WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

( Télécharger le fichier original )
par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNIVERSITE DE KINSHASA

FACULTE DE DROIT

DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC INTERNE

DIPLOME D'ETUDES SUPERIEURES

D.E.S

B.P.204 KINSHASA

L'INSTITUTIONNALISATION DU POUVOIR ET L'EMERGENCE DE L'ETAT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : 1960 - 2006

?

CORNEILLE YAMBU -A - NGOYI

LICENCIÉ EN DROIT

CHEF DE TRAVAUX

Mémoire présenté et défendu en vue de l'obtention du Diplôme d'Études Supérieures en Droit public.

Directeur  : B. BIBOMBE MUAMBA

Professeur Ordinaire.

Codirecteur : E. MPONGO-BOKAKO BAUTOLINGA.

Professeur.

2003 - 2005.

DEDICACE.

- A mon père Constantin NGOYI SAMBA et à ma mère Constantine KITENGIE NGONGO ainsi qu'à tous les vôtres ;

- A mes frères et Soeurs ;

- A mon épouse chérie, Myriam EKANGA HUNYUMBE et aux enfants que tu m'as donnés Josué YAMBU, Ruth KITENGIE YAMBU, Caleb NGOYI YAMBU, Neville YAMBU, Esther NGIELE YAMBU et Espérance MAWENGA YAMBU ;

- A la mémoire de ma belle mère Antoinette NGIELE, éteinte sans goûter aux fruits de ses prières.

- A ma belle soeur Marthe Kitoto et mon beau-frère Dieu-Merci Sekie avec qui nous avons partagé les joies et les peines.

Je dédie ce travail.

AVANT - PROPOS.

Au seuil de ce mémoire, je tiens à remercier tout particulièrement le Professeur BIBOMBE MWAMBA qui a accepté de lire et orienter le projet en qualité de Directeur avec une abnégation digne de maître.

Avant lui, j'ai reçu l'encadrement scientifique des professeurs TSHITAMBWE KAZADI à Lubumbashi et MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA à Kinshasa que je remercie également sans pouvoir trouver des mots à la mesure de mes sentiments de reconnaissance.

Mes remerciements s'adressent aussi à mon épouse qui a consenti tant de sacrifices pour rendre possible ce travail.

De même, je remercie, mon frère en Christ Richard KITENGIE MUEMBO qui m'a assuré d'une collaboration sans faille pour la saisie de cette oeuvre, et Maître KABANDA pour ses sollicitudes.

Dans le même sens, je pense à mon frère en Christ Paul MATIABA, que je remets entre les mains du Seigneur Jésus-Christ pour tout son appui.

Que mon Pasteur Yves KALOMBO, mes frères et soeurs en christ de LOGOS TABERNACLE à Kinshasa qui m'ont supporté pendant la période de recherche, trouvent ici, l'expression de ma plus profonde gratitude et, qu'ils soient bénis de mon Dieu.

Toute prétention à finaliser ce travail serait vaine sans la solide formation reçue de tous mes professeurs en D.E.S. de la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa qui ont bien voulu réaménager leurs programmes au prix de nombreux sacrifices pour organiser les cours après une interruption de plus d'une décennie. Cela n'aurait pu être possible sans la perspicacité du Professeur BAKANDEJA, Doyen de la Faculté. Qu'il me soit permis de leur dire profondément merci et de citer notamment, Évariste BOSHAB, KALAMBAYI LUMPUNGU, MAMPUYA KANUNKA, NGUYANDILA, VUNDWAWE-te-PEMAKO et KABANGE TABALA, tous, professeurs nous ayant prodigué les conseils pratiques, sans lesquels l'achèvement du cycle de D.E.S. serait bien un mirage.

Je pense à mes professeurs des cours à caractère pédagogique et de méthodologie, puissent-ils recevoir ici, mes sincères remerciements.

Corneille YAMBU-A-NGOYI.

INTRODUCTION.

I. ETAT DE LA QUESTION ET CHOIX DU SUJET

L'institutionnalisation, ce phénomène par lequel s'opère la dissociation entre le titulaire du pouvoir politique et ses détenteurs physiques éphémères se réalise elle-même grâce à la constitution. Elle est considérée comme primordiale et fondamentale dans le processus de la formation de l'État, de sa stabilité et de sa pérennité. Cette assertion conserve -t -elle la même valeur sous les tropiques en Afrique en général et plus précisément en République Démocratique du Congo? Le constitutionnalisme a -t-il pu y jouer ce rôle bénéfique ? Le souci de vérification qui nous anime et, lequel justifie notre choix du thème exige au préalable une nette clarté sur trois concepts clé qui conditionnent de nos jours toute vie individuelle et collective.

L'Etat, la constitution et le pouvoir politique sont des concepts autant riches que ceux dont, selon Charles Goossens, l'objet d'étude ne s'épuise du jour au lendemain1(*). Au-delà des simples considérations théoriques, ils constituent une réalité contraignante. On ne choisit pas son Etat on y naît ou l'on s'y trouve ; on le subit ou on en jouit. Le bonheur collectif ou même individuel sont tributaires de l'état de la « res publica » , du niveau de stabilité et de la croissance de l'Etat et, surtout de la forme du pouvoir politique exercé par ses gouvernants.

Par ailleurs, l'existence de l'Etat procède du pouvoir tel que nous le verrons. Selon que ce pouvoir est fondé ou non sur le droit le sort de l'Etat est soit stable soit précaire ; et celui des individus heureux ou lamentable malgré eux. C'est là que la constitution joue un rôle primordial. Elle aménage le pouvoir et définit non seulement le statut des gouvernants mais aussi la marge de liberté laissée aux gouvernés. Néanmoins, toute la vie en société en dépend. Les activités et entreprises collectives ou individuelles ne sont possibles de nos jours, que sous l'éclairage et le moule d'un droit. Or la constitution est la matrice du droit.

Il s'en suit que, quel que soit le génie d'un peuple ou aussi brillants que soient individuellement certains de ses membres, l'éclat de leurs exploits ne saurait luire pleinement sous l'emprise d'un pouvoir politique médiocre. La médiocrité ici, s'entend de tout pouvoir non institutionnalisé dont la caractéristique est d'être stérile c'est- à- dire incapable de se transmettre par la voie juridique et pacifique, d'un détenteur à un autre ; d'être personnalisé et, confondu à son détenteur individuel dont les oeuvres ne demeurent pas moins une ombre passagère et, lui même un simple mortel, alors que le pouvoir et l'État se doivent d'être immortels. Estimant qu'il existe bien un lien inextricable entre le progrès national ou individuel et le type de pouvoir, lequel le favorise ou le prend en otage, nous croyons qu'il est plus déterminant de placer le thème de l'existence et de la stabilité de l'Etat au coeur du débat dans la recherche des solutions aux problèmes de l'Afrique noire post-coloniale en général et au Congo-Kinshasa en particulier. C'est pourquoi nous aimons bien développer ce sujet. Les pays de l'Afrique sub-sahélienne se caractérisent par un dénominateur commun : la déchéance ou le recul par rapport au point de départ pris à partir de 1960.

La littérature abonde pour tenter d'expliquer les causes et les remèdes . Nous y reviendrons.

Pourtant l'évolution des sociétés occidentales, dévoilent par leur histoire les traces de mêmes maux : violence politique, guerres civiles, atteintes graves et massives aux droits humains, misère et souvent chaos. Cependant, avec l'avènement de l'Etat- Nation, elles ont mis un terme à ces calamités qui sont loin d'être une fatalité. Ce qui témoigne de l'incidence positive de l'avènement de l'Etat sur les sociétés précitées. Nous estimons que même à ce jour, l'étude de l'Etat en Afrique en général et au Congo - Kinshasa en particulier, demeure d'une pertinence non négligeable.

Vers les années 1950, David Easton, soutenait que ni l'État, ni le pouvoir ne constituent des concepts utiles à la recherche politique2(*), entendant par là que toute préoccupation spéciale concernant la nature et le rôle de l'État dans les sociétés de type occidental est inutile et même inconcevable étant donné que selon une certaine théorie libérale de l'Etat, presque tous les problèmes traditionnellement posés concernant l'Etat sont résolus. Les faits démentent cette conviction.

Plus de cinquante ans après, l'ont peut se rendre compte que nulle part l'État n'est une donnée éternelle mais une construction dont il convient d'assurer la stabilité, une fois né. De ce point de vue, les situations récentes relative à la disparition des Etats tels que l'ex-Union de Républiques Socialistes Soviétiques, l'ex-Allemagne de l'Est, l'ex-Yougoslavie et en Afrique, la Somalie confirment la justesse du propos de Thomas Hobbes qui, parlant de l'Etat, le compare à un corps humain, disant de manière imagée, « que la concorde est sa santé, la sédition sa maladie, la guerre civile sa mort3(*) ». Même en Europe occidentale, le phénomène de la mondialisation et de l'unification, par la création de la double souveraineté, de la double nationalité et même de la double territorialité entre l'Union européenne et les nationalités internes suscitent des interrogations utiles sur l'avenir et la survie de l'Etat - Nation.

Nous pensons avec Guy Hermet et ceux de son école que « les recherches sur l'Etat apparaissent maintenant comme fondamentales car elles permettent de donner toute sa mesure à la spécificité du politique »4(*).

Dans son ouvrage, l'Etat ailleurs, entre noyau dur et case vide, Luc Sindjou5(*) paraphrasant Ali Kazancigal6(*) montre que « le succès politique de l'Etat comme modèle d'organisation spéciale a constamment été à la mesure de son succès scientifique en tant qu'objet d'étude »7(*)

En même temps que les auteurs reconnaissent la valeur de l'organisation étatique dans le traitement du mal africain, il s'élève également une controverse et un doute sur l'effectivité de la statolité8(*) en Afrique noire, sur la difficile voir l'impossible adaptation équatoriale d'un Etat importé 9(*). Autrement dit, la question est posée en termes de l'existence ou non de l'Etat en Afrique noire post-coloniale.

Avant de poursuivre notre propos, il convient d'apporter une précision sur La République Démocratique du Congo et sur la réserve que nous émettons sur la dénomination constitutionnelle de « République Démocratique du Congo », laquelle au regard de la réalité politique et même constitutionnelle paraît ironique en ce sens que notre pays n'a rien ni de République ni de Démocratique au moment où nous couchons ces lignes. Cette réserve est valable pour la classification consistant à catégoriser les étapes de l'histoire politique en première, deuxième et troisième République respectivement de 1960 à 1965, de 1965 à 1990 et à partir de 2006.

Sur ce point, le professeur BIBOMBE MWAMBA a fait une analyse intéressante où il fait une observation montrant que « depuis la période mobutienne les idéologues du parti - Etat nous ont appris que nous étions dans la deuxième République ! tout le monde y a cru » .10(*)

En effet, la République est définie comme : « Etat gouverné par des représentants élus pour un temps et, responsables devant la Nation », par opposition à la monarchie ou « forme de gouvernement où le chef de l'Etat Président n'est pas seul à détenir le pouvoir qui n'est pas héréditaire » ou encore, « régime où le pouvoir est chose publique (res publica), ce qui implique que ses détenteurs l'exercent non en vertu d'un droit propre (droit divin héréditaire) mais en vertu d'un mandat confié par le corps social »11(*) la période « mobutienne »  ne comportant aucune caractéristique républicaine, il est erroné de parler, comme beaucoup le font et continuent à le faire, de la deuxième République. Il est plus logique de faire correspondre la deuxième République à celle qui sera issue des élections démocratiques, libres et transparentes.

Cependant, pour des raison d'ordre historique et méthodologique nous avons retenu cette classification devenue habituelle au Congo tout en respectant les convictions scientifiques des professeurs B. Bibombe et E. Pongo avec lesquels nous avons bien discuté.

Par ailleurs, nous retiendrons la terminologie officielle de la République Démocratique du Congo, consacrée par la Constitution du 18 février 2006 malgré le déficit démocratique constaté pendant plusieurs décennies dans le pays.

Pour revenir à la situation misérable et préoccupante de l'Afrique et de la République Démocratique du Congo, Mupapa Say affirme que « l'Afrique se conjugue avec la pauvreté, avec la maladie, avec la malnutrition, avec l'analphabétisme ». Plus loin, après avoir rappelé l'illusion des résultats des colloques et conférences organisés autour de la question africaine ainsi que par des experts de la Banque mondiale et du Fond Monétaire International, il s'interroge sur les causes de inefficacité de l'action des cadres hautement qualifiés et pour la plupart formés dans les plus grandes universités occidentales12(*).

Il répond en situant les causes à trois niveaux : en premier lieu celles provenant des séquelles de la colonisation ; en second lieu, celles découlant des effets de l'aliénation mentale en rapport avec les causes précédentes et enfin, celles liées à un certain comportement économique pas toujours compatible avec les exigences du développement13(*). En guise de solution, il subordonne le développement à une requalification de la mentalité de l'Africain, qui comprendrait à la fois l'acquisition des capacités d'action et le façonnement d'un vécu qui l'authentifie et lui permet une auto-prise en charge dans une relation équilibrée entre soi et autrui14(*). Cet auteur met l'accent sur l'aspect culturel de manière à opérer une transformation mentale de l'homme africain et congolais. Il préconise la production d'un type nouveau d'africains et de congolais affranchis de divers complexes maîtres de leur science, fruit de l'école rénovée. Il n'a pas totalement tort. Mais un tel souhait ne peut se réaliser sans la métamorphose du pouvoir africain pour l'émergence d'un cadre propice : l'Etat au sens moderne du terme.

Quant à Niemba S.G., il établit le même constat que l'histoire politique de l'Afrique décolonisée est la plus désolante de ce XXème siècle .  « Elle est faite par des dirigeants politiques imbus de gloire, du pouvoir pour le pouvoir , un pouvoir confisqué au peuple pour assouvir leurs intérêts personnels. Ils construisent des régimes politiques extrêmement autoritaires combattant avec violence toute opposition et toute installation des valeurs démocratiques15(*). Il en est de même de l'histoire politique du Congo-Kinshasa faite, d'impasses politiques, des conflits armées et d'espoir pour un bonheur inéluctable à tout un peuple »16(*).

Dans la recherche des causes du sombre tableau qu'affiche la République Démocratique du Congo, l'auteur trouve une explication politique liée à l'absence d'une réelle volonté politique manifestée par le magistrat suprême, le chef de l'Etat car dit-il « c'est lui qui détient les rênes du pouvoir pour un mode de gestion du pouvoir adapté aux réalités de cet immense territoire »17(*). Alors que Mupapa Say, préconise, un travail de fond et sur le plan culturel sans toucher au tréfonds politique, Niemba lui va dans le même sens en rappelant que la tâche de l'intellectuel, dans le rôle qu'il joue dans la société, soit historique, soit immédiat ou prospectif, consiste à produire des idées susceptibles de protéger les valeurs positives de la civilisation humaine. Ces idées poursuit-il doivent être à même de créer un monde meilleur, une société plus juste où les individus vivent en toute quiétude et dans la cohésion sociale. Elles se résument dans les droits fondamentaux de l'homme, permettent tout ce qui concourt à leurs épanouissement en l'occurrence la recherche et l'adoption d'un mode de gestion du pouvoir favorisant la vraie démocratie, la protection et l'éclosion des dits droits et la création des richesses pour tous, grâce à une bonne et stable politique macro-économique. Déplorant la mauvaise gouvernance, l'incompétence et l'amateurisme de dirigeants congolais dans la gestion de l'Etat, le même auteur exprime sa préférence pour un mode de gestion penchée vers le fédéralisme privilégiant l'adaptation au système des valeurs locales concourant au développement politique18(*). Comme beaucoup d'autres, il fait des analyses intéressantes sur l'Etat de droit présenté comme garant de la stabilité en Afrique centrale. Nous pensons quant à nous, qu'il est prématuré de suggérer une forme d'Etat avant de s'assurer de l'existence même de l'Etat ou de consolider la forme de ce qui existe en état embryonnaire. En l'absence d'un pouvoir institutionnalisé, le fédéralisme pourrait conduire à la duplication des formes de pouvoirs autoritaires et individualisés à la tête des entités dites fédérées au péril même de l'ensemble du corps social.

Posant son regard sur cette Afrique post - coloniale en désolation et sur son pays La République Démocratique du Congo, le professeur DJELO parle des « instances dirigeantes s'identifiant à la nation au point de confondre leurs propres intérêts avec ceux du pays. L'Etat qui est lointain, dit-il, le peuple dont la loyauté va spontanément aux entités de la base, le perçoit politiquement et socialement comme une conspiration permanente contre sa tranquillité, comme le règne d'une élite corrompue qui s'enrichit à ses dépens, comme une domination violente qu'il craint, à laquelle il se soumettra, le cas échéant, mais qu'il évite dans toute la mesure du possible »19(*). Reprenant les propos de Paul VI, il estime qu'il est donc temps de diversifier le jeu politique étiolé, de donner aux élites les moyens concrets de faire véritablement leurs preuves par la participation aux  responsabilités, hors de toute oppression, à l'abri des situations qui offensent leur dignité d'hommes »20(*) et de décongestionner le centre aujourd'hui enlisé dans l'impuissance et aliéné dans la magie du verbe, l'incantation des slogans mille fois répétés et le dogmatisme démagogique21(*). A la fin de son ouvrage intitulé « l'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire, le cas du Zaïre », l'auteur reconnaît n'avoir pas formulées des recettes susceptibles d'apporter des solutions immédiates à des problèmes concrets.

Il conclut que c'est en définitive au réel qu'il appartient de sécréter les institutions les mieux adaptées aux problèmes spécifiques de chaque collectivité22(*). Nous pensons que c'est là une manière plutôt délibérément philosophique de conclure laissant chacun sur sa soif. Selon nous, le réel ne saurait secréter les institutions démocratiques sans que le chef despote ou dictateur ne consente soit à force de pression populaire soit par élan subit du coeur, ce qui est chose peu commune, à céder à la mutation du pouvoir qu'il considère à tort être son bien propre.

Pour sa part, le professeur Lumanu Mulenda B-S, trouve l'explication du paradoxe du développement du sous- développement au Zaïre aujourd'hui, République Démocratique du Congo, dans le fait que ce pays réunit toutes les caractéristiques d'une souveraineté aliénée en démontrant que l'indépendance au Congo-Kinshasa n'a été qu'un simple transfert des pouvoirs de colonisateurs aux autochtones qui composent la nouvelle classe dirigeante dans une continuité structurelle et idéologique. Ces autochtones explique-t-il, sont ceux-là mêmes qui sous la colonisation, avaient été préparés pour vivre en communion spirituelle et matérielle avec les blancs et qui au lendemain de l'indépendance, devaient être leurs fidèles alliés23(*). Mais le bloc de conservateurs favorable à l'indépendance dans la continuité et le bloc de nationalistes ont vécu dans un état de conflit permanent24(*). Pour conclure sa thèse l'auteur qui avait déjà dans ses chapitres précédents exposés les différentes réflexions et théories sur la nature de l'Etat et rejeté celles ayant tendance à confirmer La République Démocratique du Congo dans la sphère de non - Etat, invite à l'éveil des consciences des acteurs sociaux pour produire et façonner de nouveaux intellectuels organiquement liés à titre exclusif à un groupe : le peuple (les masses déshéritées) et ses intérêts en vue de l'avènement d'un bloc historique nationaliste25(*).

Il est important de noter que c'est depuis 1985, soit exactement vingt ans, que le professeur a soutenu sa thèse. Que peut-on dire des solutions préconisées autant que celles suggérées par les différents auteurs précités sur la situation de l'Afrique noire post-coloniale et sur La République Démocratique du Congo ? le moins que l'on puisse dire est que hormis quelques cas exceptionnels tels de la République Sud Africaine, du Sénégal, du Ghana, de la Zambie, de la Namibie, du Mali et du Bénin, le continent africain est davantage menacé par les méfaits d'un pouvoir politique individualisé aux effets « génocidaires » compromettant la survie des générations présentes par l'incapacité d'organiser les règles de transmission paisibles du pouvoir politique. On dirait mieux que c'est un pouvoir aux effets « étaticides » car il met constamment en mal les conditions d'existence de l'Etat. Au Congo-Kinshasa l'ouverture au multipartisme réclamé par les acteurs politiques n'a permis aucun progrès par rapport au temps passé, le pays est au bord du gouffre après une guerre civile qui a duré huit ans. Quant à la conversion des mentalités et la production des systèmes susceptibles de générer un type nouveau des congolais tels que souhaité par Mupapa Say et Djelo E-O, et Lumanu Mulenda, cela est demeuré un voeu pieu.

II. PROBLEMATIQUE.

Pour mieux dégager notre problématique, nous sommes amenés à méditer notamment sur certaines thèses émises par les spécialistes des sciences sociales réunis à l'université Laval (Québec) du 15 au 19 mai 1983 dans le cadre de la 13ème conférence de l'Association canadienne des études africaines. Une table ronde fut organisée avec pour objectif de réfléchir sur les raisons de la difficulté voire de l'impuissance de comprendre et d'expliquer l'évolution actuelle de la société zaïroise »26(*)

Les participants expliquèrent lors de ladite table ronde sur le Zaïre que « l'impuissance de l'approche actuelle à expliquer l'évolution de la société zaïroise résulterait de l'erreur qu'on a tendance à commettre en analysant le Zaïre comme un Etat au sens éthique et sociologique du terme alors qu'il ne l'est point ou ne fonctionnait pas comme un Etat »27(*).

Déjà en 1982, parlant de la position exprimée par quelques africanistes réunis à la 12ème conférence annuelle de l'Association canadienne des études africaines, à Toronto du 11 au 14 mai 1982, Ilunga Kabongo rapporte : « on a dit plusieurs choses sur mon pays dont la plus intéressante pour mon propos est qu'il n'existe pas ». En effet, on raconte dit-il qu'un jour, on a mis dans un ordinateur toutes les données relatives au Zaïre : économie politique, culture, histoire ; Réponse de l'ordinateur : « ce pays n'existe plus ».

Aujourd'hui, plus de deux décennies après, le débat sur l'existence de l'Etat africain et de l'Etat au Congo-Kinshasa, refait surface. En effet, un homme d'Etat belge en la personne de Monsieur Karel de Gucht, alors Ministre des Affaires étrangères de son pays, après une mission au Congo-Kinshasa, a fait une déclaration devant la Commission parlementaire de relations extérieures de son pays, soutenant qu'« il n'y a plus d'Etat au Congo. Même un Etat en minuscule et entre guillemets ce serait déjà un progrès »28(*). En cela M. Karel de Gucht rejoint déjà les auteurs célèbres tels que Crawford Young, B. Jurciewicki et J. Claude William qui se sont interrogés sur la problématique de l'Etat au Zaïre29(*).

Pour J. Claude William, il affirme que « ce qui existe au Zaïre c'est moins un Etat, qu'une fiction d'Etat ». Il souligne que si l'on envisage la notion d'Etat non pas dans son sens formel et structuro - fonctionnaliste, mais comme produit d'une dynamique société civile - société politique inscrite dans une histoire concrète, il faut constater qu'au Zaïre, on est loin à la fois de l'Etat « Boula matari » colonial et de l'Etat modèle « déclientalisé ». le premier n'est plus qu'un lointain souvenir perpétué par des rites administratifs et quelques anciens combattants, le second est encore à naître. Et si ses réflexions constatant l'inexistence d'Etat au Congo étaient vraies ?

En dépit de la critique acerbe que leur décrochent ceux qui se dressent contre une manière de voir l'Etat dans le modèle occidental accusé d'eurocentrisme ou de sceptiques, la question mérite d'être posée sous différents aspects notamment juridique, politique et sociologique : La République Démocratique du Congo constitue-t-il un Etat au sens scientifique et moderne du terme ? sans être l'élément fondamental de notre thème central, la question vaut son pesant dans la mesure où les diverses hypothèses émises soit en terme de l'édification d'un Etat de droit, soit de la bonne gouvernance, soit de la lutte contre la corruption et les anti-valeurs, ou les théories développementalistes élaborées pour redresser le Congo, autant que la démocratie et, l'effort de sauvegarde des droits humains, ne peuvent se concevoir hors de l'Etat sous la forme institutionnalisée.

Aussitôt qu'il est soulevé la problématique de l'Etat en Afrique, plusieurs voix s'élèvent pour mettre en garde contre un thème dont les contours sont si fuyants qu'ils ne permettraient pas une analyse objective et une vérification impartiale. Les voix se font entendre pour prétendre au danger de tomber dans un fanatisme de l'Etat selon le modèle occidental, intransportable nulle part ailleurs30(*) et dans le mépris des valeurs ancestrales ou du droit africain dont les civilisations ont produit des Etats, des anciens royaumes.

A cela, nous opposons que chaque concept opératoire en sciences sociales comporte une essence minimale susceptible de le différencier des autres phénomènes sociaux. Nous croyons qu'il en est de même pour les notions qui nous préoccupent en commençant par l'Etat. S'il est admis dans l'histoire que le phénomène étatique et le terme lui-même ont une genèse, c'est qu'il existe bel et bien des éléments constitutifs de son essence à tel enseigne que sous quelque disciplines qu'on le considère, l'on puisse par la présence ou l'absence de ces éléments essentiels conclure à son existence ou non . Même en admettant que l'Afrique pré-coloniale ait eu des formes d'Etats, il convient de les confronter à la substance essentielle du terme à travers ses variétés et à travers les différentes disciplines pour comprendre la réalité de la société africaine post-coloniale et congolaise.

Parlant de la problématique de l'Etat en Afrique, plus précisément de la sociogenèse de l'Etat au Cameroun, Luc Sindjou distingue entre les problématiques locales se rapportant à l'objet « Etat au Cameroun » et « des problématiques générales se rapportant au « transfert » du modèle occidental de l'Etat ». C'est à propos de ce modèle que naît un débat qui risquerait de tourner en polémique. Pour mieux le comprendre examinons avec l'auteur ce qu'il appelle la problématique universelle instituée. A cette égard, il explique que la problématique universelle instituée d'étude de l'Etat en Afrique noire peut s'appréhender à partir de deux sites principaux31(*):

- Le site éthique qui est le lieu de formulation de la problématique de la névrose, selon l'auteur, qui appréhende l'Etat en Afrique en terme d'écart par rapport au « modèle déposé d'Etat ». Dans cette catégorie se retrouvent toujours d'après Sindjou, les termes tels que Etat « inexistant », Etat « inachevé », Etat en « déclin », Etat « néo-patrimonial », Etat « chancelant » 32(*), Etat « effondré » dans une analyse critique Tessy D. Bakary a procédé à une recension des caractérisations de l'Etat en Afrique à partir des travaux de nombreux auteurs tels Richard Joseph, Jean-François Médard, Newbury, Saul, Jackson et Rosberg, etc.33(*) La thèse de l'effondrement de l'Etat a connu un grand succès avec William Zartman34(*) ;

- Le site du relativisme culturel qui est le lieu de formulation de la problématique de l'impossible transfert en Afrique de l'Etat en tant qu'il est un produit de l'histoire et de la culture de l'occident et de la problématique de la greffe de l'Etat en Afrique sans aucun enracinement social.

A ce propos, Bertrand Badie a fait une étude intéressante dans « l'Etat importé  l'occidentalisation de l'ordre politique35(*) ». Dans le même ordre d'idées, Basil Davidson considère l'Etat en Afrique comme « le fardeau de l'homme noir » comme étant condamné à l'inadaptation parce qu'il est le fait des blancs »36(*). Sindjou trouve des défauts à l'un et l'autre site sur le plan épistémologique . A la représentation instituée et théologique de l'Etat constituant en l'établissement d'une formule ; « Etat occidental37(*) = modèle déposé d'Etat = Etat », il reproche l'emprisonnement entre « la célébration d'une transplantation réussie » et « le vomissement de la déformation du modèle légitime ». Vu sous cet angle, l'Etat « occidental » devient un écran entre le chercheur et la réalité politique, un instrument de mesure ou alors un lit de Procuste  sur lequel la réalité doit pouvoir suffire sous peine de disqualification. L'auteur de l'« Etat ailleurs »  considère que cette approche est une pré construction savante produite généralement par l'ethnocentrisme occidental qui voile la perception de la réalité. Pour lui, c'est l'illusion de l'Etat abstrait ou de l'Etat figé qui procède par méconnaissance des usages et investissements variés dont l'Etat peut être l'objet suivant les contextes socio - politiques. Certains font une vive critique de cette approche qualifiée d'une imposition de modèle déposé d'Etat procédant d'un universalisme hypocrite.

Pour notre part, nous estimons ces critiques exagérées dans la mesure où, comme nous l'avons dit, les concepts ont un contenu qui doit au minimum correspondre aux réalités auxquelles ils renvoient. Autant que la constitution, les régimes et les systèmes politiques sont des expressions inventées dont l'essence correspond à la signification leur conférée, par leurs auteurs originaires et aux réalités effectives dans leur milieux de naissance, autant nous estimons que la notion d'Etat bien que le carrefour de la recherche dans plusieurs disciplines ne doit pas être laissée au gré des théories creuses faisant de tout groupement humain un Etat. Nous y reviendrons. Comment peut-on qualifier une collectivité sociale dont l'une des conditions d'existence de l'Etat est amputée tel que le pouvoir politique, une partie du territoire ou la population et ou des groupes et milices armées exerçant une violence physique concurrente voire même supérieure à celle de l'Etat, comme c'est le cas en Somalie si ce n'est par des expressions d'Etat effondré38(*), d'Etat fantôme ou de fiction d'Etat ? Comment veut-on mettre aux mêmes diapasons le Liberia de Samueldo et Charles Taylor, ainsi que le Rwanda et le Burundi de génocidaires et le Zaïre de Mobutu d'une part et la France de Chirac, les Etats-Unis de Bill Clinton et l'Angleterre de Tony Blair  d'autre part ? Avouer que les pays africains précités se recherchent sur la sphère des Etats par rapport aux pays occidentaux ne relèvent ni d'une névrose ni d'un complexe. Bien au contraire ça serait la meilleure façon de poser le diagnostic pour mieux proposer le remède. Pourquoi ne peut-on voir et le dire que les cas africains précités correspondent aux horreurs des communautés préhistoriques ou médiévales de l'Europe lesquelles ont pris fin par l'effort des penseurs et des acteurs sociaux en vue de construire un modèle d'organisation sociale susceptible d'équilibrer les forces centripètes et centrifuges et, de concilier les intérêts divergents des hommes.

S'agissant du deuxième site de la problématique sur l'impossibilité de transposer le modèle de l'Etat occidental ailleurs du fait du fondement culturel et particulièrement religieux dont la complexité rend « intransportable » selon Bernard Badie, dans tout autre univers culturel39(*), Sindjou émet une critique en ce sens que le culturel est acquis et non inné, à ce titre il peut être transposable partout . Il démontre le dynamisme des cultures africaines qui ont accueillis le français, l'anglais et d'autres langues Européennes.

Quant à nous, nous estimons que ces thèses affichent de faiblesses :

1. A quelques variantes près, les modèles d'Etat européens sont le fruit d'une construction séculaire. Il est prématuré de douter de leur exportation ;

2. Sans être à tout point identique aux modèles européens quant à la forme de l'Etat et du pouvoir, les sociétés d'Asie issues aussi de la décolonisation se consolident davantage dans leur « étatisation » ;

3. Même en Afrique, la République du Bénin, la République du Sénégal et la République Sud Africaine ont démontré que les modèles dit européen d'Etat sont transposables en Afrique par la volonté politique de leur classe politique ;

4. Il n'y a pas d'intérêt pratique à s'efforcer de réinventer la roue là où on a jamais ni tenté de la fabriquer ni osé l'utiliser. Avant de rejeter les modèles dit occidental d'Etat, les penseurs et les dirigeants africains devraient d'abord oser de mettre leurs énergies à les comprendre et à les construire ; pour en apprécier le bénéfice par rapport à leur propre modèle non encore inventé.

L'Etat dont nous parlons est l'Etat tout court sans lequel il n'y aurait pas d'Etat de droit, ni respect des droits humains, ni bonne gouvernance ni développement humain durable, ni développement tout court. C'est l'Etat classique lequel dans toutes ses définitions en droit comme dans d'autres sciences impliquent un élément sur lequel tous s'accordent,  l' « institutionnalisation » de l'un de ses éléments constitutifs, le pouvoir politique, il suppose des éléments constitutifs, à savoir un territoire, une population et une organisation politique appelée puissance publique ou gouvernement, ces éléments constituent les conditions de son existence40(*).

Dans le cadre de cette étude, nous partons d'une problématique centrale posée en ce terme : « sans l'achèvement du processus d'institutionnalisation du pouvoir politique en République Démocratique du Congo est-il possible de construire un Etat stable? De là, découlent d'autres questionnements : Quel est l'impact du constitutionalisme congolais sur l'institutionnalisation du pouvoir politique ? Quelle est l'approche appropriée pour stabiliser l'Etat africain et l'Etat congolais. L'objet de notre étude est d'approfondir les questions relatives à l'Etat pour parvenir à l'édification d'un Etat effectif et non fictif en République Démocratique du Congo. Comment cela peut-il se faire ?

III. HYPOTHESE DE TRAVAIL.

La réponse aux questions constitutives de notre problématique impose l'analyse de certaines thèses formulées à ce même propos en vue de préciser notre bloc d'hypothèses.

Pour le dictionnaire de Robert Méthodique, l'hypothèse désigne une « proposition relative à l'explication de phénomènes naturels et qui doit être vérifiée par les faits41(*). Selon R. Rezsahary, « l'hypothèse cherche à établir une vision provisoire du problème soulevé en évoquant la relation supposée entre les faits sociaux dont le rapport constitue le problème et en indiquant la nature de ce rapport »42(*). Gordon Mace est encore plus précis : l'hypothèse, peut être envisagée comme une réponse anticipée que le chercheur formule à sa question spécifique de recherche. Le même auteur cite Monhein et Rich qui la décrivent comme un énoncé déclaratif précisant une relation anticipée plausible entre les phénomènes observés ou imaginés43(*). L'Etat en Afrique ou ce qu'il convient ainsi d'appeler, pose un problème dramatique de misère de pauvreté, , du délabrement des tissus sociaux et économiques, exacerbés par des violences cycliques. La République Démocratique du Congo, tel que nous l'avons vu, est parmi les cas les plus spectaculaires. A son sujet nous avons rappelé les conclusions des africanistes sociologues et historiens mettant en doute son existence en tant qu'Etat sans ignorer que les politologues et les juristes ont aussi écrit à ce même sujet. Dans une étude récente, intitulée le « constitutionnalisme africain entre la gestion des héritages et l'invention du futur , l'exemple congolais » de Djoli Eseng'Ekeli, on peut lire « Etat de lieux :  le Congo, un territoire à la recherche d'un Etat »44(*). Ce sous titre est assez révélateur, on peut déduire que l'espace territorial congolais abrite une population n'ayant pas encore eu le privilège de goûter aux fonctions bénéfiques d'un Etat.

Reprenant les propos de Sall Babacar, il écrit : « en effet, le Congo, ce territoire de 2.345.000 Km2 , doté d'une population estimée à plus de 50 millions d'habitants, situé au coeur de l'Afrique, est devenu le « ventre mou » de ce continent. Ce sous-continent, équivalent à l'ensemble de l'Union européenne, a progressivement implosé et se présente aujourd'hui comme un « tissu mite », atomisé, fragmenté en principautés militaires. Son territoire est le théâtre permanent de rebellions où règnent des satrapies et autres seigneurs de guerre : c'est une zone de chaos, avec des espaces, qui dans les territoires nationaux, échappent au contrôle de l'Etat45(*).

Dans le même sens Braud, soutient que la situation congolaise est plus ou moins semblable à celle de nombreux autres pays africains, et la République Démocratique du Congo est tout simplement le paradigme le plus achevé des « dynamismes », de ces Etats à la fragmentation . En effet, « de nombreux Etats africains sont minés par des maux multiformes et sont devenus comme le Congo, presque des Etats fantômes46(*).

L'hypothèse de travail majeure autour de laquelle notre recherche s'articule est : l'institutionnalisation du pouvoir politique est le facteur fondamental dans l'émergence et la consolidation de l'Etat. Tel qu'il en fut en occident, il peut en être pareil en Afrique et au Congo. Ce facteur déterminant a manqué au Congo depuis la création du Congo par Léopold II. De cette hypothèse principal, dérivent d'autres ci-après :

- l'institutionnalisation du pouvoir politique passe d'abord par le droit, et par le droit constitutionnel. Le poids de la constitution au sens matériel premièrement et au sens formel secondairement est plus déterminant dans le processus d'institutionnalisation du pouvoir politique que d'autres facteurs, souvent évoqués : exogènes (impérialisme ou capitaliste), endogènes (ethnicité, corruption, mauvaise gouvernance, immaturité.....).

- l'institutionnalisation du pouvoir politique est possible par un constitutionalisme accepté d'abord par le détenteur du pouvoir suprême, le Chef de l'Etat et ensuite par la majorité des citoyens.

Dans ce travail, nous voulons par analyses successives et comparatives dans l'espace et dans le temps, démontrer que La République Démocratique du Congo est bel et bien un Etat menacé non au sens où on souhaite souvent de l'entendre, c'est-à-dire par une belligérance du voisin ou de l'impérialisme, ce qui laisse supposer une note militariste, mais nous parlons d'une menace de disparition en tant qu'Etat, par l'absence à ses destinées, du moins jusqu'à Joseph KABILA, d'un homme déterminé à privilégier la règle constitutionnelle même à son détriment pour créer un cadre favorable à une véritable culture démocratique. Cela étant, il est impérieux de pénétrer le sens de l'Etat, de la constitution et du pouvoir d'une part et d'examiner les différentes constitutions connues au Congo en vue d'une confrontation entre les concepts et le réel.

IV. DELIMITATION DU SUJET

Du point de vue spatiale, il est superflu d'en parler au motif que l'intitulé du sujet renseigne que l'étude porte su la « République Démocratique du Congo dans ses frontières actuelles telles que tracée, en 1885 et sous ses différentes dénominations depuis 1960. Du point de vue temporel nous circonscrivons le sujet entre les années 1960 à partir du 30 juin, date de la proclamation de l'indépendance et 2006, à partir du 18 février, date de la promulgation de la constitution de la République Démocratique du Congo. Du point de vue matériel, le sujet est susceptible de nous emporter dans les sphères parfois nébuleuses de la religion, de la sociologie, de la philosophie (source du pouvoir...) aussi, circonscrivons-nous notre réflexion aux concepts d'institutionnalisation pour l'appliquer au pouvoir et à l'Etat au Congo-Kinshasa sans ignorer le rôle primordial que doit jouer la constitution. Il en résulte la nécessité d'une approche théorique et d'une analyse fondée sur l'observation des faits sociaux et politiques ainsi que de l'évolution du constitutionnalisme congolais et de son incidence sur la survie de l'Etat.

V. INTERET DU SUJET.

Nous l'avons dit précédemment que l'Etat - nation et même l'Etat gouvernement est un objet d'étude d'intérêt certain et toujours accru sur le plan théorique. L'Etat africain et l'Etat congolais ne sont pas en reste, ils font d'objet d'un engouement de la part des chercheurs africanistes au point que l'utilité de l'étude se mesure dans la perspective d'aider à l'accroissement des connaissances sur l'Etat. Nous plaçons l'Etat au coeur de toute préoccupation relative au développement des nations ainsi qu'à l'épanouissement intégral de l'individu. Pour La République Démocratique du Congo, nous croyons que la connaissance formelle de l'Etat et, sa nature, son caractère institutionnel et son rôle, est d'un intérêt réel, du point de vue pratique.

Nous pensons que l'Etat, à l'instar de la cité antique (Athène et Rome) avec laquelle d'après Marcel Prélot47(*), il n'entretient qu'une différence de degré et non de nature, constitue la meilleure organisation de la société humaine susceptible de sortir l'individu des ténèbres et du gouffre des barbaries antiques . L'Etat monopolise l'usage de la violence rendant inefficientes toutes les autres violences, équilibre les forces antagonistes, stabilise la société par l'édiction des normes contraignantes. L'une des causes du chaos menaçant l'Etat africain, étant la violence politique, il va de soi que l'extinction des violences politiques grâce à l'encadrement juridique du jeu politique sous-tendant l'exercice et l'organisation du pouvoir est une garantie du progrès et du développement. N'ont pas tort ceux qui comme Aristote reconnaissent l'impact positif de la cité sur l'humain, expliquant la notion d'une véritable société politique où humanité et citoyenneté sont identiques48(*) ; Parlant de la Grèce antique, il déclare que « c'est dans la cité seule où l'homme est un être juridique en dehors de la cité, il n'y a ni liberté ni sécurité, ni humanité, l'être humain est un barbare, il est rejeté dans un abaissement incompatible, avec l'idée de l'homme49(*) ». Du Libéria, à la Sierra Léone, du Congo-Kinshasa au Burundi et au Rwanda,de l'Ouganda au Soudan en passant par le Tchad et la République centrafricaine ne trouve-t-on pas des situations qui corroborent la triste expression de Bluntshi sur la bassesse de l'homme dans les communautés « anétatiques »?

La pertinence de son analyse, vérifiable par l'observation des sociétés occidentales parvenues à d'énormes progrès en matières des droits de l'homme et de développement dans presque tous les domaines aussitôt qu'elles sont sorties de modèles communautaires ou de type féodal pour s'étatiser, nous amène à considérer que le démarrage de l'Afrique toute entière passe préalablement par la solution au problème lié à l'existence de l'Etat. Celui-ci est lui même dépendant de la qualité du pouvoir. Ce qui, en ajoute à l'intérêt pratique du travail. En effet, la construction de l'Etat en République Démocratique du Congo impose un sévère diagnostic sur notre pays : son inexistence institutionnelle.

La comparaison des faits à la théorie permet de constater depuis 1960 :

- l'absence d'un pouvoir organisé revendiquant avec succès le monopole de la violence physique ou armée caractéristique d'un Etat, l'existence des pouvoirs parallèles exerçant avec succès la même violence;

- l'absence d'une maîtrise effective des frontières : l'occupation par des armées étrangères des portions de territoires à l'intérieur de frontières congolaises ;

- l'absence d'un pouvoir transmis par une règle préétablie (de droit) ;

- l'absence d'organes représentatifs de la nation ou d'institutions politiques ayant survécu pacifiquement aux générations antérieures successives.

Parvenir à la démonstration que la renaissance de l'Etat au Congo et, sa stabilisation passe par l'institutionnalisation du pouvoir et que celle-ci n'a pas eu lieu en dépit des textes constitutionnels successifs entre 1960 et 2006, implique une méthodologie incluant différentes méthodes et techniques d'interprétations juridiques.

VI. METHODES ET TECHNIQUES.

Par méthodes, nous entendons avec le professeur E. BOSHAB l'ensemble de démarches que suit l'esprit humain pour découvrir et démontrer une vérité scientifique50(*). Aucune de ces démarches n'est suffisante pour rendre compte de toute la réalité du phénomène étudié. Aussi, avons-nous recouru à plusieurs méthodes et interprétations pour l'aboutissement de notre étude. Nous disons mieux que seule une méthode interdisciplinaire associant l'approche sociologique à l'approche juridique a permis l'aboutissement de notre travail.

L'approche juridique fondée sur l'exégèse, a été la mieux indiquée pour analyser la forme du pouvoir et mesurer son incidence sur l'Etat à travers les textes constitutionnels élaborés depuis 1960 au Congo-Kinshasa. Cependant,  l'observation des faits et des comportements politiques aidant à une pleine perception du phénomène étatique et du pouvoir ne procède pas du seul droit mais plutôt de la sociologie. Comme notre champ d'investigation s'élargit au passé et englobe plusieurs textes, l'approche historique et comparative nous ont été bien utiles. Dans l'étude des textes concernés, nous avons fait appel à diverses méthodes d'interprétations :

- « théologique » ou « finaliste » consistant en l'analyse d'un texte au regard de sa raison d'être (ratio legis) ;

- « génétique » par laquelle on se réfère à la genèse du texte en recherchant l'intention de ses auteurs ;

- « systémique » consistant à prendre en considération d'autres articles d'un texte ou éventuellement d'autres règles du Droit pour qu'ils s'éclairent les uns les autres51(*).

La technique documentaire est parmi toutes, celles nous ayant plus servi à la finalisation de cette oeuvre.

Ainsi, il a fallu une méthode interdisciplinaire aux approches sociologiques associant l'approche juridique aux méthodes systémique, historique et comparative pour mener à bien l'oeuvre que nous avons entamée.

VII. SUBDIVISION DU TRAVAIL .

La clarté de la pensée exige la clarification des concepts dans une approche théorique consacrée à l'évolution du pouvoir politique (première partie). Les faits politiques seront confrontés aux concepts théoriques en vue de mesurer l'incidence du constitutionnalisme congolais sur la formation de l'Etat et l'institutionnalisation du pouvoir au point consacré à l'avènement de l'Etat en République Démocratique du Congo (Deuxième partie).

PREMIERE PARTIE : L'EVOLUTION DU POUVOIR POLITIQUE ET L'AVENEMENT DE L'ETAT.

On examinera successivement l'évolution du pouvoir politique d'une part et d'autre part, l'avènement de l'Etat en vue de poser une base conceptuelle susceptible d'offrir un champ de vérification dans la seconde partie.

CHAPITRE I : L'EVOLUTION DU POUVOIR POLITIQUE.

Section 1 : Notion du pouvoir politique

Qu'entendons-nous par pouvoir politique ? Pour saisir cette expression, il importe d'expliquer séparément ce qu'est le pouvoir et ce qu'est la politique. Ce n'est qu'après que nous tracerons l'évolution du pouvoir politique.

§1. Le pouvoir.

Le Robert définit le mot pouvoir notamment comme le fait de pouvoir, de disposer de moyens naturels ou occasionnels qui permettent une action, et aussi comme l'autorité, l'empire ou la puissance52(*).

L'aspect primordial qui nous intéresse est certainement celui de son lien avec l'émergence et la stabilité de l'Etat qui pourra nous servir de base de vérification des réalités africaines et congolaises sur leur existence et leur pérennité en qualité d'Etats. La compréhension de cette idée implique l'analyse des contours sous lesquels nous employons l'expression (notions) pour en déceler les diverses manifestations d'exercice, (formes), lesquelles ont évolué (processus d'institutionnalisation) et abouti à l'émergence de l'Etat (Rôle dans la genèse de l'Etat).

§2. La politique.

Pour être plus complet sur la notion du pouvoir politique, voyons ce qu'en dit Max Weber.

Lors de la conférence sur le métier et la vocation d'homme politique, l'auteur parlant de la politique, explique que le concept est extraordinairement vaste et embrasse toutes les espèces d'activités. On parle dit-il, de la politique de devise d'une banque, de la politique d'escompte de la Reichsbank, de la politique d'un syndicat au cours d'une grève, de la politique scolaire d'une commune urbaine, de la politique d'un comité qui dirige une association, et finalement de la politique d'une femme habile qui cherche à gouverner son mari. Mais précise t-il, nous entendrons uniquement par politique la direction du groupement politique que nous appelons aujourd'hui « Etat » ou l'influence que l'on exerce sur cette direction. Plus loin il ajoute :  «  nous entendons par politique l'ensemble des efforts que l'on fait en vue de participer au pouvoir ou d'influencer la répartition du pouvoir soit entre les Etats, soit entre les divers groupes à l'intérieur d'un Etat » 53(*).

La conception de Mac Weber enrichit celle communément connue depuis Aristote, définissant la politique comme l'art de gérer la citée.

§3. Le pouvoir politique

Reprenant l'une de définitions du dictionnaire selon laquelle le pouvoir c'est la « puissance » ou « l'autorité », nous rappelons que comme tel,ce fait est considéré par tous comme l'un de trois éléments constitutifs ou l'une de trois conditions d'existence de l'Etat outre le territoire et la population. Mais plus que les deux autres, les publicistes y voient la genèse de la manifestation de tout Etat.

A ce sujet, l'affirmation de Marcel Prélot est intéressante lorsqu'il dit que « la primauté du pouvoir, dans la formation de l'Etat, se retrouve dans tout le cours de son existence. Elément formateur, le pouvoir est aussi le facteur permanent de cohésion de la société politique, puisque celle-ci est une association obligatoire pour ses membres, qui lui appartiennent d'ordinaire, non par adhésion, mais par situation »54(*).

Pour mieux comprendre le sens du pouvoir dont nous parlons , voyons ce qu'en dit Georges Burdeau : « la puissance, c'est le pouvoir de commander de telle sorte que l'on soit obéi » ce n'est pas dit-il, le droit ni la possibilité de commander, c'est simplement le phénomène qu'exprime l'exécution de l'ordre donné55(*). Il explicite : « quels que soient les motifs de l'obéissance, qu'elle soit provoquée par la crainte d'une sanction ou par l'adhésion à la substance du commandement, elle implique la puissance de celui qui l'obtient ». Dans ce même ordre d'idées, Alain56(*) constate avec regret bien sûr, que « si le pouvoir n'est pas résolu à forcer l'obéissance, il n'y a plus de pouvoir. Si le citoyen ne comprend pas et n'approuve pas ce puissant mécanisme bien avant de le craindre, il n'y a plus d'ordre ».

L'avantage d'une telle assertion dans la poursuite de notre pensée, c'est de fournir un élément d'appréciation et de vérification théorique et plus tard empirique tout simple. Supposons que de l'entendement de tous, il y ait d'Etat sans puissance ou pouvoir, entendu comme « capacité » de commander et de se faire « obéir » sur tout son territoire et par tous, il devra s'en suivre que la collectivité sociale où ce phénomène se morcelle et s'effrite au point que se forment les îlots de « sujétion - obéissance » perde sans polémique son essence étatique. Il importe de s'en souvenir tout le long de notre étude.

C'est à juste titre alors que Treitschke57(*) a dit : « l'Etat est la puissance suprême ». cette formule demeure vraie dans la mesure où même si l'Etat n'est pas que force et même qu'il doit se passer d'elle, il faut qu'au cas où une épreuve de force surviendrait, il puisse avoir le dernier mot. En ce sens, il faut reconnaître avec Ihering que « le caractère de l'Etat est d'être une puissance supérieure à toute autre volonté se trouvant sur un territoire déterminé. Cette puissance est, et doit être, pour qu'il y ait un Etat, une puissance existant sur le territoire considéré... Avant que cette condition soit remplie, toutes les autres sont anticipées ; car pour les remplir, l'Etat doit exister et il n'existe que lorsque la question de puissance est résolue »58(*). Etant susceptible de degrés, la puissance peut être partagée, de même étant un état de fait et non une qualité de droit dans la société, elle est l'objet des fluctuations relatives aux circonstances. Fondée sur la force, elle peut se trouver en présence d'une force égale ou supérieure avec laquelle, elle doit composer ou devant laquelle elle doit s'incliner, fondée sur l'astuce ou la ruse, elle peut s'effriter devant la manoeuvre clairvoyante d'un sage, fondée sur la richesse, elle peut disparaître avec celle-ci.

L'oscillation perpétuelle entre les pouvoirs distincts selon que leur puissance s'accroît ou diminue créée par leur rivalités dans un milieu social, est un obstacle majeur à l'éclosion d'un Etat stable. Il convient de reconnaître que les sociétés occidentales ont résolu la question du pouvoir tandis que tel que nous allons le voir la plupart des société africaine subsahariennes, se recherchent encore dans cette voie.

Section 2. Formes du pouvoir.

Le pouvoir politique a subit une évolution allant du pouvoir diffus ou anonyme au pouvoir institutionnalisé en passant par le pouvoir individualisé.

§1. Le pouvoir diffus et anonyme.

Il n'est pas possible de connaître avec certitude la forme sous laquelle se présentait le pouvoir aux origine des sociétés humaines, mais on considère qu'il apparut avec la famille et l'autorité du chef de famille et s'est élargie avec celle-ci à plusieurs personnes jusqu'à la gens romaine, à la tribu et au clan59(*). Cette forme de pouvoir était largement anonyme diffuse dans le cadre de petites unités sociales créant leurs coutumes largement imprégnées religieuses et de superstitions60(*).

§2. Le pouvoir individualisé.

Selon Max Weber61(*), le pouvoir individualisé est fondé sur les vertus personnelles d'un chef charismatique. Dans ce cas, l'autorité du pays s'incarne non pas dans l'institution mais dans l'homme. Le pouvoir individualisé présente plus d'inconvénients que d'avantages. Burdeau en présente les plus remarquables que nous allons brièvement parcourir.

I. La répugnance à concevoir le pouvoir comme un pur phénomène de force.

Avec le pouvoir individualisé, la puissance trouve son fondement direct dans celui qui l'exerce. La force, le courage, la subtilité ou la chance du prince sont extérieurement du moins, la source des facultés exorbitantes dont il use. Ses volontés trouvent leur puissance contraignante, dans ses qualités ou sa force matérielle. Bien qu'il puisse par moment faire de son pouvoir un usage qui le justifie, il ne reste pas moins vrai que ce pouvoir lui appartient comme une qualité inhérente à sa personne. Or, avec l'amplification du groupe social les fonctions du pouvoir s'accroissent et les ordres se multiplient. Il s'en suit que pour siéger dans un palais d'où émanent des décisions, suivies d'une police chargée d'en poursuivre l'exécution. Par ailleurs, la complexification de la fonction gouvernementale, implique une prévision de l'avenir et, par là même, la création d'une législation débordant le cadre des préoccupations présentes. Cela rend l'explication du pouvoir par les seules qualités de celui qui l'exerce insuffisante. Ainsi le pouvoir individualisé a comme premier inconvénient de ne pas fournir une explication plausible du pouvoir lui-même62(*).

II. Le défaut d'unité juridique de la collectivité.

Sur le plan psychologique, on note, une autre insuffisance du pouvoir individualisé ; celle qui tient au défaut d'unité juridique de la collectivité.

En effet, l'affermissement du sentiment national, impose la nécessité de concrétiser dans une formule objective cette communauté de vues d'aspirations et de réactions qui fait la nation, de solidariser dans un concept durable, les membres actuels du groupe avec les générations passées et à venir63(*).

Il se crée entre les hommes unis par le pouvoir dans l'obéissance, un esprit national. D'où le besoin qu'au delà du chef, être physique passager qui incarne le pouvoir qu'il y ait une idée pour faire écho à une idée : l'idée abstraite du pouvoir au sein d'une entité nationale abstraite.

III. L'absence de légitimité.

Sur le plan de l'aménagement pratique de la collective, le pouvoir individualisé présente de défauts que M. Hauriou explique : « avec la conception du pouvoir individualisé aucune solution n'est apportée à la question de la légitimité. On sait qui commande, mais on ignore qui a le droit de commander. Ou plutôt ce droit n'apparaît que lorsqu'il a été conquis de haute lutte par celui qui prétend s'en arroger l'exercice. Mais la manière dont ce droit s'affirme prouve l'insuffisance de son fondement. Si le chef doit d'abord imposer son titre les armes à la main, si un échec l'élimine définitivement, si la victoire le consacre, c'est donc que le droit de commander réside en sa personne, associé à sa chance ou à sa force. Or, demain la chance peut sourire à d'autres, une force plus grande peut triompher et le droit de commander, comme un butin suivra le vainqueur64(*). Et Burdeau de montrer que « cette situation est fâcheuse à la fois pour les gouvernants dont l'autorité dépend sans cesse de l'issue d'une rivalité avec les pouvoirs rivaux65(*) et pour la masse de gouvernés parfois incertaine du pouvoir véritable, toujours victime de luttes dont le titre au commandement est enjeu. Que si le prestige du chef est suffisant pour fonder sans contestation, sa vie durant son autorité, la question de la légitimité se posera après lui et toute la vie nationale sera suspendue au résultat du conflit qu'elle ne manquera pas de provoquer66(*). N'est-ce pas là la triste réalité de l'Afrique dont nous parlons.

Jean Bodin67(*) estime que l'incertitude des successions dans l'exercice de la fonction politique est, au point de vue pratique, le vice essentiel du pouvoir individualisé.

Parlant des mobiles qui déterminent l'acceptation du pouvoir, Burdeau explique que « les gouvernés voient en lui l'agent de réalisation de l'idée de droit qu'ils considèrent comme devant procurer la réalisation du bien commun. Ses prétentions sont fondées dans la mesure où elles sont commandées par le but social. Le pouvoir est ainsi dans sa raison d'être solidaire de l'idée de droit »68(*); Admettre qu'il réside, en toute plénitude, dans la volonté des gouvernants, laisse subsister la question de la conformité de cette volonté avec les services qu'implique l'idée de droit. Dans le « monde féodal », J. Calmette traduit mieux cette préoccupation par une interrogation. Comment pourra-t-on empêcher que les attributs de l'autorité, la sanction, la puissance soient détournés de leur fins pour être utilisés selon la convenance du chef ? Si le pouvoir est pour lui une prérogative personnelle, rien ne s'oppose à ce qu'il en fasse usage qu'il lui plait : maître du pouvoir, on ne saurait sans contradiction lui contester la possibilité d'en disposer à sa guise.

IV. Le danger d'arbitraire.

Dans « le bras séculier », Casamayor cité par Georges Burdeau, parlant du pouvoir individualisé, explique le sens du danger d'arbitraire. Il affirme que « le but de toute organisation sociale est d'empêcher le pouvoir d'être individualisé. A partir du moment où un homme le considère comme son bien personnel... on passe à l'organisation arbitraire »69(*). Le danger de l'arbitraire est un défaut auquel conduit le pouvoir individualisé. C'est le risque dit Burdeau que l'autorité s'affranchisse de la règle sociale pour poursuivre des fins personnelles70(*). Pour expliquer les causes du pouvoir arbitraire, Etienne de la Böetie cité par Burdeau71(*), fustige l'inertie des sujets. Il démontre comment la tyrannie repose toute entière sur la volonté de quelques individus s'opposant à la veulerie des sujets. De ce point de vue, le tyran est le produit de l'abdication des sujets, selon la Boëtie, l'arbitraire naît moins de la toute puissance du chef que de la faiblesse de l'idée de droit nationale à exiger d'être écoutée. 

Après l'analyse de la notion du pouvoir individualisé et de ses inconvénients dont l'idée essentielle est qu'il est un obstacle majeur au processus de la formation de l'Etat72(*), nous devons aborder le problème de l'institutionnalisation du pouvoir ainsi que son rôle dans la formation de l'Etat.

§ 3. Le pouvoir institutionnalisé.

L'Etat est le cadre du pouvoir institutionnalisé. L'intérêt d'une telle affirmation pour nous, réside en ce que tout en admettant l'existence du pouvoir dans d'autres groupes sociaux, « infra - étatique » ou « supra - étatique », le pouvoir politique au sein de l'Etat et même de l'Etat est spéciale et caractéristique. La conséquence utile à tirer est la possibilité d'établir un lien entre la définition de l'Etat et « la forme du pouvoir ». De là il est aisé de parvenir à la démonstration que la notion de l'Etat au sens moderne sous toutes les facettes doctrinales est inconciliable avec l'idée du pouvoir non institutionnalisé. Aussi, l'explication de ce concept s'impose-t-elle pour en saisir le sens et en découvrir l'impact dans la genèse de l'Etat.

I. Notion d'institution et pouvoir institutionnalisé.

A. L'institution.

L'élucidation de la notion d'institution apparaît comme préalable à la perception lucide de celle d'institutionnalisation.

Parlant de la notion d'institution, Marcel Prélot, explique que le mot « institution » répété à dessein dans le titre de divers cours non économiques - histoire des institutions, institutions judiciaires, institutions internationales, institutions financières, se trouve ainsi pris à la fois dans son sens pédagogique de « formation élémentaire » et dans son sens sociologique de « chose instituée », de création humaine par opposition à ce qui provient de la nature73(*).

Malinowski, cité par A. Cuvillier, observe que l'institution parvient à une existence propre transcendant ses composants individuels auxquels on ne saurait la réduire74(*). La transcendance et la séparation de l'institution par rapport aux individus qui la composent est un élément très intéressant quant à son application tant au pouvoir qu'à l'Etat.

B. L'institutionnalisation du pouvoir et de l'Etat.

Nombreux sont d'éminents publicistes qui définissent l'  « Etat » comme « pouvoir institutionnalisé ». Avec une perspicacité et une clarté peu commune Georges Burdeau à élaboré une profonde réflexion sur le thème et il affirme que « l'Etat c'est le pouvoir institutionnalisé »75(*).

Marcel Prélot déclare : « l'Etat - pouvoir - et tel est son dernier trait essentiel - est institutionnalisé »76(*); Parlant du pouvoir institutionnalisé, il explique, que la puissance de l'Etat qui, physiquement, prime tous les domaines où elle n'est pas primée elle-même par une autorité étatique concurrente s'exerce selon des règles. Celles-ci, suivant le degré de développement de l'Etat et la nature de régime, sont plus ou moins complexes, plus ou moins précises, mais un minimum de dispositions normatives est nécessaire à l'existence même de l'Etat. L'institutionnalisation implique le pouvoir étatique est un pouvoir s'exerçant selon les règles, c'est-à-dire un « pouvoir de droit ». Ntumba Luaba explique clairement cette notion : il y a institutionnalisation du pouvoir lorsque le pouvoir appartient à une institution même s'il est exercée par un individu. Grâce au processus d'institutionnalisation, la désignation des gouvernants, l'exercice et la dévolution du pouvoir s'effectuent selon les règles et des procédures préétablies. L'Etat apparaît comme une institution distincte de ses représentants qui les dépasse. Les gouvernants exercent le pouvoir non en leur nom mais au nom de l'Etat, et pour le compte de l'Etat. La propriété du pouvoir et son exercice sont ainsi séparés par l'institutionnalisation77(*).

Rappelons encore cette pensée de la doctrine : « les hommes ont inventé l'Etat pour ne pas obéir aux hommes. Ils en ont fait le siège et le support de la puissance dont ils éprouvent tous les jours la nécessité et le poids, mais qui, dès lors qu'elle est imputée à l'Etat, leur permet de se plier à une autorité qu'ils savent inéluctable sans cependant être assujettis à des volontés humaines. L'Etat est une forme du pouvoir qui ennoblit l'obéissance. Sa raison d'être première est de fournir à l'esprit une représentation de l'assise du pouvoir qui autorise à fonder la différenciation entre gouvernants et gouvernés sur une autre base que des rapports de forces »78(*).

A l'opposé du pouvoir individualisé qui s'exerce sur la base de la tradition ou du charisme, le pouvoir institutionnalisé est celui qui peut se réclamer de l'institution au nom de laquelle il est exercé, l'autorité fondée sur la loi79(*). « Il y a enfin, écrit M. Weber cité par G. Burdeau, l'autorité qui s'impose en vertu de la légalité, en vertu de la croyance, en la validité d'un statut légal et d'une compétence positive fondée sur les règles établies rationnellement, en d'autres termes l'autorité fondée sur l'obéissance qui s'acquitte des obligations conformes au statut établi. C'est là  le pouvoir tel que l'exerce le « serviteur de l'Etat moderne...»80(*). A-t-on trouvé ce serviteur au Congo ? Là réside le problème.

II. Le rôle de l'institutionnalisation dans la pérennité du pouvoir et de l'Etat.

L'institutionnalisation assure la permanence et la continuité du pouvoir de l'Etat. la durée et la permanence du pouvoir et de l'Etat ne sont pas garanties sans l'institutionnalisation. Pour que le pouvoir subsiste et se transmette, il faut qu'il dépasse le stade individuel pour atteindre celui d'impersonnalisation. Reprenant Bossuet, il écrit : « O princes, vous mourrez, mais votre Etat doit être immortel »81(*). Sans l'institutionnalisation, les gouvernements ainsi que les sociétés qui se veulent Etats ne sont que les phénomènes éphémères dans l'histoire.

Dans une société étatique, le pouvoir institutionnalisé, existe en lui-même, indépendamment de ses supports. La personne, le collège, l'Assemblée, le peuple en corps assurent l'autorité, mais ne se confondent pas avec elle. Tel individu, telle collectivité peuvent perdre le pouvoir. Il ne cessera pas d'exister en lui-même82(*). C'est aux cimes de cette noble pensée que les acteurs politiques africains et congolais doivent se hisser. C'est pourquoi nous écrivons.

III. Processus d'institutionnalisation et rôle du pouvoir institutionnalisé dans la formation de l'Etat.

Au début du siècle Max Weber, cité par D. Chagnollaud, a donné une définition célèbre de l'Etat entendu comme « une entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès, dans l'application de règlements, le monopole de la violence physique, légitime »83(*). L'Etat est ainsi une forme de pouvoir particulière, mais qui n'a pas existé de tout temps en occident84(*) mais qui a connu un processus lent de formation.

A. Processus d'institutionnalisation.

Comme l'observe Marcel Prélot, l'institutionnalisation est le fruit d'un long processus historique85(*).

De même G. Burdeau rappelle que l'institution étatique ne s'est pas affirmée tout d'un coup sur le plan des réalités juridiques ; elle ne s'est pas apparue à un moment précis, ayant réalisé d'emblée la plénitude et ses attributions et la perfection de sa technique.

Avec D. Chagnollaud, il y a lieu de rappeler le processus d'institutionnalisation constatée dans les transformations sociales (la décomposition de la féodalité), économique (le développement de rapports marchands), politiques (la volonté de pouvoir des princes), religieuses (la séparation progressive du pouvoir temporel, accordé par l'Etat, du pouvoir spirituel de l'Eglise)86(*).

L'aboutissement du processus d'institutionnalisation s'est traduite par l'émergence de notamment quatre principes qui ont profondément transformé les rapports du pouvoir et des gouvernés :

1°. - La dissociation progressive de l'Etat de la personne de ses dirigeants (princes, monarques).

Désormais, les gouvernants exercent une fonction au nom de l'Etat dont ils sont les organes. Sous la monarchie, la personne du roi se confond avec l'Etat (d'où la formule prêtée à Louis XIV, « l'Etat c'est moi »). Nous pensons que cette situation comme nous le verrons dans la seconde partie est similaire, celle des sociétés traditionnelles africaines et des certains pays africains contemporains, la République Démocratique du Congo inclus.

Mais, en occident, il s'est opéré avec le temps la distinction même relative entre le roi et la couronne, entre le patrimoine du premier et celui de la seconde, entre la fonction et son titulaire (ainsi des règles organisant la succession monarchique qui assurent la continuité de la fonction royale au delà de la disparition physique du monarque)87(*).

2°. - L'action des gouvernants est soumise à des règles.

L'action des gouvernants comme de ceux placés sous leur autorité (les fonctionnaires) s'effectue non en fonction de leur bon plaisir, mais en vertu de règles générales, stables, impersonnelles, obligatoires, organisant leurs attributions et les limitant.

3°. - L'Etat a le monopole de la contrainte légitime.

L'Etat institution différenciée de la société, est doté d'un appareil administratif et répressif qui va, progressivement, assurer son autorité exclusive sur un territoire. Il a le monopole de la contrainte, c'est-à-dire, si besoin par la force (ce qui exclut, par exemple, la justice privée) dont l'usage est légitime.

4°. - Les règles de l'Etat sont consenties par les gouvernés.

Les dispositions, fixant le statut des gouvernants et plus largement celui des agents de l'Etat, comme celles visant les gouvernés ; font l'objet d'un consentement formel de ces derniers dans les Etats démocratiques. Pour nous, le mérite de ces principes c'est leur objectivité et leur neutralité par rapport au souci de vérification de l'institutionnalisation d'une forme de pouvoir ou d'une forme de société. Ils peuvent nous permettre un essaie d'application aux pays africains, et au Congo-Kinshasa, en vue de mesurer objectivement leur degré d'institutionnalisation.

Ainsi comme la forme d'autorité adossée à un statut est un aboutissement ou, mieux encore, une solution qui, à l'expérience, s'est montrée adéquate à plusieurs problèmes que, dans un groupe politiquement évolué posent l'existence et l'activité du pouvoir. Il y a eu dit-t-il « l'adaptation de formes politiques à des besoins sociaux inédits. Mais l'adaptation n'est pas le fait du hasard, c'est la logique vécue »88(*).

B. L'impact du pouvoir institutionnalisé sur la genèse de l'Etat.

Un regard rétrospectif dans la société occidentale renseigne que le pouvoir considéré sous son apparence historique, c'est-à-dire des chefs a une large part dans la construction de l'Etat. La création de l'Etat, par le fait de la mutation du pouvoir n'est pas une génération spontanée. L'institutionnalisation implique que l'idée dont elle est tributaire ait de l'emprise sur les consciences et crée un environnement favorable. G. Burdeau affirme que l'institutionnalisation est ainsi « le résultat d'un phénomène de psychologie collective »89(*).

Il explique le rôle des chefs, détenteurs du pouvoir de fait dans la création de l'institution étatique.

Nous suivons ce rôle à trois niveaux, avec G. Burdeau. D'abord la recherche de la légitimité par le chef pour se purifier du phénomène de force auquel il doit sa situation prépondérante ; ensuite la recherche de la continuité du pouvoir pour assurer sa succession, et enfin la recherche de la supériorité de ses compétences sur les autres, relative au problème de la souveraineté.

1. La recherche de la légitimité.

En dehors de l'institutionnalisation au sens où nous venons de l'expliquer, il n'existe pas de solution au problème de la légitimité. Or il s'agit d'un problème aussi grave pour les gouvernés qui doivent subir les caprices d'un pouvoir arbitraire, que pour le gouvernant qui doit souffrir à chaque instant des menaces des pouvoirs concurrents susceptibles de mettre définitivement un terme à son pouvoir.

L'avantage de l'institutionnalisation est de purifier le pouvoir quelle que soit sa source du péché originaire. G. Renard cité par Burdeau, constate à juste titre, qu'il y a toujours quelques traces de force à l'origine du pouvoir ; or dans l'institution ce péché est effacé, le vice du point de départ ne réfléchit pas jusqu'au point d'arrivée : il se produit une purification en cours de route »90(*). C'est pourquoi, même le chef le plus despote est préoccupé par un minimum d'idée de droit, c'est-à-dire institutionnelle. Mais non pour favoriser une construction juridique de l'Etat mais pour placer son titre à l'abri de revendications des rivaux redoutables d'une défaillance de la force ou d'un abandon de la chance91(*). C'est mus par cette préoccupation, comme l'explique P. Mesnard cité par G. Burdeau, que les gouvernants doivent donc inventer et faire accepter par le groupe, un fondement de leur légitimité qui mette leur situation à l'abri de l'instabilité92(*).

Ainsi, la légitimation du pouvoir monarchique en Europe occidentale n'eut pour solution que de rattacher directement les prérogatives du principe au droit valable dans la communauté. Ce fut l'unique solution susceptible d'assurer l'exercice du pouvoir sans en compromettre son indépendance.

L'évolution à signaler est que par la force des choses, le prince devait se tourner vers l'idée que le droit crée la légitimité et admettre que le pouvoir n'était pas un effet des qualités personnelles des gouvernants, mais une conséquence de l'idée de droit elle-même, son prolongement en quelque sorte93(*).

Il en est résulté que le pouvoir devenait une entité abstraite exigeant un support de même nature. Ce support c'est l'institution étatique.

2.La recherche de la continuité du pouvoir.

La durée du pouvoir comme sa légitimité est aussi la hantise des gouvernants. Historiquement les chefs détenteurs originaires du pouvoir ont cherché à résoudre ce problème en créant une hérédité dans leur famille pour mettre le pouvoir à l'abri des compétitions.

En France, la continuité du pouvoir s'est introduite avec les premiers capétiens. Mais la continuité fut bien précaire car de fait. Plus tard, elle se consolidera au moment où le Roi obtint que, le Roi régnant encore, le sacre fut considéré à son fils aîné. Comme l'observe Fr. Ozamam, cité par Viollet, une signification nouvelle94(*) : celle que le Roi sanctionnait la dévolution du pouvoir conformément au statut organique de l'institution. Le Roi n'est plus le titulaire de la puissance souveraine, il n'en est que le dépositaire.

Dans la souveraineté et les limites du pouvoir monarchique du XVè siècle, M. David montre que « pour connaître ce titulaire, il faut imaginer l'institution, car c'est en elle que le pouvoir trouve son véritable siège. Le sacre est alors l'acte d'investiture des gouvernants, celui en vertu duquel leur est dévolu l'exercice d'un pouvoir antérieur et supérieur à eux »95(*). On peut facilement comprendre que l'hérédité a pu être érigée en loi fondamentale du royaume. Lhommeau estime à juste titre que l'hérédité exprime, en effet un véritable principe constitutionnel en ce sens que, d'une part, elle s'appuie sur l'existence objective du pouvoir, c'est-à-dire de l'Etat, et d'autre part, fonde l'autorité légale des gouvernants96(*).

Nous découvrons comme beaucoup l'admettent que l'empirisme organisateur qui fut la méthode des rois de France a porté une pierre à l'édifice qui devait leur survivre. Avec eux une idée qui ne serait pas ruinée par la chute de leurs dynasties comme le dit Burdeau avait germé : l'idée de l'Etat. « Prodige de la science théorique, allié à une connaissance jamais dépassée du coeur de l'homme et des nécessités du gouvernement, la notion d'Etat, à laquelle il n'est pas un esprit cultivé du IVème siècle qui n'ait apporté sa contribution, était définitive parce que fondée sur les données immuables de la vie politique »97(*).

3. La recherche de la souveraineté.

Ici se pose le problème de supériorité des compétences des gouvernants sur toutes forces rivales éventuelles. Dans un régime de pouvoir individualisé, le chef ne pourra imposer ses volontés, en cas de résistance des gouvernés ou des groupes secondaires qu'en les faisant prévaloir par la force. Ces décisions ne priment que par la situation personnelle de l'individu dont elles émanent. Cette situation est extrêmement fragile. Ainsi pour que les gouvernants assurent d'une façon indiscutable leur monopole dans le pouvoir de décision, il leur faut en chercher la source ailleurs que dans une qualité particulière de leur volonté. Et c'est par l'affirmation de la solidarité entre l'idée de droit et le pouvoir que les gouvernants ont pu faire prévaloir la supériorité de leur compétences. Sous cet angle, la solution désirée n'a été possible que par la construction juridique de l'Etat. C'est de cette construction que nous parlons pour l'émergence de l'Etat et pour sa stabilité au Congo-Kinshasa.

Pour que l'autonomie du Pouvoir fut définitivement acquise, il fallait que la supériorité inconditionnée des décisions gouvernementales trouve une justification qui dépassât la personnalité éphémère du monarque. L'institution étatique fournit précisément cette justification parce qu'elle représente l'ordre juridique requis par le service du bien commun, l'institution fonde l'imperium du Roi. Ainsi c'est sur la concordance entre la finalité du pouvoir et celle de l'idée de droit que repose la supériorité de la volonté des gouvernants.

C. L'acte d'institutionnalisation.

Nous convenons avec G. Burdeau que l'acte d'institutionnalisation est l'acte créateur de l'Etat.

La question de savoir par quel acte s'opère l'institutionnalisation du Pouvoir est pertinente dans la mesure où elle permet de comprendre les caractères généraux, sa nature juridique et ses effets. Cela est d'autant plus important que dans l'acte d'institutionnalisation, il est possible de voir l'incidence du droit sur la formation et la stabilité de l'Etat de peser le poids de la constitution sur l'émergence et le suivie de l'Etat.

1. Les caractères généraux de l'acte d'institutionnalisation.

L'institutionnalisation du Pouvoir est l'opération juridique par laquelle le Pouvoir Politique est transféré de la personne des gouvernants à une entité abstraite : l'Etat. L'effet juridique de cette opération, c'est la création de l'Etat comme support du Pouvoir indépendant de la personne des gouvernants d'une part et la distinction entre le pouvoir et les individus qui en exercent les facultés d'autre part98(*).

L'acte d'institutionnalisation opère ainsi une transformation du pouvoir considéré sans exagération comme un phénomène capital dans l'histoire des sociétés politiques, et l'on admet que l'institutionnalisation du Pouvoir permet, en effet, au groupe de poursuivre, selon une technique plus perfectionnée, la recherche du bien commun99(*).

2. La nature juridique de l'acte d'institutionnalisation.

Le problème est de savoir si l'acte d'institutionnalisation est un simple fait comme la conquête ou comme la différenciation entre gouvernés et gouvernants ou est - ce un acte juridique.

Dans le débat sur la genèse de l'Etat Carré de Malberg, observe qu'au point de vue juridique, la question de la formation de l'Etat n'est point de savoir quelles sont les causes profondes qui ont suscité l'Etat, mais bien quel est l'acte positif qui lui donne directement naissance. Or il est manifeste que cet acte ne peut être qu'un acte humain et, par suite, un acte de volonté humaine. Nous épousons le point de vue de ceux comme Malberg et Burdeau qui soutiennent que quels que soient les évènements historiques qui ont provoqué l'opération, celle-ci présente toujours des traits identiques : il y a création d'un support impersonnel des prérogatives du Pouvoir. L'acte d'institutionnalisation se traduit toujours sous la même forme qui est la constitution100(*). Et cette constitution est un acte juridique101(*). Cette position est compréhensible dans le sens que seule l'institutionnalisation, acte juridique explique la nature juridique de l'Etat. L'analyse des fonctions de la constitution au regard de ce que nous venons de dire sur l'institutionnalisation justifie bien le point de vue selon lequel l'acte d'institutionnalisation est de nature juridique.

D. Les fonctions constitutionnelles et l'institutionnalisation du Pouvoir.

En effet, la constitution est la source de légitimité, l'expression d'une philosophie politique et, elle définit le statut des gouvernants102(*).

1. La constitution, source de légitimité.

Quelques principes démontrent la validité de cette assertion :

- le fondement de l'autorité des gouvernants réside dans le fait qu'ils ont été désignés conformément à la constitution ;

- L'obéissance qui est due à leurs actes, procède, non de leur personne ou d'une source extérieure, mais de la constitution elle-même;

- Toute autorité investie conformément à la constitution donc toute autorité légale, est présumée légitime. Le consentement populaire à la constitution fait présumer de l'adhésion des citoyens à une autorité qui exerce ses pouvoirs en application de la constitution.

2. La constitution, statut des gouvernants.

Comme l'observe Jacqué, c'est la fonction la plus évidente de la constitution dont une simple lecture permet de rendre compte. La constitution institue les pouvoirs publics, fixe leurs compétences et règle leurs rapports. C'est donc en fonction de ces règles que l'on appréciera la légalité de l'action des pouvoirs publics103(*).

CHAPITRE II. L'AVENEMENT DE L'ETAT

L'Etat est-il un phénomène spécifique ou un phénomène commun à la nature humaine ? Si on admet la spécificité du phénomène étatique, on reconnaît par là que l'Etat n'est pas aussi vieux que le monde ni aussi rependu que l'espace. C'est aussi reconnaître avec Marcel Prélot que l'Etat est un phénomène humain localisé géographiquement, la carte étatique ou politique ne s'étant jamais superposé exactement à la carte physique du monde habité et habitable »104(*). Nous ne pouvons dire de l'Etat comme du droit : « ibi societas ibi jus »105(*).

Il importe de préciser :

- l'étymologie, et les sens du terme Etat ;

- les éléments constitutifs de l'Etat ;

- les théories sur La formation de l'Etat.

Le terme Etat vient du latin « status » traduisant une certaine position, celle d'être débout et aussi, l'idée d'une stabilité de situation. Ce vocable n'ayant pas à l'origine un sens précis prend une signification politique, grâce à l'adjonction du terminatif « Rei romanae » ou « Rei publica », l'état de la chose romaine, ou de la chose publique, ou encore l'état de la République. Au fil des temps le mot « status » sans son complément mais avec une majuscule se suffira à lui-même. C'est en Italie que le mot fut utilisé pour la première fois au XVème siècle par Nicolas Machiavel106(*) dans son ouvrage le « Prince » où il précise : « Toutes les dominations qui ont eu ou ont autorisé sur les hommes sont des Etats, et sont ou Républiques ou Principautés », « Tutti sono stoat e sono o Republiche o Principati » c'est de la sorte, explique Marcel Prélot que le terme « stato » s'introduit dans la langue moderne avec le sens qu'il conservera désormais de l'institution politique en soi située au dessus des régimes particuliers. Le mot stato se trouve bientôt transposé en allemand (straat) et en Anglais (state). Il se rencontre déjà dans l'oeuvre de Shakespeare, Hamlet où il est dit : « il y a quelque chose de pourri dans l'Etat du Danemark107(*) ». Quant au sens qu'il faut donner à l'Etat, on retient deux sens distincts : celui de l'Etat- Nation désignant la Nation elle-même et, celui de l'Etat - Gouvernement désignant l'ensemble des institutions gouvernementales d'une Nation108(*). Ainsi on parle respectivement du sens large et du sens restreint. L'Etat étant une abstraction par le concept ne serait pas perceptible sans ses éléments constitutifs.

Sans certains éléments, l'Etat ne serait nullement perceptible du fait de sa nature abstraite. Gaston Jèze disait : «Je n'ai jamais dîné avec l'Etat ».109(*)C'est vrai que nul n'a rencontré l'Etat car personne morale, mais comme le fait remarquer G. Burdeau, personne n'a jamais vu l'Etat, mais qui pourrait nier cependant sa réalité ? .Un certain nombre de signes (existence des gouvernants, des services d'un territoire, des cartes et le pointillé des frontières, une population, des règles obligatoires, un gendarme et un juge chargés d'intervenir en cas de violation de ces normes....) constituent autant d'approches conduisant à l'Etat, sans toutefois faire de l'Etat une phénoménologie tangible110(*). Comme le dit Burdeau, « l'Etat est au sens plein du terme, une idée » un concept que les juristes essayent de saisir à travers des éléments que certains qualifient de « constitutifs » et d'autres de « conditions d'existence ». Ces éléments sont le territoire, la population et le gouvernement effectif ou autorité publique (puissance publique). Pour Burdeau, les facteurs précités constituent les conditions d'existence de l'Etat. Il explique qu'en réalité quelle que soit l'importance du rôle joué par ces éléments dans la genèse et dans l'Etat lui-même, c'est déformer leur signification que de voir en eux des parties intégrantes de l'Etat. Il estime que d'anciennes et respectables habitudes d'esprit nous invitant à confondre l'Etat tantôt avec un territoire, tantôt avec la population, tantôt avec une combinaison de ces deux éléments unis sous une autorité commune sont des conceptions erronées111(*). Le même auteur déplore de fait que l'immense majorité des auteurs n'hésite pas à voir en eux les éléments constitutifs de l'Etat. Ainsi presque tous les traités de droit constitutionnel situent l'étude de la nation et du territoire sous une rubrique qui semble traditionnelle ; les éléments constitutifs de l'Etat112(*). L'observation de Georges Burdeau ne manque pas de pertinence car la confusion entre l'Etat et l'un des facteurs préalables à sa formation laisse voir l'Etat même là où il ne s'est pas encore formé. Nous croyons pour notre part que sans méconnaître le talent des auteurs congolais113(*) alignant l'étude du territoire, de la population et de l'organisation politique, sous le titre d'éléments constitutifs de l'Etat, il est préférable d'opter pour les conditions d'existences de l'Etat préconisées par Georges Burdeau. Pour nous, la raison en est simple, si les éléments précités pris isolement ou cumulativement étaient constitutifs de l'Etat au sens plein du terme, l'actuelle Palestine autant que les anciennes colonies seraient des Etats car toutes disposant d'une population, d'un territoire et dune puissance publique. En plus, comme l'observe Burdeau, l'Etat est concept et institution, ce que ne sont ni le groupe social, ni le territoire, lesquels préexistent à l'Etat et conditionnent son existence114(*).

Le Droit international public confirme également la théorie de trois éléments115(*), ainsi la Commission d'Arbitrage de la conférence pour la paix en Yougoslavie du 29 novembre 1991 a rappelé que « l'Etat est communément défini comme une collectivité qui se compose d'un territoire et d'une population organisée ». cette définition nous semble moins satisfaisante pour la raison que nous avons déjà avancée. Elle ne nous semble pas complète au point de rendre compte de la spécificité du phénomène étatique. Même en droit international public la doctrine va au-delà de ces trois éléments, tel que nous le verrons plus loin. Cependant, il est extrêmement utile de comprendre le rôle joué par le territoire, la population et la puissance publique dans la formation de l'Etat. La question qui mérite d'être posée est celle de savoir si un pays qui perdrait simultanément ces trois éléments ou circonstanciellement l'un d'eux peut conserver sa qualité d'Etat. La position prise par Burdeau offre un élément de réponse : « sans eux, l'Etat disparaît, non parce qu'ils sont sa subsistance, mais parce qu'il n'aurait plus sa raison d'être116(*). Nous débattrons de cette question dans la seconde partie consacrée à une sorte d'autopsie de l'Etat  « congolais ». Tour à tour, voyons ce que représente chacun des éléments précités.

Il importe de comprendre comment l'Etat se forme. Plusieurs théories sont élaborées. Elles tentent d'expliquer la genèse de l'Etat soit par la formation juridique, soit par la formation extrajuridique.

Section 1 : La formation juridique de l'Etat.

L'école qui soutient la thèse du fondement juridique de l'Etat englobe les auteurs pensant que l'Etat est une formation politique voulue et réalisée consciemment, donc d'origine conventionnelle117(*). Trois auteurs se sont rendus illustres dans la défense des théories dites du contrat : Thomas Hobbes et Jean Jacques Rousseau pour le contrat social et John Locke pour le contrat politique.

§1. La théorie du contrat social.
I. Selon Thomas Hobbes.

A. Présentation de la théorie.

Dans Léviathan paru en 1650, Thomas Hobbes explique : « les hommes sont égaux par nature. La nature a fait les hommes à ce point égaux en ce qui concerne les facultés du corps et de l'esprit que..... le plus faible en a assez pour tuer le plus fort, soit en usant de ruse, soit en s'alliant à d'autres qui sont menacés du même danger que lui... Il est donc ainsi manifeste que, tant que les hommes vivent dans une puissance commune qui les maintienne tous en crainte, ils sont dans cette condition que l'on appelle le guerre, et qui est la guerre de chacun contre chacun... »118(*).

Dans cette guerre permanente et générale Hobbes tire une autre conséquence ; l'absence des notions du droit et du tort, de la justice et de l'injustice. Dans la société qu'il décrit, il n'y a pas de loi. La force et la ruse y sont les deux vertus cardinales119(*). L'auteur assimile ici, le droit de la nature à « la liberté que chacun a d'user de sa puissance propre comme il l'étend, pour la préservation de sa propre vie. Et, que la condition humaine est une condition de guerre de chacun contre chacun, où chacun est gouverné par sa propre raison, et de ce que, pour préserver sa vie contre ses ennemis, il n'est aucun moyen qui ne puisse être de quelque utilité, il s'en suit que dans une telle condition, chacun a droit sur toutes choses, même sur le corps des autres... »120(*).

Ce qui nous intéresse ici, c'est l'observation des faits dans les pays africains qui semblent curieusement correspondre aux conditions pré-étatiques décrites par Thomas Hobbes. Il y a lieu de penser que certains pays de la sous- région africaine des grands lacs, le Burundi, le Rwanda et le Congo - Kinshasa auraient choisi de revivre l'Etat de nature. Cela étant, il est bénéfique de réfléchir sur les voies de sortie et, c'est ce que nous entendons poursuivre dans notre étude. Déjà Hobbes, fournit une explication qui pourrait être une proposition de solution possible.

Aussi poursuit-il son analyse :

« la justice et la propriété commencent avec la constitution de l'Etat... ». Avant donc que l'ont puisse user des mots « juste » et « injuste ». Il faut qu'il y ait une puissance coercitive d'une part, pour contraindre également les hommes à l'exécution de leurs pactes par la terreur d'autre part, pour leur confirmer la propriété de ce qu'ils acquièrent par contrat mutuel en compensation du droit universel qu'ils abandonnent ; et, une telle puissance il n'y a en a point avant l'établissement de l'Etat.

L'Etat est présenté comme un homme :  « homme - Etat », un homme puissant à qui tous les membres de la communauté abandonnent leurs droits et leurs libertés. L'homme - Etat, le Léviathan est souverain absolu. Dans la deuxième partie de son oeuvre Thomas Hobbes montre que la naissance de l'Etat se fait par un pacte créateur121(*).

B. Portée et limites de la théorie.

La théorie de Hobbes a influencé largement le XVIIè siècle, surtout en France où elle fut exploitée par Bossuet pour donner un fondement doctrinal à la monarchie absolue de Louis XIV122(*). Cette théorie a suscité bien de critique parmi lesquelles nous retenons celle que le pacte créateur de l'Etat dont parle l'auteur est loin d'être un contrat, car le Léviathan prend tout le souverain qui serait l'une de partie au contrat, prend tout, tandis que les sujets renoncent à tout. Il n'y a ni concours de volonté comme dans un contrat classique ni égalité de liberté. La théorie du Léviathan sera exploitée et complétée par Jean - Jacques Rousseau.

II. Selon Jean Jacques Rousseau.

A. Exposé de la théorie.

Comme Thomas Hobbes, Jean Jacques Rousseau part également de l'Etat de nature. Dans le « contrat social » Jean Jacques Rousseau explique l'état naturel des hommes où à l'origine tous étaient égaux, libres, indépendants et bons. Parlant de premières sociétés. Il dit : « la plus ancienne de toutes les sociétés, et la seule naturelle, est celle de la famille : encore les enfants ne restent liés au père qu'aussi longtemps qu'ils en ont besoin. Dès qu'il cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants exempts de l'obéissance qu'ils devaient au père ; et le père exempt des soins qu'il devait aux enfants, rentrent tous également dans l'indépendance. S'ils continuent de rester unis, ce n'est plus naturellement, c'est volontairement ; et la famille elle - même ne se maintient que par convention. Cette liberté commune est une conséquence de la nature de l'homme. Sa première loi est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu'il se doit, à lui et sitôt qu'il est en âge de raison, lui seul étant juge des moyens propres à le conserver, devient par là son propre maître123(*). Pour Rousseau, la famille est premier modèle des sociétés politiques : le chef étant l'image du père, le peuple l'image des enfants et tous étant nés égaux et libres n'aliènent leur liberté que pour leur utilité124(*). Parlant d'un tel postulat, l'auteur s'interroge sur le paradoxe que l'homme né libre soit partout dans les fers. En cherchant une explication, il montre que c'est la propriété privée, engendrée par l'invention de la métallurgie, et de l'agriculture, qui va dénaturer l'homme en suscitant inégalement, richesse et misère, rivalités et passions, introduisant ainsi le malheur dans l'état de nature. La nécessité du contrat social apparaît lorsque les hommes sont « parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation dans l'état de nature l'emportent par leur résistance sur les forces que chaque individu peut employer pour se maintenir dans cet état125(*) ».

Sentant la nécessité qu'il y avait à mettre en commun la gestion de leurs intérêts, les hommes ont renoncé à leur liberté de plein gré par un accord général que Rousseau appelle le contrat social qui est le fondement de l'Etat. L'Etat serait ainsi l'association politique librement formée par les participants au contrat social, la souveraineté de l'Etat, c'est la volonté générale des contractants, la somme de leurs volontés individuelles ; les libertés ou droits individuels seraient cette part de la liberté primitive qui n'aurait pas été restituée par le corps social126(*).

B. Critique de la théorie.

L'un de grief fait à la théorie de Rousseau est l'absence des traces historiques du contrat social.

§2. La théorie du contrat politique de John Locke.

I. Exposé de la théorie.

John Locke (1632 - 1704) s'efforce d'expliquer le pouvoir politique, partant de l'Etat de nature à la société civile. Dans « essais sur le pouvoir civil », John Locke dit que pour bien comprendre ce qu'est le pouvoir politique et pour remonter à sa source, il faut considérer l'Etat dans lequel tous les hommes se trouvent naturellement : c'est un état de parfaite liberté, là ils règlent leurs actions et disposent de leurs biens et personnes ; ils l'entendent dans les limites de la loi naturelle, sans demander d'autorisation, ni dépendre d'aucune autre volonté humaine, c'est aussi un état d'égalité, dans lequel tout pouvoir et toute juridiction sont réciproques, personne n'en ayant plus qu'un autre...127(*). Il enchaîne qu'il n'y a de société politique que là et là seulement où chacun des membres a renoncé à ce pouvoir naturel, et l'a cédé à la communauté pour tous les cas où il ne lui est pas possible de recouvrir à la loi établie par elle.... c'est ainsi que l'Etat en vient à détenir le pouvoir de fixer le châtiment dont il juge convenable de sanctionner les différentes transgressions commises parmi les membres de cette société, ce qui constitue le pouvoir de faire des lois : il possède en même temps celui de venger le tort fait à l'un de ses membres par quelqu'un qui ne l'est pas, c'est le pouvoir de paix et de guerre.... En conséquence, chaque fois qu'un certain nombre d'hommes, s'unissant pour former une société, renoncent, chacun pour son compte, à leur pouvoir de faire exécuter la loi naturelle et le cèdent à la collectivité, alors et alors seulement naît une société politique ou civile.... Les hommes sortent donc, de l'Etat de nature et forment une société civile, lorsqu'ils instituent un juge qui ait autorité pour régler les litiges et réparer les torts susceptibles d'être faits aux membres de celle-ci.... Il est clair, dès lors que la monarchie absolue, considérée par certains comme le seul gouvernement au monde, est en fait incompatible avec la société civile, et qu'elle ne peut même pas, par suite, constituer une forme de pouvoir civil128(*).

Poursuivant son analyse, Locke explique que dans une société civile personne ne peut se soustraire aux lois qui la régissent. Il montre que grâce au consentement de chaque individu, ils ont formé une communauté, en constituant du même coup, celle-ci en un corps, avec le pouvoir d'agir comme un seul corps, et que cela n'est possible que par la volonté et la décision de la majorité de ses membres129(*). Les membres de la communauté conviennent ainsi de former un corps politique soumis à un gouvernement, chacun s'engage, vis-à-vis de chaque membre de cette société, à se soumettre à la décision de la majorité et à se laisser diriger par elle. Il faut voir ici, une délégation de pouvoir résultant de la simple convention de former une société politique qui constitue l'unique contrat nécessaire des individus entrent dans un Etat ou en créent un nouveau.

Plus que Hobbes et Rousseau, Locke procède, d'après nous, à une analyse mieux étoffée en ce qu'elle permet une compatibilité entre le processus de la formation de l'Etat société politique ou civile et le concept de liberté. Il émet des hypothèses théoriques qui nous semblent bénéfiques dans l'appréciation du processus de formation des « Etats africains » et surtout de l'«Etat » au Congo-Kinshasa. Il est important de saisir toute la partie de ce qu'il dit ailleurs : « ainsi ce qui donne naissance à une société politique, ce qui l'institue effectivement, n'est autre chose que le consentement par lequel un certain nombre d'hommes libres, prêts à accepter le principe majoritaire, acceptent de s'unir pour former un seul corps social. C'est cela et cela encore qui pourrait donner naissance à un gouvernement légitime »130(*).

En résumant la théorie de Locke, il y a lieu d'établir un rapport entre le contrat social et le contrat politique. Ainsi, le contrat social serait une entente entre les futurs sujets de l'Etat se mettant d'accord, à un moment donné, pour abandonner leur liberté et établir, au dessus d'eux, le pouvoir politique, ce qui est malaisé à croire. Le contrat politique serait au contraire, seulement un accord entre personnages ou corps politiques constituant déjà des cadres sociaux de la nation ou des organisations sociales antérieures à l'Etat, qui s'entendent pour établir un pouvoir politique, central et créer un Etat131(*).

II. Appréciation critique de la théorie.

La théorie de John Locke a beaucoup influencé les révolutionnaires en Angleterre, aux Etats-Unis et en France du XVIIè au XVIIIè siècle. Son explication semble confirmée par certains événements historiques. On citera à titre d'exemple, la Grande Charte que Jean sans Terre en Angleterre, conclut en 1215 avec les Barons féodaux. On peut citer également, l'exemple des anciennes colonies britanniques de l'Amérique du Nord, qui ont crée une confédération, transformée ensuite en une fédération en 1787 ; on cite enfin la charte française de 1830, présentée à la suite d'une entente entre le Duc d'Orléans, qui allait monter sur le trône sous le nom de Louis - Philippes, et les assemblées législatives de la restauration, chambres des pairs et chambres des députés qui étaient restées en place132(*). Bien que plus proche de la réalité, la théorie de Locke n'a pas manqué de susciter quelques critiques.

Le professeur Marcel Lihau observe : « des contrats politiques ont existé, mais ils ont eu un caractère accidentel : tous les Etats ne sont pas issus de ces contrats. D'ailleurs,... on peut se demander si ces contrats n'ont pas été plutôt à l'origine des régimes politiques (c'est - à - dire de la façon d'aménager l'Etat) que des Etats eux- mêmes »133(*).

D'autres griefs sont faits à la théorie de Locke en ce que même en admettant l'existence des contrats politiques à certains moments de l'histoire, ces contrats ont très vite perdu leur caractère contractuel et ont été traité comme des lois. Sous cet angle, on considère que dès la fin du XVIIIème , la Grande Charte était perçue comme vieille et véritable coutume, sur laquelle les héritiers des contractants n'avaient pas le droit de pouvoir134(*) ; De même, estime-t-on, le soi-disant caractère conventionnel de la constitution de 1787 n'a pas empêché les Etats du Nord, en 1861, de s'opposer à la sécession des Etats du Sud et de leur imposer par la force, après une guerre de cinq ans, de rester dans l'Union et la Charte française de 1930 a été appliquée comme une loi aussitôt après son établissement135(*).

A notre avis, ces critiques ne suffissent pas à conclure au rejet de la théorie du contrat politique de la même manière que celle du contrat social comme le font certains publicistes136(*) car si à l'origine les actes apparemment ou fondamentalement contractuels trouvent une exécution plus ou moins renforcée dans les générations futures, cela ne devrait pas servir de mesure au caractère contractuel originaire. En plus, l'impact du contrat ou pacte politique sur la mutation, de la société naturelle, à la société politique nous paraît évident. Parmi les publicistes et d'autres auteurs qui ont apprécié les théories sur la genèse de l'Etat, et plus particulièrement sur les thèses contractuelles, Burdeau nous semble-t-il, est allé bien plus loin et a été plus complet. Tout en reconnaissant avec d'autres, l'incapacité des idées de Rousseau et de Hobbes de rendre compte de la formation de l'Etat, il voit derrière l'idée du contrat une intuition exacte. C'est que l'Etat n'est pas brutalement imposé par une loi naturelle ou par la force de quelques uns ; il est une oeuvre des hommes. OEuvre plus ou moins volontaire sans doute, mais qui réclame, sinon de tous une participation active, du moins un consentement, une adhésion. Des théories du contrat, Burdeau estime que c'est là ce qui doit être retenu137(*). C'est aussi notre avis. Dans la réflexion qui nous préoccupe, à savoir l'émergence et la stabilisation de l'Etat en Afrique en général et au Congo-Kinshasa en particulier, il est important d'avoir présent à l'esprit, le rôle primordial de la volonté humaine dans la construction de l'Etat. Sans anticiper, nous voulons ainsi dire que l'Etat ne peut se créer ni par baguette magique à coup de décret, d'ordonnance ou des lois fondamentales non voulues, ni par la force. C'est là une idée qui peut bien être exploitée par les gouvernants et les gouvernés pour la consolidation des Etats africains. D'autres facettes de la thèse du contrat explorées par Burdeau bien que révélant beaucoup de limite, n'offrent pas moins des pistes de réflexion utiles. Aussi, découvrons avec lui la première figure du contrat social, le « pactum subjectionis »138(*). L'idée du pactum subjectionis, « pacte de sujétion »139(*) fut celle de l'Eglise affirmant que le pouvoir vient de Dieu par le peuple selon la formule attribuée à Saint Paul : « omni potestas a Deo per populum ». une fois adoptée par les publicistes, cette doctrine donna naissance à l'idée d'un contrat de souveraineté par lequel la collectivité transférait ou aliénait ses droits à un souverain, à des conditions à propos desquelles d'ailleurs, selon Gierke140(*) régnait une grande imprécision. La caractéristique de ce contrat, est qu'il est politique et non sociologique, « pactum societatis ». ce contrat fonde l'Etat et non la société. L'avantage de cette idée est que lorsqu'au XVIème siècle, les Monarchomaques en firent le pivot de leur théorie politique, c'est par le pacte de sujétion qu'ils expliquèrent la position respective du peuple et du monarque en même temps qu'ils en firent le fondement de leurs droits et devoirs respectifs. Mais lorsque une partie des publicistes141(*) du XVIème siècle et les Jésuites de XVIème siècle Bellarmin, Molina, Mariana, Suarez, l'utilisèrent tantôt comme un instrument d'absolutisme tantôt comme une arme contre le pouvoir civil, la théorie du pacte subjectionis aboutit à un échec pour servir d'instrument à la formation de l'Etat. Néanmoins, elle a un mérite bien supérieur à bien des théories sur l'explication de la genèse de l'Etat : ce que d'une part, elle distinguait clairement la formation de la société, de la formation de l'Etat. Burdeau observe que cette distinction demeure cependant à la base de toute théorie juridique de l'Etat142(*). Et, d'autre part, dans sa dernière forme, la conception du contrat de souveraineté subordonne l'accord du peuple et du souverain à la considération d'un but à l'égard duquel ils sont solidaires143(*). Ici apparaît, une idée utilement exploitable qu'il importe de retenir dans la thèse des Monarchomaques : la place faite à un but social qui déclenche la soumission du peuple et provoque l'acceptation du monarque. L'exigence du « bien commun » à laquelle sujets et souverains sont également subordonnés est un élément important dans le processus de développement et de la stabilité de l'Etat. Expliquons mieux cette idée avec Burdeau car nous comptons en tirer bénéfice dans l'observation du phénomène congolais. L'idée essentielle de la doctrine est que « la finalité du groupe conditionne l'attitude du pouvoir ».  Ni la volonté du groupe, ni celle du pouvoir ne peuvent, par déterminations égoïstes fonder l'Etat. Elles ne le peuvent pas davantage par un marché où n'entrerait que le souci d'un avantage particulier. C'est par l'adhésion à une commune idée de l'avenir, désirable pour tous, qu'elles s'engagent sur la voie qui conduit à l'Etat, car alors leur entente est scellée par la décision de sauvegarder l'intégrité de l'idée tout en accentuant, par une technique appropriée, son empire sur le groupe144(*).Cette réalité semble une utopie dans nombre des pays africains La République Démocratique du Congo inclut ; la poursuite du bien commun est bien loin d'être le sens du pouvoir des gouvernants qui se préoccupent d'abord d'intérêt particulier.

Du point de vue du bien commun ou de l'intérêt général, vu par les gouvernants et les gouvernés que peut - on dire de l' Afrique subsaharienne et du Congo-Kinshasa ? De même quel souci a-t-on d'une idée de l'avenir commune selon, le modèle, ci explicité de Monarchomaques, en Afrique ? la représentation que se font les membres d'une société sur ces deux questions, selon qu'elle est positive, et d'une certaine importance pour les gouvernants surtout, et pour les gouvernés, est un facteur indispensable à la formation et à la survie de l'Etat.

§ 3. La théorie de la fondation et de l'institution

I. Exposé de la théorie.

Cette théorie a été organisée en grande partie par Maurice Hauriou. Il part de la constatation que l'Etat présente tous les caractères d'un organisme social structuré145(*).

Pour le doyen Hauriou, l'Etat est un organisme social structuré.

Son fils André Hauriou résume en ces termes l'idée de son père : « l'Etat est un groupement d'individus, dirigé par un gouvernement central au nom d'une idée d'entreprise, qui est la réalisation d'un certain ordre social et politique, dont les sujets de l'Etat sont les bénéficiaires ».

Le fondement de l'Etat est caractérisé par trois éléments : une idée d'entreprise qui consiste en la réalisation d'un ordre social et politique ; un pouvoir organisé et exercé par les organes de l'Etat ; les bénéficiaires de l'entreprise, c'est-à-dire les individus, sujets de l'Etat et tous ceux qui résident sur son territoire. La conjugaison ou réunion de ces trois forment une entreprise, une institution.

A la différence d'un contrat où il y a croisement de volonté, ici il y a concours de volontés vers la réalisation d'un même but : l'entreprise ou l'institution146(*). Les partisans de la théorie de l'institution ou de la fondation estiment que l'erreur de Jean-Jacques Rousseau et les partisans du contrat social ou même du contrat politique est une généralisation abusive de l'idée du contrat qu'ils voient partout où il y a d'éléments consensuels.

Pour Maurice Hauriou, l'Etat se forme par le processus suivant : des individus conçoivent l'idée d'entreprise et les moyens à mettre en oeuvre pour la réaliser, ils fondent un organisme par des procédés juridiques qu'ils trouvent à leurs position dans le droit existant et ils recrutent ensuite des adhérents pour les aider dans la réalisation de leur entreprise. Le groupe fonctionne alors avec cet ensemble complexe : idée directrice, pouvoir organisé, groupe d'individus intéressé à la réalisation de l'idée et il constitue ce qu'on appelle une institution147(*). Pour lui, cette opération qui se réalise tous les jours sous nos yeux pour les sociétés ou les associations, est celle qui est intervenue pour la formation des Etats. A titre d'illustration, on cite quelques exemples historiques : la naissance de l'Etat anglais résulte d'une fondation qui a été instituée par Guillaume le conquérant et par ses barons ; on cite aussi pour le Bangladesh, Mujibur Rahman, le père du Bangladesh, l'homme - nation, et les Etats nés de la décolonisation. Il est admis que la décolonisation s'opère pacifiquement, la fondation entre l'ancienne puissance coloniale et les animateurs de l'entité étatique en gestation148(*).

II. Critique de la théorie.

Comme toutes les autres théories, celle de Maurice Hauriou n'est pas exempte des critiques149(*).

En ce qui nous concerne, ces critiques relatives à la position de Maurice Hauriou sur la différence entre le contrat et l'institution ainsi que d'autres griefs fait à sa théorie présentent moins d'intérêts. Nous retenons comme dans d'autres théories les idées susceptibles d'aider à la consolidation de la collectivité étatique en Afrique subsaharienne et au Congo-Kinshasa. Ici encore il y a lieu de bien retenir l'idée de la volonté humaine concourant à la réalisation d'un objectif commun. L'observation des faits sociaux et politiques en Afrique et au Congo-Kinshasa, depuis les décolonisations, confirme-t-elle ou non l'existence de cette idée d'entreprise chère à Maurice Hauriou ? cela serait déjà un bon engagement de la part des « fondateurs », « adhérents », « bénéficiaires » africains ou congolais. Il est prématuré de vouloir apporter une réponse sur cette question qui sera examinée concrètement après avoir analysé les thèses du fondement extra - juridique de l'Etat. L'Etat fait insusceptible de qualification juridique.

Section 2. Formation extra juridique de l'Etat.

Il y a bien une tendance à rejeter hors du droit la formation de l'Etat150(*). On parle alors du fondement extra-juridique de l'Etat151(*).

Il n'est pas étonnant qu'il en soit ainsi dès lors que presque toutes les branches des sciences sociales semblent intéressées par la question de la genèse de l'Etat. Historiens, sociologues, juristes, philosophes en revendiquent l'examen à titre égal. D'où la multiplicité des solutions proposées. Dans une approche théorique, nous jugeons utile de présenter les thèses contraires à celles qui venaient d'être exposées sur le fondement juridique en vue d'un débat plus élevé sur la question de l'existence ou non de l'Etat et de son application pratique en Afrique subsaharienne. Nous rappelons que cette question est fondamentale car préalable aux différentes pistes de solutions. Pour revenir aux auteurs qui envisageaient l'Etat comme un phénomène soustrait à toute qualification juridique, ils affirment que l'Etat est le naturel produit spontané des forces qui ont contribué à la cohésion du groupe et de sociabilité qui incitent les hommes à vivre en communauté152(*). Beaucoup d'auteurs se rallient à cette thèse153(*). Il convient de signaler la distinction que fait Bluntschli, entre les modes originaires de formation de l'Etat et les modes secondaires et dérivés ; les seconds ne concernent que les Etats composés, Etats fédéraux ou fédérations. Pour les premiers, il fait monter leur origine aux temps les plus anciens puisqu'il évoque la fondation de Rome et l' « Etat » juif de la Bible.

Quant à Maurice Hauriou dont nous avons déjà parlé, Burdeau estime que sa théorie doit être rattachée aux thèses du fondement extra - juridique de l'Etat car d'après Georges Burdeau, il rattache la formation de l'Etat à un phénomène naturel154(*) qui est le consentement coutumier. Dans l'appréciation de l'oeuvre de Hauriou, Georges Burdeau observe que comme ce consentement ne peut apparaître que dans un groupe déjà unifié, le phénomène historique capital dans la genèse de l'Etat est la formation ethnique d'une communauté nationale. A ce propos, Burdeau observe qu'il existe pourtant une imprécision dans l'attitude d'Hauriou à cet égard car il semble également admettre à l'origine de l'Etat, un acte juridique de la nature de fondation. Burdeau pense que ce flottement dans sa doctrine est dû à ce qu'Hauriou ne parvient pas à prendre définitivement parti entre le point de vue historique et le point de vue juridique de l'origine de l'Etat.

Pouvons-nous penser que c'est ce flottement qui déroute au point que certains auteurs comme le professeur Mpongo, E., classe la théorie de la fondation et l'institution dans la catégorie du fondement juridique155(*) tandis que d'autres comme le professeur Ntumba Luaba la place dans la rubrique du fondement extra - juridique de l'Etat ?156(*). Pour nous, comme on peut le constater, nous estimons que l'institution, la fondation ou l'entreprise n'est possible que par le droit. C'est pourquoi la théorie de Maurice Hauriou est reprise dans les thèses de la formation juridique de l'Etat.

On regroupe les thèses non conventionnelles de la fondation de l'Etat ou les théories extra - juridiques de l'Etat en trois : la théorie du fondement sociologique, la théorie de la création de l'Etat en dehors du droit, la théorie marxiste du fondement de l'Etat et le positivisme juridique.

§1. La théorie du fondement sociologique et du conflit.
I. Exposé de la théorie.

De Polybe à Duguit157(*) beaucoup d'auteurs ont cru trouver l'explication de la genèse du phénomène étatique dans un Etat de chose résultant d'un conflit qui, à un moment de l'histoire, aurait opposé les groupes primitifs158(*). L'école du conflit est défendue par les sociologues et les historiens qui considèrent que la formation des Etats est le résultat tantôt de la conquête, tantôt de l'hétérogénéité culturelle dans une aire géographique d'une certaine étendue, tantôt des tensions politiques entre tribus ou gens antiques et vivant primitivement, en bonne intelligence159(*). Dans son ouvrage intitulé « Anthropologie politique paru en 1967 », Georges Balandier160(*) soutient que la formation des Etats est le résultat d'un processus naturel souvent violent, quelque fois pacifique, mais en tout cas, l'idée de l'Etat n'est pas le moteur de l'action.

De manière accessoire, les partisans de la théorie du conflit voient, dans l'institution du droit de propriété le résultat de la conquête, car c'est lui qui, d'une part, affirmé au profit des vainqueurs, sanctionne leur suprématie et, d'autre part, donne au travail auquel est obligée la race asservie, sa signification économique comme facteur de l'interdépendance sociale161(*).

A travers diverses nuances, la doctrine du conflit conserve un fond commun dans l'affirmation que l'Etat est le résultat d'une stratification provoquée dans une collectivité par la différenciation entre une classe supérieure ou gouvernante et une classe inférieure ou gouvernée162(*).

Oppenheimer, un des théoriciens les plus autorisés de l'école du conflit montre en effet que le point essentiel de la doctrine c'est la négation de toute possibilité d'expliquer l'Etat par la stratification sociale qui se produirait à l'intérieur d'un groupe unique d'individus « libres et égaux ». Pour lui, il faut des vainqueurs et des vaincus, l'Etat étant alors la constitution sociale ayant pour but d'assurer la domination des gouvernants contre les révoltes de l'intérieur et les attaques du dehors163(*).

Donc, après toutes ces précisions, la conception du conflit peut reposer sur une trilogie. D'abord tout Etat est un Etat de classe, ensuite l'origine de l'Etat, résultant de la différenciation de fait entre deux groupes d'individus, ne saurait être expliqué juridiquement ; enfin c'est l'organisme étatique qui par l'établissement d'une hiérarchie, crée l'unité sociale du groupe vivant dans les limites territoriales de l'Etat, la communauté ne précède pas l'Etat.

II. Appréciation critique de la théorie.

La doctrine du conflit contient des idées exactes mais qui ne la mettent pas complètement à l'abri de certaines objections. Il est exact que cette thèse invoque des exemples historiques dont il serait difficile de contester l'authenticité, sinon la pertinence. Il est admis que la lutte des groupes, sinon toujours la conquête, entre pour une bonne part dans la situation de fait d'où procède l'Etat. L'Etat doit être précédé d'une discrimination entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent. Ici, la doctrine du conflit a l'avantage d'insister sur le rôle de l'organisation dans la genèse de l'Etat ; il est soumis incontestable que l'Etat est avant tout un ordre valable pour une certaine collectivité ; enfin cette thèse compte à son actif un souci de réalisme.

Quant aux objections, nous pouvons en prendre quelques unes.

D'abord il faut remarquer que la théorie du conflit ne rend pas compte de la formation de tous les Etats. Un grand nombre d'Etats sont hors de son champ d'explication, notamment les Etats de l'Amérique. Cela revient à n'expliquer que la formation des Etats anciens à l'exclusion des Etats modernes. Or il faut trouver une explication valable pour tous les Etats. Ensuite, on peut admettre que d'une part, il y a des conquêtes qui n'ont pas réussi à fonder un Etat, et d'autre part c'est un postulat que d'identifier la naissance de l'Etat avec un ensemble de phénomènes dont on peut, peut - être, dire qu'ils accompagnent l'apparition de l'Etat, mais dont on ne saurait affirmer qu'ils le constituent164(*).

D'aucuns considèrent que la méthode historique est à la base de cette insuffisance, car l'histoire interdit d'aller au delà des faits. Il s'en suit que l'apparition de l'Etat est un phénomène historique, mais que l'histoire ne l'explique pas tout entier. Aussi cette théorie a-t-elle beau avoir l'appui de sociologues et historiens, elle ne peut satisfaire les juristes. Ce n'est pas que les juristes cherchent absolument une explication qui leur soit propre, mais ils demandent que l'explication proposée fournisse un fondement acceptable aux problèmes que pose l'existence de l'Etat : critérium, nature juridique, autorité étatique 165(*). Plus loin Burdeau dira que l'explication recherchée pour la genèse de l'Etat devra, pour être acceptée, valoir pour tous les Etats166(*). Et pour cela la simple description historique ou des faits historiques est insuffisante, dominante ; c'est semble-t-il, se satisfaire d'une approximation. En outre, c'est rendre difficilement applicables, du moins au sens artificiel, les notions ainsi acquises aux formes modernes d'Etat.

Marcel Prélot rappelle que la thèse selon laquelle il y aurait Etat partout où il y a un groupe qui commande et un groupe qui obéit a suscité des vives protestations parmi les historiens et les juristes167(*). Lucien Febvre, pour sa part la qualifie de « confusion intolérable »168(*) considérant l'élément institutionnel du pouvoir comme facteur essentiel de l'émergence et de la stabilité de l'Etat nous ne pouvons nous rallier à cette thèse. Par contre, nous partageons à ce propos, le discours de Maurice Hauriou d'après lequel « il n y a d'Etat au sens précis et exact du terme qu'au moment où dans une population de civilisation déjà avancée le pouvoir politique, s'étant dégagé de tout élément étranger, notamment patrimonial, prend l'aspect d'une autorité souveraine s'exerçant sur des hommes libres. Celle-ci cesse d'être assimilable à une propriété privée ; le pouvoir du prince à un bien de famille. On doit donc réserver l'appellation d'Etat à la forme définie, qualifiée, perfectionnée, éminente de la collectivité politique, création de la volonté et de la raison humaines appliquant leurs efforts et leurs réflexion aux problèmes de l'organisation civique »169(*). Nous estimons qu cette thèse de Maurice Hauriou a l'avantage de fournir des critères susceptibles de confronter le phénomène africain et congolais au concept d'Etat moderne.

§2. La théorie de la création de l'Etat en dehors du droit et le positivisme juridique.
I. Exposé de la théorie.

Devant l'impossibilité où l'on s'est trouvé d'expliquer par le contrat la formation des Etats, certains auteurs juristes notamment Jellinek et Carré de Malberg ont soutenu que l'Etat se crée en dehors du droit170(*). Selon les auteurs, la fondation de l'Etat est un pur fait ne relevant d'aucune qualification juridique. La création de l'Etat découle des événements historiques qui se situent en dehors du droit. Carré de Malberg soutient que « la naissance de l'Etat coïncide avec l'établissement de sa première constitution écrite ou non, c'est-à-dire avec l'apparition du statut qui pour la première fois a donné à la collectivité des organes assurant l'unité de sa volonté et faisant d'elle une personne étatique »171(*).

II. Appréciation critique .

La théorie de Carré de Malberg soulève moins d'objections surtout dans le contexte des Etats nouveaux nés de la décolonisation où il y a presque la coïncidence entre la naissance de l'Etat et la constitution. Mais il est important de signaler certaines objections. Pour les cas des Etats originaires non issus de la décolonisation, d'aucuns s'interrogent sur le sort de ces pays avant l'apparition des constitutions. Les auteurs de l'école positiviste se rencontrent dans la solution adoptée quant au problème de la formation de l'Etat. Celle-ci est commandée par l'affirmation fondamentale selon laquelle il n'y a de droit digne de ce nom que dans l'ordre juridique positif, c'est-à-dire, pratiquement, dans l'Etat. La conséquence à tirer de cette affirmation serait que le droit étant postérieur à l'Etat, c'est-à-dire étant un résultat de la puissance de l'Etat, ne peut intervenir pour expliquer la formation de celui-ci172(*). le juriste n'a pas donc à rechercher l'origine de l'Etat qui ne peut être pour lui qu'un simple fait insusceptible de qualification juridique. Pour mieux comprendre le fond de l'école positiviste, il convient d'examiner le rôle qu'elle assigne à la constitution dans la formation de l'Etat. Avec Carré de Malberg et Kelsen, le positivisme conçoit la constitution comme le fait générateur de l'Etat, c'est là un point original par rapport à d'autres partisans de la formation naturelle de l'Etat qui confèrent le rôle de la formation de l'Etat tantôt aux circonstances individuelles, tantôt aux circonstances sociales ou historiques particulières, tantôt à l'influence du milieu physique de manière que l'institution étatique serait le résultat de diverses forces hétérogènes.

L'originalité de la théorie positiviste disons-nous est que sans nier l'action de différentes forces précitées, Carré de Malberg comme le montre Burdeau173(*) les unit en faisceau convergent qui aboutit à un fait précis, générateur de l'organisation de la collectivité. C'est que parmi les innombrables faits dont la résultante est l'Etat, le positivisme n'en retient qu'un comme véritable créateur au point de vue juridique, c'est la constitution174(*). Carré de Malberg fournit une explication qui nous paraît très intéressante pour la suite de notre pensée. Il explique que « ce fait générateur de l'Etat consiste précisément en ceci qu'un groupe national se trouve constitué en une unité collective en tant qu'à un moment donné il commence à être pourvu d'organes voulant et agissant pour son compte et à son nom. A partir du moment où elle est ainsi organisée d'une façon régulière et stable la communauté nationale devient un Etat ». Ainsi l'Etat doit son existence au fait qu'il possède une constitution peu importe qu'elle soit écrite ou non. Dès lors qu'existe un statut donnant à la collectivité des organes qui unifient sa volonté, l'Etat est né175(*). La doctrine kelsenienne confère le même rôle décisif à la constitution dans la formation de l'Etat. Selon Kelsen, l'Etat se confond avec le système des règles constitutif de l'ordre juridique176(*). Bien que confirmée par les faits historiques en ce qui concerne la formation des Etats nouveaux de la décolonisation, la théorie du positivisme juridique ne manque pas de susciter quelques critiques.

Pour l'appréciation critique nous retenons ainsi deux auteurs : Mpongo Bokako et Georges Burdeau.

Le professeur Mpongo apprécie la simplicité de la théorie de la création de l'Etat en dehors du droit. Mais estime que d'une part cette théorie est en contradiction avec les constatations historiques du fait que les constitutions n'apparaissent pas dans un processus normal, au moment de la naissance des Etats. Elles sont établies quand l'Etat est adulte, c'est-à-dire quand la nation prend conscience d'elle même et obtient du gouvernement à la suite d'un mouvement constitutionnel souvent de longue durée, que soient rédigées en forme solennelle le statut du pouvoir et les bases de la coexistence pacifique entre pouvoir et liberté dans le cadre de l'Etat177(*) comportant la théorie de l'école positiviste à la formation des Etats anciens, l'auteur s'interroge sur la valeur juridique des actes antérieures à la constitution. Faut-il considérer, dit-il, qu'aussi longtemps que la constitution n'existait pas ces actes n'existaient pas ?178(*) D'autre part, il pense que les partisans de cette théorie ont tort d'accorder trop d'importance aux mondes dans lesquelles sont coulées les opérations juridiques. Le fait que des opérations sont effectuées en des formes différentes de celles qui nous sont familières ne les empêche pas d'être juridiquement valables179(*). La pertinence de ces observations critiques n'altèrent pas totalement la consistance de la théorie de Carré de Malberg et Kelsen quant à leur incidence pratique sur la stabilité et la continuité de l'Etat découlant de son institutionnalisation et de sa personnification.

Pour sa part, Georges Burdeau néglige l'aspect de la critique tendant à qualifier la théorie positiviste d'une théorie de l'Etat sans Etat180(*). il retient le résultat de la théorie assimilant la naissance de l'Etat à l'apparition de sa constitution pour formuler deux objections majeures.

1°- la constitution ne peut créer l'Etat que si elle est un acte juridique. Georges Burdeau souscrit à la théorie qui voit dans la constitution le point de départ de l'Etat.

Mais il émet de réserves quant à la nature que les positivistes, en général, assignent à la constitution et de la raison pour laquelle Carré de Malberg, en particulier, voit en elle, l'origine de l'Etat. En effet, pour les positivistes, la constitution n'est qu'un fait parmi beaucoup d'autres. Elle n'a pas une nature spéciale en dépit du rôle décisif qu'elle joue dans la formation de l'Etat, puisqu'il n'y a pas de droit antérieur à l'Etat. disent-ils, l'établissement de la constitution ne peut relever d'aucun ordre juridique. Ici les positivistes admettent que une constitution élaborée en vertu des dispositions d'une charte précédente qu'elle abroge, sera bien un acte juridique. Mais qu'il faut remonter plus haut, jusqu'à la constitution primordiale, et là il n'y a plus de droit car le droit ne remonte au delà de la constitution initiale qui ne peut être par conséquent, « qu'un pur fait, réfracteur à toute qualification juridique »181(*). Selon Burdeau, dire ainsi que la constitution n'est pas de nature juridique parce qu'elle ne peut se réclamer d'aucun ordre juridique préexistant, c'est énoncer une des conséquences les moins acceptables du positivisme. En disant que la constitution initiale ne peut être un droit parce qu'elle crée le droit, Burdeau veut que l'on voit que cette affirmation condamne à la fois l'assimilation de la constitution à un fait et la doctrine qui légitime cette assimilation. Sur ce point Burdeau exprime sa critique en disant qu' «en réalité la constitution ne saurait se suffire à elle-même, elle est impuissante à créer le droit, car ce n'est pas le créer que de désigner l'autorité qui sera chargée de l'exprimer. S'il est vrai qu'elle est l'acte créateur de l'Etat, c'est dans la mesure où elle peut s'appuyer sur une donnée préalable qui est l'idée de droit préexistante. Acte juridique, elle explique tout, simple fait matériel, elle n'explique rien182(*).

2°- la constitution change le titre en vertu duquel agissent les organes existant.

D'après Carré de Malberg et les positivistes de son école, « la constitution initiale n'aurait ce privilège de créer l'Etat que pace qu'en elle la collectivité trouverait des organes capables de vouloir et d'agir pour son compte et en son nom. La constitution serait donc ainsi au sens plein du terme, une organisation de la collectivité nationale. Burdeau réfute cette thèse en soulignant que tel n'est pas l'objet de la constitution. Bien avant qu'elle apparaisse dit-il, existe déjà, dans le groupe, des autorités qui pensent et agissent pour la communauté entière, ce sont les chefs. Leurs actes engagent le sort de tous les membres du groupe et ils n'ont ce caractère que parce que, dans le pouvoir, le peuple reconnaît l'expression de ses vues, le réalisateur de ses espérances.

Burdeau explique mieux en précisant que si la constitution originaire se rapporte bien à l'organisation du groupe, ce n'est pas parce qu'elle crée ses organes, c'est parce qu'elle modifie le titre en vertu duquel ils décidaient et organisaient jusqu'alors. Elle les investit du titre d'agent d'exercice d'un pouvoir qui cesse de leur appartenir en propre. Elle crée précisément l'Etat pour en faire le sujet de cette puissance qu'elle retire aux gouvernants. Les organes demeurent mais leur statut est modifié : « ils étaient, les titulaires du pouvoir, ils ne sont plus que les agents de son exercice » 183(*). Les analyses de Burdeau sur le rôle de la constitution dans la formation de l'Etat nous semblent d'un grand intérêt pour nous qui voulons mesurer le poids de cet acte fondamental dans l'institutionnalisation du pouvoir gage de l'émergence et de la stabilité de l'Etat auquel la théorie marxiste donne une explication extra-contractuelle.

§3. La thèse marxiste.

I. Exposé de la thèse.

Le marxisme donne à l'origine de l'Etat une explication qui s'apparente à la théorie du conflit en ce sens que l'Etat serait le résultat d'une lutte : la lutte de classe.

La théorie marxiste de l'Etat a été conçue par Karl Marx et Engels et développée par Lénine184(*). Marx trouve le point de départ de sa théorie de l'Etat dans sa critique de la philosophie du droit de Hegel185(*). Il entend substituer le primat du monde réel c'est-à-dire du monde économique à l'idée de la prédominance de l'Etat sur la société civile prononcée par Hegel. Marx explique que c'est la société économique qui permet de comprendre l'Etat car c'est dans sa structure qu'il trouve son origine. Il est l'aboutissement d'un processus déclenché par l'antagonisme des classes dans un premier mouvement affirme-t-il, une classe établit son pouvoir qui correspond à sa situation économique, puis une seconde phase commence durant laquelle la classe qui occupe la position dominante cherche à maintenir sa domination sur l'autre classe pour éviter d'être dépossédée par elle. Puisqu'elle freine ainsi une évolution inéluctable elle devient oppressive et l'appareil et l'Etat n'est autre chose que l'instrument de cet oppression. C'est l'Etat bourgeois.

Sans contester l'utilité ni la légitimité du pouvoir, Marx admet que toute société ne peut vivre que grâce à une sélection qui porte les individus les mieux doués à la direction de l'ensemble. Cette hiérarchie est inséparable des nécessités concrètes de l'organisation du groupe. Elle est légitime si elle est perpétuement remise en question par l'apparition des talents nouveaux. Mais en fait, ces conditions n'ont pas été respectées ; à un certain moment de l'histoire, les fonctions dirigeantes se sont séparées des données qui les justifiaient ; « elles se sont fixées à part, et par conséquent érigées en dehors et au dessus de la société. Elles sont devenues fonctions politiques ». Au moment où l'apparition de la propriété privée, la dissociation des emplois manuels et du travail intellectuel, et la division du travail, engendraient les classes sociales, les fonctions dirigeantes sont devenues les monopoles des castes dominantes. C'est de cet accaparement rendu possible par la supériorité d'un groupe dominant, qu'est né l'Etat186(*).

Pour Engels, l'Etat n'est donc pas un pouvoir imposé du dehors à la société : il n'est pas davantage « la réalité de l'idée morale », « l'image et la réalité de la raison », comme le prétend Hegel. Il est bien plutôt un produit de la société à un stade déterminé de son développement ; il est l'aveu que cette société s'empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même, s'étant scindée en oppositions inconciliables qu'elle est impuissante à conjurer. Mais pour que les antagonistes, les classes aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas elles et la société, en une lutte stérile, le besoin s'impose d'un pouvoir qui, placé en apparence, au dessus de la société, doit estomper le conflit, le maintenir dans les limites de l'«ordre » : et ce pouvoir, né de la société, mais qui se place au dessus d'elle et lui devient de plus en plus étranger, c'est l'Etat187(*)

Dans le même sens, Lénine constatera que « l'Etat surgit au moment où, et dans la mesure où, objectivement, les contradictions de classe ne peuvent pas être conciliées188(*). Etat dans les mains de la classe économiquement dominante, l'Etat va disposer de toutes les ressources que procure la supériorité économique. Ainsi, la classe privilégiée utilisera de son côté, les moyens de la puissance étatique, notamment la police, pour maintenir l'autre classe dans sa situation subordonnée. L'Etat ne peut donc être conçu que comme un instrument d'oppression ; le moyen par lequel les détenteurs du capital exploitent le travail salarié189(*) Partant, les règles de droit expriment l'idéologie et les intérêts de la classe dominante si bien que droit et Etat se confondent, d'après Stoyanovitch190(*). A l'explication marxiste de l'Etat est liée un élément fondamental de la théorie : le dépérissement et la disparition inéluctable de l'Etat.

Lénine l'explique comme suit : « l'Etat n'existe donc pas de toute éternité. Il y en a des sociétés qui se sont tirés d'affaire sans lui, qui n'avaient aucune idée de l'Etat et du pouvoir d'Etat. A un certain stade du développement économique, qui était nécessairement lié à la division de la société en classes, cette division fit de l'Etat une nécessité. Nous nous approchons maintenant à  pas rapides d'un stade de développement de la production dans lequel, l'existence de ces classes a non seulement cessé d'être une nécessité, mais devient un obstacle positif à la production. Ces classes tomberont aussi inévitablement qu'elles ont surgi autrefois. L'Etat tombe inévitablement avec elles. La société qui réorganisera la production sur la base d'une association libre et égalitaire des producteurs, relèguera toute la machine de l'Etat là où sera dorénavant sa place : au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze »191(*). Dans le même ordre d'idée, la théorie marxiste enseigne la disparition de l'Etat par l'instauration du communisme, phase ultime du processus. Que faut-il penser de cette théorie ?

Elle n'appelle pas moins de vives critiques desquelles nous pouvons principalement retenir trois :

II. Appréciation critique.

1° - Critique sur les fonctions de l'Etat.

Pour mieux apprécier la théorie marxiste, il convient de distinguer les utilisations historiques de la formule étatique, ce qui constitue l'essence de l'Etat192(*). Si dans bien des pays à travers l'histoire l'organisation étatique a assuré la prépondérance de la classe sociale parvenue à s'en rendre maître, tel d'ailleurs l'Etat des tsars ayant servi d'instrument de domination d'une aristocratie foncière autant que l'Etat soviétique lui-même servit à la domination des autres classes par la classe prolétarienne, il est inexact que cette domination soit la fonction de l'Etat. Il est plus aisé d'admettre que les visages historiques de l'Etat tels que décrits par le marxisme, constituent le détournement de la raison d'être véritable de l'Etat. Il ne serait pas correct de conclure que le marteau n'ait été inventé que pour assassiner des vielles dames, parce qu'il y eut un cas ou des cas où il aurait servi à assommer une rentière193(*). Ainsi, il est un fait que l'Etat soit devenu un instrument d'oppression mais dire que cela soit son motif d'établissement n'est pas défendable. D'ailleurs les exemples historiques contredisent cette thèse. La naissance de l'institution étatique en France au XVIè siècle a eu pour conséquence de priver la noblesse des prérogatives de puissances publiques qu'elle détenait antérieurement. L'émergence de l'Etat en Allemagne ou son avènement dans l'Italie de Cavour n'ont pas eu pour cause l'esprit de domination de la catégorie sociale jouissant de la supériorité économique. Nous croyons avec Burdeau, que peu importe l'emploi qui puisse ultérieurement assigné à son pouvoir, l'Etat naît du souci d'assigner au pouvoir une assise qui désolidarise des intérêts d'un groupe particulier.

Pour nous, ce point est capital dans l'analyse que nous entendons faire sur les Etats africains et sur l'Etat congolais quant à la nature et le caractère de leur pouvoir comme critère de mesure du niveau d'étatisation de leurs sociétés.

2°- Critique sur le dépérissement de l'Etat.

Dans une page célèbre, Engels décrit le processus du dépérissement de l'Etat : « le prolétariat s'empare de la puissance de l'Etat et transforme les moyens de production tout d'abord en propriété de l'Etat. Mais par là, il s'abolit lui-même entant que prolétariat ; par là il abolit toutes les différences et tous les antagonismes de classes, et par là aussi, l'Etat en tant qu'Etat »194(*). Le dépérissement de l'Etat étant considéré comme une pièce capitale de la théorie marxiste de l'Etat, on ne peut apprécier la valeur de la théorie sans l'évaluer. En bref, il convient de constater que l'histoire et les faits ne laissent voir aucun indice du dépérissement de l'Etat par le processus marxiste.

3°- Critique sur la notion du pouvoir politique.

La conception de Marx et Engels de l'Etat apparaît comme une condamnation du pouvoir politique. Cela est paradoxal, dès lors qu'on sait quelle force le marxisme attache à sa conquête et quelle valeur il lui accorde en tant qu'instrument d'édification du socialisme. C'est pourquoi certains ont dit que Marx est dépassé par le marxisme195(*). C'est aussi à cause de cette contradiction que dans le grand schisme,196(*) Raymond Aron, écrit qu'il y a une théorie des luttes maîtres et esclaves, entre classes, avec l'écrasement des uns par les autres. Il n'y a pas de théorie de la communauté, pas de théorie de la justice ou du bien commun qui fonderait l'ordre établi entre les ex-ennemis.

Nous ne pouvons terminer ses préoccupations sur la genèse de l'Etat, sans parler de la conception particulière de Léon Duguit.

Deux raisons nous déterminent à fixer notre attention sur la réflexion de cet auteur sur la formation de l'Etat :

En premier lieu, parce qu'il figure parmi les publicistes français modernes les plus remarquables197(*) le poids de son nom offre un patronage considérable à sa conception quelle que soit sa valeur.

En second lieu, sa conception de la genèse de l'Etat apporte du vent au moulin dans le débat qui nous occupe sur l'émergence ou la consolidation de l'Etat en Afrique en général et en République Démocratique du Congo en particulier.

Parler des théories de la formation de l'Etat comme nous venions de le faire était indispensable pour éclairer l'origine du phénomène étatique objet de notre étude mais définir l'Etat demeure encore une exigence scientifique à laquelle nous devons nous livrer pour mieux avancer sur du concret en République Démocratique du Congo.

Nous pensons que si le foisonnement des modèles proposés excluait la nécessité d'une définition comportant les critères sur lesquels tous, quelle que soit la discipline ou le terrain envisagés s'accordent pour dire qu'il y a Etat ou non, le terme Etat devrait retomber dans la vulgarité , et aucun auteur quelle que soit son domaine devrait plus s'en prévaloir faute de connotation scientifique. Nous ne pouvons partager cet avis car il n'y existe bien un élément de définitions acceptable par tous en ce qui concerne l'Etat moderne, à savoir le pouvoir institutionnalisé. Un rappel de définitions essentielles de l'Etat le démontre :

Dans le lexique des termes juridiques, Raymond Guillien et Jean Vincent, nous font découvrir que du point de vue sociologique l'Etat est :

1) une espèce particulière de société politique résultant de la fixation sur un territoire d'une collectivité humaine relativement homogène régie par un pouvoir institutionnalisé comportant le monopole de la contrainte organisée spécialement le monopole de force armée198(*).

2) Au point de vue juridique : une personne morale titulaire de la souveraineté199(*).

3) Dans un sens plus étroit et concret : un ensemble des organes politiques, des gouvernements par opposition aux gouvernés200(*).

4) Selon la conception marxiste : un appareil d'oppression au service de la classe dominante, en régime capitaliste, instrument de la bourgeoisie en vue de l'exploitation du prolétariat201(*).

Le dictionnaire du droit constitutionnel définit l'Etat à la fois d'un point de vue historique et sociologique comme : un pouvoir qui s'est institutionnalisé, en d'autres termes qui a pris corps dans une organisation202(*).

Par ailleurs, le dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, l'Etat se conçoit avec Max Weber comme « une entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès, dans l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique »203(*). Selon la même source, la notion d'Etat implique de manière plus générale aussi bien la maîtrise complète du territoire que la mise en oeuvre d'une bureaucratie différenciée des autres forces sociales animées par des fonctionnaires recrutés de manière méritocratique à travers un système scolaire public des écoles de formation des agents de l'Etat, une laïcité minimale renforçant la séparation de l'espace étatique et de l'espace religieux, un droit public protecteur des frontières de l'Etat, une conception forte de la citoyenneté rattachant directement les citoyens à l'Etat et limitant l'emprise des groupes et des communautés intermédiaires, se marquant aussi par une quasi - fusion entre la nationalité et la citoyenneté lorsqu'on se trouve en présence d'un Etat - Nation204(*).

Le professeur E. Mpongo, dans son ouvrage, Institutions politiques et droit constitutionnel, opère une synthèse remarquable des sens de l'Etat205(*).

En effet, il précise que l'Etat comporte deux sens large et le sens restreint :

1. Au sens large, l'Etat désigne une communauté humaine organisée politiquement sur un territoire déterminé, c'est en quelque sorte définir l'Etat Nation206(*).

2. Au sens restreint, l'Etat vise les gouvernants au pouvoirs publics. C'est pourquoi on peut parler ici d'Etat - Gouvernement207(*).

Ailleurs, le même auteur dit :

« réduit à ses critères essentiels, l'Etat peut par conséquent se définir comme une personne morale collective souveraine et soumise au droit qu'elle crée », c'est la définition juridique dont nous avons parlée avec Carré de Malberg208(*).

Outre les définitions les diverses conceptions de l'Etat méritent d'être examinées en vue de déceler parmi elles les éléments communs s'ajoutant à ceux de nombreuses acceptations étudiées. Deux courants se sont opposés au cours de ce siècle finissant de notre ère : les conceptions pluralistes et les conceptions socialistes. Celles-ci, fondées sur le marxisme - léninisme, ayant subi entre 1988 et 1991 un recul prononcé209(*) n'offrent plus qu'un intérêt historique. Il convient plutôt de parler des conceptions pluralistes. Elles dévoilent deux tendances.

A. L'Etat, produit de la différenciation.

Certains auteurs, comme le fait remarquer E. Mpongo, voient dans l'Etat le produit de la différenciation des gouvernants et des gouvernés, les premiers « possédant la puissance politique, c'est-à-dire une puissance de contrainte ».

B. L'Etat, produit d'un ordre juridique.

D'autres auteurs par contre, estiment que l'Etat est lié à l'apparition d'un ordre juridique mis en place par la constitution et succèdent au désordre de fait antérieur, d'autres encore font de l'Etat la plus éminente des constitutions sociales210(*).

Est-il possible de se retrouver dans cette mosaïque de sens, de définitions et des conceptions de l'Etat pour repérer des critères moins contestables susceptibles de nous confronter dans notre thèse que l'Etat n'est pas comme le droit dont il est juste de dire « Ibi societas ibi jus », c'est-à-dire là ou est la société là est le droit ; que l'Etat n'est pas partout où il y a des hommes, mais qu'il est une construction. Nous le croyons en nous fondant sur l'élément « institution » et sur les formulations pertinentes des professeurs Edouard Mpongo, Maurice Hauriou et Carré de Malberg. Faisant l'appréciation critique des conceptions pluralistes de l'Etat, Edouard Mpongo, estime que pour lui, l'essentiel dans ces théories réside moins dans ce qui le sépare, et qui est souvent important que dans ce qui le réunit et qui tient leur inspiration. Il retient comme leurs dénominateurs, le postulat de l'existence d'un fait de solidarité sociale, perçu par Léon Duguit211(*), « la communauté d'intérêt », observée par Maurice Hauriou212(*) et l'union de tous les membres de la société étatique telle qu'analysée par R. Carré de Malberg213(*).

Aussi, partageons - nous le discours de Maurice Hauriou, dans « principes du droit public », d'après qui, « il n'y a d'Etat au sens précis et exact du terme qu'au moment où, dans une population de civilisation déjà avancée, le pouvoir politique, s'étant dégagé de tout élément étranger, notamment patrimonial, prend l'aspect d'une autorité souveraine s'exerçant sur des hommes libres. Celle-ci cesse d'être assimilable à une propriété privée ; le pouvoir du prince, à un bien de famille. On doit donc réserver l'appréciation d'Etat à la forme définie, et de la raison humaines appliquant leurs efforts et leurs réflexions aux problèmes de l'organisation civique »214(*).

R. Carré de Malberg, s'exprime presque dans le même sens. Selon lui, « au point de vue juridique, l'essence propre de toute communauté étatique consiste d'abord en ceci que, malgré la pluralité de ses membres et malgré les changements qui s'opèrent parmi eux, elle se trouve ramenée à l'unité par le fait de son organisation : en effet, par suite de l'ordre juridique statutaire établi dans l'Etat, la communauté nationale envisagée, soit dans la collection de ses membres présentement en vie, soit organisée de telle façon que les nationaux forment à eux tous un sujet juridique, unique invariable, comme aussi ils n'ont à eux tous en ce qui concerne la direction des affaires publiques qu'une volonté unique, celle qui est exprimée par les organes réguliers de la nation et qui est la volonté collective de la communauté »215(*). Il affirme que tel est le fait juridique capital dont la science du droit doit tenir compte, et elle ne peut en tenir compte qu'en reconnaissance à l'Etat l'expression de la collectivité unifiée, une individualisée globale distincte de ses membres particuliers et transitoire ; c'est-à-dire en définissant l'Etat une personne juridique.

On ne peut vider le point sur les considérations théoriques de l'Etat sans un mot sur l'Etat de droit, de manière incidente. Selon la conception Kelsennienne l'Etat de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. D'origine allemande (Reettsstoat), cette notion a été redéfinie au début du vingtième siècle par le juriste autrichien Hans Kelsen, comme un Etat dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve limitée. Dans ce modèle, chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles supérieures. Un tel système suppose, par ailleurs, l'égalité des sujets de droit devant les normes juridiques, et l'existence de juridictions indépendantes216(*). Selon le dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, l'expression Etat de droit, revêt de nos jours, de plus en plus une acception subjective, qui tend simplement à opposer les régimes démocratiques aux dictatures de toutes espèces réputées étrangères au droit217(*).

Le plus intéressant pour nous est de constater que même dans la définition de l'Etat de droit, la notion d'institutionnalisation du pouvoir à son niveau le plus perfectionné, et en plus d'observer qu'il n'est point logique comme le font beaucoup de publicistes et africanistes d'insister sur les fonctions de l'Etat de droit en Afrique et au Congo sans s'assurer de l'existence des conditions minimales d'un Etat tout court au sens moderne. Il importe pour nous de rappeler que dans toutes les définitions de l'Etat moderne car nous ne plaidons pas pour un retour de l'Afrique à la société archaïque, sous l'angle juridique, sociologique et politique, le facteur le plus déterminant commun à toutes les définitions est le caractère institutionnel du pouvoir politique.

Il est à noter que l'institutionnalisation du pouvoir ne s'opère pas sans que soient réunies des conditions qui la rendent possible. Comme le dit Michel de Villiers, l'institutionnalisation n'est pas automatique218(*).

Pour nous, elle est rendue possible par le droit et spécialement par la constitution au sens matériel et formel comme socle du pouvoir politique.

Dans cette première partie, nous avons tracé le cadre théorique où nous avons démontré l'existence du lien indispensable entre la métamorphose du pouvoir politique et la fondation de l'Etat par le processus d'institutionnalisation. Celle-ci n'est possible, tel que nous l'avons aussi démontré que par la constitution écrite ou coutumière qui opère ainsi un encadrement juridique du pouvoir politique en constituant sa source et sa limite. Aussi fallait-il clarifier les concepts d'Etat, de pouvoir politique, et d'institutionnalisation en vue de leur étude dans le contexte congolais. Cependant force est de reconnaître que sans la culture politique éprouvée pour servir de cadre du jeux politique la lettre de la constitution seule demeure impuissante à achever le processus d'institutionnalisation indispensable à la formation de l'Etat.

Ce souci de vérification de l'effectivité de l'institutionnalisation du pouvoir et de l'édification de l'Etat par rapport à la réalité africaine en général et congolaise en particulier sera mieux exprimé dans la deuxième partie.

DEUXIEME PARTIE : L'EMERGENCE DE L'ETAT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.

La doctrine est quasi unanime que l'Etat au sens moderne, « est formé lorsque le pouvoir a son siège non plus dans un homme, mais dans une institution »219(*).

Nous entendons dans cette deuxième partie de notre étude, vérifier si ce résultat de mutation de pouvoir acquis par l'opération juridique appelée « institutionnalisation » a pu être obtenu en République Démocratique Congo de 1960 à ce jour. Une telle analyse passe impérativement par l'étude de la règle constitutionnelle relative à l'organisation et à l'exercice du pouvoir d'une part, et par l'observation des faits politiques fondée sur l'histoire et l'actualité politique d'autre part.

Ainsi, la problématique de l'institutionnalisation du pouvoir et de la fondation de l'Etat congolais, suppose, une approche basée sur l'examen des constitutions congolaises que nous voulons aborder en deux phases, à savoir celle relative à la période dite de la première République de 1960 à 1965 (chap. I) et celle relative aux constitutions des régimes monocratiques et de transitions, de 1965 à 2006 (chap. II).

CHAPITRE I. ETAT SOUS LA PREMIERE REPUBLIQUE.

De 1960 à 1965, la République Démocratique du Congo a connu deux textes constitutionnels, à savoir la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo et la constitution du 1er août 1964 dite de Luluabourg. Nous voulons voir comment l'organisation et l'exercice du pouvoir était aménagés la règle constitutionnelle (section 1), et apprécier si cet aménagement ainsi que le fonctionnement des institutions politiques ont eu un impact positif sur l'institutionnalisation du pouvoir et sur la formation de l'Etat (section 2).

Section 1 : Pouvoir et l'Etat sous la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.

Successivement, nous examinerons la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo (§ 1.), et la constitution du 1er août 1964 (§ 2.).

§ 1. Aménagement constitutionnel du Pouvoir.

Nous sommes intéressés plus particulièrement par le Pouvoir politique au sommet, et par les organes ou les institutions qui les incarnent à cause de leur rôle moteur dans la transformation de la société. C'est pourquoi dans nos analyses nous voulons mettre l'accent plus sur l'institution « chef de l'Etat », et sur celle du gouvernement que sur d'autres. Nous pourrons aussi parler du sénat et de la chambre de Représentants incidemment.

Il importe en premier lieu de présenter les institutions du pays (I) avant de parler de leur fonctionnement.

I. Les institutions politiques.

L'Etat congolais ou ce qu'il convenait d'appeler ainsi comprenait des institutions centrales, provinciales et locales220(*).

Les institutions centrales, qui seules nous intéressent ici, étaient :

- Le Chef de l'Etat ;

- Le Gouvernement dirigé par un Premier Ministre ;

- La chambre de Représentant ;

- Le sénat.

A. Le Chef de l'Etat.

Pour savoir quelle forme de pouvoir fut exercé par le Chef de l'Etat, il importe d'en connaître la source et l'étendue.

De quelle manière était-il désigné et quelles furent ses attributions ?

1. Mode de désignation.

Le Chef de l'Etat, le tout premier, devait être désigné selon la procédure prévue aux articles 11 te 12 de la loi fondamentale. Ces dispositions prévoyaient que :

« Dans les quarante huit heures qui suivent la désignation du Président du sénat et la constitution définitive de son bureau, les chambres se réunissent en assemblée commune sous la présidence du plus âgé des présidents des chambres. Après en avoir éventuellement déterminé les modalités cette assemblée se prononce sur le choix du chef de l'Etat »221(*).

« La désignation du Chef de l'Etat est acquise à la majorité de deux tiers de tous les membres qui composent les deux chambres réunies »222(*).

Que devait-il se passer si la majorité requise n'était pas dégagée ?

L'article 13 du même texte dispose :

« Si, dans un délai de huit jours à dater de la réunion des chambres en assemblée commune, la majorité prévue à l'article 12 n'a pu être atteinte, la fonction de Chef de l'Etat est provisoirement assurée par le Président du sénat ». Aux termes de la même disposition, les chambres pouvaient être convoquées pour procéder à la désignation du Chef de l'Etat selon la procédure prévue aux articles 11 et 12, à tout moment, à la requête du Président du sénat, du Président de la chambre des Représentants ; du Premier Ministre ou encore d'un tiers des membres qui composaient l'une de deux chambres.

C'est en vertu de la procédure prévue aux articles 11 et 12 que Monsieur Kasa-Vubu fut désigné comme premier Chef de l'Etat du Congo.

Quelles étaient ses attributions constitutionnelles ? Nous verrons comment il les a exercé dans le point consacré au fonctionnement des institutions.

2. Attributions constitutionnelles du Chef de l'Etat.

Le Chef de l'Etat congolais institué par la loi fondamentale jouissait d'un certain nombre des prérogatives rappelant à bien d'égards celles d'un monarque dans une monarchie limitée, régnant sans gouverner.

Parlant de ses compétences, les dispositions de la loi fondamentale, disposaient :

- « Le pouvoir exécutif tel qu'il est réglé par la présente loi appartient au Chef de l'Etat sous le contreseing du Ministre responsable »223(*);

- « Aucun acte du Chef de l'Etat ne peut avoir d'effet s'il n'est contresigné par un ministre qui, par cela seul, s'en rend responsable. En aucun cas, l'ordre verbal du Chef de l'Etat ne peut soustraire un ministre à la responsabilité »224(*) ;

- « Le Chef de l'Etat n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribue formellement la présente loi. Il n'exerce ces pouvoirs et notamment ceux repris aux articles 16, 22 à 32 que dans les conditions prévues aux articles 17, 19 et 20 » 225(*);

- « Le Chef de l'Etat nomme et révoque le Premier Ministre et les Ministres »226(*);

- « Le Chef de l'Etat confère les grades dans les forces armées et la gendarmerie. Il nomme aux emplois d'administration générale, sauf les exceptions établies par les lois, il nomme à d'autres fonctions qu'en vertu de la disposition expresse d'une loi ». Il confère les ordres nationaux, civils et militaires, en observant à cet égard ce que la loi présente »227(*);

- « Le Chef de l'Etat fait les traités. Les traités n'ont d'effets qu'après avoir reçu l'assentiment des chambres sous forme de loi »228(*);

- « Le Chef de l'Etat commande les forces armées » 229(*);

- « Le Chef de l'Etat fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais, ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution »230(*) ;

- « Le Chef de l'Etat sanctionne et promulgue les lois »231(*) ;

- « Le Chef de l'Etat a le droit de remettre, de réduire ou de commuer les peines, sans préjudice à l'application de l'article 41 »232(*) ;

Il faut préciser que l'article 41 de la loi fondamentale n'autorisait le Chef de l'Etat de faire grâce au Ministre condamné par la Cour de Justice, que sur la demande de l'une de deux chambres.

- « Le Chef de l'Etat a le droit de convoquer les chambres en session extraordinaire »233(*)

- « Le Chef de l'Etat peut ajourner les chambres, conformément à l'article 70 »234(*);

L'article 70 dispose que : « l'ajournement en cours de session des chambres, prononcé par le Chef de l'Etat, ne peut excéder le terme d'un mois, ni être renouvelé dans la même session sans l'assentiment des chambres ».

- « Le Chef de l'Etat a le droit de dissoudre les chambres, conformément aux articles 71 et 72 »235(*).

L'article 71 conditionnait la dissolution d'une ou de deux chambres du Parlement avant l'adoption définitive de la constitution, à la délibération en Conseil des Ministres et à l'accord d'une de deux chambres au moins, acquis aux deux tiers des membres présents.

Tandis que l'article 72 prévoyait qu'en cas de dissolution soit des deux chambres, soit de la seule chambre des représentants, l'acte de dissolution devait contenir convocation des électeurs dans les trois mois et des chambres dans les quatre mois ; qu'en cas de dissolution du sénat, l'acte de dissolution devait contenir convocation de cette nouvelle chambre, dans un délai d'un mois ».

Il était encore prévu à la même disposition que le Chef de l'Etat pouvait dissoudre également les Assemblées provinciales, s'il était amené à dissoudre une nouvelle fois la nouvelle chambre dans un délais de six mois à partir de la réunion de celle-ci. Dans ce cas l'acte de dissolution devait contenir convocation des électeurs dans les trois mois, des Assemblées provinciales et du Sénat dans les quatre mois.

B. Le Gouvernement.

Les règles relatives à la composition du gouvernement ainsi que de ses attributions, dans la loi fondamentale du 19 mai relative aux structures du Congo, étaient posées au chapitre III, traitant du pouvoir exécutif et se trouvant lui-même au titre III ayant trait aux « pouvoirs ».

1. Composition et mode de désignation.

Le tout premier gouvernement congolais fut composé du Premier Ministre et de Ministres, il devait comprendre au moins un membre de chaque Province. Il était prévu qu'avant le 30 juin 1960 et après la proclamation des résultats des élections pour la chambre et le sénat, le premier gouvernement du Congo soit constitué de la manière suivante236(*) :

- « Compte tenu des résultats des élections et après consultation des principaux groupes et personnalités politiques ».

2. Attributions du Premier Ministre et du gouvernement.

Aux termes de l'article 36 de la loi fondamentale, le Premier Ministre avait pour attributions de :

- conduire la politique de l'Etat en accord avec le Conseil des Ministres ;

- diriger l'action du gouvernement ;

- présider le Conseil des Ministres ;

- soumettre au Chef de l'Etat des propositions relatives à l'exercice du pouvoir réglementaire et à l'exécution des lois.

Il convient de signaler que le gouvernement pouvait pour l'exécution urgente de son programme, demander aux chambres l'autorisation pour le Chef de l'Etat de prendre par ordonnance-loi, et pour une matière déterminée, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances-lois étaient élaborées en Conseil des Ministres et préalablement soumises à la chambre de constitutionnalité. Elles devenaient caduques si elles n'étaient pas approuvées par les chambres dans un délai de six mois à dater de leur mise en vigueur. On ne peut vider ce point sans rappeler de quelle manière était désigné le Premier Ministre et les membres du gouvernement.

3. Mode de désignation du Premier Ministre et de formation du gouvernement.

Le Roi Belges désigne un formateur dont la tâche consiste à réunir une équipe ministérielle apte à obtenir la confiance du Parlement ; Sur proposition du formateur, le Roi des Belges nomme le Premier Ministre et les Ministres.

Conformément à l'article 48 de la loi fondamentale, relative aux structures du Congo, ce premier gouvernement devait se présenter dans les trois premiers jours de la nomination de ses membres, devant les chambres en vue d'obtenir leur confiance. Nous pouvons dégager de ce qui vient d'être dit que le Chef de l'Etat et le gouvernement composé du Premier Ministre et des Ministres furent les pièces maîtresses du pouvoir exécutif sous la loi fondamentale tandis que le pouvoir législatif était collectivement exercé par le Chef de l'Etat, la chambre des Représentants et le Sénat, et par chacune des assemblées provinciales d'autre part237(*).

C. La chambre des Représentants.

De quelle manière ses membres étaient-ils recrutés et quels furent leurs pouvoirs ?

1. Mode de recrutement.

Les membres de la chambre des Représentants étaient élus au suffrage universel direct, conformément aux dispositions de la loi électorale du 23 mars 1960. Il était prévu que dans une circonscription électorale, il y ait un député par 100.000 habitants sans distinction d'âge, sexe ou nationalité. Chaque fraction de population donnant droit à un député de plus. Le chiffre de la population pris en considération fut celui figurant aux statistiques officielles établies au 31 décembre 1953. Chaque électeur n'avait droit qu'à une voix238(*).

2. Pouvoir et compétences.

Les compétences des membres de la chambre de Représentants sont celles reconnues à celle-ci au terme de la loi fondamentale239(*).

Il s'agit principalement des compétences législatives et interprétatives.

Les deux chambres disposaient d'une compétence législative identique. Elles avaient également les compétences d'interprétation des lois240(*).

D. Le Sénat.

1. Mode de recrutement.

Le Sénateurs étaient élus selon le mode prévu aux articles 87 et 88 de la loi fondamentale.

En effet, le Sénat se composait de sénateurs élus par les assemblées provinciales à raison de quatorze par province dont au moins trois chefs coutumiers ou notables. Les sénateurs élus pouvaient s'adjoindre des membres cooptés.

2. Attributions.

Les sénateurs jouissaient des mêmes prérogatives législatives que les députés. En plus chaque membre du sénat représentait sa province dont il défendait les intérêts dans le cadre de l'intérêt général et supérieur de la nation.

II. Relations entre les organes du pouvoir et entre les institutions.

La loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, définissait bien la manière dont les pouvoirs devraient s'exercer241(*).

En dépit de la séparation fonctionnelle des pouvoirs et de l'existence de plusieurs branches au sein d'un même pouvoir, il existait des mécanismes de collaboration ou de participation de l'un à l'oeuvre de l'autre.

A. Le Chef de l'Etat et le Premier Ministre.

Au niveau du pouvoir exécutif, il faut rappeler que l'article 17 disposait que le « pouvoir exécutif tel qu'il est réglé par la présente loi appartient au Chef de l'Etat. Mais cette disposition est presque en opposition avec l'article 36 qui dispose que le Premier Ministre conduit la Politique de l'Etat en accord avec le conseil de Ministre qu'il préside. Il dirige l'action du gouvernement ». Jusqu'à ce niveau on est en droit de considérer que la loi fondamentale a consacré un exécutif bicéphale, bien que le dernier alinéa de l'article 37 impose au Premier Ministre de soumettre les propositions relatives à l'exercice du pouvoir et à l'exécution des lois.

Entre le Chef de l'Etat et le Premier Ministre la loi fondamentale n'a pas organisé des mécanismes clairs. Cette lacune engendra, tel que nous le verrons, des conflits entre le Chef de l'Etat et le Premier Ministre qui se révoquèrent mutuellement quelques jours seulement après la proclamation de l'indépendance.

B. Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.

Quant aux rapports entre le gouvernement et le parlement, l'article 42 de la loi fondamentale prévoyait que le gouvernement se présentait devant chacune des chambres en vue d'obtenir la confiance, à lui conférer à la majorité absolue des voix de tous les membres qui les composaient.

Le dépôt d'une motion de défiance mettait en cause la responsabilité solidaire du gouvernement. Et si cette motion était adoptée les ministres remettaient leur démission au Premier Ministre qui remettait la sienne au Chef de l'Etat.

Par ailleurs, le dépôt d'une motion de censure engageait la responsabilité d'un membre de gouvernement et entraînait en cas de recevabilité sa démission sans que la responsabilité du gouvernement soit engagée242(*).

S'agissant des rapports du Chef de l'Etat avec le pouvoir législatif, nous avons dit précédemment qu'il détenait concurremment le pouvoir législatif avec les deux chambres du parlement conformément à l'article 69 de la loi fondamentale, le Chef de l'Etat avait le pouvoir de réunir les chambres et de prononcer la clôture de session. Il avait en plus le pouvoir de dissolution243(*).

§2. Fonctionnement des institutions et crise du pouvoir.

Dès la première année de l'indépendance, la machine démocratique au Congo n'a pas tourné. L'on a déploré la paralysie des institutions et nous pouvons parler de l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir.

I. Paralysie des institutions sous la loi fondamentale.

La pièce maîtresse de l'architecture institutionnelle congolaise, à savoir, le pouvoir exécutif fut déstabilisé dès sa formation, par le conflit irréductible entre ses principaux acteurs : Le Chef de l'Etat KASA-VUBU et son Premier Ministre LUMUMBA.

On a tenté d'expliquer différemment la méfiance excessive constatée entre les deux personnalités qui conduisit non seulement au retard dans la formation du tout premier gouvernement mais encore et pire à la crise congolaise dont l'impact sur la formation de l'Etat se feront longtemps sentir.

Selon KAMITATU M., « c'est la soif du pouvoir, ou la lutte pour le contrôle de l'appareil étatique entre LUMUMBA et KASA-VUBU, qui seraient à la base de cette situation »... Désigné l'un et l'autre comme membres du collège exécutif national par leurs provinces respectives, Kasa-Vubu et Lumumba qui ont pour la première fois l'occasion de se côtoyer et de travailler ensemble, se méfient beaucoup l'un de l'autre. Autant s'approchait la date du 30 juin et l'impact des responsabilités qu'elles réservent, les deux hommes, jusqu'alors nationalistes convaincus, s'épient et s'observent. Kasa-Vubu, l'aîné voudrait que Lumumba, le démocrate, n'a qu'une pensée : si le peuple lui accorde un suffrage majoritaire, il ne le cédera à personne »244(*).

Le professeur Lumanu Bwana Sefu estime ce constat fondé. Mais l'interprétation sentimentale et confusionniste. Pour lui, « le conflit entre Kasa-Vubu et Lumumba ne relève pas de l'âge. Il résulte d'une opposition idéologique inconciliable »245(*).

Il explique : « A la conscience africaine de situation qui caractérise le nationalisme exclusive et conservateur de Kasa-Vubu s'oppose la conscience nationale qui oriente la stratégie unitariste et continentale de Lumumba »246(*). Nous remarquons que l'interprétation faite par les deux auteurs contient chacune, une part de vérité, si l'idéologie fut au centre du conflit de Kasa-Vubu et Lumumba. Il n'en demeure pas moins vrai que le côté émotionnel soit à constater, et que la soif du pouvoir dans le Chef de deux leaders congolais soit à la base de cette fameuse crise dont nous parlerons encore plus loin. Toujours est-il que le 5 septembre 1960, Kasa-Vubu révoqua le Premier Ministre Lumumba qui à son tour le révoquera aussi. Après sa chute, Lumumba sera traqué, arrêté et assassiné le 17 janvier 1967.

Il est important de noter que derrière Kasa-Vubu et Lumumba se trouvaient deux mondes politiques opposés tant sur le plan interne que sur le plan international. Face à Lumumba se dressaient avec Kasa-Vubu d'autres partis fédéralistes et conservateurs : L'ABAKO, le PUNA, le MNC/K, le PNP ainsi que le bloc occidental avec les Etats-Unis et la Belgique en tête. Tandis que lui-même jouissait de l'appui des partis tels que le Centre de Regroupement africain (CEREA) et le Parti Solidaire Africain (P.S.A)247(*). Dès lors que la charpente institutionnelle de la République se fissurait au sommet, il aurait été impossible que les bas étages ne soient pas affectés, le Parlement avec ses deux chambres devaient en ressentir l'onde de choc.

Aussi le Parlement réagit en annulant d'abord les deux destitutions le 7 septembre 1960248(*). Ici nous pouvons dire que cette initiative était complètement dépourvue de fondement constitutionnel. Elle n'avait aucune empreinte de légitimité. Tandis que Kasa-Vubu agissait sur base de l'article 22 de la loi fondamentale, Lumumba et les deux chambres ne disposaient d'aucune base juridique pour le révoquer. Ensuite, les deux chambres réunies en congrès national décidèrent de constituer une commission « compromissoire » de sages, composée de Okito, Kasongo et Weregemere chargée de la réconciliation de deux dirigeants. Bien que l'initiative fut encouragée par plusieurs autres initiatives comme le montre Ndaywel, notamment celles de l'ambassadeur du Ghana, du Président Nkrumah lui-même, des fonctionnaires de l'ONU et même de Frantz Fanon249(*), et qu'il y eut même un projet d'accord définissant la répartition des compétences entre les deux fonctions250(*), Trop de personnes avaient avantage à ce que la réconciliation échoue251(*).

Le 8 septembre, le Sénat par 41 voix contre 2 et 6 abstentions sur 84 membres, repousse la décision prise par le Chef de l'Etat. Ce vote n'eut aucune incidence sur la décision du Président Kasa-Vubu.

Le 13 septembre, les chambres réunies accordent des pleins pouvoirs sollicités, à Lumumba252(*).

Le 14 septembre, la Commission compromissoire du Parlement chargée de la réconciliation, telle que nous l'avons vu, propose une équipe gouvernementale de large union nationale présidée par Lumumba ayant en son sein toutes les tendances exceptées la CONACAT. Toutes les figures marquantes de l'indépendance, autrefois écartées, y sont reprises : Vice-Premier Ministre, Adoula (PUNA), Affaires économiques, Bolikongo (PUNA), Agriculture, Albert Kalonji. L'ABAKO conserverait ou de la Présidence de la République, les Affaires foncières un ministre d'Etat sans porte feuille, les secrétaires d'Etat et les Ambassadeurs253(*). Mais mécontent de l'appui que les élus du peuple continuèrent à témoigner à Lumumba, le Président Kasa-Vubu ajourna les chambres254(*).

Par cet acte, le Président Kasa-Vubu entraîna le deuxième pouvoir du pays dans le tourbillon de la crise congolaise.

En la même date du 14 septembre le Lieutenant Joseph Désiré MOBUTU Chef d'Etat Major de l'Armée Nationale Congolaise annonce la neutralisation de Kasa-Vubu et de Lumumba.

Nous retiendrons qu'en moins d'une année tous les pouvoirs instaurés par la loi fondamentale se sont écoulés. Il est utile de rappeler les propos de Mpinga Kasenda parlant de l'inadéquation de la loi fondamentale, « la première manifestation de cette inadéquation à la situation politique congolaise fut l'épreuve de force entre le Président de la République et le Premier Ministre, épreuve de force qui déboucha sur une paralysie du système constitutionnel de l'époque ».

II. Echec d'institutionnalisation du Pouvoir sous la loi fondamentale.

La problématique de l'institutionnalisation du pouvoir et de la formalisation de l'Etat implique toujours une parfaite analyse du siège du pouvoir. Il faut bien comprendre la différence entre le titulaire du pouvoir et le détenteur du pouvoir qui n'en est ni le siège ni le titulaire, car le véritable titulaire doit être une institution.

En plus, l'autre idée-force, rentrant dans cette problématique est l'existence des règles juridiques qui servent des piliers au pouvoir. Il ne suffit pas que ces règles soient contenues dans la constitution pour réaliser l'institutionnalisation du pouvoir, encore faut-il que le pouvoir s'exerce selon elles. Enfin, un autre élément et non le moindre mérite d'être rappelé, c'est la durée et la permanence du pouvoir et l'Etat, lorsqu'il y a institutionnalisation255(*).

Nous n'apprécions pas l'institutionnalisation simplement par rapport aux « pouvoirs » dits « institués » à partir des constitutions écrites, autrement l'étude n'aurait le moindre intérêt car, toutes les constitutions du Congo ont consacré l'organisation du pouvoir. Mais nous apprécions l'institutionnalisation par rapport à la manière dont le pouvoir est aussi effectivement exercé eu égard aux normes pour autant qu'elles existent. L'examen des faits saillants de l'histoire politique du Congo depuis 1960 et même précisément après la promulgation de la loi fondamentale relative aux structures du Congo, témoigne de l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir au Congo.

A cette période, des individus ont exercé le pouvoir d'Etat dévolu aux institutions de façon patrimoniale. Moïse TSHOMBE au Katanga256(*), Albert KALONJI au Sud - Kasaï257(*) se conduirent en homme - institution. Ils étaient les propriétaires du pouvoir qu'ils exercèrent.

De la même manière, le Président Kasa-Vubu, le Premier Ministre Lumumba, les membres de deux chambres du Parlement ainsi que le Lieutenant Colonel Joseph Désiré MOBUTU posèrent des actes de la plus haute portée politique, traduisant l'exercice du Pouvoir politique sans se soucier de la loi fondamentale. La part de l'homme et surtout le souci de répondre positivement aux injonctions de puissances étrangères l'ont emporté sur la puissance normative.

Plusieurs questions demeurées sans réponses, selon la logique juridique démontrent de l'absence de l'institutionnalisation du pouvoir caractérisée par le mépris du texte par les acteurs politiques :

- Sur quelle base juridique Lumumba s'était - il fondé pour révoquer Kasa-Vubu ?

- Comment l'Ordonnance de destitution devait-elle être contresignée par un Ministre du gouvernement Lumumba qui par le fait même devait être lui-même déchu aussitôt, après de ces fonctions par solidarité gouvernementale ? Il s'agit de Adoula ;

- Comment un Premier Ministre fut-il désigné en lieu et place de Lumumba issu de la majorité parlementaire par la seule volonté de Kasa-Vubu contrairement aux principes régissant le régime parlementaire consacré par la loi fondamentale ?

- Comment la décision prise par Mobutu de neutraliser les deux Chefs de l'exécutif a-t-elle pu produire des effets par l'installation des commissaires généraux en l'absence de tout fondement constitutionnel ?

- Et comment la conscience collective congolaise, et les acteurs concernés ont-ils pu tolérer que ce gouvernement de commissaires généraux aient pu fonctionner parallèlement à la loi fondamentale ?

Beaucoup d'autres questions demeurent sans réponse. Par exemple, comment expliquer que Kasa-Vubu neutralisé comme Lumumba par la même décision de Mobutu ait pu exercer encore un Pouvoir mettant fin au mandat des commissaires généraux ?258(*).

Ainsi, la loi fondamentale autant que le régime qu'il consacra n'ont pu réaliser l'institutionnalisation du pouvoir au Congo-Kinshasa. Dès la manifestation de l'impasse politique après la double révocation du Chef de l'Etat et du Premier Ministre, la loi fondamentale qui ne prévoyait pas la solution à ce genre de crise, de même que toutes les institutions qu'elle consacrait d'être la source du Pouvoir. La loi fondamentale, comme droit, source de légalité et de légitimité fut aussi paralysée. Avec elle, tout l'ordonnancement juridique relative à l'encadrement politique, c'est-à-dire à l'organisation et à l'exercice du pouvoir fut « ankylosé ». Dès lors la source du Pouvoir fut à chercher ailleurs, et se révéla être ailleurs. Pas dans une institution mais dans un homme, Mobutu. Se plaçant au dessus de tous, même de l'institution normative qu'était la loi fondamentale, Mobutu, par son acte, exerça un Pouvoir suprême à faire et défaire la « puissance publique ».

Que penser ou que dire d'un pays où un homme selon les circonstances ou même les humeurs peut disposer sans base constitutionnel ni même légal, d'un tel pouvoir, de mettre ou démettre un Chef d'Etat , de nommer qu'il veut au gouvernement et quand il veut, et surtout d'empêcher hors de toute norme le parlement de fonctionner ?

Il est difficilement admissible que les faits à la base de nos différents questionnements ci-haut se déroulent dans une société méritant scientifiquement le qualificatif d'Etat tel que nous l'avons défini tout au long de nos analyses. L'étude du Pouvoir sous la loi fondamentale du 19 mai 1960 s'accompagne d'une analyse nécessaire à la clarté de la pensée, de ce qui fut appelé, « la crise congolaise » résultant de plusieurs faits saillants de l'histoire politique congolaise259(*).

§3. Le sort de l'Etat sous l'empire de la loi fondamentale.
I. La République du Congo « Etat mort né » ou « Etat né prématuré ».

La naissance juridique de l'Etat congolais, s'est faite sur fond d'une tension interne d'une part entre « unitaristes » et « fédéralistes »et, d'autre part entre les présumés « nationalistes » et « pro-occidentaux ».

La jeune République proclamée le 30 juin 1960 eut à peine quelques jours qu'une succession des faits aussi graves les uns que les autres se produisit mettant en péril l'existence de l'Etat :

- La mutinerie de la force publique ;

- L'intervention belge ;

- La sécession katangaise ;

- La sécession kasaïenne260(*).

Les méthodes adoptées par le Chef de l'Etat et son Premier Ministre se révélèrent tellement opposées qu'elles aboutirent à un antagonisme dont le paroxysme fut atteint le 5 septembre 1960 par la révocation de Lumumba par Kasa-Vubu.

A. Notions et aspects de la crise au Congo sous la loi fondamentale.

I. Notions et causes de la crise.

La crise est susceptible de plusieurs entendements parmi lesquels avec Mpinga Kasenda nous épousons celui proposé par Ilunga Kabongo261(*).

Ainsi l'indépendance proclamée ainsi que la loi fondamentale accouchaient d'un Etat qui a évolué au gré de ce qu'on a appelé « la crise congolaise ». Le plus important pour nous est d'apprécier l'impact de cette crise sur le processus de création de l'Etat au Congo.

Comme l'a dit C. Young, la loi fondamentale sur la structure, et les institutions du Congo élaborée à partir des résolutions de la table Ronde Belgo - Congolaise de Bruxelles, fut acceptée par les congolais comme une constitution provisoire devant simplement, « rendre possible la naissance de l'Etat »262(*). D'après cet auteur, « la crise politique est ce moment d'instabilité pathologique caractérisé par une rupture brutale de l'équilibre de la société, rupture s'effectuant en un temps explosif et se manifestant dans un contexte de violence ébranlant aussi à la fois, le pouvoir, l'ordre et la stratification sociale ».

La notion de crise ainsi définie peut s'appliquer à la situation ayant prévalue au Congo de 1960 à 1964. Les études sur les causes de cette crise peuvent se révéler utiles si nous mettons en relation avec le processus d'institutionnalisation du pouvoir et de formation de l'Etat au Congo263(*).

Résumant ces causes Gendebien P.H, cité par Mpinga, K. distingue les causes lointaines des causes immédiates de la crise264(*).

a. Les causes lointaines :

1°. Les causes liées à la nature de la colonisation belge.

Pour l'auteur précité, la politique coloniale de contrainte, de coercition et de partenalisme avait contenu une tension qui ne put se libérer que la veille de l'indépendance, au moment précis où le régime colonial commença à présenter quelques signes de faiblesse265(*).

En plus de l'absence d'une élite intellectuelle capable de prendre la relève, c'est la conséquence de la formule belge comme : « pas d'élites, pas de problèmes »266(*), et l'absence de transition entre la période coloniale et l'accession à la souveraineté nationale.

Enfin, l'on cite aussi la faiblesse du gouvernement belge caractérisée par l'absence d'une politique coloniale précise de la part de la métropole et par le découragement et l'anémie des autorités administratives au Congo.

2°. Les causes de natures diverses.

Elles regroupent les facteurs tel que l'immensité du pays dont les populations d'origines différentes n'eurent le plus souvent comme leurs communs que la colonisation belge. Ces facteurs furent des obstacles majeurs à l'édification d'une conscience nationale. Ils expliquent aussi la présence au Congo des leaders n'ayant qu'une audience limitée régionale ou ethnique.

b.Les causes immédiates sont trouvées dans :

1°. L'absence de partis politiques structurés et encadrés.

Ce point de vue de P.H. Gendebien, n'est pas partagé par tous car d'aucuns estiment que certains partis étaient bien encadrés et bien structurés. Tels que M.N.L.C, CONAKAT, ABAKO, PNP, PSA.

Selon Mpinga Kasenda, ce qui s'est produit, c'est que ces partis étaient organisés dans un but : l'accession à l'indépendance acquise, ils perdaient leur raison d'être faute d'avoir eu d'autre objectifs. Nous pouvons retenir comme le dit P.H. Gendebien, cité par Mpinga Kasenda267(*) que les partis politiques de l'indépendance ne furent capables ni de maîtriser les forces centrifuges au moment de la crise ni d'élaborer une doctrine politique précise. Cela a marqué presque toute l'histoire politique.

2°. La faiblesse politique du gouvernement Lumumba.

Comme le fait remarquer Mpinga Kasenda, cette faiblesse est due en grande partie, par le fait que ce gouvernement a été dès la première semaine de l'accession du pays à l'indépendance, privé de ses principaux instruments du pouvoir : l'Administration et l'Armée qui étaient jusque là entre les mains de Belges268(*). Cette observation est pertinente. Mais d'autres facteurs de divers ordres expliquent cette faiblesse :

- Facteurs d'ordre institutionnel ;

Beaucoup pensent que la loi fondamentale instaura un Exécutif bicéphale qui fut la cause de nombreux conflits qui débouchèrent sur la révocation du Premier Ministre269(*).

- Facteurs d'ordre social ;

Après l'indépendance, le nationalisme ethnique et irrédentistes et la résurgence de certaines forces traditionnelles jusque là contenues par la contrainte coloniale, mirent en mal la coalition gouvernementale, en l'absence d'une forte personnalité nationale jouissant d'une légitimité unanime.

- Facteurs partisans.

A défaut d'une majorité confortable Lumumba fut contraint de former un gouvernement de coalition sans beaucoup de cohésion. Cela fut dû au multipartisme congolais qui amena au Parlement une multitude de partis d'importance variable. La crise congolaise a revêtu des aspects divers.

2.Les aspects de la crise congolaise en 1960.

Les analystes de la crise congolaise conviennent qu'elle avait atteint tous les niveaux de la vie nationale et avait revêtu différentes formes : crise d'autorité, crise constitutionnelle, crise institutionnelle, crise sociale et crise économique270(*). Nous retiendrons les aspects ayant des connexions avec notre sujet.

1) La crise d'autorité.

Le concept d'autorité tient une position clé dans le processus de formation l'existence de l'Etat, tant il est lié au pouvoir. De ce fait, il est utile d'en préciser le sens. Le terme autorité est définie de différentes manières en science politique. A titre indicatif nous en citons quelques unes. Littré, donne plusieurs définitions du mot autorité parmi lesquelles nous retenons celle-ci : « l'autorité c'est le pouvoir de se faire obéir »271(*).

Prélot (M.) et Bourricaud, (F.), « l'autorité c'est le pouvoir légitime, ou encore, le commandement perçu, non pas comme une force brute, mais comme une force en laquelle, je peux avoir confiance parce qu'elle est fondée - ou du moins pourrait l'être »272(*).

Exploitant la définition de Littré, A. Lalande propose une définition qui nous semble plus opératoire dans le cas de notre étude sur La République Démocratique du Congo. D'après lui, l'autorité au sens sociologique du terme, est le droit (ou pour le moins le pouvoir établi) de décider ou de commander ». Il écrit, qu'il « convient d'introduire dans la définition de Littré, l'idée du droit, sans oublier que le pouvoir peut s'exercer sans le droit, puisqu'il y a des autorités usurpées ; et que le droit peut exister sans pouvoir, puisqu'il y a des autorités méconnues »273(*).

Brièvement nous pouvons résumer l'idée de la crise d'autorité par le fait que les agents, les institutions ou organes investis du droit de commander, ne se font plus obéir.

A ce propos, J.L. Lacroix, observe avec justesse que « l'organisation du pouvoir colonial s'est effondrée avant que le pouvoir national ait eu le temps de constituer la sienne274(*) et, Mpinga Kasenda de constater qu'en juillet 1960, lorsque, la mutinerie de la force publique et la fuite des fonctionnaires belges privèrent le gouvernement congolais des moyens de commander et de se faire obéir275(*) de ceci nous tirerons des conséquences utiles sur la formation de l'Etat.

Cependant, un mot peut être dit sur manifestation de cette crise d'autorité. Nous retiendrons deux formes considérées par les auteurs comme les plus manifestes de la crise d'autorité : le vacuum du pouvoir et la fragmentation de l'autorité.

a. Le vacuum du pouvoir.

Comme l'a observé Ziégler se fondant sur la définition que donne l'association française de science politique276(*), il a constaté qu'aucune autorité légitime, au sens courant du terme n'existait au Congo du 5 septembre 1960 au 2 août 1961 ; date de l'investiture du gouvernement Adoula277(*). D'aucuns estiment que si au sens de la sociologie politique, on peut suivre J. Ziegler et admettre qu'il avait absence de légitimité, on ne peut valablement soutenir juridiquement que le Président Kayac-Vubu n'était pas une autorité légitime. Nous ne voulons pas quant à nous verser dans ce débat, mais nous voulons bien poursuivre le raisonnement sur le « vacuum du pouvoir » pour en mesurer l'impact sur l'éclosion de l'Etat au Congo.

J. Ziegler fait remarquer dans ses notes que le terme est emprunté à la sociologie américaine et qu'il ne peut être traduit par « vacance du pouvoir ». la vacance, dit-il suggère la permanence et l'absence temporaire d'un titulaire. Le terme de « power vacuum », par contre désigne un phénomène plus complexe : le pouvoir s'est effondré, il n'existe plus. Là où il se trouvait il est remplacé par un vacuum. Le phénomène clé est l'absence du pouvoir »278(*).

Bien qu'il y eut le collège de commissaires généraux installé par le colonel Mobutu, succédé par le deuxième gouvernement Iléo (février - août 1961), la crise politique congolaise ne manqua pas de fragmenter l'autorité de l'Etat.

b. La fragmentation de l'autorité.

L'effondrement de l'Armée et l'Administration et l'impasse constitutionnelle causée par la révocation du cabinet Lumumba, laissèrent le pays sans gouvernement pendant un temps relativement long. La fragmentation de l'autorité fut la conséquence du processus de désintégration du pays déclenché le 11 juillet 1960 par la proclamation de l'indépendance de la province du Katanga ; suivie de la création au mois de novembre de la même année, d'un gouvernement central « légitime » à Stanley ville, par le Vice-Premier Ministre de Lumumba, Gizenga, qui étendit son contrôle sur le Kivu, le Nord Katanga et, une partie importante de l'ancienne province du Kasaï.

Par ailleurs, A. Kalonji et Ngalula constituèrent une province dissidente baptisée « Etat autonome du Sud-Kasaï ». Ainsi on s'est trouvé en présence de quatre capitales avec chacune son armée et son administration, à savoir Elisabethville, Léopoldville, Bakwanga et Stanley ville, devenues aujourd'hui respectivement, Lubumbashi, Kinshasa, Meïji-Mayi et Kisangani279(*).

Restait-il grand chose du Congo Kinshasa, à part sa définition théorique telle qu'exprimée dans la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ? Il était aisé de constater que ces « structures » étaient ébranlées. Dans les pages suivantes nous aborderont bientôt cette question.

2) La crise constitutionnelle.

L'impasse constitutionnelle provoquée par la révocation de Lumumba, au dire de nombreux auteurs, n'était qu'un aspect du problème constitutionnel du Congo. Depuis la Table ronde de Bruxelles en 1959, le Congo s'est trouvé toujours en quête d'une constitution capable de réconcilier d'une part les pouvoirs au sommet et d'autre part les pouvoirs entre le sommet et la base; ainsi entre unitaristes, fédéralistes et confédéralistes la bataille a toujours fait rage, de même entre les tenants d'un régime parlementaire et d'un régime présidentiel.

Il est fait grief à la loi fondamentale d'avoir été une copie de la constitution belge basée ni sur les traditions politiques établies ni sur celles des anciens colonisateurs280(*). Comme le dit Young, le défaut capital de la loi fondamentale fut de n'avoir prévu aucun moyen de sortir des équivoques constitutionnelles éventuelles. Le même auteur explique le premier coup d'Etat de Mobutu par la nécessité d'une intervention d'un élément extérieur du cadre constitutionnel pour trouver une issue à la paralysie du système constitutionnel281(*). cette analyse est d'autant exacte que les institutions politiques régies par la loi fondamentale se trouvèrent incapables de fonctionner normalement.

3.Aspect institutionnel de la crise.

J. Buchmann observe que les institutions politiques constituent le moyen central du système politique. Il explique qu'elles peuvent avoir un triple objet :

- Le mode de désignation des gouvernants (le régime électoral) ;

- Les techniques de limitation de gouvernants (le régime constitutionnel) ;

- Les rapports entre les « pouvoirs » ou « le régime gouvernemental » qualifié de régime politique stricto sensu.

Dans ce dernier cas, dit-il, « le régime politique se réduit à l'un des éléments structurels du système : l'élément « institutionnel »282(*). Sous cet aspect, le lien avec notre sujet est l'intérêt que présente la relation entre la constitution au sommet d'un pouvoir exécutif effectif, impulsant sur l'ensemble des organes du pouvoir et, l'émergence ainsi que la formation et la stabilité de l'Etat. Entre 1960 et 1965, la crise institutionnelle fut remarquable, en 1960 sous la loi fondamentale comme en 1964 sous la constitution de Luluabourg par la difficulté de fonctionnement d'un exécutif bicéphale.

En 1960, deux mois seulement après l'entrée en vigueur de la loi fondamentale comme nous l'avons vu, l'antagonisme entre les deux têtes de l'exécutif a abouti à la crise dont nous avons parlé.

De même, en 1964, la même situation se présenta : le Chef de l'Etat révoque le Premier Ministre Tshombe, mais ne put le remplacer par un autre Chef de gouvernement jouissant de la confiance du gouvernement, et comme la dit Mpinga Kasenda, tout se termina comme en 1960 par l'intervention de Mobutu283(*), cette fois, le colonel devenu général ne restitue plus le Pouvoir ni à l'un ni à l'autre. Nul ne put penser qu'il n'en sortirait que par la force tel que nous le verrons, après Trente - deux ans de règne sans partage.

Sur le plan institutionnel, Mpinga Kasenda fait une observation pertinente, lorsqu'il affirme que « de 1960 à 1965, le Congo n'a connu que des pouvoirs exécutifs faibles et conteste les relations entre ces gouvernements privés de la plupart de leur moyens d'action et les autres branches du pouvoir de l'Etat profondément modifiés »3(*)34.

Nous pourrons anticiper pour constater que depuis 1990, la même situation s'est répétée jusqu'à la date où nous rédigions ces lignes.

Quant au Pouvoir législatif, le constat de C. Young est des plus significatifs : la faiblesse du Parlement congolais sous la loi fondamentale et les difficultés de son fonctionnement. Il explique cette faiblesse par trois causes essentielles :

- L'absence d'une majorité confortable en faveur d'un parti susceptible d'imprimer son action et ses orientations politiques aux autres. Cela est du à la composition hétéroclite du parlement ;

- Le manque de préparation des hommes politiques à la vie parlementaire. La plupart des parlementaires, exceptés ceux qui furent membres des conseils communaux, n'avaient jamais eu à connaître des problèmes de portée nationale ;

- Le caractère corporatif du Parlement congolais.

C. Young, note avec une justesse, vérifiable également à ce jour, qu'un trait constant de ce parlement fut le sens de la solidarité que les députés manifestaient lorsqu'il s'agissait de leur mandat ». L'auteur cite des traits relatifs à la recherche des intérêts pécuniaires et des avantages personnels et de solidarité dans le mal, qui rappelle curieusement les incidents qui ont émaillé le parcours des autres Parlements du Congo, tel que le Parlement sous la constitution de la transition du 9 avril 2003, avec ce qu'on a appelé « Affaire Kamitatu-Bemba ». Il montre que le Parlement sous la loi fondamentale s'était tellement discrédité que le prestige de l'institution en fut au plus bas et que le terme député fut synonyme de politicien corrompu ; « le titre de député était devenu l'objet de la dérision publique, et que c'était le terme qu'on utilisait maintenant pour désigner un voyou et un vaurien284(*).

B. Incidence de la crise congolaise sur l'institutionnalisation du pouvoir et sur la formation de l'Etat.

Dans les pages précédentes nous avons bien montré l'impact de la crise congolaise sur l'institutionnalisation du pouvoir politique au Congo. Il a été suffisamment démontré que sous la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, le Pouvoir politique théoriquement « institué » n'a pu s'institutionnalisé.

Quelles sont les conséquences à tirer d'une telle affirmation au sens de la logique juridique dans la poursuite de nos analyses sur la qualité du pouvoir et l'existence de l'Etat au Congo-Kinshasa ?

Après avoir compris que l'Etat est une forme de pouvoir politique et une forme de pouvoir institutionnalisé, démontrer l'absence d'un pouvoir institutionnalisé, équivaut à avoir démontré l'absence de l'Etat pour autant que l'on reste dans la logique du cadre théorique précédant. De même c'est admettre que chaque fois qu'il y a effondrement du pouvoir285(*), il conviendrait de parler de l'effondrement de l'Etat, quitte à opérer une renaissance ou une réfondation qui passe nécessairement par le rétablissement d'un pouvoir politique non seulement légal et légitime, mais suffisamment puissant pour être suprême sur l'ensemble du territoire.

Nous l'avons dit précédemment que la loi fondamentale n'a pas eu suffisamment d'emprise sur la conscience collective congolaise ni sur les acteurs politiques, pour s'imposer en norme arbitrale suprême gage d'un processus normale d'institutionnalisation du pouvoir. Cela étant, il nous reste à démontrer que l'exercice d'un pouvoir politique ou des pouvoirs politiques anarchiques a compromis pour longtemps la naissance d'un Etat congolais viable. Nous dirions que la loi fondamentale du 19 mai 1960 ou comme on le voudra, l'indépendance, ont accouché soit d'un Etat - avorton, soit d'un Etat prématuré, vite disparu. Pour le démontrer, il est utile de rappeler :

qu'il n'y a pas d'Etat sans pouvoir ayant le monopole de la violence physique ; sans territoire sur lequel s'exerce globalement la puissance publique et sans population constituée des peuples libres soumis à une autorité légale et légitime ; qu'il n'y a pas d'Etat sans personnalité juridique unique et, sans souveraineté. Or la crise congolaise de juillet 1960 a affecté La République Démocratique du Congo dans tous ces éléments.

La clarté de l'exposé impose une analyse de l'incidence de la crise congolaise sur les éléments constitutifs de l'Etat et de sa définition avant l'examen de son incidence sur les fonctions de l'Etat.

1. Incidence de la crise congolaise de 1960 sur les conditions d'existence de l'Etat.

a. L'absence du gouvernement et la multiplicité des gouvernements, absence de la puissance publique.

De toutes les trois conditions l'existence de l'Etat, l'organisation politique ou le pouvoir politique que nous avons appelée la puissance publique est la plus déterminante car c'est par elle que s'opère le phénomène de commandement - obéissance caractéristique de l'Etat même au stade embryonnaire.

Dans les lignes précédentes, nous avons observé avec Ziegler que quand le consensus social fait défaut, il n'y a ni autorité ni, à plus forte raison, légitimité ; comme l'autorité et la légitimité forment deux éléments constitutifs de la définition du pouvoir, il y avait donc « vacuum » du pouvoir au Congo286(*).

Même C. Young tout en s'insurgeant contre les thèses selon lesquelles la période entre 1960 et 1964 ne connut qu'une véritable anarchie, reconnaît cependant que du 1er juillet au 29 septembre 1960, le pays ne fut pas réellement gouverné.

Si comme nous pouvons le redire avec l'Association française de science politique, cité par J. Ziegler, le pouvoir politique est « l'exercice de l'autorité légitime de quelques uns sur tous », il est aisé de constater que deux semaines seulement après l'indépendance du Congo, rien de telle ne pouvait correspondre à une telle définition. Aucun noyau du pouvoir institué ou de fait ne s'identifiait à l'Etat pour commander et se faire obéir par tous.

La mutinerie de la force publique ainsi que les sessions ne furent que les soubresauts annonçant la mort précoce d'un Etat « prématuré »287(*). Au cas où nous pouvons nous consoler d'un Etat né viable mais n'ayant vécu que l'espace d'une rose. Deux semaines de vie pour un Etat !

L'absence du pouvoir politique, c'est-à-dire du pouvoir étatique au Congo, sous la loi fondamentale est d'autant plus facile à établir qu'aucun pouvoir disposant du monopole de la contrainte physique élément fondamentale dans la définition de l'Etat - n'y existait plus.

Kasa-Vubu, Tshombe, Gisenga et Albert Kalonji, étaient à la tête des gouvernements disposant chacun des armées et des administrations indépendantes les unes à l'égard des autres ou constamment en conflit violent. Un tel phénomène sur un même territoire ne s'accommode pas avec la cohésion nationale susceptible de déclencher le sentiment d'appartenance à un Etat au sein d'une population.

b. Absence d'une population caractéristique d'un Etat.

La population congolaise de 1960 est marquée par ce que nous pouvons appeler de l'«ethnie identification ». Nous voulons parler de cette satisfaction quasi irrésistible de s'identifier mutuellement par les ethnies et les tribus même au sein d'une même province ». Le lien tribal ou ethnique semblait chaque fois l'emporter sur le sentiment national c'est-à-dire d'appartenir à un Congo constituant un tout avec ses centaines de tribus dans les confins des frontières héritées de la colonisation.

Donc distordues, entre quatre pouvoirs majeurs, exerçant les prérogatives gouvernementales sur des portions de territoires aussi difficiles à franchir par les uns et les autres autant qu'il en fut pour le passage de Berlin est à Berlin Ouest, les populations congolaises vivaient comme dans plusieurs Etats souverains, sans homogénéité ni le vouloir vivre ensemble poussé ; cependant, elles vivaient sur un même territoire.

c. Absence d'un territoire étatique.

Nous ne voulons pas dire que La République Démocratique du Congo sous la loi fondamentale ait manqué de territoire, mais nous retiendrons que l'examen des lieux entre l'Etat -pouvoir et son territoire ne correspondait plus à ce que cette relation devrait être. Et aussi, faut-il noter que le territoire hérité de la colonisation fut marqué sérieusement par la crise congolaise.

Avec Ndaywel, nous avons vu que les partis politiques qui auraient pu véhiculer une idéologie, à même de rassembler les membres de la collectivité autour d'un idéal ou un projet national, regroupant indistinctement les personne de différentes tribus et ethnies, se sont plutôt posé en larges associations tribalo - ethniques, dressées les unes contre les autres. Le territoire est considéré comme « la circonscription à l'intérieur de laquelle s'exerce la puissance de l'Etat, la limite matérielle à l'action des gouvernants »288(*). De là, nous pouvons affirmer que si à un point de son territoire l'Etat n'arrive plus à imposer sa puissance, c'est que à ce point et au regard de ses occupants, l'Etat cesse d'être un Etat. Ne dit-on pas « qui tient le sol tient l'habitant » pour montrer que le territoire joue un très grand rôle dans la création de l'Etat289(*).

2. Observations découlant du morcellement du territoire.

A ce propos, quelques observations s'imposent :

1° La République Démocratique du Congo n'avait plus la capacité de défendre son territoire sur toute son étendue.

Ainsi, après avoir perdu la bataille contre les armées de Tshombe, le gouvernement central n'exerçait plus pleinement son pouvoir sur les frontières de la province du Katanga. De même qu'il en sera pour l'Etat autoproclamé du Sud - Kasaï et pour la province orientale ou stanleyville.

Il en découlait que sur le plan de sécurisation du pays pour pérenniser l'Etat que la présence des troupes congolaises régulières aux postes frontaliers à partir des provinces rebelles devint impossible. Cela reviendrait à dire que le pouvoir centrale n'était plus à même d'empêcher par la force, une infiltration extérieure ou même une occupation par les armées de pays limitrophes.

2° Sur le plan interne, le territoire était morcelé comme nous l'avons dit précédemment entre Kasa-Vubu, Tshombe, Gisenga et Kalonji.

Ces deux observations justifieraient la déduction par laquelle un constat est possible conformément à toutes les théories sur le territoire, la République Démocratique du Congo ne disposait plus en tant qu'Etat d'un territoire jouant un rôle caractéristique.

En effet, dans la première partie théorique nous avons vu avec E. Mpongo290(*) et d'autres publicistes, le rôle du territoire en ce qu'il joue le rôle de sujet, d'objet ou de limite. En tant que sujet, le territoire est considéré comme la personnalité même de l'Etat parce que sans territoire Etat ne pourrait exprimer sa volonté291(*). Le même auteur poursuit que ce qui caractérise la volonté de l'Etat, de quelque manière qu'elle s'exprime (loi ou traité), c'est l'autonomie, la souveraineté. Mais cette souveraineté ne peut se manifester qu'à l'intérieur d'un territoire qui devient par la suite un élément de la volonté et de la personnalité de l'Etat292(*). Or avec la sécession et les rebellions des années soixante, nous découvrons que cette souveraineté faisait défaut sur l'ensemble du territoire qu'on ne pouvait plus modifier de national.

Quant à la théorie du territoire objet, selon laquelle le territoire est considéré comme un domaine éminent de l'Etat, nous aurons constaté que la crise congolaise avait eu pour effet la perte de ce domaine au profit des puissances internes concurrentes à celle de l'Etat né de l'indépendance. De même, en vertu de la théorie du territoire limite, celle d'ailleurs, à laquelle on donne plus de préférence.

Aux termes de nos analyses sur l'institutionnalisation du pouvoir et l'Etat au Congo, sous la loi fondamentale du 1er août 1960 relative aux structures du Congo, nous avons démontré que du point de vue théorique, le pouvoir était constitutionnellement organisé à l'instar du pouvoir politique en régime parlementaire dans les Etats occidentaux. On pourrait s'y méprendre et croire à un pouvoir politique institutionnalisé. Mais allant au delà de textes, nous avons confronté l'effectivité de l'exercice du pouvoir à la théorie pour conclure à l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir. S'il y avait eu institutionnalisation du pouvoir politique, Mobutu n'aurait pas nommé les commissaires généraux, sortis de nulle part, sinon de la fertilité de sa pensée sans que le pays tout entier en soi scandalisé. Les ambiguïtés contenues dans la loi fondamentales notamment celles relatives à la direction de l'exécutif et à la nomination et la révocation du Premier Ministre, le caractère étranger de la loi fondamentale par ses origines, les pressions extérieures occidentales sur le Pouvoir politique à Kinshasa frisant l'ingérence ou le néocolonialisme, l'immaturité politique de la classe congolaise recrutée à la hâte, après l'indépendance sont autant des facteurs qui se sont dressés en obstacle à l'institutionnalisation du pouvoir politique au Congo-Kinshasa.

Cela aura une grave conséquence : l'échec de la maturation de l'Etat né juridiquement le 30 juin 1960. Cet Etat disons-nous, comparable à un enfant prématuré dans la couveuse, s'est trouvé brutalement déconnecté de l'ambiance favorable à sa survie et s'est effondré mort. Nous avons mesuré l'impact de la crise politique eu de la crise du pouvoir sur l'Etat, nous avons pu démontré l'incidence négative qu'elle a eu sur chaque élément constitutif de l'Etat congolais. Aussi avons-nous le courage d'affirmer que depuis juillet 1960, et des mois sombres qui ont marqué la paralysie de la loi fondamentale ainsi que du système politique dont elle fut le pilier, le jeune Etat congolais ayant cessé d'exister fut précipité dans un gouffre duquel les efforts futurs par le constituant de Luluabourg, de 1964, et tous ceux qui ont suivi tels que nous allons le voir, tentent de l'extirper s'affairant ainsi sur un Etat non Etat ou un Etat « Zombi »293(*).

Section 2 : Pouvoir et Etat sous de la constitution du 1er août 1964.

Nous examinerons successivement, l'aménagement du pouvoir, les relations entre les institutions, le fonctionnement des institutions et l'incidence de la constitution de Luluabourg sur le pouvoir et l'Etat.

§1. Aménagement du pouvoir sous la constitution du 1er août 1964.

Comprendre l'architecture constitutionnelle des institutions politiques avant d'examiner leur fonctionnement tel qu'organisé par la constitution dite de Luluabourg, tel est notre préoccupation essentielle dans ce paragraphe.

§1 Les institutions politiques.

Hormis la Cour constitutionnelle, et les Cours et Tribunaux l'article 53 de la constitution de Luluabourg prévoyait :

- Le Président de la République ;

- Le gouvernement ;

- Et le Parlement composé de deux chambres.

A. Le Président de la République.

1.Mode de désignation.

Sous la constitution de Luluabourg, il fut prévu que le Président de la République soit élu par un corps électoral composé des membres du Parlement et des membres de la ville de Léopoldville qui devraient voter dans la capitale, ainsi que les membres des assemblées provinciales qui devraient chacun au chef-lieu de la province qu'il représentaient.

La ville de Léopoldville désignerait un nombre d'électeurs du Président équivalent au nombre des Conseillers provinciaux auquel cette ville aurait en droit si elle était constituée en province. Le scrutin aurait dû s'ouvrir sur convocation du Président de la chambre des députés trente jours au moins et soixante jours plus tard avant l'expiration du mandat du Président en exercice294(*)

Les déclarations de candidature à la présidence de la République devraient être déposées sur le bureau de la chambre des députés quatre vingt-dix jours au plus avant l'expiration du mandat du Président en exercice.

L'élection devait avoir lieu à la majorité absolue des suffrages aux deux premiers tours du scrutin, à la majorité relative au troisième tour. Au deuxième tour, seuls devraient rester en compétition les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de voix au premier tour295(*).

2. Rôle et compétences du Président de la République.

Conformément à l'article 54 de la constitution de Luluabourg, le Président de la République était le représentant de la Nation et Chef de l'exécutif central. Il devait conduire la politique de l'Etat, fixer le cadre de l'action du gouvernement, veiller à son application et informer le parlement de son évolution.

Par ailleurs, il était prévu que le Président de la République dirigeait et contrôlait la politique étrangère de la République, accréditait les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires devraient être accrédités auprès de lui296(*).

Le Président de la République promulguait les lois nationales dans les conditions prévues par la constitution297(*); il devait assurer l'exécution des lois nationales et faire les règlements nationaux de police et d'organisation interne de l'administration centrale298(*). Le Président de la République exerçait des prérogatives législatives en prenant des décrets ayant force de loi nationale, dans les conditions prévues aux articles 95 à 97.

En effet, l'article 95 de la constitution du 1er août 1964 disposait que : « Les chambres peuvent soit de leur propre initiative, soit à la demande du Président de la République, déléguer à celui-ci par une loi, l'exercice du pouvoir législatif fédéral, pour certaines matières déterminées et pour la durée qu'elles fixent. Le Président de la République fédéral exerce le pouvoir qui lui est ainsi délégué par voie de décrets-lois délibérés en Conseil des Ministres. Les chambres peuvent demander au gouvernement fédéral de communiquer à leurs bureaux dans le délai qu'elles fixent les décrets-lois délibérés en Conseil des Ministres »299(*).

Par ailleurs, en temps de guerre, la disposition de l'article 97 conférait au Président de la République fédérale le pouvoir de proclamer l'Etat de siège. Et, lorsqu'un danger extérieur menaçait la République fédérale ou que le fonctionnement régulier des institutions de la République fédérale ou d'une preuve était interrompu, le Président de la République fédérale devait proclamer l'Etat d'urgence300(*). Ainsi, il devait prendre des mesures d'urgence nécessaire pour faire face à la situation.

La constitution du 1er août 1964, le Président de la République fédérale avait les compétences de nommer le Premier Ministre et les autres membres du gouvernement fédéral301(*). De même, il pouvait mettre fins aux fonctions du Premier Ministre, d'un ou de plusieurs membres du gouvernement fédéral sur présentation par eux de leur démission ou sur proposition du Premier Ministre ;

Il pouvait également de sa propre initiative, mettre fin aux fonctions du Premier Ministre, d'un ou de plusieurs membre du gouvernement fédéral, notamment lorsqu'un conflit grave l'opposait à eux ; Il avait la compétence de trancher souverainement les conflits qui surviendraient entre le Premier Ministre et les autres membres du gouvernement fédéral302(*). Le Président de la République fédérale devait investir les gouverneurs de province du pouvoir de le représenter dans la province303(*). Il était le Chef suprême des forces armées pouvant nommer et révoquer conformément à la loi fédérale, le Commandant en Chef et les autres officiers des forces armées304(*).

L'article 63 de la constitution du 1er août 1964, lui conférait les compétences de nommer aux hautes fonctions de l'administration fédérale, et le pouvoir de nomination des magistrats à tous les niveaux de juridictions.

B. Le gouvernement fédéral.

Nous examinons sa composition et le mode de désignation de ses membres avant de voir ses attributions.

1. Composition du gouvernement fédéral et mode de désignation de ses membres.

Aux termes de l'article 64 de la constitution du 1er août 1964, le gouvernement fédéral était composé du Premier Ministre et des Ministres dont le nombre ne dépasserait pas quinze.

Il pouvait comprendre en outre, au maximum, trois secrétaires d'Etat adjoints au Premier Ministre ou à un Ministre.

Comme nous l'avons déjà signalé, le Premier Ministre était nommé par le Président de la République fédérale. Les autres membres du gouvernement fédéral étaient également nommés par le Président de la République fédérale sur proposition du Premier Ministre305(*).

2. Attributions du gouvernement et du Premier Ministre.

Le Premier Ministre jouissait de la prérogative de diriger l'action du gouvernement fédéral dans le cadre du programme tracé et des décisions prises par le Président de la République fédérale pleinement responsable de la conduite des affaires du gouvernement306(*).

En plus, le Premier Ministre ou le Ministre délégué par lui, présidait le Conseil du Cabinet307(*), et tranchait les conflits survenant entre les membres du gouvernement308(*).

Quant aux Ministres, ils étaient les Chefs de leurs départements et appliquaient chacun dans son département, sous la direction du Premier Ministre, le programme fixé et les décisions prises par le Président de la République fédérale. Les ministres demeurant dans la les limites de leurs prérogatives constitutionnelles prenaient toutes les décisions relatives à la gestion des services publics relevant de leur département.

Par contre, les secrétaires d'Etat, sous l'autorité du Ministre auquel ils sont adjoints exerçaient les attributions qui leur étaient expressément dévolues par le Président de la République fédéral.

Que faut-il dire des pouvoirs du Président de la République fédéral et du Premier Ministre personnage clé dans l'évolution politique et la construction de l'Etat au Congo ? Il serait anticiper d'apporter une réponse à ce niveau. Le moins que l'on puisse dire est que sous la constitution du 1er août 1964, le Président de la République jouissait des pouvoirs plus étendus et plus clairs que le Chef de l'Etat sous la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.

S'agissant du Premier Ministre, il a vu son rôle strictement encadré par le Président de la République fédéral en même temps que son investiture était soumise à l'approbation du Parlement réuni en congrès309(*).

C. Le Parlement

Le Parlement fédéral comportait deux chambres :

- la chambre de députés,

- et le sénat.

La manière dont leurs membres entrent aux affaires déterminant la qualité du Pouvoir politique. Sous cet angle, il n'est pas vain de parler de mode de recrutement ainsi que de leurs attributions.

1. Mode de recrutement.

Les députés étaient élus au suffrage universel direct et secret à raison d'un député par 100.000 habitants : Chaque fraction de population égale ou supérieure à 50.000 donnait droit à un député de plus310(*).

Par ailleurs, les sénateurs étaient élus par les Assemblées provinciales. L'un de six sénateurs représentant de District fédéral de Léopold ville devait être un chef coutumier ou un notable élu en cette qualité311(*).

2. Attributions.

La chambre des députés et le Sénat exerçaient collectivement le pouvoir législatif fédéral conformément à l'article 90. Conformément à l'article 96, les chambres donnaient approbation par une loi aux décrets ayant force de loi pris par le Président de la République en cas extraordinaire de nécessité ou d'urgence.

Par ailleurs, chaque chambre avait le droit d'envoyer aux membres du Gouvernement les pétitions qui lui étaient adressées, et aux quelles les membres du Gouvernement fédéral sont tenus de répondre chaque fois que l'une de chambre l'exige312(*).

§2. Relations entre les institutions et entre les organes du Pouvoir.

Les rapports entre les détenteurs du pouvoir d'Etat, méritent l'analyse car ils sont susceptible de renseigner sur la forme du pouvoir en place. Le pouvoir institutionnalisé se caractérise, du moins formellement, par un partage des fonctions soit entre les organes d'une même institution tels que le Chef de l'Etat et le Premier Ministre pour l'institution gouvernementale d'une part soit entre différentes institutions telles que le Gouvernement et le Parlement. Par contre, le pouvoir individualisé est réfractaire au partage d'autre part. Qu'en était-il sous l'empire de la constitution du 1er août 1964 ? Il est utile d'examiner les relations entre le Président de la République et le Premier Ministre (A) avant d'apprécier les rapports entre le pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif (B).

I. Le Président de République fédérale, le Premier Ministre et les membres du gouvernement fédéral.

La constitution du 1er août 1964 confère sans ambiguïté une position hiérarchique plus élevée au Président de la République fédérale par rapport au Premier Ministre. D'abord par la source de leur légitimité. Le Président de la République fédéral était élu par un corps électoral composé des membres du parlement et par les délégués du District fédéral de Léopoldville et les membres des assemblées provinciales313(*). Tandis que le Premier Ministre est nommé par le Président de la République.

Ensuite par la précision apportée à l'article 54 que le Président de la République fédérale est le Chef de l'exécutif fédéral. Et en fin par les prérogatives reconnues au Président de la République fédérale de déterminer et de conduire la politique de l'Etat. La même disposition de l'article 54 lui attribuait le pouvoir de fixer le cadre de l'action du gouvernement fédéral. Il en résultait que lors de son entrée en fonction le Premier Ministre devait prêter serment devant le Président de la République fédérale.

Peut-on penser que ce serment ait été la reconnaissance d'un pouvoir personnel du Président de la République par un acte d'allégeance à la personne du Chef ?

Nous ne le croyons pas pour deux raisons, la première est que la formule même du serment constitutionnelle telle que prévue à l'article 65 ne faisait nullement allusion à la « fidélité » au Chef de l'Etat Président de la République comme à l'époque du « Maréchal » Mobutu, mais on retrouve plutôt une formule plus républicaine, expression d'un acte d'engagement à observer la constitution et les lois de la République fédérale du Congo ; la deuxième, est qu'il est plus logique de considérer que le Président de la République fédérale ne recevait ce serment qu'en sa qualité de Représentant de la Nation314(*).

Pour sa part, le Premier Ministre était tenu de diriger l'action du gouvernement fédéral dans le cadre du programme tracé et des décisions prises par le Président de la République fédérale qu'il tenait pleinement informé de la conduite des affaires du Gouvernement315(*). Quant aux autres membres du Gouvernement fédéral, ils n'étaient responsables que devant le Président de la République fédérale. Ils s'engageaient par le contreseing qu'ils opposaient à ses actes, à les exécuter316(*).

II. L'Exécutif et le Législatif.

Il importe de rappeler que les membres du Parlement concouraient avec d'autres, à l'élection du Président de la République fédérale qui était comme nous l'avons dit, Chef de l'Exécutif.

Il convient de signaler que la constitution du 1er août 1964 conférait au Parlement un pouvoir de désaveu du Gouvernement qui conduisait le Premier Ministre et toute son équipe à la démission317(*). Dans ce cas, le Président de la République devait désigner un autre formateur pour lui proposer une autre équipe gouvernementale.

Le Président de la République disposait d'un pouvoir législatif exceptionnel en cas de siège ou d'un Etat de siège. Dans ces circonstances, il pouvait prendre comme nous l'avons vu prendre des décrets ayant force des lois. Le Parlement devait approuver par ses deux chambres endéans soixante jours, depuis leur signature. La promulgation des lois était faite par le Président de la République fédérale. Mais il ne pouvait promulguer que les lois approuvées par le Parlement. Ainsi les décrets lois qui n'étaient pas approuvées dans le délais précité, cessaient de produire les effets318(*). S'agissant de l'élaboration de la loi, nous devons signaler que l'initiative des lois fédérales appartenait concurremment au Président de la République fédérale et à chacun des membres du Parlement conformément à l'article 90 de la constitution du 1er août 2006.

Le Président de la République fédérale pouvait déclarer un projet ou une proposition de loi urgent, cet acte là devait être examiné en « priorité ».

Le Parlement exerçait des moyens de contrôle classique sur le Parlement, à savoir, la question orale ou écrite, l'interpellation, l'audition par les commissions, la commission d'enquête, l'avertissement ou la remontrance319(*).

§3. Fonctionnement des institutions.

Il était possible d'espérer à juste titre que les institutions mises en place par la constitution du 1er août 1964 fonctionneraient sans accroc, du fait des correctifs apportés dans la nouvelle constitution élaborée par les congolais eux-même, par rapport à l'expérience malheureuse de la loi fondamentale du 19 mai 1960. Mais c'était sans compter avec la caractéristique quasi unique de la classe politique congolaise, le vice du conflit faisant d'elle l'une de classe la plus pervertie de notre planète. Nous y reviendrons.

Sur le plan formel, les attributions des organes et des institutions ainsi que leurs modes de collaboration étaient clairement définies par la constitution. La nouvelle crise institutionnelle qui devait naître avait une fois de plus conduit à la paralysie des institutions se traduisant par un blocage du fonctionnement du système (I.), et ayant une fois de plus abouti à l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir (II.).

I. Paralysie des institutions sous la loi du 1er août 1964.

Tirant les leçons des révocations mutuelles de 1960 entre le Chef de l'Etat Kasa-Vubu et le Premier Ministre Lumumba, le constituant de Luluabourg renforça les prérogatives du Chef de l'Etat tel que nous l'avons vu précédemment. Au terme de l'article 54, il détermine et conduit la politique de l'Etat, fixe le cadre de l'action du gouvernement, veille à son application et informe l'assemblée de son évolution. Il a le pouvoir de révoquer un ministre voire même le Premier Ministre sans condition préalable d'un contreseing ministériel.

Toujours dans le souci de garantir la stabilité des institutions, le constituant de Luluabourg a fait disparaître les notions de censure et de défiance. Cependant les deux chambres conservaient leurs pouvoirs d'approbation ou de refus d'investiture d'un gouvernement nommé par le Chef de l'Etat320(*). Alors que seule la chambre de représentant pouvait approuver ou non la nomination d'un Ministre.

La constitution du 1er août 1964 ne résolvait pas la question de savoir ce que adviendrait en cas de la reconduction d'un même formateur par le Chef de l'Etat en cas de sa désapprobation lors de sa première désignation par le Parlement réuni en congrès ou celle du refus d'approbation d'un nouveau Ministre.

Certes le bon sens et même la simple logique exigent qu'une telle préoccupation ne soit pas d'une grande importance dès lors qu'on pouvait bien penser qu'en vertu du principe, que les mêmes causes produisent les mêmes effets, le Chef de l'Etat aurait suffisamment de lucidité pour ne plus rédésigner un formateur précédemment désapprouvé par les chambres du Parlement. Or c'est malheureusement ce qui arriva en 1965.

Ayant proposé la candidature d'Evariste KIMBA, en remplacement de son Premier Ministre Moïse TSHOMBE qu'il venait de révoquer, le Président de la République fédérale Monsieur Joseph Kasa-Vubu, se heurta au refus d'investiture de son candidat de la part du Parlement. Faisant fi de ce refus, il proposa le même candidat que le Parlement devait également refuser. Ce fut le blocage, et la résurgence d'une crise institutionnelle321(*). D'aucuns essayent de comprendre le comportement politique du Président de la République fédérale Monsieur Kasa-Vubu par son désir de se présenter aux prochaines élections présidentielles où devait également se présentait Monsieur Moïse Tshombe comme adversaire. Or jouissant d'une confortable majorité au Parlement ce dernier était crédité d'avance gagnant compte tenu de la majorité dont il jouissait dans le nouveau parlement322(*).

II. Echec d'institutionnalisation du pouvoir sous la constitutions du 1er août 1964.

Sans un rappel aussi bref que possible de ce que nous avons dit sur institutionnalisation du pouvoir, quelques incompréhensions peuvent persister. L'important ici est de mesurer l'impact de la constitution du 1er août 1964 sur le processus d'institutionnalisation du pouvoir politique. Pour bien nous situer, il est utile de préciser que nous parlons du pouvoir suprême dans l'Etat. Ce pouvoir défini comme la capacité de commander et de se faire obéir. A son niveau le plus élevé, nous avons vu qu'un telle capacité est l'apanage de l'Etat. L'Etat étant, invisible, l'exercice de son pouvoir s'exprime par des gouvernants organes ou personnes physiques, investis du pouvoir d'action.

Deux formes du pouvoir nous ont permis d'explorer la notion d'institutionnalisation, à savoir la forme personnifiée ou individualisée du pouvoir et la forme institutionnalisée.

Dans la première nous avons dit, le pouvoir est perçu comme la propriété de son détenteur qui l'exerce selon tous les attributs de son droit. Ici Le détenteur est dispensé du souci de conformisme à une quelconque règle dans l'exercice du pouvoir. Une telle forme de pouvoir est incompatible avec l'idée même de l'Etat car, après Burdeau G. et Prélot M. nous avons dit que l'Etat est un pouvoir de droit, un « Pouvoir institutionnalisé », Sachant que l'institutionnalisation implique que le pouvoir étatique soit un pouvoir s'exerçant selon les règles », l'épisode congolaise de 1965 suscite certaines questions. Quelle forme faut-il attribuer au pouvoir politique exercé et manifesté au sommet sous le mandat du Président de la République fédérale de Joseph Kasa-Vubu. L'institutionnalisation du pouvoir a-t-il été rendue possible. Nous devons situer la repose de cette double préoccupation à deux niveaux, à savoir de l'analyse juridique, constitutionnelle et de la pratique constitutionnelle et politique.

1°. Du point de vue constitutionnel.

Il est aisé de considérer que la constitution du 1er août 1964 a consacré l'institutionnalisation du pouvoir dans ce sens que le pouvoir d'Etat devrait se conquérir, s'exercer et se transmettre conformément aux règles préétablies. Le mode de désignation du Président de la République était déterminé aux articles 55 et 56 qui déterminaient également son mandat, ses compétences furent également son mandat, ses compétences furent également clarifiées notamment aux termes des articles 58 et 63.

Donc sur le plan strictement juridique, la constitution du 1er août 1964 se posait en socle suffisant pour la disparition du pouvoir individualisé ou personnalisé. Nous croyons que notre point de vue se trouve renforcé par les dispositions des articles 2 et 71 de la constitution du 1re août 1964.

En effet, l'article 2 dispose que « tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum ; aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ».

Par ailleurs, l'article 71 érige en infraction de haute trahison à charge du Président de la République et des membres du gouvernement, tout acte contraire à la constitution nationale par lequel l'un ou l'autre se substituerait ou tenterait de se substituer à une institution, ou empêcherait à une autre institution de fonctionner. Ces dispositions font une démarcation remarquable entre l'institution Etat source du pouvoir et ses détenteurs précaires ou agents que devraient être le Président de la République et les membres du gouvernement. Cela suffirait à conclure à l'institutionnalisation du pouvoir. Cependant nous croyons qu'il serait naïf de se limiter à la façade constitutionnelle sans pénétrer la profondeur de la pratique et jauger le niveau de culture politique du moment.

2°. Du point de vue de la pratique politique.

Le régime de la constitution du 1re août 1964, avec au centre, les mêmes acteurs du régime de la loi fondamentale excepté Patrice LUMUMBA disparu, n'a pas généré une forme de pouvoir institutionnalisé. Au paragraphe suivant nous verrons qu'elle n'a pas eu grande incidence sur le pouvoir.

§4. Incidence de la constitution du 1er août 1964 sur le pouvoir et l'Etat.

Il importe d'examiner le sort de l'Etat sous la constitution du 1er août 1964. Ce texte a-t-il eu un impact positif sur le processus de formation ou de consolidation de l'Etat au Congo-Kinshasa ? Il y a lieu de procéder à une analyse à trois niveaux. D'abord sur le plan théorique (I.), ensuite sur l'observation de l'exercice du pouvoir (II.), et enfin sur la déliquescence de l'Etat (III.).

I. Projection théorique.

Il est utile de constater qu'à l'instar de la plupart des constitutions écrites, la constitution du 1er août 1964 élaborée par la commission constitutionnelle réunie à Luluabourg323(*), du 1er janvier au 11 avril 1964, et soumise au référendum du 25 juin au 10 juillet 1964, commence par des dispositions relatives à la définition de la forme de l'Etat.

En effet, l'article 1er dispose :

« la République Démocratique du Congo constitue dans ses frontières au 30 juin 1960, un Etat souverain, indivisible, démocratique ».

« l'emblème de la République est le drapeau bleu ciel, orné d'une étoile jaune dans son coin supérieur gauche et traversé en biais d'une bande rouge finement encadrée de jaune ».

La même disposition définit sa devise324(*) et ses armoiries composées d'une tête de Léopard encadrée à gauche d'une branche de palmier et d'une flèche et, à droite d'une pointe d'ivoire et d'une lance, le tout reposant sur une pierre.

Dans le même ordre d'idée, la constitution du 1er août 1964 affirme l'existence d'un territoire découpé en 21 provinces325(*), et d'un pouvoir dont le peuple est titulaire326(*). On peut, à la lecture des dispositions de la constitution du 1er août 1964, déceler en faveur du Congo-Kinshasa, la réunion de toutes les trois conditions d'existence de l'Etat, aussi appelées, éléments constitutifs de l'Etat à savoir, une population, un territoire et un pouvoir politique formellement institutionnalisé.

De là, à penser qu'il n'y aurait aucun intérêt à s'interroger sur la formation de l'Etat ou sur sa consolidation serait une erreur car entre la disposition théorique et l'effectivité de l'Etat la marge peut être considérable. Il y a lieu de considérer les déclarations faites aux articles 1er, 2 et 3 de la constitution du 1er août 1964, comme une affirmation de principe, une projection théorique ou un idéal. L'effectivité de l'Etat congolais sous la constitution de Luluabourg ne peut se vérifier sans apprécier la manière dont le pouvoir était exercé.

II. Le Pouvoir dans le chaos.

La constitution du 1er août 1964 fut promulguée à une période de grande tension interne. Bien que l'année 1963 connut la fin de la sécession « katangaise », la République Démocratique du Congo ne sombrait pas moins dans le chaos. Un fait majeur devrait perturber le cours de la situation politique et militaire, à savoir la « révolution muleliste ». A cette période, parler du pouvoir au Congo-Kinshasa appellerait la question de savoir de quel pouvoir s'agissait-il, tellement que les guerres révolutionnaires et les rebellions persistaient ayant pour conséquence, plusieurs centres de pouvoirs. Il convient de rappeler les événements troubles de cette époque non par le souci de faire de l'histoire mais de mettre en relief les obstacles à l'exercice d'un pouvoir institutionnalisé et à l'édification de l'Etat, bref des facteurs défavorables à la stabilité et du pouvoir et de l'Etat. Jusqu'à la promulgation du 1er août 1964 le clivage politique entre les nationalistes327(*) et les autres formations politiques qualifiées de néocolonialistes ou pro occidentales persista.

Isidore Ndaywel affirme que la réconciliation de Lovanium328(*) fut de courte durée car les nationalistes qui se réclamaient héritier de Lumumba se rendirent compte qu'ils avaient été dupés par le « groupe de Binza ». Le gouvernement Adoula procéda à des remaniements visant à évincer la tendance nationaliste en son sein. A cela s'ajoutaient deux faits ayant contribué à renforcer l'opposition à l'égard du gouvernement Adoula, à savoir le refus de libérer Gisenga Antoine et la dissolution des chambres du Parlement.

En effet, Gisenga était emprisonné depuis 1962, en mai 1962, le conseil de Ministres avait décidé de le relâcher mais plus tard Adoula reviendra sur cette décision, déclarant qu'il était lui-même d'accord, mais que ses amis avaient refusé. En juin 1963 c'est Adoula lui-même qui se décida de libérer le prisonnier encombrant, mais Kasa-Vubu n'y prêtera guère grande attention ; Et c'est Tshombe qui le libérera le 15 juillet 1964, soit à quelques jours de la promulgation de la nouvelle constitution. Du fait de son emprisonnement Gisenga commençait à acquérir la faveur de l'opinion comme un héros tandis que le gouvernement Adoula devenait de plus en plus impopulaire. En même temps, le Président Kasa-Vubu prit la décision, le 29 septembre 1963, de dissoudre les chambres en vue de stopper l'offensive de l'opposition qui ne cessait d'importuner le gouvernement329(*).

A l'abri des incursions policières, l'opposition frondeuse, trouva abri à Brazzaville où Alphonse Massamba - Débat favorable à la tendance progressiste et partenaire de Lumumbistes, venaient de renverser l'Abbé Youlou ; Mieux sécurisé à Brazzaville qu'au sein du Parlement à Kinshasa, l'opposition congolaise décida de s'organiser pour déclencher la « révolution ». Ainsi, les partis unitaristes qui constituaient l'opposition s'organisèrent en un cartel appel « Conseil National de Libération » (CNL) ayant pour objectif de renverser le gouvernement Adoula et réaliser enfin « la décolonisation totale et effective du Congo », encore dominé par la coalition, des puissances occidentales330(*).

Fondé le 3 octobre 1963, la CNL proclama dans son manifeste, la déchéance de toutes les institutions régies par la loi fondamentale, Chef de l'Etat, Gouvernement et autres et réclama, la mise en place d'un « gouvernement provisoire de salut public »331(*). Autant que le pouvoir à Kinshasa était dès 1960 affaibli par les tendances à la personnification et les contestations réciproques de ses détenteurs les uns les autres autant les pouvoirs révolutionnaires souffraient de mêmes maux. De là, à nous faire croire que l'homme congolais s'est systématiquement montré inapte à se conformer à la rigueur d'une discipline institutionnelle. L'institutionnalisation suppose, l'organisation structurelle et systématique par des normes, et une soumission des membres et à la règle et à la hiérarchie ou aux organes. Ainsi, à partir de février 1964, il eut deux ailes du CNL : le CNL - Gbenye et le CNL - Bocheley. Ce dernier étant Vice-Président du CNL contestait l'autorité de son Président Gbenye dont il trouvait le mouvement ambigu et hésitant à s'engager dans une lutte concrète. Avec ses amis, Bocheley, révoque Gbenye et se fit élire responsable du CNL, le 5 février 1963. Comme Kasa-Vubu et Lumumba en 1960, Gbenye à son tour révoqua son Vice-Président. Finalement chaque comité fonctionna en dissident. Le CNL Bocheley s'appuya davantage sur le Parti Solidaire Africain (PSA), et essaya de récupérer le projet révolutionnaire de Mulele. Il importe de signaler qu'il existait deux ailes du PSA, PSA - Kamitatu et PSA - Gbenye, farouchement opposés. La « révolution » fut déclenchée en deux mouvements :

Le premier fut dirigé par Pierre Mulele dans le Kwilu à partir du mois d'août 1963. Ce front fut complété par un autre ouvert dans la région de Bolobo - Mushie en juillet 1964.

Le second, partait de la région Uvira - Fizi conquise en avril 1964332(*). Il s'étendit vers le Nord - Katanga par la conquête d'Albert - ville le 19 juin 1964 ; puis au Maniema dont la capitale tomba le 24 juillet de la même année et enfin au Haut- Congo ou Stanleyville tombée le 5 août 1964 devint la capitale d'une « République populaire du Congo ».

Il faut noter que l'offensive muleliste enregistra une succession de victoires. Les forces mulelistes en quelques mois, occupèrent le territoire compris entre Kikwit - Gungu et Idiofa.

A l'Est, un autre front révolutionnaire s'ouvrit le 15 avril 1964, huit mois après le déclenchement de l'opération du Kwilu. Depuis le mois de janvier, Gaston Soumaïli dit Soumialot et Laurent Désiré Kabila venant de Brazzaville s'y livraient à des activités subversives. La Chute d'Uvira servit de point de départ pour des nouvelles conquêtes. Albert - Ville, Baudouin ville, Kabalo, Manono, Kabongo tombèrent successivement l'un après l'autre.

Très rapidement l'ensemble de la région tomba sous contrôle de révolutionnaires333(*). Au mois de juillet, Kindu la capitale du Maniema tomba avant Kabambare, Kasongo et d'autres villes et localités.

Comme il est possible de le constater, au moment où la constitution du 1er août 1964 est promulguée, le pays est déchiré par des guerres rageuses qui ne manquent pas d'affecter le pouvoir et l'Etat. Les calculs politiciens et le souci de protéger les intérêts extérieurs semblent plus peser dans la manière dont les détenteurs du pouvoir l'exercent que la règle constitutionnelle, que du reste, les rebelles ignorent.

Le moins que l'on puisse dire est que le pouvoir tel que défini par la constitution du 1er août 1964 s'est exercé dans un environnement chaotique qui a favorisé le processus d'effondrement de ce qui aurait dû aboutir à la formation de l'Etat au Congo-Kinshasa.

III. Poursuite du processus d'effondrement de l'Etat embryonnaire.

La crise institutionnelle congolaise a eu une incidence très relative sur la consolidation de l'Etat. Il est utile d'examiner son incidence sur les conditions d'existence de l'Etat avant d'analyser celle sur les fonctions de l'Etat.

A. Incidence sur les conditions d'existence de l'Etat.

Trois éléments sont retenus comme constitutifs de l'Etat à savoir, la population, le territoire et la puissance publique.

IL convient d'apprécier chacun de ces éléments par rapport à son essence ou à son rôle étatique en ce qui concerne la République Démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du 1er août 1964.

1. Incidence de la crise politique sur la population au Congo.

L'existence des êtres humains sur un sol donné suffit-il à faire des lieux occupés un Etat au sens moderne ?

La réponse est sûrement négative. Nous l'avons dit avec Carré de Malberg que la population étatique satisfait à certains critères à savoir l'homogénéité, le caractère politique et la liberté.

Carré de Malberg observe que « dans chaque Etat on trouve un certain nombre d'hommes. Ce nombre peut être plus ou moins considérable : il suffit que ces hommes soient parvenus en fait à former un corps politique autonome »334(*). Il dit que l'Etat c'est avant tout une communauté humaine. L'Etat est une forme de groupement social. Ce qui caractérise cette sorte de communauté humaine, ce qu'elle est une collectivité publique, se superposant à tous les groupements particuliers, d'ordre domestique ou d'intérêt privé, ou même d'intérêt public local qui peuvent exister entre ses membres335(*). Tandis que à l'origine, poursuit le même auteur, les individus n'ont vécu que par petits groupes sociaux, famille, tribus, gens, isolés les uns des autres quoique juxtaposés sur le même sol, et ne connaissant chacun que son intérêt particulier, les communautés étatiques se sont formées en englobant tous les individus qui peuplaient un territoire déterminé, en une corporation unique fondée sur la base de l'intérêt général et commun qui unit entre eux, malgré toutes les différences qui les séparent, les hommes vivant côte à côte en un même pays »336(*). C'est dire que la population étatique n'est pas un conglomérat des groupes opposés les uns aux autres pour satisfaire leurs aspirations particulières. Il doit s'agir plutôt d'une population constituée en une nation ou ayant la vocation à le devenir.

Comme observe Carré de Malberg, le mot « nation » dans son sens juridique précis, tel qu'il résulte du système positif du droit public français et notamment du système de la souveraineté nationale, désigne non pas une masse amorphe d'individus, mais bien la collectivité « organisée des nationaux, en tant que cette collectivité se trouve constituée par le fait même de son organisation en une unité individuelle »337(*). Partant de l'analyse précédente de Carré de Malberg, l'on peut retenir que ni l'intérêt général ni le bien commun ne constituaient la préoccupation des populations congolaises. Fragmentées autour des politiciens omnibulés par la recherche effrénée du gain personnel, les masses congolaises miséreuses et éprouvées par les affres de la guerre, se préoccupaient plus des problèmes de survie dans un environnement où l'allégeance au seigneur de guerre occupant offrait l'unique voie de salut, encore que cela ne suffirait pas car les caprices d'un porteur d'armes, révolutionnaire ou rebelle pouvaient donner la mort sans que l'auteur soit inquiété par une quelconque justice.

Depuis 1960, la caractéristique de la population congolaise, fut une agitation quasi permanente soit des partis politiques à connotation exclusivement tribale ou ethnique soit des politiciens incitant à la haine tribale.

La situation n'aurait pu être différente dès lors qu'à la veille de l'indépendance les partis politiques qui ont existé ou émergé à l'époque ont véhiculé plutôt une sensibilité tribale ou ethnique découlant même de leurs dénominations. Ces formations étaient les plus nombreuses. Ainsi on pouvait noter l'existence de l'Alliance des Bakongo (ABAKO), le Mouvement Solidaire Muluba (MSM), le Mouvement pour l'Unité Basongye (MUB), l'Union de Bateke (UNIBAT), l'Union des Mongo (UNIMO), l'Union de Warega (UNERGA), l'Association des Baluba du Katanga (BALUBAKAT), etc. Ces types des partis étaient complétées par des fédérations et autres structures interethniques : l'Association de Tchokwe du Congo, de l'Angola et de Rhodésie (ATCAR), la confédération des Associations tribales du Katanga (CONAKAT), la coalition Kasaïenne (COAKA), la fédération des Associations des ressortissants de la province du Kasaï (FEDEKAT), l'Association des Ressortissants du Haut - Congo (ASSRECO), l'Union Kisangalaise pour l'indépendance et la liberté (LUKA), le Rassemblement Démocratique du Lac Léopold II et du Kwango - Kwilu (RDLK). Mêmes quelques uns aux titres extravagants n'avaient qu'en audience régionale : Centre de Regroupement Africain (CEREA) au Kivu, Parti Solidaire Africain (PSA) au Kwilu et Parti de l'Unité Nationale (PUNA) en Equateur338(*). Les partis à vocation nationale qui auraient pu galvaniser l'élan de la population vers l'intérêt général non seulement étaient moins nombreux mais ce sont trouvés farouchement opposé par rapport à des positions irréductibles quant aux options sur la gestion politique et administrative de l'Etat d'une part et sur la poursuite ou non de la coopération avec le bloc occidental. Aussi a-t-on assisté à un combat acharné entre le bloc pro occidental accusé de néocolonialisme dit bloc de « Binza » comme on l'a vu opposé au bloc de nationaliste « Lumumbiste » accusé de communiste. Mais quant à la forme de l'Etat la bataille s'est située entre fédéraliste et unitariste. Comme les congolais ne sont pas fort en batailles d'idées et des mots seulement, ils recourt trop vite à la bataille du feu.

Au delà de la population en tant que communauté organisée, et faut-il le souligner l'organisation ne provient que d'un pouvoir lui-même organisé, les individus membres de la communauté sont des nationaux ou encore des citoyens au sens romain du mot « civis »339(*). Ce terme désigne le lien social qui, par dessus tous leurs rapports particuliers et leur groupement partiels, rattache tous les membres340(*). De ce point de vue, il y a lieu de dire que pris individuellement les hommes constituant la masse humaine congolaise manifestaient moins ce lien d'appartenance à un corps politique congolais qu'à un corps tribal ou « idéologique ».

Nous dirons que selon les extravagances de leurs leaders tribaux de leur conducteur politique, les populations congolaises se sont trouvés soit otages soit prisonniers des libérateurs auxquels ils n'ont légués aucuns mandats. Or l'Etat est formé d'hommes libres. Nous retiendrons que de 1964 à 1965, la constitution du 1er août 1964 n'a pas eu d'incidence d'impact sur l'organisation sociale au point de générer une culture de citoyenneté ni de liberté ni chez les gouvernés ni chez les gouvernants. A cette période est-il possible de parler d'une population congolaise en tant qu'élément constitutif de l'Etat alors que la volonté la plus remarquable entre les communautés de ses populations était soit de se détruire mutuellement soit de s'exclure ? La question demeure lorsqu'on considère que ces populations se sont trouvées sous l'autorité des plusieurs « pouvoirs » exerçant avec succès le monopole de la violence physique, c'est-à-dire deux gouvernements dont l'un de la République Démocratique du Congo avec comme capitale Léopoldville sous la direction de Adoula ou Tshombe après et l'autre, la République Populaire du Congo à Stanleyville, sous l'autorité de G. Soumialot341(*). Nous y reviendrons.

2. Incidence de la crise politique sur le territoire.

Il est admis que le sort de l'Etat est inextricablement lié à son territoire comme l'une de trois conditions de son existence. Les événements relatifs au territoire d'un Etat dans le sens soit de sa réduction spatiale, disons géographique, soit de sa perte totale, affecte proportionnellement l'Etat dans le sens de sa survie ou sa disparition.

En parlant de la population comme élément constitutifs ou condition d'existence de l'Etat nous avons insisté sur la nécessité d'une certaine cohésion entre membres de la collectivité étatique. A ce propos, c'est à juste titre que Carré de Malberg affirme qu'un rapport de liaison nationale ne peut prendre de consistance qu'entre homme qui se trouvent mis en contact par le fait même de leur cohabitation fixe sur un ou plusieurs territoires commun : le territoire est donc l'un des éléments qui permettent à la nation de réaliser son unité342(*). Le même auteur poursuit avec justesse, qu'une communauté nationale n'est apte à former un Etat qu'autant qu'elle possède une surface de sol sur laquelle elle puisse s'affirmer comme maîtresse d'elle-même et indépendante c'est-à-dire sur laquelle elle puisse tout à la fois imposer sa propre puissance et repousser l'intervention de toute puissance étrangère343(*).

Dans une autre direction, nous devons considérer le rapport entre le territoire et le troisième élément constitutif de l'Etat, le pouvoir, le gouvernement ou la puissance publique. Sous cet aspect, nous observons après Georges Burdeau que le territoire apparaît d'une importance capitale dans l'oeuvre politique du pouvoir344(*). Et il conserve ce caractère quelle que soit la forme du Pouvoir. Le territoire est toujours un cadre de compétence, une base d'action du Pouvoir et pour le groupe, il ne cesse de demeurer le symbole tangible de l'esprit de communauté345(*). A ce titre le territoire ne présente pas seulement un intérêt pour le groupe national, dans son rôle de délimitation du groupe grâce aux frontières ; il sert également les vues du Pouvoir étant pour lui une condition de son indépendance et un facteur de son autorité. Un autre rôle majeur du territoire, est de servir à l'Etat un cadre de compétence et un moyen d'action. Sans préjudice des considérations d'opportunités politiques et des engagements internationaux, il convient de constater que le territoire est le cadre naturel dans lequel les gouvernants exercent leurs fonctions. Ils sont maîtres, en principe, de subordonner à leur réglementation toutes les activités qui s'y donnent cours. Pendant la situation qui a prévalu sous l'empire de la constitution du 1er août 1964, peut-on vérifier que le territoire du Congo-Kinshasa ait pu joué ce double d'un Etat existant et effectif ? Ici aussi, du point de vue théorique le constituant de Luluabourg affirme de manière savante, l'existence « d'un Congo constituant, dans ses frontières actuelles un Etat indivisible et démocratique » ; comprenant six provinces ainsi que des institutions centrales et provinciales »346(*). Mais les faits relèvent une situation toute différente.

En effet, comme nous l'avons dit, entre 1964 et 1968, le territoire du Congo-Kinshasa était le théâtre des guerres dites populaires ou révolutionnaires, menées par Pierre Mulele et Soumialot, soustrayant les portions de territoires qu'ils occupaient de l'imperium de ce que l'on pouvait considérer être le gouvernement congolais ou Etat congolais. Le territoire du Congo-Kinshasa ne pouvait être dans ces conditions ni le cadre de compétence de l'Etat, ni le moyen de son action, encore mois l'élément de cohésion de la communauté nationale. Aussi morcelé et hermétiquement fermé à l'intervention du Pouvoir constitutionnel le territoire congolais ne répondait pas au critérium requis comme condition d'existence de l'Etat.

Nous noterons que l'incidence majeure de la crise politique, essentiellement causé par la crise du Pouvoir sur le territoire du Congo sous l'empire de la constitution du 1er août 1964 comme sous la loi fondamentale, est de le rendre inefficient quant à son double rôle classique : la délimitation des groupes sociaux et de leurs cohésion d'une part et l'intervention permanentes dans les manifestations de la puissance de l'Etat d'autre part. Encore une fois le formalisme constitutionnel n'a pu triompher des réalités sociales et politiques négatives.

3. Incidence de la crise politique sur la puissance publique.

Comme pour les deux éléments constitutifs de l'Etat étudiés précédemment, la puissance publique appelée « gouvernement », Pouvoir politique ou « organisation politique» selon les auteurs, n'offre d'intérêt que comme facteur de vérification de la perturbation du processus de formation de l'Etat au Congo par l'incapacité d'institutionnaliser le Pouvoir politique. L'appréciation de l'existence de l'Etat au Congo, nous conduit à l'examen de la question sous tous ses régimes constitutionnels et mus par le souci de reconnaître l'impact des constitutions congolaises sur la genèse de l'Etat. Cet impact aussi négatif ou positif soit-il, se mesure mieux par les éléments qui prévalent à la formation d'un Etat moderne. Ceci justifie l'impérieuse nécessité d'analyser le pouvoir sous les crises constitutionnelles, et ici sous la crise de 1964 sous la constitution du 1er août 1964. Dans la partie consacrée aux considérations théoriques nous avons largement défini le Pouvoir et précisé son rôle dans la création de l'Etat. Un bref rappel s'impose pour un lien avec La République Démocratique du Congo. Dans le dictionnaire de la science politique et les institutions politiques, adaptant la définition de Max Weber, Guy Hermet dit que l'Etat doit se concevoir, comme « une entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès dans l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique »347(*).

Cette définition met en exergue l'une de caractéristique de la puissance étatique, le monopole de la contrainte physique envisagé dans sa qualité et par degré, cette contrainte doit être supérieure et sans partage. Cet élément est tellement important dans la formation de l'Etat, qu'il se retrouve dans sa définition comme nous l'avons déjà démontré sous toutes les disciplines intéressées à son étude.

Dans le dictionnaire du Droit constitutionnel nous avons appris que l'Etat est un Pouvoir qui s'est institutionnalisé, en d'autres termes qui a pris corps dans une organisation348(*). De même, en définissant l'Etat sur le plan juridique comme une personne souveraine, il est sous-entendu l'existence d'un pouvoir. Il n'y a pas de souveraineté sans la puissance.

A ce sujet Carré de Malberg dit que par dessus tout, ce qui fait un Etat, c'est l'établissement au sein de la nation d'une puissance publique s'exerçant supérieurement sur tous les individus qui font partie du groupe national ou qui résident seulement sur le sol national. L'examen des Etats sous cet angle, poursuit-il, révèle que cette puissance publique tire son exigence précisément d'une certaine organisation par laquelle se trouve définitivement réalisée l'unité nationale, et dont aussi le but essentiel est de créer dans la nation une volonté capable de prendre pour le compte de celle-ci toutes les décisions que nécessite : enfin, organisation d'où résulte un pouvoir coercitif permettant à la volonté ainsi constituée de s'imposer aux individus avec une force irrésistible349(*). Ici, il faut signaler un débat entre la doctrine généralement admise qui voit dans la puissance publique le troisième élément constitutif de l'Etat350(*) et certains auteurs comme Scidler ayant prétendu que le véritable de l'Etat en ce qui concerne sa puissance ce n'est ni cette puissance ni l'organisation dont elle découle, mais les organes qui la possèdent et qui l'exercent en fait351(*). Bien que cette thèse ne semble point l'emporter du fait que les organes peuvent changer ou tomber sans que la puissance publique tombe, ce débat n'est pas au coeur de notre préoccupation. Nous savons que les organes détenteurs du pouvoir déterminent la forme qu'il revêt. Ce qui doit nous intéresser c'est la confrontation de la puissance publique dans son rôle favorable à la création de l'Etat, à la réalité congolaise des années 1964-1965. Autrement dit, nous voulons bien savoir si la collectivité humaine fixée sur le territoire de ce que la constitution du 1er août 1964 a dénommé « République Démocratique du Congo, disposait d'une organisation ayant la caractéristique de la puissance publique, s'exerçant « supérieurement » sur tous les individus qui font partie du groupe nationale ou qui résident seulement sur le sol national.

Même en épousant la thèse de Scidler, il y aurait intérêt à vérifier que les organes détenteurs de la puissance publique soient effectivement en même d'exercer sur tous les groupes, sur tous les sujets et sur l'ensemble du territoire national le droit de domination dont constitutionnellement ils seraient investis. En ce qui concerne La République Démocratique du Congo, il n'y a pas de fausse pudeur à le dire, ni le pouvoir sous Kasa-Vubu et Adoula ni celui sous Kasa-Vubu et Tshombe, n'ont satisfait à ce critérium.

Autrement dit, nous constaterions que ce pays ne disposait pas d'un pouvoir sociologiquement institutionnalisé c'est-à-dire, différent des personnes physiques se le disputant.

Nous dirons que depuis le mois d'avril 1964, période du déclenchement des opérations militaires par l'Armée Populaire de libération (APL), au front Est, la République Démocratique du Congo ne disposait plus d'un pouvoir susceptible d'être un élément constitutif de l'Etat au sens du Droit public. La raison est simple, le Pouvoir de Léopoldville n'était plus à mesure de réaliser le phénomène créateur de la société politique, à savoir la « sujétion - obéissance » sur l'ensemble du pays ni de défendre les frontières par sa seule armée, ni de réduire le Pouvoir concurrent de Stanleyville qui se prévalait avec succès des prérogatives d'Etat sur les portions de territoires « conquises » ou « libérées »352(*).

En effet, comme on peut le noter avec Ndaywel que lorsque l'APL occupa Stanleyville actuelle Kisangani, le 5 août 1964 « la République Populaire du Congo » y fut proclamée le 5 septembre. Jusque là c'est le Président, le gouvernement provisoire du Conseil National de Libération (CNL) - section Est chargé de la Défense nationale, G. Soumialot en devint le Président, L.D. Kabila, Vice-Président, d'abord chargé des Affaires intérieures peu après, des Relations et Commerce extérieurs, N. Olenga fut désigné Chef militaire. Il s'octroya le grade de « Général-major » puis de « Lieutenant-Général »353(*). Le gouvernement provisoire fut dissous pour être remplacé par celui de la nouvelle République354(*) présidé par Gbenye et au sein duquel L.D. Kabila fut retenu comme secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et ministre plénipotentiaire au près de la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya. Chaque province fut dotée d'un gouvernement provincial mis en place par le nouveau pouvoir. Il en fut ainsi à Uvira, à Albertville actuelle « Kalemie » et à Kindu. Alors que la constitution du 1er août 1964 instituait la République Démocratique du Congo avec 21 provinces, par Décret-loi du 5 septembre 1964, Gbenye créa « la République Populaire du Congo » avec 6 provinces dans les limites ayant existé au 30 juin 1960 ; Gbenye, président et chef de gouvernement, décida de la mise en place d'un gouvernement comprenant 17 Ministres404. Sur 17 Ministres le chef du gouvernement nomma seulement quatre Ministres parmi lesquels certains devraient assumer l'intérim des absents et ceux des provinces qui restaient à conquérir. Ainsi Soumialot fut nommé, Ministre de la Défense nationale, Assoumani Senghie, Ministre de l'intérieur, S. Kama, Ministre des Finances.

Par rapport à notre préoccupation essentielle relative à l'impact de l'institutionnalisation du Pouvoir sur la formation de l'Etat congolais et à l'incidence de la constitution ou du droit sur le processus d'institutionnalisation, force nous est de formuler deux réflexions en guise de constat :

1°- La première est que la constitution du 1er août 1964 et l'existence du gouvernement de Léopoldville n'ont eu le moindre effet sur le comportement politique des « révolutionnaires » ou « rebelles ». De ce fait il a existé plusieurs centres de pouvoirs, tous illégitimes parce que se contestant mutuellement. A Léopoldville se trouvait un gouvernement légal mais illégitime et à Stanleyville régnait un gouvernement de fait, illégal et illégitime mais dont la présence empêchait celui de Kinshasa d'accomplir les compétences d'Etat sur l'ensemble du territoire national.

2°- La seconde tient à la perception moins responsable du pouvoir par les acteurs politiques congolais de l'époque, lesquels soi-disant combattant la dictature, le néocolonialisme et l'impérialisme ne se comportaient pas moins en despotes assoiffés du pouvoir personnel. Cela est vérifiable ne serait-ce que dans l'auto- attribution des charges ministérielles. Ainsi à Léopoldville au sein du gouvernement Tshombe355(*).

Celui-ci, assuma seul, le portefeuille de Premier Ministre, Ministre des Affaires étrangères, du Plan, du Commerce extérieur et de l'information. De son côté, Gbenye remplaça lui seul les titulaires des Finances, des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, de l'éducation nationale, de la santé publique, du plan et coordination. L'auto octroi des charges aussi lourdes en cumulant seul les fonctions de plus de 4 Ministres au sein d'une communauté aussi peuplée et diversifiée que le Congo ne peut s'expliquer que par la perception patrimoniale du pouvoir en dépit des textes constitutionnels ou le goût effréné du lucre frisant le vol, ou même par les deux.

Pour résumer notre propos en ce qui concerne la puissance publique comme élément constitutif de l'Etat au Congo sous l'empire de la constitution du 1er août 1964, nous disons encore que une telle puissance n'a pas existé, et sur le plan strict de la science politique et même de la science juridique l'Etat n'a pas existé.

Pour le démontrer l'on peut prendre appui de ces assertions admises en Droit public et en science politique, de Georges Burdeau : « Le pouvoir doit détenir la puissance pour former l'Etat »356(*). Avec le même acteur nous avons observé que la rivalité des forces en présence crée dans le milieu social une oscillation perpétuelle entre des pouvoirs distincts, selon que leur puissance s'accroît ou diminue. Ce morcellement de la puissance constitue un des obstacles le plus sérieux à la formation de l'Etat357(*). N'est-ce pas là la situation réelle du Congo de 1960 à 1968 puis de 1997 à ce jour tel que nous le verrons. Nous épousons à ce point, la formule tant critiquée de Treitschke cité par Burdeau, « Der stoat Macht » qui signifie simplement que « dans le milieu qu'il régit, l'Etat est la puissance suprême »358(*). Les publicistes avisés traduisent mieux cela en admettant que l'Etat n'est pas que force, certes, qu'il peut même se passer d'elle, mais qu'il faut qu'au cas où une épreuve de force surviendrait, il puisse avoir le dernier mot. En d'autres termes, et selon la manière dont l'Etat est conçu, le Pouvoir institutionnalisé est nécessairement celui qui dispose de la puissance la plus grande dans le groupe359(*). Faute de puissance et d'autorité, il n'est pas étonnant que La République Démocratique du Congo ait manqué de remplir les fonctions d'Etat en dépit de la constitution de Luluabourg.

B. Incidence de la crise du pouvoir sur les fonctions et le rôle de l'Etat congolais en 1964.

L'Etat au sens acceptable du terme exerce des fonctions et joue un rôle variable selon ses conceptions politiques. Du point de vue théorique, on distingue ainsi l'Etat techno-démocratique, l'Etat marxiste - léniniste, l'Etat totalitaire et l'Etat de Droit. Sur base des critères religieux on parle aussi de l'Etat islamique360(*). Bien que toute classification contienne une certaine dose d'arbitraire, toute collectivité à la quelle le nom d'Etat n'est point attaché à tort, devrait manifester les attributs de tel ou tel type d'Etat. Notre préoccupation à ce niveau est de démontrer que la crise politique ou la crise du pouvoir sous l'empire de la constitution de Luluabourg a eu un impact négatif sur la formation de l'Etat au point que La République Démocratique du Congo ne pouvait jouer un rôle susceptible de le catégoriser dans la classification des Etats selon les conceptions politiques précitées.

1. La République Démocratique du Congo et l'Etat libéral.

L'Etat libéral est celui qui privilège l'individu, lui accorde des droits contre l'Etat, met l'accent sur ses libertés publiques et respecte largement sa vie privée361(*). Il garantit le plus des droits et de libertés aux citoyens. Les droits individuels, les droits politiques et les droits économiques et sociaux sont non seulement garantis aux citoyens mais ceux-ci les exercent effectivement. Sans risque d'être contredit, nous noterons que la République Démocratique du Congo « institué » par la constitution du 1er août 1964, fut loin de satisfaire aux exigences d'un tel Etat non du fait de l'existence d'un pouvoir personnifié à Léopoldville mais du fait de l'absence de l'autorité de l'Etat ou de la puissance étatique. En l'absence d'un pouvoir politique suffisamment organisé et structuré il n'est pas possible d'assurer le respect des droits. L'émiettement de l'autorité dont nous avons précédemment parlé rendait possible l'évolution anarchique des pouvoirs rebelles et révolutionnaires pour lesquels la protection des droits et libertés du citoyen ne constituait guère une priorité. Ainsi à Léopoldville, à Stanleyville, Mbuji-Mayi et Elisabethville où demeuraient les anciennes forces rebelles ou sécessionnistes, il n'exista point de coin où les droits humains ne soient systématiquement et massivement violés, nonobstant les dispositions pertinentes de la constitution du 1er août 1964.

En effet, l'article 1er dispose que « la République Démocratique du Congo constitue dans ses frontières au 30 juin 1960, un Etat souverain, démocratique et social. Par ailleurs, la constitution du 1er août 1964 consacrait tout un titre aux droits fondamentaux362(*).

2. La République Démocratique du Congo de 1964 et l'Etat totalitaire363(*).

L'Etat totalitaire absorbe et même nie totalement l'individu en l'assujettissant dans tous les actes de son existence tant privée que politique364(*). L'Allemagne Hitlerien et l'Italie fasciste de Mussolini offrent des illustrations historiques de ce type d'Etat. Aujourd'hui la Corée du Nord peut être compté parmi les Etats totalitaires. Dans cette catégorie d'Etat, l'appareil étatique est très puissant. Son fonctionnement exige une structure bâtie sur un ordre idéologique ou une discipline qui sont parfois du point de vue de l'autorité de l'Etat et de la sécurité, très rentable. L'anarchie caractéristique du pouvoir politique au Congo ne s'accommode pas avec la qualification d'un Etat totalitaire.

3. La République Démocratique du Congo et l'Etat Marxiste - Léniniste.

Pour Gramsci, philosophe marxiste italien, cité par Ntumba Luaba l'Etat inclut non seulement l'appareil bureaucratique et militaire, mais également l'ensemble des organisations idéologiques de la classe dominante. Ainsi dit-il, sont compris dans l'Etat tout les appareils civils, militaires et policiers l'Eglise, le système scolaire, les partis politiques, les arts...365(*). Lénine par contre, affirmait : « L'Etat est une matraque ». Marx lui-même, considérait l'Etat comme un instrument de domination et d'oppression.

En 1964, la République Démocratique du Congo consacré par la constitution du 1er août et déchirée par les troubles et des tensions ne pouvait même pas rentrer dans la conception de l'Etat selon la conception marxiste.

4. La République Démocratique du Congo de 1964 et l'Etat moderne.

L'Etat moderne ou le « Welfore State » est un Etat dont le rôle a dépassé celui de l'Etat - gendarme et de l'Etat providence. Il se pose en Etat - entrepreneur. Il procèdent des économies modes mêlant capitaux privés et publics, axées sur les interventions de l'Etat dans le domaine économique, notamment à travers la planification, l'aménagement du territoire et l'urbanisme, l'accroissement des prélèvements fiscaux et sociaux et des redistributions366(*).

Maurice Duverger, cité par Ntumba Luaba, appelle cette sorte de socialisation, « la techno-démocratie », c'est-à-dire une démocratie dominée par la technostructure politique et économique367(*). Claude - leclercq le dénomme « Etat techno-démocratique »368(*). Tandis que G. Burdeau parle de l'«Etat fonctionnel ». Comme nous aurons à dire plus loin, la République Démocratique du Congo s'affiche dans le concert mondial à marche régressive. En l'absence d'une Administration performante depuis le départ des agents belges en 1960, la dislocation de l'armée, le pillage des infrastructures économiques, il est difficile de parler d'un Etat techno-démocratique. D'autant que l'Etat dans ce cas remplit la fonction de prendre en charge des secteurs socio-économiques pour fournir des prestations positives en vue d'assurer un minimum de qualité de vie (Welfore state). La République Démocratique du Congo est bien loin de remplir cette fonction.

5. La République Démocratique du Congo et l'Etat de Droit.

L'Etat de Droit s'oppose à l'Etat de fait ou l'Etat policier. Il tire son origine en particulier dans la doctrine allemande de la fin du XIXè siècle, mais dont des traces sont déjà perceptibles chez les publicistes français du XVIIIè siècle qui fondent sur le « droit naturel » les limites à apporter au droit positif. Dans un Etat de droit, la puissance publique agit sur base et dans les limites des règles qu'il édicte et qui s'imposent à elle-même. Sous cet angle, le développement de la justice, spécialement de la justice constitutionnelle en substituant le règne du droit à la logique dominatrice des vainqueurs du moment a contribué énormément, selon Ntumba Luaba à l'affermissement de l'Etat de droit369(*). Nombreuses études traitent de la question de l'Etat de Droit en République Démocratique du Congo370(*). Ce qu'il importe de retenir est que le développement de la justice ainsi que le respect des principes et valeurs fondamentaux notamment les droits de l'homme, les libertés publiques et la séparation des pouvoirs, éléments caractéristiques de l'Etat de droit n'ont pas été les symboles forts de la République Démocratique du Congo. Qu'en a -t-il été sous les régimes qui ont succédé à ceux de la première République, notamment celui secrété par la constitution du 24 juin 1967.

CHAPITRE II :L' ETAT SOUS LA DEUXIEME REPUBLIQUE

Environs deux ans après le coup d'Etat de 24 novembre 1965 qui porta le Lieutenant Général Joseph Désiré Mobutu au pouvoir, le pays se dota d'une constitution le 24 juin 1967. Celle-ci subit tellement des modifications qu'un débat doctrinal divise les publicistes entre ceux qui estiment que plutôt que de parler des modifications, il convient d'y voir des nouvelles constitutions. En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas, dans le cadre de ce travail, verser dans cette controverse.

Cependant, nous portons notre attention sur le pouvoir politique tel qu'il fut institué juridiquement dans la constitution et de quelle manière il fut exercé dans la réalité. Il sera utile en plus de mesurer l'impact de ce pouvoir sur l'évolution de l'Etat au Congo. Nous n'exploiterons pas toutes les modifications.

Section 1. Aménagement constitutionnel du pouvoir sous la constitution du 24 juin 1967.

Il est utile d'étudier les principes relatifs à l'organisation et à l'exercice du pouvoir essentiellement dans la version originaire de la constitution du 24 juin 1964371(*).

§ 1. Les institutions politiques.

L'article 19 de la constitution énumérait les principales institutions de la République, à savoir :

- Le Président de la République, Président du Parti et Chef du gouvernement ;

- L'Assemblée Nationale ;

- Le gouvernement ;

- La cour constitutionnelle ;

- Les cours et tribunaux.

Les trois premières nous intéressent dans le cadre de notre réflexion.

I. Le Président de la République372(*).

Aux termes des articles 20 suivant la constitution du 24 juin 1967, le Président de la République :

- Représente l'Etat et est Chef de l'exécution ;

- Détermine et conduit la politique de la Nation ;

- Fixe le programme d'action du gouvernement, veille à son application et informe l'Assemblée Nationale de son évolution ;

- Dirige et contrôle la politique étrangère de la République ;

- Accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès de plusieurs puissances étrangères et reçoit l'accréditation des envoyés spéciaux, et des ambassadeurs envoyés auprès de lui ;

- Promulgue les lois dans les vingt jours de leur transmission au gouvernement par le Président de l'Assemblée Nationale ;

- Nomme et révoque les membres du gouvernement et détermine leurs attributions respectives ;

- Fixe souverainement les conditions dans les lesquelles l'action du gouvernement sera coordonnée ;

- Reçoit les serments des membres du gouvernement ;

- Nomme et révoque les gouverneurs des provinces ;

- Nomme et révoque les magistrats du Parquet ;

- Nomme et révoque les officiers des forces armées et de la police ;

- Est le Chef suprême des forces armées et de la police ;

- Nomme et révoque les hauts fonctionnaires de l'administration ;

- Reçoit le serment des gouverneurs des provinces, des conseillers à la Cour constitutionnelle et des officiers des forces armées et de la police373(*);

- Peut remettre, commuer et réduire les peines ;

- Confère conformément à la loi, les grades dans les ordres nationaux et les décorations de la République ;

- A le droit de battre la monnaie et d'émettre du papier monnaie en exécution de la loi ;

Outre les attributions classiques, le Président de la République disposait de la prérogative de mettre les membres du gouvernement en accusation.

II. Le Gouvernement 374(*).

Le gouvernement comme nous le dirons, deviendra monocéphale : un seul chef de gouvernement. Il était constitué des ministres. Chacun d'eux était le chef de son département. Les ministres appliquent chacun dans son département, le programme fixé et les décisions prises par le Président de la République.

III. L'Assemblée Nationale.

Le parlement congolais sous la constitution du 24 juin 1967 fut constitué d'une chambre unique appelée Assemblée Nationale. Il était prévu que les membres de l'Assemblée Nationale soient élus aux suffrages universels375(*).

Le parlement disposait des moyens de contrôle par la question orale ou écrite, l'interpellation, l'audition par les commissions, la commission d'enquête et d'avertissement ou la remontrance376(*).

§2. Relation entre les institutions.

Les rapports entre le gouvernement et le Parlement sont les seuls qui nous intéressent. Il est utile de noter que les membres du gouvernement intervenaient dans les limites fixées par la constitution à l'activité du Parlement lequel à son tour intervenait sans le faire tomber dans l'action du gouvernement. Ainsi le Président de la République convoquait en session extraordinaire le Parlement. Il disposait concurremment du pouvoir législatif par l'initiative des lois avec chacun des membres de l'Assemblée Nationale377(*).

Comme les membres de l'Assemblée Nationale, les membres du gouvernement avaient le droit d'amendement au cours de toute la procédure législative. S'agissant des autres membres du gouvernement, ils avaient le droit et s'ils en étaient requis l'obligation d'assister aux séances de l'Assemblée Nationale. Chaque fois qu'ils demandaient, ils devaient être entendus.

Le Président de la République pouvait déclarer la guerre après autorisation du Parlement, de même qu'il pouvait proclamer l'Etat de siège. Dans ce cas, il lui était reconnu le pouvoir de prendre des actes du domaine de la loi.

§3. Fonctionnement des institutions et exercice du pouvoir.

La longue période au cours de laquelle s'exerça le pouvoir mobutienne connut des fortunes variables. Ce qui est important à retenir est la stabilité institutionnelle remarquable sous l'empire de la constitution du 24 juin 1967. Mais il est aussi significatif de considérer l'effondrement de l'édifice institutionnel échafaudé par Mobutu dont les craquements perceptibles depuis les années 1980, se cristallisèrent en 1990 et emportèrent tout le système en 1997.

Le plus utile pour nous est surtout d'apprécier l'incidence de la constitution du 27 juin 1967 sur la forme du pouvoir et le sort de l'Etat au Congo. Avant d'en arriver là, il est utile d'analyser les faits saillants ayant marqué la période observée par rapport à la constitution et à l'exercice du pouvoir.

Nous retiendrons deux aspects de l'évolution institutionnelle et constitutionnelle du Congo sous l'empire de la constitution du 24 juin 1967 :

1. La résorption de la crise politique ;

2. Le renforcement de l'exécutif.

I. La résorption de la crise politique.

Dès le coup d'Etat survenu le 24 novembre 1965, le souverain pouvoir s'est activé à rompre avec la situation du chaos ayant caractérisé le pays depuis juillet 1960.

Pour mieux nous faire comprendre, il convient de rappeler que cette situation qualifiée de crise politique congolaise correspond à l'explication de A-R. Ilunga-Kabongo sur la « crise politique ». En effet, d'après cet auteur, la troisième phase de la dynamique politique - après l'adaptation ou l'évolution et la mutation ou la révolution - se révèle lorsque « la structure politique, (les relations d'autorité et de la pouvoir au sein d'une société donnée) apparaît durant un moment sous le coup d'une instabilité pathologique : le combat entre le pouvoir établi et les forces adverses semble sans issus »378(*). C'est à croire que le nouveau Président Joseph Désiré Mobutu assimila parfaitement le sens de derniers termes de l'explication ci-dessus. Il fallait trouver à tout prix une issue en faveur du pouvoir établi. Mobutu s'employa par une combinaison judicieuse des mécanismes juridiques spécialement constitutionnels, politiques et même frisant la terreur, pour réduire ou supprimer les « forces adverses ».

Sur le plan constitutionnel, le constituant du 24 juin 1967 réduisit la kyrielle des formations politiques à résonance tribale et autres, à deux seulement. Encore faudra-t-il constater que l'article 4 de la constitution disposant qu'il ne peut être créé plus de deux partis politiques » sera révisé et remplacé en 1970379(*) sans qu'un seul parti d'opposition ou adverse ait réussi à se faire légalement accepté380(*).

De cette manière personne ne pouvait fonder un parti politique sans violer la constitution. Ainsi serait juridiquement enrayé les querelles chroniques des acteurs politiques avec des répercutions négatives sur la marche des institutions.

Dans le même contexte, il faut signaler que le Président de la République n'a pas hésité un seul instant à modifier ou réviser la constitution pour légaliser les décisions prises par le parti et surtout pour donner un revêtement juridique au nouveau parti unique.

Sur le plan politique, la création du Mouvement Populaire de la Révolution, le 20 mai 1967 381(*) marquant un tournant décisif dans l'histoire du pays. Ce parti s'imposa d'abord comme parti unique de fait, ensuite il lui fut constitutionnellement reconnu la primauté et le rôle Directeur aux termes des articles 2 et 4 de la loi n° 70-001 du 23 décembre 1970 portant révision de la constitution. L'article 2 de ce texte intègre le Mouvement Populaire de la Révolution dans les institutions énumérées à l'article 19 de la constitution du 14 juin 1967 et le place en tête. Tandis que l'article 4, insère un article 19 bis, disposant que « le Mouvement Populaire est l'institution suprême de la République. Il est représenté par son président. Toutes autres institutions lui sont subordonnées et fonctionnent sous son contrôle » ; enfin le parti deviendra la seule « institution »du pays au sens d'institution politique conformément à l'article 28 de la loi n° 74-020 du 15 août 1974 portant révision de la constitution du 24 juin 1967, et sera proclamé « la Nation zaïroise politiquement organisée »382(*).

Mobutu étant l'incarnation du parti et de la Nation dont tous les organes dépendaient, le conflit du genre Kasa-Vubu Lumumba ou Kasa-Vubu Tshombe était inconcevable. D'ailleurs, ici, il est important de souligner la disparition du bicéphalisme au niveau de l'exécutif. Le Président de la République est seul maître à bord. Au terme de l'article 20 de la constitution, il représente l'Etat ; il est le Chef de l'exécutif. Il détermine et conduit seul la politique de la Nation.

Sur tout à fait un autre plan, le fonctionnement des institutions sous l'empire de la constitution du 24 juin 1967 jusqu'en 1990 baignait dans une atmosphère de terreur inspirée par les méthodes draconiennes du nouveau régime : pendaisons publiques, exécution au champ de tire, relégation au lieu natal, répression disproportionnée de manifestations et chasse aux anciens sécessionnistes ou rebelles dont le sort voguait entre la mort et l'exil383(*).

Par d'autres méthodes aussi moins juridiques que politiques Mobutu, réduisit aux silence la quasi totalité de « politiciens » de la ville garde auteurs des troubles et du chaos de la période de 1960 à 1965. Pierre Mulele fut exécuté le 9 octobre 1968 ; Kasa-Vubu fut contraint à se réfugier dans son « Mayumbe » natal où il s'éteignit le 22 avril 1969, Tshombe mourut le 30 juin 1969 dans sa prison d'Alger où l'ombre de Mobutu n'a pas manqué de planer. Les survivants furent rendus aussi impuissants que les morts pour troubler le fonctionnement des institutions politiques de la révolution Mobutienne.

Les anciens leaders rebelles Gbenye et Soumialot furent contraint à l'exil. Les membres du fameux « groupe de Binza » furent eux aussi mis à l'écart peu à peu384(*). Nendaka et Bomboko furent éloignés du cercle du pouvoir et affectés en postes diplomatiques. Même le Premier Ministre Mulamba n'échappa point à l'éloignement. Durant les deux premières décennies du régime Mobutien, ce qu'on à appelé la crise congolaise fut complètement résorbée. C'est avec à propos que Ndaywel observe que pendant 25 ans le pays connut une stabilité institutionnelle qui tranchait, de manière remarquable, avec la période précédente385(*). Concomitamment à la stabilisation des institutions, se développait un accroissement des pouvoirs de l'exécutif et un mécanisme implacable de la personnification du Pouvoir.

II. Renforcement de l'Exécutif.

L'on peut considérer que le Président Mobutu avait très bien compris la difficulté de cohabitation entre « son pouvoir » et l'existence d'un régime parlementaire avec un pouvoir législatif aussi fort. De même il ne pouvait bien évoluer dans son désir d'un pouvoir fort avec un exécutif bicéphale.

On peut considérer que l'Ordonnance présidentielle déchargeant le Colonel Mulamba de ses fonctions de Premier Ministre fut l'instauration d'un régime présidentiel qui virera au présidentialisme386(*).

Il faut rappeler que malgré le fait par le haut commandement des Forces Armées congolaises d'accepter le maintien des institutions de l'ancien régime dans le message annonçant le coup d'Etat387(*), et le fait que tirant profit de l'article 59 de la constitution du 1er août 1964 pour communiquer avec le parlement par un message388(*), et faire légitimer son coup d'Etat par les chambres, Mobutu ne s'est pas moins démarqué de la volonté du Haut Commandement. Dans son message389(*) il suspendait complètement la même constitution pour une durée de cinq ans. Le 30 novembre 1965, cinq jours seulement après le coup d'Etat, le Président Mobutu prit l'ordonnance n° 7 en vertu de laquelle il s'accorda des pouvoirs spéciaux en laissant la possibilité d'une garantie de contrôle du Parlement qui gardait le pouvoir d'abroger « par un acte législatif les ordonnances-lois prises en vertu des pouvoirs spéciaux390(*). Après quelques expériences amères à la suite desquelles, les chambres du Parlement usant de cette prérogative bloquèrent les décrets présidentiels déposés devant elles, le Président décida de se passer du Parlement pour ses actes. Il prit l'ordonnance loi n° 66/92 bis du 7 mars par laquelle il s'attribua le pouvoir législatif qu'il exercera par ordonnance-loi transmise à la chambre des députés et au sénat simplement à titre d'information. En même temps l'ordonnance loi du 30 novembre 1965 lui accordait les pouvoirs spéciaux.

Quelques mois plus tard, le 21 octobre 1966, le pouvoir législatif est remis au Parlement en vertu de l'ordonnance loi n° 66/621. Mais le Président s'autorisa à prendre par ordonnance loi toutes mesures qui, d'après la constitution sont du domaine de la loi, en cas d'urgence l'ordonnance loi n° 66/92 bis du 7 mars 1966 fut abrogée. Il importe de noter que le Président Mobutu, investit lui-même d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation des cas « d'urgence » lui donnant droit de « légiférer ». Aspirant de plus en plus à un pouvoir sans concurrent, le Président Mobutu travaillera à fond pour noter des mécanismes politiques, juridiques et de terreur pour asseoir un pouvoir despotique et tyrannique habillement maquillé par un sous bassement constitutionnel. Aussi dans son discours du 27 juin 1967 il annonça la dissolution du Parlement. Il faudra attendre les élections législatives de décembre 1970 pour la mise en place de la nouvelle Assemblée391(*). Il est utile de noter que durant toute la période de son règne, le Président Mobutu ne s'est pas accommodé à un pouvoir législatif contestataire. Usant de tous les moyens, pour affaiblir le Pouvoir législatif, il a renforcé le pouvoir exécutif à outrance.

Section 2. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur la forme du pouvoir et sur la formation de l'Etat.

Alors que généralement il est admis que la constitution joue notamment deux rôles parmi les plus essentiels à savoir la limitation des pouvoirs des gouvernants et la création juridique de l'Etat, la constitution du 24 juin 1967 a eu sur le pouvoir au Congo et sur la virtuosité d'Etat un effet paradoxal.

En effet, dès sa promulgation en 1967 à sa dernière révision en 1990, cette constitution n'eut pour objectif primordial que la concentration et la personnification du pouvoir au profit d'un seul homme : Mobutu. En même temps, que le processus de personnification du pouvoir se poursuivait en « crescendo », il se dégageait l'oppression d'une renaissance de l'Etat congolais sur ses cendres tant ses éléments constitutifs donnaient l'apparence de se reconstituer.

Est-ce possible que d'un pouvoir non institutionnalisé sans mutation, naisse un Etat stable ? L'analyse mérite d'être approfondi.

§1. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur le pouvoir.

Nous retiendrons deux aspects d'analyse à ce niveau : le rejet de l'institutionnalisation du pouvoir et la dérive autoritaire et, la consécration d'un pouvoir despotique.

Si comme nous l'avons dit précédemment, l'institutionnalisation du pouvoir est le mécanisme ou le principe d'après lequel la personne détentrice du pouvoir n'en est pas le titulaire et la source mais plutôt l'institution étatique, il faut reconnaître que durant tout son règne le Président Mobutu fut aux antipodes d'un tel principe. A ce sujet le professeur Djelo. E., a fait une étude intéressante où l'on peut se rendre compte que déjà au début de son règne les ordonnances lois précitées notamment n° 65-07 du 30 novembre 1965, n° 66-92 du 7 mars 1966392(*) et n° 66-621 du 21 octobre 1966393(*) toutes ayant trait au pouvoir législatif du Président, n'avaient aucun fondement juridique394(*). Autrement dit le pouvoir même du Président de prendre de tels actes ne procédait que de sa souveraine volonté. C'est dire encore que l'on se trouvait en présence d'un pouvoir s'exerçant sans se soumettre à aucune règle préétablie. C'est tout le contraire de l'institutionnalisation.

Ainsi par la loi constitutionnelle du 23 décembre 1970 le Mouvement Populaire de la Révolution, le MPR a acquis une existence juridique qui appellera encore davantage d'autres révisions pour la personnalisation du pouvoir. L'article 4 de la loi constitutionnelle précitée a comme nous l'avons montré plus haut inséré un article 19 bis qui a fait du MPR l'institution suprême de la République, dans la constitution du 24 juin 1967. il en est résulté comme incidence sur le pouvoir, selon nous, une mutation rétrograde. Au lieu que le principe démocratique universellement admis selon lequel le peuple est la source du pouvoir et l'exercice par ses délégués, s'applique, c'est le parti qui devint la source du pouvoir et qui l'exerce par le biais de son Président. Le même auteur observe que les débuts de la « deuxième » République sont marqués par une volonté de concentration de pouvoir tant au sein de l'exécutif qu'en matière législative395(*).

Il poursuit que le Président de la République qui a toujours veillé à détenir la compétence législative a cherché à l'exercer sans être soumis ni à l'autorisation, ni au contrôle du Parlement, il disposait ainsi des pouvoirs très étendus. Cette concentration des pouvoirs lui a toutefois paru insuffisante. Aussi, lui fallait-il, pour réaliser le programme qu'il s'était tracé, se donner d'autres atouts tant sur le plan politique que social396(*). Ces atouts majeurs seront trouvés dans le rôle du parti unique, la doctrine du recours à l'authenticité et le « Mobutisme ». A cela, il faut ajouter le droit dont le Président de la République a fait son meilleur instrument de personnalisation du pouvoir. C'est une affirmation curieuse. Mais qui révèle le caractère paradoxal de l'usage du droit par le Président Mobutu à son profit. S'appuyant sur la norme constitutionnelle, il a intégré son idéologie et son parti dans l'ordonnancement juridique constitutionnel de telle sorte que la constitution étant au dessus de tous devait imposer les idéaux du parti à tous mais le Président se conservait un statut spécial en tant que fondateur du Parti, et bien plus il se plaçait au dessus de la constitution qu'il pouvait modifier à sa guise.

En effet, l'article 2 alinéa 1 de la constitution du 24 juin 1967 dispose « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum ». C'est la consécration du principe cher à Montesquieu, de la séparation des pouvoirs. C'est aussi l'expression de la démocratie à la fois représentative et semi-directe dont le principe est repris presque dans toutes les constitutions des régimes réellement démocratiques. Par contre, l'article 9, alinéa 1 de la loi constitutionnelle n° 74-020 du 15 août 1974 porte : Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par le Président du Mouvement Populaire de la Révolution qui est de droit Président de la République avec le concours des organes du Mouvement Populaire de la Révolution ». Ici, c'est la consécration de la concentration des pouvoirs à son paroxysme et le monolithisme à son comble. Le principe de la séparation cède le pas à la confusion des pouvoirs. Cette confusion est d'autant précisée que l'article 30 alinéa 1, dispose : « le Président du MPR est de droit Président de la République et détient la plénitude de l'exercice du pouvoir ». Et alinéa 2 d'enchaîner : il préside le Bureau politique, le Congrès, le Conseil législatif, le Conseil exécutif et le Conseil judiciaire ».

Comme nous l'avons montré plus haut, toutes les institutions ainsi que les organes de l'Etat sont sous l'autorité hiérarchique du MPR. La constitution elle-même n'est plus une norme arbitrale suffisante car elle est guidée par le Mobutisme entendu comme la pensée et l'action du guide. Dans ce contexte, plutôt que d'encadrer la pensée et l'action politique du gouvernant, la constitution est à la remorque de cette pensée. L'essentiel que nous pouvons retenir est la négation du pouvoir institutionnalisé, la concentration des pouvoirs et le culte de personnalité sous le mobutisme étant érigé en dogme.

Le professeur Djelo commente cet état de chose : « Au lieu d'un amour pour les institutions du pays, on insiste sur la nécessité de suivre celui qui a découvert la voie du salut, le chef charismatique, ce qui contribue au développement de la personnalisation du pouvoir »397(*).

Nous pensons qu'à force de vouloir tout commander sans partage et sans règle, le Président Mobutu fut rattrapé par l'adage : « le pouvoir absolu corrompt absolument ».Le pouvoir absolu l'a fait sombré dans une dérive autoritaire frisant le népotisme398(*).Il n'est pas vain de rappeler l'article 41 bis ajouté à la constitution par la loi n° 80-007 du 19 février 1980 par laquelle il se fit attribuer le pouvoir de dissoudre le Conseil législatif. Le même élan d'absolutisme le poussera à créer le comité central dont les décisions s'imposaient erga omnes par la loi n° 80-12 du 15 novembre 1980. Comme les précédentes, la constitution du 24 devait avoir l'impact sur le sort de l'Etat.

§2. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur le sort de l'Etat.

Dans un premier temps la réorganisation du pouvoir par la nouvelle constitution eut un effet bénéfique sur la reconstruction de débris du territoire congolais et la réunification de ses tribus ou populations disloquées. L'autorité de l'Etat se trouvait rapidement rétablie. A ce sujet, Ndaywel parle d'un nouvel ordre national et de l'invention de la société congolaise contemporaine399(*). Administration fut restructurée et réorganisée, les contradictions au sommet de l'Etat disparurent. Dans un deuxième temps la croissance concomitante des structures étatiques renaissantes et structures partisanes engendrèrent une dichotomie difficile à gérer qui aboutit à la loi n° 078-010 du 15 février 1978 portant révision de la constitution, laquelle fit du MPR l'unique « institution » en République démocratique du Congo400(*) comme si cela ne suffisait pas à assouvir la soif du pouvoir et la contemplation de la grandeur de son parti, le Président de la République procédera à des révisions constitutionnelles de 1980 et de 1982 qui aboutiront à la fusion Etat - Parti. Cette notion de Parti - Etat pose comme le professeur Djelo l'a démontré la problématique du rôle dirigeant du parti.

Selon la décision d'Etat du comité central du MPR du 1re avril 1966 relative au rôle dirigeant du Parti, Le Parti - Etat signifie :

1°. « Le MPR commande et oriente l'Etat qui est devenu son instrument pour la réalisation de ses objectifs » ;

2°. « Rien de ce qui touche à la vie de la nation ne doit échapper à l'autorité du MPR. ;

3°. « Il ne peut y avoir dichotomie ni opposition entre l'Etat et le MPR »401(*).

L'auteur note que ces affirmations sans détours dévoilent au grand jour le malaise qui, au Zaïre, émaille de bout en bout la cohabitation de l'Etat et du Parti à travers les tentatives jusque là apparemment infructueuses pour le MPR, d'assujettir l'Etat. le centre d'intérêt de nos analyses étant l'observation des effets de l'institutionnalisation du pouvoir sur l'éclosion de l'Etat, il nous revient de schématiser notre pensée quant à l'impact de la constitution du 24 juin 1967 sur la formation de l'Etat congolais dans deux axes : le mythe de la renaissance de l'Etat congolais, la sublimation du parti unique et l'effondrement de l'Etat.

I. Mythe de la renaissance de l'Etat congolais.

L'élaboration de la constitution du 24 juin 1967 ainsi que les multiples révisions issues de l'esprit fertile du Président Mobutu ont joui d'un contexte historique et social propice. En effet, au lieu des oppositions internes chroniques et des guerres fratricides sans issues, le peuple lassé reçu le coup d'Etat de novembre 1965 avec soulagement et espoir. Son auteur se présenta en homme potentiel qui réussit à reconquérir le territoire national et à réunifier le peuple.

1. Reconquête du territoire.

Nous avons vu que de 1960 à 1965, le territoire du Congo morcelé entre plusieurs forces ne se posait guère en condition favorable à l'existence de l'Etat, avec Mobutu, il va en être autrement.

Dès la prise du pouvoir en 1965, le Président Mobutu se préoccupa de réorganiser l'Armée. Celle-ci avait non seulement gonflé les effectifs mais aussi acquis un nouveau matériel. Elle procéda à la formation. La création du centre d'entraînement de Kitona (CEKI) et du centre d'instruction des Parachutistes (CIP) qui deviendra plus tard le centre d'entraînement des troupes Aéroportées (CETA) et le renforcement de l'unité commandement de l'Armée, aurait permis au Congo d'avoir à l'époque une force de frappe dissuasive et même défensive tant à l'égard des perturbateurs internes que ceux opérant à partir de pays voisins.

La réorganisation militaire n'eut pas pour unique objectif de défendre le territoire national mais surtout et plus de protéger le guide et le MPR402(*). Avec le Président Mobutu lui-même comme commandant suprême des forces armées et Ministre de la défense, l'Armée structurée en quatre forces403(*) fut déployée sur l'ensemble du territoire national, repartie en « Région » et « circonscription militaire ». En vue de garantir l'ordre et la sécurité sur toute l'étendue de la République d'autres corps et services furent créés notamment : le CADER (Corps des Activistes pour la Défense de la Révolution) créé au sein de la JMPR (Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution), la garde civile, le service d'Action et de Renseignement Militaire (SARM), la Maison Militaire du Chef de l'Etat et une Division Spéciale Présidentielle (DSP). Sur le plan de la sûreté nationale, il y eut également une évolution remarquable. Le seul service existant en 1965 devint le Centre National de Documentation, puis fut scindé en trois parties : Agence Nationale de Documentation (AND) s'occupant du réseau intérieur, le Service National d'Intelligence (SNI) pour le réseau extérieur et le Conseil National de Sécurité (CNS) coordonnant les deux autres et coordonné par le Conseiller Spécial du Chef de l'Etat404(*). Les agents de service de sécurité et d'ordre déployés à tous les niveaux prévenaient toute velléité de contestations. On pouvait bien espérer que la paix était acquise pour longtemps et que le Congo renaissait de ses cendres. Du moins jusqu'à la veille de les deux guerres du Shaba405(*) ce fut chose faite sur le plan de l'organisation territoriale et administrative qui fut aussi un facteur important de l'unification du peuple congolais.

2. Regroupement des populations.

Pendant les deux premières décennies du pouvoir Mobutien, l'on émit que la Nation « zaïroise » était née. L'impressionnant appareil militaire et de sécurité que nous venons de décrire précédemment eut raison jusque vers les années 1980 des « rebelles », « sécessionnistes » ou « opposant » de quelque sorte que ce soit. Cependant, nous devons reconnaître qu'un travail d'encadrement autour des idéologies généralement acceptées où presque toutes les couches se retrouvaient : neutralisme positif, unité nationale, la libération totale de l'Afrique, l'indépendance économique et la congolisation de l'économie a soudé le sentiment national406(*). Tous les espoirs étaient permis.

Ndaywel écrit à ce sujet : les problèmes issus du spectacle anomique de la décolonisation avaient été, l'un après l'autre éliminés. Après la réduction des sécessions et des rebellions, la société zaïroise se félicitait à présent de la disparition des dernières oppositions armées, du regroupement des provinces et de la dépolitisation du territoire. On s'autorisait à parler plus ouvertement de la relance agricole. En effet, le slogan : « retrousser les manches » avait fait place en 1968 à « Salongo » (travail), chacun étant invité à remplir correctement la tâche qui était la sienne ». Sur le plan international, les coup d'Etat en Afrique furent appréciés comme solutions à des crises politiques internes, pendant que les partis uniques étaient instaurés partout et interprétés comme les solutions inespérées aux excès de la démocratie d'origine occidentale407(*). il y a lieu de constater que de manière incidentielle, la constitution du 24 juin 1967 avec ses multiples révisions, a contribué par la réaffirmation du pouvoir d'Etat à rapprocher les populations autrefois soumises à des seigneurs de guerre, Maquisards, ou révolutionnaires de tout bord, séparées les unes des autres par des pouvoirs fragmentés tel que nous l'avons montré dans les pages précédentes. Ainsi, de 1968 à 1996 lors du début de la guerre de l'A.F.D.L. (Alliance des Forces Démocratique pour la Libération du Congo). La République Démocratique du Congo alors Zaïre disposait d'une population en voie de se constituer en nation dira-t-on. Le Président Mobutu était appelé Père de la Nation. Et même le fondateur de l'Etat congolais moderne. Quelle valeur peut-on accorder à ces affirmations avec le recul du temps ?

Certes, le régime Mobutien a eu le mérite de consolider la paix et de rendre viables pour la construction d'un Etat, le territoire et la population. Cependant force est de reconnaître que le défaut d'institutionnalisation rendrait vains tous les efforts de réfondation de l'Etat.

II. Sublimation du Parti Unique et effondrement de l'Etat.

1. Sublimation du Parti unique.

Sous la constitution du 24 juin 1967, caractérisée par la soumission de la constitution à la volonté suprême du Président-fondateur du MPR, la collectivité congolaise habitant sur le territoire du pays ne mérite pas la qualification d'Etat au sens où nous l'avons scientifiquement défini dans la première partie de cette étude. Cette affirmation semble osée, car c'est à cette période que pour beaucoup, le Congo s'est comporté en Etat.

Pour nous, ce n'était qu'un Etat fictif comme le « fameux » Etat indépendant du Congo. Nous pensons que dans l'appréciation d'un Etat ce qui importe plus c'est la forme du pouvoir. Il convient de mieux clarifier notre pensée, en ce que juridiquement, sociologiquement et pratiquement le système construit par le Président Mobutu et fondé sur le Mobutisme contenait comme on dit les germes de sa propre destruction et était bien loin de favoriser l'éclosion d'un Etat. Nous devons motiver notre avis :

1) Presque tous les analystes conviennent que le Président Mobutu par une habileté juridique et politique sans précédant, a exercé un pouvoir affranchi de tout contrôle, de toute soumission aux règles impersonnelles donc personnalisée à outrance et incapable de se reproduire ou se transmettre après son règne. Il devait s'en suivre que toute l'oeuvre du génie apparent de Mobutu pour autant qu'elle n'avait d'objectif que la sublimation du Parti et de sa propre personne devait s'éteindre avec la fin de sa vie, comme la lumière disparaît avec le coucher du soleil. Nous avons démontré qu'une société politique accède à l'étape d'Etat lorsque seulement le siège du pouvoir politique quitte l'individu vers une institution c'est-à-dire que lorsqu'une distinction claire s'établit de manière durable entre les détenteurs des fonctions étatiques et celles-ci. Or toute la constitution politique et juridique du Président Mobutu s'est dressée en obstacle vers la réalisation et l'achèvement du processus de cette mutation.

C'est à ce propos que le professeur Lumanu dit : « l'avènement du nouveau régime marque une césure avec la nature du régime qui a prévalu entre 1960 et 1965. Un monolithisme autoritaire et personnifié s'est substitué au pluralisme idéologique institutionnalisée408(*). Et il poursuit : « en s'appuyant sur les dispositions de la constitution en vigueur nous pouvons dire que c'est le Président de la République, à la tête de toutes les institutions politiques importantes qui dispose de toutes les ressources du pays. Il contrôle et repartit toutes les charges, tous les postes, tous les avantages liés au pouvoir. Tous revenu, toute nomination, toute promotion dépend, en dernière instance du bon vouloir présidentiel. Aucune position n'est à l'abri d'une décision du Président. Aucune règle impersonnelle ne préside à ce choix. C'est l'heure de l'opportunité personnelle ».

Nous constaterons ici sans risque de subjectivisme que le pouvoir sans limite exercé par le Président de la République Mobutu Sese Seko Kuku Ngendu Wazambanga sur La République Démocratique du Congo et sur ses peuples au plus fort de sa gloire n'a rien de moins que celui exercé par Léopold II Roi de belges en tant que propriétaire du Congo-Léopoldville, sous l'Etat indépendant du Congo. Il s'agit d'un pouvoir patrimonial dépassant de loin en étendue même les pouvoirs de Chefs africains des anciens empires et royaumes lesquels étaient encadrés juridiquement par des coutumes ayant force de loi. Le problème d'institutionnalisation du pouvoir en Afrique est également perçu avec pertinence par C. Clessis, cité par Djelo, lorsqu'il affirme que ce souci sans cesse renouvelé qui a pour enjeu l'accroissement de l'équation personnelle du Chef de l'Etat pose un problème à la fois général et fondamental pour les jeunes Etats d'Afrique, celui de l'institutionnalisation du pouvoir. Il s'agit de faire la distinction juridique entre les fonctions politiques et les hommes appelés à les assumer. Cette exigence suppose la diffusion d'un certain type de mentalité politique au niveau des élites dirigeantes de sorte que le loyalisme au pouvoir passe de la personne détentrice du pouvoir à la fonction exercée elle-même409(*). Or comme l'indique Verhaegen B. trois règles guidaient entre autre la sélection des membres de la classe dirigeante par le Président de la République :

- Le jeu des affinités familiales, ethniques et régionales ;

- Le système d'allégeance par la corruption organisée ;

- La sélection mandarinale410(*).

Le même auteur conclut que l'affirmation de ces trois règles de sélection permet d'identifier trois couches qui composent la classe dirigeante :

- La clique présidentielle ;

- La confrérie régnante ;

- La grande bourgeoisie potentielle.

Selon nous, une telle description qui ne nous paraît nullement loin d'être vraie, se retrouve plus dans les sociétés féodales pré étatiques que dans un Etat.

2) L'absence de séparation des pouvoirs ne s'accommode guère à l'éclosion de l'Etat. Par la concentration des pouvoirs et par la confusion des pouvoirs exécutif, législatif et même judiciaire dans une certaine mesure, dans sa personne, tel qu'avec différents auteurs nous l'avons montré, le Président Mobutu, vidait la constitution de son sens matérielle originaire.

Appliquant le principe cher aux révolutionnaires français qui en vertu de l'article 4 et 16 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1789, déclaraient que tout Etat où la séparation des pouvoirs n'est pas organisée n'a pas de constitution, l'on peut considérer que la constitution du 24 juin 1967 ne fut pas une constitution après avoir subi les révisions du 23 décembre 1970 du 15 août 1974, du 15 février 1978411(*) mais plutôt un simple « jouet » du Président Mobutu manipulable à volonté et lui servant d'instrument d'assouvissement de ses désirs sous un camouflage éminemment juridique.

3) De ce qui précède, nous retiendrons que le système instauré par le Président Mobutu n'ayant rien posé en « institution » ni le pouvoir ni le Parti ne pouvait créer l'Etat qui est d'abord une institution et bien plus l'institution primordiale. Nous voulons nous faire comprendre en précisant que l'institution n'est pas la magie du décret ou de l'acte juridique. On nous opposerait le raisonnement selon lequel le Président fondateur par les dispositions constitutionnelles précitées a décrété l'institutionnalisation du MPR...l'institutionnalisation ne se décrète pas seulement. Il eut fallu que l'essence de l'institution soit respectée : la différenciation entre les membres et l'organisation. Or en refusant de se faire le Représentant du pouvoir et du Parti, pour se vouloir à tout prix leur incarnation, Mobutu l'être mortel a privé à son Parti, le mérite d'être même un parti et à son pouvoir celui d'être un pouvoir d'Etat, un pouvoir politique. A cela il faut ajouter qu'en ayant horreur de penser à la succession par d'autres à la tête du parti et du pouvoir, il en a éloigné les possibilités d'en faire des institutions car dans toutes les définitions de l'institution l'élément « durée » est essentielle également412(*). Or la pérennisation d'une oeuvre institutionnalisée n'est pas non plus garantie à coup de décret et d'ordonnance déclarant la volonté de perpétuation ou à force de slogan413(*) comme se fut le cas pour le MPR et son Président fondateur, mais par des règles juridiques objectives visant à définir avec clarté la succession des dirigeants actuels par ceux des générations futurs. L'Etat en tant qu'institution n'échappe pas à cette exigence. Faute de s'y être conformé, Mobutu s'est laissé attrapé par le sceptre de la crise congolaise mettant à néant sa propre oeuvre par l'écroulement du mythe étatique.

2. Effondrement de l'Etat.

Dans un environnement politique où aucune politique sociale ne permet d'améliorer le vécu quotidien de la population, ou l'écart entre le nouveau bourgeois et la personne démunie ne cesse de se creuser, ni les prouesses médiatiques ni la politique de la terreur, ni la mystification juridique ne sont suffisants pour contenir la contestation et l'opposition. Chaque tentative de protestation étouffée équivaut à une bombe à retardement ; A chaque mesure de renforcement du pouvoir personnel, correspond un gonflement plus ou moins proportionnel des rangs des mécontents adversaires ou ennemis potentiels du pouvoir en place. Au fil de temps l'élément commandement-obéissance entre le gouvernant et le gouverné perd son automaticité alors qu'il est indispensable à la survie de l'Etat. Les divers foyers de tension ou de troubles contestant la légalité ou la légitimité du pouvoir monolithique finissent par devenir un brasier.

Entre 1965 et 1967, le Président Mobutu faisant fi du droit comme régulateur de la vie politique et ne s'est fié qu'à son génie mystificateur compromettant ainsi la grandeur de son oeuvre dont l'apothéose serait l'édification d'un Etat stable réalisé par l'inculcation à ses concitoyens d'une culture politique fondée sur l'arbitrage juridique constitutionnel du jeu politique.

Aussi, les manifestations estudiantines depuis 1968414(*), le mécontentements de l'Armée des années 1970, réprimés dans le sang, les déclarations des évêques catholiques, la littérature anti - mobutistes415(*), les incursions rebelles du FLNC (Front de Libération Nationale du Congo) en 1977 à Kasaji et Kapanga, et Kolwezi en 1978, sans oublier la création de l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) comme parti politique étaient autant d'indicateurs que le sceptre du chaos des années 1960 était proche avec tous ses méfaits sur la consistance des conditions d'existence de l'Etat. La crise était bel et bien là, il ne manquait qu'un déclic pour la déclencher. Le déclic vint de l'ex-Union de Républiques socialistes soviétiques (URSS) ou le Président Mikhaïl Gorbatchev élabora une théorie qui fit l'effet d'un cyclone sur tous les régimes autoritaires monolithiques : la perestroïka. De l'Europe de l'Est à l'Afrique ce mouvement qui prônait le changement et la transparence provoqua des bouleversements profonds au niveau de l'exercice du pouvoir. L'empire soviétique s'écroula, le mur de Berlin s'écroula comme un symbole fort de la chute des régimes dictatoriaux, le Zaïre de Mobutu n'en fut pas épargné. Secoué jusqu'aux racines, le régime devait changer ou disparaître. Après les consultations du 14 janvier 1990 le mythe du Parti - Etat et du Mobutisme s'effondrèrent peut - être avec la charpente fissurée de toute part de la virtuosité d'Etat congolais. La constitution du 24 juin 1967 devait subir sa dernière modification après que le 24 avril 1990, Mobutu ait annoncé la mort dans l'âme des mesures qui lui arrachèrent publiquement des larmes : le « congé » du Président fondateur par rapport au MPR, le multipartisme, la fin du rôle directeur du MPR, la libération vestimentaire.

Ces mesures imposèrent la révision de la constitution du 24 juin 1967 par la loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 dont les dispositions essentielles par rapport au sujet qui nous préoccupe furent celles relatives à :

- La modification globale des dispositions de la constitution ayant trait à la confusion de l'Etat et du Parti, au rôle directeur du MPR et, à son institutionnalisation ;

- La réhabilitation des trois pouvoirs traditionnels, à savoir, le législatif, l'exécutif et le judiciaire, comme seules institutions constitutionnelles ;

- La consécration du pluralisme politique ;

- L'organisation du référendum416(*).

Cette loi constitutionnelle eut-elle une incidence déterminante sur l'institutionnalisation du Pouvoir et la réfondation de l'Etat ? la réponse n'est pas aussi simple. D'une part elle eu le mérite de désacraliser définitivement la personne de Mobutu comme incarnation des institutions étatiques ravalées au rang d'organe du MPR mais elle n'eut pas assez de force pour concrétiser le nouvel ordre politique. La lutte entre le camp du changement attaché à la constitution constitué de l'opposition et celui de Mobutu soufflant le chaud et le froid, s'enlisa. Aucun n'arrivait à renverser l'adversaire et imprimer une orientation nouvelle au pays. Entre le 24 avril 1990 et le 17 mai 1997, ce fut une période de fortes turbulences. Le passage d'un pouvoir politique patrimonial à un pouvoir politique institutionnalisé ne vint pas. Le Zaïre en tant qu'«Etat » ne disposait plus d'une organisation politique répondant aux caractéristiques d'un pouvoir d'Etat. La crise de légitimité était à son comble417(*). L'on se trouva en face d'une crise institutionnelle aggravée par l'existence de deux exécutifs, et deux textes constitutionnels pour un même pays sur un même territoire dans une même et seule capitale.

Après les négociations du Palais du Peuple conduites par Monseigneur Laurent Mosengwo Président du Haut Conseil de la République418(*), il fut convenu entre les deux camps de réduire le dédoublement institutionnel par la mise au point d'un seul acte dénommé « Acte constitutionnel de la transition »419(*), cet acte consacrera le démarrage juridique de la période de démocratisation et de la transition au Zaïre. Pendant cette période on cru revivre les scènes des années 1960 et 1965 entre le Président Kasa - Vubu et Lumumba d'abord et entre Kasas - Vubu et Tshombe ensuite.

En effet, entre le Premier Ministre Tshisekedi - wa - Mulumba élu à la Conférence Nationale souveraine, le 15 août 1992, à 2 heures du matin eut des relations tumultueuses avec le Président Mobutu qui le nomma par deux fois et le révoqua aussitôt420(*).

Par ailleurs, l'acte juridique issu de résolutions de la Conférence Nationale souveraine, à savoir l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition, se heurta à une forte contestation de la part du camp présidentiel qui tint le conclave politique de Kinshasa470 duquel sorti la loi n° 93/001 du 02 avril 1993 portant Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition.

CHAPITRE III : l'ETAT SOUS LA PERIODE DE TRANSITION.

La transition politique théoriquement ouverte depuis le 24 avril 1990 avec l'ouverture démocratique a connu trois textes qui nécessitent d'être examinés sur la plan constitutionnel :

- L'Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994421(*);

- Le Décret - loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo 422(*);

- La constitution de la transition du 3 avril 2003423(*).

La constitution de la République Démocratique du Congo promulguée le 18 février 2006 est le dernier texte constitutionnel au moment de notre réflexion. Elle met fin théoriquement aux régimes de transition424(*). Mais la fin effective de la transition se fera par l'investiture du Président de la République issu des élections tel que prévu dans la constitution du 03 avril 2003.

Section 1. Le pouvoir et l'Etat sous l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994.

Nous considérons deux aspects, l'aménagement juridique des pouvoirs et, le fonctionnement des institutions d'une part et l'impact de l'Acte constitutionnel de la transition sur le sort de l'Etat d'autre part.

§1. Aménagement juridique des pouvoirs et fonctionnement des institutions
I. Aménagement des pouvoirs
A. Les institutions politiques.

Elles sont présentées à l'article 38 : « Les institutions de la République pendant la transition sont :

1) Le Président de la République ;

2) Le Haut Conseil de la République - Parlement de transition;

3) Le gouvernement ;

4) Les Cours et tribunaux.

Cette constitution réaffirme la disparition des vestiges du Parti - Etat, même dans la terminologie. Les termes de gouvernement et de parlement refont leur apparition en remplacement de Conseil exécutif et Conseil législatif. De même le Président de la République n'est plus affublé des titres de « fondateur » ou autre.

L'étude qui nous concerne étant limitée aux institutions politiques, il sera normal de ne point parler des Cours et tribunaux. Aussi allons-nous découvrir les prérogatives de ces institutions précitées.

B. Les attributions constitutionnelles des institutions.

1. Le Président de la République.

Aux termes de l'article 39 le Président de la République :

- est le Chef de l'Etat ;

- représente la Nation ;

- est le symbole de l'unité nationale ;

- promulgue les lois dans les quinze jours du Haut Conseil de la République - Parlement de transition ;

- est le Chef suprême des Forces Armées ;

- préside le Conseil supérieur de la Défense.

Bref, le Président de la République exerce les prérogatives constitutionnelles classiques d'un Chef d'Etat en régime parlementaire comme en 1960 et en 1964. Il faut noter le retour du contreseing en ce qui concerne les prérogatives prévues à l'article 47, en ce qui concerne les nominations aux postes des fonctions étatiques élevées. Il proclame l'Etat de siège, en temps de guerre et l'état d'urgence en cas de danger tel que prescrit à l'article 48. C'est le Président de la République qui procède également à la déclaration de guerre. Dans tous ces cas, il le fait à la demande ou à l'initiative du gouvernement après avis conforme du Haut - Conseil de la République - Parlement de transition. Une nouveauté de taille par rapport aux décennies du pouvoir monolithique est la possibilité, pour le Haut - Conseil de la République Parlement de transition de mettre fin par une loi à l'Etat de siège ou d'urgence pris par le Président de la République. De même, les actes du Président de la République pris dans le domaine de la loi, cesseraient de produire d'effets si l'institution législative ne les approuvait dans un délai de trente jours à compter de la date du dépôt à son Bureau425(*). il faut noter que le Président de la République conduit plus la politique de la Nation seul et ne dirige plus l'action du gouvernement.

2. Le Haut - Conseil de la République, Parlement de transition.

Parlement de transition  (HCR - PT) est l'institution législative de la Transition; Il comprend une chambre unique dont les membres sont appelés Conseillers de la République. L'article 56 de l'Acte constitutionnel de la transition précise le mode de leur recrutement.

En effet, le HCR -PT est composé :

- des Conseillers de la République désignés par la Conférence Nationale Souveraine (CNS) ;

- des Députés de l'ancienne Assemblée Nationale ayant participé ès - qualité à la Conférence Nationale Souveraine ;

- des Négociateurs aux concertations politiques du Palais du peuple qui ne sont ni Conseillers de la République ni Députés.

Conformément à l'article 58 de l'Acte constitutionnel de la transition, le HCR - PT a eu pour mission de :

- élaborer les lois ;

- contrôler le gouvernement ;

- émettre des avis conformes prévus dans l'Acte constitutionnel de la transition dans le délai de quinze jours à compter de la date de réception des dossiers ;

- suivre et contrôler l'exécution des Actes de la Conférence Nationale ;

- interpréter les Actes de la Conférence Nationale Souveraine autre que l'Acte constitutionnel de la transition ;

- définir la structure devant assurer la tutelle des médias publics en vue d'en garantir la neutralité, sans préjudice des dispositions de l'article 59. Cet article détermine les matières relevant du domaine de la loi. Le HCR -PT détenait d'autres pouvoirs dont nous parlerons au point de relations entre les institutions.

3. Le Gouvernement.

Par rapport aux constitutions antérieures, l'Acte constitutionnel de la transition présente avec plus de clarté la mission du gouvernement. En effet, l'article 75 dispose :

« Le gouvernement conduit la politique de la Nation ;

Il exécute des actes de la Conférence Nationale Souveraine et les lois de la République ; Il est pleinement responsable de la gestion de l'Etat et répond de celle-ci devant le Haut-Conseil de la République - Parlement de transition dans les conditions définies par le présent Acte ; Il dispose de l'Administration, de la Gendarmerie Nationale, de la Garde Civile et des Services de Sécurité civile ;

Le Gouvernement procède aux nominations de cadres de commandement autres que ceux visés à l'article 47 du présent Acte par Décret du Premier Ministre délibéré en Conseil des Ministres et contresigné par le Ministre compétent. Il en informe le Haut - Conseil de la République Parlement de transition ».

Par ailleurs, il faut noter qu'en ce qui concerne l'état de siège ou d'urgence, c'est le gouvernement qui en prend l'initiative426(*). Nous ne pouvons mieux saisir les prérogatives du gouvernement sans connaître le statut et les compétences du Premier Ministre ainsi que des Ministres.

L'article 78 alinéa reconnaît au Premier Ministre la prérogative de Chef du gouvernement. L'alinéa 2 de la même disposition précise la manière dont il est désigné : « il est présenté, après concertation avec la classe politique par la famille politique à laquelle n'appartient pas le Chef de l'Etat, dans les dix jours à compter de la promulgation du présent Acte. Passé ce délai, le Haut - Conseil de la République - Parlement de transition se saisit du dossier ».

Nommé ou investi, selon le cas, par ordonnance du Président de la République, le Premier Ministre propose pour nomination les membres de son gouvernement au Président de la République conformément à l'article 81 du même Acte427(*).

A l'article 80, il est précisé d'autres attributions constitutionnelles du Premier Ministre :

- Il préside le Conseil des Ministres ;

- Il peut tenir des réunions de concertation entre le Président de la République et le Gouvernement à l'initiative de celui-ci ou à l'initiative du Président de la République ;

- Il exerce le pouvoir réglementaire par voie de décrets délibérés en Conseil des Ministres.

Les actes du Premier Ministre pris dans ce cadre sont contresignés, le cas échéant, par le Ministre chargé de leur exécution. Le Premier Ministre pouvait déléguer certains de ses pouvoirs aux Ministres.

S'agissant de Ministres, l'article 81 428(*) précise le mode de leur désignation tandis que l'article 82 429(*) fixe leurs attributions. Aux termes de l'article 81, les autres membres du gouvernement sont nommés et déchargés de leurs fonctions par le Président de la République sur proposition du Premier Ministre. Dans ce cas, les ordonnances du Président de la République sont contresignées par le Premier Ministre430(*).

Chaque fois que les fonctions de Premier Ministre prennent fin les membres du gouvernement sont réputés démissionnaires. Dans le même ordre d'idées, l'article 82 dispose : « Les Ministres sont les Chefs de leurs ministères ; ils appliquent dans leurs ministères, le programme fixé et les décisions prises par le gouvernement ; ils statuent par voie d'arrêtés ».

C. Les relations entre les institutions

Il importe d'analyser les rapports entre d'une part, le Président de la République et le gouvernement, et d'autre part entre l'exécutif et le législatif.

Le Président de la République et le gouvernement.

L'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994 évite le bicéphalisme de l'exécutif en laissant au Président de la République, le rôle du Chef de l'Etat garant de la Nation régnant sans gouverner, et en précisant que le gouvernement conduit la politique de la Nation431(*). dans le même sens le constituant a précisé que c'est le Premier Ministre qui préside le Conseil des Ministres.

Mais la question que l'on pouvait se poser serait de savoir laquelle de deux personnalités entre le Président de la République et le Premier Ministre devait présider les réunions de concertation prévues à l'article 80 auxquelles participerait le Président de la République, à l'initiative du gouvernement ou à l'initiative du Président de la République .

La constitution ne le dit pas clairement, mais nous pensons que compte tenu de sa position hiérarchique plus élevée, le Président de la République devait, de bon droit, présider ces réunions.

Il faut aussi signaler que l'Acte constitutionnel de la transition a prévu des domaines de collaboration entre le Président de la République et le gouvernement en ce qui concerne :

- La défense nationale ;

- La diplomatie ;

- Et la politique extérieure432(*).

Par ailleurs, le « contreseing » établissait un rapport obligé selon les cas, entre le Président de la République et le Premier Ministre ou les Ministres.

L'exécutif et le législatif.

Le Président de la République et le Parlement ;

Le Président de la République peut conformément à l'article 66 convoquer le Haut - Conseil de la République - Parlement de transition en session extraordinaire, à la demande du gouvernement. Cette situation intervient notamment dans les cas exceptionnels prévus à l'article 48 concernant l'Etat d'urgence ou de siège. Ici toutes les institutions politiques interviennent. Le gouvernement a l'initiative du dossier, le Président de la République déclare la guerre ou proclame l'Etat d'urgence ou de siège, seulement après l'avis conforme du Haut - Conseil de la République - Parlement de transition.

Le Gouvernement et le Haut - Conseil de la République - Parlement de la transition.

Les rapports entre les deux institutions sont fixés par les articles 87 à 94 de l'Acte constitutionnel de la transition.

Aussi-est-il dit : « L'initiative des lois appartient concurremment à chacun des membres du Haut- Conseil de la République - Parlement de la transition et au gouvernement ; les projets de loi adoptés par le Conseil des Ministres sont déposés sur le Bureau du Haut - Conseil de la République - Parlement de la transition ».

Tandis que l'article 88 dispose : « Les propositions de lois sont, avant délibération et vote, notifiées pour information au gouvernement qui adresse ses observations éventuelles au Bureau du Haut - Conseil de la République-Parlement de transition dans les dix jours de la notification ».

Dans ce même point, il faut noter la possibilité pour le gouvernement de prendre des actes relevant du domaine de la loi pour l'exécution de son programme d'action, après autorisation demandée au HCR-PT.

Les Décrets pris en Conseil de Ministres dans ce cadre deviennent caducs si le projet de ratification n'est pas déposé devant le Haut - Conseil de la République-Parlement de transition avant la date limite fixée par la loi d'habilitation433(*).

En plus, les membres du gouvernement ont le droit et, s'ils en sont requis, l'obligation d'assister aux séances du Haut-Conseil de la République-Parlement de transition, d'y prendre la Parole et de donner aux Conseillers de la République les éclaircissement qu'ils jugent utiles434(*). Dans ce cas, ils ont le droit de proposer des amendements aux propositions de loi en discussion mais ne participent pas au vote435(*).

Lorsque le Haut-Conseil de la République-Parlement de transition exigent des explications au Premier Ministre et aux membres du gouvernement sur leurs activités, ils sont tenus de les lui fournir436(*).

Le Haut-Conseil de la République-Parlement de transition peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par une motion de censure, laquelle si elle est adoptée entraîne d'office la démission du gouvernement. De la même manière l'investiture de l'équipe gouvernementale après sa formation est conditionnée à son approbation par le Haut-Conseil de la République qui se prononce dans les quinze jours à la majorité absolue437(*).

II. Fonctionnement des institutions.

Le fonctionnement des institutions politiques consacrées par l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994, à savoir le Président de la République, le Haut-Conseil de la République-Parlement de transition et le gouvernement fut rendu difficile sinon impossible par la crise aiguë déclenchée depuis 1990 par les tergiversations du Président Mobutu sur les promesses de démocratisation et le phénomène de pillages perpétré par son armée sur le pays438(*).

Par ailleurs, les partis d'opposition récemment constitués légalement avec d'autres forces de la société civile, exprimaient leur mécontentement par des actions de protestation de tout genre. Ils réclamaient la tenue de la Conférence Nationale, ensuite il fallait appliquer les résolutions de la dite conférence et, enfin ils réclamèrent le départ de Mobutu qui, à sa guise se jouait de l'Acte constitutionnel de la transition dont il ne faisait aucun cas.

Au delà de la crise interne entre le pouvoir et l'opposition un autre événement extérieur survint et qui détourna toutes les institutions de la transition de leur mission constitutionnelle : le génocide au Rwanda et ses implications au Zaïre. L'afflue de réfugiés dépasse les capacités d'accueil et d'encadrement du Zaïre.

Il importe de retenir est que d'autant qu'elles l'ont fait entre 1990 et 1994, les institutions politiques de la transition se sont distinguées dans une dialectique stationnaire « d'initiative - blocage » entre 1994 et 1997.

Comme l'observe Désiré AFANA chaque fois que l'une des institutions de la transition voulait relancer la machine du processus démocratique, les deux autres formaient bloc pour la paralyser439(*). Le même auteur poursuit qu'après la CNS, les familles politiques zaïroises, au lieu de construire et d'appliquer les résolutions de la CNS, ont gaspillé du temps dans des querelles enfantines et des marchandages ridicules, poursuivant leurs querelles et se laissant guider par le besoin de s'anéantir mutuellement »440(*).

§2. Impact de l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994 sur le sort de l'Etat.

Nous l'avons suffisamment démontré. Le sort de l'Etat au sens moderne est intimement lié au sort du pouvoir. Chercher à mesurer l'incidence de l'Acte constitutionnel revient à apprécier ses effets sur la forme du pouvoir politique et sur les conditions d'existence de l'Etat. L'objectif étant de constater l'accélération, le retard ou le blocage du processus de formation de l'Etat. Généralement une constitution comme toute loi a pour effet d'améliorer les conditions d'exercice des rapports sociaux, par la clarification des règles du jeu et l'arbitrage ultime par des dispositions impératives ou consensuelles.

Curieusement après la promulgation de l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994, le ciel politique congolais s'est trouvé plus sombre qu'avant et la confusion n'a eu de comparable que celle des années 1960 avec tout ce qui a été dit précédemment à ce propos.

Pour demeurer dans le fond de notre étude sur l'institutionnalisation du pouvoir et la fondation de l'Etat, il convient d'analyser successivement :

- L'inefficience du pouvoir politique « constitutionnalisé » ;

- La dislocation et le relâchement du lien national et la résurgence des sentiments ethniques ;

- Et la disparition du rôle de l'Etat par la fragmentation du pouvoir.

I. L'inefficience du pouvoir politique « constitutionnalisé ».

Par pouvoir « constitutionnalisé », nous entendons le pouvoir politique tel qu'il est théoriquement institué par le texte constitutionnel. En l'occurrence, l'Acte constitutionnel de la transition.

L'organisation et l'exercice du pouvoir initialement institué procédait d'une démocratie parlementaire à l'opposé du monolithisme dictatorial sous la constitution du 24 avril 1967.

Aux termes de l'Acte constitutionnel de la transition le Président de la République cessait d'être le Chef du gouvernement et le conducteur de la Politique Nationale.

Mais refusant d'« inaugurer les chrysanthèmes », le Président Mobutu est demeuré la pièce maîtresse de la machine politique congolaise. Faisant et défaisant les règles du jeu, il rendit tout le système constitutionnel aussi inefficace qu'inutile comme en 1961 où au gré de sa volonté il marcha sur la loi fondamentale et en 1965 où il enterra la constitution du 1er août 1964. Il importe de rappeler que l'Acte constitutionnel de la transition est lui-même le résultat de velléité dictatorial du Président Mobutu. Car pour noyer les résolutions de la Conférence Nationale Souveraine et sa charte de la transition, il fit provoquer un conclave politique qui révisa unilatéralement l'Acte constitutionnel de la CNS, sous le titre de l' « Acte constitutionnel harmonisé ». Dans les faits, les textes n'eurent pas raison de la personnification du pouvoir. Le Président Mobutu continuait d'agir selon son bon vouloir et ses intérêts en dépit des dispositions constitutionnelles contraires. Il pouvait désigner un gouverneur à la Banque centrale prérogative reconnue au Premier Ministre, nommer et révoquer le Premier Ministre sans se soucier de la constitution, se passer des avis conformes du Parlement et même menacer les membres de cette institution législative de faire cesser leur « recréation ».

Le Pouvoir était caractérisé par les luttes stratégiques d'anéantissement de l'un par l'autre à tous les trois niveaux des institutions. D'abord l'exécutif était tantôt secoué par la querelle Tshisekedi, chef du gouvernement et Mobutu, Chef de l'Etat chacun avec son camp offrant chaque fois un spectacle défavorable à la consolidation de l'autorité de l'Etat tantôt confronté à la bataille de repositionnement entre Tshisekedi évincé par Mobutu et chaque nouveau Premier Ministre désigné considéré à tort ou à raison comme traître à la cause de l'opposition.

Ensuite, au niveau du gouvernement, l'ouverture démocratique consacrée par les discours du Président Mobutu du 24 avril 1990 et constitutionnellement, par l'Acte de la transition connut des phénomènes de dédoublement entre le gouvernement de l'opposition et le gouvernement du Premier Ministre désigné en vertu du vote de la CNS « arbitrairement » selon les uns et « légalement » selon les autres par le Président Mobutu. Ce qui nous intéresse est de constater qu'un tel dédoublement a eu un effet négatif remarquable sur l'existence d'une puissance publique étatique.

Enfin, le pouvoir législatif fut tellement contorsionné entre les différentes forces politiques en lutte de leadership, qu'il ne put produire un travail conforme à son rôle constitutionnel au point que son Président pourtant constitutionnellement investi du mandat d'assurer l'intérim du Président de la République en cas de vacance fut contraint à la démission laissant un vide juridique longtemps non comblé.

II. La dislocation et le relâchement du lien national et la résurgence des sentiments ethniques.

Un regard impartial sur l'histoire du Congo-Kinshasa, nous révèle qu'avant 1965, le pays était miné par le tribalisme qui fut un facteur d'échec du multipartisme et du fédéralisme.

En effet, les partis politiques et les provinces ou Etats fédérés se voulaient plus tribalo - ethniques que nationaux. Certains auteurs affirment que « le multipartisme organisé par la loi fondamentale et la constitution de Luluabourg avait donné lieu, sous la première République, à la création de formations politiques simplement tribales et ethniques, et avait favorisé la lutte entre clans, tribus et ethnies pour la conquête du pouvoir et de leadership, abandonnant les idéaux de mutuelle confrontation d'idées politiques généreuses et nationalistes en vue de bâtir une société congolaise unie et prospère ». De même, ils sont d'avis que « les partis politiques étaient un facteur détonateur de l'éclatement de l'unité du Congo, en sus de la balkanisation du pays en Etats ethniques et tribaux sur le plan territorial441(*). Cependant, ils reconnaissent que le régime autoritaire instauré par le général Mobutu de 1965 à 1990 eut à son actif la lutte pour la détribalisation de la vie nationale442(*). Tel fut d'ailleurs l'objectif au Congo. Analysant le phénomène du Parti unique Shirishungu, à ce propos, Shirishungu décrit son processus de suppression multipartisme ethno - tribal :

La détribalisation recherchée des masses s'appuierait sur :

- Le caractère unique du parti conçu comme le lieu d'union, de rassemblement politique des masses de toutes les tribus, de tous les clans et ethnies auxquels la réforme territoriale a enlevé toute dimension politique et toute autonomie, fut-elle administrative ;

- Le caractère national du parti unique, le parti unique se réclamant d'aucune tendance tribale ni ethnique et n'exaltant que des idéaux de l'Etat, le faisant passer aux yeux du peuple, par force de propagande des ténors politiques, comme la nation unique en formation ».

La suppression des partis politiques multiple et ethno - tribaux opère dès lors :

- Une stabilité politique au niveau des organes politiques de l'Etat ;

- Une paix sociale entre factions claniques, tribales et ethniques jadis rivales.

La stabilité institutionnelle et la paix sociale sous le règne du Président Mobutu furent effectives. Cependant bâties sur la force de l'homme Mobutu et non sur l'institution Etat, elles cessèrent dès 1990 avec la fin du monopartisme. Mobutu mécontent du combat que lui menait l'opposition politique symbolisée au début par Etienne Tshisekedi et d'autres, se mit à saper les colonnes de son propre édifice. Attisant habilement les appétits du pouvoir chez les leaders politiques, il parvint à les opposer les uns aux autres selon leur tribus. Ainsi on pu assister à la radicalisation de la querelle entre Kyungu-wa-Kumwanza, gouverneur du Katanga, soutenu par Nguza-Karl-Bond, alors président de l'UFERI443(*) et Tshisekedi -wa - Mulumba, président de l'UDPS. Ce conflit artificiel, conduisit à l'expulsion de tous les ressortissants des provinces des « Kasaï » de l'ethnie Luba, du « Katanga »444(*). Des expressions nouvelles firent leur apparition telles que : « la territoriale des originaires » ; « la géopolitique » ; « kilamutu kwabo »....445(*).

Après le triste exemple du Katanga, on assiste impuissant aux revendications ethniques et tribales, lesquelles exacerbées à l'Est du pays servirent de détonateur aux deux guerres de 1996 et du 2 août 1998. L'ethnie Banyamulenge frustrée par la non reconnaissance de sa nationalité congolaise rallia tous les mécontents du régime Mobutu et avec l'alliance du Rwanda sonna le glas de la fin du système Mobutu qui fut démantelé complètement le 17 mai 1997 avec l'entrée des troupes de Kabila à Kinshasa446(*).

III. L'effondrement du rôle de l'Etat ou le retour du « zombi » à sa tombe.

Nous avons montré que de 1965 à 1990, ce qui passait pour être un Etat congolais ou zaïrois selon les périodes ne pouvait nullement l'être sauf en terme de fiction comme à l'époque de Léopold II. Nous en avons donné les raisons parmi lesquelles la plus fondamentale est l'absence d'un pouvoir juridiquement « institutionnalisé » différent de la personne physique Mobutu son détenteur. Et celui-ci imposant la force de sa propre personnalité à l'ensemble des populations congolaises extenuées des affres des crises chroniques et des guerres incessantes, manipulait en fin stratège les caricatures d'un Etat dont l'embryon serait mort depuis les années 1961 et 1962, tel un « zombi »447(*) sans vie accomplissant les gestes de son maître.

Sennen Andriamirado cité par Afana dit : « le mal zaïrois réside dans la confusion que l'on a faite pendant la deuxième République et le parti Mobutu et le Zaïre. Mobutu, au temps fort de sa dictature était le Zaïre et le Zaïre était lui. Avec les événements de 1990, Mobutu quitte momentanément la scène politique et, avec lui, l'administration disparaît. Les bureaux se vident et la mafia s'installe »448(*).

Deux secteurs sont révélateurs de l'effacement du rôle de l' « Etat » de la vie nationale :

- L'Administration ;

- Et l'Armée.

1°. L'Administration congolaise.

Nous pouvons ainsi les décrire avec Désiré AFANA : « l'Administration zaïroise est en perte de vitesse. Elle est minée par la corruption et souffre de ses accointances passées avec le Mouvement Populaire de la Révolution. Elle n'a pas encore réussi à s'adapter aux exigences de la démocratie. Endetté tant sur la plan interne qu'à l'extérieur, l'Etat zaïrois ne peut plus à ce jour, assurer l'éducation de sa jeunesse, les soins de santé de sa population, l'entretien de son réseau routier etc.... ».

Sous l'acte constitutionnel de la transition, il a été tenté d'effacer juridiquement Mobutu de la scène politique. Il s'en suivi que l'Etat incarné par Mobutu devait aussi s'effacer. N'ont pas totalement tort ceux qui comparent l' « Etat » congolais ou zaïrois de ce temps ou ce qui en tient lieu à un « lobby » étranger plus attentif aux caprices de ses pilotes qu'aux problèmes de la masse »449(*).

Il est vrai que le Zaïre disposait encore d'une population comme élément constitutif ou condition d'existence de « l'Etat » ; il est aussi évident que le pays ne disposait plus d'un gouvernement et d'un territoire correspondant respectivement à une organisation politique ni à une territoriale étatique l'est ainsi que l'on pu assister à une double représentation diplomatique zaïroise au 34ème sommet de l'OUA où le pays fut représenté par Me Kamanda Wa Kamanda pour le compte de Kinshasa et par Bizima Karaha pour le compte de Goma, le 17 mars à Lomé au Togo.

2°. L'Armée congolaise.

Il n'est pas alors surprenant que l'Administration zaïroise batte de l'aile car il est de principe que l'Administration travaille sous l'impulsion du gouvernement en vue d'assurer l'exécution de ses orientations générales au bas niveau. Il ne pouvait en être ainsi lorsque l'autorité gouvernementale se trouvait dispersée. L'on ne peut parler de l'Etat au sens moderne sans l'existence d'une armée nationale permanente et organisée. Celle-ci sert à rendre effective la souveraineté tant sur le plan extérieur par la défense des frontières nationales contre une agression que sur le plan intérieur par la réduction de toute force opposée au gouvernement légale en cas d'échec de services de police. Or le Zaïre de 1990 à 1997, les services militaires formés pour n'obéir qu'à un seul Chef Mobutu, et vivant comme ledit Désiré Afana grâce aux retombées financières de cette soumission au guide éclairé, ne tenaient plus le coup sans la générosité du Maréchal Président, exception faite bien sûr, de la Direction Spéciale Présidentielle (DSP).

L'Armée est désormais comme sans maître depuis que le Chef suprême en proie à une lutte sans merci contre une classe politique déterminée à le diminuer résiste par une errance qui le tient loin de la capitale. C'est avec à propos que l'on peut conclure à la déliquescence des forces armées zaïroises lesquelles faute d'assurer la protection de leurs concitoyens abusèrent systématique de la force de la gâchette par les pillages rappelant les « razzia » des hordes barbares sur les populations victimes. Cela semble bien reculé dans l'histoire. Mais au Zaïre ce fut une triste réalité ; est-il aussi qu'une telle armée n'était plus qu'une coquille vide, incapable de jouer son rôle, elle se fondit comme neige au soleil à chaque confrontation avec les forces rebelles de Laurent Désiré Kabila appuyé par le Rwanda, jusqu'à ce que n'ayant plus ni troupe ni garde « impériale » comme Napoléon à Waterloo, Mobutu quitta Kinshasa le 16 mai 1997 sans que ni la constitution du 24 juin 1967 fréquemment révisée ni l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994 aient eu suffisamment d'autorité juridique pour s'imprimer dans la culture congolaise et concourir à l'instauration d'un pouvoir politique institutionnalisé catalyseur d'une société politique organisée et d'une Armée Républicaine. Avant de disparaître de la scène, sur les cendres de son oeuvre qu'il a contribué activement à démolir le Maréchal-Président a promis après lui, le déluge à son peuple au lieu d'un Etat stable.

Le 17 mai 1997 Laurent Désiré Kabila s'auto - proclama, à partir de la ville minière du Zaïre, Lubumbashi, le 3ème Président du pays. Le lendemain ses troupes investirent Kinshasa la capitale sans combat faute de combattants. Avec le nouveau régime, l'ordonnancement constitutionnel devait changer. Ce qui nous intéresse c'est logiquement, le sort du pouvoir et ses implications sur la renaissance de l'Etat au Congo.

Section 2. Pouvoir et Etat sous le Décret-loi n° 003 du 28 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo.

Le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo, a fait l'objet des modifications qui ont donné lieu aux textes coordonnés et mis à jour au 1er juillet 2000450(*).

Il convient d'examiner successivement :

- L'aménagement constitutionnel des pouvoirs ;

- Le fonctionnement des institutions ;

- Et l'impact dudit décret sur le pouvoir et l'Etat.

§1. Aménagement constitutionnel des pouvoirs.

Il est mieux rendu par les institutions politiques et, par les rapports qu'elles entretiennent entre elles.

A. Présentation des institutions politiques.

L'article 3 du Décret-loi constitutionnel 003 du 27 mai dispose : les institutions de la Républiques sont :

- Le Président de la République ;

- L'Assemblée constituante et législative, Parlement de transition ;

- Le gouvernement ;

- Les Cours et Tribunaux.

Hormis les institutions du pouvoir judiciaire, il y a lieu d'analyser les attributions constitutionnelles de chaque institution.

B. Les attributions constitutionnelles du Président de la République.

Aux termes des articles 1,5 et 6 du Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 le Président de la République :

- est le Chef de l'Etat ;

- représente la Nation ;

- est le Chef de l'exécutif et des Forces Armées ;

- a le droit de battre monnaie et d'émettre du papier en exécution de la loi ;

- assure la promulgation des lois ;

- décrète l'état d'urgence, l'état de siège et déclare la guerre ;

- peut soumettre au référendum le projet de constitution ou tout autre question d'intérêt national ;

- a le droit de faire ;

- négocie et refuse les traités et accords internationaux au nom de la République Démocratique du Congo451(*).

- relève de leurs fonctions les membres du gouvernement ;

- nomme et relève de leurs fonctions les Ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les Gouverneurs et Vice-Gouverneurs de Provinces, les officiers supérieurs et généraux de l'Armée et de la Police, les cadres de commandement de l'Administration publique, les Mandataires actifs et non actifs dans les entreprises et organismes publics, les magistrats du siège et du parquet ;

- accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères et des organisations internationales. Il importe de noter que le Président de la République préside le Conseil des Ministres452(*).

C. Les attributions constitutionnelles de l'Assemblée constituante et législative/Parlement de transition.

L'article 9 du Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997, précise les attributions de cette institution constituante et législative :

- examiner et adopter le projet de constitution élaboré par la commission des Réformes institutionnelles près la Présidence de la République, à soumettre éventuellement au référendum ;

- exercer le pouvoir législatif pendant la période de transition et plus particulièrement élaborer et adopter les textes se rapportant aux élections, à savoir :

§ la loi sur la Commission Nationale des élections (CNE) ;

§ le code électoral ;

§ la loi sur le référendum, s'il éclat ;

- contrôler les activités du gouvernement, des entreprises publiques, des établissements et des services publics de l'Etat ;

- représenter l'Etat dans les rencontres parlementaires et accomplir diverses missions à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

C. Les attributions constitutionnelles du gouvernement et des Ministres.

Conformément à l'article 34 du Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, le gouvernement :

- Conduit la politique de la Nation telle que définie par le Président de la République ;

- Exécute les lois de la République et les décrets du Chef de l'Etat ;

- Négocie les accords internationaux sous l'autorité du Chef de l'Etat ;

- Dispose de l'Administration et des Forces Armées.

Quant aux Ministres, l'article 36 dispose qu'ils sont responsables de la gestion de leurs ministères devant le Président de la République.

II. Les relations entre les pouvoirs.

A. Les rapports entre le Président de la République et le Gouvernement.

Entre les deux institutions, il n'y a ni ambiguïté ni équivoque comme sous la loi fondamentale du 19 mai 1960. L'exécutif est monocéphal dans la mesure où le Président de la République en est le Chef et que le gouvernement conduit la politique de la Nation tel que définie par lui. Le décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 n'a pas prévu de poste de Premier Ministre comme ce fut le cas de l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994.

B. Les rapports entre le Président de la République et le Parlement.

Il est important de retenir que les membres du Bureau de l'Assemblée constituante et législative sont nommés et relevés de leurs fonctions par le Président de la République, conformément à l'article 14 du décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 et, que le Président de la République dispose d'un pouvoir de dissolution si l'intérêt supérieur de la Nation l'exige ; dans ce cas le Président de la République légifère par décret-loi. Le Président de la République convoque l'Assemblée constituante, Parlement de transition en session extraordinaire et il déclare par décret, la clôture de ses sessions ordinaires et extraordinaires453(*). Dans ce point, il importe d'observer que l'initiative des lois appartient concurremment au Président de la République sous forme de projet de loi et à chaque député sous forme de proposition de loi454(*). Il y a aussi lieu de noter que les lois sont promulguées par le Président de la République dans les quinze jours de leurs transmission par le Président de l'Assemblée constituante et législative. Toute fois, le Président de la République peut, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Le Parlement ne peut pas refuser cette nouvelle lecture455(*).

C. Les rapports entre le gouvernement et l'Assemblée constituante/Parlement de transition.

A ce propos, l'Assemblée constituante/Parlement de transition dispose des moyens d'information et de contrôle prévus à l'article 19 du décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, à savoir :

- la question écrite ;

- la question orale avec ou sans suivi de vote ;

- la question d'actualité ;

- la commission d'enquête ;

- l'interpellation.

§2. Fonctionnement des institutions.

Le fonctionnement des institutions consacrées par le décret-loi constitutionnelle du 27 mai 1997 est marquée notamment par le renforcement du pouvoir exécutif traduisant une rupture des équilibres institutionnels issus de l'Acte constitutionnel de transition du 09 avril 1994.

I. Renforcement du pouvoir exécutif.

Comme Joseph Désiré Mobutu en 1965, Laurent Désiré Kabila qui l'a combattu, a instauré un régime caractérisé par l'affaiblissement du Parlement au profit de l'exécutif mais un exécutif dont la personne du Président de la République est l'épicentre de toute activité étatique. De même que sous le régime du Président Mobutu, le régime présidentiel voulu par AFDL du Président Kabila s'est nué en « régime » présidentialiste avec tous les méfaits dont la crispation politique et le blocage du système institutionnel sont les plus marquants.

A. La crispation politique.

Dès les premiers jours de son accession au pouvoir, Laurent Désiré KABILA a pris des mesures qui ont conduit à la crispation à outrance de l'atmosphère politique. Nous en citerons notamment :

- l'interdiction des activités des partis politiques exceptées celle de l'AFDL, jusqu'à nouvel ordre ;

- la nomination des membres du gouvernement du salut public en se référant au seul statut de l'AFDL456(*).

- La signature du Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation, à l'exercice du pouvoir pendant la transition ;

- L'exclusion par le Président Laurent Désiré KABILA, d'autres forces politiques de son gouvernement457(*).

Les quelques mesures dont nous venons de parler montrent à suffisance l'absence de volonté de la part du nouveau Chef de l'Etat de rechercher un consensus autour de l'organisation et de la conduite de la Nation. Face aux multiples résistances des sensibilités politiques exclues de l'organisation et de l'exercice du pouvoir par l'AFDL, le fonctionnement de nouvelles institutions politiques étaient presque voué au blocage.

B. Le blocage du système institutionnel.

Aux mesures déjà précitées prises par le nouveau Président de la République, telle que l'interdiction des partis politiques, s'ajoutent d'autres qu'ils importent de mentionner :

- La création de la Commission constitutionnelle par Décret-loi n° 037/97 du 01-1997 ;

- La Commission des reformes institutionnelles ;

- La création des Comités de pouvoirs populaires (C.P.P).

Comme les premières ainsi que toutes les autres sous le régime de Laurent Désiré KABILA, ces mesures seront unilatérales ce qui créera autant de malaise que du temps de Mobutu pendant les deux dernières décennies de son règne. La malaise fut perceptible même au sein de l'AFDL que son Président attitré, le Président de la République qualifiera de « conglomérat d'aventuriers... ».

Le 02 août 1998, la guerre dite d'agression éclate secouant les institutions politiques du Décret-loi 003 du 27 mai 1997 et compromettant l'évolution vers un pouvoir institutionnalisé et vers la fondation d'un Etat au Congo.

§3. Impact du Décret-loi constitutionnel du 27 mai 1997 sur le pouvoir et sur la formation de l'Etat.

Il est important de rappeler que le Décret-loi constitutionnel avec ses amendements est l'expression de la volonté d'un homme seul, le Président de la République Laurent Désiré Kabila s'ayant octroyé des prérogatives exorbitantes. Celles-ci ont une évidence des effets moins bénéfiques à la mutation du pouvoir et à l'éclosion de l'Etat.

I. Incidence du Décret-loi constitutionnel sur le pouvoir.

Nous n'aurons pas exagéré en affirmant que sur le plan d'institutionnalisation du pouvoir, le Décret-loi 1997 est une reculade d'au moins trois décennies. Au moment où ce texte est publié, le Président - Laurent Désiré Kabila, exerce seul, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le Chef de l'Etat aura fait exactement comme celui qu'il avait combattu, le Président Mobutu. Par sa volonté exclusive, il a invalidé les dispositions bénéfiques à la démocratie et au principe de la séparation des pouvoirs. Sous cet angle, il n'est pas exclu de constater le retour d'un pouvoir dictatorial ou individualisé confronté à une contestation regroupée autour des oppositions « armées » et « non armées ». Nous pouvons sur ce point parler de la dérive dictatoriale du pouvoir AFDL. Son Président, devenu le moteur des activités des CPP, exercera un pouvoir sans partage de forme patrimoniale dont la persistance ne favorise guère le passage de la société naturelle à la société politique « étatisée ».

II. Incidences du Décret-loi constitutionnel sur la formation de l'Etat.

Nous concédons que c'est de manière incidentielle que le texte constitutionnel peut avoir d'effet ici, sur l'émergence de l'Etat. Sous le règne de l'AFDL et des CPP, il y a eu un effet de personnification des pouvoirs à pôles multiples.

Au début, « Mzee », se veut l'homme seul sur la scène politique, mais à partir du 02 août 1998, l'éclatement de la guerre dont la plupart exercent sur les populations de territoires sous leur contrôle un pouvoir plutôt patrimonial. La dislocation de l'AFDL a conduit à la création d'un mouvement rebelle dit le « rassemblement congolais pour la démocratie » RCD, suivi de « mouvement de libération du Congo » MLC, suivi de plusieurs autres groupes politico-militaires. L'enlisement de cette guerre eut d'effets les plus désastreux sur la tentative de réfondation de l'Etat congolais. Pour comprendre l'impact de ce conflit sur le processus de formation de l'Etat il faut se placer à deux niveaux :

- Pendant la guerre ;

- A l'issue de la guerre.

A. Pendant la guerre dite d'agression.

Pour nous l'effet le plus remarquable c'est la disparition de la quasi totalité des facteurs déterminants pour la qualification d'Etat. A la suite de cette crise politique militaire, nous pouvons affirmer que l'ombre de l'Etat qui se profilait à l'horizon du Congo-Kinshasa s'est depuis le 02 août 1998 envolée. Nous en voulons pour preuve, la perte par le pays des critères de définition de l'Etat, à savoir la personnalité juridique et la souveraineté d'une part et, la remise en cause de ses éléments constitutifs entant qu'Etat, d'autre part.

1) La République Démocratique du Congo a perdu sa personnalité juridique.

Pour asseoir cette conviction il y a lieu de rappeler que la personnalité juridique est considérée par les publicistes comme le fait juridique capital dont la science du droit doit tenir compte dans la définition de l'Etat458(*). Reconnaître ou admettre cela revient à comprendre que au point de vue juridique, l'essence de toute communauté étatique consiste d'abord en ceci que, malgré la pluralité de ses membres et les changements qui s'opèrent parmi eux, elle se trouve ramenée à l'unité459(*) par le fait de son organisation. Ici l'unité envisagée procède de l'ordre juridique statutaire établi dans l'Etat, et d'une volonté unique de l'ensemble de nationaux dans la direction des affaires de l'Etat. Nous voyons là que l'ordre juridique statutaire concerné n'est autre que l'ordre constitutionnel par lequel la personnalité juridique de l'Etat lui permet à la fois de rendre compte de sa capacité et de sa continuité ; d'imputer à la collectivité nationale les effets de droit qui résultent de l'activité des personnes physiques qui la représentent et d'amorcer, à travers la succession d'hommes, un fonctionnement continu des pouvoirs indispensables à la sécurité des relations sociales et internationales460(*). Or entre la période du 02 août 1998, date du déclenchement de la guerre et le 04 avril 2003, le pays ne disposant plus d'un gouvernement capable d'assurer la contrainte suprême et de se faire obéir par l'ensemble de sujets sur l'ensemble de son espace territorial a perdu en même temps et son unité juridique du fait de la multiplicité des ordres juridiques opposés ou concurrents à celui du Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, et l'unité de son ordre politique, du fait de la reconnaissance en fait et en droit d'un statut égalitaire entre le gouvernement issus de l'ordre institutionnel du Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 et l'opposition armée regroupant les mouvements politico-militaires. L'existence des groupements sociaux disposant d'un pouvoir politique et des forces armées ainsi que des Administrations de même niveau que le gouvernement de Kinshasa a eu pour conséquence qu'il n'existait plus au pays cet être juridique incarnant la volonté collective, cet être institutionnalisé appelé « Etat ». Nous avons bien montré que la République Démocratique du Congo cessait d'être cette collectivité unifiée organisée politiquement formant une personne juridique et cela surtout par la perte de la souveraineté.

2) La République Démocratique du Congo a perdu la souveraineté.

La souveraineté est l'élément que prétend n'appartenir que l'Etat contrairement à la personnalité qu'il peut partager avec d'autres personnes morales de droit public (provinces, villes, communes...) ou de droit privé (sociétés privées dotées de la personnalité juridique). On reconnaît que ce qui distingue l'Etat de tous autres groupements, c'est la puissance dont il est doué. Cette puissance, dont lui est capable et qui est suffisamment qualifiée de puissance étatique porte dans la terminologie traditionnelle française, le nom de souveraineté461(*). Celle-ci désigne généralement un pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne relève d'aucun autre. De là, il est aisé de comprendre que sur un territoire et sur une communauté étatique il ne peut coexister plusieurs Etats. Cela pourrait encore mieux se comprendre par le rappel des conceptions politiques et, par la distinction de cette notion sur le plan interne et sur le plan international.

Sur le plan interne, la conception politique de la souveraineté, établit une équivalence entre souveraineté et une indépendance absolue, selon la formule « Le Roi est empereur en son royaume ». Sous réserve des critiques du caractère absolu de cette doctrine, nous devons reconnaître qu'elle peut être applicable, dans les limites constitutionnelles au gouvernement de l'Etat. Il doit disposer seul de la puissance d'action partout sur l'espace territorial. Sur le même plan, la conception juridique consiste à reconnaître que la souveraineté est propriété des pouvoirs du gouvernement d'un Etat de mettre en oeuvre un certain nombre de pouvoir ou de droit : droit de législation et de réglementation de police, de justice, droit de battre armée, etc. Les publicistes s'accordent pour dire que ce qui caractérise ces pouvoirs c'est que ce sont des droits régaliens462(*). Nous pensons justement que lorsque le gouvernement d'une communauté perd la capacité de déterminer lui-même ses propres compétences et ses propres règles fondamentales, normalement inscrites dans sa propre constitution et, qu'il perde également la disposition des pouvoirs régaliens dont nous venons de parler, il perd ipso facto, la souveraineté interne.

Nous constatons que à partir du 02 août 1992 jusqu'au 30 juin 2003463(*), aucune organisation politique ne disposait de la souveraineté sur le territoire marqué par les frontières de l'ex-Congo Belge. Dès lors que sur base des statuts de leurs mouvements respectifs, les seigneurs de guerre exerçaient toutes les prérogatives régaliennes sur les étendues des territoires sous leur contrôle telles les nominations aux grades civil et militaire, les réglementations policières, la création des entités administratives et territoriales exactement de la même manière que le Chef de l'Etat à Kinshasa le faisant sur la portion du territoire qui lui restait, il convient de constater que l'Etat congolais souverain n'existait plus. Sur le plan externe, la souveraineté signifie également indépendance : absence de sujétion à des puissances étrangères464(*). An Brownlie, cité par Ntumba Luaba considère la souveraineté comme le critère décisif d'identification de l'Etat » et Lauterpacht, cité par le même auteur qualifie l'indépendance de l'Etat de « the first condition of state - haod »465(*) . En ce qui concerne le Congo en guerre d'agression, ou de libération selon le camp où on se trouve, il convient d'observer avec Jean Bodin que la souveraineté est indivisible et absolue et que cela étant, il est inconcevable que l'on parle de la souveraineté de l'Etat congolais lorsque sur la plan interne, plusieurs personnalités politiques toutes autoproclamées Président de la République ou des mouvements rebelles exercent avec succès la contrainte physique466(*). A cette considération, il faut ajouter le fait que aucune de ses organisations politiques autant que le gouvernement congolais ou ce qu'il convient ainsi d'appeler ne disposait d'une force armée autonome ; ils régnaient sur le pays et administraient les territoires conquis par l'occupation militaire étrangère. Ainsi les forces rebelles avaient toléré l'occupation du pays par l'Ouganda pour le MLC et par le Rwanda et le Burundi par le RCD. Le « gouvernement » de Kinshasa fit venir les armées Angolaises, Zimbabwéennes et Namibiennes. Il n'y a nul doute que chaque groupe était incapable de relever la tête face à ses protecteurs qui seuls exercent alors la souveraineté sur le territoire congolais. Ainsi la bataille de Kisangani opposant les forces Rwandaises pour le compte du RCD et les forces Ougandaises pour le compte du MLC avec des graves violations des droits humains sur les populations congolaises est restée tristement célèbre. Par ces analyses, nous avons voulu démontré et nous croyons l'avoir fait, que sous le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir a conduit à l'éclatement de la guerre dont les effets ont été la disparition de la personnalité juridique et de la souveraineté de l'Etat. Nous pouvons ainsi conclure en nous fondant sur la déclaration de J. Verhoeven et sur l'affirmation de Carré de Malberg que sous Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, qu'il n'y a pas eu d'Etat au Congo.

En effet, J. Verhoeven affirme « en définitive, il n'y a Etat que là ou la population sur un territoire est placée sous l'autorité d'un gouvernement, qui contrôle un appareil politique et administratif approprié »467(*) ; Et, Carré de Malberg d'observer que l'Etat est une personne collective souveraine ». Or aucune de ces assertions précitées ne correspond à la réalité congolaise entre 1997 et 2003. ce qui vient d'être dit suffit pour nous ; il serait superflus d'aborder les points relatifs à la mise en cause des éléments constitutifs de l'Etat avant la fin de la guerre.

B. l'issue de la guerre.

Aussi paradoxale que cela puisse être, la guerre du 02 août 1998 au Congo est susceptible de concourir à la renaissance de l'Etat congolais, à moins que sur le plan politique et juridique, les congolais soient capables d'une observation impartiale. Les causes majeures des conflits au Congo, étant la contestation de légitimité, les efforts de mettre fin à la guerre se sont accentués sur les moyens politiques consensuel et juridique de mettre au point un cadre approprié d'institutionnalisation du pouvoir. La fin de la guerre par la négociation en l'absence d'un vainqueur par les armes a pu aider à éviter le règne d'un autre pouvoir personnifié au patrimonial, et la mise en échec de la violation de la souveraineté internationale du pays.

Après plusieurs tractations, il a été convenu d'un Accord politique dit Accord global et inclusif qui a donné lieu à un ordre constitutionnel source légale du pouvoir qui a efficacement stoppé les dérives autoritaires des uns et des autres et qui a eu le mérite tel que nous le verrons de faire réapparaître l'ombre de l'Etat à l'horizon du ciel congolais468(*).

Section 3. Le pouvoir et l'Etat sous la constitution de la transition du 04 avril 2003.

En 1999, les principales parties à la guerre dont nous venons de parler ont signé les Accords de Paix de Lusaka, ayant eu pour effet le déploiement en 2000, de la Force des Nations Unies, la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) pour observer le cessez-le-feu et favoriser le règlement politique du conflit. A cette fin, des négociations politiques inter congolaises furent organisées et aboutirent à l'Accord Global et inclusif pour la gestion consensuelle de la période de transition en RDC. Celui-ci devait régler le partage des responsabilités entre les protagonistes. Mais la légalité et la légitimité du pouvoir à partager ne pouvait être conférer que par une constitution. D'où la constitution de la transition, endossée et adoptée par les délégués au Dialogue Inter congolais le 1er et le 2 avril 2003 à Sun City et promulguée le 4 avril 2003 par le Président de la République469(*). Il est utile d'examiner l'aménagement constitutionnel du pouvoir avant d'apprécier l'impact de la constitution de la transition sur la forme du pouvoir et sur le processus de formation de l'Etat.

§1. Aménagement constitutionnel du pouvoir.

Nous procéderons à la présentation des institutions politiques ainsi que de leurs compétences (I) avant d'apprécier les relations qu'elles entretiennent ainsi que leurs fonctionnement(II).

I. Les institutions politiques et leurs compétences constitutionnelles.

A. Les institutions de la République.

Les institutions politiques de la transition :

- Le Président de la République ;

- Le Gouvernement ;

- L'Assemblée nationale ;

- Le Sénat ;

- Les Cours et Tribunaux 470(*);

Les institutions du pouvoir judiciaire ne feront pas objet de nos réflexions.

B. Les compétences constitutionnelles des institutions politiques de la transition.

1. Attributions du Président de la République.

Elles sont essentiellement énumérées aux articles 68 à 82 de la constitution de la transition. Conformément à ses dispositions, le Président de la République jouit des prérogatives ci-après :

- Il est Chef de l'Etat, représente la Nation et veille au respect de la constitution de la transition ;

- Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire national et de la souveraineté nationale ;

- Il convoque et préside le Conseil des Ministres au moins une fois tous les quinze jours ;

- Il promulgue les lois, assure l'exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire par la voie de décrets délibérés en Conseil des Ministres ;

- Il est le Commandant Suprême des Forces Armées. Il préside le Conseil supérieur de la Défense ; nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant révoque les officiers de l'armée et de la police, après délibération du Conseil supérieur de la Défense ;

- Il procède à l'accréditation des Ambassadeurs et des envoyés extraordinaires auprès des Etats étrangers et des organisations internationales ;

- Il nomme les hauts fonctionnaires, les mandataires publics, le gouverneur de la Banque Centrale, les gouverneurs et vice-gouverneurs de province, dans les conditions prévues aux annexes de l'accord global et inclusif471(*) ;

- Il nomme et révoque le cas échéant, les magistrats du siège et du parquet, sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature ;

- Il a le droit de grâce, peut remettre, commuer et réduire les peines, après en avoir informé le gouvernement ;

- Il confère les grades dans les ordres nationaux et les décorations conformément à la loi ;

Dans ses rapports avec d'autres membres de l'Exécutif, en l'occurrence les quatre Vice-Présidents de la République et les Ministres, le Président de la République et les ministres, le président de la République exerce des prérogatives prévues aux articles 80,81 et 82 de la constitution de la transition relatifs à la Présidence de la République :

- Il nomme et révoque les Ministres et les Vices-Ministres sur propositions des composantes et entités du Dialogue inter-congolais.

Il est utile de noter que conformément à l'accord global et inclusif, la constitution de la transition a doté le pays d'un Exécutif à la forme particulière, composée d'un Président de la République assisté de quatre Vice-Présidents de la République dont nous verrons aussi les attributions472(*). Aussi l'article 80 alinéa 2 dispose-t-il que le Président de la République assure, avec les Vice-Présidents, un leadership nécessaire et exemplaire dans l'intérêt de l'unité nationale de la République Démocratique du Congo. Et dans le même ordre d'idées, les Président de République tient des réunions restreintes de concertation avec les Vice-Présidents sur toutes les matières relatives à la gestion du gouvernement ; il préside les réunions de concertation avec les Vice-Présidents de la République.

2. Du Gouvernement et de ses membres.

Le gouvernement de la transition est composé du Président de la République, des Vice-Présidents, des Ministres et Vice-Ministres. Conformément à l'article 93, le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation conformément aux résolutions du Dialogue inter-congolais. Le gouvernement exécute les lois et les décrets du Président de la République ; il dispose de l'administration publique, des forces armées de la police nationale ainsi que des services de sécurité et de protection civile. Quant aux Vice-Présidents et aux membres du gouvernement leurs attributions sont précisées aux articles 86, 87 et 88 pour les Vice-Présidents de la République et 91 pour les Ministres.

3. Des Vice-Présidents de la République et des Ministres.

Les Vice-Présidents de la République sont issus respectivement des composantes gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC), le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), le Mouvement de Libération du Congo (MLC) et l'opposition politique.

Chaque Vice-Président de la République est en charge d'une des quatre Commissions gouvernementales prévues à l'article 86 de la constitution de la transition conformément à l'accord global et inclusif473(*), à savoir :

- Commission Politique, Défense et Sécurité, pour la composante RCD, avec Monsieur Azarias Ruberwa Manywa ;

- Commission Economique et Financière pour la composante MLC, avec Monsieur Jean-Pierre Bemba ;

- Commission pour la Reconstruction et le Développement, pour la composante gouvernement, avec Monsieur Abdoulay Yerodia ;

- Commission Sociale et Culturelle, pour la composante opposition politique, avec Monsieur Arthur Zahidi Ngoma.

Les Vice-Présidents exercent les fonctions et pouvoirs prévus dans l'accord global et inclusif et repris dans la constitution de la transition. Il s'agit de :

- Convoquer et présider les réunions de leur Commission ;

- Présenter les rapports de leur Commission au Conseil des Ministres ;

- Coordonner et superviser la mise en application des décisions du Conseil des Ministres en rapport avec leur Commission respective474(*).

S'agissant des Ministres, ils exercent leurs attributions selon leur appartenance à l'une ou l'autre commission gouvernementale conformément à l'annexe I, tableau 1 de l'Accord global et inclusif. L'article 91 de la constitution de la transition dispose que les Ministres sont responsables des départements ministériels qui leur sont confiés. Ils appliquent, par voie d'arrêtés, les programmes et les décisions prises par le gouvernement.

4. De l'Assemblée Nationale.

L'Assemblée Nationale est l'une de deux chambres que comprend le Parlement congolais pendant la transition. Sa composition est définie à l'article 99 de la Constitution de la transition conformément à l'annexe IB de l'Accord global et inclusif. Elle comprend 500 membres désignés par les composantes et Entités du Dialogue inter-congolais.

Ses attributions sont telles que prévues à l'article 98 sans préjudice d'autres prérogatives lui reconnues par la constitution de la transition sont :

- Voter les lois ;

- Contrôler le gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics ;

- Contrôler l'exécution des Résolutions du Dialogue inter congolais ;

- Adopter le projet de constitution à soumettre au référendum.

5. Du Sénat.

Composé de 120 membres désignés dans les mêmes modalités que les membres de l'Assemblée Nationale, le Sénat est chargé de :

- Elaborer l'avant-projet de constitution à soumettre au référendum ;

- Examiner concurremment avec l'Assemblée nationale des propositions ou projets de lois relatifs à la nationalité, à la décentralisation, aux finances publiques, au processus électoral et, aux institutions d'appui à la démocratie.

La compréhension de l'aménagement constitutionnel des pouvoirs implique l'examen des relations entre les pouvoirs.

II. Des relations entre les institutions.

Il s'agit dans ce point, d'analyser les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Ces rapports sont définis par la constitution de la transition475(*). Il ressort des dispositions des articles 110, 111, 112, et suivant, que :

- Le Président de la République communique avec l'Assemblée nationale et le Sénat par des messages qu'il prononce ou fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat ;

- Les membres du gouvernement ont accès à l'Assemblée nationale et au Sénat ainsi qu'à leurs commissions, ils ont l'obligation d'assister aux séances de l'Assemblée nationale et à celles du Sénat, d'y prendre la parole et de fournir aux parlementaires toutes les explications qui sont demandées sur leurs activités ;

- Le Sénat et l'Assemblée nationale disposent des moyens de contrôle et d'information sur le gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics.

Ces moyens sont :

- La question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ;

- La question d'actualité ;

- L'interpellation ;

- La commission d'enquête ;

- L'audition par les commissions.

Ces moyens de contrôle ne peuvent pas donner lieu à la censure du gouvernement. Le Président de la République ne peut dissoudre le Parlement. Par ailleurs, il faut noter que le gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale l'autorisation de prendre, par décrets-lois, des mesures qui sont du domaine de la loi, pour l'exécution urgente de son programme et, dans les limites des conditions fixées par la loi d'habilitation.

Dans le même ordre d'idée, il convient de signaler que conformément aux articles 73 et 74 la constitution de la transition fait intervenir le Président de la République, le Conseil de Ministres ainsi que les deux chambres du parlement dans certaines procédures à différentes étapes, il en est ainsi en ce qui concerne la déclaration de guerre, la proclamation de l'Etat de siège ou d'urgence par le Président de la République, sur décision du Conseil de Ministres, après avis conforme ou autorisation de l'Assemblée nationale et du Sénat.

III. Fonctionnement des institutions de la transition.

Entre les dates du 04 avril 2003 et du 18 février 2006 relatives à respectivement à la promulgation de la constitution de la transition et la promulgation de la constitution de la République Démocratique du Congo, il y a lieu d'affirmer que le fonctionnement des institutions politiques de la transition s'est effectué sans blocage. Certes, il est possible d'inventorier quelques crises majeures mais dont les auteurs ont usé plus de dissuasion que d'action. L'on peut penser aux menaces brandies tantôt par l'une ou l'autre composante de quitter les institutions si ses revendications n'étaient prises en compte, chaque fois le pire a été évité par des âpres négociations avec l'appui de la communauté internationale. Ainsi, la composante ex-gouvernement, revendiquant des effectifs plus nombreux pour la garde présidentielle lors de l'examen de la loi sur les Forces Armées au Parlement menaça de se retirer de la transition, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), fit de même par deux fois, à la suite du massacre de réfugiés Tutsi à Gatumba au Burundi après la visite du Vice-Président de la République Me Azarias Ruberwa et lors de revendications de faire reconnaître les actes ayant érigé certaines entités territoriales en circonscription d'échelon supérieur, le Mouvement de Libération du Congo (MLC), en fit autant lors de sa revendication pour le respect du partage dans les entreprises publiques. Mais chaque fois il y eut plus de peur que de mal.

Nous pouvons croire que les institutions instaurées par les constitutions de la transition du 04 avril soient les premières de notre pays à avoir fonctionné sans interruption ni changement telles que consacrées par la constitution jusqu'au bout de la période légale de leur mandat. C'est à la différence des institutions instituées par toutes les constitutions précédentes, étudiées précédemment. Nous en voulons pour preuve les prestations de chacune des institutions qu'on peut évaluer globalement positives par rapport à leurs fonctions.

Le Président de la République a systématiquement convoqué et présidé le Conseil de Ministres et de la Présidence de la République sans rupture sensible ; il a procédé aux nominations requises conformément à ses prérogatives constitutionnelles aux fonctions militaires et civiles, exceptées à la magistrature. Le gouvernement a fonctionné sans interruption et a soumis au parlement plusieurs projets des lois conformément aux résolutions du Dialogue inter-congolais et a émis ses avis sur les propositions des lois.

Les Ministres selon leur commission ont pris de nombreux Arrêtés sous la supervision des Vice-Présidents de la République.

Le Sénat et l'Assemblée nationale ont également fonctionné à tel point qu'ils ont doté le pays d'une nouvelle constitution, d'une nouvelle loi sur la nationalité, d'une nouvelle loi électorale, des lois organiques relatives aux institutions d'appui à la démocratie. On peut constater que le Parlement n'a pas su voter certaines lois importantes telles que le statut des magistrats, la loi relative à la décentralisation et la loi de mise en application de la cour pénale internationale. Mais cela ne peut nullement faire douter du fonctionnement effectif des institutions. A quoi serait dû cet heureux sort des institutions de la transition qui ont connu une stabilité réelle dans la turbulence. Nous pensons que ce la procède d'un début fragile d'institutionnalisation du pouvoir.

§2. Impact de la constitution de la transition du 04 avril 2003 sur la forme du pouvoir et sur la formation de l'Etat.

Le poids de la constitution étudiée sur le pouvoir et l'Etat au Congo, peut se mesurer sous trois aspects :

- Amorce de l'institutionnalisation du pouvoir ;

- Retour au principe de séparation et d'équilibre des pouvoirs ;

- Jalons pour la réfondation de l'Etat.

I. Amorce de l'institutionnalisation du pouvoir.

Alors que sous les constitutions précédentes les hommes de la carrure de Mobutu et Laurent Désiré Kabila réussirent à paralyser complètement les textes constitutionnels ainsi que les institutions qu'ils préconisaient, la constitution de la transition n'a pas connu ce drame. Nous pouvons ainsi constater qu'elle a posé de manière satisfaisante les jalons d'une institutionnalisation du pouvoir.

La source du pouvoir a bien été l'Accord global et inclusif et la constitution de la transition, conformément à son article 1 alinéa 1. Il est remarquable que cette disposition constitutionnelle se soit imposée comme fondement juridique de toute l'activité politique pendant la transition, du moins jusqu'à la promulgation de la nouvelle constitution. Pour nous c'est un événement important qu'un texte constitutionnel ait pu encadrer le pouvoir sans que les volontés unilatérales des acteurs au sommet puissent l'invalider quant à l'organisation et l'exercice du pouvoir. Il suffit d'une rétrospection pour s'en convaincre. Comme nous l'avons dit, de 1961 à 1965, Mobutu en tant que Chef militaire se fit la source du pouvoir. Homme-souverain, il a pu par sa seule volonté défaire les institutions consacrées par la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, en démettant le Président, le Premier Ministre et tout le gouvernement. De 1965 à 1990 le même homme, devenu l'homme - Etat est demeuré la source et le siège du pouvoir. L'organisant comme il voulait, il en distribuait les fonctions à son gré. Le Mouvement Populaire de la Révolution qui sera parti - Etat et source du pouvoir n'était rien selon lui que le reflet de sa pensée, le Mobutisme. De 1990 à 1997, la personnalité du Président Maréchal a été tellement puissante au dessus des institutions issues de la Conférence Nationale Souveraine et des reformes institutionnelles d'après le 04 avril 1990, qu'elle a complètement verrouillé la machine politique, au point que le projet de constitution de la CNS est demeuré sans effet faute de promulgation et l'Acte constitutionnel de la transition est devenu une coquille vide.

De 1997 à 2001, le Président de la République Laurent Désiré Kabila ayant tiré le pouvoir du statut de l'AFDL, Association privée bien que rebelle, s'est fait lui-même l'incarnation du pouvoir d'Etat et siège du pouvoir politique dans la mesure où faisant fi de la constitution existante, il n'a pas attendu non plus que l'AFDL ou le peuple congolais lui attribue le pouvoir. De 2001 à 2003, le Président Joseph Kabila tirant son pouvoir d'une source militaire n'a pas jugé utile de se conformer au Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997, néanmoins à partir de 2003, il peut être comme le seul et le premier Président de la République qui s'est suffisamment discipliné pour donner une chance aux institutions constitutionnelles de son pays. Il ne s'est pas comporté de manière à être la source et le siège du pouvoir. C'est pourquoi nous osons affirmer que sous la constitution de la transition du 04 avril 2003, le pouvoir s'est institutionnalisé parce que s'exerçant selon les règles préétablies et impartiales. Cela ne devait nullement manqué d'influencer positivement les rapports entre les pouvoirs.

II. Retour au premier principe de séparation des pouvoirs.

Le constituant de la transition de 2003 a clairement exprimé sa résolution d'édifier un Etat de droit durable fondé notamment sur la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire476(*). En ce fondant sur Acte politique consensuel, l'Accord global et inclusif, partie intégrante de la constitution de la transition, la classe politique congolaise et la communauté internationale qui l'y a aidé a trouvé là un moyen efficace d'assurer un retour à l'équilibre de puissance entre les acteurs politiques et entre les institutions, dans la mesure où la composition de l'exécutif étant basé sur le fameux « partage équitable et équilibré » il n'a pas été facile pour un homme à la présidence d'une institution de la subordonner à sa volonté ni à la volonté d'autre institution. Ainsi on a pu constater d'abord au sein des institutions politiques une stabilité organique et un équilibre des forces entre les membres.

Le Président de la République confronté au sein de la Présidence de la République d'une part à un pluralisme politique découlant des ex-mouvements politico - militaires devenus MLC et RCD et d'autre part au niveau du Conseil de Ministres à un pluralisme de tendances formé des entités et composantes s'est trouvé juridiquement et politiquement encadré de telle sorte qu'il n'a pu facilement manipuler ni la présidence ni le gouvernement. A cela faut-il ajouter que les actes juridiques par lesquels il s'exprime concernant la gestion du pays, sont débattus, en Conseil de Ministres après avoir été traités dans les commissions gouvernementales, puis dans les réunions restreintes de la présidence477(*), couramment désignée « Espace présidentielle ». Ensuite en ce qui concerne les rapports de l'Exécutif et du parlement, la même explication que nous venons de donner peut valoir pour le respect de l'équilibre des forces entre les deux institutions. Dans le passé l'on a pu voir que le meilleur moyen pour le Chef de l'Exécutif de faire du Parlement une simple caisse de résonance c'était soit de s'arroger des pouvoirs législatifs exceptionnels en étant convaincu de la non réaction des autres membres de l'Exécutif ni des membres du Parlement, soit de placer à la tête du Parlement un fidèle idéologique. Or ces méthodes ne pouvaient se concevoir avec les formules de partage de responsabilités inventées dans l'Accord global et inclusif et coulées en force de loi dans la constitution de la transition. Enfin, il s'en suit que le Parlement, présidé par des personnalités issues de la société civile pour le Sénat et du Mouvement de Libération du Congo pour l'Assemblée nationale, courants opposés au camp du Président de la République n'a été facilement manipulable comme du temps des Présidents Mobutu ou Kabila père.

A ces facteurs, il faut tout de même tenir compte de l'équation personnelle du Président Joseph Kabila qui s'est investi dans la logique juridique constitutionnelle plutôt que dans la dictature comme tous ses prédécesseurs. Son comportement politique caractérisé du moins jusque là, par le respect de la constitution de façon générale a permis de revenir à un Exécutif normal c'est-à-dire classique d'un régime présidentiel. Par rapport aux régimes passés l'Exécutif a été ramené à ses proportions normales.

Mais du fait de sa forme directoriale, on peut dire que l'Exécutif a été quelque peu affaibli par rapport aux formes de gouvernement précédentes à cause de sa composition poly forme. En dépit de ses faiblesses, la formule dite de « 1+4 » institué par la constitution de la transition réussi à éviter la ré consécration d'une concentration exacerbée du pouvoir à l'Exécutif et de sa personnification dans le chef d'un individu.

Il serait surprenant que l'évolution constatée au niveau du pouvoir sous la constitution de la transition soit sans incidence positive sur le processus de formation de l'Etat.

III. Processus de réfondation de l'Etat.

La constitution de la transition du 04 avril 2006 peut compter à son actif des aspects favorables à la reconstruction de l'Etat au Congo, à savoir :

- La réunification du pouvoir d'Etat ;

- La réunification du territoire national ;

- Le regroupement des populations ;

- La reconquête de la souveraineté.

A. La réunification du pouvoir.

Dans les lignes précédentes nous avons montré que du fait de la guerre du 02 août 1998, le pouvoir politique s'est disloqué en plusieurs centres ayant tous les attributs du pouvoir d'Etat sur les territoires occupés. Cette triste réalité a été entérinée par les résolutions du Dialogue inter congolais et par l'Accord de paix de Lusaka qui ont reconnu un même statut tant au gouvernement de Kinshasa qu'aux mouvements de l'opposition armée, le RCD et le MLC. En plus les actes juridiques posés dans le cadre de la gestion politique et administrative, dans les territoires rebelles ont été en principe reconnus et largement confirmés par après. Il en résultait qu'il n'y avait plus de gouvernement ni de puissance publique sur le territoire congolais ; il n'y avait plus d'organisation politique sur un Etat, mais plusieurs organisations sur des caricatures d'Etats. On parlerait de plusieurs « gouvernements » sur plusieurs « Etats » mais sur un même territoire aux frontières internes hermétiquement closes par différentes armées, surtout étrangères, obéissant au commandement étranger. En se conformant à la constitution de la transition qui intègre l'Accord global et inclusif, le peuple congolais et la classe politique ont souscrit aux objectifs principaux de la transition parmi lesquels figurent en premier lieu, la réunification, la pacification, le rétablissement de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national. Cet objectif a été atteint avec l'installation d'un nouveau gouvernement à Kinshasa composé du Président de la République, des quatre Vice-Présidents de la République, des Ministres et des Vice-Ministres. Au 30 juin 2003, la ville de Kinshasa a retrouvé l'effectivité de siège de toutes les institutions nationales. Tous les chefs de guerre principalement Jean Pierre Bemba Président du MLC et Azarias Ruberwa abandonnèrent respectivement les villes de Gbadolite et de Goma leur fiefs et capitales de territoire qu'ils dirigeaient. Dès cet événement, aucun mouvement de l'ex-rébellion n'était à même d'ordonner des actes ou mesures contraires aux dispositions de la constitution de la transition et de l'Accord global et inclusif, devenus les seules bases juridiques et source de légalité et de légitimité de tout pouvoir politique sur toute l'étendue du territoire national. La constitution du 04 avril 2003 fait perdre à tous les mouvements politico-militaires la puissance publique au profit de l'Etat en chantier.

B. La réunification du territoire national et le regroupement des populations.

Dès le déclenchement des hostilités le 02 août 1998, la République Démocratique du Congo qui ne su ni contenir immédiatement ni repousser à l'instant l'agression perdit des larges portions du territoire tombées à l'Est sous l'occupation rwandaise, ougandaise et burundaise alliés du Rassemblement Congolais pour la Démocratie et du MLC. Aussi les provinces de l'Equateur, du Nord et du Sud Kivu, de Maniema et des deux Kasaï, sans oublier la province orientale échappèrent soit complètement soit partiellement au pouvoir de Kinshasa478(*). Cette situation perdura jusqu'à l'installation de la constitution qui consacra l'effectivité de l'Accord pour le cessez le feu de Lusaka du 10 juillet 1999 et des plans de désengagement de Kampala et d'autres Accords de paix. En effet, il était plus difficile pour un ressortissant ou domicilié d'une province de franchir la limite de l'autre province ou l'autre zone sans se faire sévèrement châtier ou la plupart des cas trouver la mort. Les populations congolaises ne constituaient plus une communauté unique régie par un pouvoir unique. Aussitôt après la promulgation de la constitution du 04 avril 2003, la levée des barrières militaires consécutive au désengagement des toutes les parties sur tous les fronts intérieurs permit une réunification des population par la circulation des biens et des personnes.

C. La reconquête de la souveraineté et de l'intégrité territoriale.

La guerre du 02 août 1998 a placé, à ses débuts, le pays dans une incapacité de disposer d'une puissance suprême ou d'un pouvoir suprême sur son organisation politique, sur ses citoyens et sur son territoire. Au début la thèse de l'agression étrangère n'était pas acceptée. Pour ne pas nous engager dans une querelle autour d'une notion encore controversée faute de définition claire même en droit international public, nous disons que plusieurs armées étrangères ont franchi les frontières et se sont installées au Congo-Kinshasa dans l'intention de renverser le pouvoir en place, lequel a fait aussi appel à un certain nombre de pays dont les forces armées sont aussi devenues opérationnelles au Congo479(*). Nous pensons que le Congo s'étant ainsi trouvé sans armée nationale et occupée a pendant un temps perdu sa souveraineté sur le plan interne où son gouvernement était incapable d'obtenir l'obéissance civile et d'assurer une administration classique de l'ensemble de la cité et, sur le plan international où, il devait se plier aux ordres de ses protecteurs, l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie d'une part et la communauté internationale. Il est symptomatique que presque dans toutes ses résolutions relatives à la situation au Congo, le Conseil de sécurité insiste sur la réaffirmation de l'indépendance politique du Congo » et se déclare fermement résolu à la préserver480(*).

Il serait facile au gouvernement de Kinshasa de parler de coopération avec les pays précités, dans le cadre de la SADC, et aux mouvements rebelles de parler d'alliance avec les trois pays de l'Est précités. Nous pensons que cela n'est valable que pour les apparences mais pour le fond le pays s'est trouvé dans une situation presque similaire à une colonisation pour ce qui est de la partie Est et à une vassalisation pour la partie du territoire restée au gouvernement. Notre argumentation sur ce point se fonde sur la raison que la coopération ou l'alliance placent les parties à un niveau d'acceptation volontaire, laissant à chacune d'elle une égale autonomie de volonté. Or dans le cas des mouvements politico-militaires de l'Est et même du gouvernement de Kinshasa, nous l'avons dit, le manque des forces militaires propres les placait dans une telle situation d'impuissance qu'ils n'avaient aucun moyen de résister aux institutions des puissances étrangères lesquelles pour des raisons géostratégiques ou sécuritaires fondées ou non, pouvaient se permettre de franchir les frontières congolaises sans solliciter l'autorisation ni des mouvements rebelles ni du gouvernement de Kinshasa. S'ajoutant à cela, le fait que certaines de ses forces étrangères pouvaient se livrer aux actes d'exploitation illégale des ressources naturelles et humaines contre la volonté du Congo481(*), nous nous réconforterons dans la thèse d'une perte momentanée de la souveraineté.

Progressivement le Conseil de sécurité a pris plusieurs résolutions dans lesquelles, il est réaffirmé à maintes reprises la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo482(*). Sur ce point, il y a lieu de retenir que la promulgation de la constitution de la transition du 04 avril 2003 et la volonté constatée de la part des animateurs de la transition à s'y conformer, ont contribué largement à la reconstruction progressive de l'édifice fissuré de l'Etat congolais. Nous pensons qu'en créant un environnement favorable à la reconstitution des conditions d'existence de l'Etat la constitution de la transition à déblayer le terrain pour la réfondation de l'Etat au Congo détruit depuis la première crise politique ainsi que le premier coup de Mobutu en 1961, du fait que depuis cette époque, le Congo n'a plus connu de pouvoir institutionnalisé condition indispensable à la naissance et à la survie de l'Etat. Sans préjudice des autres facteurs liés à l'homme comme la culture politique démocratique, la constitution de la République Démocratique du Congo promulguée le 18 février 2006, grâce au balisage de la constitution de transition peut valablement servir de fondement à l'édification de l'Etat au sens précis du terme par une institutionnalisation effective du pouvoir politique.

Section 4. Pouvoir et Etat sous la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

Il est utile d'observer que la constitution de la République Démocratique du Congo ainsi intitulé, est au moment où nous rédigeons ces lignes la dernière oeuvre de l'histoire constitutionnelle congolaise. Elle est l'expression de la volonté de délégués de la classe politique et de la société civiles forces vives de la Nation, réunis en Dialogue inter congolais qui ont convenu dans l'Accord global et inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondée sur une nouvelle constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles483(*). Le Sénat issu de l'Accord global et inclusif, a élaboré conformément à l'article 104 de la constitution de la transition un avant projet de la nouvelle constitution soumis à l'Assemblée Nationale qui l'a adopté sous forme de projet de constitution et soumis au référendum populaire le 18 avril 2005.

Nous allons examiner de l'aménagement constitutionnel des pouvoirs sans qu'il soit possible d'apprécier le fonctionnement des institutions car ce serait prématuré de le faire étant donné que dans les faits les nouvelles institutions devront provenir des élections, lesquelles n'ont pas encore eu lieu. A propos du fonctionnement des institutions nous pourrons nous exprimer en termes de perspectives par rapport à l'avenir et d'observation par rapport au présent et au passé, concernant l'institutionnalisation du pouvoir et l'Etat.

§1. Aménagement constitutionnel des pouvoirs sous la constitution de la République Démocratique du Congo.

Il convient de découvrir les institutions politiques et leurs attributions avant d'examiner les relations qu'elles entretiennent.

I. Institutions politiques et leurs attributions.

L'organisation et l'exercice du pouvoir sont définies au titre III de la constitution de la République, à savoir :

- Le Président de la République ;

- Le parlement ;

- Le gouvernement ;

- Les Cours et Tribunaux.

Les trois premières sont les seules sur lesquelles porte notre analyse, au motif du caractère particulier des institutions judiciaires desquelles font parties les cours et tribunaux.

A. Le Président de la République sous la nouvelle constitution.

Le constituant de la République Démocratique du Congo a clairement exprimé sa volonté d'institutionnaliser le pouvoir par l'origine démocratique des gouvernants ainsi que par la précision constitutionnelle de leurs compétences. Aussi est-il prévu que le Président de la République soit élu à la majorité absolue des suffrages exprimés484(*), au scrutin à deux tours pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. L'article 69 introduit les compétences du Président de la République en précisant que :

- Il est le Chef de l'Etat, représente la Nation et, est le symbole de l'unité nationale ;

- Il veille au respect de la constitution ;

- Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l'Etat. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux.

Il est important d'observer que l'article 78 du même texte confère au Président de la République les prérogatives de nommer le Premier Ministre au sein de la majorité après consultation de celle-ci et, de mettre fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. A l'alinéa 2 du même article, il est dit que si une telle majorité n'existe pas, le Président de la République confie une mission d'information à une personnalité en vue d'identifier une coalition. Aux termes de la même disposition le Président de la République nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier Ministre. Il est également important de noter que le Président de la République convoque et préside le Conseil des ministres. En cas d'empêchement, il délègue ce pouvoir au Premier Ministre. Il promulgue les lois dans les conditions prévues par la constitution. Les autres pouvoirs du Président de la République sont définis aux articles 80 à 89 en ce qui concerne les nominations aux grades supérieurs de la vie publique et, aux articles 143 à 145, en ce qui concerne les déclarations de guerre, de l'Etat de siège et de l'Etat d'urgence. Il faut noter qu'hormis les actes relatifs prévus aux articles 143 ci-dessus485(*), et à la nomination du Premier Ministre, l'investiture des gouverneurs et vice-gouverneurs486(*), aux grades conférés dans les ordres nationaux487(*), les ordonnances du Président de la République sont contresignées par le Premier Ministre488(*).

B.Les attributions du gouvernement sous la nouvelle constitution.

Le gouvernement est selon l'article 90, composé du Premier Ministre, de ministres, de vice-ministres et, le cas échéant, de Vice-Premier Ministres, de ministre d'Etat et délégués.

L'article 91 de la constitution de la transition précise à son alinéa 2 que le gouvernement est dirigé par le Premier Ministre chef du gouvernement et, qu'en cas d'empêchement, son intérim est assumé par le membre du gouvernement qui a la préséance. Quant aux attributions, l'article 91 du même texte dispose que le gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la Nation et en assume la responsabilité, qu'il conduit la politique de la Nation. La même disposition fait de la sécurité, la défense et les affaires étrangères des domaines de collaboration entre le Président de la République et le gouvernement. Pour l'accomplissement de sa mission, le gouvernement dispose de l'Administration publique, des Forces armées, de la police nationale et des services de sécurité.

S'agissant des prérogatives constitutionnelles des membres du gouvernement , elles sont définies aux articles 92 à 95 inclus qui disposent successivement :

« Le Premier Ministre assure l'exécution des lois et dispose du pouvoir réglementaire sous réserve des prérogatives dévolues au Président de la République par la présente constitution. Il statue par voie de décret délibéré en Conseil des Ministres, aux emplois civils et militaires autres que ceux pourvus, par le Président de la République ;

Le ministre est responsable de son département. Il applique le programme gouvernemental dans son ministère, sous la direction et la coordination du Premier Ministre. Il statue par voie d'arrêté ;

Les Vice-ministres exercent sous l'autorité des ministres auxquels ils sont adjoints, les attributions qui leur sont conférées par ordonnance portant organisation et fonctionnement du gouvernement. Ils assument l'intérim des ministres en cas d'absence ou d'empêchement ».

Comme nous pouvons le constater la nouvelle constitution modifie complètement la configuration du gouvernement. Les postes de Vice-Présidents sont supprimés et, il est créé un poste de Premier Ministre avec l'éventualité de nomination des Vice-Premier Ministres dont le nombre n'est pas précisé par la constitution ni les fonctions définies.

C. Le Parlement sous la constitution de la République Démocratique du Congo du 10 février 2006.

Le Parlement est composé de deux chambres : l'Assemblée nationale et le Sénat. Les membres de l'Assemblée nationale portent le titre de député national et sont élus au suffrage universel direct et secret489(*).

Les membres du Sénat portent le titre de sénateur et sont élus au second degré par les Assemblées provinciales. Ils représentent leurs provinces respectives. Les attributions du Parlement sont principalement définies à l'article 100 de la nouvelle constitution sans préjudice des autres dispositions. Il est dit à l'article précité que le Parlement vote les lois, contrôle le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les services publics.

II. Relations entre les institutions.

A. Le Président de la République et le Gouvernement.

A ce point la constitution de la République Démocratique du Congo suscite des curiosités non sans intérêt pratique. L'analyse des attributions constitutionnelles des eux institutions laisse paraître des zones d'ombre sur certaines questions fondamentales. Le Président de la République est-il membre du gouvernement ou non ? qui en est véritablement Chef de l'Exécutif ? Le Président de la République jouit-il de la liberté absolue de mettre fin aux fonctions du Premier Ministre ?

Aussi simple qu'elles puissent paraître, ces questions sont d'un intérêt primordial car les réponses y apportées ont une incidence considérable sur l'objet de notre préoccupation majeure, l'institutionnalisation du pouvoir et la formation de l'Etat au Congo. Depuis l'indépendance, on peut constater que les tentatives d'instauration d'un régime parlementaire aboutit presque toujours à un blocage du mécanisme institutionnel à cause des relations conflictuelles entre un chef de l'Etat théoriquement sans compétence de gouverner et un Premier Ministre Chef de gouvernement théoriquement soumis à l'orientation du Chef de l'Etat. Dans ce jeu les relations entre le Président de la République chef de l'Etat et le Premier Ministre chef de gouvernement ou non ont souvent pesé dans l'échec de la stabilisation du pouvoir et conduit notre pays au désastre. Comme nous l'avons démontré, le conflit Kasa-Vubu - Lumumba et ses conséquences a brisé l'élan du Congo dans l'édification de l'Etat jusqu'en 1964 ; le conflit Kasa-Vubu - Tshombe a ruiné les efforts du constituant de Luluabourg et justifié le camp d'Etat du 24 novembre 1965 par Mobutu et enfin le conflit Mobutu - Tshisekedi a hypothéqué tous les efforts de la conférence nationale souveraine jusqu'à l'anéantissement de deux protagonistes par les Forces de l'AFDL.

Sous la première République, l'on a attribué la crise entre autre aux ambiguïtés de la loi fondamentale dont l'article 22 laisser le champ libre au Président de la République pour révoquer le Premier Ministre, sans se soucier de savoir si celui-là conservait encore la confiance du Parlement.

Revenant à notre interrogation, abordons en les trois aspects :

- Le Président de la République Démocratique du Congo membre du gouvernement ou non ;

L'article 90 de la constitution de la République Démocratique du Congo qui définit la composition du gouvernement ne cite pas le Président de la République comme c'est le cas de l'article 89 de la constitution de la transition du 03 avril 2003.

En effet, l'article 89 alinéa 1 de ce texte dispose : « le gouvernement est composé du Président de la République, des Vice-Présidents, des ministres et vice-ministres ». Tandis que l'article 90 de la nouvelle constitution précitée porte : « le gouvernement est composé du Premier Ministre, de Ministres, de Vice-Ministres et, le cas échéant, de Vice-premier ministres d'Etat et de ministres délégués ». Il est important de bien clarifier la forme de l'Exécutif congolais. Son caractère mono ou bicéphale n'est pas clairement posé en ce sens que l'article 79 fait du Président de la République autorité compétente de convoquer et de présider le Conseil des Ministres, avec possibilité de déléguer ce pouvoir au premier Ministre. Il en découle logiquement que le Premier Ministre qui ne peut convoquer et présider un Conseil que par délégation en cas d'empêchement du Chef de l'Etat ne serait pas à considérer comme le chef de ce Conseil des Ministres qui est en même temps le gouvernement. Cependant là s'arrête la clarté car l'alinéa 2 de l'article 90 est susceptible d'équivoque car il est dit que le « gouvernement est dirigé par le Premier Ministre, chef du gouvernement. En cas d'empêchement, son intérim est assuré par le membre du gouvernement qui a la préséance ». En plus, l'article 91 donne au gouvernement la compétence non seulement de conduire mais de définir la politique de la Nation. Nonobstant l'expression « en concertation avec le Président de la République » ajoutée au terme « définit », il n'est pas facile de voir sans embarras laquelle de deux institutions conçoit la politique de la Nation, entre le Président de la République et le gouvernement d'une part et lequel de deux dirige réellement le gouvernement.

Une tentative de réponse serait que sur le plan hiérarchique, le Président de la République soit le Chef de l'Exécutif mais encore qu'il se situe également au sommet de l'édifice institutionnel non seulement sur base de l'ordre d'énumération de cette institution qui vient occuper la première place à l'article 68 mais aussi du fait du rôle d'arbitrage que lui confère l'article 69 pour le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions. A cela il faut ajouter l'origine électorale de l'un par rapport au Premier Ministre. Cependant ce qui est de la conduite du gouvernement il est difficile de trouver un appui constitutionnel susceptible d'en conférer la conduite au Président de la République dont le contreseing des actes par le Premier Ministre en fait endosser à ce dernier, la responsabilité. Faut-il considérer qu'hormis les domaines de collaboration, le Président de la République joue le rôle d'un monarque régnant, sans gouverner ! Cela nous semble plus logique. Sur ce point nous pouvons dire qu'il y a risque de considérer que l'Exécutif est bicéphale ayant à sa tête le Président de la République et le Premier Ministre. Ce qui pourrait être dangereux dans la mesure où cela conduirait à une lutte de leadership entre le Président de la République et le Premier Ministre comme par le passé.

L'on peut dès lors déduire que le Premier Ministre une fois nommé, et investi avec les membres de son gouvernement ne peut être révoqué par le Président de la République tant qu'il jouit de la confiance du parlement. Il faudra attendre l'installation des nouvelles institutions pour en apprécier le fonctionnement. A cet effet, l'ordonnance dont question à l'article 91, fixant l'organisation du gouvernement et des modalités de collaboration entre le Président de la République ainsi qu'entre les membres du gouvernement sera d'une importance considérable.

B. L'Exécutif et le législatif.

Les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont définis de l'article 122 à l'article 148 de la nouvelle constitution. Il est utile de noter que l'initiative des lois appartient concurremment au gouvernement, à chaque député et à chaque sénateur. Le gouvernement et le Parlement interviennent dans le processus législatif de la manière confirmée à l'article 100. Ainsi, les projets de loi adoptés par le gouvernement en Conseil des Ministres sont déposés sur le Bureau de l'une des chambres. Toutefois, s'agissant de la loi des finances, le projet est impérativement déposé dans le délais prévu à l'article 126 sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Tandis que les propositions de loi sont, avant délibération et adoption, notifiées pour information au gouvernement qui adresse, dans les quinze jours suivant leur transmission, ses observations éventuelles au Bureau de l'une ou l'une de l'autre chambre. Passé ce délai, ces propositions de loi sont mises en délibération. L'article 131 de la nouvelle constitution dispose que « les membres du gouvernement ont accès aux travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'à ceux de leurs commissions. « s'ils en sont requis, les membres du gouvernement ont l'obligation d'assister aux séances de l'Assemblée nationale et celles du Sénat, d'y prendre la parole et de fournir aux parlementaires toutes les explications qui leur sont demandées sur leurs activités. Les projets de loi peuvent donner lieu à la discussion devant l'une de chambres. Les membres du gouvernement ont le droit de proposer des amendements aux textes en discussion mais ne participent au vote490(*). Quant au Président de la République et le Premier Ministre, le premier reçoit la loi adoptée par le Parlement endéans six jours de son adoption pour sa promulgation, tandis que le second en reçoit ampliation. D'autres matières telles que la déclaration de guerre faite par le Président de la République ainsi que l'état d'urgence et l'état de siège proclamés également par lui, requièrent l'autorisation de deux chambres mais à la demande du gouvernement491(*).

S'agissant des moyens de contrôle du Parlement sur le gouvernement, les entreprises publiques et les services publics, il s'agit de :

- La question orale ou écrite ou sans débat non suivi de vote ;

- La question d'actualité ;

- L'interpellation ;

- La commission d'enquête ;

- L'audition par les commissions.

Ces moyens de contrôle prévus à l'article 138 peuvent donner lieu à la motion de défiance ou à la motion de censure conformément à l'article 147. En cas d'adoption d'une telle motion, le Premier Ministre remet la démission du gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures. Dans la nouvelle constitution, le pouvoir de renverser le gouvernement conféré au Parlement est contrebalancé par le pouvoir de dissolution reconnu au Président de la République. Il est dit au premier alinéa de l'article 148 qu'en cas de crise persistance entre le gouvernement et l'Assemblée nationale, le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents de L'Assemblée nationale.

§2. Fonctionnement des institutions et devenir de l'Etat sous la constitution de la République Démocratique du Congo sur le pouvoir et l'Etat du 18 février 2006.

La constitution du 18 février 2006 constitue une énième tentative d'organiser juridiquement l'exercice du pouvoir politique ainsi que l'Etat au Congo. Par son élaboration, elle marque une rupture avec le passé dans la mesure où elle est l'oeuvre du pouvoir congolais constitutionnellement habilité à cette fin ; à savoir le parlement congolais dont l'une de chambre le Sénat fut investit de la mission d'en élaborer l'avant-projet492(*) et l'autre chambre l'Assemblée nationale de l'adopter493(*). Elle a suivi la procédure référendaire par laquelle les voix favorables l'ont emporté. Le caractère démocratique à la base de la nouvelle constitution confère au bénéfice de celle-ci, une forte présomption de légitimité et de légalité pour les nouvelles autorités. De ce processus, il découle l'émergence d'une nouvelle culture bien que la démocratie soit encore au stade de balbutiement. L'on peut conclure à un progrès par rapport à l'institutionnalisation du pouvoir et à la renaissance de l'Etat congolais.

A la différence des textes constitutionnels que nous avons abordé d'un point de vue historique et actuel de manière à ce que l'observation de fait et l'étude de la doctrine nous ont fourni d'éléments objectifs pour apprécier le fonctionnement des institutions consacrées, la constitution de la République du Congo ne peut être analysée à ce jour que pour des observations théoriques sur les mérites, ce qui vient d'être fait et des craintes sur les perspectives ce qui sera fait dans les lignes suivantes.

I. Le pouvoir sous l'empire de la nouvelle constitution.

Dans son exposé des motifs, le constituant de la nouvelle République, dévoile sept préoccupations majeures qui président à l'organisation des institutions politiques dans la constitution de la République Démocratique du Congo, à savoir :

- Assurer le fonctionnement harmonieux des institutions ;

- Eviter les conflits ;

- Instaurer un Etat de droit ;

- Contrer toute tentative de dérive dictatoriale ;

- Garantir la bonne gouvernance ;

- Lutter contre l'impunité ;

- Et assurer l'alternance démocratique.

De ces nobles objectifs, certains nous intéressent de façon particulière du fait de leur lien avec l'objet de notre réflexion. Ils sont comme des conditions premières à l'institutionnalisation du pouvoir gage de l'émergence et de l'édification de l'Etat en Afrique noire post-coloniale en générale et en République Démocratique du Congo en particulier. Ces préoccupations premières seraient :

- Le fonctionnement harmonieux des institutions ;

- La prévention ou la réduction maximale de conflits ;

- La lutte contre la dérive dictatoriale ;

- L'alternance démocratique.

Il convient déjà sur ce point, d'opérer judicieusement une distinction entre les dispositions théoriques contenues dans la constitution qui rassurent jusqu'à un certain degré et la pratique politique congolaise avec les mêmes acteurs des années soixante ou leurs progénitures idéologiques qui ne rassurent pas. Du point de vue strictement constitutionnel c'est-à-dire aussi théorique, l'organisation et l'exercice du pouvoir sont définis de manière à consolider l'institutionnalisation du pouvoir. Les aspects les plus déterminants dans cette voie et qui confirment notre avis sont notamment : le renforcement du pluralisme politique par non seulement sa renaissance juridique à l'article 6, 1er alinéa, mais encore par le financement des partis politiques par l'Etat. A cela faut-il ajouter, la reconnaissance et l'organisation de l'opposition politique par le constituant à l'article 8 alinéa 2 ainsi que la pénalisation de l'institution d'un parti unique en des termes très sévères tels qu'exprimés à l'article 7 :

« Nul ne peut instituer, sous quelque forme que ce soit, de parti unique sur tout ou partie du territoire national ;

L'institution d'un parti unique constitue une infraction imprescriptible de haute trahison punie par la loi ».

Nous pensons que par ces dispositions, le peuple congolais a érigé une barrière juridique très solide au retour au parti unique du moins pour la génération présente. Certes, le prochain dictateur commencerait comme toujours par la modification de la constitution, mais ça serait un risque plus grand que sous les constitutions précédentes. Quiconque le ferait s'exposerait à des situations bien plus inconfortables que Mobutu et Kabila père. Par ailleurs, on peut considérer à juste titre que les articles 219 et 220 de la nouvelle constitution offrent suffisamment de garde-fou pour empêcher que le prochain détenteur du pouvoir au sommet ne compromettent son institutionnalisation par des révisions constitutionnelles tendant à conférer un revêtement juridique à ses abus. Aucune de constitutions congolaises allée aussi loin dans les précautions de prévenir un retour au pouvoir personnel. Au delà de restrictions relatives à l'exercice du pouvoir tel que nous venons de le voir, la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 renforce plus que d'autres les garanties des droits fondamentaux, spécialement de la liberté individuelle. Ainsi les abus commis par les services de sécurité lesquels ont toujours été un instrument au service du pouvoir personnel sont évitables grâce au principe de la reconnaissance du droit pour toute personne de se faire assister d'un défenseur de son choix même devant ces services.494(*)

En plus la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février élargit le champ des poursuites pénales à l'encontre des détenteurs au sommet du pouvoir exécutif à savoir le Président de la République et le Premier Ministre. L'on peut constater la pénalisation des faits non érigés en infraction ni par la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative à la structure du Congo, ni par toutes les constitutions ayant suivi, tels l'atteinte à l'honneur ou à la probité, le délit d'amitié et l'outrage au parlement495(*). L'effort du constituant de limiter autant que possible le pouvoir des gouvernants est susceptible de produire la mutation nécessaire à l'émergence d'un environnement propice à la renaissance de l'Etat au Congo.

II. L'Etat sous l'empire de la nouvelle constitution.

Le progrès enregistré sur la voie d'institutionnalisation du pouvoir dans la nouvelle constitution ne saurait être sans incidence positive sur le sort de l'Etat. Déjà faut-il observer que les dispositions relatives aux choix des animateurs des institutions de la nouvelle République par les élections sont effectivement appliquées. En effet, depuis le 09 mars 2006, la loi électorale est promulguée. En la même date, on retiendra, également la publication de mesures d'application et décision d'ouverture des centres d'inscription des candidats aux élections présidentielles et législatives ont été officiellement déposés. Il est frappant de voir un nombre très élevé des candidatures enregistrées, 73 au départ et 32 retenus496(*) sans qu'aucun d'eux soit inquiété ni poursuivi. Nul d'entre eux n'a subi les tracasseries. Le lien de ce qui vient d'être dit et l'Etat se trouve dans l'affirmation selon laquelle l'Etat est le siège du pouvoir et non ses détenteurs précaires. Ici, l'intérêt est de constater que les citoyens désireux d'exercer le pouvoir l'obtienne d'une source extérieure à leur personne, non au moyen de la guerre mais par les suffrages sollicités du souverain primaire.

La nouvelle constitution a trouvé une situation déjà déblayée par la constitution de la transition du 04 avril 2003 en ce qui concerne la pacification du pays. Mais quant au sort de l'Etat, nous pouvons juste exprimer les espoirs et les craintes, fondés respectivement sur la volonté du constituant, du peuple et des gouvernants actuels de rompre avec le pouvoir personnifié à travers la nouvelle constitution et, sur les gènes des conflits contenus dans les nouvelles constitutions. Nous en voulons pour preuve les ambiguïtés de la constitution sur la direction effective de l'Exécutif. Est-ce le Président de la République ou le Premier Ministre qui est le chef de l'Exécutif et qui conduit la politique.

A notre avis la constitution de la République Démocratique du Congo n'offre pas des voies de solution solide en cas de crise entre le Premier Ministre et le Président de la République. Dans une telle hypothèse, le Premier Ministre comme le Président de la République chercheront sûrement à se prémunir du soutien du Parlement. Le Président de la République et son clan voudront bien obtenir des chambres législatives le renversement du gouvernement conformément aux articles 146 et 147. Si le Parlement soutient le Premier Ministre, la crise peut s'étendre à son niveau ouvrant le front opposant d'un coté le gouvernement et le Parlement à la première institution le Président de la République. Une telle situation non souhaitable mais caractéristique de l'histoire politique du Congo serait pire que les différentes guerres car en cas d'impasse, l'effort consenti par les congolais avec l'appui de la communauté internationale, fondrait comme neige au soleil et, plutôt que d'un Etat tout le processus politique et juridique accrocherait d'un avorton du chaos.

Pour nous, il s'agit là d'une question fondamentale, sinon la primordiale, conflit persistant entre le Président de la République et son Premier Ministre de la nouvelle République, conduirait sûrement à la paralysie des institutions dont les effets risqueraient de retarder pour peut-être encore plusieurs décennies la renaissance véritable de l'Etat congolais, comme ce fut en 1960.

D'aucuns seraient tentés de croire qu'en cas d'une telle crise le Premier Ministre peut se fonder sur son origine étant issu du parti majoritaire ou de l'investiture du gouvernement par le Parlement mais dans le même ordre d'idées, il faut remarquer que l'origine du chef de l'Etat issu du suffrage universel direct est un argument suffisant à opposer à la prétention précitée. Les élections confèrent au Président de la République une légitimité plus renforcée qu'avant et, un prestige plus éclatant que les membres d'autres institutions pris isolement. Notre préoccupation est d'autant plus grande que la nouvelle constitution confère à la Cour constitutionnelle de connaître des conflits des compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu'entre l'Etat et les provinces, conformément à l'article 161 alinéa 3. Dans le même sens, une crise persistante entre le gouvernement et le parlement, peut se résoudre par l'arbitrage du Président de la République, disons par son intervention susceptible de conduire à une dissolution du Parlement conformément à l'article 148. Cependant nous constatons que la crise éventuelle entre le Président de la République et le gouvernement, manque d'arbitre. Pendant la transition, les différentes crises entre les institutions congolaises ou entre les organes du pouvoir ont jouit de l'assistance assidue du comité international d'accompagnement (C.I.A.T). Ce comité a jouit lui-même d'une assistance remarquable de la communauté internationale. Nous pensons qu'en grande partie, l'aboutissement de la transition est due à cette garantie internationale497(*).

En effet, ce comité international, composé des ambassadeurs du Conseil de sécurité accrédité à Kinshasa, visait la bonne mise en oeuvre de l'Accord global et inclusif, autrement dit de la constitution, il devait apporter son soutien « actif » à la sécurisation des institutions de la transition issues du Dialogue inter congolais (DIC) et à l'application effective des dispositions du chapitre 8.22 de l'Annexe A de l'Accord de Lusaka en ce qui concerne, la neutralisation et le rapatriement des groupes armés opérant sur le territoire de la R.D.C. Le comité international avait mandat d'arbitrer et de trancher tout désaccord pouvant souvenir entre les parties à l'Accord global et inclusif. Il est important de constater qu'en réalité, le comité d'accompagnement ou les Nations Unies à travers cet organe ont été l'instance de prévention et d'arbitrage efficace jusqu'à l'élaboration de la nouvelle constitution des crises et conflits entre les institutions politiques et organes constitutionnels du pouvoir au Congo. La constitution de la transition étant la transposition juridique de l'Accord politique de Sun-City, nous disons que le C.I.A.T. a été le garant de l'application de la constitution concernée. Son engagement à assurer le fonctionnement des institutions concernait ipso facto, le pouvoir et l'Etat issus de négociations inter congolais. Or la constitution de la République Démocratique du Congo ne jouit pas d'une telle garantie. C'est pourquoi aussi remarquable que soit sa version théorique par l'équilibre de ses institutions, la limitation des gouvernants et, la participation du peuple à l'exercice du pouvoir, nous pensons que cela est insuffisant au Congo, à cause de l'absence d'une culture politique respectueusement des textes de loi soient-ils « fondamentaux ».

CONCLUSION GENERALE.

Au terme de nos analyses sur l'institutionnalisation du pouvoir et la fondation de l'Etat en République Démocratique du Congo, un choix difficile s'offre à notre esprit entre la synthèse de l'oeuvre élaborée aussi utile que des repères sur une voie tortueuse et les perspectives s'imposant comme une boussole, guide nécessaire sur une mer agitée. Le balancement entre les deux pôles étant susceptible d'engendrer des graves lacunes, il nous semble important d'opter pour une approche globalisante.

Dans une première partie, le cadre conceptuel a permis de clarifier les notions au centre de nos recherches, à savoir l'Etat et le pouvoir dans leur simplicité autant que dans leur complexité. Il a été possible de démontrer le lien indissoluble entre l'existence de l'Etat et l'institutionnalisation du pouvoir, de démontrer que sans elle, la survie de l'Etat est quasi impossible car étant périodiquement compromise par les conflits du pouvoir dont effet le plus néfaste est la disparition même des attributs du pouvoir d'Etat ou de l'une des conditions de son existence.

Il était impérieux, en toute logique de s'apaisentir sur le concept d'institutionnalisation lequel suppose la bonne compréhension du terme institution que nous avons défini. Notre préoccupation majeure ayant été de pénétrer les profondeurs de la situation congolaise en vue de contribuer à la renaissance et à la stabilisation de l'Etat, il fallait en guise de diagnostic préalable à toute thérapeutique, disséquer le parcours historique du Congo pour confronter chaque fois l' « Etat » et le « pouvoir » tels que dessinés par les lignes constitutionnelles et animés par les acteurs politiques mais en rapport avec les données impartiales de l'approche théorique. Cet exercice laborieux de soumettre le phénomène congolais à l'éclairage du principe universel ou scientifique a constitué la seconde partie de notre travail. L'interrogation sur l'institutionnalisation du pouvoir et l'avènement de l'Etat en République Démocratique du Congo s'est déroulée successivement à travers la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, la constitution du 1er août 1964 dite de Luluabourg, la constitution du 27 juin 1967, l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994, le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 28 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo, la constitution de transition du 03 juin 2003 et enfin, la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2005. Nous avons constaté que les constitutions congolaises, exceptée la constitution de la transition du 03 juin 2003 n'ont point réussi à s'imposer sur les pratiques du pouvoir individualisé, aucune constitution n'a pu assumer sa fonction fondamentale de dissocier le siège du pouvoir d'avec ses détenteurs. Le constitutionnalisme congolais est demeuré de façade et, n'a pu marquer la conscience collective des congolais ni parmi les cadres encore moins parmi les masses. Cela est d'autant vrai que la jurisprudence constitutionnelle congolaise au cours de cette période est lamentablement pauvre.

L'encadrement juridique par la voie constitutionnelle semblait étrangère à la mentalité congolaise; dans les années soixante, le Président Mobutu était l'homme tout, au dessus de la constitution, des lois et de l'Etat il a joui dans la conscience collective congolaise d'un prestige supérieur à la loi fondamentale et à  la constitution de Luluabourg au point que les institutions politiques autant que l'armée évoluaient au gré de sa volonté pendant que le peuple dans sa plus grande majorité le redoutait ou l'idolâtrait. Le régime d'avant 1965, dit de la première République fut caractérisé par une crise politique chronique attribuée du moins sur le plan juridique aux ambiguïtés de la loi fondamentale dont l'article 22 autorisait la révocation du Premier Ministre, sans déterminer ce qu'il adviendrait en cas de l'opposition du Parlement. Le manque de maturité politique est aussi évoqué pour justifier cette crise. Nous avons été particulièrement intéressés par ses incidences sur le pouvoir et sur l'Etat. Ni l'un ni l'autre n'ont connu un sort heureux. Dans une agitation politique permanente, le pays s'est retrouvé avec un pouvoir fragmenté, un territoire morcelé et une population écartelée. L'institutionnalisation du pouvoir n'a pas été possible. L'on pouvait constater que l'indépendance ou la décolonisation avait accouché d'un Etat « avorton » du fait que toutes les trois conditions d'existence de l'Etat à savoir, la puissance publique, le territoire et la population étaient défaillantes. De même que la souveraineté sous ses deux aspects ainsi que la personnalité juridique du pays était compromises.

La période des années soixante dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix connut une stabilité politique fondée malheureusement non sur la qualité du pouvoir et le mérite de la constitution mais sur le charisme et l'autoritarisme du Président Mobutu qui rendit l'idée de la constitution aussi banale qu'une simple lettre que son auteur traiterait au gré de ses caprices. Ce régime controversé en ce qui concerne son classement numérique parmi les régimes congolais est distingué par une concentration à outrance des pouvoirs entre les mains d'un homme qui devint à un moment l'Exécutif et le Législatif réunis. La confusion des pouvoirs rendit facile leur personnification.

La constitution du 27 juin 1967 plutôt que de servir d'instrument d'institutionnalisation du pouvoir produisit l'effet contraire par le génie politique du Président Mobutu. La plupart des révisions subies par ladite constitution consistèrent à renforcer toujours de manière croissante son pouvoir et le parti unique le M.P.R. Sous ce régime peut-on parler de l'Etat ? Notre réponse est négative. Elle se fonde telle que nous l'avons montré sur l'absence d'un pouvoir institutionnalisé sans lequel il n'y a pas d'Etat. ce pouvoir doit régner sur des peuples libres et souverains. L'« Etat » mobutien ressemblait parfaitement à l' « Etat » léopoldien. Chacun exerçait un droit de propriété avec tous ses attributs sur les sujets et les biens du Congo. Nous avons montré l'incompatibilité profonde d'un tel pouvoir avec l'idée d'Etat au sens scientifique du terme sous tous les angles. Et pourtant, les trois conditions d'existence de l'Etat étaient bien remplies du moins en apparence. Mais les publicistes avisés parmi lesquels nous avons cité G. Burdeau, Bibombe Muamba, E. Mpongo, M. Prélot reconnaissent que ces conditions dites également éléments constitutifs ne suffisent pas ni dans leur réunion ni pris isolement et insistent sur la mutation qualitative du pouvoir politique, du caractère patrimonial à la forme institutionnelle ainsi qu'à l'adhésion du peuple à la réalisation de l'intérêt général. S'il faut dans tous les cas parler de l'Etat sous le règne du Président Mobutu, nous disons qu'il s'est agit d'une fiction d'Etat autocratique à l'instar du fameux Etat indépendant du Congo ou parlerons-nous d'un « Etat zombi ». Une tentative de réanimer l'avorton de l'Etat post-colonial comme un éventail par la manipulation sans se soucier de soigner le mal dont il s'est éteint : le non respect des règles constitutionnelles relatives à la conquête et à la transmission du pouvoir. Montrant l'absence de l'Etat entant qu'institution sous Mobutu, nous avons dit qu'aussitôt qu'il a déclaré se retirer de la gestion politique et de son parti, tout s'est effondré comme les membres mous d'un mannequin de chiffons dont les fils de soutènement se sont brisés, l'« Etat », le parti, l'Armée, etc. qui n'étaient que son ombre et non des institutions au sens organique disparurent avec lui.

Nous en avons conclu que l'institution étant caractérisée par la dissociation avec ses fondateurs et ses membres, a la capacité de leur survivre. Or l'histoire politique et constitutionnel de notre pays est jalonnée d'organes dits « institutions » politiques ou partis politiques qui ne durent que la vie de leurs fondateurs personnes physiques. Dans le même ordre d'idées, on découvre une logique dans la précarité des « institutions » congolaises. Elles sont apparemment basées sur l'acte créateur : la constitution. Mais la constitution étant souvent la transposition ou le camouflage juridique de l'assouvissement d'intérêts personnels du « prince » : du chef de l'Etat ou du Premier Ministre selon les régimes, elle ne tire sa force que de la vertu charismatique de celui-ci. A sa disparition, même la constitution supposée être le fondement de son pouvoir disparaît aussi. Il s'en suit enfin la disparition des institutions secrétées par la constitution souvent par un coup d'Etat. Ce fut le mode en Afrique noire post-coloniale pendant la première décennie des indépendances. La même situation a prévalu au Congo. Il y a lieu de douter de la valeur de ces « institutions » qui ne survivent guère à leur fondateurs, et du caractère politique d'un pouvoir appelé à disparaître chaque fois avec ses détenteurs. Dans la théorie juridique du Doyen Hauriou, comme l'observe Jean Jacques Yoka Mampunga l'institution politique est un concept fondamental défini comme une organisation sociale, créée par un pouvoir, dont l'autorité et la durée sont fondées sur l'acceptation de la majorité des membres du groupe, et qui repose sur un équilibre de forces ou une séparation de pouvoirs. En assurant une expression ordonnée des intérêts adverses en présence, elle assure un état de paix sociale qui est la contre partie de la contrainte qu'elle fait peser sur ses membres498(*).

La révision constitutionnelle de 1990 par la loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 portant révision de certaines dispositions de la constitution, a marqué le commencement de la fin du régime autoritaire du Président Mobutu en introduisant le multipartisme ainsi que les principes classiques de la démocratie libérale dans l'ordonnancement constitutionnel. Cela aurait pu aboutir à l'institutionnalisation du pouvoir et à la réfondation de l'Etat congolais. Mais encore une fois la personnalité du Président Mobutu s'est révélée plus forte que le droit. Entre 1994 et 1997, la société congolaise alors « zaïroise » est demeurée sous la domination d'un pouvoir à double visage : d'une part fondé sur l'Acte constitutionnel de la transition du 04 avril 1994, instituant un régime parlementaire issu du compromis politique global du 31 juillet 1992 et de la Conférence Nationale Souveraine et, d'autre part, fondé sur les « pratiques » politiques de Mobutu, exerçant quand il veut un pouvoir sans base juridique mais ayant souvent plus de force que la loi, fut-elle constitutionnelle. La conséquence d'une telle situation fut l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir. La conjugaison des forces internes et externes firent basculer le « baobab » lequel secoué jusqu'aux racines, s'effondra pour de bon. Le gouvernement, le parlement, l'Armée et le MPR toute la création du Maréchal Président disparurent avec sa fuite précitée au Maroc le 16 mai 1997. Nous avons démontré que s'il y avait un Etat au sens juridique ou sociologique du terme, il aurait survécu en tant qu'institution des institutions. Mais non. Il disparu jusqu'au nom qui le symbolise « Zaïre » ainsi que ses emblèmes : « drapeau vert-clair orné au centre d'un cercle jaune dans lequel figure une main droite tenant un flambeau à la flamme rouge ». Comment a-t-il été possible qu'avec Mobutu l'hymne national, la devise et les armoiries de l'« Etat » aient disparu. Ainsi la « zaïroise » comme hymne national a été remplacé par le « débout congolais », « paix - justice - travail » comme devise, par « Démocratie - justice - unité », les armoiries marquées par la tête du Léopard se substituèrent à la tête du Lion. L'explication majeure à cet anéantissement en un jour d'une oeuvre de plusieurs décennies est liée l'absence de cette acceptation de la majorité de membres du groupe reposant sur l'équilibre des forces dont Hauriou a parlé et dont nous venons de parler lorsqu'il s'agit d'une institution. Nous avons retenu que l'acte constitutionnel de la transition n'a pas réussi à métamorphoser le pouvoir politique pour générer une nouvelle culture politique et de ce fait a échoué à recréer l'Etat au Congo jusqu'au 28 mai 1997.

L'étude du pouvoir sous le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 28 mai 1997 nous a fait voir la similitude entre les pratiques du MPR et les pratiques de l'AFDL caractérisée par le désir de concentration de pouvoirs au profit d'un seul homme incarnant l'exécutif, à savoir le Président de la République qui, par moment, cumule également les compétences législatives ou crée un Parlement sur mesure caisse de résonance de ses ordres. Il s'en suivit une situation de crise de légitimité aussi aiguë que celle des années soixante et qui mit en pièces l'« Etat - zombi » ou avorton dont les membres inanimés se trouvèrent éparpillés : un pouvoir sur trois zones de contrôle, Kinshasa-Goma-Gbadolite ; un territoire morcelé est complètement désuni, une population esclavagisée ou libérée selon le camp où on se trouve, une souveraineté méconnue et une personnalité juridique perdue. Une collectivité sociale correspondant à ce tableau ne peut rien être que l'Inti-thèse de l'Etat. A moins qu'il ne s'agisse d'un Etat caricatural. Tel fut le sort de la République Démocratique du Congo après le déclenchement de la guerre du 02 août 1998 où les armées de neuf pays de la région furent directement impliquées sur le sol congolais « chosifiant » à moindre prix les fils et les filles du Congo. Qui doit en porter la responsabilité ? Sans douter de la pertinence de cette question nous disons qu'elle n'est pas l'objet principal de notre réflexion. La meilleure, qui nous intéresse est « comment en arrive - t - on là et comment arrêter cela » ?

Le pouvoir non institutionnalisé est la cause de ces maux. Il est aussi dévastateur qu'une flamme entre les mains d'un enfant inconscient à l'intérieur d'une maison, et la paix que procure les régimes dictatoriaux par la terreur ressemble au calme précaire qui précède la tempête. Tout détenteur du pouvoir politique suprême, investi par la constitution, légitime ou non qui s'obstine à sortir systématiquement du cadre constitutionnel espérant régner ou gouverner par le charisme, la terreur ou la démagogie est en ces temps comme quiconque poserait une flamme sur un fil relié à une dynamique. Quelle que soit la longueur du fil le danger est bien évident. La sentence est en sursis. En combattant le régime du pouvoir personnalisé l'AFDL a produit une réplique du même pouvoir jusqu'au 16 janvier 2001 date du décès du Président Kabila, sans reconstruire l'Etat ni susciter une mutation du pouvoir.

Les forces belligérantes coalisées contre le pouvoir de l'A.F.D.L. n'ont pas réussi à le vaincre par les armes et pendant les cinq années de guerres nous pourrions dire que faute de restaurer un Etat viable fondé sur un pouvoir statutaire, la plupart des chef de guerres se sont révélés sous la duplication des dictateurs qu'ils ont combattu et les espaces contrôlés ainsi que leurs sujets n'ont pas joui des fonctions louables des Etats ou des Administrations étatiques. Il a fallu attendre la constitution de la transition. Entre le 30 juin 2003 et le 18 février 2006, le pouvoir politique régi par la constitution de la transition est un régime sui generis sous la formule restée célèbre de 1 + 4. c'est-à-dire un Président de la République assisté par quatre Vice-Présidents au sein d'un gouvernement formé des ministres et vice-ministres avec lesquels le Président de la République et ses Vice-Présidents composent le gouvernement et l'exécutif. Lequel se trouve en face d'un Parlement bicaméral.

Les deux institutions composées de membres désignés conformément à l'Accord global et inclusif sur base d'un partage négocié des postes, sont dans un parfait équilibre des forces. Bien qu'à la tête de l'Exécutif et présidant le Conseil de Ministres, le Président de la République ne dispose d'aucun pouvoir de sanction ou de révocation d'un membre du gouvernement comme en régime présidentiel. Il est lié dans son pouvoir de nomination et de révocation, par la volonté des composantes et entités. Il ne peut dissoudre le Parlement lequel ne peut renverser le gouvernement ni par motion de censure ni par question de défiance comme en régime parlementaire. C'est un régime hors de classification classique selon nous. Mais notre attention a porté sur la forme du pouvoir et le sort de l'Etat. Nous avons constaté que la constitution de la transition est la seule à avoir secrété des institutions ayant fonctionné jusqu'à son terme dans un équilibre des forces sans que le Président de la République ait réussi à y faire obstacle complètement. Les institutions politiques de la transition ont fonctionné effectivement jusqu'à la promulgation de la constitution de 18 février 2006.

Du point de vue théorique, l'agencement des pouvoirs sous l'empire de la constitution de la transition ne laissait place à aucune possibilité de personnification ou individualisation du pouvoir. Plusieurs garde-fou à la dérive autoritaire sont posés : la réaffirmation du pluralisme politique et syndical, le principe du consensus, le traitement préalable des matières relatives à la conduite de l'Etat au sein des réunions restreintes entre le Président de la République et les Vice-Présidents de la République, conformément à l'article 82, la limitation du pouvoir du Président de la République par l'exigence de discuter préalablement des projets de ses décrets au Conseil de Ministres après un traitement antérieur au niveau de l'une de quatre commissions gouvernementales dont est en charge mutatis mutandis chaque Vice-Président de la République.

Du point de vue pratique, les soubresauts n'ont pas manqué quant à l'application de la constitution de la transition. Mais plusieurs facteurs déterminants ont joué pour calmer la tempête : la disponibilité du leadership de l'Exécutif à la concertation, quelle que soit la gravité de la divergence, le comportement politique du Président de la République en clin plutôt au recours au juge constitutionnel, c'est-à-dire au droit plutôt qu'à l'abus de la force ou du pouvoir499(*), l'encadrement permanent de la Communauté internationale institutionnalisé par l'Accord global et inclusif à travers le Comité international de suivi composé des Ambassadeurs des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, l'assistance assidue aux moyens considérables de la Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC), l'attention particulière de l'Union Africaine et surtout de l'Union Européenne. Sous l'empire de la constitution de la transition on peut constater la réalité du nouveau constitutionnalisme africain par l'irruption du constitutionnalisme dans le débat politique et l'affirmation de la suprématie constitutionnelle comme l'observe Albert Bourgi500(*). Que fallait-il penser du pouvoir et de l'Etat sous la constitution de la transition ? Le pouvoir a connu un début d'institutionnalisation. Ses détenteurs n'en étaient pas des propriétaires.

La constitution a rempli avec succès son rôle de statut de gouvernants. Le pouvoir s'est exercé sous la forme non personnalisée et les conditions d'existence de l'Etat reconstituées dans leur débris ont refait surface : le gouvernement, le territoire et la population. En plus, les critères de définition de l'Etat ont retrouvé la clarté par la réaffirmation de la souveraineté nationale et internationale ainsi que de l'intégrité territoriale du Congo par le Conseil de sécurité, par l'exigence de retrait des troupes étrangères et par la condamnation de leur retour par la même instance. A cela s'ajoute l'expression de la volonté nationale congolaise unique sur le plan international comme manifestation d'une personne morale de Droit public unique agissant pour tous. C'est la réaffirmation de la personnalité juridique.

L'analyse du pouvoir sous la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 nous projette dans le second aspect de notre conclusion : les perspectives. Entre la promulgation de la dite constitution et la fin effective de la transition plane un flottement.

Par rapport au présent et à l'avenir, quelques interrogations d'un intérêt évident sont permises ayant trait:

- au fondement juridique des compétences des gouvernants actuels issus de la constitution abrogée ;

- à la fin de la transition et à la promulgation de la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

- à la date qui marque la fin de la période de transition . Est-ce la date du 30 juin 2006 accomplissant les 24 mois, période limite dévolue à la transition conformément à l'article 196 alinéa 1er in fine ou celle de l'investiture du Président de la République élu conformément à la même disposition ?

Sur le plan pratique, nous disons que ces préoccupations sont fondamentales car un moindre dérapage politique prend au Congo des proportions incendiaires dont les effets dévastateurs durent très longtemps. La réponse à la première préoccupation se trouve dans les deux textes constitutionnels . Dans la constitution de la transition du 04 avril 2003, l'article 1er alinéa 2 dispose que l'Accord global et inclusif et la constitution constituent la seule source du pouvoir. Ainsi la base juridique des compétences des institutions de la transition est posée dans ces deux actes politique et juridique. Il s'est fait que cette constitution soit abrogée avant la fin de la période de la transition et qu'elle soit remplacée par la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

En effet, l'article 205 de la constitution de la transition dit que « la constitution de la transition cesse de produire ses effets à l'entrée en vigueur de la constitution adoptée à l'issue de la transition ». En promulguant la nouvelle constitution en cours de la transition, on peut penser que cette disposition n'a pas été suivie. Il s'est posé un problème qui justifierait cela ; Il n'était pas possible d'organiser les élections sans la loi électorale laquelle elle-même est liée à la constitution. D'où l'impérieuse nécessité de la promulgation anticipée. La nouvelle constitution offre également une base juridique aux prérogatives des institutions d'avant les élections à l'article 222 alinéa 1 qui prévoit : « les institutions politiques de transition restent en fonction jusqu'à l'installation effective des institutions correspondantes prévues par la constitution et exercent leurs attributions conformément à la constitution de la transition ». La combinaison des articles 222 ci-dessus et l'article 228 de la nouvelle constitution rend claire la volonté du constituant de respecter le consensus de Sun City, c'est-à-dire la constitution de la transition en ce qui concerne les prérogatives des institutions créées à la suite de l'Accord politique. La parfaite compréhension serait que la constitution de la République Démocratique du Congo abroge l'ancienne constitution sauf dans ses dispositions relatives aux institutions de la transition avant leur remplacement par celles issues des élections. C'est dans ce sens selon nous que l'article 228 de constitution du 18 février 2006 doit être compris. En effet, il est dit : « sans préjudice des dispositions de l'article 222 alinéa 1, la constitution de la transition du 04 avril 2003 est abrogée ».

Dans le même ordre d'idées, il sied de répondre à la deuxième préoccupation sur la fin de la transition en relevant d'abord les thèses et les anti-thèses. Pour les uns la constitution de la nouvelle République aurait mis fin à la transition dont le support constitutionnel est abrogé : la constitution de la transition. Ils enchaînent de même que l'Accord global ne serait plus la source du pouvoir dès lors que le peuple souverain a approuvé le référendum relatif à la nouvelle constitution. Dans le même sens certains pensent que le Président de la République reconnu comme seule institution politique pourrait demeurer en fonction en application des articles 64 de la constitution de la transition et de l'article 222 de la nouvelle constitution. En effet, l'article 64 de la constitution cite le Président République parmi les institutions politiques sans reprendre les Vice-Présidents de la République qui ne seraient pas constitutionnellement des institutions politiques au sens de l'article 222 précité.

L'anti-thèse de ces courants est la tendance qui soutient que la période de la transition se poursuit jusqu'au remplacement des institutions de la transition par celles issues des élections conformément à l'article 196 de la constitution de la transition selon lequel la durée de la transition est de vingt quatre mois et qu'elle court à compter de la formation du gouvernement de transition et prend fin avec l'investiture du Président de la République élu à l'issue des élections marquant la fin de la période transitoire en République Démocratique du Congo. La même disposition prévoit une durée de six mois renouvelable une seule fois. Il faut noter qu'à ce jour ce délais a été prorogé une fois et que juridiquement il n'y a plus une autre voie juridique de tenter une extension de la période transitoire sauf à croire que la disposition précitée est abrogée.

En une synthèse, il importe de rapprocher les tendances en tenant compte des interprétations théologique, génétique et systématique, pour découvrir la ratio legis des dispositions concernées, pour les associer avec d'autres et les replacer dans le contexte général de la période de transition. Il résulte de cet exercice que la constitution de la transition est une tentative ultime du Congo par ses délégués au Dialogue inter congolais de résoudre le problème de légitimité cause des guerres civiles à répétition. Les institutions politiques de la transition sont justifiées par la volonté de tous de retrouver la paix. Au delà des textes constitutionnels, il est convenable d'en sonder l'esprit.

Pour cela, il est utile de considérer les objectifs de la transition dont les principaux sont :

- La réunification, la pacification, la reconstruction du pays, la restauration de l'intégrité territoriale et le rétablissement de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national ;

- La réconciliation nationale ;

- La formation d'une armée restructurée et intégrée ;

- L'organisation d'élections libres et transparentes à tous les niveaux permettant la mise en place d'un régime constitutionnel démocratique ;

- La mise en place des structures devant aboutir à un nouvel ordre politique.

Ces objectifs découlant de l'Accord global et inclusif devraient servir de balisage.

De ce qui vient d'être dit, nous pouvons tenter une réponse à la question de savoir si la nouvelle constitution met fin à la transition avant terme. Sur le plan formellement juridique la réponse est selon nous négative car aucune disposition de la constitution de la transition du 04 avril 2003 ne lie la fin de la période de transition à la promulgation de la nouvelle constitution. En plus, prétendre que la transition étant arrêtée par le fait de la nouvelle constitution, les institutions non reprises dans la nouvelle constitution tombent laissant au Président de la République seul le champ politique nous semble erronée.

En effet, le Président de la République est compté parmi les institutions politiques de la transition. Le fondement de sa légitimité ne procède pas de la nouvelle constitution par les élections qui n'ont pas encore eu lieu mais du compromis politique de Sun City par l'Accord global et inclusif. C'est là le fondement politique devenu la base légale par l'intégration à la constitution, de toutes les institutions politiques du pays. L'ordre politique entier repose sur cette logique. Par ailleurs, le nouvel ordre politique n'est pas encore mis en place. Il faut alors retenir que la promulgation de la nouvelle constitution ne met pas fin à la période de transition. Mais à quand la fin de cette période  pour répondre à la troisième préoccupation.

Nous l'avons dit dans les lignes précédentes la constitution de la transition et la constitution de la République Démocratique du Congo contiennent des ambiguïtés dangereuses :

- La durée de 24 mois posée en termes claires à l'article 196 de la constitution de la transition ainsi que les conditions, et le délais de prorogation pour 6 mois renouvelable une seule fois est sans équivoque lorsqu'on se place sur la logique numérique, en comptant à partir du 30 juin 2003 date de la formation du gouvernement de transition. Vu sous cet angle, la période de transition se termine le 30 juin 2006. Après cette date le pouvoir politique sera sans base légale et sans légitimité en ce qui concerne toutes les institutions de la transition, y compris le Président de la République ;

- L'expression selon laquelle la période de transition prend fin avec l'investiture du nouveau Président de la République formulée à la même disposition ne peut logiquement se comprendre comme une volonté du même constituant de prolonger la période de la transition au delà du temps numériquement fixé.

Le simple bon sens impose que le constituant de la transition entendait circonscrire la dite investiture dans la période indiquée dont les échéances ultimes seraient les élections. Il n'y aurait aucun problème si le calendrier électoral demeurait dans ses limites. Mais du fait que toutes les opérations électorales sont accomplies conformément à la loi n° 06/006 du 09 mars 2006, et que malgré tout, les élections ne peuvent se tenir avant le 30 juin 2006 date de la fin constitutionnellement admise de la période de transition, le problème juridique et politique qui se pose est réel.

Les efforts d'institutionnalisation du pouvoir amorcé depuis le 04 avril 2003 sont gravement compromis. Sans les élections aucun pouvoir institutionnalisé n'est possible car le détenteur du pouvoir après le 30 juin le fera sans mandat du peuple et sans aucun support légal valide. Il sera dépourvu de la légalité et de la légitimité. Or le vide politique est pire que l'illégitimité. Avant les élections aucune autorité n'a compétence de proroger encore le délais de la période de transition. Certains croient voir la solution dans l'existence de la constitution de la troisième République car dirait-on il n'y a pas de vide juridique. Un tel raisonnement est formellement défendable mais il est dépourvu d'intérêt pratique dans la mesure où le constituant s'est voulu tellement démocratique que toutes les institutions politiques consacrées par la constitution de la République Démocratique, sont issues des élections à tous les niveaux. Le Président de la République issu des élections tel que nous l'avons montré, constitue l'Exécutif avec un gouvernement composé d'un Premier Ministre issu de la majorité ou désigné après consultations, des vice-premiers ministres, ministres d'Etat, ministres et vice-ministres, en face d'un Parlement dont les membres de deux chambres sont également élus. Il est aisé de voir qu'entre le 30 juin 2006 et les prochaines élections il est impossible d'appliquer la nouvelle constitution en ce qui concerne l'organisation et l'exercice du pouvoir.

En considération du passé et du présent, il y a lieu de retenir pour l'avenir que l'apparente institutionnalisation du pouvoir et la renaissance de l'Etat au Congo sous la constitution du 04 avril 2003 est trompeuse et factice. Elle est plus l'oeuvre des garanties internationales par lesquelles le CIAT et l'ONU veillent au chevet du Congo comme sur un bébé prématuré dans une couveuse que du constitutionnalisme congolais. L'avenir très proche sans ces garanties n'offre pas de sécurité faute du consensus politique et de culture politique. Face au dilemme de la fin de la période de transition les pistes de solutions raisonnables et efficaces peuvent être soit celles de renégociations politiques pour canaliser le cadre d'une prolongation aussi courte de la transition sur base d'un acte juridique avant la date du 30 juin 2006 soit celles de la tolérance fondée sur la disposition selon laquelle la transition prend fin par l'investiture du nouveau Président de la République élu pour supporter les quelques mois de prolongation.

Que faut-il conclure de l'institutionnalisation du pouvoir et de la ré fondation de l'Etat en République Démocratique du Congo ? Il s'impose un choix entre deux voies choisies par les pays africains au Sud du Sahara : une pour l'émergence de l'Etat et sa consolidation par un constitutionnalisme affirmé et efficace et, une autre pour le pouvoir personnalisé soutenu par un constitutionnalisme hypocrite, instrumentalisé, obstacle à alternance politique selon les règles démocratiques.

Dans la première, on trouve notamment, le Bénin et le Sénégal dont la vie politique est constamment encadrée par les constitutions au sens formel et matériel du terme. Dans ces pays l'institutionnalisation du pouvoir est effective et pour nous l'Etat y est né au sens juridique du terme et survit grâce non simplement au fait de la décolonisation mais du fait de la mutation qualitative du pouvoir politique dont le siège n'a pas été un Kérékou ou un Senghor mais leurs Etats sous tendus par la constitution. Ni les institutions politiques ni leurs Armées, n'ont chancelé avec la sortie de la course des détenteurs du pouvoir politique suprême. C'est là la preuve éloquente que l'Etat en tant qu'institution des institutions était le seul cadre des fonctions politiques dont les présidents de la République précités n'étaient que de simples agents.

En effet, dans ces pays, les acteurs politiques engagés dans le processus de démocratisation ont tenté de trouver les voies d'opérer de véritables changements. La cause du progrès politique dans ces pays c'est plus la capacité des Présidents de la République en exercice, avant les échéances électorales à se soumettre aux règles constitutionnelles limitant le nombre de leurs mandats et les excluant pour limite d'âge, que la perfection des textes constitutionnels eux-mêmes. Au Sénégal l'article 27 de la constitution adopté par référendum du 7 janvier 2001 relative à la durée du mandat présidentiel est insusceptible de révision sans une loi référendaire ou constitutionnelle. Dans le même ordre d'idées, les Présidents de la République du Bénin M. Kerekou et Soglho se sont conformés à l'esprit et à la lettre de la loi n ° 90632 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin précisément en ses articles 42 et 43 sans chercher une manipulation politique en vue d'une révision intempestive qui leur soit favorable. Ils ont chacun rendu le tablier se pliant avec élégance à la force du droit, à la vérité des urnes sans gêner le jeu démocratique tel qu'organisé par la constitution. C'est là une grande leçon dont les Chefs d'Etat congolais ont grandement besoin pour l'édification d'un Etat non fictif.

La seconde voie est celle des pays où le pouvoir politique souffre encore du caractère patrimonial au point que les constitutions dans leurs dispositions relatives au mandat politique subissent systématiquement les humeurs des gouvernants. Cela compromet non seulement l'institutionnalisation du pouvoir mais aussi celle de l'Etat. La République Démocratique du Congo est appelé à sortir de cette voie.

Malgré le caractère démocratique de la nouvelle constitution, la réfondation de l'Etat au Congo reposera d'abord et davantage sur la constance du Président de la République en exercice , à se conformer à la règle du droit comme il l'a fait jusqu'à présent, ensuite sur la volonté des animateurs de la transition du 30 juin 2003 d'en faire autant par leur engagement à renoncer définitivement aux armes lesquelles depuis 1960 ont fait preuve d'inefficacité à régler la question du pouvoir légitime au Congo, et enfin sur tous les acteurs politiques congolais non engagés dans le processus électoral par leur lucidité à comprendre qu'ils ne peuvent pas renier l'aboutissement de leurs combat en faisant obstacle aux résultats des élections du 30 juillet 2006.

A l'instar du Mali, de la République Sud-Africaine, du Ghana, de la Zambie, du Sénégal, du Mozambique pour ne citer que ces pays là où le sort de l'Etat n'est plus lié au sort d'un homme soit-il puissant ou charismatique grâce à l'institutionnalisation du pouvoir politique par la vertu constitutionnelle, la République Démocratique du Congo grâce à la volonté politique de ses princes peut se construire en Etat stable.

Nous terminons en disant que contrairement à l'opinion générale selon laquelle le peuple congolais n'est pas mûr, ce peuple n'est pas très différent des autres mais jusqu'à 2003 il n-a pas eu à sa tête un Président de la République qui croit en la vertu du droit. Nous croyons pour notre part que les peuples sont le produit ou les reflets de leurs princes. Celui qui tient les rênes du pouvoir suprême et ceux qui le contestent ont tous un choix historique à faire : consolider l'embryon étatique né du processus transitoire fondé sur la constitution de la transition du 04 avril 2003 et , sur le nouvel ordre politique institué par la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 ou lui donner la mort et l'enterrer par des querelles politiciennes par lesquelles leurs prédécesseurs en ont fait autant dans les années antérieures. L'exercice du pouvoir autant que sa contestation peuvent dignement se faire dans le cadre tracé par la constitution sans que les uns s'en accaparent comme un bien privé poussant les autres à les combattre par des moyens non constitutionnels. C'est à ce prix que l'institutionnalisation effective du pouvoir est possible pour la renaissance et la stabilité de l'Etat en République Démocratique du Congo.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX.

- BADIE (B), L'Etat importé, l'occidentalisation de l'ordre politique, Paris, Fayard, 1992.

- BIBOMBE (M), Formes de l'Etat, Régimes politiques et systèmes électoraux. Dossiers de Droit constitutionnel et institutions politiques, publication de la faculté de Droit de l'Université Libre des Pays des Grands Lacs, Goma, 2002.

- BONNARD, La conception juridique de l'Etat, Paris, Revue du droit public, 1992.

- BURDEAU (G), Traité de science politique. T. II, L'Etat, Paris, R. Pichon et Durand Auzios, 1967.

- BURRICAUD (F), Esquisse d'une théorie de l'autorité, Paris, Plan 1961.

- CHAGNAULLAUD (D), Droit constitutionnel contemporain, T. I : Théorie générale des régimes étrangers, 3è éd., Paris, Dalloz, 2003.

- CHAVILDAN (P.H) et LECLERQ (C), Travaux dirigés de droit constitutionnel. Documents - dissertations - commentaire de texte, 8è éd., 1925, Paris, Litec, 1996, 373 p.

- DUPUY (P.M), Droit international public, Paris, Dalloz, 1992.

- DUVERGER (M), Institutions politiques et Droit constitutionnel, Paris, PUF, 18è éd., 1925.

- HAURIOU (M), Précis de Droit constitutionnel, 2è éd., Paris, Sirey, 1929.

- HAURIOU (A), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 1970.

- HERMET (G) et al., Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, 5è éd., Paris, Armand Colin, 1994, 318 p.

- GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, 14è éd., Paris, Dalloz, 2003.

- GODECHOT (J), Les constitutions de la France depuis 1789, Paris, Flammarion, 1979, 509 p.

- KELSEN (H), Aperçu d'une théorie générale de l'Etat, Paris, Revue du Droit public, 1926.

- LOCKE (J), Essai sur le pouvoir civil 1960, trad. Fyat, Paris, PUF, 1953.

- MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E), Institutions politiques et droit constitutionnel, Kinshasa, E.U.A, 2001, 328 p.

- NTUMBA (L), Droit constitutionnel général, Kinshasa, E.U.A, 2005, 383 p.

- PRELOT (M), Institutions politiques et Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 1969.

- ROUSSEAU (J.J), Du contrat social, Paris, U.G.E, 1973.

- VILLIER (de), M., Dictionnaire de droit constitutionnel, 4è éd., Paris, Armand colin, 1998.

- ZARTAMAN (W), (Sous direction de) L'effondrement de l'Etat, désintégration et restauration du pouvoir légitime, Paris, Nouveaux horizons, 1997.

OUVRAGES SPECIFIQUES.

- AFANA (D), La balade démocratique du Zaïre, sept ans de transition tumultueuse, 1990-1997, Kinshasa, HIPOC, 1998.

- BOSHAB (E), Entre les Colombes et les Faucons, où vont les partis politiques, Kinshasa, P.U.C, 2001.

- BUCHMAN, L'Afrique noire indépendante, Paris, L.G.D.J, 1964.

- COHENDET (A), Méthodes de travail en Droit public, Paris, 3è éd., Montchrestien, 1998.

- CONAC G., (Sous la direction de) Les institutions constitutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République Malgache, Paris, Economica, 1979.

- DJELO (E), L'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire. Le cas du Zaïre, Bruxelles, le Bel Elan, 1990, 168 p.

- DJELO (E), Dette de clarification, proposition pour parachever la révision de la constitution du Zaïre, Bruxelles, éd. Bel Elan, 1989.

- HOBBES (T), Léviathan, 1ère partie, De l'homme, trad. Anthony, (A), Paris, Giard, 1921.

- KABANGE NTABALA (C), Droit administratif, T. III, Genèse et évolution de l'organisation territoriale, politique et administrative en République démocratique du Congo, de l'Etat indépendant du Congo à nos jours et perspectives d'avenir, Kinshasa, Saint Paul, 2001.

- KUYUNSA BIDUM (G) et SHOMBA KINYAMBA (S), Initiation aux méthodes de recherche en sciences sociales, P.U.Z, 1995.

- LAVROFF (D), Les systèmes constitutionnels en Afrique noire. Les Etats francophones, éd. A. Pedone, 1976.

- LOCKE (J), Essai sur le pouvoir civil 1960, trad. Fyat, Paris, P.U.F, 1993.

- MABANGA (M.M), Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 1999.

- MATUSILA (P), Dialogue inter congolais. De Sun City I à Sun City II, Pretoria : Etape décisive, éd. Isidore Bakanja, 2003.

- MBOKO DJ'ANDIMA, Principes et usages en matière de rédaction d'un travail universitaire, Kinshasa, CADICEC, 2004.

- MPINGA KASENDA, L'administration publique du Zaïre, L'impact du milieu socio - politique sur sa structure et son fonctionnement, Paris, Pedone, 1973.

- MUPAPA SAY (M.A), Le Congo et l'Afrique à l'orée du troisième millénaire - Pathogénie d'un sous développement, Kinshasa, P.U.C, 2004.

- MUSTAPHA (B), Les régimes militaires africains, Paris, Publind, 1983.

- NDAYWEL è NZIEM, (I), Histoire général du Congo, de l'héritage ancien à la République Démocratique du Congo, Paris, Bruxelles, Duculot, 1998, 95 p.

- NIEMBA SOUGA (J), Etat de Droit Démocratique, Fédéral en République Démocratique du Congo, source de stabilité réelle en Afrique centrale, Paris, l'Harmattan, 2000, 373 p.

- ROUSSEAU (J.J), Du contrat social, Paris, union générale des élections, 1973.

- SINDJOU (L), L'Etat ailleurs. Entre noyau dur et case vide, Paris, Economia, 2004.

ARTICLES.

- ARISTOTE, « Politique » in CHALVIDAN (C) et al., Travaux dirigés de Droit constitutionnel. Documents - dissertations - commentaires de texte, 8è éd., Litec 1996, p. 19.

- CADOUX (C.), « Le statut et les pouvoirs de Chef de l'Etat et des gouvernements », in Institutions constitutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République Malgache, sous la direction de Gérard, Paris, Economica, p.p. 69-94.

- ESAMBO KANGASHE (J.L) « L'avènement de l'AFDL ou la remise de la CNS », in Cahiers africains de Droits de l'Homme et de la Démocratie, vol. I. n° 01octobre, décembre, Kinshasa, 1997, p. 17 et s.

- ESAMBO KANGASHE (J.L), «Regard sur l'Etat de Droit dans la constitution congolaise du 04 avril 2003 », in justice, sciences et paix. Revue juridique n° 001, Kinshasa, septembre 2004.

- ESAMBO KANGASHE (J.L), « contexte socio - politique congolaise repères historiques et forces en présence de la guerre dite de libération à l'Accord global et inclusif », in MALANDA NSUMBU F. (sous Dir.), La nouvelle constitution de la RDC : Aspects juridiques, politique, économiques et socio - culturels, Kinshasa, Konrad Adenauer, 2003, p.p. 13-24 ;

- ILUNGA (K), « Déroutante Afrique ou syncope d'un discours d'ouverture de la 12ème conférence annuelle de l'Association canadienne des études africaines », in Revue canadienne des études africaines, vol. 18. n° 1, 1984, p.p. 13-32.

- MERLE, (M), « La crise de relations internationales. A propos du livre de Bernard Dadié, L'Etat importé », in Esprit, n° 197, déc. 1993, Paris, p.p. 102 - 167.

- PROUZET (M), « Les procédures de révision constitutionnelle » in CONAC G. (Dir.), Les institutions constitutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République Malgache, Paris, Economica, 1979, p.p. 280-320.

- WEBER (M.), « Le métier et la vocation d'homme politique » in CHALVIDAN (C) et al., Travaux dirigés de Droit constitutionnel. Documents - dissertations - commentaires de texte.

- YOKA MAMPUNGA (J.J), « Analyse des aspects politiques de la constitution de la R.D.C. » in MALANDA NSUMBU, F (Dir.), La nouvelle constitution de la R.D.C : Aspects juridiques, politiques, économiques et socioculturels, Publication de la Fondation Konrad Adenauer, Décembre 2003, p.p. 45-51.

THESES.

- DJELO EPENGE, (O.), Contribution à l'étude des tendances unitaristes et fédéralistes dans l'évolution politique et constitutionnelle du Zaïre, Thèse en Droit Public, Liège, 1974.

- DJOLI ESENG' EKELI (J), Le constitutionnalisme africain entre la gestion des Héritages et l'invention du futur, Thèse en Droit Public, Paris, 2003.

- LUMANU MULENDA (B.N), Dépendance et personnification du pouvoir dans la dynamique de l'édification de l'Etat au Zaïre sous la deuxième République. Essai d'explication du fondement et des mécanismes de consolidation du bloc historique actuel, Thèse en S.P.A, Lubumbashi, 1985.

DOCUMENTS ET TEXTES OFFICIELS.

a) Textes constitutionnels du Congo-Kinshasa et Accord global et inclusif.

- Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo in moniteur congolais du 27 mai 1960, p.p. 1-25 ;

- Constitution du 1er août 1964 in Moniteur congolais, numéro spécial du 1er août 1964, p. 1 et s ;

- Constitution du 24 juin 1967 in Moniteur congolais, numéro 14 du 15 juillet 1967 ;

- Ordonnance-loi n° 70-025 du 17 avril 1970 portant révision de la constitution, in Moniteur congolais du 1er mai 1970. p. 257 ;

- Loi n° 70-001 du 23 décembre 1970 portant révision de la constitution, in Moniteur congolais du 1er juillet 1971. p. 5 ;

- Loi n° 71-006 du 29 octobre 1971 portant révision de la constitution in J.O.Z. édition provisoire, n° 2, du 15 janvier 1972. p. 12 ;

- Loi n° 71-007 du 19 novembre 1971 portant révision de la constitution in IYELEZA Moju-Mbey et alii, Recueil des textes constitutionnels de la République du Zaïre du 19 mai 1960 au 28 avril 1991 annexe, la charte coloniale du 18 octobre 1908, ISE-CONSULT, Kinshasa, 1991, p. 96 ;

- Loi n° 71-008 du 31 décembre 1971 portant révision de la constitution, in J.O.Z. du 15 mai 1971. p. 37 ;

- Loi n° 72-003 du 5 janvier 1972 portant révision de la constitution, in J.O.Z. du 15 janvier 1972. p. 49 ;

- Loi n° 72-008 du 3 janvier 1972 portant révision de l'article 60 de la constitution, in J.O.Z. n° 15 du 15 juillet 1972. p. 453 ;

- Loi n° 73-014 du 5 janvier 1973 portant harmonisation de la constitution ainsi que celle de tous les textes législatifs et réglementaires en rapport avec les nouvelles appellations dans les structures politico - administratives du pays et modifiant l'article 46 de la constitution, in J.O.Z. n° 5 du 1er mars 1973, 1ère partie, p. 302 ;

- Loi n° 74-020 du 15 août 1974 portant révision de la constitution du 24 juin 1967 in RJPIC, n° 2, avril-juin 1974, p.p. 169 à 181 ;

- Loi n° 78-010 du 15 février 1978, portant révision de la constitution, in Afrique contemporaine, n° 97, mai-juin 1978, p.p. 18-26 ;

- Loi n° 80-007 du 9 février modifiant et complétant quelques dispositions de la constitution, in IYELEZA, p.p. 111-122 ;

- Loi n° 80-012 du 15 novembre 1980 modifiant et complétant quelques dispositions de la constitution, in IYELEZA, Recueil de textes, Kinshasa, ISE-CINSULT, 1991, p.p. 123-129 ;

- Loi n° 82-004 du 31 décembre 1982 portant modification de certaines dispositions, in IYELEZA, Recueil de textes, Kinshasa, ISE-CONSULT, 1991, p.p. 128-130 ;

- Loi n° 88-004 du 24 janvier 1988 portant modification de certaines dispositions de la constitutions, in IYELEZA, (M), Recueil de textes, Kinshasa, ISE-CONSULT, 1991, p. 131 ;

- Loi n° 88-009 du 27 juin 1988 portant révision de l'article 2 de la constitution, in IYELEZA, (M), Recueil de textes, Kinshasa, ISE-CONSULT, 1991, p. 131 ;

- Loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 portant révision de certaines dispositions de la constitution, in J.O.Z., numéro spécial de juillet 1990 ;

- Loi n° 90-008 du 25 novembre 1990 portant révision d'une disposition de la constitution, in IYELEZA, (M), Recueil de textes, Kinshasa, ISE-CONSULT, p. 140 ;

- Acte constitutionnel de la transition, in J.O.Z., numéro spécial, avril 1994 ;

- Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en RDC, textes coordonnés et mis à jour au 1er juillet 2000, in Recueil de textes pour le Dialogue inter congolais JORDC, n° spécial mai 2001, p.p. 91-101 ;

- Constitution de la transition, in J.O., numéro spécial du 05 avril 2003 ;

- Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 in J.O.R.D.C, n° spécial du 18 février 2006.

- Accord global et inclusif sur la transition et République Démocratique du Congo, in J.O., numéro spécial du 5 avril 2001, p.p. 49-69.

b) Autres textes.

- Loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, in publication C.E.I., Kinshasa, mars 2006 ;

- Loi n° 04/023 du 12 novembre 2004 portant organisation générale de la Défense et des Forces armées, in J.O. n° spécial du 13 novembre 2004 ;

- Décret-loi n° 002 du 26 janvier 2002 portant institution, organisation et fonctionnement de la police nationale congolaise.

c) Accords internationaux et résolutions du Conseil de sécurité sur la R.D.C.

- Accord de Lusaka du 10 juillet 1999, in J.O. numéro spécial du 05 avril 2001, p.p. 103-128 ;

- Résolution 1341 du 22 février 2001, in J.O. n° spécial du 05 avril 2001, p.p. 131-136 ;

- Résolution 1323 du 13 octobre 2000, in J.O, n° spécial du 05 avril 2001, p.p. 137 ;

- Résolution 1316 du 23 août 2000, in J.O., n° spécial du 05 avril 2001, p. 138 ;

- Résolution 1304 du 16 juin 2000, in J.O., n° spécial du 05 avril 2001, p. 139 ;

- Résolution 1291 du 24 février 2000, in J.O., n° spécial du 05 avril 2001, p. 144 ;

- Résolution 1279 du 30 novembre 1999, in J.O., n° spécial du 05 avril 2001, p. 150 ;

- Résolution 1273 du 05 novembre 1999, in J.O., n° spécial du 05 novembre 1999, p.p. 150-153 ;

- Résolution 1258 du 6 août 1999, in J.O., n° spécial du 05 avril 2002, p. 154 ;

- Résolution 1234 du 09 avril 1999, in J.O., du 05 avril 2001, p. 157 ;

- Plan de désengagement de Kampala et sous plan de désengagement de Harare, in J.O., n° spécial du 05 avril 2001, p. 161-184.

d) Actes de jurisprudence.

- Ordonnance de la Cour internationale de justice/Affaire des Activités Armées sur le territoire du Congo (République Démocratique du Congo - Ouganda) du 1er juillet 2000, in J.O. n° spécial du 05 avril 2000, p. 219 ;

- Arrêt de la Cour internationale de justice/Affaire des Activités Armées sur le territoire du Congo (RDC - Ouganda) du 19 décembre 2005 in communiqué de presse 2005/26 C.I.J. du 19 décembre 2005.

- Avis consultatif de la Cour Suprême de Justice R.L. 09 du 20 janvier 2004

e) Textes constitutionnels du Bénin et du Sénégal.

- Constitution de la République du Bénin Loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin. (http : //fr.wikisource.org/wiki/constitution - du - B% C3% A 9 nin /07/03/2006.

- Constitution de la République du Sénégal adoptée au référendum du 08 janvier 2001(Site officiel de la République du Sénégal www gouv.sn/rec. Htm)

COURS.

- BOSHAB, (E.), Droit constitutionnel. Le contre seing, élément prééminent de détermination d'un régime parlementaire, Cours polycopié, D.E.S., Faculté de Droit, Université de Kinshasa, Kinshasa, 2003-2005, « inédit » ;

- MPONGO BOKAKO (E.), Droit constitutionnel. Les procédures de révision constitutionnelle, Cours de D.E.S., Faculté de Droit, Université de Kinshasa, Kinshasa, 2003-2005 « inédit » ;

- BIBOMBE MWAMBA, Libertés publiques, Cours de D.E.S., Faculté de Droit, Université de Kinshasa, Kinshasa, 2003-2005 « inédit ».

LES PRINCIPALES ABREVIATIONS.

- ABACO. : Alliance des Bakongo ;

- A.F.D.L. : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo ;

- ANC : Armée Nationale Congolaise ;

- Art. : Article ;

- ATCAR : Association de Tchokwe du Congo, de l'Angola et de Rhodésie ;

- BALUBAKAT : Association de Baluba du Katanga ;

- CNC : Conseil National de Libération ;

- CNS : Conférence Nationale Souveraine ;

- CONAKAT : Confédération des Associations tribales du Katanga;

- KOAKA : Coalition Kasaïenne ;

- MLC : Mouvement de Libération du Congo ;

- MNC/K : Mouvement National Congolais ;

- MSM : Mouvement Solidaire Muluba ;

- MONUC : Mission d'observation des Nations Unies au Congo;

- MPR : Mouvement Populaire de la Révolution.

- MUM : Mouvement pour l'Unité Musonge ;

- ONU : Organisation des Nations Unies ;

- PUNA : Parti de l'Unité Nationale ;

- PSA : Parti Solidaire Africain ;

- RDC : République Démocratique du Congo ;

- UDPS : Union pour la Démocratie et le Progrès Social;

- UNIBAT : Union de Batetela ;

- UNIMO : Union de Mongo ;

- UNERGA : Union de Warega;

- URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques ;

TABLE DE MATIERES.

INTRODUCTION. 4

I. ETAT DE LA QUESTION ET CHOIX DU SUJET 4

II. PROBLEMATIQUE. 11

III. HYPOTHESE DE TRAVAIL. 16

IV. DELIMITATION DU SUJET 18

V. INTERET DU SUJET. 19

VI. METHODES ET TECHNIQUES. 20

VII. SUBDIVISION DU TRAVAIL . 21

PREMIERE PARTIE : L'EVOLUTION DU POUVOIR POLITIQUE ET L'AVENEMENT DE L'ETAT. 22

CHAPITRE I : L'EVOLUTION DU POUVOIR POLITIQUE. 22

SECTION 1 : NOTION DU POUVOIR POLITIQUE 22

§1. Le pouvoir. 22

§2. La politique. 23

§3. Le pouvoir politique 23

SECTION 2. FORMES DU POUVOIR. 25

§1. Le pouvoir diffus et anonyme. 25

§2. Le pouvoir individualisé. 25

I. La répugnance à concevoir le pouvoir comme un pur phénomène de force. 25

II. Le défaut d'unité juridique de la collectivité. 26

II. L'absence de légitimité. 26

IV. Le danger d'arbitraire. 27

§ 3. Le pouvoir institutionnalisé. 28

I. Notion d'institution et pouvoir institutionnalisé. 28

A. L'institution. 28

B. L'institutionnalisation du pouvoir et de l'Etat. 29

II. Le rôle de l'institutionnalisation dans la pérennité du pouvoir et de l'Etat. 30

III. Processus d'institutionnalisation et rôle du pouvoir institutionnalisé dans la formation de l'Etat. 30

31

A. Processus d'institutionnalisation. 31

1°. - La dissociation progressive de l'Etat de la personne de ses dirigeants (princes, monarques). 31

2°. - L'action des gouvernants est soumise à des règles. 32

3°. - L'Etat a le monopole de la contrainte légitime. 32

4°. - Les règles de l'Etat sont consenties par les gouvernés. 32

B. L'impact du pouvoir institutionnalisé sur la genèse de l'Etat. 32

1. La recherche de la légitimité. 33

2. La recherche de la continuité du pouvoir. 34

3. La recherche de la souveraineté. 35

C. L'acte d'institutionnalisation. 35

'' 1. Les caractères généraux de l'acte d'institutionnalisation. 36

'' 2. La nature juridique de l'acte d'institutionnalisation. 36

D. Les fonctions constitutionnelles et l'institutionnalisation du Pouvoir. 37

2. La constitution, statut des gouvernants. 37

CHAPITRE II. L'AVENEMENT DE L'ETAT 38

SECTION 1 : LA FORMATION JURIDIQUE DE L'ETAT. 41

§1. La théorie du contrat social. 41

I. Selon Thomas Hobbes. 41

A. Présentation de la théorie. 41

B. Portée et limites de la théorie. 42

II. Selon Jean Jacques Rousseau. 43

A. Exposé de la théorie. 43

B. Critique de la théorie. 44

§2. La théorie du contrat politique de John Locke. 44

I. Exposé de la théorie. 44

II. Appréciation critique de la théorie. 46

§ 3. La théorie de la fondation et de l'institution 48

I. Exposé de la théorie. 48

II. Critique de la théorie. 50

SECTION 2. FORMATION EXTRA JURIDIQUE DE L'ETAT. 50

§1. La théorie du fondement sociologique et du conflit. 52

I. Exposé de la théorie. 52

II. Appréciation critique de la théorie. 53

§2. La théorie de la création de l'Etat en dehors du droit et le positivisme juridique. 54

I. Exposé de la théorie. 55

II. Appréciation critique . 55

§3. La thèse marxiste. 58

I. Exposé de la thèse. 58

II. Appréciation critique. 60

64

A. L'Etat, produit de la différenciation. 64

B. L'Etat, produit d'un ordre juridique. 64

DEUXIEME PARTIE : L'EMERGENCE DE L'ETAT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO. 68

CHAPITRE I. ETAT SOUS LA PREMIERE REPUBLIQUE. 68

SECTION 1 : POUVOIR ET L'ETAT SOUS LA LOI FONDAMENTALE DU 19 MAI 1960 RELATIVE AUX STRUCTURES DU CONGO. 68

§ 1. Aménagement constitutionnel du Pouvoir. 69

I. Les institutions politiques. 69

A. Le Chef de l'Etat. 69

1. Mode de désignation. 69

' 2. Attributions constitutionnelles du Chef de l'Etat. 70

B. Le Gouvernement. 72

1. Composition et mode de désignation. 72

2. Attributions du Premier Ministre et du gouvernement. 72

3. Mode de désignation du Premier Ministre et de formation du gouvernement. 73

C. La chambre des Représentants. 73

1. Mode de recrutement. 73

2. Pouvoir et compétences. 74

D. Le Sénat. 74

1. Mode de recrutement. 74

2. Attributions. 74

II. Relations entre les organes du pouvoir et entre les institutions. 74

A. Le Chef de l'Etat et le Premier Ministre. 75

B. Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. 75

§2. Fonctionnement des institutions et crise du pouvoir. 76

I. . Paralysie des institutions sous la loi fondamentale. 76

II. Echec d'institutionnalisation du Pouvoir sous la loi fondamentale. 78

§3. Le sort de l'Etat sous l'empire de la loi fondamentale. 81

I. La République du Congo « Etat mort né » ou « Etat né prématuré ». 81

A. Notions et aspects de la crise au Congo sous la loi fondamentale. 81

I. Notions et causes de la crise. 81

a. Les causes lointaines : 82

b. Les causes immédiates sont trouvées dans : 83

2. Les aspects de la crise congolaise en 1960. 84

1) La crise d'autorité. 84

a. Le vacuum du pouvoir. 85

b. La fragmentation de l'autorité. 86

2) La crise constitutionnelle. 86

3. Aspect institutionnel de la crise. 87

B. Incidence de la crise congolaise sur l'institutionnalisation du pouvoir et sur la formation de l'Etat. 89

'' 1. Incidence de la crise congolaise de 1960 sur les conditions d'existence de l'Etat. 90

2. Observations découlant du morcellement du territoire. 91

SECTION 2 : POUVOIR ET ETAT SOUS DE LA CONSTITUTION DU 1ER AOÛT 1964. 93

§1 Aménagement du pouvoir sous la constitution du 1er août 1964. 94

§1 Les institutions politiques. 94

A. Le Président de la République. 94

1. Mode de désignation. 94

2. Rôle et compétences du Président de la République. 95

B. Le gouvernement fédéral. 96

1. Composition du gouvernement fédéral et mode de désignation de ses membres. 96

2. Attributions du gouvernement et du Premier Ministre. 97

C. Le Parlement 97

1. Mode de recrutement. 98

2. Attributions. 98

§2. Relations entre les institutions et entre les organes du Pouvoir. 98

I. Le Président de République fédérale, le Premier Ministre et les membres du gouvernement fédéral. 99

II. L'Exécutif et le Législatif. 100

§3. Fonctionnement des institutions. 100

I. Paralysie des institutions sous la loi du 1er août 1964. 101

II. Echec d'institutionnalisation du pouvoir sous la constitutions du 1er août 1964. 102

§4. Incidence de la constitution du 1er août 1964 sur le pouvoir et l'Etat. 103

I. Projection théorique. 104

II. Le Pouvoir dans le chaos. 104

III. Poursuite du processus d'effondrement de l'Etat embryonnaire. 107

A. Incidence sur les conditions d'existence de l'Etat. 107

1. Incidence de la crise politique sur la population au Congo. 108

2. Incidence de la crise politique sur le territoire. 110

3. Incidence de la crise politique sur la puissance publique. 112

B. Incidence de la crise du pouvoir sur les fonctions et le rôle de l'Etat congolais en 1964. 116

' 1. La République Démocratique du Congo et l'Etat libéral. 117

' 2. La République Démocratique du Congo de 1964 et l'Etat totalitaire. 117

'- 3. La République Démocratique du Congo et l'Etat Marxiste - Léniniste. 118

' 4. La République Démocratique du Congo de 1964 et l'Etat moderne. 118

' 5. La République Démocratique du Congo et l'Etat de Droit. 119

CHAPITRE II :L' ETAT SOUS LA DEUXIEME REPUBLIQUE 119

SECTION 1. AMÉNAGEMENT CONSTITUTIONNEL DU POUVOIR SOUS LA CONSTITUTION DU 24 JUIN 1967. 120

§ 1. Les institutions politiques. 120

I. Le Président de la République. 120

II. Le Gouvernement . 121

III. L'Assemblée Nationale. 122

§2. Relation entre les institutions. 122

§3. Fonctionnement des institutions et exercice du pouvoir. 122

I. La résorption de la crise politique. 123

II. Renforcement de l'Exécutif. 125

SECTION 2. IMPACT DE LA CONSTITUTION DU 24 JUIN 1967 SUR LA FORME DU POUVOIR ET SUR LA FORMATION DE L'ETAT. 127

§1. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur le pouvoir. 127

§2. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur le sort de l'Etat. 129

I. Mythe de la renaissance de l'Etat congolais. 130

1. Reconquête du territoire. 131

2. Regroupement des populations. 132

II. Sublimation du Parti Unique et effondrement de l'Etat. 133

1.Sublimation du Parti unique. 133

2.Effondrement de l'Etat. 136

CHAPITRE III : L'ETAT SOUS LA PERIODE DE TRANSITION. 138

SECTION 1. LE POUVOIR ET L'ETAT SOUS L'ACTE CONSTITUTIONNEL DE LA TRANSITION DU 09 AVRIL 1994. 139

§1. Aménagement juridique des pouvoirs et fonctionnement des institutions 139

I. Aménagement des pouvoirs 139

A. Les institutions politiques. 139

B. Les attributions constitutionnelles des institutions. 140

1. Le Président de la République. 140

2. Le Haut - Conseil de la République, Parlement de transition. 141

3. Le Gouvernement. 141

C. Les relations entre les institutions 143

1. Le Président de la République et le gouvernement. 143

2. L'exécutif et le législatif. 144

a.Le Président de la République et le Parlement ; 144

b.Le Gouvernement et le Haut - Conseil de la République - Parlement de la transition. 144

II. Fonctionnement des institutions. 145

§2. Impact de l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994 sur le sort de l'Etat. 146

I. L'inefficience du pouvoir politique « constitutionnalisé ». 147

II. La dislocation et le relâchement du lien national et la résurgence des sentiments ethniques. 148

III. L'effondrement du rôle de l'Etat ou le retour du « zombi » à sa tombe. 150

SECTION 2. POUVOIR ET ETAT SOUS LE DÉCRET-LOI N° 003 DU 28 MAI 1997 RELATIF À L'ORGANISATION ET À L'EXERCICE DU POUVOIR EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO. 152

§1. Aménagement constitutionnel des pouvoirs. 153

I.Présentation des institutions politiques. 153

A. Les attributions constitutionnelles du Président de la République. 153

B. Les attributions constitutionnelles de l'Assemblée constituante et législative/Parlement de transition. 154

C. Les attributions constitutionnelles du gouvernement et des Ministres. 155

II. Les relations entre les pouvoirs. 155

A. Les rapports entre le Président de la République et le Gouvernement. 155

B. Les rapports entre le Président de la République et le Parlement. 155

C. Les rapports entre le gouvernement et l'Assemblée constituante/Parlement de transition. 156

§2. Fonctionnement des institutions. 156

I. Renforcement du pouvoir exécutif. 156

A. La crispation politique. 157

B. Le blocage du système institutionnel. 157

§3. Impact du Décret-loi constitutionnel du 27 mai 1997 sur le pouvoir et sur la formation de l'Etat. 158

I. Incidence du Décret-loi constitutionnel sur le pouvoir. 158

II. Incidences du Décret-loi constitutionnel sur la formation de l'Etat. 158

A. Pendant la guerre dite d'agression. 159

B. A l'issue de la guerre. 162

SECTION 3. LE POUVOIR ET L'ETAT SOUS LA CONSTITUTION DE LA TRANSITION DU 04 AVRIL 2003. 163

§1. Aménagement constitutionnel du pouvoir. 163

I. Les institutions politiques et leurs compétences constitutionnelles. 163

A. Les institutions de la République. 163

B. Les compétences constitutionnelles des institutions politiques de la transition. 164

1. Attributions du Président de la République. 164

2. Du Gouvernement et de ses membres. 165

3. Des Vice-Présidents de la République et des Ministres. 166

4. De l'Assemblée Nationale. 167

5. Du Sénat. 167

II. Des relations entre les institutions. 167

III. Fonctionnement des institutions de la transition. 168

§2. Impact de la constitution de la transition du 04 avril 2003 sur la forme du pouvoir et sur la formation de l'Etat. 170

I. Amorce de l'institutionnalisation du pouvoir. 170

II. Retour au premier principe de séparation des pouvoirs. 171

III. Processus de réfondation de l'Etat. 172

A. La réunification du pouvoir. 173

B. La réunification du territoire national et le regroupement des populations. 174

C. La reconquête de la souveraineté et de l'intégrité territoriale. 174

SECTION 4. POUVOIR ET ETAT SOUS LA CONSTITUTION DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO DU 18 FÉVRIER 2006. 176

§1. Aménagement constitutionnel des pouvoirs sous la constitution de la République Démocratique du Congo. 176

I. Institutions politiques et leurs attributions. 177

A. Le Président de la République sous la nouvelle constitution. 177

B. Les attributions du gouvernement sous la nouvelle constitution. 178

C. Le Parlement sous la constitution de la République Démocratique du Congo du 10 février 2006. 179

II. Relations entre les institutions. 179

A. Le Président de la République et le Gouvernement. 179

B. L'Exécutif et le législatif. 182

§2. Fonctionnement des institutions et devenir de l'Etat sous la constitution de la République Démocratique du Congo sur le pouvoir et l'Etat du 18 février 2006. 183

I. Le pouvoir sous l'empire de la nouvelle constitution. 183

II. L'Etat sous l'empire de la nouvelle constitution. 185

CONCLUSION GENERALE. 188

BIBLIOGRAPHIE 201

I. OUVRAGES GENERAUX. 201

II. OUVRAGES SPECIFIQUES. 202

III. ARTICLES. 204

IV. THESES. 205

V. DOCUMENTS ET TEXTES OFFICIELS. 205

VI. COURS. 209

LES PRINCIPALES ABREVIATIONS. 209

TABLE DE MATIERES. 210

* 1 Goossens, C.), « Préface » DJELO, E.O,in L'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire. Le cas du Zaïre, Bruxelles, le Bel Elan Editeur, 1990, p.20

* 2 DJELO, E.O,op.cit, p. 20.

* 3 Hobbes, (T.), Léviathan, 1ère partie, De l'homme, trad. Antony, (A.), Paris, Giard, 1921, p,p. 198-199 cité par...

* 4 Hermet, G. et al. « dictionnaire de la science politique et des institutions politiques », 5è éd. Paris, Armand colin, 1994, p. 107.

* 5 SINDJOUN (L.), l'Etat ailleurs, Entre noyau dur et case vide, Paris, Economica, 2004, p.1.

* 6 Ali Kazancigal (sous la direction de ), l'Etat au pluriel, Paris, Economica/UNESCO, 1985.

* 7 Tessy Bakary, « côte d'ivoire, l'étatisation de l'Etat : l'Etat d'Afrique noire », sous la direction de Jean François, (M.), Paris Karthala, 1991, p. 53, cité par SINDJOUN, (L.) op. cit.

* 8 Idem.

* 9 Le terme « statolité » désigne la qualité d'Etat, et a été utilisé par le Professeur Augustin Kontchou Koumegni, « De statolité en Afrique : à la recherche de la souveraineté », Revue science et technique, volume VI, n° 3-4, juillet décembre 1989, p. 19-33.

* 10 Bibombe Mwamba, (B.), Formes de l'Etat, Régimes Politiques et systèmes électoraux. Dossiers de Droit constitutionnel et institutions politiques, Publications de la Faculté de Droit de l'Université libre des Pays des Grands Lacs « U.L.P.G.I. », Goma 2002, p.11.

* 11 Dictionnaire québécois d'aujourd'hui, 1996-1997, p. 1024, cité par BIBOMBE MWAMBA B, idem.

* 12 Mupapa Say, (M-A), Le Congo et l'Afrique à l'orée du troisième millénaire. Photogénie d'un sous-développement, Kinshasa, PUC, 2004, p. 16.

* 13 Mupapa Say, (M.A), op.cit, p. 16.

* 14 Idem.

* 15 Niemba Souga, (J.), Etat de Droit, Démocratique, fédéral au Congo-Kinshasa source de stabilité réelle en Afrique centrale, Paris, l'Harmattan, 2000, p.10

* 16 Idem.

* 17 Ibidem

* 18 Niemba Souga, (J), op.cit, p. 10.

* 19 Goffaux, (J.), Problèmes de développement, Kinshasa CRP, 1986, p. 180, cité par Djelo, (E-O), l'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire, Bruxelles, Bel élan, p. 146.

* 20 Paul VI, le développement des peuples, Tournoi, 1967, n° 6

* 21 Goffaux, (J.), cité par Djelo, (E-O), op.cit, p. 146.

* 22 Djelo, (E-O.), op. cit. p. 146

* 23 Lumanu Mulenda, B-S, Dépendance et personnification du pouvoir dans la dynamique de l'édification de l'Etat au Zaïre sous la deuxième République. Essai d'explication du fondement et des mécanismes de consolidation du bloc historique actuel, T1, Thèse de Doctorat en sciences sociales administratives et politiques, Université de Lubumbashi, 1985, inédit p.13.

* 24 Idem.

* 25 Ibidem.

* 26 Lumachelle Mulenda, B-S. op.cit. p.51.

* 27 Ilunga Kabongo, Déroutante Afrique ou la syncope d'un discours d'ouverture de la 12è conférence annuelle de l'Association canadienne des études africaines, University of Toronto du 11-14 mai 1982 ; In revue canadienne des études africaines vol 8. n° 1. op.cit. pp. 13-32.

* 28 Le phare n° 2452, quotidien du 22 octobre 2004, p. 2.

* 29 Crawford Young, « Zaïre is a state » in Revue canadienne des études africaines, vol 8, n° 1, 1984, op.cit, p.p. 80-82.

* 30 Lire à ce propos, Luc Sinajou, op.cit. pp,14-28 ;

Lumanu Mulenda. B-S. op.cit. p.p.

* 31 Sindjou (L.), op.cit. p. 14.

* 32 Idem.

* 33 Tessy (D.B.), l'Etat en Côte d'Ivoire (entre « dépendance » et « autonomie relative »), cité par Sindjou L., op.cit. p.14.

* 34 Zartman, (W.) (sous direction de ), l'effondrement de l'Etat. Désintégration et restauration du pouvoir légitime, Nouveaux Horizon, 1997, cité par Sindjou, idem

* 35 Badie, (B.), l'Etat importé. L'occidentalisation de l'ordre politique, Paris, Fayard, 1992. lire aussi du même auteur, les deux Etat Pouvoir et Société en occident et en terre d'Islam, Paris, Fayard, 1986, cité par Sindjou, (L.), idem.

* 36 Davidson, B., the black man's barden : Africa and curse of the nation-state, New-York, Times Books, Random House, 1992.

* 37 Marcel Merle met en doute l'existence d'un modèle d'Etat occidental. Il préfère parler des modèles d'Etat occidentaux car l'Etat n'est qu'un modèle abstrait dont les formes ont revêtu dans son propre terrain d'origine, des incarnations très diverses, lire Merle, (M.), « la crise des nations internationales ». A propos du livre de Bernard Badie L' «Etat importé » in Esprit n° 197, décembre 1993, Paris, p.p. 102-167.

* 38 Zartman W.,cité par DJOLI E.E, le constitutionnalisme africain entre la gestion des héritages et l'invention du futur, l'exemple congolais, thèse de Doctorat d'Etat en droit public, Université Paris I. Panthéon - Sorbonne, 200...., inédit p. 8.

* 39 Zartman W.,cité par Djoli,( E.E), le constitutionnalisme africain entre la gestion des héritages et l'invention du futur, l'exemple congolais, thèse de Doctorat d'Etat en droit public, Université Paris I. Panthéon - Sorbonne, 2003, inédit p. 8.

* 40 Lire, Burdeau, G., Traité de science politique T. II l'Etat, Paris, R. Pichon et R. Durand Auzias ; 1967, p.p. 77-252.

* 41 Montréal, Canada, 1998, cité par SHOMBA Kinyamba S., Méthodologie de la Recherche scientifique parcours et moyens d'y parvenir, Kinshasa, Edition M.E.S, 1995, p. 51.

* 42 Rezsahazy, (R.), théorie et critique des faits sociaux, la Renaissance du livre, Bruxelles, 1971, p.24.

* 43 Gordon Mace, Guide d'élaboration d'un projet de recherche, Paris, Editions universitaires,.....p.

* 44 Djoli Eseng'Ekeli, J., le constitutionnalisme africain entre la gestion des héritages et l'invention du futur, l'exemple congolais, thèse de Doctorat d'Etat, Université Paris I, Panteon - Sorbonne, 2002, inédit, p.p. 4-10.

* 45 Sall Babacar, « Anétatisme et modes sociaux de recours », p. 247 in GEMDEV (coll.), les Avatars de l'Etat en Afrique, Paris Karthala, 1997, cité par Djoli, E.E. idem.

* 46 Braud (Ph.), La science Politique, II, l'Etat, Paris, Seuil, 1997, p. 229.

* 47 Prélot. M., Institutions politiques et Droit constitutionnel, Paris, P.U.F, 1969, p. 2.

* 48 Aristote cité par Prélot, (M.), idem, p. 4.

* 49 Bluntshi, théorie générale de l'Etat, trad. Ricomataten, Paris, Guillaumin 1977, p. 30.

* 50 BOSHAB, (E.), Comment conduire une recherche en D.E.S. : Conseils pratiques en marge du Droit constitutionnel, cous de D.E.S.

* 51 Sur ces méthodes, lire utilement Cohendet, (A.), Méthodes de travail en Droit public, Paris, 3ème éd. Montchrestien, 1998, p.p. 30-31.

* 52 Legrain, (M.), (sous direction de ), Dictionnaire pratique de la langue française, le Robert, Gilbert - Clarey, Paris, 1996, p. 1489.

* 53 Weber, (M.), « Le métier et la vocation d'homme politique », in Leclercq, (C.) et Chalvidan, (P.H.), op cit, p 26

* 54 Prelot, (M.), op.cit, p. 12.

* 55 Burdeau, (G.), op.cit, p. 99.

* 56 cité par Burdeau, G. idem

* 57 Cité par Burdeau, G., ibidem.

* 58 Ihering, Der Zwech im Recht, T. 1, 1880, p. 311, cité par Burdeau, G., op.cit, p. 100.

* 59 Lire dans ce sens, Mpongo, (E.), op cit, p. 147.

* 60 Idem

* 61 Cité par Niemba (S.J.), op.it, p. 19.

* 62 Burdeau, G., op.cit, p. 174.

* 63 Lire aussi Carré de Malberg sur l'unité juridique de la collectivité étatique. Carré de Malberg, op.cit, p.

* 64 Hauriou, Précis de droit constitutionnel, 2è éd., 1929, p. 17. cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 177.

* 65 Idem.

* 66 Ibidem.

* 67 Cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 178.

* 68 Burdeau, G., op.cit, p. 179.

* 69 Casamayor, Le bras séculier, justice et police, 1960, p. 85., cité par Burdeau (G.), op.cit, p. 179.

* 70 Burdeau (G.), op.cit, p. 179.

* 71 Idem

* 72 Voy, Burdeau, (G.), op.cit, p.

* 73 Prélot, (M.), op.cit, p. 39.

* 74 Malinowski, Freedom and civilisation, cite par A. Cuvillier, Manuel de sociologie, Paris, P.U.F., 1960, p. 217.

* 75 Burdeau, (G.), op.cit, p.p. 169-

* 76 Prélot, (M.), op.cit, p. 15.

* 77 Ntumba Luaba, op.cit, p. 92.

* 78 Lire en ce sens, Burdeau, (G.), L'Etat, Paris, Editions du seuil, 1970, p. 15.

* 79 idem

* 80 M. Weber cité par Burdeau (G.), op.cit, p. 15.

* 81 Prélot, (M.), op.cit, p. 16.

* 82 Prélot, (M.), op.cit, p. 16.

* 83 Chagnollaud, (D.), op.cit, p. 7.

* 84 idem

* 85 Prélot, (M.), op.cit, p. 16.

* 86 Chagnollaud, D., op.cit, p. 6.

* 87 Idem.

* 88 Lire en ce sens, Berr (G.), cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 160.

* 89 idem

* 90 G. Renard, Théorie de l'institution, 1930, p. 160, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 190.

* 91 Boutruche, (R.), seigneurie et féodalité, 1959. I, p. 296, cité par Burdeau, (G.), idem.

* 92 Burdeau, (G.), op.cit.

* 93 Sanchez, (A.), cité par Burdeau (G.), op.cit, p. 192.

* 94 Ozamam, et Viollet, cité par Burdeau, G., op.cit, p. 196.

* 95 David, (M.), La souveraineté et les limites du pouvoir monarchique, du IXè au XVè sicles, 1954, p. 224 et du même auteur, Le serment du sacre, 1951, p.p. 236 et suiv., cité par Burdeau, G., op.cit, p. 197.

* 96 Lhommeau, Maximes générales du droit français, 1665, p. 13, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 198.

* 97 Burdeau, (G.), op.cit, p. 198.

* 98 Burdeau (G.), op.cit, p. 210.

* 99 idem.

* 100 Burdeau, (G.), op.cit, p. 213.

* 101 Idem, p. 214.

* 102 Sur ce point lire utilement Jacqué, J.P., op.cit, p.p. 46-47.

* 103 Jacqué (J.P.), Op.cit, p.p. 46-47.

* 104 Prélot, (M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, Dallas, 1969, p. 1.

* 105 « Là où il y a la société, là est le droit ».

* 106 Machiavel, N ; cité par Prélot, M. op.cit. p.1 ; sur l'étymologie et la naissance de l'Etat, lire aussi Mpongo Bokako Bautolinga, E. institutions politiques et droit constitutionnel, T. 1. Théorie générale des institutions politiques de l'Etat, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2001, p.p. 27-28.

* 107 Prélot, M. op.cit. p.1

* 108 Mpongo Bokako, (E.), op.cit. p. 28.

* 109 Jèse, (G), cité par Ntumba-Luaba Lumu, Droit constitutionnel Général, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2005, p. 20.

* 110 Ntumba Luaba, Idem.

* 111 Burdeau, (G). op.cit. p. 78.

* 112 Cependant Burdeau reconnaît que seuls, dans les doctrines françaises, Duguit et Jean Dabin, distinguent entre le milieu sociologique, condition de formation de l'Etat, et les éléments constitutifs de celui-ci.

* 113 Les professeurs Mpongo Bokoko et Ntumba Luala, parlent des éléments constitutifs de l'Etat. Voy. Mpongo, (B.), op.cit, p. 28, Ntumba Luaba, op.cit , p. 30.

* 114 Burdeau, (G.), op.cit, p. 78.

* 115 Ntumba Luaba, op.cit, p. 30.

* 116 Burdeau. G, op.cit, p. 78.

* 117 Lire utilement, Burdeau, (G.), op.cit, p.p. 48 et s., Chagnaullaud, D., op.cit., p.p. 5 et 6, Mpongo, (E.), op.cit., p. 57.

* 118 Hobbes, (T.), Léviathan, 1ère partie, De l'homme, trad, R, Anthony, Paris, Gard, 1921, p.p. 198, 2004, 211, 212, 238 et 239.

* 119 Idem

* 120 Ibidem

* 121 Hobbes, T., Léviathan, 2è partie, De l'Etat, éd., O & ford, Clarendon Press, 1909, pp 131 et 132.

* 122 Bossuet, cité par Mpongo, E., op.cit, p. 59.

* 123 Rousseau, (J.J.), Du contrat social, Paris, Unions générales d'éditions, 1973, p. 61.

* 124 Rousseau, (J.J.), Du contrat social, Paris, Unions générales d'éditions, 1973, p. 62.

* 125 Rousseau, J.J., cité par Ntumba Luaba, op.cit., p. 23.

* 126 Mpongo, (E.), op.cit, p. 24.

* 127 Locke, (J.), Essais sur le pouvoir civil, 1960, trad. Fyot, Paris, PUF, 1953, p.p 63 et s.

* 128 Locke, J., op.cit., p.p. 63 et s.

* 129 Idem.

* 130 Locke, J., op.cit., p.p. 63 et s.

* 131 Mpongo. E., op.cit., p. 62.

* 132 Idem.

* 133 Lihau, M., cité par Ntumba Luaba, op.cit., p. 26.

* 134 Mpongo,E., op.cit., p. 63.

* 135 Mpongo,E., op.cit., p. 63.

* 136 Comme le professeur Mpongo, voy. Mpongo,

* 137 Burdeau, (G.), op.cit., p. 73.

* 138 L'idée, du pactum subjectionis, parfois appelé pacte de souveraineté, procède de l'interprétation que les théologiens du Moyen Age donnèrent de la notion ancienne du contrat social.

* 139 Sur le pacte de sujétion, lire, Hitier, la doctrine de l'absolutisme in « Annales de l'université de Grenoble », T.XV, 1903, cité par Burdeau, (G.), op.cit., p. 74.

* 140 cité par Burdeau, (G.), op.cit., p. 74.

* 141 Althusius, cité par Burdeau, Idem

* 142 Burdeau, G., op.cit., p. 76.

* 143 Idem

* 144 Ibidem.

* 145 Hauriou, (M.), Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2è éd., 1929, réédité par la C.N.R.S., cité par Ntumba Luaba, op.cit., p. 27 ; Voy. Aussi Mpongo (E.), op.cit., p. 63.

* 146 Idem

* 147 Hauriou, M., cité par Mpongo, (E.), op.cit., p. 65.

* 148 Idem

* 149 Sur l'appréciation critique de la théorie de Maurice Hauriou, lire, Mpongo,E., op.cit., p.p. 66-67, Duverger, (M.), cité par Ntumba Luaba, op.cit., p. 28.

* 150 Burdeau, G., po.cit., p. 8.

* 151 Mpongo, E., op.cit., p. 66.

* 152 Burdeau,G., op.cit., p. 8.

* 153 Idem. Burdeau, cité parmi les plus remarquables : Gierke, Die Grundbergriff des Staatsrechts, Zeitsehr, Fiir die Gesammte Reichtswissenchaft, T. XXX, p. 170; N.M. Korkounov, Cours de théorie générale du droit, trad. Larnaude, 1903, p. 356 ; Orlando, (V.E.), Précis de droit public et constitutionnel, Trad. Franç., 1902, p.p. 29-33 ; Jellinek, l'Etat moderne et son droit, Trad. Franç. T. I, 1911, p. 218; Michaud(L.), la personnalité morale, 2è éd., T. I, p.p. 289 et suiv. ; Esmein, Eléments de droit constitutionnel, 7è éd., 1921, T. I, p. 2, Erich, (R.), la naissance et la reconnaissance des Etats, Académie de droit international, recueil des cours, T.13, 1926, III, p. 442 ; Dabin, (J.), philosophie de l'ordre juridique positif, 1929, p. 187, note1, doctrine générale de l'Etat, trad. Franç., 1877, p.p. 229 et suiv. ; Bluntshili, théorie générale de l'Etat, 1877, p.p. 229 et suiv.

* 154 Ibidem,

* 155 Mpongo, E., op.cit., p. 65.

* 156 Ntumba Luaba, op.cit, p. 27.

* 157 cité par Burdeau, (G.), op.cit., p. 10.

* 158 Idem.

* 159 Mpongo, E., op.cit., p. 68.

* 160 Idem

* 161 Novicow, Les luttes entre sociétés humaines, 1893, p. 82, cité par Burdeau, G., p. 11.

* 162 Oppenheimer, (R.), l'Etat ses origines, son évolution et son avenir, trad. Franç., 1913, p.p. 11-58, 118, cité par Burdeau, (G.), Idem.

* 163 Oppenheimer, (R.), l'Etat ses origines, son évolution et son avenir, trad. Franç., 1913, p.p. 11-58, 118, cité par Burdeau, (G.), Idem.

* 164 Burdeau, op.cit, p. 14.

* 165 Burdeau, (G.), op.cit, p. 10.

* 166 Idem, p. 14.

* 167 Prélot, M., op.cit, p. 2.

* 168 Febvre, (L.), De l'Etat historique à l'Etat vivant, Préface au Tome X de l'encyclopédie française, L'Etat moderne, Paris 1ère éd., 1935, p. 10083

* 169 Hauriou, (M.), Principes du droit public, cité par Prélot, (M.), op.cit., p. 3.

* 170 Mpongo, (E.), op.cit, p. 68, Ntumba Luaba, op.cit, p. 27.

* 171 Idem

* 172 Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'Etat, T. I, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p 29.

* 173 Burdeau, (G.), op.cit, p. 29.

* 174 Idem

* 175 Carré de Malberg, op.cit, p. 62.

* 176 Kelsen, H., Aperçu d'une théorie générale de l'Etat, Paris, Rev. Du droit public., 1926, p.p. 561 et suiv.

* 177 Mpongo, (E.), op.cit, p. 69.

* 178 Idem

* 179 Mpongo, (E.), op.cit, p. 69.

* 180 Koelbreuter, (O.), Goundriss der allgemeinen Staatsre chtslekre, 1933, p. 6, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p.30.

* 181 Burdeau, (G.), op.cit, p. 31.

* 182 Idem.

* 183 Burdeau, (G.), op.cit, p. 31.

* 184 Lire, Marx - Engels, Etudes philosophiques, Paris, éditions sociales, 1961, in Leclereq, (C.) et Chavildan, (H.P.), Travaux dirigés de droit constitutionnel, 8ème édition, litec, Paris, 1996, p. 45 ; Burdeau (G.), op.cit., p. 20 ; Mpongo, (E.), op.cit., p. 69 ; Ntumba Luaba, op.cit ; p.p. 28, 29.

* 185 Marx, K, Critique de la philosophie du droit de Hegel, éd. Méga, T. I, p.p. 404 et suiv. cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 20, lire utilement aussi, Hyppolite, (J.), La conception hégélienne de l'Etat et sa critique par K. Marx, in Cahiers internationaux de sociologie, vol 2, 1947, p.p. 142 et suiv ; Gurvitch, G., la sociologie du jeune Marx, Ibid., vol 4, 1948, p.p. 3 et suiv.

* 186 Lefèvre, H., Le marxisme, 1951, p. 93, cité par Burdeau, G., op.cit., p. 20.

* 187 Engels, « Signification de l'Etat bourgeois. L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat », in oeuvres complète de Engels, (F.), Paris, Ed. sociales, 1966, p.p. 155 et 156.

* 188 Lénine, L'Etat et la Révolution, p. 12, cité par Burdeau, (G.), Ibidem, p. 20.

* 189 Engels, op.cit., p. 227.

* 190 Stoyanovitch, Marxisme et droit, 1964, p.p. 74 et suiv., cité par Burdeau, G., op.cit., p. 21.

* 191 Lénine, L'Etat et la Révolution, (1917) oeuvres complètes, T. xxv, Moscou, Ed. en langues étrangères, 1966, p. 477.

* 192 Lire dans ce sens Burdeau (G.), op.cit., p. 22.

* 193 Idem

* 194 Engels, F., Anti-Diihring, éd. Castes, T. III, p.p. 46 et suiv., cité par Burdeau, (G.), op.cit., p. 23.

* 195 Engels, F., Anti-Diihring, éd. Castes, T. III, p.p. 46 et suiv., cité par Burdeau, (G.), op.cit., p. 23.

* 196 Aron, R., Le grand schisme, Paris, 1948, p. 132, cité par Burdeau, G., Ibidem.

* 197 Burdeau, (G.), op.cit., p. 34.

* 198 Guillien, (R.), et Vincent, (J.), Lexique des termes juridiques, 14è éd., Paris, Dallez, p 2003, p. 107.

* 199 Idem

* 200 Ibidem

* 201 Hermet, (G.), et al, op.cit, p. 107.

* 202 De Villiers, (M.), Dictionnaire de droit constitutionnel, 4è éd, Paris, Armand Colin, 1998, p. 104.

* 203 Hermet, (G.), Badie, (B.) et al., dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, 5è éd., Paris, Armand Collin, 1994, p. 107.

* 204 Idem

* 205 Mpongo, E., op.cit, p. 25.

* 206 Idem.

* 207 Ibidem.

* 208 Carré de Malberg, les éléments constitutifs de l'Etat, op.cit, p. 41.

* 209 Mpongo, E., op.cit, p. 25.

* 210 Mpongo, E., op.cit, p. 25.

* 211 Duguit, L., cité par Mpongo, E., op.cit, p. 71.

* 212 Hauriou, M., cité par Mpongo, E., Idem.

* 213 Carré de Malberg, R., cité par Mpongo, Ibidem.

* 214 Hauriou, (M.), Principe du droit public, cité par Prelot, (M.), op.cit, p. 3.

* 215 Carré de Malberg, Les éléments constitutifs de l'Etat, in Chalvidan, (H.) et al., Travaux dirigés de droit constitutionnel, Paris, Litec, 1996, p. 41.

* 216 Consulter utilement : http : // www.vie-publique.fr/découverte_instit/approfondissements/approf_003.htm.; Chevalier (J.), l'Etat de droit (n.898 mars 2004) http : // www.la documentation française.fr/catalogue/330333208985/index. ; Nicolaï, (A.), Etat de droit, démocratie et développement, in http: / www.globenet.org /horison_local /delphes/delpnic.html.

* 217 lire à ce propos, Chevallier (J.), l'Etat de droit, Paris Montchrestien, 1993 ; Kelsen, (H.), Théorie du Droit, Paris Sirey, 1962, la Pensée politique de H. Kelsen Coen, centre de publication de l'université de Coen, 1990 ; Troper, M., pour une théorie juridique de l'Etat, Paris, PUF, 1994, transcrites par Hermet (G.) et al., Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, 5è éd., Paris, Armand Colin, 1994, p. 109.

* 218 Michel de Villiers, op.cit., p. 104.

* 219 Burdeau, G., op.cit.214.

* 220 Article 8 de la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.

* 221 Article 11.

* 222 Article 12.

* 223 Article 17.

* 224 Article 20.

* 225 Article 21.

* 226 Article 22.

* 227 Article 23.

* 228 Article 24.

* 229 Article 26.

* 230 Article 27.

* 231 Article 28.

* 232 Article 29.

* 233 Article 30.

* 234 Article 31.

* 235 Article 32.

* 236 Article 47.

* 237 Article 15. L.F.

* 238 Article 84. L.F.

* 239 Article 50. et suiv. L.F.

* 240 Article 51. L.F.

* 241 Article 14 de la loi fondamentale du 1er mai 1960 relative aux structures du Congo, ni Iyeleza (M.), op.cit, p.4.

* 242 Articles 45 et 46 de la loi fondamentale au 19 mai 1960.

* 243 Articles 71,72,73,74 et 75 du même texte.

* 244 Kamitatu (C.), La grande mystification du Congo-Kinshasa, les crimes de Mobutu, cité par Lumanu Bwana Sefu, op.cit, p. 211.

* 245 Lumanu, (B-S.), op.cit, p. 211.

* 246 idem, p. 211.

* 247 Ndaywel, op.cit, p. 583.

* 248 Lire dans ce sens, Ndaywel, op.cit, p. 583, Lumanu B-S., op.cit, p. 269.

* 249 William J.C. cite par Ndaywel, op.cit. p. 582.

* 250 Gerod L.J. et Verhaegen. B. cité par Ndaywel, op.cit, p. 582.

* 251 Selon Boissonnade (1990, 89), cité par Ndaywel, l'ambassadeur des USA aurait menacé Kasa-Vubu, de lui retirer l'appui de son pays s'il se réconcilier avec Lumumba. Les américains y étaient farouchement opposés, les belges aussi.

* 252 Lumanu B-S., op.cit, p. 269.

* 253 Lumanu (B.S.), op.cit, p. 269.

* 254 Ordonnance du 14 septembre 1960 in Moniteur congolais n° 10 du 3 octobre 1960.

* 255 Lire Prélot, M., op.cit, p. 16.

* 256 TSHOMBE fut à la tête de la République du Katanga le 11 juillet 1960 et

* 257 Albert KALONJI, proclama l'autonomie du « Sud - Kasaï », le 8 août 1960.

* 258 Décret-loi constitutionnelle du 9 février 1961 relatif à l'exercice des pouvoirs législatifs et exécutifs à l'échelon central, in Moniteur Congolais n° 5 du 9 février 1961. Décret contresigné par Mbomboko et Lihau.

* 259 Mutinerie de l'ANC (), sécession Katangaise (), sécession Kasaïenne (), révocation de Lumumba (5 sept.)

* 260 Lire utilement Ndaywel, op.cit, p.p. 569-570.

* 261 Ilunga Kabongo, Crise politique, concept et application à l'Afrique, cahiers économiques sociaux, vol III, n° 3, octobre 1965, p. 327.

* 262 Young,(C.), Introduction à la politique congolaise, Bruxelles, CRISP, 1968, p. 171.

* 263 Les études les plus intéressantes sont de : Libois (T.G) et Verhaegen (B.), Congo 1960, T.I et T. II, Bruxelles, Dossiers du CRISP, 1960, cités par Mpinga K., op.cit, p. 19.

* 264 Mpinga, K., op.cit, p. 20.

* 265 Idem.

* 266 Ibidem.

* 267 Mpinga, K., op.cit, p. 23.

* 268 Idem.

* 269 Ibidem.

* 270 Mpinga (K.), op.cit, p. 24.

* 271 E, Littré, op.cit, p. 134.

* 272 Bourricaud, (F.), Esquisse d'une théorie de l'autorité, Paris, Plon, 1961, p. 4.

* 273 Lalande, A., cité par Mpinga K., op.cit, p. 25.

* 274 Lacroix, J.L. Industrialisation au Congo, Paris, la Haye, Mouton, 1966, p. 198.

* 275 Mpinga K., op.cit, p. 27.

* 276 « Le pouvoir politique est l'exercice de l'autorité légitime de quelques uns sur tous », Association française de science politique, colloque de 1963, cité par Mpinga K., op.cit, p. 27.

* 277 Ziegler, J., Sociologie de la nouvelle Afrique, Paris Gaillimard, p.p. 215-216, cité par Mpinga K., op.cit, p. 27.

* 278 Idem.

* 279 Pour la relation des faits, lire utilement :

- Ndaywel, e Nziem (I.), op.cit, p.p. 605-610;

- Lumanu M.B.S., op.cit, p.p. 270-280 ;

- Mpinga Kasenda, op.cit, p.p. 20-30;

- C. Young, op.cit, p.p. 174-183.

* 280 C. Young, op.cit, p. 306.

* 281 C. Young, op.cit, p. 174.

* 282 Buchmann, (J.), l'Afrique noire indépendante, Paris, L.G.D.J., 1964, p. 7.

* 283 Mpinga, K., op.cit, p. 34.

* 3

* 284 Rapporté dans Présence congolaise, le 3 novembre 1962, cité par C. Young, op.cit, p. 203.

* 285 Nous ne parlons pas du coup d'Etat rapidement opéré et réussi, mais du vacuum de l'autorité.

* 286 Ziegler, (J.), op.cit, p.p. 215-216.

* 287 Nous faisons allusion aux bébés nés prématurés entretenus et soignés dans les couveuses.

* 288 Ziegler, (J.), op.cit, p.p. 215-216.

* 289 Lire utilement Mpongo, B. (E.), op.cit, p. 44; Burdeau (G.), op.cit, p. 84.

* 290 Mpongo B. (E.), op.cit, p. 44.

* 291 Idem.

* 292 Ziegler, (J.), op.cit, p.p. 215-216.

* 293 Terme rappelant les « mort-vivant » mythique de la religion vaudou.

* 294 Article 56 de la constitution du 1er août 1964.

* 295 Article 56 de la constitution du 1er août 1964

* 296 Article 59.

* 297 Article 60 de la constitution du 1er août 1964.

* 298 Article 61 du même texte

* 299 Article 95 de la constitution du 1er août 1964

* 300 Article 97 du même texte

* 301 Article 62 du même texte.

* 302 Idem.

* 303 Article 63 de la constitution du 1er août 1964.

* 304 Idem.

* 305 Article 65 de la constitution du 1er août 1964.

* 306 Article 64 du même texte.

* 307 Idem.

* 308 Ibidem.

* 309 Article 66, al. 1er. de la constitution du 1er août 1964.

* 310 Article 74 du même texte.

* 311 Article 75 du même texte.

* 312 Article 99 du même texte.

* 313 Article 56 de la constitution du 1er août 1964.

* 314 Article 54 du même texte.

* 315 Article 67 du même texte.

* 316 Article 68 du même texte.

* 317 Article 66 du même texte.

* 318 Article 36 du même texte.

* 319 Article 70.

* 320 Article 66.

* 321 Lire utilement LUMANU, S., op.cit, p. 350.

* 322 NDAYWEL è NZIEM (I.), «La République Démocratique du Congo et ses constitutions successives», in comprendre la Transition ou la constitution de la Transition expliquée, Kinshasa, Fored, 2004, p. 26.

* 323 Chef lieu de la province du Kasaï Occidental, actuel Kananga.

* 324 « Justice, Paix, Travail ».

* 325 Article 4 de la constitution du 1er août 1964.

* 326 Article 3 du même texte.

* 327 Ndaywel è Nziem (I.), Histoire générale du Congo de l'héritage ancien à la République Démocratique, Paris, Bruxelles, Afrique - Editions, 1998, p.p. 611 et s.

* 328 Idem, p. 611.

* 329 Ndaywel è Nziem (I.),op.cit, p. 611.

* 330 Mbaya (E.R.), cité par Ndaywel è Nziem, op.cit, p. 612.

* 331 Congo 1963, p. 332-235 cité par Ndaywel è Nziem (I.), op.cit, p. 612.

* 332 Ndaywel è Nziem (I.),op.cit, p. 615.

* 333 Pour plus de détails, lire Verhaegen (B.), cité par Ndaywel è Nziem (I.), op.cit, p. 620.

* 334 Carré de Malberg, op.cit, p. 37.

* 335 Idem.

* 336 Ibidem.

* 337 Carré de Malberg, op.cit, p. 38.

* 338 Ndaywel è Nziem (I.), op.cit, p. 540.

* 339 Carré de Malberg (R.), op.cit, p. 38.

* 340 Idem.

* 341 Lire Ndaywel è Nziem, (I.), op.cit, p. 619.

* 342 Carré de Malberg, op.cit, p. 38.

* 343 Idem.

* 344 Burdeau (G.), op.cit, p. 84.

* 345 Idem.

* 346 Articles 6 à 8 de la constitution du 1er août 1964, in Iyeleza Moju-Mbey, Masika Katsiwa, Recueil des textes constitutionnels de la République du Zaïre du 19 mai 1960 au 28 avril 1991 avec Annexe de la date coloniale du 18 octobre 1908, Ed. /SE - CONSULT/ Kinshasa Avril 1991, p. 3.

* 347 Hermet (G.), Badie (B.), op.cit, p. 107.

* 348 Villiers (de) (M.), op.cit, p. 104.

* 349 Carré de Malberg (R.), op.cit, p. 40.

* 350 V. Notamment Esmein, Eléments de Droit constitutionnel, 5e éd., p. 1, cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 40.

* 351 Scidler, Des juristiche kriterium des staotes, p. 65 cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 40.

* 352 Comme en 1997, la terminologie varie selon le camp légaliste ou rebelle.

* 353 Congo 1965 : 374.

* 354 Ndaywel, op.cit, p. 621.

* 355 Du 9 juillet 1964 au 18 octobre 1965 par ordonnance n° 217 du 9 juillet 1964 portant composition du gouvernement de transition, lire, Lumanu B.S. op.cit, p. 315.

* 356 Burdeau (G.), op.cit, p. 100.

* 357 Idem.

* 358 Ibidem.

* 359 Ibidem.

* 360 Ntumba Luaba, op.cit, p. 52.

* 361 Idem.

* 362 Titre II, comportant, 34 articles.

* 363 Ntumba Luaba, op.cit, p. 52.

* 364 Sur l'Etat totalitaire, lire Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, Paris, coll. Idées, 1965, p.p. 287-288.

* 365 Sur l'Etat totalitaire, lire Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, Paris, coll. Idées, 1965, p.p. 287-288.

* 366 Ntumba Luaba, op.cit, p. 56.

* 367 Ntumba Luaba, op.cit, p. 56.

* 368 Idem.

* 369 Ibidem.

* 370 Sur l'Etat de droit, lire Carré de Malberg, op.cit, p.

* 371 Modifiée et complétée par Ordonnance n° 70-025 du 17 avril 1970 ; Loi n°70-001 du 23 décembre 1970 ; Loi n° 71-006 du 29 octobre 1971 ; Loi n° 71-007 du 19 novembre 1971 ; Loi n° 71-008 du 31 décembre 1971 ; Loi n° 72-003 du 5 janvier 1972 ; Loi n° 72-008 du 3 juillet 1972 ; Loi n° 73-014 du 5 janvier 1973 ; Loi n° 74-020 du 15 août 1974 ; Loi n° 78-010 du 15 février 1978 ; Loi n° 80-007 du 19 février 1980 ; Loi n° 80-012 du 5 novembre 1980 ; Loi n° 82-004 du 31 décembre 1982 ; Loi n° 88-004 du 27 janvier 1988 ; Loi n° 88-009 du 27 juin 1988 ; Loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 et Loi n° 90-008 du 25 novembre 1990, voir Iyeleza Moju-Mbey et alii, op.cit, p. 85.

* 372 Le statut du Président de la République ainsi que ses attributions sont définis aux articles 20 à 30 de la constitution du 24 juin 1967.

* 373 Art. 51 de la constitution du 24 juin 1967.

* 374 Articles 31,32,33,34 et 35 du même texte.

* 375 Article 34.

* 376 Article 32.

* 377 Article 45.

* 378 Ilunga - Kabongo (A. R.), cité par Mpinga K, op.cit, p. 18.

* 379 L'article 4 de la constitution du 24 juin 1967 fut remplacé par l'article 1er de la loi n° 70-001 du 23 décembre 1970 en ces termes ; « l'article 4 de la constitution est remplacé par la disposition suivante : « le Mouvement populaire de la Révolution est le seul parti politique en République Démocratique du Congo ».

* 380 Sur les échecs de tentatives de créer un deuxième parti entre 1967 et 1970, lire utilement, Ndaywel (I.), op.cit, p.p. 668-669.

* 381 Officiellement né le 20 mai 1967 par la proclamation du manifeste de la N'Sele.

* 382 Depuis le 27 octobre 1971 Mobutu avait changé l'appellation du pays de « Congo » en « Zaïre » dont les habitants devenaient des « Zaïrois » et « Zaïroises », cfr. Loi n° 71-005 du 29 octobre 1971 in Iyeleza, op.cit, p. 95.

* 383 Lire utilement Lumanu (M.B.S.), op.cit, p. 391, Ndaywel (I.) ; op.cit, p. 666.

* 384 Cette expression se retrouve dans la relation des faits ayant marqué l'histoire politique du Congo de 60 à 65. Elle désigne le noyau autour de Mobutu composé notamment de Nendaka, Bomboko, Kamitatu, etc. cfr. Ndaywel, op.cit, p. 646, Lumanu M.B.S., op.cit, p.p. 212 et s.

* 385 Ndaywel (I.), op.cit, p. 666.

* 386 Ordonnance n° 66/612 du 26 octobre 1966 (ACP 26 octobre 1966, Congo 66, p. 22.)

* 387 Le 4è point stipulait que les institutions démocratiques de la République telles qu'elles sont prévues par la constitution du 1er août 1964 continueront à fonctionner et à siéger en exerçant leurs prérogatives ; tel est notamment le cas de la chambre des députés du sénat et des institutions provinciales ».

* 388 L'article 59, alinéa 1.

* 389 Adressé au Parlement le 25 novembre 1965.

* 390 Alinéa 2 et 3 de l'ordonnance loi n° 65-07 du 30 novembre 1965. Lire utilement Lumanu M.B.S., op.cit, p. 367 ; Djelo (E.O.), l'impact de la coutume en Afrique noire, le cas du Zaïre, Bruxelles, Bel Elan, Editeur, 1990, p. 59.

* 391 Lumanu B.S, op.cit, p. 367.

* 392 Moniteur congolais, 1966, n° 7, p. 159.

* 393 Moniteur congolais, 1967, n° 1.

* 394 Lire Djelo (E.O.), l'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire, le cas du Zaïre, Bruxelles, Edition Bel Elan, 1999, p. 61.

* 395 Djelo (E.O.), op.cit, p. 63.

* 396 Idem.

* 397 Djelo (E.O.), op.cit, p. 79.

* 398 Ndaywel (I.), op.cit, p.p. 667 et s.

* 399 Après la consécration du MPR comme seule institution par la loi constitutionnelle n° 078-010 du 15 février 1978, le Président fondateur, Président de la République devint encore de plus en plus puissant.

* 400 Article 32 de la loi constitutionnelle 078-010 du 15 février 1978.

* 401 Djelo (E.O.), op.cit, p. 85.

* 402 Prendre connaissance du serment des troupes Kamanyola, élargi à l'ensemble de l'Armée « Makila na biso, mpo na Mobutisme, mpo na guide, vive le guide, vive le Président - Fondateur, vive le Zaïre » (Notre sang sera versé pour la patrie, pour le Mobutisme, pour le guide, vive le guide, vive le Président - Fondateur, vive le Zaïre).

* 403 Force Terrestre, Force Nationale, Force Aérienne et Gendarmerie Nationale.

* 404 Ndaywel, op.cit, p. 686.

* 405 Shaba I.

Shaba II.

* 406 Le professeur Lumanu dit que ces thèmes habilement choisis ont été d'une popularité inégalée. Voy. Lumanu (MBS), op.cit, p. 398.

* 407 Ndaywel, op.cit, p. 666, le Mouvement de coup d'Etat s'étendit notamment en République Démocratique Centrafricaine (Décembre 1965), au Nigeria (janvier et juillet 1966), à la Haute Volta (1966), au Ghana (février 1966), au Burundi (1969), au Togo, au Mali, en Sierra Léone (1967), en Somalie et au Soudan (1969) à l'Ouganda (1971) et au Rwanda (1973)....

* 408 Lumanu M.B.S., op.cit, p. 521.

* 409 Clessis, (C.), et alii., Exercices pratiques de droit constitutionnel, Paris, Ed. Montchrestien, 1981, p. 26, cité par Djelo (E.O.), op.cit, p. 78.

* 410 Verhaegen B., « Impérialisme technologique et bourgeoisie nationale au Zaïre » in coquery vidrovitch, Connaissance du tiers Monde, Paris, Coll. 1018, Cahier jussieu n° 1, Laboratoire du tiers Monde, UER Géographie et Sciences de la société, 1978, p.p. 347-379, cité par Lumanu M.B.S., op.cit, p. 522.

* 411 Il s'agit respectivement des lois constitutionnelles n° 70-001 du 23 décembre 1970 ; n° 74-020 du 15 août 1974 et n° 78-010 du 15 février 1978.

* 412 Lire Prelot M., op.cit, p.

Mpongo Bokalo (E.), op.cit, p.

* 413 « Tomotombeli » 100ans (Nous lui accordons 100 ans) ; « Oyo akanisaki MPR ekokufa waya » (celui qui a pensé que MPR mourra, Faux).

* 414 De 1968 à 1971.

* 415 Voir notamment Kamitatu - Massamba, Chomé, Bwana Kabwe, cité par Ndaywel (I.), op.cit, p. 754.

* 416 Furent modifiés ou abrogés, les articles 8-9-19-20-26-28-34-38-39-40-42-43-44-45-46-47-48-49-50-51-52-98-99-100-101-103-107-108-109 et 111.

* 417 Pour la chronologie des événements, lire, AFANA (D.), la balance démocratique du Zaïre sept ans de transition tumultueuse (1990-1997), Kinshasa, Hippoc, 1998, p.p. 8 et 143 ; Ndaywel, op.cit, p.p. 770 et s.

* 418 Nouvelle appellation du Parlement de transition après la tenue de la CNS.

* 419 Exposé de motif de l'Acte constitutionnel de la transition du 04 avril 1994, J.O. n° spécial, p. 4.

* 420 Tenue à Kinshasa du 29 avril 1991 au 6 décembre 1992.

* 421 Journal officiel de la République Démocratique du Zaïre, numéro spécial, avril 1994.

* 422 Textes coordonnés et mis à jour au 1er juillet 2000 in « journal officiel de la République Démocratique du Congo, n° spécial mai 2001, p.p. 91-101.

* 423 Journal officiel, n° spécial du 05 avril 2003.

* 424 Publication de la Commission électorale Indépendante, Kinshasa, mars 2006, p.p. 1-27.

* 425 Acte constitutionnel de la transition, article 50 alinéa 1.

* 426 Acte constitutionnel de la transition, articles 77 et 48.

* 427 Article 78.

* 428 Acte constitutionnel de la transition. J.O. n° spécial, avril 1994, p. 48.

* 429 idem.

* 430 Article 81, alinéa 2 du même texte.

* 431 Article 39 et 75 du même texte.

* 432 Article 75 alinéa 3 du même texte.

* 433 Acte constitutionnel de la transition, article 89.

* 434 Article 90, du même texte.

* 435 Idem.

* 436 Article 91 du même texte.

* 437 Acte constitutionnel de la transition, article 78.

* 438 3 décembre 1990.

* 439 Afana (D.), op.cit, p. 43.

* 440 Idem.

* 441 Lire Shirishungu, (D.), Organisation Politique Administrative et Développement, Contribution de la décentralisation politico - administrative, économico - financière et territoriale à l'émergence d'une société de développement dans les jeunes Etat, cas de la République du Zaïre, Bukavu, Ed. Bushiri, 1993, p. 111, et aussi Mpinga Kasenda, op.cit, p.

Ndaywel (I.), op.cit, p.p. 565 et s.

* 442 Idem.

* 443 Union de Fédéralistes Républicains Indépendants (UFERI) parti de Nguza et Kiungu était comme fondamentalement du Katanga et des ethnies de cette province essentiellement les Balubakat tandis que l'UDPS d'Etienne Tshisekedi, bien qu'implanté sur tout le territoire national, était présenté comme le parti de « Baluba » du Kasaï - oriental.

* 444 Ces événements débutèrent le 14 janvier 1992. Lire AFANA (D.), op.cit, p. 26.

* 445 « Kila mutu kwabo » (chaque personne chez lui) slogan véhiculé à Lubumbashi à la fin du monopartisme.

* 446 Le 17 mai 1997.

* 447 Terme attribué au mort manipulé part les chefs religieux « vaudou » pour accomplir certains actes d'après une certaine croyance.

* 448 Sennen Andriamirado, Zaïre, l'Etat néant, dans « Jeune Afrique » (le temps du monde) n° du 18 au 24 septembre 1996 cité par Afana, D., p.p. 63 et 147.

* 449 Afana, D., op.cit, p. 64.

* 450 Le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en RDC a été modifiée et complétée par :

- Le Décret-loi constitutionnel n° 122 du 21 septembre 1998 ;

- Le Décret-loi constitutionnel n° 074 du 27 mai 1998 ;

- Le Décret-loi constitutionnel n° 180 du 10 janvier 1999 ;

- Le Décret-loi constitutionnel n° 096/2000 du 1er juillet 2000. Voir J.O. de la RDC, n° spécial Mai 2001 p. 91.

* 451 Articles 4 et 5 du Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997.

* 452 Il peut déléguer un membre du Gouvernement à cette fin conformément à l'article 35 du Décret-loi n°003 du 27 mai 1997.

* 453 Article 23 du décret-loi n° 003 du 27 mai 1997.

* 454 Article 24 du même texte.

* 455 Article 29, idem.

* 456 Article 1 du Décret-loi du 22 mai 1997.

* 457 Lire dans ce sens, Esambo Kangashe (J.L.) : « L'avènement de l'AFDL ou la remise de la CNI », in cahiers africains de Droits de l'homme et de la Démocratie, vol. I. n° 01, octobre - Décembre Kinshasa, 1997, p. 17.

* 458 Lire dans ce sens, Bluntshli, cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 459 Sur l'unité étatique, lire Gierke, cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 460 Lire dans ce sens, Mpongo Bokako Bautolinga, (E.), op.cit, p. 49.

* 461 Lire dans ce sens Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 462 Lire dans ce sens Mpongo B.B. (E.), op.cit, p. 51, Ntumba Luaba, op.cit, p. 49, Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 463 Date de l'installation du nouveau gouvernement issu de l'Accord global et inclusif.

* 464 Lire dans ce sens Ntumba Luaba, op.cit, p. 49.

* 465 Idem.

* 466 Le Président Kabile père s'est autoproclamé Président de la République.

Son fils s'est autoproclamé Président de la République à sa mort, par ailleurs les Présidents de l'opposition armée Jean Pierre Bemba pour le MLC et Wamba dia Wamba, Emile Ilunga sont devenus Présidents du RCD du fait de leurs propres statuts.

* 467 Verhoeven J., Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 59.

* 468 Il s'agit de la constitution de transition du 04 avril 2003.

* 469 Sur les étapes et les instruments de négociations, lire Matusila (P.A.), Dialogue Inter-congolais de Sun City I à Sun City II, Pretoria : étape décisive ; Kinshasa, Ed. Isidore Bakandja, avril 2003, p.p. 2 à 272, Recueil de textes pour le Dialogue Inter congolais, J.O. RDC, n° special Mai 2001.

* 470 Constitution de la transition du 04 avril 2003, article 64.

* 471 Annexe 1 de l'accord global et inclusif.

* 472 Article 80 de la constitution de la transition.

* 473 Point V, 1. C.

* 474 Accord global et inclusif, point I. C.i. in Journal officiel de la RDC, numéro spécial, 5 avril 2003, p. 56, constitution de la transition article 87.

* 475 Titre IV, chapitre 1, section III.

* 476 Constitution de la transition du 04 avril 2003, préambule, 4ème alinéa.

* 477 Constitution de la transition du 04 avril 2003, articles 81 et 82.

* 478 Les provinces du Nord et du Sud Kivu ainsi que la province orientale furent complètement soustraite de l'autorité de Kinshasa.

* 479 L'occupation militaire du territoire congolais par les armées rwandaises, burundaises et ougandaises est passée de la spéculation à l'évidence dès lors qu'elle est confirmée pour le Rwanda par son plan de désengagement en date du 28 août 2000 conformément au plan de Désengagement et Redéploiement (D.R) signé à Kampala le 8 avril 2000 et, pour l'Ouganda dès lors que la Cour internationale de justice saisie de l'affaire des activités armées sur le territoire du Congo RDC c/Ouganda sous n° R 112, le 23 juin 1999 a donné gain de cause à la partie congolaise.

* 480 Résolution 1234 (1999) du 09 avril 1999.

* 481 L'exploitation illégale des ressources naturelles du Congo est reconnu par le Conseil de sécurité. Voir Résolution 1341 (2001) du 22 février 2001.

* 482 - Résolution 1341, idem ;

- Résolution 1323 (2000) du 13 octobre 2000 ;

- Résolution 1316 (2000) du 23 août 2000 ;

- Résolution 1304 du 16 juin 2000 ;

- Résolution 1291 (2000) du 24 février 2000 ;

- Résolution 1279 (2000) du 30 novembre 1999.

* 483 Exposé de motif de la constitution de la République Démocratique du Congo, alinéa 3.

* 484 Constitution de la République Démocratique du Congo, article 71.

* 485 Article 80 de la constitution de la République Démocratique du Congo.

* 486 Article 80 du même texte.

* 487 Article 84 du même texte.

* 488 Article 79 du même texte.

* 489 Constitution de la République Démocratique du Congo, article 100.

* 490 Article 134 de la constitution de la République Démocratique du Congo.

* 491 Article 144 du même texte.

* 492 Article 104, alinéa 3 de la constitution de la transition du 04 avril 2003.

* 493 Article 98, alinéa 1er du même texte.

* 494 Article 19 alinéa 5 de la constitution de la République Démocratique du Congo.

* 495 Articles 164 et 165 du même texte.

* 496 Chiffres annoncés par la commission électorale indépendante au mois d'avril 2006.

* 497 Voir annexe IV de l'Accord global et inclusif in journal officiel n° spécial du 5 avril 2003, p. 66.

* 498 YOKA Mampunga (J.J), Analyse critique des aspects politiques de la constitution de transition de la R.D.C., in « la nouvelle constitution de la R.D.C : aspects juridiques, politiques, économiques et socioculturels », publications de la fondation Konrad Adenauer, Décembre 2003, p. 53.

* 499 Plusieurs fois le juge constitutionnel fut saisi en interprétation ou pour donner son avis.Voir notamment l'Avis consultatif qrl 09 de la CSJ. du 20 janvier 2004.

* 500 Bourgi (A.), constitutionnalisme africain, chinois et au Québec, la réalité du nouveau constitutionnalisme africain, http : //www.univ_reins, fr/Labos/CERI/La réalité du nouveau constitutionnalisme africain. htm. p. 1. 7-8 octobre 1998.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote