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L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

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par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

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Section 2. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur la forme du pouvoir et sur la formation de l'Etat.

Alors que généralement il est admis que la constitution joue notamment deux rôles parmi les plus essentiels à savoir la limitation des pouvoirs des gouvernants et la création juridique de l'Etat, la constitution du 24 juin 1967 a eu sur le pouvoir au Congo et sur la virtuosité d'Etat un effet paradoxal.

En effet, dès sa promulgation en 1967 à sa dernière révision en 1990, cette constitution n'eut pour objectif primordial que la concentration et la personnification du pouvoir au profit d'un seul homme : Mobutu. En même temps, que le processus de personnification du pouvoir se poursuivait en « crescendo », il se dégageait l'oppression d'une renaissance de l'Etat congolais sur ses cendres tant ses éléments constitutifs donnaient l'apparence de se reconstituer.

Est-ce possible que d'un pouvoir non institutionnalisé sans mutation, naisse un Etat stable ? L'analyse mérite d'être approfondi.

§1. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur le pouvoir.

Nous retiendrons deux aspects d'analyse à ce niveau : le rejet de l'institutionnalisation du pouvoir et la dérive autoritaire et, la consécration d'un pouvoir despotique.

Si comme nous l'avons dit précédemment, l'institutionnalisation du pouvoir est le mécanisme ou le principe d'après lequel la personne détentrice du pouvoir n'en est pas le titulaire et la source mais plutôt l'institution étatique, il faut reconnaître que durant tout son règne le Président Mobutu fut aux antipodes d'un tel principe. A ce sujet le professeur Djelo. E., a fait une étude intéressante où l'on peut se rendre compte que déjà au début de son règne les ordonnances lois précitées notamment n° 65-07 du 30 novembre 1965, n° 66-92 du 7 mars 1966392(*) et n° 66-621 du 21 octobre 1966393(*) toutes ayant trait au pouvoir législatif du Président, n'avaient aucun fondement juridique394(*). Autrement dit le pouvoir même du Président de prendre de tels actes ne procédait que de sa souveraine volonté. C'est dire encore que l'on se trouvait en présence d'un pouvoir s'exerçant sans se soumettre à aucune règle préétablie. C'est tout le contraire de l'institutionnalisation.

Ainsi par la loi constitutionnelle du 23 décembre 1970 le Mouvement Populaire de la Révolution, le MPR a acquis une existence juridique qui appellera encore davantage d'autres révisions pour la personnalisation du pouvoir. L'article 4 de la loi constitutionnelle précitée a comme nous l'avons montré plus haut inséré un article 19 bis qui a fait du MPR l'institution suprême de la République, dans la constitution du 24 juin 1967. il en est résulté comme incidence sur le pouvoir, selon nous, une mutation rétrograde. Au lieu que le principe démocratique universellement admis selon lequel le peuple est la source du pouvoir et l'exercice par ses délégués, s'applique, c'est le parti qui devint la source du pouvoir et qui l'exerce par le biais de son Président. Le même auteur observe que les débuts de la « deuxième » République sont marqués par une volonté de concentration de pouvoir tant au sein de l'exécutif qu'en matière législative395(*).

Il poursuit que le Président de la République qui a toujours veillé à détenir la compétence législative a cherché à l'exercer sans être soumis ni à l'autorisation, ni au contrôle du Parlement, il disposait ainsi des pouvoirs très étendus. Cette concentration des pouvoirs lui a toutefois paru insuffisante. Aussi, lui fallait-il, pour réaliser le programme qu'il s'était tracé, se donner d'autres atouts tant sur le plan politique que social396(*). Ces atouts majeurs seront trouvés dans le rôle du parti unique, la doctrine du recours à l'authenticité et le « Mobutisme ». A cela, il faut ajouter le droit dont le Président de la République a fait son meilleur instrument de personnalisation du pouvoir. C'est une affirmation curieuse. Mais qui révèle le caractère paradoxal de l'usage du droit par le Président Mobutu à son profit. S'appuyant sur la norme constitutionnelle, il a intégré son idéologie et son parti dans l'ordonnancement juridique constitutionnel de telle sorte que la constitution étant au dessus de tous devait imposer les idéaux du parti à tous mais le Président se conservait un statut spécial en tant que fondateur du Parti, et bien plus il se plaçait au dessus de la constitution qu'il pouvait modifier à sa guise.

En effet, l'article 2 alinéa 1 de la constitution du 24 juin 1967 dispose « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum ». C'est la consécration du principe cher à Montesquieu, de la séparation des pouvoirs. C'est aussi l'expression de la démocratie à la fois représentative et semi-directe dont le principe est repris presque dans toutes les constitutions des régimes réellement démocratiques. Par contre, l'article 9, alinéa 1 de la loi constitutionnelle n° 74-020 du 15 août 1974 porte : Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par le Président du Mouvement Populaire de la Révolution qui est de droit Président de la République avec le concours des organes du Mouvement Populaire de la Révolution ». Ici, c'est la consécration de la concentration des pouvoirs à son paroxysme et le monolithisme à son comble. Le principe de la séparation cède le pas à la confusion des pouvoirs. Cette confusion est d'autant précisée que l'article 30 alinéa 1, dispose : « le Président du MPR est de droit Président de la République et détient la plénitude de l'exercice du pouvoir ». Et alinéa 2 d'enchaîner : il préside le Bureau politique, le Congrès, le Conseil législatif, le Conseil exécutif et le Conseil judiciaire ».

Comme nous l'avons montré plus haut, toutes les institutions ainsi que les organes de l'Etat sont sous l'autorité hiérarchique du MPR. La constitution elle-même n'est plus une norme arbitrale suffisante car elle est guidée par le Mobutisme entendu comme la pensée et l'action du guide. Dans ce contexte, plutôt que d'encadrer la pensée et l'action politique du gouvernant, la constitution est à la remorque de cette pensée. L'essentiel que nous pouvons retenir est la négation du pouvoir institutionnalisé, la concentration des pouvoirs et le culte de personnalité sous le mobutisme étant érigé en dogme.

Le professeur Djelo commente cet état de chose : « Au lieu d'un amour pour les institutions du pays, on insiste sur la nécessité de suivre celui qui a découvert la voie du salut, le chef charismatique, ce qui contribue au développement de la personnalisation du pouvoir »397(*).

Nous pensons qu'à force de vouloir tout commander sans partage et sans règle, le Président Mobutu fut rattrapé par l'adage : « le pouvoir absolu corrompt absolument ».Le pouvoir absolu l'a fait sombré dans une dérive autoritaire frisant le népotisme398(*).Il n'est pas vain de rappeler l'article 41 bis ajouté à la constitution par la loi n° 80-007 du 19 février 1980 par laquelle il se fit attribuer le pouvoir de dissoudre le Conseil législatif. Le même élan d'absolutisme le poussera à créer le comité central dont les décisions s'imposaient erga omnes par la loi n° 80-12 du 15 novembre 1980. Comme les précédentes, la constitution du 24 devait avoir l'impact sur le sort de l'Etat.

* 392 Moniteur congolais, 1966, n° 7, p. 159.

* 393 Moniteur congolais, 1967, n° 1.

* 394 Lire Djelo (E.O.), l'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire, le cas du Zaïre, Bruxelles, Edition Bel Elan, 1999, p. 61.

* 395 Djelo (E.O.), op.cit, p. 63.

* 396 Idem.

* 397 Djelo (E.O.), op.cit, p. 79.

* 398 Ndaywel (I.), op.cit, p.p. 667 et s.

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