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Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux

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par Clément TCHUISSEU NGONGANG
Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011
  

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b- Chemins vers une christologie africaine

Il y a quelques décennies, la théologie africaine, s'appuyant sur une invitation du Pape Paul VI pour un christianisme africain, avait fait du caractère situé de la théologie la toile de fond de ses préoccupations. Se réapproprier le message de Jésus-Christ paraissait l'aboutissement d'un itinéraire qui intégrait en amont un fastidieux processus d'épuration du christianisme de ses alourdissants apparats occidentaux qui ont accompagné son implantation. Ce fut alors comme un refrain repris en choeur où faisant entendre sa partition, l'un dénonçait un « christianisme bourgeois »174(*) doté de remarquables vertus d'aliénation de l'Africain à la civilisation occidentale, d'autres un christianisme colonial tout simplement. Le nouvel élan d'évangélisation excédait alors le simple rêve de l'implantation et de l'adaptation, pour embrasser l'ambitieux souci d'inculturation, d'indigénisation et d'autonomisation des Eglises. D'après Engelbert Mveng, le chemin fut long et sinueux. Le ton fut donné par le « Synode Romain de 1974, [où] les évêques Africains, dépassant le terme d'adaptation, prennent position pour le terme d'inculturation. »175(*) On n'oubliera pas ces mots de Jean Paul II devenus historiques : « L'acculturation ou l'inculturation qu'à bon droit vous promouvez, sera vraiment une réflexion de l'incarnation du Verbe, quand une culture transformée et régénérée par l'Evangile, tire de sa propre tradition vivante des expressions originales de vie, de célébration et de pensée chrétienne. »176(*) Ce programme immense sera au coeur des Premier et Second Synodes spéciaux des Evêques pour l'Afrique respectivement en 1994 et en 2009 parlant par exemple d' « évangélisation en profondeur »177(*). Ce désir de se situer de façon nouvelle n'empêchera pas de faire remarquer encore une certaine superficialité dans la façon d'intégrer dans ce processus la dimension religieuse de la culture africaine. Jean-Marc Ela illustre bien cela avec la question des « ancêtres » qui donne du fil à retordre à l'évangélisation178(*). Et de fait, quel amalgame n'a-t-on pas souvent fait, parlant du fond religieux de la culture en Afrique, d'employer indistinctement, comme le fait remarquer Meinrad Hebga, animisme, fétichisme, paganisme, superstition, sorcellerie, magie, etc.179(*) Comment pourrait-on parler de l'incarnation du Verbe dans ces cultures en ne retenant qu'un pan étriqué de celles-ci, exorcisé de leur pendant religieux. Cette approche entretenait d'ailleurs chez les chrétiens le malaise de la double identité (chrétiens, mais païens encore s'ils demeuraient attachés à leurs cultures). Pour notre part, il nous semble, que le concept de culture est englobant et ne peut faire l'économie de la façon dont les gens saisissent le monde (choses, êtres, sacré) et se situent face à lui.

En Afrique, les religions traditionnelles se sont caractérisées par leur ritualité et leur caractère cultuel en lien avec la présence des ancêtres et d'un officiant (père de la communauté, devin notable, etc.), leur aspect communautaire, et leur but (conjuration des maux et obtention de faveur).180(*) Ce fond religieux, d'une façon ou d'une autre est imbriqué à la culture en Afrique, et lui est, dans une certaine mesure, inextricable.

La pertinence de l'entreprise novatrice - bien qu'embryonnaire - de quelques théologiens africains ouvrant à une inculturation christologique au-delà de l'axiologique et du liturgique, devient plus claire. A partir de quelles « semences », le Verbe se laisse-t-il appréhender en Afrique ?

Une telle entreprise se heurta à des difficultés réelles, comme celle que souligne le prêtre Ernest Sambou : « Le Christ ne `passe' pas dans cet univers religieux traditionnel (joola) car il n'a pas de place dans ce monde religieusement bien organisé et fort hiérarchisé où l'on est Dieu ou homme, bakiin ou ancêtre mais jamais, étrangement, Homme-Dieu à la fois (...) Jésus-Christ demeure un personnage étrange, incompréhensible, gênant et sans place. Un personnage marginalisé. Voilà le fond du problème. »181(*) Ou cet autre problème évoqué par Eric De Rosny : « Entre Dieu et les hommes, je vois la place des ancêtres de la terre ou des eaux mais je cherche en vain Jésus-Christ, le grand absent de ces liturgies. »182(*)

D'autres par contre, sont parvenus à des développements plus prometteurs. A la lecture, on peut distinguer deux types de christologies. La première est une christologie ontologique et spéculative développée par Efoé Julien Pénoukou. A partir de l'analyse d'un mythe cosmogonique africain qui ressort une anthropologie eschatologique et ontologique, il en vient à découvrir dans le Christ l'accomplissement de l'homme et de l'univers, en mettant en exergue sa préexistence et de son option pour l'homme.183(*)

Le second type est une christologie fonctionnelle. Marqués par une approche analogique, les auteurs exposent quelques ancrages socioculturels qui leur serviront par la suite de prétexte d'approfondissement du mystère du Christ. Se dégagent alors les modèles suivants : Le Christ comme Chef (François KABASELE), le Christ comme Ancêtre et Aîné (François KABASELE), Jésus, Maître d'initiation (Anselme T. Sanon), et enfin Jésus guérisseur (Cécé Kolié).

Pour tout dire, ces investigations, participent du débat christologique sur le pluralisme religieux dans la mesure où, s'investissant aux discours inédits sur le Christ dans le prolongement du projet inculturationnel, elles rapprochent comme dans un dialogue les religions traditionnelles africaines et le christianisme, exploitant les schèmes religieux des premières pour dire de façons nouvelles le mystère du Christ au coeur du second.

A la fin de cette succincte présentation à la fois comparée et analytico-critique des différentes tendances de la christologie inclusiviste, nous nous rendons compte, ô combien fertile a été le champ de la période contemporaine. Nous n'en sommes pas au bout de notre découverte, telle que les théologiens partisans du théocentrisme nous le montreront dans le prochain chapitre.

* 174 EBOUSSI BOULAGA Fabien, Christianisme sans fétiche, révélation et domination, Présence Africaine, Paris, 1981, p. 61.

* 175 MVENG Engelbert, L'Afrique dans l'Eglise : paroles d'un croyant, l'Harmattan, Paris, 1985, p. 94.

* 176 JEAN PAUL II, Discours aux Evêques du Kenya dans Documentation catholique, n° 1787, 1er juin 1980, p. 534.

* 177 Cf. JEAN-PAUL II, Exhortation Apostolique post-Synodale Ecclesia in Africa, Librera Editrice Vaticana, Rome, n° 47-48.

* 178 ELA Jean-Marc, Ma foi d'Africain, Karthala, Paris, 1985, pp. 35-56.

* 179 HEBGA Meinrad, Emancipation d'Eglises sous-tutelles. Essai sur l'ère post-missionnaire, Présence Africaine, Paris, 1976, pp. 94-95.

* 180 Ibidem, p. 101.

* 181 SAMBOU Ernest, Rencontre et Altérité. Enjeu d'une christianisation en milieu Joola, Doctorat de Théologie, Toulouse, 1983, p.XII, cité par LUNEAU René, « Et vous, que Dites-vous de Jésus-Christ » dans Chemins de la christologie africaine, coll. « Jésus et Jésus-Christ, n°25, Desclée, Paris, 1986, p. 22.

* 182 DE ROSNY Eric, Les yeux de ma chèvre, Plon, Paris, 1981, p.297, cité par LUNEAU René, Op.Cit., p. 23.

* 183 PENOUKOU Efoe Julien, « Christologie au village » dans Chemins de la christologie africaine, Op.Cit., pp. 76-106.

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