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Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux

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par Clément TCHUISSEU NGONGANG
Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011
  

Disponible en mode multipage

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ABREVIATIONS ET SIGLES

1 Co : Première lettre aux corinthiens

1 Tm : Première lettre à Timothée

Ap. : Apologie

AT : Ancien Testament

CC : Congrégation pour le clergé

CDF : Congrégation pour la doctrine de la foi

CEP : Congrégation pour l'Evangélisation des peuples

Cf. : Conferatur

Coll. : Collection

CPDI : Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux

CTI : Commission théologique internationale

Dir : Directeur

DVD : Digital Versatile Disc

Ibidem: Même auteur et même ouvrage

Idem: Même auteur

He : Lettre aux Hébreux

Jn : Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Lc : Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc

Mc : Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc

Mt : Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

n. : Note

n° : Numéro

nn° Numéros

NT : Nouveau Testament

Op.Cit. : Opus citatum (ouvrage cité plus haut)

p : Page

pp : Pages

PUF : Presses universitaires françaises

Rm : Lettre aux Romains

SC : Sources Chrétiennes

Sj : Membre de la Compagnie de Jésus

T : Tome

Trad. : traduction

UCAC : Université Catholique d'Afrique Centrale

Vol : Volume

DEDICACE

Nous dédions ce travail :

à tous ceux qui ont éveillé et grandi en nous l'amour et la connaissance de Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur de l'univers, et particulièrement à Soeur Joseph MERCY (missionnaire de la Charité), à l'Abbé Joseph-Marie OBAMA (diocèse d'Obala), au P. Gérard FARQUET, cssp ;

à tous ceux qui, pleins de zèle, acceptent encore généreusement aujourd'hui de se vouer à l'annonce de Jésus-Christ,

et à Celui dont le Nom est au-dessus de tout nom.

REMERCIEMENTS

Nous adressons nos spéciaux remerciements à notre directeur Monsieur l'Abbé Dieudonné Espoir ATANGANA dont la rigueur scientifique doublée de la disponibilité ont rendu possible la réalisation de ce travail.

Un merci particulier à ceux et celle qui se sont rendus disponibles pour la lecture du manuscrit de ce travail.

Merci à la famille NGONGANG pour son soutien matériel.

INTRODUCTION GENERALE

« Le XXIè siècle sera religieux ou ne le sera pas ». Cette célèbre déclaration prophétique attribuée à André Malraux peut nourrir l'espoir de voir tranchée aujourd'hui l'opposition frontale de la religion et du politique. Le politique avait comme juré de bâtir ses fondations sur les ruines du religieux. Ce cri de guerre contre le religieux fut relayé par les mouvements et concepts tels que la sécularisation, la laïcité, l'éthique de la responsabilité (en opposition à l'éthique des convictions)... André Malraux laisserait donc entendre que nous sommes dans l'ère du ré-enchantement du religieux ! De quel religieux s'agit-il ? Les statistiques en disent long sur l'élasticité du concept religieux à forte connotation pluriconfessionnelle. On peut constater que les Chrétiens ne représentent plus que 32% de la population mondiale, à côté des Musulmans (19%), des Non-chrétiens et d'Athées (15%), des Hindouistes (12%), des Bouddhistes (6%), des Juifs (0,2%), des Sikhs (0,4%), des adeptes de religions traditionnelles (4,2%), des adeptes de nouvelles religions surtout en Asie (1,7%)1(*). Le christianisme est en sérieuse régression si on s'en tient aux études de David Barrett2(*).

Ce constat est de nature à susciter des questions. En effet, au coeur du christianisme se tient la profession de foi au Christ, Seigneur. Elle ne s'exprime pas uniquement dans la référence pieuse à Jésus comme personnage primordial à l'origine d'un type particulier de culte à l'intérieur d'une relation spécifique à l'Etre suprême. Professer la foi au Christ c'est aussi et surtout reconnaître l'unicité et l'universalité salvifique de son oeuvre et de sa personne. On trouve d'ailleurs dans l'Ecriture des passages qui l'attestent : « Car Dieu est unique, unique est le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus » (1 Tm 2, 5) ; « Jésus, médiateur de la nouvelle alliance » (He 12, 24), etc. La médiation salvifique du Christ ne laisserait pas - dit-on - d'autres alternatives de médiations salvifiques alors même que le pluralisme religieux de l'époque contemporaine condamne le christianisme à se considérer comme une religion parmi tant d'autres dans le projet social de l'Etat moderne, où les influences du perspectivisme nietzschéen au plan de la vérité et axiologique ne sont plus à démontrer. Le terme de pluralisme religieux lui-même suffit à faire sentir le malaise : Comment confesser et annoncer l'unique médiation salvifique du Christ sans être accusé de tendance hégémonique dans la mesure où les statistiques présentent notre monde comme étant meublé de diverses croyances ? L'affirmation du Christ comme le principe unique du salut de l'humanité parait intenable dans un tel contexte, pourtant l'Eglise se doit de proclamer et de professer sa foi. Comment conjuguer l'adhésion au christianisme et la réalité des autres religions qui, elles aussi, proposent à l'homme le salut ? Dans le Document Dominus Iesus publié en 2000, la CDF réaffirmait comme préalable au débat, l'affirmation sans compromission de l'universalité et de l'unicité du salut de l'humanité en Jésus. Or, ces mises en garde n'évacuent pas le problème : comment articuler à l'ère du pluralisme religieux un discours christologique qui soit à même de rester fidèle à la foi de l'Eglise et qui soit en même temps ouverte, intégrant sans peur la réalité irréductible du pluralisme religieux ? Quel discours tenir sur le Christ qui soit crédible dans le contexte actuel du monde ? Le pluralisme religieux apparaît ainsi comme un défi pour la christologie contemporaine.

Notre travail, guidé par une méthode à la fois descriptive et analytico-critique, poursuit un double objectif. Le premier est de prendre acte de la manière dont les théologiens contemporains ont essayé de faire face à ce défi, autrement dit, il s'agit de repérer dans le foisonnement de la pensée christologique de notre époque ce qui pourrait constituer une réaction au pari lancé par le pluralisme religieux, contribuant alors à un enrichissement de la christologie contemporaine d'approches, de thématiques et de controverses qui lui sont propres. Le second objectif, dans une sorte de bilan de l'étape précédente, est celui d'entrevoir dans quelle mesure l'unicité et l'universalité de la médiation salvifique peuvent être justifiées dans le contexte du pluralisme religieux. Evidemment, le débat suscité par ce phénomène appelle en réalité la théologie toute entière puisque, comme le dit Joseph Doré, «  Il n'est sans doute pas de domaine de la théologie qui se situe au carrefour de l'ensemble des sciences théologiques au point où le fait la christologie comme si la plénitude du Christ entraînait une plénitude corrélative de la christologie. »3(*) Il n'est donc pas surprenant que le débat fasse appel à une variété de domaines à l'intérieur comme à l'extérieur du savoir théologique, l'actualité brûlante du sujet l'y contraignant.

Le premier chapitre sera donc une radioscopie du phénomène du pluralisme religieux pour nous enquérir de la pertinence de la question pour la théologie aujourd'hui. Le pluralisme religieux n'est pas l'apanage de la période contemporaine. Il traverse toute l'histoire de l'Eglise. Mais le pluralisme religieux contemporain a ceci de particulier qu'il n'est pas uniquement la pluralité d'options religieuses. Il s'inscrit dans la trame d'une société politique en mutation. C'est de l'intérieur de ce dynamisme qu'émerge la question avec force, même si sa lente gestation remonte à plusieurs siècles. Les deuxième et troisième chapitres, centrés respectivement sur l'inclusivisme christologique et le théocentrisme, sont le coeur de la présentation des contributions des divers auteurs, chacun dans l'orientation qui le caractérise. Ces chapitres constituent à ne point douter l'officine christologique en lien avec le pluralisme religieux. Dans le quatrième chapitre, il sera question de tenter une justification de l'universalité et l'unicité de la médiation salvifique du Christ, dans la prise en compte des éléments fournis par l'inclusivisme, mais aussi et surtout dans le dépassement des résistances émises par les penseurs pluralistes.

CHAPITRE I : LE PHENOMENE DU PLURALISME RELIGIEUX : PANORAMA ET ANALYSE

Dans ce chapitre, il est question de nous pencher sur la réalité du pluralisme religieux dans une double approche à la fois diachronique et synchronique ; la première étant une sorte d'historique du phénomène, surtout dans les différentes étapes de sa lente et difficile intégration au sein des préoccupations théologiques ; et la seconde visant à mettre en lumière la façon tout à fait nouvelle dont ce phénomène, tel un booster, revigore le discours christologique aujourd'hui.

I- LE PLURALISME DANS L'EGLISE ANTIQUE

1- L'univers religieux de la période antique

Les premiers disciples du Christ sont pour la plupart des juifs convertis. Cette abondance numérique aura d'ailleurs pour conséquence entre autres, une certaine tentative de confiscation de la nouvelle expérience par les juifs, ou alors une tendance à croire que la judaïté leur conférait plus de droit au sein des communautés. Une réelle césure s'entamera entre le christianisme et le judaïsme lorsque le premier refusera de paraître comme un simple appendice du second à l'issu du concile de Jérusalem, en adoptant comme résolution de ne pas contraindre à la circoncision les nouvelles recrues provenant des milieux païens. La rupture sera quasiment consommée avec l'expulsion des adeptes du Christ des synagogues du fait de l'incompatibilité de leur propos sur l'homme de Nazareth avec la longue tradition judaïque. Ils seront ainsi à la merci de la législation romaine à cause de leur obstination à ne pas se plier aux rites païens, attitude considérée comme un délit d'incivisme passible de peine de mort. Quelle aubaine pour la nouvelle secte de s'affirmer comme une sphère religieuse propre à côté d'autres préexistantes, parmi lesquelles la souche du judaïsme !

La confession de foi en Jésus de Nazareth apparait comme un véritable défi dans ce contexte religieux de monothéisme hostile et de polythéisme aux tendances phagocytantes.

a- Le judaïsme

La naissance de multiples communautés dans la méditerranée, bien que confortant l'idée de l'autonomisation religieuse du christianisme, n'évacuera pas pour autant les ambiguïtés - entre la religion du crucifié et sa souche matricielle juive - au rang desquelles la prolifération des écrits apocryphes de l'AT qui se chargent de perpétuer les genres littéraires et les modes de pensées de facture judaïques, les usages hérités des communautés juives vivant en milieu païen (cf. La Didachè écrit vers 100 ou même avant 70) ou qui connotent d'une ambiance typiquement sémitique (cf. Odes de Salomon vers 100), les affinités intellectuelles reflétant le judaïsme de cachet alexandrin (cf. Lettre du Pseudo-Barnabé, vers 140), ou encore tout simplement il se fait remarquer une certaine survivance d'une préoccupation théologique proche du légalisme pharisien, tendant à réduire la religion à un ensemble de préceptes moraux (cf. Le Pasteur d'Hermas)4(*).

Pour donner du tonus à l'effort d'émancipation du christianisme du judaïsme, Paul abondera, notamment dans l'épître aux Romains et aux Galates, dans des développements ayant pour vocation de fonder la pertinence de la foi au Christ dans l'immense dessein de Dieu. « Aux Galates et aux Romains, Paul annonce la nouveauté de l'Evangile. La venue de Jésus a marqué le début d'une ère nouvelle dans les relations entre l'homme et Dieu...Jésus-Christ est la nouveauté radicale et l'unique source de salut, qui relativise toutes les autres »5(*), affirme Paulin Poucouta dans l'introduction de son commentaire de ces épîtres dit « oecuméniques » en raison de leur tendance à trouver l'unité entre la foi en Christ et la foi des juifs. Il ne faudrait certes pas durcir chez l'apôtre des nations l'opposition entre l'AT le NT qui d'ailleurs se renvoient mutuellement : « Car la fin de la Loi, c'est le Christ pour la justification de tout croyant. » (Rm 10, 4). Il nous semble qu'il crut que la continuité historique fut non pas essentielle, mais accidentelle, car il eut été mieux que le ferment de l'Evangile eût transformé l'histoire du peuple radicalement sans laisser persister en quelques uns (si ce n'est dans la plupart) le refus du Messie de Dieu.

L'apparition des hérésies comme le Marcionisme et ses variantes valentiniennes témoigne de cet effort de « séparation radicale de la Loi et de l'Evangile »6(*). Justement, le dithéisme dont il est entaché, sa morale rigoriste, sa christologie erronée et son exégèse tronquée ne pouvaient laisser les Pères de l'Eglise indifférents, au cours de cette période de floraison de littérature hérétique et aussi d'effervescence spéculative apologiste. Tel fut alors l'un des motifs d'une élaboration du discours christologique mû par ce que nous pouvons appeler l'altérité de la religion juive. Puisqu'il était autant dommageable pour la foi chrétienne de tolérer un discours réducteur à l'égard du Dieu de l'AT, le défi était alors lancé quant à un discours sur le Christ qui tiendrait en compte toute l'économie du salut, bien que dessinant une distance féconde entre le judaïsme et le Christianisme.

b- Le paganisme

Dans le milieu gréco-romain où vivent les chrétiens, il existe des pratiques auxquelles ils ne peuvent souscrire du fait de leur contradiction avec la foi en Jésus de Nazareth. En effet, le monde hellénique draine une longue tradition faite de croyances syncrétistes : «  au moment où le christianisme commence sa pénétration, l'orient se sent revivifié et il resurgit. C'est le déferlement oriental dans le monde hellénique : propagation du judaïsme hellénisé, propagation de l'astrologie et de la magie babyloniennes ; entrées des cultes orientaux dans le monde méditerranéen. »7(*)

Le domaine religieux qui est selon Julien Ries un trait majeur du dynamisme hellénistique a comme mission ceci : « maintien des cultes des dieux poliades en Grèce ; interpretatio graeca des dieux étrangers ; besoin d'exotisme dans le sentiment religieux ; recherche du salut personnel et du contact avec la divinité, succès des dieux guérisseurs (...) des cultes initiatiques...., influence de la religion des philosophes (platonisme, stoïcisme). »8(*)

Au total, le christianisme rencontre une adversité religieuse païenne multiforme qui englobe celle provenant des religions traditionnelles à mystères et le culte impérial.

Par ailleurs, en plus de cette variété de croyances, le christianisme est aussi confronté à une adversité intellectuelle dont la plus féroce aura le mérite de le réveiller de ses somnolences et de mettre ainsi en branle l'élaboration d'un discours post-apostolique de type apologétique ; on pourrait citer à titre d'illustration le dédain intellectuel de Celse et l'opposition du néoplatonicien Porphyre (Traité contre les chrétiens).

2- La christologie du Logos

Le discours sur le Logos est la première réaction christologique sérieuse adaptée à la situation du pluralisme religieux antique composé essentiellement du judaïsme et des religions païennes.

a- Justin et le logos spermatikos

Justin, fin connaisseur de la philosophie grecque, met à profit sa culture intellectuelle au service du christianisme, qui s'érige à ses yeux comme la plus grande école de philosophie. Il écrit le Dialogue avec Tryphon et deux Apologies. L'offensive des religions à l'encontre du christianisme le mènera à construire une pensée ingénieuse, féconde et audacieuse sur le Christ, Verbe de Dieu.

Dans son Dialogue avec Tryphon, écho de conversations réelles entre juifs et chrétiens de l'époque, non sans rapport avec les dérives marcionistes, il s'atèle à souligner, comme d'ailleurs d'autres Pères, l'unité des deux testaments et leur continuité. Ce même souci s'infiltre dans les Apologies lorsqu'il met au point la théorie du  logos spermatikos : « Ce logos a inspiré les païens. Il a transmis un message à Moïse et aux prophètes et il s'est révélé en plénitude dans le Christ. »9(*) Seuls les chrétiens connaissent totalement ce Logos10(*). C'est dans ce sens qu'écrit la Commission Théologique Internationale : « Mais à ce Logos, c'est tout le genre humain qui a participé. Par conséquent, il y a eu depuis toujours des hommes qui ont vécu en accord avec le Logos, et en ce sens, il y a eu des « chrétiens », bien qu'ils n'avaient eu la connaissance que selon une part seulement du Logos séminal. »11(*)

Le Logos est le principe de ces « semences de vérité »12(*) qu'on rencontre dans les religions païennes et chez les philosophes, et en même temps, en raison de sa présence parcellaire, la cause des dissensions et tâtonnements philosophiques : « Toutes les vérités que les philosophes et les législateurs ont découvertes et exprimées, ils les doivent à ce qu'ils sont trouvé et contemplé partiellement du Verbe. C'est pour n'avoir pas connu tout le Verbe, qui est le Christ, qu'ils se sont souvent contredits eux-mêmes. »13(*)

Pour résumer, dans le but de venir à bout du malaise dans un environnement religieux fourni, Justin articulera une pensée christologique sur le Logos dont l'idée charnière s'avère sa préexistence et son inhabitation dans tout le genre et l'histoire humains.

b- Clément d'Alexandrie et la praeparatio evangelica

Comme Justin, Clément développera une pensée sur le Logos « influençant la marche de l'humanité longtemps avec le Christ. »14(*) Il affiche un dédain pour les religions païennes et les cultes à mystères dont il considère la période révolue et devant faire suite à la nouvelle ère du christianisme, notamment dans les chapitres II, III et IV du Protreptique. Son attitude est plutôt positive face à la philosophie, qui aux côtés des poètes et des prophètes recèlent des parcelles de vérités. Par ailleurs, il affirmera comme pour s'insurger contre la christologie tronquée de Marcion et souligner davantage le progrès de la Loi à l'Evangile : « D'abord, pour l'ancien peuple, il y eut l'ancienne alliance ; la Loi conduisait le peuple comme le fait un pédagogue, dans la crainte ; le Logos était un ange ; mais pour le peuple nouveau et jeune, une nouvelle et jeune alliance a été conclue, le Logos a été engendré, la crainte a été changée en amour et cet ange mystique, Jésus, a été enfanté. »15(*)

Clément manifeste fortement l'influence subie par l'hellénisme auquel il emprunte certains concepts pour exprimer la vérité chrétienne, comme celui de « gnose » pour décrire l'initiation chrétienne par exemple. Sa théologie du Logos se démarque de celle de Justin en ceci qu'elle insiste sur la connaissance de Dieu ; la révélation y apparaît comme une « gnose » chrétienne répondant au désir de connaissance de son milieu culturel. La révélation chrétienne est supérieure aux mystères païens et à la connaissance philosophique : Clément appelle le Logos unique pédagogue de l'humanité.

« Pour Clément d'Alexandrie, l'homme est rationnel en tant qu'il participe de la raison véritable qui régit l'univers, le Logos. »16(*) Puisque le salut est fonction de la connaissance de Dieu, la façon dont chaque homme est concerné par lui est aussi fonction du niveau de connaissance à partir duquel cet homme participe au Logos, raison véritable. Toutefois, le regard sur les autres religions (juive et païennes) et sur la philosophie est sans ambiguïté : celles-ci sont une préparation en vue de la plénitude du Christ17(*).

L'idée nouvelle au sujet du mystère du Verbe chez Clément d'Alexandrie s'exprimerait ainsi : le Verbe est le point de convergence vers qui tout est ordonné dans l'ordre historique (religion juive) et dans l'ordre de la perfection (religions juives et païennes et philosophie). L'adhésion religieuse en dehors du christianisme est une expression d'une certaine foi implicite au Logos.

c- Irénée de Lyon et la théologie de la récapitulation

« Nous avons en effet montré que le Fils de Dieu n'a pas commencé à ce moment-là, puisqu'il existe depuis toujours auprès du Père, mais, lorsqu'il s'est incarné et s'est fait homme, il a récapitulé en lui-même (in se ipso recapitulavit) la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci (in compendium). »18(*) Ce fragment d'Irénée montre que le rôle récapitulatif du Christ est inséparable d'une certaine théologie de l'histoire où le Christ est présenté comme le Logos révélateur. Il est essentiel de souligner que dans sa pensée le Christ est posé comme le lieu de toutes les manifestations divines qui a jalonné l'histoire des hommes : « Par le Fils, qui est dans le Père et qui a eu lui le Père, le `` Dieu qui est '' s'est manifesté, le Père rendant témoignage au Fils et le Fils annonçant le Père. »19(*)

A la suite de Justin, Irénée croit que la connaissance humaine par le cosmos est déjà une participation à la révélation du Logos. Ainsi, Jacques Dupuis commente-t-il : « Irénée trouve dans l'ordre même de la création une manifestation historique et personnelle du Logos [...] Dans ce sens, la connaissance de Dieu présuppose toujours une rencontre personnelle avec lui. Selon Irénée, une telle rencontre, qui est de toute façon le Logos, parle aux personnes. Autrement dit, l'ordre de la création fait lui-même partie de la manifestation historique et personnelle de Dieu. »20(*)

Le développement christologique de notre auteur vise à rétablir les fondements de la foi chrétienne fragilisés par les dérives gnostiques des marcionites et des valentiniens.21(*)

II- THEOLOGIE MEDIEVALE ET D'APRES ET LE PLURALISME RELIGIEUX

1- Aux origines de l'exclusivisme ecclésiologique: « Hors de l'Eglise, pas de salut »

Les théologies du Logos développées par certains Pères apologistes, malgré quelques accentuations qui diffèrent d'un auteur à l'autre, mettent en évidence le motif de la préfiguration prophétique et de la préparation historique avant son accomplissement et son dépassement dans le Christ face à la question du pluralisme religieux.

Mais, à partir d'Origène et plus précisément de Cyprien, une formule verra le jour : « Hors de l'Eglise, pas de salut ». L'analyse de leur pensée et du contexte socio-historique de l'époque force les spécialistes à conclure que ces Pères visent l'unité de l'Eglise tout en tentant de décourager les schismatiques et les hérétiques : « La question du salut de l'humanité n'est pas ce qui préoccupe le saint ; ce qui lui importe, c'est l'unité de l'Eglise. »22(*)

L'exclusivisme ecclésiologique ici en exergue suggère que l'expérience du salut est directement associée à l'essence de l'Eglise. S'écarter de l'Eglise revient à se priver du salut. « Il est manifeste que ceux qui ne sont pas dans l'Eglise du Christ sont au nombre des morts et qu'on ne peut recevoir la vie de celui qui n'est pas lui-même vivant. »23(*)

La conversion de l'empereur plus tard à la religion chrétienne et l'érection de cette dernière au statut de religion officielle de l'empire posera de façon nouvelle la question du salut des païens. Grégoire de Nysse souligne déjà dans ce sens le caractère universel du christianisme tout en n'oubliant pas que la grâce de Dieu proposée à tous appelle la réponse de l'homme24(*).

L'enjeu de la formule amorcera une pente nouvelle à partir du moment où l'Eglise est devenue dans l'empire la religion officielle et majoritaire ; l'axiome « hors de l'Eglise, pas de salut » peut être appliquée aux païens et aux juifs, parce qu'ils ont eu la possibilité d'accueillir le message chrétien.25(*)

Chez Augustin, tout se passe comme si la formule se durcit progressivement à mesure que progresse sa pensée. Dès l'entame, il n'exclut pas la possibilité du salut pour ceux qui sont historiquement antérieurs au Christ. Pour cela, il est contraint par la logique de sa pensée d'élargir le concept de l'Eglise : Ecclesia ab Abel, dans laquelle à Mechisédech, à Job...il attribue une foi anticipée au Christ, du moins à un groupe de privilégiés arraché à la massa damnata.

Puis, cette mesure adoucissante ne concerne pas les juifs et les païens qui opposent un refus explicite au salut qu'apporte le Christ. De même l'ignorance du Christ par les païens diminue leur peine sans leur concéder un salut du fait du péché originel. « Cette doctrine, qui s'appuie sur une lecture rigide des textes de saint Paul, oublie le principe de la liberté personnelle et de la responsabilité subjective de chaque être humain dans l'ordre du salut, pour ne retenir que le constat objectif de l'absence de tout lien salvifique entre l'unique Médiateur et les hommes qui sont « en dehors »26(*)

C'est confronté à la situation des hérétiques et des schismatiques que l'Evêque d'Hippone laisse apparaître l'exclusivisme: « Hors de l'Eglise, point de salut » Qui dit le contraire ? Voilà pourquoi tous les biens de l'Eglise que l'on possède n'ont pas, hors de l'Eglise, de vertu salutaire. »27(*) Ou encore : « Hors de l'Eglise, il [le donatiste] peut tout avoir, sauf le salut... mais nulle part ailleurs que dans l'Eglise catholique, il ne peut trouver son salut. »28(*)

A partir d'Augustin, s'ouvre la longue période de plusieurs siècles durant lesquels l'exclusivisme ecclésiologique s'épanouira. L'axiome intègrera les déclarations conciliaires et les discours pontificaux en identifiant l'Eglise dont il est question à l'Eglise catholique romaine (Concile du Latran en 1215 ou Unam Sanctam de Boniface VIII en 1302 à titre d'exemples).

2- Vers l'exclusivisme christologique

Plusieurs facteurs vont concourir à une nouvelle compréhension de la formule.

Le premier est la découverte de nouvelles terres et des peuples non évangélisés. Se posant la question du salut des infidèles parce que confrontée à la découverte de nouveaux mondes comme les Amériques avec Christoph Colomb, la réflexion sera conduite, avec les théologiens comme Francis De Vitoria (1493-1546), Melchior Cano (1505-1560) et Dominique Soto (1524-1560), à aller au-delà de la thèse thomiste de la nécessité de la foi explicite au Christ (baptême et appartenance à l'Eglise) pour être sauvé, par l'adjonction à la pensée du docteur angélique du principe de la volonté salvifique universelle de Dieu. « La pensée de ces grands dominicains n'a d'ailleurs pas pour préoccupation majeure l'appartenance formelle à l'Eglise, mais le rapport de foi qui unit l'homme au Christ, l'unique Médiateur. »29(*) Cano « admet que ceux qui n'ont jamais connu le Christ puissent recevoir la rémission du péché originel et la justification par une foi implicite à la venue du Médiateur, comme ce fut le cas du centurion Corneille. »30(*) Alors que saint Thomas arguait que l'accession à la révélation explicite peut se faire avec l'aide de Dieu par une inspiration intérieure chez un mécréant, le pas est franchi vers la fides confusa (foi implicite) en Christ chez le même sujet tant qu'il reste hors d'un contact avec l'Evangile. Même au Concile de Trente, l'adage n'est plus employé et ses influences s'en trouvent amoindries dans la manière d'envisager le salut.

Les différents schismes (catholique-orthodoxes en 1054 et la Réforme de Luther au XVIe siècle) constituent le second facteur. De façon générale, l'adage reste en vigueur dans chaque dénomination avec les nuances que lui impose la découverte des nouveaux mondes par les Eglises qui s'y intéressent. Chacun réfère à son obédience l'Eglise dont il est question dans la formule. Cependant, tous sont comme contraints d'admettre l'effet de la grâce chez les autres. Et c'est avec Karl Barth que le passage de l'exclusivisme ecclésiologique à l'exclusivisme christologique est définitif dans l'interprétation de la formule, lorsque dans la ligne du protestantisme orthodoxe qui comprend l'Eglise comme composée de toutes les confessions chrétiennes existantes31(*), il déclare à propos de l'adage :

« signifie, au sens strict, que ceux qui ne sont pas membres de l'Eglise n'ont aucune part à l'oeuvre du salut de Dieu. La simple prudence commande de renoncer à dire cela. Ce qui est vrai, c'est ceci : extra Christum nulla salus. L'Eglise n'est que la forme d'existence sous laquelle le Christ rencontre le monde dans l'histoire. [...] Ce n'est pas en dehors de l'Eglise, mais bien en dehors de l'appartenance de tous les hommes à Jésus-Christ, que l'Eglise reconnaît, confesse et affirme qu'il n'y a pas de salut. La même prudence commande de ne jamais prétendre que la participation au salut du monde accompli par Jésus-Christ, soit liée absolument à la médiation de l'Eglise et donc à sa prédication. [...] Tout ce qu'on peut dire de la communauté chrétienne -et cela avec la plus grande rigueur - c'est uniquement ceci : extra ecclesiam nulla revelatio, nulla fides, nulla cognitio salutis. »32(*)

3- La théorie de l'accomplissement

La théorie de l'accomplissement, de notre point de vue, constitue la seconde forme de l'exclusivisme christologique traditionnel. Jean Daniélou et Henri de Lubac en sont les principaux chantres.

Pour Daniélou, il existe une progression dans l'automanifestation de Dieu qui intègre les formes limitées de la révélation depuis Abraham jusqu'à la forme parfaite en Jésus Christ. Ne sont concernées par le caractère progressif de la révélation divine que les manifestions divines au sein de l'unique histoire de salut qu'inaugure l'alliance de Dieu avec Abraham et son peuple. En dehors de cette expérience, les autres traditions religieuses constituent une sorte de « pré-histoire » du salut. Ces religions « non-chrétiennes » sont de l'ordre de la raison naturelle, tandis que la révélation judéo-chrétienne appartient à l'ordre de la foi surnaturelle. Les premières sont sous-tendues par une « alliance cosmique », c'est-à-dire de la manifestation de Dieu par la nature. Toutefois, elles sont déjà orientées et ordonnées vers la manifestation personnelle de Dieu dans l'histoire.

Le caractère « cosmique » de ces religions explique la cohabitation en elles tout autant de vérité que de mensonge, de lumière que d'obscurité. N'empêche qu' « il existe une certaine continuité entre l'alliance cosmique et l'alliance historique en ce sens que la première sert de fondement nécessaire à l'autre, mais l'intervention gratuite de Dieu dans l'histoire inaugure un ordre nouveau qui détermine une discontinuité entre plus grande que la continuité. »33(*) Jean Daniélou exprime le caractère unique du christianisme en ces termes :

« Le christianisme n'est pas un effort de l'homme vers Dieu. Il est une présence divine accomplissant dans l'homme ce qui est au-delà de l'homme et à quoi l'homme sera seulement une réponse, c'est le second trait de sa transcendance [...] Ici, vraiment, nous touchons ce qui fait la différence essentielle : ce qui constitue le contenu propre du christianisme, ce qui fait en définitive sa transcendance, c'est Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui nous donne le salut. Les religions naturelles et - et c'est ce qui en elles est valable - attestent le mouvement de l'homme vers Dieu ; le christianisme est le mouvement de Dieu vers l'homme qui en Jésus-Christ vient le saisir, pour le conduire à Lui. »34(*)

Henri de Lubac, pour sa part, déclare : « Le christianisme ne vient pas ajouter quelque chose aux religions humaines, comme on ajoute la solution au problème...Il vient redresser [l'effort religieux de l'homme], le purifier, le transformer pour le faire aboutir : en sorte qu'il est la religion ; celle qui effectivement relie l'homme à Dieu. »35(*)

Comme Daniélou, de Lubac perçoit dans les religions du monde le dévoilement de l'effort et du désir de l'homme vers Dieu, mêlés encore de « semences du Verbe », des contrefaçons et du péché. « Selon « la théorie de l'accomplissement », que Henri de Lubac fait sienne, le mystère du Christ atteint les membres d'autres traditions religieuses comme réponse divine à l'aspiration humaine à s'unir au Divin, mais les traditions religieuses elles-mêmes ne jouent aucun rôle dans ce mystère du salut. »36(*) Il emprunte à la christologie de Teilhard de Chardin sa dimension axée. En effet, pour Teilhard, la réalisation eschatologique du règne de Dieu est la christification universelle car « Le Christ (...) est l'Alpha et l'Oméga, le principe et la fin, la Pierre de fondement et la Clé de voûte, la Plénitude et le Plénifiant. Il est celui qui consomme et Celui qui donne à tout sa consistance. Vers lui et par lui, Vie et Lumière intérieures du Monde, se fait, dans la plainte et l'effort, Universelle Convergence de tout l'esprit Créé. »37(*)

Afin de récuser toute tentative de constituer des traditions religieuses en voies parallèles du salut face au christianisme, Henri de Lubac s'appropriant cette vision de l'univers axé vers le Christ, écrit :

« S'il existe objectivement plusieurs voies de salut, parallèles en quelque sorte, nous voici en face d'éparpillement, non d'une convergence spirituelle, et ce qu'on appelle alors indûment « plan de Dieu » est sans unité. Il doit y avoir un axe[...] Si conformément au dessein de Dieu, nous nous soucions du salut du genre humain, si nous croyons que notre histoire est chose réelle et si nous aspirons à l'unité, nous ne pouvons échapper à cette recherche d'un axe et d'une force drainante et unifiante, laquelle est l'Esprit du Seigneur animant l'Eglise. »38(*)

Pour clore cette brève présentation de la théorie de l'accomplissement, notons que cette dernière situe les religions du monde dans un rapport de préparation, d'ordonnancement au christianisme.

D'autres modèles à côté de la théorie de l'accomplissement ont préparé les affirmations de Vatican II au sujet des religions non-chrétiennes, comme la théorie des chrétiens anonymes de Karl Rahner. Nous nous y attarderons de façon systématique dans le prochain chapitre pour présenter le fond christologique sous-jacent.

4- Vatican II et la réhabilitation des religions non-chrétiennes

Le concile Vatican II constitue un tournant important dans la réflexion dogmatique sur les religions non-chrétiennes.

Notra Aeatate, quant aux religions non-chrétiennes, présente un regard de l'Eglise sur ces religions tout à fait inédit et assorti de tolérance. Dans ce document magistériel, l'Eglise prend acte du pluralisme et l'intègre de façon positive. Elle reconnaît comme réel chemin vers le divin l'expérience que plusieurs hors de l'Eglise font par le biais de la vie ascétique, la méditation profonde, les valeurs morales, spirituelles et socio-culturelles. Le judaïsme et l'Islam y sont perçus avec beaucoup d'estime. Le passage qui ressort avec clarté ce nouveau regard est celui-ci : « L'Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoi qu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de vérité qui illumine tous les hommes. »39(*)

Si par ailleurs, Notra aetate a reconnu les diverses religions comme des « rayons de la vérité », il faut signaler qu'elle a recommandé la mission d'annoncer Jésus le Christ comme « la voie, la vérité et la vie ». Le Décret Ad Gentes lui aussi reste tributaire de cette vision de la révélation divine à degré faible dans les religions. Cependant, il précise un nouveau type de rapport qui lie d'une part les religions non-chrétiennes et d'autre part la religion chrétienne : celui de l'accomplissement, de la plénitude : « Aussi, tout ce qu'on découvre de bon semé dans le coeur et l'âme des hommes ou dans les rites particuliers et les civilisations particulières des peuples, non seulement ne périt pas, mais est purifié, élevé et porté à sa perfection pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l'homme. »40(*)

Cette influence de la « théorie de l'accomplissement » traversera Lumen Gentium qui reprend de façon presqu'identique Ad Gentes au numéro 9 : « tout ce qu'il y a de germes de bien dans le coeur et la pensée des hommes ou dans les rites propres et leur culture, non seulement ne pas le laisser perdre, mais le guérir, l'élever, l'achever pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur des hommes. »41(*) Il est intéressant de remarquer qu'au numéro 16, la constitution dogmatique sur l'Eglise brise la gangue, libère et élargit l'idée de salut autrefois confinée et rétrécie par l'exclusivisme ecclésiologique. Désormais « le dessein du salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le créateur...Et même les autres qui cherchent encore dans les ombres et sous des images un Dieu qu'ils ignorent (...) ceux qui (...) ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise, mais cherchent pourtant Dieu d'un coeur sincère. » Reprenant l'expression d'Eusèbe de Césarée, elle qualifie de « préparation évangélique » ce bon et ce vrai présents chez les non-chrétiens. Le concept de salut se dilate et son centre est réaffirmé : le « Christ est le principe du salut pour le monde entier. » La conséquence théologique est évidente : comme principe de salut, le Christ l'est pour tout homme, quelle que soit sa religion. On pourra encore lire dans ce sens : « Le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné...Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le coeur desquels, invisiblement, agit la grâce. »42(*)

A la fin de la présentation quasi circonstanciée de la pensée de Vatican II à propos de la valeur salvifique des autres religions, une chose mérite d'être soulignée : La théorie de l'accomplissement telle que mise au point par ses auteurs, n'intègre pas à l'origine l'idée de valeur salvifique des religions non-chrétiennes comme nous l'avons vu. Sans remettre en cause le tournant éminemment important que ce moment représente dans l'effort d'une approche plus équilibrée et crédible du problème du salut et des religions non-chrétiennes, on pourrait aussi reconnaître que le Concile Vatican II reste considérablement marqué par la « théorie de l'accomplissement » du fait qu'il ne concède pas aux autres religions une valeur propre ; le regard positif qu'il pose sur ces religions tient du fait que ces dernières sont ordonnées au christianisme. Cette situation suscitera cette critique de Jacques Dupuis : « La perspective ecclésiocentrique du concile Vatican II -peut-on également faire remarquer- est telle que les religions ne sont jamais considérées en tant que telles dans leur spécificité et leur autoconsistance, dans leur autocompréhension et leur valeur autonome, indépendamment de leur rapport à l'Eglise, tel que l'entend l'Eglise elle -même. »43(*) Aujourd'hui, grâce à la recherche théologique, l'Eglise a fait des progrès sur ce point. Nous y reviendrons au quatrième chapitre en parlant de la médiation et des médiations.

On ne peut ne pas apprécier le fait que, en déclarant pour tous les hommes le salut apporté par le Christ, Vatican II ouvre ainsi des horizons intéressants de recherches théologiques.

III- LE PLURALISME RELIGIEUX COMME UNE QUESTION CONTEMPORAINE

1- Le cadre socio-politique moderne

L'histoire des religions est-elle capable de remonter à un âge de la civilisation humaine où la croyance fut homogène et univoquement partagée ? Comme nous l'avons souligné plus haut, le christianisme lui-même prend naissance dans un contexte pluraliste bien précis. Quel serait l'intérêt de se pencher sur un pluralisme à l'âge contemporain ? Qu'apporte de spécifique le pluralisme contemporain à la recherche christologique ? En d'autres termes, en quel sens le pluralisme aujourd'hui est une façon nouvelle d'interroger et de stimuler la réflexion théologique ?

Avec la période des Lumières, l'on célébrait le primat de la raison sur la foi et ses avatars obscurantistes du Moyen-âge, le primat de l'homme sur Dieu. La religion cessait d'être la matrice des principes pour la vie humaine multidimensionnelle. La séparation de l'Eglise et de l'Etat en France en 1905 consacrait définitivement le déclin de la religion longtemps clamé par les pères fondateurs des sciences sociales (Marx, Max Weber et Durkheim) qui mettaient volontiers au point de départ de leurs analyses l'effacement du religieux comme condition d'accomplissement de la modernité à travers trois pivots, le premier étant le processus de rationalisation scientifique à travers la technique qui disqualifierait l'herméneutique religieuse du monde. Tout s'explique et donc pas besoin de recourir à une instance d'intelligibilité surnaturelle. Le deuxième pivot est l'autonomisation du sujet humain par un renversement de la souveraineté propre des sociétés fondées sur la religion qui va de haut vers le bas. La Révolution française s'avère donc un moment fort de cette affirmation du sujet amorcée depuis l'époque des Lumières. Le dernier pivot est le processus de différentiation des institutions selon les domaines par l'émancipation par exemple du domestique de l'économique, du politique du religieux et du droit de la morale avec comme caractéristique forte le repli du religieux dans la sphère privée.

Cela dit, on s'attend à ce que les processus mis en jeu débouchent logiquement sur la sécularisation entendue comme mort du religieux. De façon inattendue, on remarque d'abord aux Etats-Unis, à la suite de la contre-culture une prolifération des courants spirituels visant l'accomplissement de soi en provenance d'Asie, et construites sur des systèmes de spiritualité hybrides, proches et connexes au grand mouvement à vocation planétaire, le New Age avec ses pratiques gnostico-philosophico-mystiques satellites. On pourrait y ajouter par ailleurs, la naissance du pentecôtisme à l'origine des mouvements charismatiques et des communautés émotionnelles. Courants spirituels et pentecôtismes se répandent comme une traînée de poudre à partir des Etats-Unis (supposé exemple typique de l'Etat-nation moderne).

Ensuite, le religieux ressurgit dans les débats politiques comme en Amérique latine et en Pologne. Les tenants de la théorie de la mort du religieux expliquent, non sans pertinence, qu'en ces lieux hostiles au débat démocratique, l'outil religieux est utilisé pour dire ce qui ne peut être dit dans le débat politique. Il s'agirait donc là des failles d'une pseudo-modernisation qui n'entame pas la théorie. La théologie de la libération se comprend comme une façon d'articuler les protestations des sans-terres. Malheureusement pour ces théoriciens, ils se heurtent à une ténacité des faits de nature à saper les fondements de leurs affirmations : ce retour du religieux ne concerne pas seulement comme ils tentaient d'arguer, les sociétés périphériques de la modernité ; même les sociétés les plus démocratiques comme les Etats-Unis avec l'émergence de la moral majority, n'échappent pas à cette réalité. Ce phénomène du retour du religieux se fait remarquer en France aussi où la Loi Giscard de 1974 sur le regroupement familial permet aux immigrés de drainer avec eux leurs croyances religieuses. Ce qui permettra aux immigrés d'alimenter des revendications liées à l'expression de leurs croyances religieuses. Le religieux n'aurait-il donc pas disparu de la scène politique tel que prédisaient certains prophètes de malheur !

Il découle de ce qui précède que la sécularisation a été à tort considérée comme la mort du religieux. Au vrai, les sociologues se hâtent et réajustent leurs analyses et considèrent la sécularisation comme la désinstitutionalisation du religieux, sa dérégulation institutionnelle.

De ce point de vue, le pluralisme religieux s'entendrait possiblement de deux manières : il s'apparenterait soit à la survivance du religieux en une forme de ligne de résistance du religieux face aux assauts répétés de le reléguer au second plan ; soit à l'inflation innommable de l'expression religieuse hors des cadres institutionnels traditionnels.

En rapport avec la première acception du mot, nous constatons qu'à mesure que le pluralisme religieux se pose comme la conséquence d'un retour du religieux au travers des institutions, la tension entre l'Etat et la religion se fait importante. En effet, une des ambitions de l'Etat laïque était l'invention de la société moderne dans le but de garantir l'espace de la liberté au sujet. Un chercheur souligne avec pertinence,

« Or, le problème de fond que soulève la situation du pluralisme, de ce point de vue, réside en ce que le présupposé implicite de la compatibilité entre les requêtes avancées par chaque sujet social est venu à manquer, à l'occurrence, dans le domaine religieux. Le cas le plus évident à ce propos est fourni par l'Islam, c'est-à-dire par une religion qui, tout en conservant sa complexité et sa variété, n'a pratiquement pas participé au projet moderne de l'Etat laïque. En général, cependant, le nouveau problème est précisément posé par l'apparition de sujets sociaux qui veulent faire valoir une identité forte, légitimée aussi par la religion, en facilitant ainsi l'éclatement de situations conflictuelles. »44(*)

Dans ce contexte, deux situations sont envisageables face à l'échec de l'Etat heurté au pluralisme : soit que l'Etat laïque reste fidèle à son intuition première quant aux religions - c'est-à-dire leur ignorance pur et simple -, et génère malgré lui par un effet d'action-réaction des mouvements fondamentalistes tels que l'histoire de notre époque en témoigne. Ces fondamentalismes entendus « comme tentatives de refonder sur de nouvelles bases d'identités menacées des traditions religieuses de la société contemporaine »45(*), cherchent à juguler l'impérialisme de la culture moderne ; de ce fait, ils se présentent comme une sorte « d'anti-modernisme moderne », selon les mots de notre auteur.

Soit alors que l'Etat, se résignant devant la réalité irréductible du pluralisme, accepte de poursuivre simplement la dépossession du pouvoir d'intégration sociale autrefois dévolue à la religion - et spécialement au christianisme - dans la société traditionnelle. Claude Geffré, spécialiste de la question des religions, souligne à propos de la religion  dans la société traditionnelle :

« Celle-ci constitue une réserve transcendante de sens qui, par tout un réseau symbolique et rituel, assure la cohésion et la stabilité du groupe social. Avec l'avènement de la société moderne comme société laïque, le système politico-social ne reçoit plus sa légitimité de la religion et les symboles ou structures qui relient étroitement les deux sont rompus. Le phénomène de la sécularisation implique que les grandes aires de la vie sociale (...) passent de la tutelle de l'instance religieuse à la juridiction de l'Etat. »46(*)

En effet, le dogme de la médiation unique du Christ tout comme celui de l'incarnation avait engendré selon les mots du dominicain, une « certaine idéologie unitaire » qui a marqué la pensée occidentale, devenue moins encline à intégrer le pluralisme, notamment dans le domaine religieux. En se posant aux antipodes de cette idéologie unitaire, l'Etat s'arroge la mission de garantir la stabilité sociale en donnant à chaque religion d'intervenir dans la sphère du débat politique avec les chances que lui octroie son degré d'importance dans l'histoire et l'identité du peuple concerné. Pour soutenir ce dépassement,

« aujourd'hui, écrit Filoramo, dans certains pays de traditions catholiques où était en vigueur un régime laïque traditionnel de séparation (France, Italie, Espagne), émerge une forme apparemment nouvelle de collaboration : la reconnaissance des représentants des grandes religions comme autant d' « autorités morales » auxquelles les pouvoirs publics n'hésitent plus à faire appel soit en matière d'instruction religieuse, soit pour des questions éthiques qui focalisent l'attention de l'opinion publique (...) En premier lieu, implicitement ou explicitement, et donc de fait, existe une reconnaissance pluraliste de ce que toutes les religions représentées plus ou moins officiellement se trouvent, devant le pouvoir politique de service, sur un pied d'égalité. »47(*)

Cette première situation d'interprétation du pluralisme comme survivance du religieux au travers des institutions (politiques) est un défi de crédibilité pour l'Eglise si elle ne veut pas continuer d'arguer à base de propos exclusivistes historiquement liés à son parcours et à son rapport avec l'ordre temporel à une époque précise. Pour autant que nous puissions affirmer, en paraphrasant le philosophe allemand, que la « théologie est fille de son temps », pour souligner sa nécessaire connexion avec les acquis actuels des autres domaines du savoir et les situations de l'heure, comment réinterpréter l'unique médiation du Christ ? En ce sens, il est un truisme de préciser : « La théologie ne peut pas non plus se satisfaire d'une phénoménologie de la religion. C'est qu'elle ne saurait se déployer en examinant le donné religieux hors de ses rapports au social et des recompositions qui s'y tissent, tant au plan de ses formes et représentations qu'au plan de la distribution des instances de rationalité et de leurs procédures de légitimations. Pour elle, le religieux ne saurait être autonomisé »48(*).

En rapport avec la deuxième acception du pluralisme, nous pouvons soutenir que la sécularisation est désinstitutionalisation du religieux selon que le retour du religieux à notre époque échappe à une régulation institutionnelle, fût-elle religieuse ! Autrement dit, même si par endroit il est observé dans le globe une perte du sens religieux qui affecte au premier chef les institutions (Eglises, ministres, vie sacramentelles, etc.), il est aussi remarqué une prolifération du religieux dans la sphère privée qui a comme compensé cette perte du religieux.

Tout se passe comme si le primat accordé au sujet dans la société moderne avait affecté d'une certaine façon le retour religieux en incitant le sujet à évacuer de la religion ce qui relève de l'institution ou à ne retenir que ce qui exalte son autonomie, aux relents parfois consumériste (selon la logique de la société de consommation qu'accompagne la négation des valeurs éthiques). C'est dans ce sens qu'il faudrait lire cet extrait de Giovanni Filoramo :

« Comme Berger n'a cessé de le répéter (...), dans le nouveau scénario religieux de la modernité, la religion n'est plus une destinée, mais le fruit d'un choix. Le pluralisme devenait la caractéristique distinctive d'un scénario qui, à cause du relativisme des fois et de la perte de visibilité que prennent les religions institutionnelles, se transformait en un supermarché des fois, où, avec l'avènement d'une société de consommation toujours plus dominée par les mass médias, ce qui devenait déterminant était leur « consommation » et le choix du consommateur - relatif au produit le plus « intéressant » et non plus à la conservation d'une foi traditionnelle -prenait un caractère déterminant. »49(*)

La cristallisation du pluralisme autour du sujet au détriment de la foi traditionnelle et des institutions donne naissance à une société où les revendications identitaires à cor et à cri s'élèvent çà et là. De plus, l'allégeance des Etats à une base minimale, non pas de type religieux, - les droits de l'homme - , vont influencer le débat théologique vers la recherche d'un consensus éthique entre les religions en vue d'une cohabitation pacifique des peuples, sans doute avec l'avantage de laisser de côté des différences doctrinales parfois inconciliables qui, face au pluralisme, accorde priorité à la recherche de la tolérance qu'à l'assimilation et au rejets des autres alternatives religieuses.

2- Le dilemme moderne du Jésus historique et du Christ de la foi

La modernité n'a pas seulement enregistré comme palmarès le mérite d'avoir donné à la question du religieux une tonalité nouvelle. Elle a aussi nourrit l'ambition d'affranchir Jésus de l'univers religieux pour qu'il devienne pour ainsi dire la préoccupation de tous.

Le ton est donné par Spinoza. Il se penche le premier sur la question philosophique de Jésus en découvrant en ce dernier l'envoyé de Dieu pour l'humanité pour laquelle il avait mission d'initier à un type de religion jusque-là inconnue, toute intérieure, rationnelle et universelle. La figure humaine et historique de Jésus devient objet de fascination alors qu'elle fut toujours oubliée par la théologie. Les philosophes de l'Aufklärung allemand entreront dans la danse comme nous le fait remarquer Joseph Moingt :

« Mais si l'on observe avec Kant et Hegel que la vraie moralité n'est pas la simple obéissance à des lois positives, mais l'autonomie des décisions, la responsabilité de ses actes, la conformité à la loi intérieure de la raison, à la voix de la conscience reconnue comme voix de Dieu, alors il n'est pas indifférent de remarquer que l'avènement de la moralité, ainsi comprise, est lié à un regard nouveau sur l'enseignement de Jésus, considéré comme la révélation de l'homme à lui-même : Jésus est ce tournant radical de l'histoire humaine qui libère l'homme de la tyrannie des religions, le rend maître de son destin et prépare les voies à l'unification de l'humanité sous la même loi morale. » 50(*)

Kant à ce propos, distingue un double contenu de la révélation : d'une part celle qui relève de la foi « statutaire », « ecclésiastique », « historique », et d'autre part, ce qui est rationnel, ce que la raison peut découvrir par elle-même. Or, ce Jésus, « le Maître de l'Evangile », arrache l'homme à la foi servile statutaire du judaïsme pour le conduire à la foi morale.

Jésus devient l'objet d'étude pluridisciplinaire profane, la conséquence est évidente : « La christologie des philosophes provoque la théologie à une conversion du regard, à se préoccuper davantage de l'humanité du Christ et de son historicité, délaissées par elle depuis tant de siècles. »51(*) La théologie, pour rester dans l'histoire, est sommée de prendre acte de ce regain d'intérêt pour la question historique au sujet du Christ.

C'est dans ce contexte qu'émerge au sein des théologiens le débat qui oppose le Jésus de l'histoire dans la christologie scientifique ou historique, au Christ de la foi dans la christologie dogmatique ou ecclésiastique. Les affirmations dogmatiques peuvent-elles être confirmées par une approche des textes qui tient compte de la dimension historique de Jésus ? Et vice versa.

Adolf Harnack, en se posant la question du rapport qu'établissait Jésus en prêchant entre sa personne et son message, opte, dans la dynamique d'une théologie libérale, pour un scepticisme : puisque le Christ renvoyait à son Père et à une morale intérieure, puisqu'il ne se met pas au centre de ce qu'il annonce, il est difficile de déduire quoi que ce soit de sa personne.

Schweitzer, critiquant la théologie libérale et ses prétentions à déduire le visage authentique de Jésus à base de recherches scientifiques, penche pour le Christ de la foi, complètement étranger à ces constructions intellectuelles. Barth sera du même avis dans le programme de sa théologie dialectique qui pose la Parole de Dieu comme seul appui de la foi.

Avec Bultmann, le débat atteindra sa vitesse de croisière. Il réfute aussi comme Barth l'historicisme dans une entreprise de « démythologisation ». Pour lui, d'après René Marlé :

« Le Nouveau Testament s'exprime à travers une « image du monde » mythique, c'est-à-dire dans laquelle le divin se manifeste comme phénomène du monde, sous une forme particulière, voire extraordinaire, mais homogène à celle des autres phénomènes. Notre esprit, « irrévocablement formé par la science », même s'il rejette le scientisme, exige la rigueur, la distinction des « ordres » et ne peut plus faire sienne l' « image du monde » mythique. Cependant, le Nouveau Testament n'entend pas nous livrer une « image du monde » particulière, mais nous faire parvenir un message. La tâche à accomplir est de libérer ce message des représentations dans lesquelles il est formulé. Sous son aspect négatif, cette tâche est de « démythisation » ; sous son aspect positif, elle est d'interprétation existentiale. »52(*)

L'histoire nous permet simplement d'attester l'existence de Jésus. D'après Bultmann, seul l'Evènement de la Parole compte. Il n'y a pas moyen de remonter au-delà du Kérygme primitif. « Le Christ de la foi est donc l'évènement de la Parole de Dieu qui a surgi dans l'histoire à travers l'existence de Jésus de Nazareth. Cet évènement interpelle chacun des hommes dans l'actualité de son existence. A la limite, les récits sur Jésus, « existent » dans toute leur force lorsqu'un homme leur accorde sa foi. »53(*)

Les grandes tendances théologiques à l'époque contemporaine renferment des orientations particulières en réponse à cette question : Christologie d'en bas (partir de l'histoire de Jésus) ou christologie d'en haut (partir des grandes affirmations dogmatiques au sujet de Jésus. Dans le débat christologique sur le pluralisme religieux qui retient aujourd'hui, comme nous le verrons plus loin, deux grandes tendances -l'inclusivisme et le pluralisme - , on retrouve les marques de cette discussion à propos du Jésus historique et du Christ de la foi. Par exemple, Dupuis stipule que l'inclusivisme christologique est liée à une christologie d'en haut, tandis que le théocentrisme est inspiré d'une christologie d'en bas. En effet, « concrètement, le choix entre le modèle christocentrique et le modèle théocentrique dans une théologie des religions dépend du choix préalable entre une christologie d'en haut, ontologique, et une christologique d'en bas, qui demeure délibérément à un niveau fonctionnel. »54(*) Nous partageons en partie cet avis qui demeure vrai en général. Cependant, les partisans d'une christologie inclusiviste normative articulent un modèle plus proche du fonctionnel. Toutefois, une telle distinction permet de s'apercevoir de la force que la modernité a exercée sur la théologie contemporaine.

3- La question doctrinale

L'intérêt que le pluralisme religieux a suscité dans les débats théologiques a généré deux types d'approches. La première qui s'inscrit dans l'histoire des religions est dite phénoménologique, dans un regard global de leur mutuel contact, fécondée par un idéal planétaire de cohabitation pacifique tel que nous l'avons évoqué dans un des paragraphes précédents. La seconde approche est critériologique, du fait qu'elle se penche sur la question du pluralisme religieux à partir du pôle de la vérité professée ou du point de vue doctrinal. Lorsqu' en l'an 2000, La CDF publie la Déclaration Dominus Iesus, son accueil est mitigé au sein même des théologiens catholiques55(*) ; les théologiens d'autres confessions eux aussi exprimèrent leur peur de voir dans les années à venir le dialogue oblitéré. Pour notre part, l'objectif de ce document magistériel, loin de clore le débat, vise en définir les préalables pour y participer de façon authentique. Nous pouvons lire à ce sujet :

« De la pratique et de la théorisation du dialogue entre la foi chrétienne et les autres traditions religieuses, naissent de nouvelles questions ; il faut les affronter en parcourant de nouvelles pistes d'investigation, en avançant des propositions et en suggérant des comportements, qui doivent être soumis à un discernement attentif. La présente Déclaration intervient dans cette recherche pour rappeler aux Evêques, aux théologiens et aux fidèles catholiques certains contenus doctrinaux essentiels, qui puissent aider la réflexion théologique à découvrir peu à peu des solutions conformes aux données de la foi et aptes à répondre aux défis de la culture contemporaine. »56(*)

Et plus loin dans le même numéro l'auteur indique le but heuristique de la déclaration :

« On veut y traiter organiquement la problématique de l'unité et de l'universalité salvifique du mystère de Jésus-Christ et de l'Eglise, ni offrir des solutions à des questions théologiques librement disputées. On veut plutôt exposer une nouvelles fois la doctrine de la foi catholique sur ce point, en indiquant en même temps certains problèmes fondamentaux qui restent ouverts à d'ultérieurs approfondissements, et réfuter quelques opinions erronées ou ambigües. »

La mise à nu de ces problèmes fondamentaux faisant parfois suite à des compromis doctrinaux douteux par les acteurs du dialogue - même du côté catholique - dont les propositions théologiques ne sont pas sans compromission sur les acquis basiques de la foi, permet de reconnaître comme dangereux « le relativisme de la vérité », le « subjectivisme exaspéré », « l'éclectisme », « la tendance à interpréter l'Ecriture en dehors de la tradition du Magistère », le « faux concept de la tolérance », « la mentalité indifférentiste ».

Cela dit, les développements christologiques constituant le point de mire de notre travail, nous examinerons indépendamment de leur orthodoxie les grands acquis théologiques à l'intérieur de la problématique du pluralisme religieux, quitte à signaler au besoin leur démarcation ou non de la doctrine de l'Eglise. Pour autant que la confession de Jésus, Fils de Dieu et unique médiateur ait une valeur dogmatique, sinon plus, il n'est pas inutile de souligner que l'énoncé dogmatique compte parmi les facteurs du malaise christologique contemporain57(*). N'était peut-être la formulation langagière du dogme, que la désaffection de l'homme contemporain face à certaines vérités de foi, restant sauf le contenu, et maintes polémiques au sujet même du pluralisme religieuse s'en trouveraient fortement atténués. C'est dans le même sens que Ratzinger en glosant sur la Trinité, émet cette affirmation importante : « Le dogme comme réglementation du langage. [...] Il ne faut donc pas aller jusqu'à considérer ces formules comme les seules possibles, jusqu'à déduire que c'est là l'unique manière d'exprimer la réalité : ce serait méconnaître le caractère négatif du langage théologique, son caractère approximatif. »58(*) Une telle perspective conduit, à coup sûr, à saisir la chance inouïe du pluralisme religieux pour scruter au mieux, approfondir sans peur de réajuster, les propositions dogmatiques tenues parfois à tort pour apodictiques.

La christologie contemporaine, hantée par la question de savoir « comment tenir ensemble, en une tension féconde, l'intégrité de l'identité chrétienne et l'ouverture dialogale aux autres traditions dans le respect des différences ? ou encore comment tenir ensemble l'unicité du salut en Jésus-Christ et la pluralité des religions reconnues dans leur valeur propres ? »59(*), considère comme révolu l'exclusivisme et s'articule autour de deux grands paradigmes : l'inclusivisme et le pluralisme. Cette façon de classifier, plutôt générique, s'exprime autrement chez d'autres auteurs : « Le Christ contre les religions » (l'exclusivisme) traduisant « la thèse traditionnelle de la théologie chrétienne, selon laquelle le Christ est le médiateur unique et exclusif du salut et l'Eglise, l'institution unique et exclusive du salut. »60(*) , « le Christ au dessus des religions » pour un théocentrisme avec une christologie normative et « le Christ avec les religions » pour un théocentrisme avec une christologie non normative.

Somme toute, au terme de ce chapitre , il convient de rappeler que nous avons voulu nous pencher sur le pluralisme religieux et sur les questions qu'il pose à la théologie depuis des siècles et plus encore en nos jours. Nous semblons à présent plus lucide pour entamer la présentation analytique dans les chapitres suivants - d'allure encore plus spéculative - et présenter l'enrichissement théologique issu de discours christologiques comme réponse au défi qu'un tel phénomène lance à la recherche.

CHAPITRE II : CHRISTOLOGIE INCLUSIVISTE

Le Concile Vatican II avait reçu et approfondi l'intuition des théoriciens de l'accomplissement, tout en impulsant un mouvement significatif à la pensée théologique dans le sens de l'inclusivisme christologique. Bien que la perspective exclusiviste garde encore son actualité dans beaucoup de milieux protestants, notamment évangéliques61(*), elle est considérée dans les milieux catholiques comme une étape dépassée du débat sur la question des religions. Comme preuve, nous pouvons évoquer le cas de ce jésuite américain sanctionné par le Saint Siège pour avoir tenu des propos exclusivistes, n'acceptant pas de se dédire sur le sujet. Notre intention dans ce chapitre est d'extraire des arguments théologiques les plus illustres - au point de paraître quelquefois proverbiaux - la substance christologique participant comme propos lumineux ou inédits à l'approfondissement du mystère de la personne du Christ dans le contexte du pluralisme religieux.

Le modèle inclusiviste soutient fermement la signification universelle du mystère de Jésus-Christ. « Cependant, écrit Dupuis, alors que ce mystère sauveur parvient aux chrétiens dans et par l'Eglise, il atteint les fidèles des autres traditions religieuses d'une façon mystérieuse à travers ces traditions elles-mêmes. »62(*) Une théorie inclusive, partant, conjugue (à doses variées sans doute) deux éléments : d'un côté le Christ comme unique principe du salut, et de l'autre la valeur positive (au sens de la concession d'une valeur propre) des diverses traditions religieuses. « Pour la théorie inclusive, donc, poursuit Dupuis, la tâche à accomplir par une théologie des religions, c'est de montrer que l'Evènement Christ, malgré son caractère particulier, quant au temps et à l'espace, a une valeur universelle et des conséquences, de telle façon que le mystère du salut en Jésus-Christ est partout présent et opérant par l'Esprit. »63(*)

Claude Geffré, à travers le concept de « christianité », rend à merveille ce rapport entre le Christ et l'homme quelle que soit sa religion. Ce concept renvoie à une « disposition congénitale par rapport à cette perfection de l'homme qui se trouve exprimée en Jésus Christ (...) présence cachée du mystère du Christ coextensive à tous les moments de l'histoire. »64(*) Nous analyserons tour à tour les approches christologique dites christologiques inclusivistes constitutives et normatives, et, par la suite, l'approche sacramentaliste.

I- L'INCLUSIVISME CHRISTOLOGIQUE CONSTITUTIF

Pour l'inclusivisme, dire que la médiation du Christ est constitutive, cela va de soi, tel que nous l'avons souligné en précisant les caractéristiques de cette approche. Cependant, pour besoin de clarté, l'on appellera constitutive cette christologie qui accentue de façon significative la médiation salvifique du Christ comme essentielle. Le concept « constitutif » renvoie à deux autres : l'unicité et l'universalité,

« elles appartiennent à l'essence du salut, en ce que Jésus-Christ possède une signification salvifique pour l'humanité tout entière, et que l'évènement-Christ - en particulier le mystère pascal de sa mort et de sa résurrection - est vraiment « cause » de salut pour tous les hommes. Il scelle entre la Divinité et le genre humain un lien d'union qui ne pourra jamais être rompu et constitue le canal privilégié à travers lequel Dieu a choisi de partager la vie divine avec les êtres humains. »65(*)

1- Karl Rahner et les « chrétiens anonymes »

a- L'anthropologie et la christologie transcendantales

Karl Rahner est un théologien à la pensée riche et complexe, subtile et architectoniquement ramifiée. Pour arriver à ressortir efficacement les traits de sa christologie transcendantale en lien avec le débat du pluralisme religieux, nous partirons de l'anthropologie qui le conduit à la thèse des « chrétiens anonymes », et pour cause. Mais avant, précisons que son inclusivisme se manifeste par la valeur qu'il concède aux religions non chrétiennes. En effet, d'après Evelyne Maurice, pour Rahner, « dans l'acquisition du salut par un non-chrétien, on ne peut concevoir que les religions non-chrétiennes ne jouent aucun rôle. »66(*)

Si la volonté salvifique universelle de Dieu figure parmi les multiples héritages thomistes de la pensée du théologien allemand, les concepts « transcendantal » et « catégorial », eux, trahissent son attache à la philosophie heideggérienne et son affinité pour l'ontologie fondamentale. En effet, quelle que soit sa situation : « l'homme, comme personne et sujet, est habité par une expérience transcendantale qui anime de l'intérieur toute son activité catégoriale. »67(*) Le domaine du catégorial ou du savoir thématique réfère au pôle du langage, de notre activité de connaissance et du vouloir. Celui-ci, à son tour, dépend d'un autre pôle proprement « subjectif, infiniment plus difficile à définir et à saisir, parce que, par hypothèse, il échappe toujours à la thématisation. »68(*) Et « ce pôle subjectif (...) de notre conscience est la condition de possibilité de toute connaissance réflexive. »69(*) Son ampleur est infinie, et pour le sujet, il « est pure ouverture à absolument tout, à l'Etre en général. »70(*) On est en présence du creuset du désir infini qui porte l'homme dans l'ordre de la connaissance et du vouloir, la source de l'insatiable qui l'habite. A cause de ce mouvement qui « transcende » toujours, porte continuellement le sujet au dépassement, Karl Rahner parle de l'expérience transcendantale. Toutefois, l'existential ou le transcendantal surnaturel propre à l'historicité de la personne ne saurait se réduire à une simple puissance obédientielle ou une puissance passive d'autotranscendance en Dieu sans plus.

Ce mystère qui actue l'homme au plan transcendantal est théologiquement nommé Dieu, de sorte qu'on peut affirmer qu'il « est donné pour ainsi dire un savoir anonyme et non thématique de Dieu. »71(*) Les traditions religieuses n'assument de facto qu'une médiation catégoriale inchoactive de la transcendantalité surnaturellement élevée.

Ensuite, la révélation, don gracieux de Dieu, fruit de l'initiative de Dieu est proposée à un sujet qui y est ontologiquement disposé : « Le mouvement transcendantal de l'esprit, ordonné du mystère absolu dans la connaissance et la liberté, est porté par Dieu lui-même en son autocommunication, de telle sorte que ce mouvement a son terme et son origine (...) dans le Dieu d'absolue proximité et immédiateté. »72(*) Le concept de « chrétiens anonymes » peut alors mieux se comprendre : 

« Celui qui ne se trouve en aucune manière en lien historique concret avec la prédication expresse du christianisme peut néanmoins être un homme justifié, qui vit dans la grâce de Dieu. Il ne possède pas seulement alors cette autocommunication surnaturellement gracieuse de Dieu comme une offre, comme un existential de son existence ; mais il a également accueilli cette offre, et possède ainsi proprement l'essentiel de ce que le christianisme veut lui transmettre : son salut dans la grâce qui objectivement est celle de Jésus Christ. Parce que l'autocommunication transcendantale de Dieu comme offre à la liberté de l'homme est, d'un côté, un moment de cette autocommunication de Dieu au monde qui en Jésus Christ possède son terme et son point culminant, l'on peut parler sans hésiter d'un `chrétien anonyme'. Mais il reste vrai néanmoins que (...) n'est chrétien, dans la dimension de l'historicité réfléchie de cette autocommunication transcendantale de Dieu, que celui qui se déclare expressément en faveur de Jésus le Christ par la foi et le baptême. »73(*)

Le chrétien anonyme est ainsi celui qui rencontre le Christ sans le savoir à travers le double mouvement de l'acceptation de son humanité et de l'amour du prochain.74(*) Du reste, le théologien ne laisse pas subsister d'amalgame entre le christianisme anonyme et le christianisme plénier :

« Il existe un christianisme implicite, anonyme... Nous avons déjà eu très souvent à souligner qu'existe parfaitement et doit exister un rapport dans une certaine mesure anonyme et cependant réel de l'homme individuel à la concrétude de l'histoire du salut, et par suite aussi à Jésus Christ, et cela en celui-là même qui n'a pas encore fait toute l'expérience historique concrète, en même temps qu'explicitement réfléchie, dans la parole et le sacrement, qui le lierait à cette réalité de l'histoire du salut, mais possède un rapport existentiellement réel de façon simplement implicite, dans l'obéissance (...) au Dieu de l'autocommunication absolue, (...) en ce que cet homme accueille sa propre existence sans prévention [...] A côté de quoi il y a le christianisme plénier, venu explicitement à lui-même dans l'écoute croyante de la parole de l'Evangile, dans la confession de l'Eglise, dans le sacrement et dans l'accomplissement explicite de la vie chrétienne, cet accomplissement qui se sait lui-même en rapport avec Jésus de Nazareth. »75(*)

Cela dit, il nous en chaut de nous pencher sur la christologie transcendantale que nous qualifierons de logologie pro-anthropologique, car, le Christ de Rahner qui se rapporte à l'homme est le Logos en tant que principe d'autocommunication intramondain de la vie intratrinitaire. Le jésuite n'a-t-il pas lui-même déclaré que « la Trinité économique de l'histoire du salut est la Trinité immanente »76(*) pour identifier l'être-en-soi de Dieu à l'être-pour-nous de Dieu tel qu'il s'est révélé dans l'histoire du salut ? De manière analogue, la christologie rahnérienne, fortement marquée par l'autocommunicativité du Logos, tente de réfléchir sur l'être du Logos dans son mouvement de donation à l'homme.

A travers l'incarnation qui est le sommet de l'autocommunication de Dieu, le Logos de Dieu, le muable immuable de par la logique kénotique, assume la créature. A l'anthropologie transcendantale correspond à l'évidence une christologie transcendantale qui, à coup sûr, est l'union ontologique de l'homme au Verbe de Dieu : « l'incarnation apparaît comme l'origine nécessaire et permanente de la divinisation du monde en son ensemble. Dans la mesure où advient, en ouverture sans réserve, la proximité insurpassable au mystère absolu que Dieu est et demeure »77(*). L'union hypostatique est l'expression particulière de cette solidarité du Verbe avec l'humanité, une solidarité qui relève l'homme déchu. Daniel Woung émet une glose dans ce sens : « En Jésus l'humanité atteint son niveau ontologique le plus élevé grâce à l'acte créationnel par lequel Dieu lui-même assume cette humanité. »78(*) Le Logos pose l'homme comme la préoccupation ultime de Dieu, abstraction faite de sa croyance religieuse (qui relève du catégorial), au point de faire de lui un mystère, c'est-à-dire le lieu de la contenance et du dévoilement de Dieu  tout à la fois: « L'homme est alors, pour l'éternité, le mystère de Dieu proféré, mystère qui, pour l'éternité, a part au mystère de son fondement. »79(*) Enfin, lisons l'éminent théologien allemand ressortir à merveille le caractère pro-anthropologique de sa christologie : « Parce qu'elle est l'unité de l'être proprement dit de Dieu et de l'homme à travers l'autodiction personnelle de Dieu dans son Logos éternel, la christologie est commencement et terme de l'anthropologie, et cette anthropologie dans sa réalisation la plus parfaite, est pour l'éternité théologie. »80(*)

b- « Chrétiens anonymes » controversé

Autant la théorie des chrétiens anonymes a séduit par son originalité et sa subtilité, autant elle a suscité beaucoup de réticences qu'il serait difficile de mentionner ici de façon exhaustive. Cependant, nous exposerons quelques unes de ces réticences en nous arrêtant par la suite sur celles qui fulminent de plein fouet les bases de la christologie transcendantale.

Au plan interreligieux, les critiques abondent. Quand on connaît le prix que Hans Küng attache dans son approche de la question du pluralisme religieux aux pôles « vu du dehors » et « vu du dedans »81(*), on n'est pas très surpris qu'il trouve cette option rahnérienne empreinte de transfert d'identité ou vectrice de confusion identitaire, « car elle les [les non chrétiens] définit par ce qu'ils nient être, au lieu d'exprimer leur identité propre telle qu'eux-mêmes la perçoivent. »82(*)

D'après Christian Duquoc, à la suite de Hans Küng, la théorie des chrétiens anonymes est une pétition de principe avec pour effet tautologique l'impérialisme religieux ainsi exprimée :

«  leurs différences [les religions] d'avec le christianisme sont alors réduites à être des négations ou des déviations de la vraie religion. Il ne subsiste légitimement de ces religions que ce qui annonce en elles le christianisme, c'est-à-dire ce qui ne les différencie pas de lui. Elles sont prises au filet de l'identité. Tous les croyants (...) sont déjà chrétiens, car ce qui fait leur valeur, ce n'est pas qu'ils appartiennent à telle religion historique, c'est que dans cette religion non chrétienne, ils vivent objectivement le christianisme. »83(*)

Boublik, toujours sur le plan interreligieux, à l'expression « chrétiens anonymes » lui préfère celle de « catéchuménat anonyme », car pour que l'on parle de christianisme tout court, il faut identifier la réelle transformation qu'il entraine en dépassant la simple référence fut-elle transcendantale à un Christ dont on n'aurait pas conscience. Faute d'une telle transformation, il sied plutôt de parler de « catéchuménat anonyme » comme préparation au salut. « Le salut proprement dit reste en suspens, écrit Dupuis pour commenter la pensée du critique, jusqu'au moment où le « non-chrétien » rencontrera personnellement Jésus-Christ et sera ainsi en mesure de recevoir le salut en lui par un acte de foi explicite. »84(*)

Sur le plan d'une historicité du christianisme aux prises avec le défi de l'histoire, le théologien catholique Jean-Baptiste Metz dénonce dans la théorie des « chrétiens anonymes » la « ruse théologique qui garantit l'identité et la victoire, sans l'expérience de la course et de la possible disparition. »85(*) Elle repose sur le présupposé selon lequel : « le christianisme est immunisé contre les risques afférents aux menaces identitaires par son omniprésence : pas de faillite ni de défaillance, pas de crise d'identité possible, puisque celle-ci est donnée d'avance. »86(*) L'armature du transcendantal rahnérien « prémunit le christianisme contre tout péril dans le champ de l'histoire. »87(*)

Sur le plan proprement christologique, nous retiendrons trois critiques majeures à l'endroit de la théorie des « chrétiens anonymes ».

La première est de Urs Von Balthasar. Tout d'abord, ce dernier trouve que la christologie sous-jacente à cette théorie est proche de la christologie « évolutionniste » de Soloviev « pour qui Jésus-Christ représente « la loi de l'évolution parvenue à soi. »88(*) . Ensuite, Balthasar décrie dans cette théorie l'ellipse de la croix : « Ici, manque clairement une théologie de la croix, dont Rahner nous reste redevable. Certes, la valorisation de la doctrine du christianisme (...) amène une dévalorisation de la théologie de la croix, et, par suite, de la théologie de la vie chrétienne fondée sur l'épreuve décisive. »89(*) On serait en présence d'une réduction de « l'importance du péché et [de] l'exigence de la rédemption. En somme, cette théorie transforme le surnaturel en une « fonction de la nature »90(*)

La deuxième critique, de Henry Van Straelen laisse entendre que : « Dans cette théorie rahnérienne, il n'y a plus de révélation objective, la frontière entre nature et surnature est effacée et Dieu fait violence à l'homme pour lui donner quelque chose dont il ignore tout et qu'il ne désire peut-être pas. »91(*) De ce qui précède, il s'ensuit que le Christ transcendantal est cause de confusion entre nature et surnature comme symbole de la violence divine faite à l'homme. La célèbre maxime théologique héritée de Thomas d'Aquin selon laquelle la grâce ne supplée pas la nature devient caduque dans la mesure où, à cause de l'influence d'une christologie évolutionniste, on ne perçoit plus clairement comment, comme le dit Van Straelen, « la foi est l'acceptation de la révélation divine et non l'épanouissement d'une structure humaine. »92(*)

Que dire enfin de la critique qui touche au fondement christologique de la mission ?

« On lui [à la thèse des chrétiens anonymes] reprochait, écrit Geffré, de procéder à partir d'une vision abstraite et beaucoup trop optimiste des religions. En faisant de celles-ci des objectivations de la volonté universelle salvifique de salut de Dieu, elle ne souligne pas assez l'ambiguïté fondamentale des religions qui sont aussi l'expression de l'aveuglement pécheur de l'homme. D'autre part, la théorie des chrétiens anonymes n'insiste pas assez sur la nouveauté de l'existence chrétienne par rapport à la nature humaine comme condition préalable de la grâce. Et la révélation judéo-chrétienne comme révélation historique, dans sa différence avec ce qu'il considère comme la révélation transcendantale, à savoir la communication de grâce que Dieu fait à tout être humain. »93(*)

Comment ne pas sentir que l'inquiétude relevée ici par l'auteur est celle de savoir si la mission évangélisatrice de l'Eglise à l'égard des non-chrétiens peut trouver encore dans une telle perspective un fondement christologique réel. Sesbouë en reconnaît le problème et tente de le surmonter dans l'interprétation de la pensée de Rahner, en précisant que la mission se fonde sur le passage d'un christianisme anonyme à un christianisme plénier :

« De même que l'expérience transcendantale de l'homme s'actualise nécessairement dans un agir concret et historique et se thématise dans l'ordre du catégorial, de même l'autocommunication de Dieu à l'homme, à partir du moment où elle entend assumer dans l'incarnation les lois de la condition humaine, ne peut se jouer au seul plan transcendantal, mais doit assumer une face historique et concrète qui va du mystère de Jésus-Christ à l'institution de l'Eglise. »94(*)

Quoiqu'étant affirmée une solidarité avec l'humain, le Christ transcendantal garderait la même force rédemptrice que le Christ ecclésial. Le passage d'un christianisme anonyme à un christianisme plénier semble être un fait de surcroit qui n'entame en rien l'autocommunication de Dieu déjà sotériologique lorsqu'elle rencontre l'autotranscendance active du sujet. Il y a donc une réelle difficulté à fonder comme le faisait Jean Paul II, la mission sur le Christ et non de la dériver d'une quelconque nécessité95(*). Quand on sait que dans l'Evangile de Jean, Jésus se définit comme « l'envoyé » du Père, lui qui envoie à son tour, comment ne pas noter l'absence de ce fondement de la mission, qui constitue l'essence de l'Eglise telle que martèle Henri de Lubac96(*).

2- Jacques Dupuis vers la christologie trinitaire

a- Le contexte théologique

L'après Vatican II, notamment avec l'exigence d'aggiornamento a contribué à une remise en cause de la perspective démonstrative et de l'argumentation extrinsèque de la scolastique. Un tel mouvement coïncidait avec le regain d'intérêt porté à la question de l'histoire sur la scène biblique et dans la christologie elle-même : c'est la recherche d'une certaine harmonisation entre l'histoire et les affirmations dogmatiques avec comme but aussi de ne retenir au sujet de Jésus dans le NT que ce qui relève de la factualité97(*), tel que nous l'avons montré dans le chapitre précédent.

Ce rappel n'est pas superflu lorsqu'on sait comment cette problématique du Jésus historique et du Christ de la foi a motivé chez Dupuis l'articulation des catégories du particulier et de l'universel comme nous le verrons. Pour l'instant, contentons-nous du lien entre le contexte théologique et la méthode de l'auteur.

Quand il s'interroge sur le point de départ du discours sur le Christ, il écrit :

« Les disciples étaient ainsi renvoyés au témoignage de Jésus durant sa vie terrestre. Poussés par l'Esprit, ils se remémoraient ce que le Jésus prépascal avait fait et dit, et qui alors, la plupart du temps, n'avait pas été compris. Cette « mémoire » du Jésus historique a joué un rôle dans la genèse de la foi christologique des disciples. Elle a fourni le lien entre Jésus lui-même et l'interprétation de foi qu'ils ont donné de lui après sa résurrection. Par elle, la foi christologique de l'Eglise retourne réellement au Jésus de l'histoire et peut se fonder sur lui en qui elle trouve ainsi son fondement historique. »98(*)

Il se trouve que Dupuis, à la suite des auteurs de la deuxième quête du Jésus historique écrit encore :

« Nous nous efforcerons à montrer que Jésus est réellement à l'origine de la foi christologique de l'Eglise ; ou, selon la terminologie déjà utilisé précédemment, qu'il y a continuité-dans-la-discontinuité entre la « christologie implicite » de Jésus et la « christologie explicite » de l'Eglise apostolique. La continuité-dans-la-discontinuité s'applique ici à Jésus lui-même en ce qu'il passe de l'état kénotique à la condition glorifiée par la transformation de son humanité dans la Résurrection ; elle s'applique aux disciples pour autant qu'ils passent de la simple condition de disciples à la foi chrétienne à travers leur expérience pascale. »99(*)

Il s'agit là comme on peut le constater d'un processus de « retrojection » qui articule christologie « d'en bas » (proche de l'induction) et une christologie « d'en haut » (proche de la déduction)100(*). L'auteur, en raison de cette combinaison de ces deux approches classiques en théologie, se réclame de la démarche qui conçoit « la théologie comme herméneutique »101(*).

b- chemin vers l'approche christologique trinitaire

En 1990, Le Pape Jean Paul II écrit : « Il est contraire à la foi chrétienne d'introduire une quelconque séparation entre le Verbe et Jésus Christ. (...) Jésus est le Verbe incarné, Personne une et indivisible : on ne peut pas séparer Jésus du Christ, ni parler d'un « Jésus de l'histoire » qui serait différent du « Christ de la foi »102(*) Dupuis, conscient de cette mise en garde écrit tout de même :

« Il faut donc montrer, comment s'associent, dans l'unique économie du salut voulue par Dieu pour l'humanité, les deux aspects de l'action universelle du Verbe comme tel et de la signification salvifique universelle de l'évènement Jésus-Christ, de façon à laisser entrevoir que, tandis que l'évènement Jésus-Christ est universellement « constitutif » du salut, les autres voies ont une certaine signification salvifique pour leurs propres adhérents dans le même plan divin. »103(*)

Même si Dupuis se refuse au logocentrisme confiné sur l'aspect logologique du Fils de Dieu, il distingue « une action du Verbe de Dieu, non seulement avant l'incarnation du Verbe, mais également après l'incarnation et la résurrection de Jésus-Christ, distincte de l'action salvifique à travers son humanité »104(*) , sans séparer Verbe divin et Jésus historique. Telles sont les incidences de sa méthode herméneutique inductive et déductive tout à la fois.

Dans la personne de Jésus, s'unissent sans confusion, ni changement, la nature divine du Verbe et l'humanité. Il faut éviter tout monophysisme (absorption d'une nature par une autre). Pour dire mieux : « Le Verbe de Dieu, bien que s'étant incarné, reste le Verbe de Dieu ; Dieu reste Dieu... Son éternité divine n'est pas absorbée par sa temporalité en tant qu'homme ; sa fonction créatrice n'est pas supprimée par sa créaturalité en tant qu'homme. »105(*) En ce sens, l'action du Verbe incarné reste le sacrement d'une action plus ample, celle du Verbe éternel de Dieu. La personne de Jésus est marquée par une contingence qui le confine dans la particularité historique de son être ; elle est ainsi limitée et rendue incapable de contenir en elle toute l'action du Verbe de Dieu.

Restant sauf le fait que « l'action universelle du Verbe et l'évènement historique de Jésus-Christ ne sont ni à identifier ni à séparer, [et qu'] ils demeurent distincts »106(*), s'inspirant de Justin, Dupuis réaffirme tout de même : « Le Logos de Dieu a répandu ses semences tout au long de l'histoire de l'humanité et il continue de les répandre aujourd'hui en dehors de la tradition chrétienne. »107(*) Son analyse logologique lui permet de préserver envers et contre tout la présence du Verbe dans les traditions religieuses, celles-ci n'ayant pas besoin d'être reportées au christianisme pour que luise en elles l'éclat du Verbe. C'est une question vitale pour notre auteur de sauvegarder l'autoconsistance propre et inaliénable des autres religions.

En effet, le christianisme est issu de l'évènement-Christ. L'Eglise est fondée sur ce mystère vécu, célébré et professé. Il serait inconvenant de relier toutes les traditions du monde à un évènement si circonscrit dans le temps et l'espace, et ainsi doté d'une contingence irréductible. Si Dupuis refuse le vocable de « chrétiens anonymes » aux non chrétiens, c'est que cette désignation leur dénie « leur propre identité en tant qu'autres, dans leur spécificité irréductible[...]Ce faisant, le christianisme semble a priori s'établir comme norme absolue, alors qu'il représente lui-même, parmi d'autres, une tradition religieuse de l'humanité. »108(*)

On dirait que la particularité issue de la spatio-temporalité de l'évènement Jésus-Christ est comme communiquée au christianisme. Au sujet de Jésus, il affirmera de façon audacieuse : « Les vicissitudes humaines de Jésus appartiennent à un temps et lieu précis ; le mystère même de la résurrection est un évènement inscrit ponctuellement dans l'histoire, bien qu'il introduise l'être humain de Jésus dans une condition « méta-historique »109(*).

Avec une certaine perspicacité, le jésuite s'empressera d'équilibrer en arguant que l'automanifestation du Verbe ne pouvait aller plus loin, comme nous le verrons avec Walter Kasper : « Sans aucun doute, le Verbe avait été manifesté en Jésus-Christ de la manière la plus complète possible dans l'histoire, comme aussi de la manière la plus profondément humaine que l'on puisse jamais concevoir, et donc la plus adaptée à notre nature »110(*), autrement dit, le devenir-homme du Verbe de Dieu dans l'évènement-Jésus-Christ (passion, mort, résurrection) a atteint le point culminant du processus historique de l'autocommunication divine. Jésus-Christ est « sacrement universel » du mystère du salut que Dieu offre à travers son Verbe à tous les hommes. L'auteur parle d'une association organique de l'action du Verbe à l'action salvifique de l'évènement-Christ dans l'unique plan divin de l'humanité. Il évite ainsi qu'on prête à son raisonnement l'idée d'induire, suite à une concaténation douteuse, à une relativité absolue de l'Evènement-Christ, parce que seul le Logos serait absolu.

Une telle perspective christologique a le mérite de concilier la centralité de Jésus-Christ dans le plan du salut (le christocentrisme) et la survivance, fut-elle pâle, de l'action salvifique de Dieu au-delà des limites du christianisme.

Deux facteurs vont permettre à Dupuis d'embrasser le risque de pousser jusqu'au bout la logique de sa pensée.

Il y a premièrement, ceci que son dialogue avec les théologiens pluralistes de tendance théocentriste est déterminant. Ces derniers (comme nous le verrons dans le prochain chapitre) refusent de placer la figure du Christ au centre de la préoccupation de l'homme qui cherche le salut. Jésus reste comme tant d'autres une figure qui incarne le salut de Dieu. En cela, les théologiens pluralistes s'opposent au christocentrisme pour lequel l'évènement-Christ est générateur du salut pour l'humanité. Dupuis tente d'unir les deux tendances :

« En réalité, dit-il, le christocentrisme de la tradition chrétienne n'est pas opposé au théocentrisme. Il ne met jamais Jésus-Christ à la place de Dieu ; il affirme seulement que Dieu a mis Jésus-Christ au centre de son plan sauveur pour le genre humain, non comme la fin mais comme la Voie, non pas comme le but de toute quête humaine de Dieu, mais comme le Médiateur universel de l'action salvatrice de Dieu à l'égard des personnes. »111(*)

Il ajoute : « La théologie chrétienne (...) est théocentrique étant christocentrique. »112(*)

Le second facteur, certes lié au premier, est la façon dont il entend le salut en Jésus. Jésus est le Sauveur universel parce qu'il est sauveur « constitutif » de l'humanité. Mais, seul Dieu est le Sauveur absolu. En réalité, dans la Bible juive, le titre de « sauveur » appartient principalement à Dieu, et dans le NT, « l'objet de la foi (...) reste fondamentalement Dieu le Père ; de même, selon cette même théologie, c'est fondamentalement Dieu qui sauve et, non pas premièrement, mais conjointement, Jésus-Christ : Dieu nous sauve par le Fils (voir Jn 3, 16-17). »113(*) Il conclut fatalement : « Le fait que Dieu est premièrement le Sauveur n'empêche toutefois pas que Jésus-Christ soit appelé Sauveur, mais c'est en second lieu, l'évènement-Christ étant l'expression efficace de la volonté et de l'action salvifique de Dieu. Qu'il soit appelé « Sauveur constitutif », non « absolu », ne « relativise » pas l'action salvifique du Christ, ce qui est « constitutif » appartient à l'essence. »114(*)

Quel modèle christologique allierait dans une parfaite harmonie constitutivité du salut en Jésus et les judicieuses intuitions du théocentrisme ? Dupuis est donc conduit à opter pour un « modèle de christologie trinitaire »115(*), autrement dit, une « pneumato-christologique trinitaire »116(*).

D'après lui, « une christologie trinitaire devra exprimer clairement la relation de Jésus avec l'Esprit »117(*), insistant sur le rôle de l'Esprit dans la vie de Jésus. L'enjeu est celui-ci : « Dans une théologie, la présence et l'action universelle de l'Esprit dans l'histoire humaine et dans le monde devront non seulement être affirmées, mais devront également servir de fil conducteur. »118(*) Il devient plus aisé de saisir l'opportunité du salut en dehors du christianisme. Aussi, voudrait-on éviter un christomonisme pour préserver le christocentrisme d'une autodestruction - telle que prévient Bernard Sesbouë119(*) - qu'on est contraint d'allier christologie et pneumatologie, puisque la distinction des hypostases du Christ et de l'Esprit et des rôles respectifs de ceux-ci nous y engage. Dupuis va même plus loin que Rahner, à preuve : « une théorie de l'interprétation des traditions centrées sur l'Esprit peut, d'après Barnes, aider à résoudre le dilemme fidélité-ouverture. Au lieu de se demander comment les autres religions sont liées au Christ et soulever l'inévitable énigme de sa présence « latente », « inconnue » ou « cachée », nous considérons la façon dont l'Esprit du Christ est actif, dans toutes les religions en révélant le mystère du Christ - le mystère de ce que le Christ fait dans le monde. »120(*)

La christologie trinitaire permet de réconcilier l'évènement particulier et l'insistance pluraliste sur l'action universaliste de Dieu dans l'histoire. Effectivement dans ce modèle pneumato-christologique trinitaire, le pôle d' « Un Dieu » traduit la vie immanente de la divine Trinité comme communion absolue d'amour. « La diversité et la communion des personnes dans la Divinité offrant la clé appropriée (...) pour comprendre la multiplicité des manifestations que Dieu fait de lui-même, étroitement liées entre elles dans le monde et dans l'histoire. »121(*) Le pôle d' « Un Christ » se rapporte à l'évènement-Christ sans aucun réductionnisme logocentriste d'une part, et d'une jésuologie d'autre part.

Il n'est pas inutile de rappeler que dans le contexte de cette pensée, le pluralisme non seulement de fait, mais aussi de droit est l'expression d'une pluralité de manifestations divines intérieures au dessein de Dieu.

La CDF a émis quelques réserves quant à cette approche de Dupuis. Elle a demandé au jésuite belge d'adjoindre une notification à son livre Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux. Cette notification rappelle huit principes pertinents de théologie - dont quatre portent spécifiquement sur le Christ - en raison des « formulations ambiguës et des explications insuffisantes de différents passages de son livre »122(*), dans le but de « réfuter les opinions erronées et dangereuses auxquelles le lecteur pourrait être conduit. »123(*). Les remarques au sujet des affirmations christologiques rappellent l'unicité de la médiation salvifique universelle du Christ, la non séparation du Verbe et de Jésus et de leurs actions respectives, le caractère complet et définitif de la révélation en Jésus-Christ et enfin l'accomplissement dans le Christ des semences de vérités présentes dans les autres religions.

Claude Geffré avait déjà, quelques années auparavant, souligné à sa manière ces insuffisances de la christologie de Dupuis. En effet, d'après lui, l'insistance de la christologie trinitaire sur l'action conjointe du Verbe et de l'Esprit au-delà des frontières de l'Eglise trahit chez l'auteur une attention insuffisante au paradoxe de cet universel concret qui est le Christ Jésus. Pour Geffré, l'Esprit à l'oeuvre en dehors de l'Eglise est l'Esprit du Christ mort et ressuscité. Raison pour laquelle, il faut maintenir le plus possible que c'est au sein même de la particularité du Christ indissociable de Jésus de Nazareth qu'il faut vérifier cette universalité du Verbe. Ainsi, n'a-t-on pas besoin de corriger la particularité du Verbe incarné en faisant appel à la capacité d'universalisation de l'Esprit : « Là, dit-il, je trouve que la christologie trinitaire, telle que la comprend le Père Dupuis, risque non pas de nier l'unicité de la médiation du Christ, mais, en un certains sens, de compenser la particularité du Christ comme Verbe incarné par la capacité d'universalisation de l'Esprit. »124(*)

3- Walter Kasper et l'approche christologique et trinitaire

L'approche christologique et trinitaire de Walter Kasper n'est pas à confondre avec l'approche christologique trinitaire de Jacques Dupuis ; en fait, celle-ci était fortement marquée par la doctrine des Logoi spermatikoi de Justin, alors que celle-là s'inspire de la théorie de la récapitulation d'Irénée de Lyon.

En effet, l'enseignant de Tübingen dans son ouvrage Jésus le Christ reste préoccupé par la question suivante : « On doit faire encore un pas de plus et se demander comment, dans un monde devenu historique, la question de l'absolu, de la rédemption et du salut, de Dieu et de son Règne peut même encore avoir un sens. Comment, dans les conditions où nous nous trouvons aujourd'hui, pouvons-nous encore parler de manière compréhensible de Jésus Christ et du salut qu'il a apporté. »125(*) On ne peut ne pas s'apercevoir qu'il porte un intérêt au Jésus historique. C'est une certaine appropriation historique du message de Jésus qui résoudra le malaise moderne du christianisme oscillant entre fidélité à son identité et capacité d'être digne de crédibilité en face de l'homme moderne, tel qu'évoqué au tout début de son livre126(*). « La confession de foi et les dogmes christologiques doivent être compris en fonction de cette réalité visée [la confession de la communauté ecclésiale] et à partir d'elle. »127(*) Le fond historique revêt une telle importance du fait que l'histoire, comme lieu d'espérance, pourrait permettre efficacement de se sentir concerné par Jésus et son message de salut. Ne dit-il pas dans ce sens : « Ce qui est convaincant en Jésus Christ, c'est que chez lui les deux aspects, la grandeur et la misère de l'homme, sont acceptés d'une manière infinie. En ce sens Jésus Christ est l'accomplissement de l'histoire. »128(*)

L'approche christologique et trinitaire de Walter Kasper repose sur l'analogie d'unité de la race humaine d'une part et de Dieu d'autre part. Dieu est Un, expression plus qualitative que quantitative. Il déclare à ce propos : « Il faut voir la croyance en Dieu seul et unique en lien avec l'exigence d'une décision radicale d'appartenir à Dieu du même mouvement, de tout son coeur, son âme et son esprit... Dieu est tel qu'il monopolise tous les aspects de notre être, et il nous comble totalement. »129(*) La croyance en un Dieu unique est donc une option faite contre le polythéisme qui absolutise la pluralité des réalités, des peuples et des cultures tandis que le monothéisme se pose comme la contradiction la plus radicale possible de la fragmentation de la réalité et comme une affirmation claire et forte de l'unité du monde et de la race humaine.

L'approche christologique et trinitaire est celle de l'unité dans la diversité : « La raison la plus profonde du fait que la confession de foi au Dieu unique n'exclut pas la diversité mais plutôt l'inclut jusqu'à un certain point, réside dans la confession de foi trinitaire d'un Dieu unique en trois personnes. »130(*) Il lui apparaît que l'unité et la diversité en Dieu sont préservées par le mouvement kénotique dans lequel chacun se renonce pour donner à l'autre l'espace de se communiquer. Et voici le versant christologique de l'approche : Puisque de toute éternité Dieu est amour, échange entre les personnes trinitaires, il peut donc se communiquer totalement en Jésus sans se diminuer. Dans le mouvement incarnationnel du Verbe qui s'abaisse, transparait toute la divinité de Jésus. « Un tel renoncement n'est vrai et authentique que si la divinité du Logos éternel n'absorbe pas son humanité mais l'accepte dans sa particularité et la laisse être elle-même (...) Jésus-Christ est unité dans la diversité et diversité dans l'unité. »131(*)

« Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils » (He 1, 1). La logique kénotique du Verbe est motivée par le projet autocommunicationnel divin. Ce passage du NT est interprété par notre auteur comme la preuve scripturaire que la communication autocommunicative de Dieu - c'est-à-dire, la parole émise comme dévoilement - ou encore l'extra-donation de Dieu atteint en Jésus-Christ son point culminant : « En Jésus-Christ, Dieu est pour ainsi dire totalement sorti de lui-même, il s'est communiqué sans retenue. »132(*)

Cela dit, il devient plus facile de saisir la portée de son inclusivisme à grande connotation historique. Il considère l'histoire comme bornée par le Christ (Alpha et Oméga) qui exprime par-là son pouvoir récapitulateur. L'histoire des hommes se meut à l'intérieur du mystère du Verbe qui, dans son acte divin d'autocommunication, l'accomplit (l'ephapax) : « car le but (eschatologique) définitif éclaire ainsi rétrospectivement les débuts (protologiques). Parce que c'est en vue de Jésus-Christ et en lui que tout a été crée (Jn1, 3 ; 1co8, 6 ; col1, 15) et parce qu'il est le Verbe par lequel tout est devenu et qui éclaire tout homme (Jn 1, 2.9.10), il récapitule toutes choses (Ep1, 10). « Toutes choses », cela va bien au-delà du domaine des religions ; cela inclut toute réalité et mesure tout à l'aune de Jésus-Christ. »133(*) Autrement dit, Jésus est « accomplissement de l'histoire religieuse et culturelle des nations. »134(*)

II- L'INCLUSIVISME CHRISTOLOGIQUE NORMATIF

La christologie normative constitue l'autre manche de l'inclusivisme dont les chantres s'accordent tous sur leur commun refrain : « Jésus-Christ est la révélation plénière, définitive et donc normative de Dieu pour tous les peuples. »135(*) Il est capital de se rendre compte de la distance qui sépare ce modèle du modèle inclusiviste constitutif : ici, Jésus n'est pas la cause constitutive de la grâce salvifique, les traditions religieuses sont perçues comme des voies autonomes du salut et parallèles par rapport au christianisme. Faire dépendre le salut de la personne et de l'oeuvre de Jésus-Christ, alors que l'automanifestation de Dieu dans l'histoire a assumé une pluralité de formes inassimilables les unes par les autres, est tout simplement avoir deux poids deux mesures. A la limite, on reconnaît sans doute que la figure de Jésus-Christ dans le rapport salvifique divino-humain, s'avère le parfait symbole, « le modèle idéal ». Par conséquent, il n'est que normatif. « Le Christ, dans ces approches, n'est pas plus présent dans les religions, mais il se tient au-dessus d'elle, comme le modèle éminent, la norme, le « régulateur décisif. »136(*)

1- Hans Küng et une théologie oecuménique

Hans Küng situe son analyse dans une approche plus globale oecuménique critique. Une telle approche au plan de l'attitude générale face aux religions s'oppose à l'indifférentisme, au relativisme et au syncrétisme et leur préfère respectivement « indifférence envers l'orthodoxie prétendue »137(*), « relativité devant toutes les positions humaines d'absolu »138(*), « une grande volonté de synthèse, en face de tous les antagonismes confessionnels »139(*). Soutenant à cor et à cri que nul ne possède le monopole de la vérité, il établit trois critères permettant de distinguer la vraie religion de la fausse. D'après « le critère éthique général (...) authentiquement humain, [il faut vérifier] qu'elle ne détruit pas la véritable humanité, mais la protège et la promeut. »140(*) Pour sa part, « le critère religieux général » jauge de l'authenticité d'une religion à l'aune de sa fidélité à sa propre origine, alors que le « critère spécifiquement chrétien », le fait d'après le repère que constitue l'esprit de Jésus Christ. C'est à partir de ce critère spécifiquement chrétien que Küng prend position en faveur d'une christologie normative : « pour tout le Nouveau Testament - que cela plaise ou non - Jésus est normatif et définitif : lui seul est le Christ de Dieu. »141(*)

De plus, il distingue un « vu du dehors » et un « vu du dedans ». Le premier serait propre à une approche des sciences des religions susceptibles de faire constater dans toutes les religions la commune recherche d'un but discernable par l'outillage critériologique éthique et religieux. Seul le second est le lieu propice de l'affirmation des caractères normatif et définitif du Christ. Les religions peuvent être dites chrétiennes en raison du lien possible entre chacune d'elles et le message du Christ ; par conséquent, elles exercent vis-à-vis du christianisme une vocation de « correctif prophétique »142(*) en le poussant à s'interroger sur la fidélité à son origine, le complétant, le corrigeant, voire en l'approfondissant.

Le Christ de Küng est une sorte d'instance normative qualitativement supérieure aux autres figures de salut dans les autres religions. La portée universelle du caractère salvifique de l'Evènement-Christ n'est pas ici tout à fait problématique, sinon dans la mesure où l'on insinue que l'universalité veut dire cause de salut pour tous les hommes. Autrement dit, l'universalité ici signifie que la figure de Jésus Christ est modèle de perfection et principe régulateur du salut des médiations effectives de salut présentes dans toutes les religions. On serait proche de certains éléments de la christologie cosmologique de Teilhard de Chardin - l'aspect régulateur par exemple - que d'autres formes de christologies inclusivistes normatives des auteurs comme Andreas Rösseler exploiteront.

Dupuis reproche à la christologie de Hans Küng sa méfiance pour la christologie ontologique qui peut porter préjudice à l'intégrité de la foi chrétienne, s'exposant, de notre point de vue aux affirmations adoptionistes, prisonnières de son approche fonctionnelle :

« Quant à la manière dont H. Küng entend établir la spécificité et l'originalité du christianisme sur la personne de Jésus-Christ, j'ai montré ailleurs qu'elle reste déficiente, fondée comme elle est sur le « projet » ou « programme » de Jésus, sur le « caractère représentatif » de celui-ci en tant que « délégué » de Dieu auprès du genre humain - bref, sur la christologie « fonctionnelle » qui se méfie d'une christologie ontologique affirmant l'identité personnelle de Jésus-Christ comme le Fils de Dieu. »143(*)

2- Hans Kessler et Karl Josef Kuschel : perspective christologique kénotique et eschatologique

Kessler et Kuschel prolongent la pensée de Hans Küng, seulement, le premier accentue l'agapè divin et le second l'amour du prochain dans la question du rapport aux différentes religions. Pour les deux « l'unicité de Jésus est fondée sur le témoignage scripturaire d'un Jésus primairement minor, unique en tant que « symbole réel », « historique concret », de la bonté inconditionnellement de Dieu sous l'aspect et des qualités de « bonté, humilité, douceur, patience » qui ont caractérisé aussi bien toute son existence que son enseignement. »144(*) Il semble alors dans cette perspective que l'unicité du Christ est fondée sur la fidélité au Père tel que le témoigne sa vie. On se situe en plein dans une christologie d'en bas, dans laquelle l'horizon pour une divinité du Christ est étroite. Logiquement, nos deux auteurs mettent les chrétiens en garde : que ces derniers soient capables de reconnaître que l'esprit de Dieu est universellement présent dans tous les peuples là où ils identifieront l'esprit « agapéique-diaconique-kénotique » qui a marqué le Christ. Ainsi, que « les chrétiens ne prétendent pas exprimer la première et unique révélation divine » en se référant à cet esprit du Christ. En Jésus, la révélation est eschatologique et définitive (parce qu'historiquement définitive et donc insurpassable). La déduction est donc évidente : « La revendication de Jésus (...) d'être la vérité universelle, définitive et normative est à défendre dans ce qu'elle contient et qui a valeur universelle : dans la Nachfolge du Jésus humble, aimant, doux, libérateur. »145(*)

Monique Aebischer adresse une critique à nos deux auteurs au sujet de leur méthode. Ils sont trop surpris en flagrant délit de « jugement a priori » pour espérer fonder l'égalité de principe des convictions en présence146(*). Autrement dit, leur projet de placer sur un pied d'égalité les différents acteurs des religions précisément au plan des médiations de salut se trouve piégé par l'abondance de jugements aprioritiques du genre qui présentent Jésus comme « seul critère définitif, représentant la mesure d'une relation véritablement salutaire (et humanisante) au vrai Dieu et d'une relation libérée et libératrice au prochain. »147(*)

Nous n'avons pas épuisé la présentation des modèles christologiques inclusivistes normatifs. Nous nous sommes attardés sur les plus significatifs. Il en existe bien d'autres comme celui d'Andrea Rösseler, un modèle de gradation et d'universalité s'inspirant, comme nous l'avons dit plus haut du Christ cosmique de Teilhard de Chardin.

Dupuis s'en prend à la christologie normative dans son ensemble. En intégrant le principe de l'autonomie des médiations salvifiques, il reste qu'elle ne fonde pas suffisamment le caractère « représentatif » de Jésus-Christ ou sa normativité, et par-là, ne laisse pas d'autres possibilités de l'entrevoir, en dehors du « risque [...] de paraître relever d'un décret arbitraire de Dieu. »148(*)

III- LES APPROCHES SACRAMENTALISTES ET INCULTURATIONNELLES

On n'a certainement pas fait le tour de la question si, au sujet du pluralisme religieux, on se limite à consentir une valeur positive aux traditions religieuses ( cas de la christologie inclusiviste constitutive), ou si l'on franchit le pas de les prendre pour de véritables médiations du salut (cas de la christologie inclusiviste normative), loin s'en faut. Il conviendrait peut-être d'aller plus loin et quêter en elles de véritables signes de l'action de Dieu Sauveur, tel que Camil Ménard a le mérite de nous l'inspirer : « Comme toutes les réalités de la création, les religions non chrétiennes peuvent être médiatrices en ce sens spécial et elles entrent à ce titre dans l'ordre sacramentel des réalités de la création. »149(*) Nous nommons sacramentaliste l'approche du Père Edward Schillebeeckx qui perçoit dans le débat du pluralisme religieux, les religions non - chrétiennes sous l'angle de la sacramentalité.

De plus, depuis l'ère des missions, un effort immense est réel pour dépasser la simple implantation des édifices en Afrique, comme en Asie ou ailleurs, en optant pour une présentation de l'Evangile du Christ qui se fait à l'intérieur d'un dialogue sérieux initié avec les religions traditionnelles ou des traditions religieuses et culturelles en présence. De ce dialogue, émerge un discours inédit sur le Christ au-delà du processus entaché bien souvent de concordisme visant à exhumer les « pierres d'attentes » enfouies ci et là. C'est en raison de la réelle imbrication de cette recherche avec le processus de l'inculturation que nous l'appelons approche inculturationnelle.

1- L'approche sacramentaliste de Schillebeeckx

Comment prendre connaissance des récentes productions du professeur Schillebeeckx tout en ayant à la mémoire ses écrits plus anciens et se garder de l'étonnement au vue du revirement qu'aurait pris la pensée du dominicain qui abandonne une christologie d'en haut pour une christologie d'en bas ? Et ceci parfois de façon extrême au point de s'attirer, comme d'autres théologiens catholiques, des ennuis avec la CDF. En ce qui nous concerne, nous tâcherons tant que faire se peut, de préserver l'unité de sa pensée au sujet de la question qui nous préoccupe.

Schillebeeckx semble avoir été fortement préoccupé par l'interrogation qu'adressent au christianisme les cultures et traditions religieuses. Son projet, d'après Ménard, se résume ainsi : « La rencontre entre les religions et la familiarité plus grande avec les expériences religieuses des non-chrétiens invitant fortement la foi chrétienne à rechercher selon lui, une nouvelle intelligibilité du mystère de l'homme de Nazareth. »150(*) Malgré le fait que l'unicité et l'universalité de Jésus-Christ ne font l'ombre d'aucun doute, son approche se base sur une méthode méta-dogmatique assumant le risque d'une recherche historique. Sortira-t-il de l'impasse de la double affirmation de l'universalité et de l'unicité du salut en Jésus-Christ et de l'irréductibilité de la valeur positive salvifique des traditions religieuses par l'échappée d'une présence salvifique - implicite ou inconsciente - ? Non. « Il sort de cette impasse théorique en cherchant d'abord une universalité de sens concernant Dieu et la vie humaine qu'il situe sur le fond de l'histoire humaine et de sa préhistoire dans la création. »151(*)

Qu'est-ce à dire de sa perspective sacramentelle ? La question est nécessaire pour entrer dans les repères de sa christologie.

Un sacrement est d'abord pour lui, de l'ordre de la rencontre, laquelle rencontre est le lieu du salut. « Nous appelons, dit-il, l'acte même de cette rencontre entre Dieu et l'homme, qui ne peut avoir lieu sur terre que dans la foi, le salut. De la part de Dieu, cette rencontre inclut une révélation qui manifeste ; de la part de l'homme, elle inclut la religiosité. »152(*) Cela veut dire que la rencontre avec Dieu comme personne est le fruit conjugué de la révélation - ce sans quoi Dieu ne peut être atteint - et la religiosité - l'ouverture de l'homme à Dieu. Ainsi, « est sacramentelle toute réalité surnaturelle qui s'accomplit historiquement dans notre vie. Dans l'histoire de l'humanité, Dieu accomplit son dessein sur l'humanité. »153(*) A partir d'une telle approche ouverte du sacrement en continuité avec la vision thomiste des « sacrements naturels », Schillebeeckx parle d'un « sacrement dans le paganisme religieux », connotant le fait que « la vie dans le monde de la création reçoit un sens profond si l'homme est placé dans ce monde comme quelqu'un à qui Dieu s'adresse personnellement »154(*), et « alors le monde créé devient un élément du dialogue intérieur avec Dieu. »155(*) Il conclut éloquemment : « De la sorte, la grâce intérieure parvient aussi dans le paganisme à une certaine manifestation visible. »156(*) Au paganisme, s'applique le « sacrement » [comme] don divin du salut dans et par une forme extérieurement saisissable, constatable, qui concrétise ce don : un don de salut en visibilité historique. »157(*) Par une telle appréhension des choses, Schillebeeckx atteste son inclusivisme christologique dans l'horizon d'une histoire du salut perçue comme coextensive à l'histoire du monde. Voilà pourquoi l'Eglise et les religions ne sont que des dépositaires du salut qui fait d'elles : « ``le sacrement'' du salut que Dieu mène à son accomplissement dans sa création, par le truchement des hommes. »158(*) La notion de sacrement lui permet, toute proportion gardée, de situer le christianisme et les autres religions à égale importance du point de vue des médiations à propos du salut qui vient de Dieu.

Quelles seraient les implications christologiques d'une universalité de la figure du Christ à l'aune de l'histoire ?

Parler de Jésus de Nazareth revient à faire allusion à « l'élection particulière d'un homme fini, historiquement situé et conditionné »159(*) en qui « Dieu s'est révélé eschatologiquement, c'est-à-dire de manière irréversible dans notre histoire. »160(*) Comme Dupuis, il insiste sur le fait que l'homme Jésus n'est pas absolu. « Seul le Dieu de Jésus, le Créateur, l'est, Lui, le Dieu de tous les hommes. Ce que la foi chrétienne atteste, c'est qu'en Jésus l'absolu, c'est-à-dire le seul Dieu, se reflète en tant que tel dans la relativité de l'histoire sous une forme historique. »161(*) Il s'insurge contre la pratique qui, se fondant sur la « communicatio idiomatum » attribue les attributs de Dieu à l'homme Jésus. Bien que la plénitude de Dieu habite en ce dernier, la révélation qui se fait à travers lui est encore limitée et finie du fait de la précarité de l'histoire de notre humanité. Parce qu'on se situe dans une perspective sacramentaliste, Jésus, comme toutes les figures salvifiques, révèle Dieu et le cache tout à la fois.

L'universalité de l'homme Jésus n'est pas à situer sur le plan ontologique, mais sur le plan fonctionnel ; elle s'exprime dans sa solidarité et son option pour les pauvres. Le salut qu'il apporte sera universel si l'Eglise, à la suite de Jésus, travaille à l'avènement d'un monde libéré. L'universalité est nécessairement liée à la dimension diaconale de la charité évangélique. Ce retournement vers la praxis est l'expression du rejet d'une christologie ontologique devenue insignifiante pour les gens aujourd'hui. « Le chemin vers une christologie post-théiste et post métaphysique devra recourir à un langage narratif pour exprimer sous un mode nouveau la foi en l'unique médiateur du salut-venant-de-Dieu. »162(*) Le primat de l'orthopraxie passe par la brisure de la gangue doctrinale dans laquelle la christologie fut enfermée depuis des siècles. Malgré l'historicité en Jésus du Dieu-venant-à-nous, Dieu préserve son impénétrabilité, son insaisissabilité et son ineffabilité. L'option pour une orthopraxie dans une sorte de « christologie économique » définit l'universalité de Jésus dans son option pour l'homme tel que cela transparait dans les évangiles, refusant un confinement dans un nominalisme théologique plein d'impasses pour ainsi dire.

Il n'est pas superflu de rappeler que la christologie de Schillebeeckx telle que nous venons de la présenter, a souvent été dans certains de ses aspects, l'objet de vives critiques de la part de la CDF. Déjà en 1981, Cette dernière attirait l'attention du théologien sur son devoir de « ne pas abandonner les affirmations de foi de l'Eglise, en particulier, ce qui a été défini par les Conciles oecuméniques et les déclarations infaillibles des Papes »163(*) même dans la perspective historique et exégétique de sa recherche. Elle s'assura que le dominicain dissipait effectivement des doutes que ses écrits entretenaient à propos de « la reconnaissance explicite de la divinité de Jésus dans les termes même de l'Eglise (...) la préexistence de la personne divine du Fils »164(*).

2- Approches inculturationnelles 

a- Le Christ inconnu de Raimundo Pannikar

La christologie de Pannikar s'appuie en réalité sur l'ambition d'un « oecuménisme oecuménique » (incluant non seulement les confessions chrétiennes, mais aussi plus largement les traditions religieuses du monde). En fait, pour notre penseur, le Christ n'est pas la propriété exclusive du christianisme, mais il se trouve aussi présent (de manière cachée certes) dans l'hindouisme avec lequel ce prêtre érudit entend entrer en dialogue profond.

Pour l'essentiel, cette christologie repose sur une analogie entre le divin vénéré dans le christianisme et celui de l'hindouisme. Brahman est l'origine du monde ; il le soutient et le transforme. Il est Absolu, Transcendant et Inconnu. Tandis que la figure d'Isvana est l'objet de l'adoration des fidèles hindoues, elle est aussi dotée d'une dimension personnelle qui révèle le Brahman, opère dans la création du monde, descend sous formes d'avatars. Elle assume pour tout dire le précieux rôle de médiation, préservant la transcendance de Brahman.165(*) Constatant cela, Pannikar assure que : « C'est ici que nous trouvons la place d'Isvara, et c'est ici également que nous trouvons une des fonctions du Christ. »166(*)

Ces distinctions entre Brahman et Isvara émises, Pannikar établit alors le parallélisme aux pages 159-160:

« Cela de quoi procèdent toutes les choses et à quoi toutes choses font retour et par quoi toutes choses sont (soutenues dans leur être propre), c'est Dieu ; mais ce n'est pas primo et per se une Divinité silencieuse ; ce n'est pas une espèce de Brahman inaccessible, ce n'est pas Dieu le Père, source de toute la Divinité, mais le véritable Isvara, Dieu le Fils, le Logos, le Christ. Ce « cela » est Dieu ; il est identique à l'Absolu ; ce n'est pas un démiurge platonicien, ou un Brahman saguna secondaire, car il n'y a qu'une seule source, une seule Réalité ultime... Ce « Principe et Fin de toutes choses » a deux natures qui cependant n'existent pas de la même façon et ne se situent sur le même plan...L'une des deux faces regarde la divinité qui en est l'expression pleine et égale et le porteur. L'autre face est tournée vers le monde « extérieur » et en est le premier-né (...) Cependant, il n'est pas deux, mais un seul, un principe unique, une personne. »

Il s'assure une lecture christologique équilibrée « permettant de reconnaître dans la figure d'Isvara une expression hindoue de ce que les chrétiens confessent à propos de Jésus-Christ comme Vrai Dieu et vrai homme, comme Celui qui au terme de l'histoire récapitulera la créature tout entière. »167(*) Il dira en effet « L'Isvara de notre commentaire est tourné vers ce qu'on nous permettra d'appeler le Mystère du Christ en tant qu'être unique dans son existence et dans son essence et comme tel égal à Dieu. »168(*) Pannikar ne pose pas le Christ et Isvara dans un rapport d'équivalence. Cependant, il refuse de mettre à la base de sa christologie l'historicité de Jésus, puisqu'il s'agit d'attirer l'attention sur la fonction médiatrice d'Isvara entre l'Absolu et le monde « dans la mesure où le Christ est susceptible d'être intelligible à la philosophie indienne en tant que telle, c'est ici qu'il peut trouver le moyen d'y pénétrer. »169(*)

Au centre de sa christologie, l'accent est avant tout mis « sur la condition médiatrice de l'Eternel Engendré, telle qu'elle s'était exprimée dans le prologue johannique sur le Logos. »170(*) Quand il parle du Christ inconnu de l'hindouisme, il fait penser certes au « chrétiens anonymes » de Rahner. Seulement, pour Pannikar, chrétiens et hindous étant « tous identiques », séparés seulement par un voile d'illusion (Maya), ils devaient donc accéder à la découverte de leur profonde unité. Le dire implique que la médiation du Christ est pareille dans les deux religions. Quel ombrage serait alors fait au Jésus de l'histoire depuis son incarnation, lequel évènement rend sa médiation spécifique et particulière.171(*) La démarcation de la christologie transcendantale réside dans le fait que Rahner garde comme un grand appui le Jésus historique, notamment le devenir historique incarnationnel.

Pannikar a le mérite de maintenir comme inclusiviste le Christ comme principe universel du salut : « Je ne parle ni d'un principe inconnu à l'hindouisme, ni d'une dimension du divin inconnu au christianisme, mais de cette réalité inconnue que les chrétiens appellent le Christ, découverte au coeur de l'hindouisme, non comme lui étant étrangère mais comme son véritable principe de vie comme la lumière illuminant tout homme qui vient dans le Monde. »172(*)

Cependant, d'après Michel Fédou, la principale déficience de la christologie développée par Pannikar touche en fait la relation du Christ à Jésus de Nazareth. En effet, Jésus de Nazareth n'est que la manifestation privilégiée du mystère « cosmothéandrique du Christ ». Le théologien distingue le Christ de Jésus uniquement pour souligner que Jésus, par les limites de son incarnation ne pouvait contenir toute la Réalité suprême ou le Mystère ultime du Christ cosmique : « Mais cette position revient à distendre le lien entre le Jésus de l'histoire et le Christ universel (...) il s'agit de montrer que, du point de vue « chrétien, une telle expérience [celle d'être en relation avec le mystère du Christ sans le connaître] n'est possible que grâce à l'évènement du Christ dans l'histoire des hommes. »173(*) On voit bien que privilégier le Christ cosmique le rend plus proche de la vision du monde hindoue, mais cela sacrifie quelque chose d'essentiel pour l'intégrité du mystère chrétien.

b- Chemins vers une christologie africaine

Il y a quelques décennies, la théologie africaine, s'appuyant sur une invitation du Pape Paul VI pour un christianisme africain, avait fait du caractère situé de la théologie la toile de fond de ses préoccupations. Se réapproprier le message de Jésus-Christ paraissait l'aboutissement d'un itinéraire qui intégrait en amont un fastidieux processus d'épuration du christianisme de ses alourdissants apparats occidentaux qui ont accompagné son implantation. Ce fut alors comme un refrain repris en choeur où faisant entendre sa partition, l'un dénonçait un « christianisme bourgeois »174(*) doté de remarquables vertus d'aliénation de l'Africain à la civilisation occidentale, d'autres un christianisme colonial tout simplement. Le nouvel élan d'évangélisation excédait alors le simple rêve de l'implantation et de l'adaptation, pour embrasser l'ambitieux souci d'inculturation, d'indigénisation et d'autonomisation des Eglises. D'après Engelbert Mveng, le chemin fut long et sinueux. Le ton fut donné par le « Synode Romain de 1974, [où] les évêques Africains, dépassant le terme d'adaptation, prennent position pour le terme d'inculturation. »175(*) On n'oubliera pas ces mots de Jean Paul II devenus historiques : « L'acculturation ou l'inculturation qu'à bon droit vous promouvez, sera vraiment une réflexion de l'incarnation du Verbe, quand une culture transformée et régénérée par l'Evangile, tire de sa propre tradition vivante des expressions originales de vie, de célébration et de pensée chrétienne. »176(*) Ce programme immense sera au coeur des Premier et Second Synodes spéciaux des Evêques pour l'Afrique respectivement en 1994 et en 2009 parlant par exemple d' « évangélisation en profondeur »177(*). Ce désir de se situer de façon nouvelle n'empêchera pas de faire remarquer encore une certaine superficialité dans la façon d'intégrer dans ce processus la dimension religieuse de la culture africaine. Jean-Marc Ela illustre bien cela avec la question des « ancêtres » qui donne du fil à retordre à l'évangélisation178(*). Et de fait, quel amalgame n'a-t-on pas souvent fait, parlant du fond religieux de la culture en Afrique, d'employer indistinctement, comme le fait remarquer Meinrad Hebga, animisme, fétichisme, paganisme, superstition, sorcellerie, magie, etc.179(*) Comment pourrait-on parler de l'incarnation du Verbe dans ces cultures en ne retenant qu'un pan étriqué de celles-ci, exorcisé de leur pendant religieux. Cette approche entretenait d'ailleurs chez les chrétiens le malaise de la double identité (chrétiens, mais païens encore s'ils demeuraient attachés à leurs cultures). Pour notre part, il nous semble, que le concept de culture est englobant et ne peut faire l'économie de la façon dont les gens saisissent le monde (choses, êtres, sacré) et se situent face à lui.

En Afrique, les religions traditionnelles se sont caractérisées par leur ritualité et leur caractère cultuel en lien avec la présence des ancêtres et d'un officiant (père de la communauté, devin notable, etc.), leur aspect communautaire, et leur but (conjuration des maux et obtention de faveur).180(*) Ce fond religieux, d'une façon ou d'une autre est imbriqué à la culture en Afrique, et lui est, dans une certaine mesure, inextricable.

La pertinence de l'entreprise novatrice - bien qu'embryonnaire - de quelques théologiens africains ouvrant à une inculturation christologique au-delà de l'axiologique et du liturgique, devient plus claire. A partir de quelles « semences », le Verbe se laisse-t-il appréhender en Afrique ?

Une telle entreprise se heurta à des difficultés réelles, comme celle que souligne le prêtre Ernest Sambou : « Le Christ ne `passe' pas dans cet univers religieux traditionnel (joola) car il n'a pas de place dans ce monde religieusement bien organisé et fort hiérarchisé où l'on est Dieu ou homme, bakiin ou ancêtre mais jamais, étrangement, Homme-Dieu à la fois (...) Jésus-Christ demeure un personnage étrange, incompréhensible, gênant et sans place. Un personnage marginalisé. Voilà le fond du problème. »181(*) Ou cet autre problème évoqué par Eric De Rosny : « Entre Dieu et les hommes, je vois la place des ancêtres de la terre ou des eaux mais je cherche en vain Jésus-Christ, le grand absent de ces liturgies. »182(*)

D'autres par contre, sont parvenus à des développements plus prometteurs. A la lecture, on peut distinguer deux types de christologies. La première est une christologie ontologique et spéculative développée par Efoé Julien Pénoukou. A partir de l'analyse d'un mythe cosmogonique africain qui ressort une anthropologie eschatologique et ontologique, il en vient à découvrir dans le Christ l'accomplissement de l'homme et de l'univers, en mettant en exergue sa préexistence et de son option pour l'homme.183(*)

Le second type est une christologie fonctionnelle. Marqués par une approche analogique, les auteurs exposent quelques ancrages socioculturels qui leur serviront par la suite de prétexte d'approfondissement du mystère du Christ. Se dégagent alors les modèles suivants : Le Christ comme Chef (François KABASELE), le Christ comme Ancêtre et Aîné (François KABASELE), Jésus, Maître d'initiation (Anselme T. Sanon), et enfin Jésus guérisseur (Cécé Kolié).

Pour tout dire, ces investigations, participent du débat christologique sur le pluralisme religieux dans la mesure où, s'investissant aux discours inédits sur le Christ dans le prolongement du projet inculturationnel, elles rapprochent comme dans un dialogue les religions traditionnelles africaines et le christianisme, exploitant les schèmes religieux des premières pour dire de façons nouvelles le mystère du Christ au coeur du second.

A la fin de cette succincte présentation à la fois comparée et analytico-critique des différentes tendances de la christologie inclusiviste, nous nous rendons compte, ô combien fertile a été le champ de la période contemporaine. Nous n'en sommes pas au bout de notre découverte, telle que les théologiens partisans du théocentrisme nous le montreront dans le prochain chapitre.

CHAPITRE III : LE CHRIST DANS LE PLURALISME

Le pluralisme constitue de nos jours, à côté de l'inclusivisme christologique, l'autre alternative dans le passionnant débat christologique du pluralisme religieux. Il demeure difficile de percevoir le glissement qui fait passer de l'inclusivisme au pluralisme si l'on perd l'épine dorsale du débat : la tension entre la médiation salvifique du Christ et la considération dévolue aux diverses traditions religieuses. Pour l'inclusivisme, le Christ est cause du salut de l'humanité. Le pluralisme, en optant pour un théocentrisme, s'oppose à l'universalité de la médiation salvifique du Christ. Cette médiation ne vaut que pour ceux qui se réclament de lui (Samartha), ou elle est sans objet (Hick, Knitter et Cobb dans une certaine mesure). La réfutation de cette médiation du Christ est en lien avec la façon dont chaque auteur appréhende la personne du Christ. Après avoir présenté les fondements du pluralisme, nous essayerons donc d'exposer ces approches christologiques, en montrant chaque fois leur démarcation de la foi de l'Eglise au Christ.

I- ENJEUX ET FONDEMENTS DU PLURALISME

1- Le pôle sociétal

Avec le pluralisme, la tension Christ-religions ne peut se résoudre par la simple compatibilité sans pécher de placer une religion au-dessus des autres, surtout à l'ère du dialogue entre les religions. Ce qui explique pourquoi la façon pertinente de faire face à ce problème demeure l'option d'un pluralisme égalitariste qui découle de l'accentuation de la valeur égale concédée aux religions en écartant le principe surplombant de la présence du Christ qui hisse conséquemment l'une d'entre elle au rang de croyance d'avant-garde. Le Christ ne peut plus prévaloir être élevé au grade d'un principe intégrateur (qu'il soit normatif, constitutif, incarnationnel ou sacramentel) supra-religieux. Derrière cette entorse à l'endroit du principe christique se cache la claire volonté de lutter contre l'absoluité du christianisme tel que prôné par les auteurs comme Troeltsch et Tillich. On serait amené à affirmer que le pluralisme s'enracine dans le désir obstiné d'adapter, pour le rendre crédible, le religieux à la situation actuelle des sociétés modernes, tel que nous le développions au premier chapitre. Jean Renard l'exprime à juste titre :

« Le pluralisme est d'abord un fait, une caractéristique de nos sociétés modernes. Devant ce fait, plusieurs réactions sont visibles. Ce peut-être l'attitude laïque, selon laquelle la religion est une affaire purement personnelle, qui ne doit d'aucune façon interférer dans les affaires publiques. On peut aussi de façon plus positive parler de la reconnaissance civile des religions. On affirme alors le droit de toute religion à prendre place dans la société civile, pluraliste et démocratique, à condition d'en respecter les droits. »184(*)

Faire un distinguo entre les concepts de pluralisme et théocentrisme n'est pas inutile pour saisir la profondeur de la question, bien qu'ils renvoient à des thèses similaires. Le substantif « pluralisme » plus englobant et plus générique renvoie à cette façon d'admettre dans le contexte actuel une pluralité religieuse insurmontable interdisant de privilégier une entité religieuse par rapport aux autres ; tandis que le « théocentrisme » exprime dans la même idée, le détournement que la théologie doit opérer, quittant le pôle du Christ pour se recentrer sur Dieu. Aebischer exprime cette différence en ces termes :

« il s'agit d'abord de veiller à ne pas confondre le « théocentrisme », qui détermine la perspective signifiant que Dieu seul (et non une religion) est la vérité, et que Dieu lui-même (et non Christ) sera à la fin des temps « tout en tous » (1Co 15, 28) - et la conception « pluraliste », qui désigne la position affirmant qu'aucune religion ne peut se dire « unique » et « définitive », étant donné que les religions représentent toutes autant de voies conduisant à Dieu. »185(*)

Les religions sont donc pour le pluralisme des voies parallèles de salut, sans rapport de dépendance entre elles au plan des médiations. Les auteurs du pluralisme sont légion. Nous nous appesantirons sur quelques ténors qui résument l'essentiel du pluralisme dans la question christologique : Stanley Samartha, John Hick, Paul Knitter et John Cobb.

Il n'est pas inutile de rappeler que la théorie pluraliste est condamnée par le magistère de l'Eglise notamment dans la déclaration Dominus Iesus et l'encyclique Redemptoris Missio.

2- Le pôle théologique

Le pluralisme est motivé théologiquement par le projet de désabsolutisation du Christ et du christianisme. Les auteurs, convaincus de l'absolue particularité de l'homme Jésus, vont essayer d'expliquer comment s'est opéré le passage vers un accent accru sur le Christ, et partant, sur le christianisme. Pierre Gisel l'exprime ainsi : « La force du christianisme, c'est d'avoir radicalisé la question de Dieu en son rapport au monde (...) La tentation d'absoluité, c'est d'isoler la figure de Jésus Christ pour en faire une réalité qui investirait pour elle-même et en elle-même. Elle ne révélerait plus et ne serait plus médiation. »186(*)

Il n'est donc pas rare de s'apercevoir que les auteurs insisteront sur les affirmations théocentriques de Jésus : « Le Père est plus grand que moi » (Jn 14, 28) ; « Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé. » (Jn 7, 16) ; « Je ne puis rien faire de moi-même. » (Jn 5, 30) ; « Mes oeuvres sont celles que le Père m'a donné d'accomplir » (Jn 5, 36)187(*), etc. Eu égard à ce qui précède, comment s'est réalisé le transfert qui déplace le centre de gravité de Dieu vers Jésus Christ ? Comment le Christ en est-il venu à occuper quasiment tout le champ de la foi ? D'après Joseph Moingt, préoccupé lui aussi par ces interrogations, dans la pensée biblique, le fond historique est capital. Or, très vite, on assistera à un déplacement de champ culturel : le discours théologique s'appropriant la culture hellénistique, la plus prestigieuse et la plus universelle de l'époque, commence dès lors à s'exprimer « dans un langage de type rationnel, en forme de ``science'' (de ``Logie'') »188(*) La conséquence est « que les premières expressions théologiques que va recevoir la foi chrétienne, en dehors des écrits canoniques, s'écartent du système des références symboliques au corpus biblique où elles puisent leur sens, en tant qu'affirmations de la foi, pour revêtir un sens différent par référence à un autre ordre symbolique, utilisé comme moyen de communication dans un autre champ culturel. »189(*) Il énonce alors son hypothèse : «  A l'époque de la christologie, il y a un changement sémantique, rigoureusement signifié par la superposition du nom ``Logos'' au nom ``Christ''. »190(*)

On est en plein dans la mouture du débat moderne du Jésus historique et du Christ de la foi. Certains auteurs tiennent au fait que « Le Logos divin a été totalement (totus) présent dans la personne de Jésus, sans être pour autant totalement (non totum) contenu en lui. Il y a plus dans le Christ Logos que dans le Christ historique. »191(*) D'autres par contre (c'est le cas de Hick) soutiennent que le saut du Jésus historique au Christ divin de la foi est une construction purement ecclésiale. Dans l'un comme dans l'autre cas, les pluralistes exigent un retour à Dieu. Voilà pourquoi ils embrassent le théocentrisme contre le christocentrisme.

II- LES CHRISTOLOGIES REVISIONNISTES

L'une des particularités du théocentrisme est, pour s'opposer à l'universalité de la médiation salvifique du Christ, de « réviser » les affirmations christologiques, surtout celles qui sont de nature à absolutiser la réalité particulière de Jésus.

1- Christologie théocentrique de Stanley Samartha

L'exercice des responsabilités au sein du Conseil oecuménique des Eglises a assurément contribué chez Samartha, à l'élaboration de son approche de la réalité du Christ dans son livre intitulé : « Un Christ - beaucoup de religions. Vers une christologie révisée », notamment dans les chapitres VI à IX. Il semble se poser la question de savoir comment faire pour concilier le pluralisme religieux irréductible (au sens de diverses voies salvifiques) et la vérité de la christologie classique. Il « n'entend [donc] pas mettre en cause la vérité de la christologie classique, mais éviter des interprétations étroites de celle-ci et, positivement, trouver des chemins qui permettent une communication ou une coopération avec d'autres croyants dans la situation d'un monde pluraliste. »192(*) Il s'agit en fait pour cet auteur d'élaguer la christologie de son « exclusivisme normatif » tout en s'orientant vers une position qui lui attribue un double caractère « relationnel » et « distinct ». Autrement dit, il s'agit en clair d'une part du rapport du Christ avec les autres croyances, et d'autre part, de la particularité irréductible de ces traditions religieuses. Samartha s'insurge contre tout exclusivisme en ces termes :

« Lorsque des voies alternatives de salut ont fourni un sens et un but à des millions de personnes dans d'autres cultures pendant plus de deux ou trois mille ans, prétendre que la tradition juive-chrétienne-occidentale a la seule réponse à tous les problèmes en tous lieux et pour toutes personnes dans le monde, c'est présomptueux sinon incroyable. Ce n'est pas là rejeter la validité de l'expérience chrétienne de salut en Jésus-Christ, mais mettre en question les prétentions exclusives que les chrétiens formulent en sa faveur-prétentions qui ne sont soutenues par aucune évidence historique, ni dans la vie institutionnelle de l'Eglise, ni dans les vies de nombreux chrétiens qui émettent de telles prétentions. Si le salut vient de Dieu - et pour les chrétiens il ne peut en être autrement - alors il faudrait laisser ouvertes des possibilités de reconnaître la validité d'autres expériences de salut. »193(*)

Pour percevoir l'enjeu de son propos, il convient de l'écouter de façon claire :

« Une christologie qui prétend que Dieu a été révélé en vue de racheter l'humanité seulement en Jésus de Nazareth, et que cette activité révélatrice et rédemptrice de Dieu a eu lieu une-fois-pour-toutes au premier siècle, court le risque de contredire un autre fil de la théologie juive et chrétienne qui affirme que Dieu est le Dieu d'amour et de la justice en tant qu'il crée, soutient et rachète toute la création...S'il est vrai que, d'après la tradition la plus ancienne du Nouveau Testament, Jésus-Christ renvoie à Dieu, et qu'il est ainsi lui-même théocentrique ou centré sur Dieu, alors la seule manière d'être centré sur le Christ est d'être centré sur Dieu, mais, dans un monde de pluralisme religieux, être centré sur le Christ n'est pas la seule manière d'être centré sur Dieu. »194(*)

Sa christologie révisée est synonyme d'une christologie théocentrique. Toutes les traditions religieuses sont comme le Christ centrées sur Dieu. Il épouse l'idée charnière à la pensée de John Hick comme cela sera développé dans la suite. A la différence du penseur anglais, il ne sacrifie pas les affirmations fortes de la christologie classique du fait de son option pour le théocentrisme. En même temps, sa pensée se démarque de l'inclusivisme d'un Dupuis par exemple, bien qu'elle en soit proche. La différence entre les deux théologiens pourrait s'exprimer ainsi : Samartha n'accorde pas au Verbe de Dieu une présence cachée dans les autres traditions religieuse comme le fait Dupuis, et ne s'oppose pas non plus à la christologie traditionnelle. Il veut simplement rendre cette dernière compatible avec le pluralisme religieux. Il critique la confession de foi : « Jésus est le Christ de Dieu » dans la mesure où, d'après lui, celle-ci porte atteinte à l'authenticité des autres voies de salut.

En réalité, il tire à bout portant sur tout propos qui s'apparente selon lui à l'exclusivisme christologique : « prétendre que Dieu a été révélé pour sauver l'humanité seulement en Jésus-Christ (une-fois-pour-toutes au premier siècle) ne contredit-il pas une théologie affirmant que Dieu est Celui qui crée, soutient et rachète toute l'humanité et que l'amour et la justice de Dieu embrassent tous les hommes en tout temps ? Quel droit les êtres humains ont-ils à limiter la liberté de Dieu, en sorte qu'elle n'intervienne dans l'histoire qu'à un moment singulier dans le cours du temps ? »195(*)

Pour tout dire, c'est contre l'exclusivisme ecclésio-christologique antérieur à Vatican II - tel que nous le montrions au premier chapitre - que s'oppose Samartha, en faisant appel à un principe de l'amour de Dieu et à sa volonté salvifique universelle en tout temps.

Puisque son projet christologique ne rejette pas la christologie classique et insiste sur le fait que pour rester ouverte au dialogue interreligieux, et donc pour se défaire des tendances de l'exclusivisme, la christologie doit partir d'en bas,

« Toute christologie révisée qui prend en compte, à la fois l'expérience chrétienne du dialogue interreligieux et l'implication chrétienne dans la lutte politique et sociale pour la justice dans la société, doit commencer par la personne et l'oeuvre historique de Jésus de Nazareth. Le chemin vers une confession de sa divinité passe par son humanité. Cela suppose que le « fait » de Jésus mérite la priorité par rapport à des formulations doctrinales ultérieures et justifie les tentatives pour articuler une christologie « d'en bas », par opposition aux démarches qui accordent une priorité absolue à une christologie « d'en haut ».196(*)

La christologie dans le contexte du dialogue interreligieux de l'Inde, a le mérite de donner à la foi un ancrage historique. Il dit à ce effet : « Ainsi, le nom Jésus de Nazareth est nécessaire pour empêcher la foi d'être, comme une bulle, coupée de ses amarres dans l'histoire, de s'élancer rapidement au-dessus et de se perdre dans les nuages. »197(*)

La christologie théocentrique met en cause l'affirmation de la divinité du Christ, surtout telle qu'elle est exprimée par le Concile de Nicée : «  Jésus est Dieu ». Encore une fois, ce qui fait problème n'est pas la cohérence de la foi interne au christianisme que l'auteur s'efforce de respecter. C'est une certaine acception d'une telle assertion confessante qui semble équivoque tant elle reste entachée d'exclusivisme. Dire de façon lapidaire que Jésus est Dieu peut effectivement poser de réels problèmes à l'homme moderne198(*) (surtout en contexte de dialogue interreligieux), et ainsi, faire ellipse à la théocentricité qui marque foncièrement l'être de Jésus. Mettre Jésus à la place de Dieu reviendrait à faire de lui l'objet de l'adoration de toutes les religions. Ce qui est effectivement hors de propos.

Nous pouvons louer le souci de Samartha « de ne pas mettre en cause le caractère central de Jésus-Christ pour la vie chrétienne. »199(*) La christologie théocentrique est donc le pendant théologique du souci de libérer le christianisme de tout relent impérialiste. Pour lui, le Christ est le principe du salut pour les chrétiens uniquement. Dire le contraire relève de l'exclusivisme.

En outre, Jésus est centré sur Dieu. Cette insistance ne contredit aucunement la christologie classique tant qu'elle ne prête pas le flanc aux déclarations subordinationnistes (ce qui est malheureusement le cas pour la majorité des penseurs de la théorie pluraliste). L'évocation de la théologie du Logos mis au point par Justin et reprise par la plupart des penseurs de la christologie inclusiviste permet de sortir de l'exclusivisme tant décrié par Samartha sans avoir nécessairement besoin de s'attaquer à certaines considérations essentielles de la christologie classique.

De plus, « l'ephapax » (une fois pour toute) qui caractérise l'évènement du salut et de la révélation en Jésus se comprend dans le sens des expressions néotestamentaires - comme l'unique médiation salvifique du Christ, son caractère de Fils unique de Dieu, de grand prêtre ...- que dans le sens d'une négation de la manifestation de Dieu en dehors de la particularité spatiotemporelle de l'homme Jésus.

Enfin, « Jésus est Dieu » est à situer comme une proposition connexe de la doctrine de l' « homoousios » du Concile de Nicée. Pour sortir de l'impasse qui conduit à l'exclusivisme, il faut éviter tout monophysisme en soulignant la relation unique du Verbe incarné à Dieu qui se dégage dans les évangiles (spécialement chez saint Jean) et qui est de l'ordre de leur commune nature divine, en maintenant que Jésus n'épuise pas, comme existence historique, la richesse du Verbe de Dieu, tel que le fait remarquer aussi Dupuis.

2- John Hick et la christologie mythologique

a-Préalable philosophique et théologique

John Hick est un juriste, un théologien et un philosophe à la pensée étendue et prolixe. Ses multiples compétences intellectuelles donnent à ses écrits une allure éclectique. Raison pour laquelle à la lecture, il parait évident que son discours sur le Christ est sous-tendu par un préalable philosophique et théologique qu'il faudrait nécessairement mettre en lumière si l'on veut en saisir les contours et les enjeux.

Au plan philosophique, le pluralisme radical de Hick est redevable en grande partie à la théorie kantienne de la connaissance. En effet, dans sa philosophie transcendantale, Kant entend réconcilier dans une sorte d'idéalisme transcendantal le sensualisme (par une esthétique transcendantale) et l'idéalisme pur à travers son criticisme. Voilà pourquoi la Critique de la Raison pure s'ouvre sur l'existence des jugements synthétiques a priori et la division de tous les objets de la connaissance en phénomènes et noumènes. La notion de phénomène est de l'ordre de l'Esthétique - autrement dit de la sensibilité - et est liée à des conditions de la connaissance - espace et temps. Il qualifie d'ailleurs à ce propos son idéalisme transcendantal comme « la doctrine d'après laquelle nous envisageons les phénomènes dans leur ensemble comme de simples représentations et non comme des choses en soi, la théorie qui ne fait du temps et de l'espace que des formes sensibles de notre intention et non des déterminations données par elles-mêmes, ou des conditions des objets considérées comme des choses en soi. »200(*) A cet ordre phénoménal des choses, s'oppose l'ordre nouménal qui se rapporte à la chose en soi. « Il doit y avoir, précise-t-il, une connaissance possible où ne se rencontre aucune sensibilité et qui a seule une réalité absolument objective, en ce sens que par elle les objets nous sont représentés tels qu'ils sont, alors qu'au contraire, dans l'usage empirique de notre entendement, les choses ne nous sont connues que comme elles apparaissent. »201(*) Le rapport qui existe entre les noumènes (choses en soi) et les phénomènes (choses telles qu'elles apparaissent) est celui de la manifestation, du dévoilement des premiers par les seconds. Les phénomènes que nous saisissons par l'entendement sont des manifestations limitées, imparfaites de la chose en soi qui est le Réel par excellence, et qui du reste, demeure finalement inconnaissable stricto sensu.

Dans l'optique de Hick, à la lumière de ce qui vient d'être dit, « le Réel an sich est également postulé comme présupposition, cependant, non de vie morale, mais de l'expérience religieuse et de la vie religieuse, tandis que les dieux, de même que les objets mystiques tels Brahman, Sunyata, etc., sont des manifestations phénoménales du Réel survenant dans l'univers de l'expérience religieuse. »202(*) Aebischer commente cette approche : « Hick estime pouvoir dire que les êtres humains font l'expérience du Réel, de façon analogique à la manière dont, selon Kant, nous faisons l'expérience du monde : par l'intégration des informations de la Réalité extérieure, interprétée par l'esprit dans les termes de ses propres schèmes catégoriels, et parvenant ainsi à la conscience en tant qu'expérience phénoménale significative. »203(*) Pour Hick, la diversité des expressions du divin est liée non au caractère authentique de l'une d'entre elles et d'ersatz des autres suite à l'aveuglement du péché comme soutiendraient les partisans de la théorie de l'accomplissement et de l'exclusivisme en général ; mais « c'est en relation aux différentes manières d'être humain ou humaine, développées à l'intérieur des civilisations et des cultures de la terre que le Réel, appréhendé à travers le concept de Dieu, est spécifiquement comme le Dieu d'Israël, ou la Sainte Trinité, ou en tant que Shiva ou Allah, etc. »204(*) Autrement dit, les traditions religieuses sont des objectivations au moyen des catégories conceptuelles et religieuses de l'apparition du Réel à la conscience de l'homme.

C'est en raison de ce plaidoyer en faveur d'un recentrement sur Dieu que la pensée de Hick a été qualifiée de révolution copernicienne ; elle reste alimentée par l'hypothèse pluraliste selon laquelle : « les grandes fois religieuses incarnent différentes réponses au Réel, qui sont intrinsèques aux façons variées d'être ``humain'' et qu'à l'intérieur de chacune d'elles s'opère la transformation de l'existence humaine centrée sur elle-même vers une existence centrée sur le Réel. »205(*)

L'enjeu d'une telle position est éminemment lié à la société moderne pluraliste. Se ressentent incontestablement en filigrane de violentes secousses à l'endroit des relents de condescendance du christianisme. Si Stanley Samartha était autant préoccupé que Hick par l'éradication de l'impérialisme religieux à travers son aversion pour l'exclusivisme christologique, Hick adopte une démarche plus radicale qui combat autant l'exclusivisme que l'inclusivisme christologique, expressions de la supériorité convoitée d'une religion sur les autres206(*). Si « les traditions religieuses avec leurs composantes variées - croyances, modes d'expression, livres saints, rites, disciples, éthique et style de vie, règles sociales et organisations - ont plus ou moins de valeur, selon qu'elles favorisent ou contrarient la transformation salvifique »207(*), il est inconvenant, illogique et prétentieux d'entretenir l'illusion de la supériorité d'une religion sur toutes les autres. Toutes les religions sont de manière différente des chemins de salut208(*) ; « elles acceptent les mêmes critères moraux en donnant un rôle central et normatif au regard généreux porté vers les autres et qui est appelé « amour » ou « compassion »209(*). Le dénominateur commun des religions qu'est la règle d'or condensent tous ces critères moraux.

b- Le Christ mythologique

Notons dès l'entame que Hick n'élabore pas une nouvelle perspective christologique. Son propos est essentiellement guidé par l'ambition de déconstruire les fondements de la christologie qui se pose dans un rapport hétérogène à son projet de pluralisme radical. On est en plein dans une christologie en déconstruction, en négation plus précisément. Pour ce faire, il s'attaque aux dogmes essentiels du christianisme : l'incarnation et la rédemption, connaissant leur rôle essentiel pour comprendre l'universalité de la médiation salvifique du Christ.

Dès les premières pages de son ouvrage, il n'hésite pas à faire sentir ses réticences vis-à-vis de la christologie classique : « La compréhension chrétienne traditionnelle de Jésus de Nazareth est qu'il était Dieu incarné, devenu homme pour mourir pour les péchés du monde, et qu'il a fondé l'Eglise pour proclamer cela. »210(*) D'entrée de jeu, s'appuyant sur les résultats de l'exégèse historico-critique, il précise ses prémisses : la « thèse essentielle de ce livre, à savoir que Jésus lui-même n'a jamais enseigné qu'il était Dieu incarné et que cette action aux conséquences inattendues est une création de l'Eglise, n'est de toute évidence aucunement nouvelle. »211(*) Et comment, s'interroge-t-il, une religion qui prétend être fondée par Dieu lui-même a-t-elle pu se rendre coupable de multiples égarements au cours des siècles passés, qui ne sont rien d'autre que les conséquences historiques du dogme de l'incarnation : antisémitisme, croisades, exploitation coloniale du tiers-monde, etc. ?212(*) Cochinaux prolonge les implications de ces mots de Hick :

« Si Jésus était littéralement et uniquement Dieu incarné, le christianisme serait distingué comme l'unique religion fondée par Dieu en personne. Il serait alors étonnant que Dieu, ayant fondé une nouvelle religion, n'ait pas souhaité remplacer toutes les autres religions. Il serait également étrange de constater que ceux qui ont incorporé la religion de Dieu lui-même (Corps du Christ) ne soient pas plus massivement des êtres spirituellement meilleurs que ceux qui n'appartiennent pas à cette religion. Il serait tout autant étrange que la civilisation fondée sur la religion de Dieu ne soit pas qualitativement meilleure que toutes les autres. »213(*)

Il n'est pas impertinent de constater que Hick transpose sur le terrain de la christologie une préoccupation qui au départ est strictement culturelle (supériorité de la culture occidentale comme matrice du christianisme) et historique.

Il s'attaque à l' « incarnation », dans le sens que lui assignent les conciles de Nicée (325) et Chalcédoine (451). Son armure argumentative est en fait d'abord un retour d'après lui à la vraie figure de Jésus que la culture hellénistique a occultée en la déifiant. Il dénonce donc les médiations historico-culturelles qui ont jalonné l'évolution de la christologie des premiers siècles et qui, de fait, ont induit à un déplacement de la compréhension du Jésus terrestre en une interprétation du Christ de la foi. Hick rappelle que dans le contexte antique, les termes « divin », « fils de Dieu » ou même de « Dieu » étaient interchangeables et s'appliquaient même aux héros et plus tard aux empereurs. Saint Paul ne dit-il pas : « Il y a donc de fait plusieurs dieux et plusieurs seigneurs » (1 Co 8, 5) ? Aebischer renchérit dans l'explication :

« Etant donné cette élasticité de l'idée de la divinité d'une part, et la personnalité et le rayonnement de Jésus d'autre part, rien d'étonnant donc à ce qu'on ait pu le nommer, de son vivant, « fils de Dieu ». Tout ce qui avait une signification, personne ou évènement, se trouvait, dans la tradition hébraïque, accoutumée à l'emploi courant de la métaphore (Dieu décrit comme roi, pasteur, père, roc, etc.), promptement exprimé en termes métaphoriques ou mythiques (...) Le Nouveau testament ayant donné la primauté à l'image clé du père, l'image corrélative du fils prit naturellement à ses côtés, une place centrale dans le discours chrétien. »214(*)

Il s'avère logique que Hick en vienne à conclure que « dans leur emploi scriptural, originel, ils [les termes « père » et « fils »] sont manifestement - selon notre distinction moderne - des métaphores »215(*). Cet arrière fond sémantique hébraïque fut ignorée dans les formules de Nicée et de Chalcédoine, d'après le désir de l'Eglise qui, s'étendant de plus en plus dans le monde grec du bassin méditerranéen, devait gagner l'assentiment de la culture philosophique hellénistique.216(*) Jésus est donc confessé comme « vraiment Dieu et vraiment homme » sans explication rationnelle satisfaisante. Ce fut une grande innovation de l'esprit humain capable de créer un « mystère », puisque toute la tâche demeure « d'articuler d'une manière intelligible l'idée que quelqu'un puisse avoir à la fois pleinement une nature divine, c'est-à-dire posséder tous les attributs divins essentiels, et en même temps, pleinement une nature humaine, c'est-à-dire posséder tous les attributs humains essentiels. »217(*)

Hick fait remarquer que de multiples essais ont été entrepris pour rendre intelligible la notion de Dieu-homme. Pour ingénieuses qu'elles fussent, aucune n'a été capable de soutenir clairement l'affirmation de Chalcédoine, et pour preuve, elles furent toutes taxées d'hérétiques.

Même la logique kénotique qui a souvent servi de clé d'intelligibilité à la double nature de Jésus-Christ est réduit par Hick au rang d'un simple langage symbolique et métaphorique : « La Kénose est une métaphore vive de la qualité du don de soi de l'amour divin, tel qu'il est révélé en Jésus - et pour l'amour du don de soi auquel nous sommes appelés en tant que ses disciples. »218(*) La kénose est tout simplement le symbole d'une solidarité de Jésus à l'endroit des hommes219(*) en proie à la fragilité de leur nature, à l'esclavage du péché. Elle n'a rien d'un mouvement substantialiste d'une communication de nature.

Pour notre auteur, la seule façon d'entrevoir l'incarnation passe par l'abandon du sens dénoté du mot pour ne retenir que la compréhension figurée et métaphorique.

La rédemption elle aussi subit les secousses de la critique de Hick qui la caricature sous les traits de la mort expiatoire de Jésus - car elle sous-entendrait encore l'universalité de la personne de Jésus et de son oeuvre de salut.220(*) La rédemption supposerait donc l'idée selon laquelle le Père céleste s'apparente à un seigneur féodal, un moraliste cosmique qui réclame comme contrepartie à la faute des hommes la mort de l'innocent. Cette vision de la rédemption est très proche de celle que développe Anselme de Cantorbéry pour qui l'offense faite à Dieu, en raison de l'infini caractéristique de l'objet de l'offense, requiert aussi une réparation du même calibre. Voilà pourquoi, il convenait que le Fils, infini par essence se fît homme et donc solidaire du coupable et s'offrît en réparation pour que la faute pût être effacée et l'ordre de justice se rétablît221(*). Si Hick rejette la conception de la peine substitutive, ce n'est pas en raison de son caractère théologique réducteur à l'endroit de l'image du véritable Dieu chrétien ; c'est qu'elle proclame de façon indirecte la portée universelle de la mort de Jésus.

L'une des objections les plus redoutables à la pensée de Hick est de Dupuis. Le théologien belge s'attaque aux considérations en amont de la pensée de Hick : le passage arbitraire entre le discours fonctionnel du NT au langage ontologique hellénistique, somme toute mythologique. La critique de Dupuis découle de sa méthode exposée lors de la présentation de sa pensée au chapitre 2 : la « continuité-dans-la-discontinuité ».

Le rôle de ce concept est ainsi présenté :

« la tâche de la christologie doit être de montrer que la foi chrétienne en Jésus-le-Christ est solidement fondée sur la personne de Jésus de Nazareth ; autrement dit, de montrer que la christologie explicite de l'Eglise est fondée sur la christologie implicite de Jésus lui-même. La continuité-dans-la-discontinuité doit être mise en évidence à chaque stade : entre l'attente messianique de l'Ecriture juive et son accomplissement en Jésus-Christ ; entre le Jésus prépascal et le Christ du kérygme apostolique ; entre la christologie du kérygme primitif et les énonciations bibliques ultérieures ; entre la christologie du Nouveau Testament et celle de la tradition de l'Eglise ; et ainsi de suite. »222(*)

Cela veut dire qu'il y a sans cesse une continuité d'objet entre les discours vétérotestamentaires - se rapportant au Christ - et néotestamentaires et ceux de l'Eglise primitive et apostolique. Il n'est pas vain de revenir à la préexistence du Logos suggérée défendue avec hargne par les Pères de l'Eglise à la suite du quatrième évangile pour souligner son antériorité par rapport à l'évènement de l'incarnation, aux philosophies et aux religions païennes.

Ensuite, Dupuis poursuit :

« l'expression « continuité-dans-la-discontinuité » mérite toutefois quelque explication, car elle prend des sens différents aux divers stades du développement christologique. Entre Jésus et le Christ, il existe une réelle discontinuité du fait que l'existence humaine de Jésus a subi une réelle transformation lorsqu'il est passé de l'état de kénose à l'état glorifié par sa résurrection (voir Ph 2, 6-11) ; néanmoins, entre Jésus et le Christ, la continuité persiste, car l'identité personnelle demeure. Celui qui est glorifié est celui qui était mort : Jésus est le Christ (Ac 2, 36). Le Jésus historique est le Christ de la foi. »223(*)

C'est la lumière de pâques qui éclaire dans la foi les disciples sur l'identité de Jésus comme le Christ de Dieu, car l'évènement de pâques est un point de discontinuité entre l'être intramondain de Jésus - pour parler comme Heidegger - et l'être postpascal. L'identité personnelle de Fils de Dieu n'est pas altérée pour autant, restant sauve qu'elle éclate au grand jour davantage dans l'humanité glorifiée de Jésus. Dupuis parle donc à dessein d'un « développement homogène » pour qualifier cette transition du stade d'un Jésus terrestre au Christ glorifié.

Enfin,

« le sens de « continuité-dans-la-discontinuité » change encore lorsqu'il s'agit de la relation entre la christologie ontologique du Nouveau Testament et le dogme christologique de l'Eglise. Là, l'expression se réfère à une continuité de contenu dans la discontinuité d'idiome. Le dogme christologique n' « hellénise » pas le contenu de la foi ; il représente plutôt une « dé-hellénisation » quant à son contenu dans une « hellénisation » de la terminologie. »224(*)

Il est vrai que la foi chrétienne comporte, comme le fait remarquer Dupuis, quelque chose de la culture hellénistique. Cependant, cet emprunt n'est que de l'ordre du contenant, de son mode d'expression et non de son contenu. Voilà qui permet de remettre les choses à leur place et d'accueillir avec discernement la pensée de Hick qui est d'une apparence très alléchante.

III- LES CHRISTOLOGIES A CONNOTATION PERFORMATIVE

1- La christologie représentationnelle et corrélationnelle de Paul Knitter

Paul Knitter est un théologien intéressant pour avoir voulu « réunir et tenir ensemble les options de la théologie de la libération - option pour les pauvres - et d'une théologie des religions pluraliste - option pour une pluralité de voies de salut. »225(*) C'est dans un dynamisme progressif de sa pensée qu'il intégrera cette orientation. Son approche connaitra donc plusieurs phases de mise à jour ; ce qui rend difficile de reconnaître à sa pensée une configuration unifiante. Au départ, après avoir abandonné tour à tour la position exclusiviste et l'inclusivisme, il embrasse comme Hick le pluralisme, tout en persuadant cependant les chrétiens « qu'on n'abandonne en aucun cas le témoignage chrétien contenu dans la Bible et la Tradition, mais au contraire qu'on le comprend plus profondément et dès lors, le raffermit, lorsqu'on remplace, dans les relations envers les personnes d'autres fois religieuses l'approche christocentrique habituelle par une approche théocentrique. »226(*) Sa rencontre avec les étudiants du Salvador engagés dans les Droits de l'homme et persécutés par leur gouvernement (soutenu par les Etats-Unis), et qui s'étaient refugiés à Cincinnati va soudainement le faire adopter la théologie de la libération. Dès lors, il s'imaginait difficilement une théologie des religions qui ne fût pas liée à une théologie de la libération ; il fallait immanquablement associer « ``pluralisme et libération'' et `` dialogue et responsabilité à l'échelle mondiale'' »227(*)

Il n'est donc pas surprenant que s'affirme de plus en plus chez lui une théologie des religions libérationnelle dans laquelle la théologie des religions et la théologie de la libération ont « un urgent besoin l'une de l'autre [...] Un échange interreligieux et interculturel est nécessaire. »228(*) L'accent est mis sur l'option préférentielle pour les pauvres qui sous-entend le primat de l'orthopraxie sur l'orthodoxie tel que cela est prôné par les théologiens de la libération. On dirait qu'autour de la question des opprimés et des misérables, se cristalliserait selon Knitter un noyau, une sorte de principe commun autour duquel pourraient se réunir les religions pour dialoguer. « Il y a donc, comme il l'affirme lui-même, quelque chose qui unit les religions du monde. »229(*)

Ce qui précède permet de poser les préalables qui rendront plus intelligible la vision de Knitter. Le théocentrisme qui fonde le pluralisme chez notre auteur s'exprime par le regnocentrisme ou le sotériocentrisme, qui est un paradigme pour lequel « ce qui constitue [pour] les chrétiens la base et le but du dialogue interreligieux, ce qui rend la compréhension mutuelle et la coopération entre les religions possible, ce qui unit les religions dans un discours commun », ce ne sont pas les liens des religions à l'Eglise, au Christ ou même la manière dont les religions conçoivent Dieu et lui répondent - mais plutôt le double désir de travailler ensemble à construire le Royaume et de clarifier dans quelle mesure chaque tradition fait advenir sa présence dans le monde.230(*) « Ce qui différencie, comme l'explique Aebischer, l'approche sotériocentrique du christocentrisme ou du théocentrisme, c'est la reconnaissance explicite qu'aucun médiateur ou système symbolique n'est absolu : la perspective sotériologique est continuellement ouverte à un plus, une clarification, voire une correction. »231(*)

C'est à partir de ce critère sotériologique que Knitter bâtit son discours sur le Christ qui se veut une « christologie représentationnelle » (expression qu'il emprunte à Schubert Ogden). En effet, « Jésus, par sa vie, sa mort et sa résurrection, sauve non en constituant ou en causant l'amour salvifique de Dieu, mais plutôt dans la mesure où il re-présente pour nous l'amour de Dieu re-créateur, inhérent à sa nature divine et qui est déversé sur toute la création. »232(*) Pour Knitter, « représentationnel » est synonyme de sacramental dans la tradition catholique ; Jésus est le sacrement primordial c'est-à-dire le symbole efficace qui « dans ce qu'il a enseigné et opéré, personnifie, incarne, exemplifie » pour nous la puissance effective et transformatrice de l'amour et de la justice divins.233(*) En optant pour une christologie représentationnelle, Knitter entend défendre ceci : à côté du Christ, il existe d'autres représentations de ce même Dieu amour : « Ce que Paul appelle le Mystère du plan de Dieu révélé de manière si puissante et salvifique en Jésus-Christ peut-être révélé ailleurs, sous des formes variées - sans jamais épuiser le Mystère. »234(*) A la différence de Hick, Knitter ne banalise pas la figure du Christ. Il lui assigne autant qu'à d'autres figures une vocation performative dans l'avènement du Royaume. Son pluralisme transparait dans cette concession à Jésus comme à d'autres le pouvoir de co-participer à l'avènement d'un monde plus juste. Cette christologie représentationnelle est ainsi, du même coup, corrélationnelle. En ce sens, « l'unicité relationnelle » caractéristique de Jésus est liée à « sa capacité à entrer en relation avec d'autres figures religieuses uniques, c'est-à-dire à les inclure et à se laisser inclure par elles. »235(*) La corrélationnalité rend l'idée selon laquelle la révélation de Jésus a besoin d'être complétée par d'autres, voilà pourquoi ce concept est gage d'un dialogue : « Un modèle corrélationnel pour le dialogue interreligieux « évoque l'idée que chacun voit et approche les autres croyants religieux de manière telle qu'une authentique corrélation puisse exister entre les partenaires. [...] Dans un tel modèle corrélationnel, toutes les religions sont considérées, dès le début des conversations, non nécessairement comme étant égales et identiques dans leurs affirmations de vérité (...) mais comme ayant les mêmes droits. »236(*) On ne peut nier que Knitter, contrairement à des pluralistes radicaux, fait un effort pour rester proche de la doctrine chrétienne. Cette proximité lui vaudra les foudres de ses partenaires pluralistes qui lui reprochent un éclectisme de convenance à travers un pluralisme qui n'est en fait qu'une version édulcorée de l'inclusivisme. A ces critiques, il répond qu'il est pour lui « d'importance vitale que le modèle de théologie des religions qu'il soutient soit aussi reçu et, au moins dans une mesure significative, affirmé par les membres de sa communauté chrétienne. »237(*)

Tout compte fait, bien qu'on puisse remarquer dans la christologie de Knitter quelques changements, même au niveau de la terminologie - dans son livre Jesus and the Other Names - le fond reste le même pour l'essentiel. Il professe que Jésus est universel, décisif, indispensable dans le message d'amour qu'il apporte. Cependant, le concept d' « unicité relationnelle » indique bien qu'en ce Jésus, la révélation de Dieu n'est pas complète, définitive, insurmontable.238(*) Si Jésus est Parole de Dieu, ce caractère distinctif de sa personne doit être nécessairement mis en rapport avec d'autres paroles.

Il reste certain que, pour Knitter, l'universalité de la médiation salvifique du Christ est sans objet. En effet, Dupuis remarque que « selon Knitter(...) Jésus-Christ ne doit pas être compris en termes d'une identité personnelle de Fils unique de Dieu ; en conséquence, une « christologie constitutive selon laquelle Jésus, spécialement en sa mort et sa Résurrection, cause ou rend universellement accessible l'amour salvifique de Dieu » est intenable. »239(*)

En relativisant le caractère définitif de la révélation en Jésus, Knitter se range parmi les théologiens indexés par la CDF dans la déclaration Dominus Iesus :

« Est donc contraire à la foi de l'Église la thèse qui soutient le caractère limité, incomplet et imparfait de la révélation de Jésus-Christ, qui compléterait la révélation présente dans les autres religions. La cause fondamentale de cette assertion est la persuasion que la vérité sur Dieu ne pourrait être ni saisie ni manifestée dans sa totalité et dans sa complétude par aucune religion historique, par le christianisme non plus par conséquent, et ni même par Jésus-Christ.

Cette position contredit radicalement les précédentes affirmations de foi selon lesquelles la révélation complète et définitive du mystère salvifique de Dieu se réalise en Jésus-Christ. Aussi, les mots, les oeuvres et toute l'existence historique de Jésus, quoique limités en tant que réalités humaines, ont cependant comme sujet la Personne divine du Verbe incarné, « vraiment Dieu et vraiment homme »; ils portent donc en eux le caractère complet et définitif de la révélation des voies salvifiques de Dieu, même si la profondeur du mystère divin en lui-même demeure transcendante et inépuisable. La vérité sur Dieu n'est pas abolie ou réduite quand elle est exprimée dans un langage humain. Elle demeure en revanche unique, complète et définitive car celui qui parle et qui agit est le Fils de Dieu incarné. »240(*)

2- La christologie des transformations créatrices de John Cobb

Le théologien américain John Cobb est, à la suite de Whitehead, partisan de la théologie du process dans laquelle Dieu est saisi comme une puissance dynamique et non-statique. Cobb dénonce le fait que la tradition chrétienne, sous l'influence des philosophies substantialistes a souvent conçu Dieu comme une force qui maintient les choses. En effet : « Dieu ne favorise jamais le statu quo, l'inertie, l'immobilisme et la fixité. Il travaille et lutte pour que les changements interviennent »241(*), commente André Gounelle. De ce point de vue, La christologie de Cobb tout comme celle de Tillich rompt avec l'ontologisme caractéristique de la christologie traditionnelle. Tout se passe comme si l'américain cherche la réponse à la question suivante : En quoi est-ce que la question christologique intéresse l'homme de la société moderne plutôt porté à l'industrialisation, au développement sous l'impulsion de la techno-science ? La réponse serait de toute évidence : « Dieu désire et provoque des transformations créatrices qui apportent plus et mieux. [Cela dit,] Il en résulte que le christ est l'agent des transformations créatrices suscitées par Dieu. »242(*) Le christ de Cobb n'est pas un titre de gloire en référence à la christologie classique ; il n'est que rappel d'un rôle, sans plus. Voilà pourquoi, il s'écrit en minuscule. Autre chose est le christ et autre chose est le Logos (parole et Verbe). « Pour parler de l'amour créateur de Dieu qui oeuvre en nous et autour de nous, qui, sans jamais se lasser, s'efforce de faire émerger une nouvelle création et une nouvelle créature, Cobb utilise le mot Logos (Parole-Verbe). Christ désignant la puissance créatrice de Dieu agissant dans le monde, il s'ensuit qu'il y a identité entre le Logos et le christ, ce qu'affirme le prologue de l'Evangile de Jean. »243(*) La différence réside dans le fait que pour Cobb, « on appelle christ le Logos quand il agit dans une situation précise, autrement dit, le christ est la figure concrète que prend le Logos dans un lieu et un temps donné. »244(*) On se croirait en face de la distinction entre le Logos et le Jésus historique établie par Dupuis.

Au demeurant, pour Cobb, le christ est un chemin, une route, un voyage. « Entrer en Christ ne signifie pas être arrivé au port et pouvoir se reposer, mais marcher avec ardeur vers le monde nouveau auquel il nous appelle. »245(*)

Cependant, pour lui, le christ et Jésus ne coïncident pas exclusivement. Si le christ est celui qui opère ou par qui s'opère une transformation créatrice, il est donc incarné autant par Abraham, Moïse, les prophètes, Paul, Bouddha, et même par Martin Luther King, que par Jésus. La théorie des semences du Verbe ne peut réussir à le sortir de l'hétérodoxie pour la simple raison que chez lui, le christ ne se rapporte pas de manière intrinsèque au Jésus historique, bien que se révélant déjà de manière parcellaire dans diverses figures religieuses. Cette survivance du christ à travers l'histoire est proche de la théorie de la réincarnation, comme si l'âme de ce christ, sous la forme de divers avatars, provoquait par eux des transformations créatrices au sein de l'humanité. Une telle christologie est erronée du fait qu'elle crée une séparation entre le Christ et Jésus. On n'est plus dans la christologie ecclésiale qui depuis Chalcédoine (451) confesse dans la Personne du Verbe incarné, la dualité des natures dans l'unique personne.

Une telle perspective christologique relativise l'appartenance religieuse, et regorge des relents d'indifférentisme - condamnés par Dominus Iesus. On peut s'en apercevoir quand Cobb affirme : « je ne vois a priori aucune raison de supposer que la religion ait une ``essence'' [à la fois un caractère commun à toutes les ``religions'' et leur trait central ou normatif] ou que les grandes traditions religieuses soient adéquatement comprises comme religions, c'est-à-dire comme traditions pour qui le fait d' ``être religieux'' soit le motif central »246(*). Ce qui est important est l'effort conjugué des divers croyants en vue du projet de transformation créatrice. C'est en cela que se fonde sa position qu'il qualifie d' « au-delà du pluralisme ». Seul compte l'enrichissement mutuel ainsi précisé par Pierre Gisel : « Positivement, il s'agit [...] d'aller à la rencontre de l'autre et de s'en trouver enrichi. De ``passer au-delà'' et de ``faire retour''. [...] De s'exposer à l'autre, indirectement mais décisivement, d'en apprendre plus sur soi. Aller chez l'autre et approfondir qui l'on est. »247(*)

Ce parcours au coeur des thèses les plus significatives des théologiens pluralistes dans le débat christologique en rapport avec le pluralisme religieux a permis sans doute de distinguer diverses accentuations au sein même des différentes approches, tout en nous apercevant des fondements (épistémologique, scripturaire et socioculturel) de la théorie pluraliste. En réalité, le théocentrisme succède au christocentrisme parce qu'il veut être une autre orientation théologique qui absolutise le caractère central de Dieu en niant la figure du Christ et sa médiation. Nous avons donc mis en lumière le substrat christologique échafaudé par chaque auteur dans son projet de relativisation de la figure du Christ. Prendre position en faveur de la consistance propre des traditions religieuses conduit-il nécessairement à nier l'universalité et l'unicité de la médiation salvifique du Christ ? Comment comprendre cette médiation dans le contexte actuel du pluralisme religieux ? Ces questions graves guideront les développements du chapitre suivant.

CHAPITRE IV : L'UNIVERSALITE DE LA MEDIATION SALVIFIQUE FACE AUX AUTRES RELIGIONS

Le phénomène du pluralisme religieux a provoqué un développement christologique. Les deuxième et troisième chapitres ont pu exposer ces principales approches. Il sera à présent question de nous servir de ce déploiement théologique pour réinterpréter dans le contexte actuel du pluralisme religieux, l'affirmation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ. Pour ce faire, nous allons d'abord nous pencher sur quelques points qui constituent des obstacles à une telle entreprise. Nous terminerons par quelques repères pour le dialogue interreligieux.

I- PROBLEMES LIES A L'AFFIRMATION DE L'UNIVERSALITE DE LA MEDIATION SALVIFIQUE DU CHRIST

Dans la société postmoderne, l'affirmation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ demeure justifiée. Mais, elle se heurte à quelques difficultés que nous allons clarifier.

1- Le problème du langage

La société postmoderne exige une vision plurielle de la réalité. Cette pluralité n'épargne aucun domaine (religieux, politique, moral...). Dans ce contexte, tout langage rationnel ne doit pas être entaché d'une vision moniste du réel. Or, comme nous le fait remarquer Albert Dondeyne, le malaise christologique contemporain est aussi un « malaise qui se situe d'abord et directement au niveau de la formulation dogmatique. »248(*) Il est vrai que le discours sur le Christ, et de façon générale la théologie, s'est élaborée sur la base de l'ontologie métaphysique. Un regard historique permet de nous rendre compte que « traditionnellement, la théologie a considéré comme universels ses énoncés consacrés par un long usage, y voyant les expressions d'une vérité absolue et salvifique qui, selon la célèbre phrase de Lérins, a été crue « partout, toujours et par tous. »249(*) C'est comme si pour l'homme moderne, la médiation salvifique universelle du Christ, au niveau de son expression, évoque le retour à l'ère des universaux.

Il serait judicieux de préciser que dans les formulations dogmatiques, on distingue l'expression et le contenu. Il apparaît que c'est davantage la proximité de l'affirmation de cette médiation avec, du point de vue de l'expression, le concept de l'universalité comme telle qui fait problème. Il rappelle en apparence l'universel des systèmes hégélien ou néoplatonisme. Les épistémologues de la ligne historiciste radicale comme Nietzsche, Foucault et Derrida pousseront loin la thèse de la réfutation de l'universalité épistémologique jusqu'au rejet d'un sens englobant tous les autres, d'une intentionnalité et d'une universalité dans les résultats épistémiques.250(*)

C'est aussi vrai de remarquer que la théologie est passée par une étape où l'universalité des vérités énoncées était inséparable de l'unicité de son expression. Claude Geffré décrit d'ailleurs ce passage en ces termes :

« A l'aube des temps modernes, l'Eglise s'est pensée comme une société exclusive selon le modèle d'une idéologie unitaire. La théologie dogmatique de type monolithique était cohérente avec son rapport défensif à l'égard de la société moderne. En même temps qu'elle refusait à l'extérieur d'elle-même le pluralisme idéologique et culturel des sociétés libérales d'Occident, elle condamnait le pluralisme doctrinal à l'intérieur d'elle-même et définissait des règles de l'orthodoxie de plus en plus strictes. »251(*)

De son côté, Walter kasper fait le constat similaire : « Etant donné le pluralisme du monde moderne et postmoderne, il n'est pas surprenant que l'affirmation selon laquelle Jésus-Christ est le Verbe définitif, qui a une valeur universelle, pose problème et que la question du caractère unique de Jésus-Christ soit devenu le sujet d'une vaste et âpre discussion à l'intérieur et à l'extérieur de la théologie. »252(*)

Aujourd'hui, au sein même des sciences théologiques, l'universalité dans l'expression n'est plus nécessaire. La théologie a intégré la pluralité des approches de la vérité, caractéristique de la postmodernité dont l'émiettement des domaines du savoir dans les sciences en général. Il n'est donc pas surprenant qu'avec les penseurs comme Karl Popper253(*), on soit conduit vers la thèse de la falsifiabilité des hypothèses en science induisant à abandonner l'idée traditionnelle de vérité pour embrasser celle de vérisimilarité, ou qu'avec Thomas Kuhn et son approche des paradigmes, les vérités scientifiques (au sens large) ne soient plus de l'ordre de l'immuable, des noumènes objectivables, mais du provisoire. Ces vérités valent tant que ce modèle auquel elles appartiennent n'est pas dépassé.

Pour résumer, l'affirmation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ rencontre dans l'époque postmoderne un obstacle épistémologique. Nous montrerons dans la suite comment le contenu de cette affirmation reste justifiable face au pluralisme religieux de notre époque, puisque la valeur universelle de la médiation en question transcende la simple appréhension épistémologique.

2- L'interprétation des Ecritures

Le théocentrisme pluraliste rejette l'universalité de la médiation salvifique du Christ en s'appuyant sur une certaine lecture des paroles de Jésus dans l'Evangile de Jean : « Mes oeuvres sont celles que le Père m'a donné » (Jn 5, 36), « Je ne puis rien faire de moi-même » (Jn 5, 30), « ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé » (Jn 7, 16), « le Père est plus grand que moi. » (Jn 14, 28). Pour ce courant, ces versets traduisent le caractère théocentrique de Jésus ; Jésus avouerait dans ces paroles qu'il est lui-même relatif. En effet, comme nous l'avons montré dans le premier chapitre, le débat moderne qui oppose une christologie scientifique ou historique au Christ de la foi dans la christologie dogmatique ou ecclésiastique a suscité un regain d'intérêt pour l'exégèse. En réalité, des présupposés fonctionnels vont guider la lecture que les pluralistes font de l'Ecriture et particulièrement des versets johanniques dont nous venons de faire mention. On comprend alors le théocentrisme pour lequel ils optent. Nous tenterons de clarifier l'interprétation ecclésiale de ces extraits.

Les grands débats christologiques suscités par ces versets remontent à l'époque patristique. Les ariens se servaient de ces passages pour justifier l'infériorité de Jésus par rapport au Père. Un groupe de Père de l'Eglise (Origène, Tertullien et Athanase) y voit la marque de la différence de génération. Le Père est engendré, non le Père. D'autres comme Cyrille d'Alexandrie, Ambroise et Augustin l'ont compris de cette manière : Jésus en tant qu'homme incarné, est moins grand que le Père. Saint Thomas lui aussi n'est pas loin de cette perspective. Pour lui, le Fils dans son humanité est effectivement moins que le Père, l'Esprit et les anges. L'interprétation qu'il donne de « le Père est plus grand que moi » est la suivante : « Le Père est plus grand que le Fils non par la puissance, l'éternité et la grandeur, mais par l'autorité de celui qui donne ou qui est principe. Car le Père ne reçoit rien d'un autre, mais le Fils reçoit sa nature, pour ainsi dire, du Père par la génération éternelle. »254(*)

L'exégète Alain Marchadour relie « Le Père est plus grand que moi » en lien avec Jn 13, 16 : « Le messager n'est pas plus grand que celui qui l'envoi. » Et donc, « le Père est plus grand parce que tout vient de lui et tout va à lui : en particulier l'envoi du Christ et sa glorification. »255(*)

Pour sa part, Xavier Léon-Dufour nous invite, pour saisir la pertinence de ces versets, à « demeurer en présence de l'être paradoxal qui est le Logos venu d'en haut. »256(*) Jésus est en unité parfaite avec le Père (cf. Jn 10, 30) et il est « comme l'envoyé recevant tout du Père, paroles et oeuvres, enseignement et ordres. »257(*) Ces deux aspects ne s'opposent pas dans la présentation johannique. En effet, pour Jean, la priorité du Père est maintenue. Tout le ministère de Jésus tend à faire connaître le Père, à le glorifier. L'initiation de la vie éternelle vient de Lui (cf. Jn 3, 16). Au final, la mention du Père « plus grand » - tout comme d'autres passages du même type - qu'exploitent le théocentrisme pluraliste « met en évidence la perspective fondamentale du Discours : la rencontre des disciples avec Dieu. »258(*) Et dans la perspective de Jean, c'est dans le Fils que cette rencontre avec Dieu est possible, à cause de l'unité parfaite qu'il partage avec le Père qui est de l'ordre de la nature.

On peut conclure que l'universalité de médiation salvifique du Christ est plutôt indirectement soulignée à travers ces versets.

3- L'amalgame entre christianisme et culture

En plus des arguments développés à propos de l'interprétation scripturaire, l'affirmation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ se heurte aussi à l'amalgame que les tenants du théocentrisme pluraliste entretiennent entre religion et culture, plus précisément entre christianisme et culture occidentale. Chez John Hick par exemple, nous avons souligné qu'il y a une transposition sur le terrain de la christologie d'une préoccupation qui au départ est strictement culturelle, à savoir celle de la supériorité de la culture occidentale comme lieu de l'épanouissement historique du christianisme. Il est vrai que les critiques de quelques théologiens africains à l'endroit du christianisme missionnaire allaient dans le même sens. Pour beaucoup d'entre eux, le projet d'évangélisation de l'Afrique n'avait pas été clairement distingué du projet de l'expansion de la civilisation occidentale. C'est ici qu'on peut, à juste titre, se rendre compte que le projet de désabsolutisation du christianisme comme religion, avec les auteurs comme Tillich, visait aussi la relativisation du Christ.

C'est aussi dans le même sens que les tenants de la christologie à vocation performative ont assigné aux religions la finalité de construire une culture humaine. Elles sont appelées à se mettre ensemble pour combattre les injustices infligées aux marginalisés et aux opprimés que compte notre société et favoriser un rapprochement entre les peuples. C'est évident que ce désir est fort louable. Ces penseurs rappellent sans aucun doute le rôle dévolu aux religions dans la construction du royaume de Dieu dès ici bas par la recherche et la promotion des valeurs. Cependant, le christianisme ne peut être réduit à une réalité purement culturelle. Bien plus, le message évangélique qu'il annonce est appelé à transformer les cultures. Le danger dans cette perspective est de créer un amalgame entre religion et culture. Comme on l'a vu, le théocentrisme pluraliste est, dans cette perspective, tellement préoccupé par l'adaptation du discours, qu'il en vient à oblitérer le contenu et même le noyau essentiel du message chrétien.

En effet, le message de Jésus ne saurait être réduit à servir les causes d'une société ou d'une idéologie, et ainsi être considéré comme la propriété d'une culture donnée. Dans les évangiles, Jésus prend distance face aux mouvements et aux courants qui jalonnent la vie de son peuple et « la « secte » chrétienne [à l'origine peut apparaitre] comme une réponse originale aux questions et aux aspirations communes, comme l'offre d'une nouvelle cohérence. »259(*) Dans l'optique de distinguer le christianisme d'une culture ou d'une simple idéologie, Karl Rahner plaide pour un « christianisme sans compromission », contre ce qu'il appelle « la transmanence idéologique » à force de vouloir donner une réponse aux vicissitudes historiques.260(*) Le défi que la postmodernité lance à la théologie est de taille, puisqu'en prenant acte du contexte épistémologique de l'heure, comme le montre David Tracy à sa manière, « la théologie postmoderne [devient] un effort honnête, bien que parfois désespéré, pour faire entendre Dieu en tant que Dieu »261(*), et non Dieu réduit à la dimension d'une culture.

L'affirmation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ n'est donc pas à confondre avec les questions liées à l'hégémonie de la culture occidentale, comme cela semble émerger des thèses des penseurs pluralistes.

II- ESSAI DE COMPREHENSION DE L'UNVERSALITE DE LA MEDIATION SALVIQUE DU CHRIST DANS LE CONTEXTE DU PLURALISME RELIGIEUX

Il s'agit de nous pencher sur la question cruciale de notre travail, celle de savoir : eu égards aux longues analyses des différentes approches christologiques des chapitres précédents, comment comprendre l'universalité de la médiation salvifique du Christ dans le contexte du pluralisme religieux ? Ces différentes approches christologiques seront d'ailleurs exploitées dans la mesure où elles requièrent des éléments sur lesquels nous nous appuierons tour à tour.

1- Médiation et « médiations »

Evoquons pour commencer le Concile Vatican II comme point de départ de la distinction qui se fera plus tard entre la médiation du Christ et les médiations des traditions religieuses. Le regard posé par Vatican II sur les traditions religieuses est plutôt positif comme nous l'avons souligné au premier chapitre de ce travail. On parle de valeurs positives, de « rayons de vérité », de « germes de bien »262(*), etc. Cependant, le Concile n'est pas allé jusqu'à qualifier les traditions religieuses de « voies » de salut. Il se limite à parler uniquement d'éléments de « vérité et de grâce » contenus en elles « comme une sécrète présence de Dieu. »263(*) C'est avec le document « Dialogue et annonce » qu'on se rapproche le plus de l'affirmation selon laquelle les autres religions peuvent constituer des voies de salut. « Concrètement, c'est dans la pratique sincère de ce qui est bon dans leurs traditions religieuses et en suivant les directives de leur conscience, que les membres des autres religions répondent positivement à l'appel de Dieu et reçoivent le salut en Jésus-Christ même s'ils ne le connaissent et ne le confessent pas comme leur sauveur. »264(*)

L'encyclique Redemptoris Missio évoquait déjà, parlant des autres traditions, l'idée de « médiations participées »: «  le concours de médiations de types et d'ordres divers n'est pas exclu. »265(*) En fait, comme le fait remarquer François Bouquet : « Le catholicisme a toujours tenu à la connaissance naturelle de Dieu, à partir d'une théologie de la création ; la réflexion sur la connaissance « culturelle » de Dieu, par un être humain à la fois spirituel et sociable, ne fait que commencer. »266(*) En réalité l'encyclique ne fait qu'exprimer en termes nouveaux ce qui n'est pas étranger à la théologie de l'Eglise.

2- L'universalité salvifique de la médiation du Christ

On ne peut pas se contenter de distinguer la médiation et les médiations des autres traditions religieuses. Il est important d'établir la relation entre les deux types de médiations, pour qu'émerge le lien entre la médiation salvifique du Christ et les autres médiations.

En effet, les deux types de médiations ne sauraient pas être mises sur le même pied d'égalité. Dupuis exprime la spécificité de la médiation du Christ en ces termes : « Jésus Christ, selon la foi christologique de la tradition chrétienne, est « médiateur » entre Dieu et le genre humain, dans la mesure où il unit en sa personne la Divinité et l'humanité, de sorte qu'en lui la Divinité et le genre humain ont été unis en un lien permanent. »267(*) L'universalité de la médiation du Christ est donc à comprendre dans ce cas précis comme étant intrinsèquement exercée à l'endroit de tout homme. C'est ici l'anthropologie transcendantale de Karl Rahner nous aide saisir cette proximité essentielle (et non accidentelle) à l'égard de tout homme qui fait de ce dernier un possible auditeur de Dieu. Comme nous l'avons vu à propos de la théorie des « chrétiens anonymes », le champ de la croyance n'est que la thématisation de cette ouverture existentiale à Dieu rendue possible par le mouvement kénotique du Verbe.

Chez Rahner, le salut venant de Dieu ne peut se comprendre qu'en rapport avec l'acte divin autocommunicationnel : « L'offre que Dieu fait de lui-même, par quoi il se communique absolument à la totalité de l'homme, dit-il, est par définition le salut de l'homme. »268(*) Le salut se situe donc dans l'horizon de l'autocommunication qui est d'abord transcendantale. Le salut apparaît donc comme lié à l'expérience transcendantale de tous les hommes, fut-elle thématisée dans les traditions religieuses. En ce sens, l'autocommunication prend la coloration d'un acte ultime et souverain par lequel « Dieu, en sa réalité la plus propre, se fait le constitutif le plus intérieur de l'homme lui-même. »269(*) Cette autocommunication a entre autres pour finalité de relever l'homme de sa condition existentielle par une transformation intérieure. A ce niveau, les diverses traditions religieuses sont des expériences salvifiques dans un certains sens, notamment dans la mesure où à travers elles, Dieu opère une certaine transformation salvifique en l'homme. Il est important de signaler que Karl Rahner n'utilise pas le mot « médiation » pour parler des traditions religieuses. Mais dans l'idée, on n'est pas loin, puisque pour lui l'acte divin autocommunicationnel déjà compris dans l'expérience transcendantale est en réalité oeuvre de salut à cause de la transformation intérieure qu'il produit.

Dans la logique de Rahner, ces traditions religieuses manifestent l'ouverture de l'homme à cette grâce en le rendant capax Dei. Elles sont des médiations du salut dans la mesure où elles préparent d'une certaine façon l'homme à basculer d'un christianisme anonyme à un christianisme explicite. En réalité, elles n'ont pas par elles-mêmes de pouvoir salvifique. Seul le Christ est cause du salut. Voilà pourquoi Karl Rahner perçoit l'universalité de la médiation salvifique du Christ dans un sens exclusif, c'est-à-dire absolu, car c'est dans l'évènement du Christ que la grâce opère le salut comme expérience surnaturelle. Jésus Christ est celui qui apporte absolument le salut.  L'universalité du salut en Jésus est inséparable de l'acte de l'incarnation qui le lie à tout homme et qui fait de lui celui « qui forme le point culminant de l'autocommunication divine au monde »270(*).

Pour mieux saisir l'universalité de la médiation salvifique dans le contexte du pluralisme religieux, l'approche de Dupuis, complémentaire à celle de Rahner, est aussi éclairante. Cette médiation a un caractère relationnel. Elle est à situer dans un étroit rapport avec l'unicité de sa personne qui est constitutive - cause du salut- et relationnelle, et « relationnelle » veut dire l'insertion de la signification universelle de l'évènement-Christ dans le plan global de Dieu pour l'humanité et la façon dont ce plan se dévoile dans l'histoire du salut. En particulier, le terme est conçu pour affirmer la relation réciproque qui existe entre la « voie » qui est Jésus-Christ et les diverses « voies » de salut proposées par les traditions religieuses à leurs membres. »271(*) Autrement dit, l'universalité de la médiation salvifique du Christ instaure un nouveau rapport de sens entre cette médiation et les autres médiations. Voilà pourquoi Jean Paul II écrivait pour préciser : « celles-ci [les médiations de types et d'ordres divers] tirent leur sens et leur valeur uniquement de celle du Christ, et ne peuvent être considérées comme parallèles ou complémentaires. »272(*) Cela signifie que les médiations sont comme essentiellement liées à la médiation du Christ qui est unique et d'où elles tirent leur sens et leur pouvoir salvifique. On parle alors de médiations dans les traditions religieuses parce que les semences du Verbe (pour parler comme saint Justin) y sont disséminées.

La manifestation du salut de l'humanité n'est donc pas détachée de la personne du Christ. On ne peut en dehors de lui fonder le salut de l'humanité. Cependant, tout homme, quelle que soit sa religion, reste ouvert à ce salut : « L'ordre de la foi ou du salut consiste précisément en communication personnelle de Dieu avec l'être humain, une communication dont la réalisation concrète a lieu en Jésus-Christ et dont le signe efficace est l'humanité de Jésus. »273(*) Les traditions religieuses sont des médiations salvifiques dans le sens où Dieu sauve dans et à travers ces traditions ceux qui y adhèrent. Dupuis traduit cela en écrivant : « Les autres religions peuvent-elles contenir et signifier de quelque manière, la présence de Dieu aux êtres humains en Jésus-Christ ? (...) On doit nécessairement l'admettre. Leur pratique religieuse est en effet la réalité qui donne expression à leur expérience de Dieu et du mystère du Christ (...). Cette pratique exprime, soutien, supporte et contient - pour ainsi dire - leur rencontre avec Dieu en Jésus-Christ. »274(*) Le jésuite belge nous permet de progresser dans l'élucidation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ. En effet, comprendre cette médiation dans son caractère relationnel permet de trouver un équilibre entre la médiation des autres traditions religieuses et celle du Christ. Par conséquent, il est juste dans une certaine mesure de dire que le Christ est un médiateur parmi tant d'autres, dans la mesure où l'affirmation de la pluralité des options religieuses entraine nécessairement celle des médiations. Toutefois, il n'est pas un médiateur comme tous les autres. Sa médiation est unique et est exprimée d'une façon incomplète par les autres médiations qui tirent sens et valeur de la sienne. Il faudrait préciser avec Bouquet que « l'unicité [est ici] le contraire de l'exclusion (...). La manière dont le Seigneur est unique médiateur, à la croix ressemble à la forme de sa vie tout entière, tournée vers le Père et vers l'humanité. La manière dont le Seigneur est unique médiateur, à la croix, ressemble à la forme de sa vie tout entière tournée vers le Père et vers l'humanité. »275(*)

Cette analyse serait incomplète si elle ne précisait dans quelle mesure les diverses traditions religieuses expriment le mystère salvifique du Christ. Ici, il convient de distinguer diverses modalités de la médiation de la présence de ce mystère. Dupuis fait d'ailleurs remarquer que « la grâce de Dieu, bien qu'étant sans aucun doute, une, est transmise visiblement en des modes divers - avec des différences entre eux non seulement de degré mais de genre. »276(*) Il n'est donc pas illogique si nous concluons avec lui que « dans les autres traditions religieuses, il [le mystère de salut en Christ] est présent de manière implicite et cachée, en vertu d'un mode de médiation incomplet, mais non moins réel, constitué par ces traditions. »277(*) Pour bien marquer cette différence entre divers modes de médiation du mystère du salut, Dupuis écrivait :

« C'est une chose [...] de recevoir la parole que Dieu dit aux hommes par la médiation des sages qui l'ont entendue au fond de leur coeur et ont transmis à d'autres leur expérience de Dieu ; c'en est une autre d'entendre la Parole décisive que Dieu parle aux hommes en son Fils incarné, qui est la plénitude de la révélation [...].

« De même, une chose est d'entrer en contact avec le mystère du Christ à travers les symboles et pratiques rituelles qui, à travers les siècles, ont soutenu et donné forme visible à la réponse de foi des hommes et à leur engagement envers Dieu ; c'en est une autre de rencontrer le même mystère, représenté dans la pleine sacramentalité des actions symboliques instituées par Jésus-Christ et confiées par lui à l'Eglise. »278(*)

Les intuitions de Schillebeeckx - se dégageant de son approche sacramentaliste développée au chapitre 2 - paraissent intéressantes dans la mesure où elles placent les traditions religieuses dans le cadre du sacrement comme don divin du salut, puisque ces traditions introduisent leurs membres dans une dynamique de la rencontre avec Dieu. Le théocentrisme pluraliste a eu le mérite d'accentuer la consistance propre de chaque tradition religieuse, mais il est inacceptable de déduire de cette accentuation des médiations en concurrence ou parallèles, ou encore même complémentaires à celle du Christ.

Nous pouvons résumer en disant que le pluralisme religieux, loin de diminuer ou d'atténuer l'universalité de la médiation salvifique du Christ, l'atteste plutôt, car, les multiples médiations restent des reflets sombres du mystère salvifique du Christ.

Au plan théologique, considérer les autres traditions comme des médiations nous engage à allier christologie et pneumatologie sans pourtant les séparer, comme l'ont fait plusieurs théologiens catholiques. On se souvient de la notification de la CDF au sujet des thèses de Jacques Dupuis, insistant entre autres sur la non séparation du Verbe et de Jésus et de leurs actions respectives. La présence de l'Esprit dans les autres religions les conduit et les ordonne celles-ci vers la pleine connaissance du mystère salvifique de Jésus-Christ.

III- QUELQUES REPERES POUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX

Le domaine du dialogue interreligieux est vaste, et nombreux sont les auteurs qui s'y sont investis. Il ne s'agit pas pour nous de reprendre ici toutes les orientations développées, mais en guise de propositions pastorales, nous voulons retenir trois suggestions en lien avec le débat christologique.

1- Urgence d'une connaissance du Christ catéchétique et personnelle approfondie

Le chrétien vit dans un monde où le pluralisme religieux fait partie de la configuration normale des choses. S'il doit en tirer profit, il ne peut simplement s'accommoder à cette réalité sans courir le risque de porter un coup à son adhésion au Christ. Evidemment, dans un tel contexte, être chrétien devient une option religieuse parmi tant d'autres, susceptible d'être abandonnée pour embrasser une autre alternative. Si le pluralisme religieux entre dans la trame normale de la vie sociale, il ne doit pourtant pas cesser de générer chez le chrétien questionnement et inquiétudes qui le somment de justifier son adhésion au Christ. Il s'agit d'aider les fidèles à donner une réponse concrète à la question que pose Jésus à ses disciples dans les évangiles : « Mais pour vous, qui suis-je ? » ( Mc 8, 27). On dirait que tout se passe comme dans la démarche que saint Ignace propose aux retraitants dans ses Exercices spirituels : choisir résolument le Christ contre en envers tout279(*). Comment se dérober à cet impératif et ne pas désirer que la foi des fidèles soit comme une maison bâtie sur le roc ? Adolphe Gesché dans l'interrogation : « Pourquoi je crois en Dieu », essaie de se dire à lui-même les raisons de son adhésion au Christ : « savoir que ma confession de Dieu est (ou est devenue) un choix, en tout cas un acte de liberté. Et même, pour moi, un acte de liberté qui libère. Les faits de l'athéisme [et nous ajouterions du pluralisme religieux], de cette possibilité [ou de cette réalité] de l'existence humaine, fait découvrir, comme sur le vif, que la foi en Dieu (...) est un acte de liberté, et que ma foi en Dieu n'est pas, et peut être chose nécessaire, qui s'impose et s'inflige. »280(*) Le suivisme dans le domaine de la foi est autant redoutable que le refus de Dieu. Le chrétien ne peut faire l'économie de réviser les motifs de son attachement à Dieu s'il veut garder ce lien libre de l'aliénation, de l'infantilisme, de l'indifférentisme.

Ce qui vient d'être dit découle lui aussi d'une connaissance catéchétique du Christ. S'attacher au Christ fait suite à une certaine connaissance de lui sur laquelle s'appuie notre choix. Il est toujours possible de traduire dans un discours catéchétique la vérité de l'universalité salvifique de la médiation du Christ. Pour préserver toute la richesse du mystère salvifique, les pasteurs et les ministres doivent s'atteler à montrer comment la personne du Christ accomplit les valeurs contenues dans nos traditions et nos cultures. Comme nous l'avons vu dans le dilemme moderne du Jésus historique et du Christ de la foi, la figure de Jésus est devenue la préoccupation des sciences profanes, de la philosophie et même des autres religions. Et évidemment cette figure de Jésus affranchie de la foi de l'Eglise s'en trouve réellement appauvrie (Jésus superstar, Jésus le maître initiatique, le prophète...). Sans une solide formation, le chrétien en contact avec cette source populaire d'opinions, il va sans dire que son adhésion à cette personne du Christ sera fragile, vacillante et même éphémère. A travers la catéchèse, les fidèles devraient être conduits à la vraie connaissance du mystère du Christ qui s'enracine dans les Saintes Ecritures et dans la foi de l'Eglise contenu dans les symboles de la foi.

Pour nous résumer sur la nécessité d'un double mouvement de connaissance du Christ et d'adhésion à lui, nous nous rappelons cet extrait du Directoire général de catéchèse : « La foi, que la catéchèse doit conduire à maturité peut être enseignée sous deux aspects : soit comme adhésion entière de l'homme à Dieu qui se révèle, adhésion donné sous l'influence de la grâce (fides qua), soit comme le contenu même de la révélation et du message chrétien (fides quae). »281(*)

2- Assumer l'altérité dans la rencontre des autres religions

La relation dialogique émerge de l'essence même du christianisme. Claude Geffré pour le dire utilise l'expression : « le caractère dialogal du christianisme » ou « de la singularité du christianisme comme religion de dialogue »282(*). Pour cela, il faut éviter de d'absolutiser le christianisme comme voie exclusive du salut. C'est dans la même logique que notre auteur suggère :

« Au moment même où nous confessons que Jésus Christ est l'unique source du salut, c'est le paradoxe même de l'incarnation, c'est-à-dire la manifestation de l'Absolu dans et par une particularité historique qui nous invite à ne pas absolutiser le christianisme comme voie exclusive de salut. Nous sommes devenus très sensibles à la particularité historique du christianisme au sein des religions du monde alors que la prétention universaliste du christianisme n'est pas vérifiée historiquement. »283(*)

On se souvient que le dialogue comme initiative de rapprochement des religions remonte au Concile Vatican II. Les textes conciliaires ont rompu avec le rejet qui avait souvent caractérisé l'attitude de l'Eglise vis-à-vis des autres religions. Ce refus d'absolutiser le christianisme que suggère Geffré a donc rendu possible le dialogue. Le chercheur dominicain, à la lumière du concept de « christianité », réinterprète le statut du christianisme : « L'unicité du christianisme comme religion issue de l'évènement central qui est Jésus Christ est alors plutôt de l'ordre de la manifestation, du sacrement, en somme le signe et la tenue à visibilité de ce qui se passe aussi ailleurs. »284(*) Evidemment dans le prolongement de l'intuition de Vatican II, un travail reste à faire compte tenu de l'attitude que les chrétiens affichent encore parfois en face des adeptes d'autres religions. Le dialogue n'est pas une option pastorale facultative parce « le dialogue interreligieux est d'abord une rencontre de personnes, de croyants et de croyantes mis en présence d'autres croyants. »285(*)

Aujourd'hui, tel que cela se dégage des développements des chapitres précédents, on tend plus à concéder aux traditions religieuses une valeur propre. Au plan pratique, cela doit pouvoir se traduire par une certaine façon de se situer face à l'altérité. Bien souvent, chacun n'est-il pas enclin à afficher un air de condescendance en face des autres traditions religieuses ? La manière juste de se situer devant l'altérité consiste à se débarrasser des préjugés « vis-à-vis des autres et de leur tradition religieuse, (...) surmonter les préjugés ; l'ouverture dispose à la découverte et à la connaissance du mystère présent et actif en eux. »286(*) Jean-Claude Basset a donc insisté à dessein sur le fait que le dialogue exige aussi le droit à la différence ; cela signifie aussi que « le droit de se définir soi-même implique, pour chaque partenaire, le devoir de renoncer à toute position de privilège découlant d'une affirmation dogmatique ou d'une expérience religieuse (...) Cette égalité des partenaires peut se situer à deux niveaux. Ce peut être une attitude pratique, on pourrait presque dire tactique, qui ne préjuge en rien des convictions de chacun, [de sa] relation au salut et à la vérité (...) Ce peut être aussi un changement radical, une conversion dans la perception des autres traditions, et finalement de la sienne propre. »287(*) Il ne s'agit pas comme beaucoup le suggèrent, de mettre sa propre foi entre parenthèse. Il n'existe pas de véritable dialogue lorsqu'on refuse d'être soi-même. Le réel dialogue n'est que le fruit d'une fidélité à son identité religieuse et dans l'ouverture et à la découverte de celle de l'autre. Le théologien suisse le résume encore clairement :

« Le dialogue requiert deux qualités essentielles : d'une part un engagement explicite des interlocuteurs dans leurs traditions respectives, et d'autre part une ouverture sincère à l'égard des autres traditions. Sans enracinement spécifique, il ne peut y avoir qu'un échange d'idées sur un fond religieux, non dépourvu d'intérêt mais coupé de la vie des croyants. Sans ouverture, il n'y a qu'une série de monologues, un échange d'informations sans impact existentiel et sans perspective de changement pour les traditions religieuses. »288(*)

Par ailleurs, si pour le chrétien, le Christ est Dieu faisant irruption dans l'histoire des hommes, cela ne peut être un motif d'orgueil. Le christianisme devrait faire sienne le principe kénotique dans lequel la gloire du Christ fait place à la contingence historique et à la fragilité. Chaque chrétien, loin de se considérer comme supérieur aux autres, devient celui dont parle Jésus quand il dit : « A qui on a beaucoup donné, il sera beaucoup demandé, à qui on aura confié beaucoup, on réclamera davantage. » (Lc 12, 48). Le dialogue est donc un chemin de conversion et d'humilité à travers lequel le chrétien est appelé à reconnaître dans son interlocuteur, l'image de Dieu qui lui parle et l'interpelle sans cesse. Jésus met en garde contre le danger de nous prévaloir par rapport aux autres souvent pris pour moins privilégiés que nous dans l'économie du salut, et de ne pas tirer profit du don que Dieu nous fait : « En vérité, je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au royaume de Dieu. » (Mt 21,31) La révélation est définitive en Jésus non pas d'abord pour placer au-dessus de la mêlée ceux qui croiront en lui. Quand Vatican II parle de germes de vérités présentent dans les autres religions, il n'y a aucun doute que se profile dans cette idée l'interrogation de savoir ce que font les chrétiens de ce trésor dont Dieu les gratifie. Il n'est certes pas admissible aujourd'hui de parler d'une complémentarité dans l'ordre de la révélation ; cela est contraire à notre foi comme l'a bien souligné Dominus Iesus. Mais cela n'exclut pas d'envisager une autre forme de complémentarité, surtout celle qui découle d'un échange dans lequel les biens appréciés chez les autres nous engageront à réfléchir sur la manière dont ils sont autant présents et malheureusement peu considérés chez nous chrétiens. Claude Geffré propose dans ce sens « une possible réinterprétation créatrice de la vérité chrétienne à partir des autres vérités religieuses »289(*) puisque d'après le chercheur dominicain, la pédagogie même de Dieu dans l'histoire du salut, intègre une fonction prophétique de l'étranger pour une meilleure intelligence de sa propre identité. 

Il est important aussi dans une démarche de dialogue de distinguer deux pôles. Le premier est celui d'une base commune qui est « la reconnaissance d'une donnée qui unit les croyants par delà les différences de leurs traditions respectives. »290(*) Le deuxième pôle est bel et bien celui des spécificités propres à chaque tradition religieuse.

Qu'il nous soit permis de mentionner pour finir que si l'urgence du dialogue ne peut plus nous autoriser à différer le rapprochement des traditions religieuses, a fortiori le pressant besoin d'unité entre les chrétiens. Il est vrai, le débat christologique face au phénomène du pluralisme religieux engage davantage à penser la question de la relation entre religions. Comment cette unité serait-elle envisageable si, l'émiettement vertigineux au sein du christianisme tend à diminuer aux yeux des autres l'importance de l'initiative isolée de dialogue de quelques obédiences chrétiennes ? N'est-il pas profitable que le lieu christologique soit davantage un prétexte d'unité pour ceux qui se réclament du Christ ? Il faudrait saluer la célébration de la semaine de l'unité des chrétiens. Mais au sein des paroisses, les initiatives devraient davantage mobiliser les chrétiens pour des rencontres : questions sociales, débats et partages, expériences spirituelles de prière autour de la parole de Dieu, oeuvres caritatives.

3- Redécouvrir la mission comme proposition et témoignage

Nous avons souligné plus haut le caractère non absolu du Christianisme. Cela permet déjà de sortir du danger du prosélytisme et de l'impérialisme qui a souvent marqué l'activité missionnaire du christianisme. Par exemple, on avait souvent baptisé en masse pour prévenir les effets de la malédiction de cham291(*). Une façon d'éviter ces écueils dans le contexte du dialogue interreligieux, serait d'entrevoir la mission - comme - proclamation dans une perspective de proposition tel que cela transparait dans Redemptoris missio :

« La foi exige la libre adhésion de l'homme, mais elle doit être proposée parce que les "multitudes ont le droit de connaître la richesse du mystère du Christ, dans lequel nous croyons que toute l'humanité peut trouver, avec une plénitude insoupçonnable, tout ce qu'elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l'homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité.[ ...] C'est pourquoi l'Eglise garde vivant son élan missionnaire, et même elle veut l'intensifier dans le moment historique qui est le nôtre. »292(*)

Si l'activité missionnaire est perçue sous l'angle d'une proposition, elle s'expose moins aux écueils de prosélytisme impérialisme susmentionnés.

La deuxième proposition est le témoignage. On se souvient de ces paroles de Paul VI : «Notre monde d'aujourd'hui a plus besoin de témoins que de maîtres »293(*) C'est dire qu'au-delà de l'abondance des discours, la crédibilité d'un discours religieux se joue dans sa capacité à relever l'homme. C'est dans ce sens que Tarek Mitri écrit : « Au-delà du respect, l'engagement dans le dialogue témoigne de l'amour du Christ. C'est une affirmation de la vie contre les forces de la destruction et du chaos et une participation à l'effort de tous ceux qui cherchent à réaliser, sans grandes illusions, une communauté humaine meilleure. »294(*) C'est ici que le génie de Hans Küng parait clairement dans la manière de finaliser les religions par la recherche de la paix dans le monde. Il parle précisément dans la nomenclature des critères d'une religion du « critère éthique général (...) authentiquement humain, [il faut vérifier] qu'elle[la religion] ne détruit pas la véritable humanité, mais la protège et la promeut. »295(*) L'Eglise est fortement engagée dans les actions caritatives et les oeuvres sociales. Cette attention aux faibles et aux pauvres est alors une façon de manifester au monde l'option préférentielle pour les pauvres qui a animé la vie de Jésus. Cette intuition a été bien perçue par Paul Knitter dans sa christologie représentation et corrélative quand il prône une action de libération en faveur des opprimés de tous ordres de notre société.

De façon concrète, les pasteurs devraient encourager les chrétiens qui vivent parmi d'autres croyants à vivre une charité non sélective qui s'étendent à tous, tant et si bien qu'il apparaisse clairement que le témoignage soit compris comme l'aboutissement de devenir chrétien. Sans cette vie de témoignage, la foi reste encore comme emprisonnée. S'en détourner revient à refuser d'être missionnaire. Nous demeurons convaincu que si le Seigneur nous enjoint à l'annonce de la Parole (cf. Mt 28, 20), c'est qu'il désire s'engager à susciter la conversion dans les coeurs de ceux à qui la parole est annoncée. Cependant, il le fait avec autant de force selon que la parole est annoncée par la proclamation orale - nous l'avons dit plus haut -, ou qu'elle est annoncée par le témoignage de vie. Nous pouvons lire dans le directoire pour la catéchèse une bonne synthèse de nos propos sur cette double dimension de la mission aujourd'hui : « Le ministère de la Parole, dans l'évangélisation, transmet la Révélation par l'Eglise, en utilisant des « paroles » humaines. Mais celles-ci sont toujours référées aux « oeuvres » : à celles que Dieu a accomplies et continue d'accomplir, surtout dans la liturgie, au témoignage de vie des chrétiens ; à l'oeuvre de transformation que ceux-ci, avec tant d'hommes de bonne volonté, réalisent dans le monde. »296(*)

Au final, nous avons dans un chapitre tenté une justification de l'universalité et de l'unicité de la médiation salvifique du Christ dans le contexte du pluralisme religieux. Nous pouvons retenir que cette médiation est unique à cause de la double nature dans la personne du Christ. Cette médiation est universelle de part sa signification pour l'humanité entière. Cependant, l'existence des autres médiations dans les diverses traditions religieuses loin d'altérer celle du Christ, l'exprime, certes de façon incomplète.

CONCLUSION GENERALE

Somme toute, que faut-il retenir ? Notre étude était guidée par une interrogation principale : comment concilier l'universalité du salut en Jésus avec le phénomène du pluralisme religieux ? L'unique médiation salvifique du Christ est-elle encore justifiable dans la période contemporaine ? Cette problématique traduit le défi auquel la christologie contemporaine est soumise.

Avant de nous pencher sur les investigations christologiques contemporaines en lien avec la problématique, il nous a paru important de rappeler la théologie du Logos comme principale réaction christologique de l'Eglise primitive face au pluralisme religieux à l'époque antique : Justin et le Logos spermatikos, Clément d'Alexandrie et la praeparatio evangelica et Irenée de Lyon et la théologie de la récapitulation. Or, une période de répit suivit la persécution et vit l'Eglise être érigée en religion d'Etat. Dans cette période, la maxime de Cyprien et d'Origène (« hors de l'Eglise point de salut ») visant à l'origine la préservation de l'unité et adressée aux hérétiques et aux schismatiques, fut étendue à la situation de ceux qui n'appartenaient pas à l'Eglise. Progressivement, certains facteurs (découvertes de nouvelles terres et différents schismes) vont précipiter le passage de l'exclusivisme ecclésiologique issu d'une certaine interprétation de la formule à l'exclusivisme christologique plus englobant. L'exclusivisme a été (même sous la forme de la théorie de récapitulation de Jean Daniélou et de Henri de Lubac) une réponse à la question que pose le pluralisme religieux à la foi chrétienne.

En réalité, si l'ère de l'exclusivisme a été révolue avec le concile Vatican II inaugurant un nouveau regard sur les autres religions, c'est qu'au niveau théologique les choses sont avancées. Plus encore, la situation de la modernité frappe l'option de l'exclusivisme du sceau de l'archaïsme et lui reproche l'étroitesse de son regard. Le pluralisme religieux, à cause de ses incidences sociopolitiques et juridiques (laïcité, Droit de l'homme), prend un visage particulier au sein de la société moderne, surtout à l'itinéraire gestationnel de l'Etat laïque. N'a-t-on pas été sommé de constater que le religieux que l'Etat moderne avait mission de faire disparaitre, s'est comme démultiplié sous la forme du pluralisme religieux et se présentant du même coup comme une composante incontournable de la société que le politique se doit d'intégrer ? Le pluralisme religieux avec lequel la christologie est aux prises est d'essence contemporaine, autrement dit, celui-ci n'apparait pas uniquement comme la configuration d'une pluralité d'options religieuses. Il s'inscrit dans le projet de la postmodernité comme l'avènement irréversible de la pluralité, nourrissant l'horreur de l'unitarisme absolutiste même sous la forme religieuse d'une unicité de la médiation salvifique du Christ. Dans ce contexte, deux grands courants marqueront le débat théologique : l'inclusivisme christologique et le théocentrisme. L'inclusivisme constitue assurément dans cette perspective la première réponse ouverte au phénomène du pluralisme religieux. Pour cette approche, le Christ est cause du salut de l'humanité. Il peut être perçu comme cause formelle du salut (inclusivisme constitutif). C'est dans ce sillage que s'inscrivent les approches de Karl Rahner avec la théorie des « chrétiens anonymes », de Jacques Dupuis et de Walter Kasper. En revanche, le Christ peut aussi être cause de salut dans la mesure où en lui, le salut est définitif et indépassable, sans pour autant exclure que d'autres figures en soient aussi des canaux (inclusivisme normatif de Hans Küng par exemple). D'autres tentatives cependant approchent l'intelligibilité par l'analogie - c'est le cas de l'approche incarnationnelle de la christologie africaine ou de Pannikar -, ou par comparaison avec d'autres figures salvifiques sous l'angle de la sacramentalité historique du salut qui vient de Dieu (Schillebeeckx).

La dernière approche est le théocentrisme qui, pour l'essentiel, transpose sur la figure du Christ le projet de désabsolutisation du christianisme initié par les penseurs comme Tillich et Troeltsch. A la suite de ces derniers, certains vont pour ainsi dire réviser la christologie en niant par exemple l'affirmation pour eux aberrante du Dieu incarné réduite à une métaphore (John Hick). D'autres encore soutiendront qu'étant une figure salvifique parmi tant d'autres, la révélation issue de lui doit être complétée par d'autres et servir des causes de libération des opprimés (Paul Knitter) et de rapprochement des peuples (John Cobb). Le constat est évident : pour le théocentrisme, l'universalité de la médiation salvifique du Christ est injustifiable.

L'étude approfondie de l'inclusivisme christologique et du théocentrisme nous a permis d'amorcer dans le quatrième chapitre une justification de l'universalité et de l'unicité de la médiation salvifique du Christ. Le pluralisme - qui prône le théocentrisme - exploite une caractéristique de l'épistémologie postmoderne, celle du culte de la pluralité, prolongeant de ce fait le perspectivisme nietzschéen. Ensuite, ce courant interprète d'une certaine façon des passages johanniques où Jésus est présenté en dépendance d'action par rapport à son Père. Enfin, ce courant, dans une sorte d'amalgame entretenue entre culture et religions, comprend l'universalité de la médiation du Christ comme une entorse faite aux autres cultures qui n'adhèrent pas massivement au christianisme. Il a fallu montrer que l'universalité de la médiation salvifique transcende le cadre épistémologique ou culturel, émerge même de la pensée johannique. Cette médiation n'est pas exclusive des autres médiations des traditions religieuses. Elle est relationnelle ; parce que liée à la consubstantialité du Verbe incarné avec la nature humaine, elle se manifeste bien que de manière incomplète, dans toutes les autres médiations, comme leur source et leur fondement. Dans cette perspective, peuvent se dégager, comme nous l'avons montré, quelques repères utiles dans le dialogue interreligieux.

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91. Walter KASPER, « Jésus-Christ, Verbe définitif de Dieu », dans Communio, n°XXVI, 5, septembre- octobre 2001, pp. 14-24

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VI- SITES INTERNET

www.forums.france5.fr/cdanslair/Religions/statistique-religions-chretiennete-sujet_348_1.h

www.vatican.va

www.sedos.org/french/geffre.htm

TABLE DES MATIERES

ABREVIATIONS ET SIGLES i

DEDICACE iii

REMERCIEMENTS iv

CHAPITRE I : LE PHENOMENE DU PLURALISME RELIGIEUX : PANORAMA ET ANALYSE 4

I- LE PLURALISME DANS L'EGLISE ANTIQUE 4

1- L'univers religieux de la période antique 4

a- Le judaïsme 5

b- Le paganisme 6

2- La christologie du Logos 7

a- Justin et le logos spermatikos 7

b- Clément d'Alexandrie et la praeparatio evangelica 8

c- Irénée de Lyon et la théologie de la récapitulation 9

II- THEOLOGIE MEDIEVALE ET D'APRES ET LE PLURALISME RELIGIEUX 10

1- Aux origines de l'exclusivisme ecclésiologique: « Hors de l'Eglise, pas de salut » 10

2- Vers l'exclusivisme christologique 11

3- La théorie de l'accomplissement 13

4- Vatican II et la réhabilitation des religions non-chrétiennes 15

III- LE PLURALISME RELIGIEUX COMME UNE QUESTION CONTEMPORAINE 17

1- Le cadre socio-politique moderne 17

2- Le dilemme moderne du Jésus historique et du Christ de la foi 22

3- La question doctrinale 25

CHAPITRE II : CHRISTOLOGIE INCLUSIVISTE 28

I- L'INCLUSIVISME CHRISTOLOGIQUE CONSTITUTIF 29

1- Karl Rahner et les « chrétiens anonymes » 29

a- L'anthropologie et la christologie transcendantales 29

b- « Chrétiens anonymes » controversé 32

2- Jacques Dupuis vers la christologie trinitaire 36

a- Le contexte théologique 36

b- chemin vers l'approche christologique trinitaire 37

3- Walter Kasper et l'approche christologique et trinitaire 42

II- L'INCLUSIVISME CHRISTOLOGIQUE NORMATIF 44

1- Hans Küng et une théologie oecuménique 45

2- Hans Kessler et Karl Josef Kuschel : perspective christologique kénotique et eschatologique 46

III- LES APPROCHES SACRAMENTALISTES ET INCULTURATIONNELLES 48

1- L'approche sacramentaliste de Schillebeeckx 48

2- Approches inculturationnelles 51

a- Le Christ inconnu de Raimundo Pannikar 51

b- Chemins vers une christologie africaine 54

CHAPITRE III : LE CHRIST DANS LE PLURALISME 57

I- ENJEUX ET FONDEMENTS DU PLURALISME 57

1- Le pôle sociétal 57

2- Le pôle théologique 58

II- LES CHRISTOLOGIES REVISIONNISTES 60

1- Christologie théocentrique de Stanley Samartha 60

2- John Hick et la christologie mythologique 63

a-Préalable philosophique et théologique 63

b- Le Christ mythologique 66

III- LES CHRISTOLOGIES A CONNOTATION PERFORMATIVE 70

1- La christologie représentationnelle et corrélationnelle de Paul Knitter 70

2- La christologie des transformations créatrices de John Cobb 74

CHAPITRE IV : L'UNIVERSALITE DE LA MEDIATION SALVIFIQUE FACE AUX AUTRES RELIGIONS 77

I- PROBLEMES LIES A L'AFFIRMATION DE L'UNIVERSALITE DE LA MEDIATION SALVIFIQUE DU CHRIST 77

1- Le problème du langage 77

2- L'interprétation des Ecritures 79

3- L'amalgame entre christianisme et culture 80

II- ESSAI DE COMPREHENSION DE L'UNVERSALITE DE LA MEDIATION SALVIQUE DU CHRIST DANS LE CONTEXTE DU PLURALISME RELIGIEUX 82

1- Médiation et « médiations » 82

2- L'universalité salvifique de la médiation du Christ 83

III- QUELQUES REPERES POUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX 87

1- Urgence d'une connaissance du Christ catéchétique et personnelle approfondie 87

2- Assumer l'altérité dans la rencontre des autres religions 89

3- Redécouvrir la mission comme proposition et témoignage 92

CONCLUSION GENERALE 95

BIBLIOGRAPHIE 98

* 1 Cf. www.forums.france5.fr/cdanslair/Religions/statistique-religions-chretiennete-sujet_348_1.h

* 2 Cf. BARRETT David, « Il était une fois...l'évangélisation du monde » dans Fac-réflexion, n°4, Avril 1987, pp. 12-17.

* 3 DORE Joseph, « Préface » dans SOULETIE Jean-Louis, Les grands chantiers de la christologie, coll. « Jésus et Jésus-Christ », n° 90, Desclée, Paris, 2005, p.8.

* 4 RIES Julien, Les chrétiens parmi les religions. Des actes des apôtres à Vatican II, Desclée, Paris, 1987, p. 19.

* 5 POUCOUTA Paulin, Paul, notre ancêtre, Presses de l'UCAC, Yaoundé, 2001, p. 87.

* 6 BRAUN René, « Le marcionisme » dans LACOSTE Jean-Yves (dir), Dictionnaire critique de théologie, PUF, Paris, 2007, p. 836.

* 7 RIES Julien., Op. Cit., p. 23.

* 8 Ibidem, p. 26.

* 9 RIES Julien., Op. Cit., p. 44.

* 10 Cf. JUSTIN, Ire Ap 5, 4 ; II 6,7 ; 7, 2-3, PAUTIGNY et ARCHAMBAULT (trad.), La philosophie passe au Christ, l'oeuvre de Justin : Apologie I et II, Dialogue avec Tryphon, Coll. Ichtus, Desclée de Brouwer, 1982, pp. 35-36 ; 105-107.

* 11 CTI, Le christianisme et les religions, Centurion/Cerf, Paris, 1997, p. 49.

* 12 Cf. Ire Ap 44, 10 ; PAUTIGNY et ARCHAMBAULT (trad.), Op.Cit., p. 71.

* 13 IIe Ap 10, 2-3 ; PAUTIGNY et ARCHAMBAULT (Trad.), Op.Cit., p. 108.

* 14 RIES Julien., Op. Cit., p. 60.

* 15 CLEMENT D' ALEXANDRIE, Le pédagogue, Livre I, 59, 1 ; HARL Marguerite (Trad.), S C n° 70, Cerf, Paris, 1960, pp. 215-217.

* 16 CTI, Op. Cit., p. 49.

* 17 CLEMENT D'ALEXANDRIE, Les Stomates, I, 28, 1-3 ; SESTER Marcel (Trad.), S C, Cerf, Paris, 1951, p. 65.

* 18 Contre les Hérésies, III, 18, 1-2 ; ROUSSEAU (Trad.), S C, n°211, TII, Cerf, Paris, 1974, p. 186.

* 19 Ibidem, III, 6, 2 ; S C n° 211, p. 71.

* 20 DUPUIS Jacques, Vers une théologie du pluralisme religieux, Cerf, Paris, 1997, pp. 99-100.

* 21 RIES Julien., Op. Cit., p. 109.

* 22 RATZINGER Joseph., Le nouveau peuple de Dieu, Aubier, Paris, 1971, p. 152, cité par SESBOUË Bernard, Hors de l'Eglise, pas de salut. Histoire d'une formule et problèmes d'interprétation, Desclée de Brouwer, Paris, 2004, p. 54.

* 23 CYPRIEN, Lettre, 43, 5 cité par SESBOUË Bernard, Op.Cit., p. 52.

* 24 Cf. GREGOIRE de Nysse, Discours catéchétique, XXX ; WINLING (trad.), S C, n° 453, Cerf, Paris, p.279 cité par SESBOUË Bernard, Op.Cit., p. 58.

* 25 SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 59.

* 26 Ibidem, p. 63.

* 27AUGUSTIN, Du baptême contre les donatistes, Livre IV, chapitres 17-24, cité par SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 64.

* 28 Ibidem.

* 29 SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 118.

* 30 Ibidem, p. 120.

* 31 Ibidem, p. 260.

* 32 BARTH Karl, Dogmatique, I, 3, §62 ; Franc ( Trad.), Labor et Fides, Genève, T.19, 1967, pp. 50-51 cité par SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 262.

* 33 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions. De l'affrontement au dialogue, Cerf, Paris, 2002, p. 83.

* 34 DANIELOU Jean, Essai sur le mystère de l'histoire, Seuil, Paris, 1953, p. 113, 116, cité par DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 84.

* 35 DE LUBAC Henri, Fondement théologique des missions, Seuil, Paris, 1946, p. 72.

* 36 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 86.

* 37 DE CHARDIN Teilhard, Science et Christ, Seuil, Paris, 1965, pp. 60-61.

* 38 DE LUBAC Henri, Paradoxe et mystère de l'Eglise, Aubier-Montaigne, Paris, 1967, pp. 148-149.

* 39 Nostra Aetate, n° 2.

* 40 Ad Gentes, n° 9.

* 41 Lumen Gentium, n° 17.

* 42 Ibidem, n° 22.

* 43 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 108.

* 44 FILORAMO Giovanni, « Pluralisme religieux et crises identitaires », in Diogène 2002/3, n° 199, p. 42.

* 45 Ibidem, p. 46.

* 46 GEFFRE Claude, « Pluralité des théologies et unité de la foi » dans LAURET Bernard (dir) et REFOULE François (dir), Initiation à la pratique de la théologie, T.1, Cerf, Paris, 1982, p. 119.

* 47 FILORAMO Giovanni, Op. Cit., p. 43.

* 48 GISEL Pierre., « Tâche et fonction actuelles de la théologie. Déplacements et perspectives dans le contexte contemporain » dans Revue théologique de Louvain, n° 35 fascicule 3, juillet-septembre 2004, p. 303.

* 49 Ibidem, p. 36.

* 50 MOINGT Joseph, L'homme qui venait de Dieu, Cerf, Paris, 1993, p. 226.

* 51 Ibidem, p. 229.

* 52 MARLE René, Notes inédites citées par SESBOUË Bernard, Jésus Christ à l'image des hommes, Desclée de Brouwer, Paris, 1997, pp. 96-97.

* 53 SESBOUE Bernard, Jésus Christ à l'image des hommes, Op.Cit., p. 99.

* 54 DUPUIS Jacques, « Le débat christologique dans le contexte du pluralisme religieux. » dans Nouvelle Revue Théologique, T. 113, n°6, novembre-décembre 1991, p. 860.

* 55 Cf. BAUM Gregory, Etonnante Eglise. L'émergence du catholicisme solidaire, Bellarmin, Montréal, 2006, pp. 172-187.

* 56 CDF, Déclaration Dominus Iesus, sur l'unicité et l'universalité salvifique de Jésus Christ et de l'Eglise, Edition du Cerf, Pari, 2000, n° 3.

* 57 Cf. DONDEYNE Albert, « Le malaise christologique contemporain » dans DONDEYNE Albert (et alii), Jésus Christ, Fils de Dieu, Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1981, p. 31.

* 58 RATZINGER Joseph, La foi chrétienne hier et aujourd'hui, Cerf, Paris, 2005, p. 114.

* 59 FAMEREE Joseph., « Pluralité des religions et unicité du salut » dans Revue Théologique de Louvain, n°35, octobre-décembre 2004, p. 512.

* 60 GIBELLINI Rosino, Panorama de la théologie au XXe siècle, Cerf, Paris, 1994, p. 591.

* 61 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op. Cit., p. 78.

* 62 DUPUIS Jacques, « Le débat christologique dans le contexte du pluralisme religieux », Op. Cit., p. 857.

* 63 Ibidem.

* 64 GEFFRE Claude, Profession théologien. Quelle pensée pour le XXIè siècle, Albin Michel, Paris, 1999, p. 148.

* 65 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op. Cit., p. 257.

* 66 MAURICE Evelyne, La christologie de Karl Rahner, coll. « Jésus et Jésus-Christ. », n°65, Desclée, Paris, 1995, p. 216.

* 67 SESBOUE Bernard, « Karl Rahner et les « chrétiens anonymes » dans Etudes, 5, Vol 361, novembre 1984, p. 523.

* 68 Ibidem.

* 69 Ibidem.

* 70 RAHNER Karl, Traité fondamental de la foi, Centurion, Paris, 1983, p. 32.

* 71 Ibidem, p. 34.

* 72 Ibidem, p. 154.

* 73 Ibidem, p. 203.

* 74 Cf. Ibidem, pp. 257-258.

* 75 Ibidem, pp. 342-343.

* 76 Ibidem, p. 160.

* 77 Ibidem, p. 208.

* 78 WOUNG DOB Daniel, L'unicité et l'universalité de Jésus-Christ chez Rahner, herméneutique du « devenir-homme de Dieu », pour une affirmation de l'unité de la protologie et de l'eschatologie, thèse de doctorat, Université pontificale La Grégorienne, Rome, 2006, p. 28.

* 79 RAHNER Karl, Op. Cit., p. 255.

* 80 Ibidem, p. 255.

* 81 KUNG Hans, « Pour une théologie oecuménique. Quelques thèses pour clarifier la question. » dans Concilium, n° 203, 1986, p. 155.

* 82 KUNG Hans, Etre chrétien, Seuil, Paris, 1978, p. 99.

* 83 DUQUOC Christian, Dieu différent, Cerf, Paris, 1977, p. 139 cité par AEBISCHER- CRETTOL Monique, Vers un oecuménisme interreligieux, Jalons pour une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Cerf, Paris, 2001, p. 326.

* 84 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 223.

* 85 METZ Jean-Baptiste, La Foi dans l'histoire de la société, Cerf, Paris, 1979, p. 185.

* 86 SOULETIE Jean-Louis, Les grands chantiers de la christologie, Op.Cit., p. 66.

* 87 METZ Jean-Baptiste, Op.Cit., p. 197.

* 88 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 224.

* 89 BALTHASAR Hans Urs Von, Cordula ou épreuve décisive, Beauchesne, Paris, 1968, p. 86.

* 90 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 224.

* 91 VAN STRAELEN Henry, L'Eglise et les Religions non chrétiennes au seuil du XXIe siècle, p. 308 cité par AEBISCHER - CRETTOL Monique, Op.Cit., p. 330.

* 92 VAN STRAELEN Henry, Op.Cit., p. 308.

* 93 GEFFRE Claude, De Babel à la Pentecôte. Essai de théologie interreligieuse, Cerf, Paris, 2006, p. 45.

* 94 SESBOUE Bernard, « Karl Rahner et les « chrétiens anonymes », Op.Cit., p. 529.

* 95 Cf. JEAN PAUL II, Redemptoris missio, nn° 5-11.

* 96 Cf. LUBAC Henri De, Le fondement théologique de la mission, Op.Cit., pp. 15-18.

* 97 SOULETIE Jean-Louis, Op.Cit., p. 21-22.

* 98 DUPUIS Jacques, Homme de Dieu, Dieu des hommes. Introduction à la christologie, Cerf, Paris, 1995, p. 66.

* 99 Ibidem.

* 100 Cf. SOULETIE Jean-Louis, Op.Cit., pp. 170-172.

* 101 DUPUIS Jacques, Jésus-Christ à la rencontre des religions, Desclée de Brouwer, Paris, 1989, p. 24.

* 102 Redemptoris Missio, n° 6.

* 103 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 219.

* 104 Ibidem, p. 225.

* 105 Ibidem, p. 226-227.

* 106 Ibidem, p. 243.

* 107 Ibidem, p. 242.

* 108 DUPUIS Jacques, Jésus Christ à la rencontre des religions, Op.Cit., p. 13.

* 109 Ibidem., p. 246-247.

* 110 Ibidem, p. 247.

* 111 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 289.

* 112 Ibidem.

* 113 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op. Cit., p. 259.

* 114 Ibidem, p. 259.

* 115 Ibidem.

* 116 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p.317.

* 117 Ibidem, p. 313.

* 118 Ibidem, p. 314.

* 119 SESBOUE Bernard, Jésus-Christ dans la tradition de l'Eglise, coll. « Jésus et Jésus-Christ », n°17, Desclée, Paris, 1982, p. 217.

* 120 BARNES M. , Christian Identity and religious pluralism. Religions in Conversation, Abingdon Press, Nashville, 1989, pp.135-159 cité par DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 317.

* 121 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 317.

* 122 CDF, Notification sur le livre du père J. Dupuis, sj, « Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux » dans http://www.vatican.va/roman_curia/congregations /cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20010124_dupuis_fr.html

* 123 Ibidem

* 124 GEFFRE Claude, Profession théologien, Op.Cit., p. 206.

* 125 KASPER Walter, Jésus le Christ, Cerf, Paris, 1976, p. 75.

* 126 Ibidem, p. 13.

* 127 Ibidem, p. 51.

* 128 Ibidem, p. 84.

* 129 KASPER Walter, « L'unité de Jésus-Christ et la diversité des religions » dans Questions actuelles, n° 21, septembre-octobre 2001, p. 26.

* 130 Ibidem.

* 131 Ibidem.

* 132 KASPER Walter, « Jésus-Christ, Verbe définitif de Dieu », dans Communio, n°XXVI, 5, septembre- octobre 2001, p. 14.

* 133 Ibidem.

* 134 Ibidem.

* 135 KNITTER Paul, « La théologie catholique des religions à la croisée des chemins.», Concilium, n° 203, Op.Cit., p. 133.

* 136 AEBISCHER-CRETTOL Monique, Op.Cit., p. 348.

* 137 KÜNG Hans, « Pour une théologie oecuménique des religions. Quelques thèses pour clarifier la question. », Op. Cit., p. 153.

* 138 Ibidem.

* 139 Ibidem.

* 140 Ibidem, p. 154.

* 141 Ibidem, p. 155.

* 142 HÛNG Hans, Une théologie pour le troisième millénaire, Seuil, Paris, 1989, p. 348.

* 143 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 234.

* 144 AEBISCHER- CRETTOL Monique, Op.Cit., p. 370.

* 145 Ibidem, p. 371.

* 146 Cf. Ibidem..

* 147 KESSLER Hans, « Pluralistische Religionstheologie und Christologie. Thesen und Fragen » dans SCHWAGER Raymund (éd.), Christus allein? Der Streit um die pluralistische Religionstheologie, Herder, Fribourg-en-Brisgau, 1996, p.164 cité par AEBISCHER, Op.Cit., p. 371.

* 148 DUPUIS Jacques, Jésus-Christ à la rencontre des religions, Op.Cit., p. 253.

* 149 MENARD Camil, « L'universalité du salut en Jésus le Christ d'après Schillebeeckx » dans Laval théologique et philosophique, vol. 50, n°2, 1994, p. 289.

* 150 Ibidem, p. 284.

* 151 Ibidem, p. 285.

* 152 SCHILLEBEECKX Edward, Le Christ, sacrement de la rencontre de Dieu, Cerf, Paris, 1967, p.13.

* 153 Ibidem, p. 14.

* 154 Ibidem, p. 16.

* 155 Ibidem.

* 156 Ibidem.

* 157 Ibidem, p. 23.

* 158 SCHILLEBEECKX Edward, L'histoire des hommes, récit de Dieu, Cerf, Paris, p.37 cité par MENARD Camil, Op.Cit., p. 291.

* 159 SCHILLEBEEKX Edward, « Universalité unique d'une figure religieuse historique nommée Jésus de Nazareth » dans Laval théologique, Op.Cit., p. 266.

* 160 Ibidem, p. 267.

* 161 Ibidem, p. 273.

* 162 MENARD Camil, Op.Cit., p. 295.

* 163CDF, « Lettre De La Sacré Congrégation Pour La Doctrine De La Foi Au P.E. Schillebeeckx ». Note annexe, dans La Documentation catholique, n° 1812, juillet 1981, p. 668.

* 164

* 165 Cf. FEDOU Michel, Regards asiatiques sur le Christ, coll. «Jésus et Jésus-Christ », n°77, Desclée, Paris, 1998, p. 38.

* 166 PANNIKAR Raimundo, Le Christ inconnu de l'hindouisme, p.158 cité par FEDOU Michel, Op.Cit., p. 38.

* 167 FEDOU Michel, Op.Cit., p. 40.

* 168 PANNIKAR Raimundo, Op.Cit., p.162 cité par FEDOU Michel, Op.Cit., p. 40.

* 169 PANNIKAR Raimundo, Op.Cit., p.170 cité par FEDOU Michel, Op.Cit., p. 41.

* 170 FEDOU Michel, Op.Cit., p. 42.

* 171 Cf. Ibidem, p. 43.

* 172 PANNIKAR Raimundo, Op.Cit., pp-19-20 cité par FEDOU Michel, Op.Cit., p. 45.

* 173 FEDOU Michel, Op.Cit., p. 47.

* 174 EBOUSSI BOULAGA Fabien, Christianisme sans fétiche, révélation et domination, Présence Africaine, Paris, 1981, p. 61.

* 175 MVENG Engelbert, L'Afrique dans l'Eglise : paroles d'un croyant, l'Harmattan, Paris, 1985, p. 94.

* 176 JEAN PAUL II, Discours aux Evêques du Kenya dans Documentation catholique, n° 1787, 1er juin 1980, p. 534.

* 177 Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-Synodale Ecclesia in Africa, Librera Editrice Vaticana, Rome, n° 47-48.

* 178 ELA Jean-Marc, Ma foi d'Africain, Karthala, Paris, 1985, pp. 35-56.

* 179 HEBGA Meinrad, Emancipation d'Eglises sous-tutelles. Essai sur l'ère post-missionnaire, Présence Africaine, Paris, 1976, pp. 94-95.

* 180 Ibidem, p. 101.

* 181 SAMBOU Ernest, Rencontre et Altérité. Enjeu d'une christianisation en milieu Joola, Doctorat de Théologie, Toulouse, 1983, p.XII, cité par LUNEAU René, « Et vous, que Dites-vous de Jésus-Christ » dans Chemins de la christologie africaine, coll. « Jésus et Jésus-Christ, n°25, Desclée, Paris, 1986, p. 22.

* 182 DE ROSNY Eric, Les yeux de ma chèvre, Plon, Paris, 1981, p.297, cité par LUNEAU René, Op.Cit., p. 23.

* 183 PENOUKOU Efoe Julien, « Christologie au village » dans Chemins de la christologie africaine, Op.Cit., pp. 76-106.

* 184 RENARD Jean, « Thèses pour une théologie pluraliste des religions » dans Laval théologique et philosophique, vol. 38, n°1, 2002, p. 29.

* 185 AEBISCHER-CRETTOL Monique, Op.Cit., p. 406.

* 186 GISEL Pierre, « Les limites de la christologie ou la Tentation d'absoluité » dans Concilium, n° 269, 1997, p. 94.

* 187 La position du théocentrisme pluraliste repose sur une certaine interprétation de ces versets. Nous exposerons l'interprétation orthodoxe de ces passages dans le chapitre suivant, lors de la présentation des obstacles à l'affirmation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ.

* 188 MOINGT Joseph, « La christologie de l'Eglise primitive. Le coût d'une médiation culturelle » dans Concilium, n° 269, 1997, p. 75.

* 189 Ibidem, p. 76.

* 190 Ibidem, p. 73.

* 191 AEBISCHER CRETTOL Monique, Op.Cit., p. 418.

* 192 FEDOU Michel, Op.Cit., p. 49.

* 193 SAMARTHA Stanley, One Christ - many Religions. Toward a Revised Christology, Orbis Books, Maryknoll, 1991, pp.84-85.

* 194 Ibidem, p. 92-93.

* 195 Ibidem, p. 102.

* 196 Ibidem, p. 114.

* 197 Ibidem, p. 117.

* 198 DONDEYNE Albert, Op.Cit., pp. 31-38.

* 199 FEDOU Michel, Op.Cit., p. 53.

* 200 KANT Emmanuel, Critique de la Raison pure, PUF, Paris, 1980, p. 299.

* 201 Ibidem, p. 224.

* 202 HICK John, An Interpretation of Religion, SCM Press, Londres, 1995, p. 243.

* 203 AEBISHER-CRETTOL Monique, Op.Cit., pp. 435-436.

* 204 Ibidem, p. 437.

* 205 HICK John, Op.Cit., p. 10.

* 206 Lorsque Hick critique la prétention de supériorité d'une religion par rapport aux autres, cela a un enjeu culturel, puisque cela engage aussi la culture matricielle de la religion en question. L'hégémonie du christianisme serait alors celle de la culture occidentale. Il crée donc un amalgame entre religion et culture dans lequel l'affirmation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ devient une violence faite à l'endroit des autres cultures. Nous y reviendrons au prochain chapitre en analysant les obstacles actuels à la compréhension du caractère universel de la médiation du Christ.

* 207 Ibidem, p. 299-300.

* 208 Ibidem, p. 134.

* 209 COCHINAUX Philippe, La théodicée de John Hick, présentation et réflexions critiques, vol. I., Université Catholique de Louvain, dissertation doctorale, 2003-2004, pp. 279-280.

* 210 HICK John, Op.Cit., p. IX.

* 211 Ibidem, p. 2.

* 212 Ibidem, p. 80-88.

* 213 COCHINAUX Philippe, Op.Cit., p. 289.

* 214 AEBISHER-CRETTOL Monique, Op.Cit., pp. 454-455.

* 215 HICK John, Op.Cit., p. 42.

* 216 Cf. Ibidem, p. 44.

* 217 Ibidem, p. 48.

* 218 HICK John, Op.Cit., p. 78.

* 219 Ibidem, p. 44.

* 220 Cf. Ibidem, p. 112.

* 221 Cf. RATZINGER Joseph, La foi chrétienne hier et aujourd'hui, Op.Cit., pp. 156-158.

* 222 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 269.

* 223 Ibidem.

* 224 Ibidem.

* 225 AEBISCHER-CRETTOL Monique, Op.Cit., pp. 480-481.

* 226 KNITTER Paul, Horizonte der Befreiung, Auf dem weg zu einer pluralistischen Theologie der Religionen, Bernd JASPERT (Ed.), Francfort-sur-le-Main, 1997, p. 20 cité par AEBISCHER-CRETTOL Monique, Op.Cit., p. 483.

* 227 Ibidem, p. 23.

* 228 KNITTER Paul, « La théologie catholique des religions à la croisée des chemins », Op.Cit., p. 135.

* 229 KNITTER Paul, « Toward a Liberation theology of Religions », p. 185 dans HICK John et KNITTER Paul, The myth of Christian Uniqueness: Toward a pluralistic Theology of Religons, Orbis Books, Maryknoll, Neaw York, 1987.

* 230 Ibidem, p. 187.

* 231 AEBISCHER-CRETTOL, Op.Cit., pp. 495-496.

* 232 KNITTER Paul, « Can Our ``One and Only'' also Be a « One among Many» ?A response to Responses » dans L. SWIDLER et P.MOJZES (Ed.) The Uniqueness of Jesus. A dialogue with Paul E. Knitter, Orbis Books, Maryknoll, 1997, p. 156.

* 233 Ibidem, p. 157.

* 234 Ibidem.

* 235 KNITTER Paul, Ein -Viel Religionem, p. 103 cité par AEBISCHER-CRETTOL Monique, Op.Cit., p. 531.

* 236 KNITTER Paul, « Can Our ``One and Only''...» », Op.Cit., p. 154.

* 237 Ibidem, pp. 160.

* 238 KNITTER Paul, Jesus and the Other Names. Christian Mission and Global Responsibility, Orbis Books, Maryknoll, New York, 1996. p. 72-80.

* 239 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 430, n. 3.

* 240 CDF, Déclaration Dominus Iesus, Op.Cit., n°6.

* 241 GOUNELLE André, Le Christ et Jésus, trois christologies américaines : Tillich, Cobb, Altizer, Desclée, coll. « Jésus et Jésus-Christ », n°41, Desclée, Paris, 1990, p. 57.

* 242 Ibidem, p. 58.

* 243 Ibidem.

* 244 Ibidem.

* 245 Ibidem.

* 246 COBB John, « Beyond ``pluralism'' » dans D'COSTA Gavin (Ed.), Christian Uniqueness Reconsidered. The Myth of a pluralistic Theology of Religions, Orbis Books, Maryknoll, 1990, p. 84 cité par AESBISCHER-CRETTOL, Op.Cit., p. 618.

* 247 GISEL Pierre, « préface » dans COBB John, Bouddhisme-christianisme. Au-delà du dialogue ?, Labor et fides, Genève, 1988, p. 11 cité par AEBISCHER-CRETTOL, Op.Cit., p. 617.

* 248 DONDEYNE Albert, « Le malaise christologique contemporain », dans Albert DONDEYNE (et alii), Op.Cit., p. 31.

* 249 THIEL John, « Le pluralisme dans la vérité théologique » dans Concilium, n°256, 1994, p. 81.

* 250 Ibidem, p. 83.

* 251 GEFFRE Claude, Le Christianisme au risque de l'interprétation, Cerf, Paris, 1983, p. 73.

* 252 KASPER Walter, « Jésus-Christ, Verbe définitif de Dieu » dans Communio, Op.Cit., p. 16.

* 253 « Popper, sir Karl Raimund. » dans Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.

* 254 SAINT THOMAS D'AQUIN, Commentaire sur l'Evangile de saint Jean, T II, n°1971.

* 255 MARCHADOUR Alain, L'évangile de Jean, Centurion, Paris, 1992, p.117.

* 256 LEON-DUFOUR Xavier, Lecture de l'Evangile selon Jean, TIII, Seuil, Paris, p.138.

* 257 Ibidem.

* 258 Ibidem, p. 139.

* 259 EBOUSSI BOULAGA Fabien, Op.Cit., p. 91.

* 260 Cf. RAHNER Karl, Est-il possible aujourd'hui de croire ? Dialogue avec les hommes de notre temps, Mame, Paris, 1966, pp. 141-143.

* 261 TRACY David, « Le retour de Dieu dans la théologie contemporaine » dans Concilium, n°256, 1994, p. 56.

* 262 Ad Gentes, n°9.

* 263 Ibidem.

* 264 Dialogue et annonce, n° 29.

* 265 Redemptoris Missio, n° 5.

* 266 BOUQUET François, « Le pluralisme religieux » dans LACOSTE Jean-Yves (dir) , Dictionnaire critique de théologie, Op.Cit., p. 1102.

* 267 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p.261.

* 268 RAHNER Karl, Traité fondamental de la foi, Op.Cit., p. 168.

* 269 Ibidem, p.139

* 270 Ibidem, p.323.

* 271 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 463.

* 272 Redemptoris Missio, n°5.

* 273 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 289.

* 274 Ibidem, p. 290.

* 275 BOUQUET François, Op.Cit., p. 1102.

* 276 Ibidem.

* 277 Ibidem, p. 291.

* 278 DUPUIS Jacques, Jésus-Christ à la rencontre des religions, Op.Cit., pp.192-193.

* 279 Cf. IGNACE DE LOYOLA, Exercices spirituels, n° 23.

* 280 GESCHE Adolphe, Dieu pour penser, III, Dieu, Cerf, Paris, 1994, p. 128.

* 281 CC, Directoire général pour la catéchèse, Centurion/Lumen vitae, Paris/Bruxelles, 1997, n° 36.

* 282 GEFFRE Claude, De Babel à la Pentecôte, Op.Cit., p. 74.

* 283 www.sedos.org/french/geffre.htm

* 284 GEFFRE Claude, Profession théologien. Quelle pensée pour le XXIè siècle, Albin Michel, Paris, 1999, p. 140.

* 285 BASSET Jean-Claude, Le dialogue interreligieux, histoire et avenir, Cerf, Paris, 1996, p. 284.

* 286 DUPUIS Jacques, Jésus-Christ à la rencontre des religions, Op.Cit., p. 301.

* 287 BASSET Jean-Claude, Op.Cit., p. 298.

* 288 Ibidem, p. 303.

* 289 GEFFRE Claude, De Babel à la pentecôte, Op.Cit., p. 55, n. 2.

* 290 BASSET Jean-Claude, Op.Cit., p. 290.

* 291 ELA Jean-Marc, Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, L'Harmattan, Paris, 2003, p. 69.

* 292 Redemptoris Missio, n° 8.

* 293 Evangelii Nuntiandi, n° 41.

* 294 MITRI Tarek, « Dialogue interreligieux » dans BRIA Ion, Dictionnaire oecuménique de missiologie, cent mots pour la mission, Cerf/Labor et fides/Clé, Paris/Genève/Yaoundé, 2001, p. 83.

* 295 KÜNG Hans, « Pour une théologie oecuménique des religions. Quelques thèses pour clarifier la question. », Op. Cit.,, p. 154.

* 296 CC, Directoire général pour la catéchèse, Op.Cit., n° 50.






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote