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L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

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par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

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§3. Impact du Décret-loi constitutionnel du 27 mai 1997 sur le pouvoir et sur la formation de l'Etat.

Il est important de rappeler que le Décret-loi constitutionnel avec ses amendements est l'expression de la volonté d'un homme seul, le Président de la République Laurent Désiré Kabila s'ayant octroyé des prérogatives exorbitantes. Celles-ci ont une évidence des effets moins bénéfiques à la mutation du pouvoir et à l'éclosion de l'Etat.

I. Incidence du Décret-loi constitutionnel sur le pouvoir.

Nous n'aurons pas exagéré en affirmant que sur le plan d'institutionnalisation du pouvoir, le Décret-loi 1997 est une reculade d'au moins trois décennies. Au moment où ce texte est publié, le Président - Laurent Désiré Kabila, exerce seul, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le Chef de l'Etat aura fait exactement comme celui qu'il avait combattu, le Président Mobutu. Par sa volonté exclusive, il a invalidé les dispositions bénéfiques à la démocratie et au principe de la séparation des pouvoirs. Sous cet angle, il n'est pas exclu de constater le retour d'un pouvoir dictatorial ou individualisé confronté à une contestation regroupée autour des oppositions « armées » et « non armées ». Nous pouvons sur ce point parler de la dérive dictatoriale du pouvoir AFDL. Son Président, devenu le moteur des activités des CPP, exercera un pouvoir sans partage de forme patrimoniale dont la persistance ne favorise guère le passage de la société naturelle à la société politique « étatisée ».

II. Incidences du Décret-loi constitutionnel sur la formation de l'Etat.

Nous concédons que c'est de manière incidentielle que le texte constitutionnel peut avoir d'effet ici, sur l'émergence de l'Etat. Sous le règne de l'AFDL et des CPP, il y a eu un effet de personnification des pouvoirs à pôles multiples.

Au début, « Mzee », se veut l'homme seul sur la scène politique, mais à partir du 02 août 1998, l'éclatement de la guerre dont la plupart exercent sur les populations de territoires sous leur contrôle un pouvoir plutôt patrimonial. La dislocation de l'AFDL a conduit à la création d'un mouvement rebelle dit le « rassemblement congolais pour la démocratie » RCD, suivi de « mouvement de libération du Congo » MLC, suivi de plusieurs autres groupes politico-militaires. L'enlisement de cette guerre eut d'effets les plus désastreux sur la tentative de réfondation de l'Etat congolais. Pour comprendre l'impact de ce conflit sur le processus de formation de l'Etat il faut se placer à deux niveaux :

- Pendant la guerre ;

- A l'issue de la guerre.

A. Pendant la guerre dite d'agression.

Pour nous l'effet le plus remarquable c'est la disparition de la quasi totalité des facteurs déterminants pour la qualification d'Etat. A la suite de cette crise politique militaire, nous pouvons affirmer que l'ombre de l'Etat qui se profilait à l'horizon du Congo-Kinshasa s'est depuis le 02 août 1998 envolée. Nous en voulons pour preuve, la perte par le pays des critères de définition de l'Etat, à savoir la personnalité juridique et la souveraineté d'une part et, la remise en cause de ses éléments constitutifs entant qu'Etat, d'autre part.

1) La République Démocratique du Congo a perdu sa personnalité juridique.

Pour asseoir cette conviction il y a lieu de rappeler que la personnalité juridique est considérée par les publicistes comme le fait juridique capital dont la science du droit doit tenir compte dans la définition de l'Etat458(*). Reconnaître ou admettre cela revient à comprendre que au point de vue juridique, l'essence de toute communauté étatique consiste d'abord en ceci que, malgré la pluralité de ses membres et les changements qui s'opèrent parmi eux, elle se trouve ramenée à l'unité459(*) par le fait de son organisation. Ici l'unité envisagée procède de l'ordre juridique statutaire établi dans l'Etat, et d'une volonté unique de l'ensemble de nationaux dans la direction des affaires de l'Etat. Nous voyons là que l'ordre juridique statutaire concerné n'est autre que l'ordre constitutionnel par lequel la personnalité juridique de l'Etat lui permet à la fois de rendre compte de sa capacité et de sa continuité ; d'imputer à la collectivité nationale les effets de droit qui résultent de l'activité des personnes physiques qui la représentent et d'amorcer, à travers la succession d'hommes, un fonctionnement continu des pouvoirs indispensables à la sécurité des relations sociales et internationales460(*). Or entre la période du 02 août 1998, date du déclenchement de la guerre et le 04 avril 2003, le pays ne disposant plus d'un gouvernement capable d'assurer la contrainte suprême et de se faire obéir par l'ensemble de sujets sur l'ensemble de son espace territorial a perdu en même temps et son unité juridique du fait de la multiplicité des ordres juridiques opposés ou concurrents à celui du Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, et l'unité de son ordre politique, du fait de la reconnaissance en fait et en droit d'un statut égalitaire entre le gouvernement issus de l'ordre institutionnel du Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 et l'opposition armée regroupant les mouvements politico-militaires. L'existence des groupements sociaux disposant d'un pouvoir politique et des forces armées ainsi que des Administrations de même niveau que le gouvernement de Kinshasa a eu pour conséquence qu'il n'existait plus au pays cet être juridique incarnant la volonté collective, cet être institutionnalisé appelé « Etat ». Nous avons bien montré que la République Démocratique du Congo cessait d'être cette collectivité unifiée organisée politiquement formant une personne juridique et cela surtout par la perte de la souveraineté.

2) La République Démocratique du Congo a perdu la souveraineté.

La souveraineté est l'élément que prétend n'appartenir que l'Etat contrairement à la personnalité qu'il peut partager avec d'autres personnes morales de droit public (provinces, villes, communes...) ou de droit privé (sociétés privées dotées de la personnalité juridique). On reconnaît que ce qui distingue l'Etat de tous autres groupements, c'est la puissance dont il est doué. Cette puissance, dont lui est capable et qui est suffisamment qualifiée de puissance étatique porte dans la terminologie traditionnelle française, le nom de souveraineté461(*). Celle-ci désigne généralement un pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne relève d'aucun autre. De là, il est aisé de comprendre que sur un territoire et sur une communauté étatique il ne peut coexister plusieurs Etats. Cela pourrait encore mieux se comprendre par le rappel des conceptions politiques et, par la distinction de cette notion sur le plan interne et sur le plan international.

Sur le plan interne, la conception politique de la souveraineté, établit une équivalence entre souveraineté et une indépendance absolue, selon la formule « Le Roi est empereur en son royaume ». Sous réserve des critiques du caractère absolu de cette doctrine, nous devons reconnaître qu'elle peut être applicable, dans les limites constitutionnelles au gouvernement de l'Etat. Il doit disposer seul de la puissance d'action partout sur l'espace territorial. Sur le même plan, la conception juridique consiste à reconnaître que la souveraineté est propriété des pouvoirs du gouvernement d'un Etat de mettre en oeuvre un certain nombre de pouvoir ou de droit : droit de législation et de réglementation de police, de justice, droit de battre armée, etc. Les publicistes s'accordent pour dire que ce qui caractérise ces pouvoirs c'est que ce sont des droits régaliens462(*). Nous pensons justement que lorsque le gouvernement d'une communauté perd la capacité de déterminer lui-même ses propres compétences et ses propres règles fondamentales, normalement inscrites dans sa propre constitution et, qu'il perde également la disposition des pouvoirs régaliens dont nous venons de parler, il perd ipso facto, la souveraineté interne.

Nous constatons que à partir du 02 août 1992 jusqu'au 30 juin 2003463(*), aucune organisation politique ne disposait de la souveraineté sur le territoire marqué par les frontières de l'ex-Congo Belge. Dès lors que sur base des statuts de leurs mouvements respectifs, les seigneurs de guerre exerçaient toutes les prérogatives régaliennes sur les étendues des territoires sous leur contrôle telles les nominations aux grades civil et militaire, les réglementations policières, la création des entités administratives et territoriales exactement de la même manière que le Chef de l'Etat à Kinshasa le faisant sur la portion du territoire qui lui restait, il convient de constater que l'Etat congolais souverain n'existait plus. Sur le plan externe, la souveraineté signifie également indépendance : absence de sujétion à des puissances étrangères464(*). An Brownlie, cité par Ntumba Luaba considère la souveraineté comme le critère décisif d'identification de l'Etat » et Lauterpacht, cité par le même auteur qualifie l'indépendance de l'Etat de « the first condition of state - haod »465(*) . En ce qui concerne le Congo en guerre d'agression, ou de libération selon le camp où on se trouve, il convient d'observer avec Jean Bodin que la souveraineté est indivisible et absolue et que cela étant, il est inconcevable que l'on parle de la souveraineté de l'Etat congolais lorsque sur la plan interne, plusieurs personnalités politiques toutes autoproclamées Président de la République ou des mouvements rebelles exercent avec succès la contrainte physique466(*). A cette considération, il faut ajouter le fait que aucune de ses organisations politiques autant que le gouvernement congolais ou ce qu'il convient ainsi d'appeler ne disposait d'une force armée autonome ; ils régnaient sur le pays et administraient les territoires conquis par l'occupation militaire étrangère. Ainsi les forces rebelles avaient toléré l'occupation du pays par l'Ouganda pour le MLC et par le Rwanda et le Burundi par le RCD. Le « gouvernement » de Kinshasa fit venir les armées Angolaises, Zimbabwéennes et Namibiennes. Il n'y a nul doute que chaque groupe était incapable de relever la tête face à ses protecteurs qui seuls exercent alors la souveraineté sur le territoire congolais. Ainsi la bataille de Kisangani opposant les forces Rwandaises pour le compte du RCD et les forces Ougandaises pour le compte du MLC avec des graves violations des droits humains sur les populations congolaises est restée tristement célèbre. Par ces analyses, nous avons voulu démontré et nous croyons l'avoir fait, que sous le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir a conduit à l'éclatement de la guerre dont les effets ont été la disparition de la personnalité juridique et de la souveraineté de l'Etat. Nous pouvons ainsi conclure en nous fondant sur la déclaration de J. Verhoeven et sur l'affirmation de Carré de Malberg que sous Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, qu'il n'y a pas eu d'Etat au Congo.

En effet, J. Verhoeven affirme « en définitive, il n'y a Etat que là ou la population sur un territoire est placée sous l'autorité d'un gouvernement, qui contrôle un appareil politique et administratif approprié »467(*) ; Et, Carré de Malberg d'observer que l'Etat est une personne collective souveraine ». Or aucune de ces assertions précitées ne correspond à la réalité congolaise entre 1997 et 2003. ce qui vient d'être dit suffit pour nous ; il serait superflus d'aborder les points relatifs à la mise en cause des éléments constitutifs de l'Etat avant la fin de la guerre.

* 458 Lire dans ce sens, Bluntshli, cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 459 Sur l'unité étatique, lire Gierke, cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 460 Lire dans ce sens, Mpongo Bokako Bautolinga, (E.), op.cit, p. 49.

* 461 Lire dans ce sens Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 462 Lire dans ce sens Mpongo B.B. (E.), op.cit, p. 51, Ntumba Luaba, op.cit, p. 49, Carré de Malberg, op.cit, p. 41.

* 463 Date de l'installation du nouveau gouvernement issu de l'Accord global et inclusif.

* 464 Lire dans ce sens Ntumba Luaba, op.cit, p. 49.

* 465 Idem.

* 466 Le Président Kabile père s'est autoproclamé Président de la République.

Son fils s'est autoproclamé Président de la République à sa mort, par ailleurs les Présidents de l'opposition armée Jean Pierre Bemba pour le MLC et Wamba dia Wamba, Emile Ilunga sont devenus Présidents du RCD du fait de leurs propres statuts.

* 467 Verhoeven J., Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 59.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams