WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

( Télécharger le fichier original )
par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§2. La théorie de la création de l'Etat en dehors du droit et le positivisme juridique.
I. Exposé de la théorie.

Devant l'impossibilité où l'on s'est trouvé d'expliquer par le contrat la formation des Etats, certains auteurs juristes notamment Jellinek et Carré de Malberg ont soutenu que l'Etat se crée en dehors du droit170(*). Selon les auteurs, la fondation de l'Etat est un pur fait ne relevant d'aucune qualification juridique. La création de l'Etat découle des événements historiques qui se situent en dehors du droit. Carré de Malberg soutient que « la naissance de l'Etat coïncide avec l'établissement de sa première constitution écrite ou non, c'est-à-dire avec l'apparition du statut qui pour la première fois a donné à la collectivité des organes assurant l'unité de sa volonté et faisant d'elle une personne étatique »171(*).

II. Appréciation critique .

La théorie de Carré de Malberg soulève moins d'objections surtout dans le contexte des Etats nouveaux nés de la décolonisation où il y a presque la coïncidence entre la naissance de l'Etat et la constitution. Mais il est important de signaler certaines objections. Pour les cas des Etats originaires non issus de la décolonisation, d'aucuns s'interrogent sur le sort de ces pays avant l'apparition des constitutions. Les auteurs de l'école positiviste se rencontrent dans la solution adoptée quant au problème de la formation de l'Etat. Celle-ci est commandée par l'affirmation fondamentale selon laquelle il n'y a de droit digne de ce nom que dans l'ordre juridique positif, c'est-à-dire, pratiquement, dans l'Etat. La conséquence à tirer de cette affirmation serait que le droit étant postérieur à l'Etat, c'est-à-dire étant un résultat de la puissance de l'Etat, ne peut intervenir pour expliquer la formation de celui-ci172(*). le juriste n'a pas donc à rechercher l'origine de l'Etat qui ne peut être pour lui qu'un simple fait insusceptible de qualification juridique. Pour mieux comprendre le fond de l'école positiviste, il convient d'examiner le rôle qu'elle assigne à la constitution dans la formation de l'Etat. Avec Carré de Malberg et Kelsen, le positivisme conçoit la constitution comme le fait générateur de l'Etat, c'est là un point original par rapport à d'autres partisans de la formation naturelle de l'Etat qui confèrent le rôle de la formation de l'Etat tantôt aux circonstances individuelles, tantôt aux circonstances sociales ou historiques particulières, tantôt à l'influence du milieu physique de manière que l'institution étatique serait le résultat de diverses forces hétérogènes.

L'originalité de la théorie positiviste disons-nous est que sans nier l'action de différentes forces précitées, Carré de Malberg comme le montre Burdeau173(*) les unit en faisceau convergent qui aboutit à un fait précis, générateur de l'organisation de la collectivité. C'est que parmi les innombrables faits dont la résultante est l'Etat, le positivisme n'en retient qu'un comme véritable créateur au point de vue juridique, c'est la constitution174(*). Carré de Malberg fournit une explication qui nous paraît très intéressante pour la suite de notre pensée. Il explique que « ce fait générateur de l'Etat consiste précisément en ceci qu'un groupe national se trouve constitué en une unité collective en tant qu'à un moment donné il commence à être pourvu d'organes voulant et agissant pour son compte et à son nom. A partir du moment où elle est ainsi organisée d'une façon régulière et stable la communauté nationale devient un Etat ». Ainsi l'Etat doit son existence au fait qu'il possède une constitution peu importe qu'elle soit écrite ou non. Dès lors qu'existe un statut donnant à la collectivité des organes qui unifient sa volonté, l'Etat est né175(*). La doctrine kelsenienne confère le même rôle décisif à la constitution dans la formation de l'Etat. Selon Kelsen, l'Etat se confond avec le système des règles constitutif de l'ordre juridique176(*). Bien que confirmée par les faits historiques en ce qui concerne la formation des Etats nouveaux de la décolonisation, la théorie du positivisme juridique ne manque pas de susciter quelques critiques.

Pour l'appréciation critique nous retenons ainsi deux auteurs : Mpongo Bokako et Georges Burdeau.

Le professeur Mpongo apprécie la simplicité de la théorie de la création de l'Etat en dehors du droit. Mais estime que d'une part cette théorie est en contradiction avec les constatations historiques du fait que les constitutions n'apparaissent pas dans un processus normal, au moment de la naissance des Etats. Elles sont établies quand l'Etat est adulte, c'est-à-dire quand la nation prend conscience d'elle même et obtient du gouvernement à la suite d'un mouvement constitutionnel souvent de longue durée, que soient rédigées en forme solennelle le statut du pouvoir et les bases de la coexistence pacifique entre pouvoir et liberté dans le cadre de l'Etat177(*) comportant la théorie de l'école positiviste à la formation des Etats anciens, l'auteur s'interroge sur la valeur juridique des actes antérieures à la constitution. Faut-il considérer, dit-il, qu'aussi longtemps que la constitution n'existait pas ces actes n'existaient pas ?178(*) D'autre part, il pense que les partisans de cette théorie ont tort d'accorder trop d'importance aux mondes dans lesquelles sont coulées les opérations juridiques. Le fait que des opérations sont effectuées en des formes différentes de celles qui nous sont familières ne les empêche pas d'être juridiquement valables179(*). La pertinence de ces observations critiques n'altèrent pas totalement la consistance de la théorie de Carré de Malberg et Kelsen quant à leur incidence pratique sur la stabilité et la continuité de l'Etat découlant de son institutionnalisation et de sa personnification.

Pour sa part, Georges Burdeau néglige l'aspect de la critique tendant à qualifier la théorie positiviste d'une théorie de l'Etat sans Etat180(*). il retient le résultat de la théorie assimilant la naissance de l'Etat à l'apparition de sa constitution pour formuler deux objections majeures.

1°- la constitution ne peut créer l'Etat que si elle est un acte juridique. Georges Burdeau souscrit à la théorie qui voit dans la constitution le point de départ de l'Etat.

Mais il émet de réserves quant à la nature que les positivistes, en général, assignent à la constitution et de la raison pour laquelle Carré de Malberg, en particulier, voit en elle, l'origine de l'Etat. En effet, pour les positivistes, la constitution n'est qu'un fait parmi beaucoup d'autres. Elle n'a pas une nature spéciale en dépit du rôle décisif qu'elle joue dans la formation de l'Etat, puisqu'il n'y a pas de droit antérieur à l'Etat. disent-ils, l'établissement de la constitution ne peut relever d'aucun ordre juridique. Ici les positivistes admettent que une constitution élaborée en vertu des dispositions d'une charte précédente qu'elle abroge, sera bien un acte juridique. Mais qu'il faut remonter plus haut, jusqu'à la constitution primordiale, et là il n'y a plus de droit car le droit ne remonte au delà de la constitution initiale qui ne peut être par conséquent, « qu'un pur fait, réfracteur à toute qualification juridique »181(*). Selon Burdeau, dire ainsi que la constitution n'est pas de nature juridique parce qu'elle ne peut se réclamer d'aucun ordre juridique préexistant, c'est énoncer une des conséquences les moins acceptables du positivisme. En disant que la constitution initiale ne peut être un droit parce qu'elle crée le droit, Burdeau veut que l'on voit que cette affirmation condamne à la fois l'assimilation de la constitution à un fait et la doctrine qui légitime cette assimilation. Sur ce point Burdeau exprime sa critique en disant qu' «en réalité la constitution ne saurait se suffire à elle-même, elle est impuissante à créer le droit, car ce n'est pas le créer que de désigner l'autorité qui sera chargée de l'exprimer. S'il est vrai qu'elle est l'acte créateur de l'Etat, c'est dans la mesure où elle peut s'appuyer sur une donnée préalable qui est l'idée de droit préexistante. Acte juridique, elle explique tout, simple fait matériel, elle n'explique rien182(*).

2°- la constitution change le titre en vertu duquel agissent les organes existant.

D'après Carré de Malberg et les positivistes de son école, « la constitution initiale n'aurait ce privilège de créer l'Etat que pace qu'en elle la collectivité trouverait des organes capables de vouloir et d'agir pour son compte et en son nom. La constitution serait donc ainsi au sens plein du terme, une organisation de la collectivité nationale. Burdeau réfute cette thèse en soulignant que tel n'est pas l'objet de la constitution. Bien avant qu'elle apparaisse dit-il, existe déjà, dans le groupe, des autorités qui pensent et agissent pour la communauté entière, ce sont les chefs. Leurs actes engagent le sort de tous les membres du groupe et ils n'ont ce caractère que parce que, dans le pouvoir, le peuple reconnaît l'expression de ses vues, le réalisateur de ses espérances.

Burdeau explique mieux en précisant que si la constitution originaire se rapporte bien à l'organisation du groupe, ce n'est pas parce qu'elle crée ses organes, c'est parce qu'elle modifie le titre en vertu duquel ils décidaient et organisaient jusqu'alors. Elle les investit du titre d'agent d'exercice d'un pouvoir qui cesse de leur appartenir en propre. Elle crée précisément l'Etat pour en faire le sujet de cette puissance qu'elle retire aux gouvernants. Les organes demeurent mais leur statut est modifié : « ils étaient, les titulaires du pouvoir, ils ne sont plus que les agents de son exercice » 183(*). Les analyses de Burdeau sur le rôle de la constitution dans la formation de l'Etat nous semblent d'un grand intérêt pour nous qui voulons mesurer le poids de cet acte fondamental dans l'institutionnalisation du pouvoir gage de l'émergence et de la stabilité de l'Etat auquel la théorie marxiste donne une explication extra-contractuelle.

* 170 Mpongo, (E.), op.cit, p. 68, Ntumba Luaba, op.cit, p. 27.

* 171 Idem

* 172 Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'Etat, T. I, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p 29.

* 173 Burdeau, (G.), op.cit, p. 29.

* 174 Idem

* 175 Carré de Malberg, op.cit, p. 62.

* 176 Kelsen, H., Aperçu d'une théorie générale de l'Etat, Paris, Rev. Du droit public., 1926, p.p. 561 et suiv.

* 177 Mpongo, (E.), op.cit, p. 69.

* 178 Idem

* 179 Mpongo, (E.), op.cit, p. 69.

* 180 Koelbreuter, (O.), Goundriss der allgemeinen Staatsre chtslekre, 1933, p. 6, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p.30.

* 181 Burdeau, (G.), op.cit, p. 31.

* 182 Idem.

* 183 Burdeau, (G.), op.cit, p. 31.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci