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La protection sociale au Cameroun

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par Alex OKOLOUMA
Université de Yaoundé II-Soa - DEA en sciences économiques 2008
  

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3.1.1. L'assurance sociale : entre deux modèles

Les deux modèles de protection sociale entre lesquels les systèmes d'assurance sociale réalisent un compromis peuvent être distingués à partir de leur définition du risque, ou, mieux encore, de la « qualification » (Livet et Thévenot, 1994) des personnes qui y sont exposées. Dans le cadre du modèle assuranciel, c'est le salarié qui est exposé aux risques ; du point de vue du modèle de transferts sociaux par l'impôt, c'est le citoyen.

A ces différentes qualifications correspondent des modes spécifiques de distribution des charges et des avantages en matière de couverture des risques sociaux. Des caractérisations dissemblables de la nature du bien « protection sociale », qui traduisent des conceptions divergentes de la fonction d'assurance exercée par les systèmes de protection sociale, leur sont également associées. Ces deux modèles reposent en conséquence sur des formes institutionnelles contrastées, qui se traduisent par des modalités de financement et par un droit des prestations dans chaque cas originaux.

3.1.1.1. Qualifications des assurés et caractéristiques du bien assurance

Depuis leur origine, les assurances sociales reposent sur un compromis, évolutif à travers le temps, entre des qualifications concurrentes des personnes exposées au risque. C'est l'économie de ces qualifications, qu'il s'agit ici de préciser.

Le modèle d'assurance du revenu salarial

Ce premier modèle repose sur une qualification des assurés comme personnes exerçant une activité professionnelle subordonnée à la conclusion d'un contrat de travail salarié. Définir le risque comme risque professionnel lié à l'activité de production, c'est choisir de mettre chacun à contribution en fonction de son efficacité productive et de fixer l'indemnisation à proportion de celle-ci. Il s'agit alors d'assurer la capacité à conserver un revenu salarial dans le cadre d'une communauté de risque limitée aux cotisants.

Au niveau le plus général, ce modèle met en avant la relation d'équivalence entre la prestation et la contre-prestation, compte tenu d'une redistribution des risques ex post entre les assurés. Le principe d'équivalence joue un rôle central pour apprécier le rôle et la portée des principes assurantiels dans le cadre des assurances sociales, de même qu'il occupe une place de choix dans les débats sur les réformes. Il revêt cependant des significations différentes selon qu'il renvoie à l'équivalence globale, à l'équivalence actuarielle ou à l'équivalence relative.

En termes techniques, une police d'assurance doit être conçue comme une créance conditionnelle dont l'échange permet une redistribution des risques portant sur la richesse (le revenu salarial) aléatoire entre agents économiques rassemblés au sein d'une communauté de destin. Pour pratiquer cette activité d'intermédiation financière qui consiste à redistribuer les risques, l'assureur prélève une somme de primes qui, compte tenu d'une évaluation du risque, doit couvrir le montant des prestations. Il existe donc une contrainte d'équivalence globale entre la valeur de la totalité des primes qui (des cotisations) et la valeur de la somme des indemnités à verser (des prestations). L'équivalence globale entre les primes nettes et les prestations n'a de sens que pour un horizon temporel et un facteur d'actualisation donnés, qui peuvent être variables selon le mode de financement. Ces trois éléments : la communauté de risque (fermée), la redistribution des risques conditionnelle à des états aléatoires et l'équivalence globale, caractérisent toute activité d'assurance ; que l'assurance soit ou non marchande.

L'assurance sociale se singularise, en revanche, par l'interdiction qui lui est faite de pratiquer la sélection des risques. A la prime actuarielle se substituent un taux de cotisation proportionnel, assis sur le revenu salarial et le principe d'équivalence relative.

Les prestations en espèces ne sont pas directement fonction de la cotisation mais reposent, compte tenu du taux de remplacement du salaire. La cotisation est, elle aussi, prélevée sur le salaire et son montant absolu traduit, compte tenu du taux en vigueur, la place du revenu dans la hiérarchie salariale. Il doit donc y avoir une équivalence entre les cotisations versées et les prestations à recevoir, relativement au revenu salarial assuré. Puisque le droit à prestation acquis par le versement de cotisations est à proportion du salaire, la hiérarchie des prestations doit refléter la hiérarchie des salaires. Pour être garantie à travers le temps, cette équivalence doit être exprimée en termes de salaire moyen des assurés sociaux. En même temps qu'un rang dans la hiérarchie salariale, l'assuré acquiert ainsi un droit à une part de la somme des cotisations prélevées en cas d'occurrence du dommage.

Le principe « d'équivalence relative », à proportion du revenu salarial, est plus contesté en ce qui concerne les prestations en nature (pour l'essentiel les biens et services médicaux). Cependant, le mode de financement des prestations en nature par des cotisations prélevées sur les salaires ne contredit pas nécessairement le principe d'équivalence, alors même que les prestations sont consommées en fonction des besoins. Si, en effet, le critère d'évaluation des prestations en nature est, non pas le montant des dépenses réelles, mais le coût d'opportunité de la perte de revenu qui résulte de la maladie, coût évalué sur la durée de vie d'un assuré, alors les cotisations qui servent à financer les prestations en nature doivent être aussi fonction du revenu. Un principe d'équivalence des utilités, via le coût d'opportunité sur l'ensemble de la durée de vie, peut être ainsi avancé en lieu et place du raisonnement en termes de dépenses réelles effectué dans une perspective transversale.

Le modèle de transferts sociaux par l'impôt

Le système de transferts sociaux par l'impôt repose sur une qualification différente des personnes exposées au risque. Le risque que visent à couvrir les systèmes de transferts sociaux par l'impôt est lié au contrat social par lequel les citoyens se reconnaissent mutuellement une dette. Il s'agit alors de couvrir le risque d'exclusion de la communauté que font peser sur le citoyen la pauvreté, la vieillesse, la maladie, les aléas de carrière, etc. Chaque citoyen doit pouvoir bénéficier des conditions matérielles qui l'autoriseront à exercer concrètement ses droits.

Alors que le modèle assurantiel, en liant les droits à couverture au salariat, prend effet à partir de l'entrée à la vie active, qu'il vise à garantir la capacité à obtenir un revenu salarial, ce second modèle vise à couvrir tous les citoyens, éventuellement dès leur naissance, grâce à des mécanismes redistributifs. Le premier modèle trouve traditionnellement ses justifications dans les déficiences des marchés assurantiels (Barr, 1994). Economiquement, les conditions d'efficience de ce second modèle peuvent être conçues à partir d'un dispositif de voile d'ignorance, dissimulant aux individus leurs positions futures, ou, plus généralement, à partir de l'incertitude qui pèse sur le montant du revenu à percevoir et la nature des processus qui en sont à l'origine (Varian, 1980). Les mécanismes publics de redistribution des revenus et des richesses, dont la spécification exacte dépend des contraintes informationnelles et incitatives retenues, peuvent alors être conçus comme une assurance contre les aléas pesant sur les revenus, voire les projets de vie.

La nature du bien protection sociale selon les modèles

Cette qualification contrastée des assurés « sociaux », sur laquelle reposent les modèles assurantiels et de transferts sociaux par l'impôt, renvoie à une interrogation sur la nature de l'assurance des risques vitaux du point de vue économique. Les deux modèles sont de ce point de vue le produit de deux conceptions nettement différenciées : la prévoyance personnelle par l'État, qui renvoie au concept de bien tutélaire, d'une part, et la production directe de sécurité conçue comme un bien collectif, d'autre part.

Dans le premier cas, l'objectif du système de protection sociale est de contraindre les individus à se couvrir. Ce premier paradigme défend le caractère individualisable de la couverture des risques vitaux. Le rapport d'équivalence entre cotisations et prestations précédemment évoqué a, à l'évidence, pour condition préalable l'acquisition d'un droit par le paiement d'une prime. En d'autres termes, l'assurance, qu'elle soit privée ou publique, est, dans cette optique, soumise au principe d'exclusion : les personnes qui ne paient pas le prix d'accès à la protection n'y ont pas droit.

Par construction, le second paradigme part de l'idée que l'État doit prendre directement en charge la couverture des risques. Cette conception équivaut à faire de la protection sociale un bien collectif -éventuellement « impur »- et de la redistribution une assurance, dans les conditions énoncées précédemment.

Cette opposition sur les caractéristiques du bien peut sembler en partie artificielle dans la mesure où l'État, dans une tradition qui remonte à Hobbes, est toujours producteur de sécurité ou, si l'on préfère, « réducteur d'incertitude ». L'organisation étatique de la prévoyance personnelle, dans le cadre d'un système obligatoire, a en effet le caractère d'un bien collectif. En ce sens, la sécurité est bien produite par l'État de manière indirecte. Inversement, la production directe de sécurité par l'État relève aussi de la prévoyance volontaire, dans la mesure où cette production étatique réclame le consentement -même tacite ou, mieux, « oublié » (Ricoeur, 1991) - des citoyens, comme le souligne une autre tradition de pensée qui court de la Boétie à H.Arendt. « Ce qu'il y a de sûr, c'est que les critères classiques définissant les biens collectifs, à savoir l'indivisibilité et la non exclusion, ne peuvent être dans ce contexte que définis socialement ». C'est parce que ces critères ne peuvent être conçus que socialement, parce qu'aucune définition intrinsèque d'une hypothétique « nature » économique du risque et de l'assurance n'est possible, qu'il peut y avoir une pluralité de qualification possible des personnes exposées au risque et, en conséquence, une pluralité de modèles conceptuels mais aussi réels de protection sociale.

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