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Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux

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par Clément TCHUISSEU NGONGANG
Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011
  

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III- LES APPROCHES SACRAMENTALISTES ET INCULTURATIONNELLES

On n'a certainement pas fait le tour de la question si, au sujet du pluralisme religieux, on se limite à consentir une valeur positive aux traditions religieuses ( cas de la christologie inclusiviste constitutive), ou si l'on franchit le pas de les prendre pour de véritables médiations du salut (cas de la christologie inclusiviste normative), loin s'en faut. Il conviendrait peut-être d'aller plus loin et quêter en elles de véritables signes de l'action de Dieu Sauveur, tel que Camil Ménard a le mérite de nous l'inspirer : « Comme toutes les réalités de la création, les religions non chrétiennes peuvent être médiatrices en ce sens spécial et elles entrent à ce titre dans l'ordre sacramentel des réalités de la création. »149(*) Nous nommons sacramentaliste l'approche du Père Edward Schillebeeckx qui perçoit dans le débat du pluralisme religieux, les religions non - chrétiennes sous l'angle de la sacramentalité.

De plus, depuis l'ère des missions, un effort immense est réel pour dépasser la simple implantation des édifices en Afrique, comme en Asie ou ailleurs, en optant pour une présentation de l'Evangile du Christ qui se fait à l'intérieur d'un dialogue sérieux initié avec les religions traditionnelles ou des traditions religieuses et culturelles en présence. De ce dialogue, émerge un discours inédit sur le Christ au-delà du processus entaché bien souvent de concordisme visant à exhumer les « pierres d'attentes » enfouies ci et là. C'est en raison de la réelle imbrication de cette recherche avec le processus de l'inculturation que nous l'appelons approche inculturationnelle.

1- L'approche sacramentaliste de Schillebeeckx

Comment prendre connaissance des récentes productions du professeur Schillebeeckx tout en ayant à la mémoire ses écrits plus anciens et se garder de l'étonnement au vue du revirement qu'aurait pris la pensée du dominicain qui abandonne une christologie d'en haut pour une christologie d'en bas ? Et ceci parfois de façon extrême au point de s'attirer, comme d'autres théologiens catholiques, des ennuis avec la CDF. En ce qui nous concerne, nous tâcherons tant que faire se peut, de préserver l'unité de sa pensée au sujet de la question qui nous préoccupe.

Schillebeeckx semble avoir été fortement préoccupé par l'interrogation qu'adressent au christianisme les cultures et traditions religieuses. Son projet, d'après Ménard, se résume ainsi : « La rencontre entre les religions et la familiarité plus grande avec les expériences religieuses des non-chrétiens invitant fortement la foi chrétienne à rechercher selon lui, une nouvelle intelligibilité du mystère de l'homme de Nazareth. »150(*) Malgré le fait que l'unicité et l'universalité de Jésus-Christ ne font l'ombre d'aucun doute, son approche se base sur une méthode méta-dogmatique assumant le risque d'une recherche historique. Sortira-t-il de l'impasse de la double affirmation de l'universalité et de l'unicité du salut en Jésus-Christ et de l'irréductibilité de la valeur positive salvifique des traditions religieuses par l'échappée d'une présence salvifique - implicite ou inconsciente - ? Non. « Il sort de cette impasse théorique en cherchant d'abord une universalité de sens concernant Dieu et la vie humaine qu'il situe sur le fond de l'histoire humaine et de sa préhistoire dans la création. »151(*)

Qu'est-ce à dire de sa perspective sacramentelle ? La question est nécessaire pour entrer dans les repères de sa christologie.

Un sacrement est d'abord pour lui, de l'ordre de la rencontre, laquelle rencontre est le lieu du salut. « Nous appelons, dit-il, l'acte même de cette rencontre entre Dieu et l'homme, qui ne peut avoir lieu sur terre que dans la foi, le salut. De la part de Dieu, cette rencontre inclut une révélation qui manifeste ; de la part de l'homme, elle inclut la religiosité. »152(*) Cela veut dire que la rencontre avec Dieu comme personne est le fruit conjugué de la révélation - ce sans quoi Dieu ne peut être atteint - et la religiosité - l'ouverture de l'homme à Dieu. Ainsi, « est sacramentelle toute réalité surnaturelle qui s'accomplit historiquement dans notre vie. Dans l'histoire de l'humanité, Dieu accomplit son dessein sur l'humanité. »153(*) A partir d'une telle approche ouverte du sacrement en continuité avec la vision thomiste des « sacrements naturels », Schillebeeckx parle d'un « sacrement dans le paganisme religieux », connotant le fait que « la vie dans le monde de la création reçoit un sens profond si l'homme est placé dans ce monde comme quelqu'un à qui Dieu s'adresse personnellement »154(*), et « alors le monde créé devient un élément du dialogue intérieur avec Dieu. »155(*) Il conclut éloquemment : « De la sorte, la grâce intérieure parvient aussi dans le paganisme à une certaine manifestation visible. »156(*) Au paganisme, s'applique le « sacrement » [comme] don divin du salut dans et par une forme extérieurement saisissable, constatable, qui concrétise ce don : un don de salut en visibilité historique. »157(*) Par une telle appréhension des choses, Schillebeeckx atteste son inclusivisme christologique dans l'horizon d'une histoire du salut perçue comme coextensive à l'histoire du monde. Voilà pourquoi l'Eglise et les religions ne sont que des dépositaires du salut qui fait d'elles : « ``le sacrement'' du salut que Dieu mène à son accomplissement dans sa création, par le truchement des hommes. »158(*) La notion de sacrement lui permet, toute proportion gardée, de situer le christianisme et les autres religions à égale importance du point de vue des médiations à propos du salut qui vient de Dieu.

Quelles seraient les implications christologiques d'une universalité de la figure du Christ à l'aune de l'histoire ?

Parler de Jésus de Nazareth revient à faire allusion à « l'élection particulière d'un homme fini, historiquement situé et conditionné »159(*) en qui « Dieu s'est révélé eschatologiquement, c'est-à-dire de manière irréversible dans notre histoire. »160(*) Comme Dupuis, il insiste sur le fait que l'homme Jésus n'est pas absolu. « Seul le Dieu de Jésus, le Créateur, l'est, Lui, le Dieu de tous les hommes. Ce que la foi chrétienne atteste, c'est qu'en Jésus l'absolu, c'est-à-dire le seul Dieu, se reflète en tant que tel dans la relativité de l'histoire sous une forme historique. »161(*) Il s'insurge contre la pratique qui, se fondant sur la « communicatio idiomatum » attribue les attributs de Dieu à l'homme Jésus. Bien que la plénitude de Dieu habite en ce dernier, la révélation qui se fait à travers lui est encore limitée et finie du fait de la précarité de l'histoire de notre humanité. Parce qu'on se situe dans une perspective sacramentaliste, Jésus, comme toutes les figures salvifiques, révèle Dieu et le cache tout à la fois.

L'universalité de l'homme Jésus n'est pas à situer sur le plan ontologique, mais sur le plan fonctionnel ; elle s'exprime dans sa solidarité et son option pour les pauvres. Le salut qu'il apporte sera universel si l'Eglise, à la suite de Jésus, travaille à l'avènement d'un monde libéré. L'universalité est nécessairement liée à la dimension diaconale de la charité évangélique. Ce retournement vers la praxis est l'expression du rejet d'une christologie ontologique devenue insignifiante pour les gens aujourd'hui. « Le chemin vers une christologie post-théiste et post métaphysique devra recourir à un langage narratif pour exprimer sous un mode nouveau la foi en l'unique médiateur du salut-venant-de-Dieu. »162(*) Le primat de l'orthopraxie passe par la brisure de la gangue doctrinale dans laquelle la christologie fut enfermée depuis des siècles. Malgré l'historicité en Jésus du Dieu-venant-à-nous, Dieu préserve son impénétrabilité, son insaisissabilité et son ineffabilité. L'option pour une orthopraxie dans une sorte de « christologie économique » définit l'universalité de Jésus dans son option pour l'homme tel que cela transparait dans les évangiles, refusant un confinement dans un nominalisme théologique plein d'impasses pour ainsi dire.

Il n'est pas superflu de rappeler que la christologie de Schillebeeckx telle que nous venons de la présenter, a souvent été dans certains de ses aspects, l'objet de vives critiques de la part de la CDF. Déjà en 1981, Cette dernière attirait l'attention du théologien sur son devoir de « ne pas abandonner les affirmations de foi de l'Eglise, en particulier, ce qui a été défini par les Conciles oecuméniques et les déclarations infaillibles des Papes »163(*) même dans la perspective historique et exégétique de sa recherche. Elle s'assura que le dominicain dissipait effectivement des doutes que ses écrits entretenaient à propos de « la reconnaissance explicite de la divinité de Jésus dans les termes même de l'Eglise (...) la préexistence de la personne divine du Fils »164(*).

* 149 MENARD Camil, « L'universalité du salut en Jésus le Christ d'après Schillebeeckx » dans Laval théologique et philosophique, vol. 50, n°2, 1994, p. 289.

* 150 Ibidem, p. 284.

* 151 Ibidem, p. 285.

* 152 SCHILLEBEECKX Edward, Le Christ, sacrement de la rencontre de Dieu, Cerf, Paris, 1967, p.13.

* 153 Ibidem, p. 14.

* 154 Ibidem, p. 16.

* 155 Ibidem.

* 156 Ibidem.

* 157 Ibidem, p. 23.

* 158 SCHILLEBEECKX Edward, L'histoire des hommes, récit de Dieu, Cerf, Paris, p.37 cité par MENARD Camil, Op.Cit., p. 291.

* 159 SCHILLEBEEKX Edward, « Universalité unique d'une figure religieuse historique nommée Jésus de Nazareth » dans Laval théologique, Op.Cit., p. 266.

* 160 Ibidem, p. 267.

* 161 Ibidem, p. 273.

* 162 MENARD Camil, Op.Cit., p. 295.

* 163CDF, « Lettre De La Sacré Congrégation Pour La Doctrine De La Foi Au P.E. Schillebeeckx ». Note annexe, dans La Documentation catholique, n° 1812, juillet 1981, p. 668.

* 164

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams