gangs » et gestion interne de la rente pétrolière

25

A. L'insertion des multinationales dans le champ de l'économie pétrolière africaine : entre

logiques rentières et dynamiques prédatrices 26

B. Criminalisation des Etats, émergence de « l'économie de gangs» et répartition inégale des ressources pétrolières 27
Paragraphe 2. Augmentation des flux démographiques et culturels et apparition des acteurs non

étatiques aux intérêts divers: la dissémination des territoires dans le golfe de Guinée 30

A. Le contrôle et la gestion des ressources au coeur des velleités ethnoculturelles 30

B. « La révanche de l'individu » : flux réligieux et migrations dans le golfe de Guinée 32

Paragraphe 3 : Pétrole et différends territoriaux 34

CHAPITRE 2 36

LE GOLFE DE GUINEE : DE L'ALTERNATIVE ENERGETIQUE A LA MENACE SECURITAIRE POUR LES ETATS-UNIS 36

Section 1 : Le golfe de Guinée dans la « pétro stratégie » américaine 37

Paragraphe1. La politique énergétique des Etats-Unis : fondements et mise en oeuvre 37

A. Les fondements de la politique américaine en matière énergétique 37

B. Mise en oeuvre de la politique énergétique des Etats-Unis 39
Paragraphe II. Le golfe de Guinée comme « espace vital » en matière énergétique pour les Etats-

Unis 40

A. Le golfe de Guinée comme source d'approvisionnement énergétique 40

B. Le golfe de Guinée comme zone de projection économique pour les multinationales

pétrolières américaines 41

Section 2. Insécurité dans le golfe de Guinée : un défi pour la sécurité nationale des Etats-Unis 43

Paragraphe 1. Les enjeux actuels de la sécurité nationale américaine et leurs impacts sur la

politique africaine des États-Unis 43

A. Les enjeux de la sécurité nationale américaine après le 11 septembre 2001 43

B. Sécurité nationale et politique africaine des Etats-Unis 45

Paragraphe 2. L'insécurité dans le golfe de Guinée comme menace pour l'approvisionnement énergétique des Etats-Unis 46

A. Menace pour les installations pétrolières continentales 46

B. Menaces pour les installations pétrolières maritimes 47

Paragraphe 3. L'insécurité dans le golfe de Guinée comme menace pour les intérêts politiques et diplomatiques des Etats-Unis dans la région 48

Conclusion de la première partie 52

DEUXIEME PARTIE :ENJEUX ENERGETIQUES ET RECOMPOSITION SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE 53

CHAPITRE 3 54

LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE AU MIROIR DES DEFIS INTERNES ET SOUS-REGIONAUX 54

Section 1. La sécurisation comme outil de construction de la paix dans les Etats du golfe de Guinée 55

Paragraphe 1. La restructuration de l'Etat et la construction nationale 55

A. La reforme de l'Etat comme moyen de renforcer les institutions et de restaurer la légitimité sécuritaire 55

B. Le problème de la construction de la nation 56

Paragraphe 2. De la captation à la répartition de la rente pétrolière : une logique de changement 57

Section 2. Les dimensions militaires de sécurisation et leur mise en oeuvre par les Etats du golfe de Guinée 61

Paragraphe 1. Les initiatives nationales de sécurisation 61

A. La reconsideration de la sécurité nationale des Etats dans le golfe de Guinée 61

B. L'impact des reformes du secteur de la sécurité sur la gouvernance des Etats 62

Paragraphe 2. Les initiatives sous-régionales ou comment la sécurisation convoque la

« gouvernance collective » 65

A. La question de la coopération sous-régionale et les limites de la CGG 65

B. Les mécanismes et instruments sous-régionaux de sécurisation : la CEEAC et la CEDEAO au service de la CGG 66

C. La coopération sécuritaire internationale comme solution aux apories des initiatives sous

régionales : l'entrée en jeu des Etats-Unis 69

CHAPITRE 4:LA VISION AMERICAINE DE LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE : UN ENJEU
MULTIDIMENSIONNEL DE SECURITE NATIONALE 71

Section 1 : La sécurisation du golfe de Guinée comme moyen de sécuriser les approvisionnements
énergétiques et de pré positionnement des Etats-Unis 72

Paragraphe 1 : Sécuriser les approvisionnements 72

A. La sécurisation des installations 72

B. Sécuriser le personnel 76

Paragraphe 2 : L'opportunité d'un pré positionnement américain dans le golfe de Guinée 76

A. L'expansionnisme militaire américain et son prolongement en Afrique 76

B. La mise en oeuvre des mécanismes de sécurisation a travers les dispositifs militaires 79

Section 2 : Les dimensions fortement hégémoniques de la sécurisation du golfe de Guinée 80

Paragraphe 1 : A travers l'aide publique 81

A. L'aide publique dans la pensée américaine : un outil de politique étrangère 81

B. L'aide publique américaine en oeuvre en Afrique 82

Paragraphe 2 : A travers le modèle culturel 84

Paragraphe 3. A travers un système de dépendance économique 85

Conclusion de la deuxième partie 88

CONCLUSION GENERALE 89

BIBLIOGRAPHIE 92

Annexes A






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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera