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La Coopération Multilatérale et la Question de l'Eau au Bassin du Nil

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par Christine A. ISKANDAR BOCTOR
Institut d'Etudes Politiques de Paris (IEP) - DEA (Master) en Relations internationales 2002
  

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C. Le droit international des bassins fluviaux

Le partage des eaux des fleuves « multi-nationaux65(*) » est, depuis de nombreuses années, un objet de dispute entre les pays du Moyen-Orient, qui s'accusent mutuellement d'arrière-pensées politiques quant à l'utilisation de l'eau. Cette situation s'explique par « l'absence » de traité régissant les modalités de partage des eaux de fleuves « multi-nationaux » entre les pays de la région. Si nous cherchons l'élément juridique nous le trouvons au fond du problème ; il y a avant tout un point de Droit à résoudre. En le résolvant, que nous réglons du même coup toutes les difficultés politiques et économiques qui en constituent l'environnement et qui, bien qu'étant d'essence extra-juridique, soient en étroite relation avec lui.

Nous définissons la question du Nil en disant qu'il y a un fleuve dont les eaux sont revendiquées par les Etats riverains ; il faut donc dire à qui appartiennent ces eaux. Il serait évidemment nécessaire de définir les « données matérielles » avant de les confronter avec le Droit. Ainsi la solution « praticable » est celle qui serait la plus conforme à ces données. Dès lors, comment conduire cette approche. La question étant en soi un problème de Droit, le « dispute » est posé en termes juridiques, il relève du droit international public, puisqu'il met en présence des Etats souverains, et que l'objet en est un fleuve « que nous pourrions qualifier de multi-national ».

La tentation d'exploiter les cours d'eau au seul profit des économies nationales, et l'absence d'un climat politique et idéologique favorable à la coopération, favorisant certainement les actions unilatérales menées par les Etats en amont pour aménager les sections de cours d'eau relevant de leur souveraineté. L'utilisation des cours d'eau est toujours suspendue à des impératifs de caractère politique, et il est assez rare que les comportements étatiques se définissent en fonction de principes directeurs plus ou moins ambigus du droit international fluvial66(*).

D'une manière générale, la coutume internationale67(*) a permis de dégager certains principes importants en matière d'utilisation partagée de la ressource en eau, au nombre desquels :

- L'obligation de coopérer et de négocier avec l'intention d'aboutir à un accord ;

- L'interdiction de réaliser des aménagements susceptibles d'avoir des conséquences dommageables appréciables et durables au détriment d'autres États ;

- L'obligation de consultation préalable ;

- L'utilisation équitable des ressources partagées y compris s'agissant des eaux souterraines.

Parmi les principes généraux du droit international en matière d'eau :

- L'obligation de ne pas abuser de ses droits ou plus précisément d'utiliser son bien de telle sorte qu'il ne nuise pas à autrui ;

- Les règles de bon voisinage aux termes desquelles un État partageant un bassin avec un autre État ne doit rien entreprendre qui soit de nature à avoir des répercussions négatives sur le territoire de l'autre État ;

- La bonne foi.

En effet, il est nécessaire de trouver un équilibre entre l'indépendance des États riverains et leur souveraineté sur les ressources naturelles ; un équilibre également entre les États d'amont et les États d'aval mais aussi entre les différentes utilisations de l'eau. En essayant de trouver un règlement juridique, le droit international des bassins fluviaux a passé par plusieurs étapes : tout d'abord, la doctrine de Harmon de 1895 voit l'utilisation hydraulique selon le principe de la souveraineté territoriale absolue ; et puis, les règles d'Helsinki de 1966 reconnaissent les droits de tous les Etats riverains aux parts égales de quotas, et finalement la convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, adoptée par les Nations Unies en 1997, insiste sur le fait de coopérer et de régler pacifiquement les différends.

a) La Doctrine de Harmon68(*)

Lorsque les Etats-Unis, à la fin du XIXème siècle, entreprenaient la mise en valeur agricole du sud-ouest, ils commençaient à dériver le cours du Rio Grande afin d'irriguer les terres mises en culture. En 1895, le Mexique protestait officiellement, rappelant que les droits d'usage des agriculteurs mexicains en aval étaient beaucoup plus anciens que ceux des américains. Le gouvernement américain conçu alors la doctrine Harmon, du nom du juge Judson HARMON, chargé d'élaborer la position officielle des Etats-Unis, et selon laquelle « le principe fondamental du droit international est la souveraineté absolue de chaque Etat, par opposition à tous les autres, sur son territoire »69(*).

La doctrine de la souveraineté territoriale absolue, appelée également Doctrine Harmon, consiste à reconnaître à l'entité étatique, l'entière souveraineté sur les ressources hydriques présentes sur le territoire dont elle assure l'administration. Cette doctrine affirme la souveraineté absolue d'un Etat sur la portion du fleuve international traversant son territoire. La souveraineté territoriale absolue proclame qu'un Etat peut user des eaux sur son territoire de la façon qu'il estime la plus conforme aux intérêts nationaux, indépendamment des conséquences externes.

La doctrine dit "Harmon" de la souveraineté absolue explicitement formulée lors du différend qui a opposé les États-Unis au Mexique en 1895 (Déclaration de l'Attorney général des États Unis Harmon du 12 décembre 1895 à propos du Rio Grande) et implicitement mise en oeuvre par la Turquie dans le GAP70(*), devrait normalement s'effacer au profit de la "souveraineté limitée" impliquant que le droit souverain pour un État d'utiliser les eaux situées dans son territoire est limité par le devoir de ne pas porter préjudice de ce fait à d'autres États. Cette doctrine a de fait été abandonnée vers les années 50 et n'est plus invoquée que dans les situations de perturbations diplomatiques. Dès lors que l'Etat abandonne une partie de cette souveraineté territoriale absolue, il entre dans une logique de restriction acceptée à sa souveraineté, faisant de l'eau une ressource partagée : émerge alors le principe d'un « usage raisonnable et équitable », qui revient à considérer que les Etats ne peuvent faire qu'une « utilisation non dommageable de leur territoire »

La mise en oeuvre de la "Doctrine Harmon" est généralement défendue par les gouvernements des pays en amont, tels que la Turquie ou l'Éthiopie, qui reconnaissent dans cette doctrine le meilleur moyen d'éviter toute ingérence dans leurs affaires internes. Pour le moment, la Turquie défend le droit de « souveraineté absolue de Harmon » sur l'eau présente sur son territoire tandis qu'en aval, la Syrie et l'Irak, ils parlent de « droits historiques » et du « cours naturel de l'eau ».

Par contre, l'Egypte préfère la doctrine de l'intégrité territoriale, selon laquelle le pays d'aval a un droit indiscutable à un débit fixe, et refuse71(*) celle de Harmon pour les raisons suivantes :

- Politiquement, elle provoque des perturbations dans les relations des pays riverains ainsi que dans les intérêts nationaux divergents ;

- Techniquement, c'est impossible de l'appliquer au cas de produire de l'électricité d'un bassin international qui forme les frontières entre deux pays ou plusieurs ;

- Cette doctrine est contre le principe de l'égalité entre les pays riverains d'un seul fleuve, ainsi celui de la justice ;

- Elle ignore la réalité de l'interdépendance entre les riverains d'un seul fleuve, et ne convient pas avec le besoin de coopérer.

La doctrine Harmon introduit dans l'utilisation des eaux internationales un germe d'incertitude, voire d'anarchie. Car la souveraineté d'un riverain s'oppose à celle d'un voisin. Totalement opposée à cette thèse se trouve celle de l'intégrité territoriale, favorable à l'Etat d'aval72(*).

* 65 Tarek MADJOUB, op. cit., p. 2-5




* 66 Georges Amine LEBBOS, L'ambiguïté du droit international, dans un dossier sur la bataille de l'or bleu : l'eau dans le Machrek et le Maghreb, les Cahiers de l'Orient, 4e trimestre 1996, n° 44, p. 23-25




* 67 DROIT DE L'EAU. Congrès International de Kaslik (18-20 juin : 1998 : Liban). Le droit international de l'eau existe-t-il ? Evolutions et perspectives pour la résolution des conflits d'usages / ed. Jacques SIRONNEAU, p. 2, http://funredes.org/agua/files/droit/SIRONNEAU.rtf (28 novembre 2001)




* 68 Pierre-Alain ROCHE, L'eau au XXIème siècle : enjeux, conflits, marchés. Ramsès 2001 les grandes tendances du monde : rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies, septembre 2000, p. 86-88




* 69 Frédéric LASSERRE, Le prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l'eau ?, Revue internationale et stratégique, Paris : IRIS, 1999, n° 33, p. 12-14




* 70 GAP : Guneydogu Anadolou Projesi  (Projet d'Anatolie du Sud - Est) est avec pas moins de 22 barrages et 17 centrales en prévision sur les deux fleuves, l'Euphrate et le Tigre, et un double tunnel d'irrigation de 26.4 km de long et 7.5 m de diamètre.




* 71 Abd El Malek OUDA, Seemaan Boutrous FARAGALLAH, Salah El Din AMER. La convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation. Le Caire : Centre de Recherches d'Etudes Politiques, Faculté d'Economie et de Sciences Politiques, Université du Caire, juillet 1998, p. 14-17 [série d'exposés politiques n° 120] (en arabe)




* 72 Tarek MAJZOUB, Les fleuves du Moyen-Orient. Paris : L'Harmattan, 1994, p. 174-178




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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway