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L'analyse des pratiques professionnelles: un moyen de "faire équipe"?

( Télécharger le fichier original )
par Emilie Stella-Lyonnet
Institue de Formation des Cadres de Santé Marseille - Cadre de Santé 2007
  

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Sous la Direction de Marie-Hélène Pierraccini, cadre de santé

L'analyse des pratiques

professionnelles :

un moyen de « faire équipe » ?

416 Chemin de la Madrague-Ville

IRFFS HOUPHOUET BOIGNY

13314 Marseille Cedex 15

L'analyse des pratiques

professionnelles :

un moyen de « faire équipe » ?

A Marie-Hélène Pierraccini pour le temps qu'elle m'a accordé,
A tous ceux qui m'ont aidée dans cette recherche,
A tous ceux qui ont suivi cette formation,
A tous ceux qui sont toujours à mes côtés...

Merci.

Note aux lecteurs.

Les propos tenus dans ce mémoire n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

1 DES EXPERIENCES HOSPITALIERES 3

1.1 Le staff 3

1.2 Les réunions d'éthique 4

1.2.1 L'histoire 4

1.2.2 Divergence d'objectifs et de perceptions 5

1.2.3 L'enquête next 6

1.2.4 De l'intérêt d'améliorer les relations dans les services 7

2 L'EQUIPE 10

2.1 Définitions 10

2.1.1 L'équipe 10

2.1.2 Le groupe primaire 10

2.1.3 Le travail en équipe 11

2.2 L'équipe comme groupe mature 12

2.2.1 Définition 12

2.2.2 La question des interactions 13

2.2.3 La question de la division du travail 17

2.3 Les équipes en service de soins : des groupes non matures ? 22

2.3.1 L'équipe, un « groupe conflictuel » ? 22

2.3.2 Quel rôle pour le cadre? 23

2.3.3 Quels outils pour le cadre ? 24

3 L'ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES 26

3.1 Définitions 26

3.1.1 Pratique 26

3.1.2 Analyse 26

3.1.3 Professionnelles 27

3.1.4 Analyse des pratiques professionnelles 27

3.2 L'intérêt de la démarche 28

3.3 Origines et influences de l'analyse des pratiques professionnelles 30

3.3.1 Les groupes Balint 30

3.3.2 Les influences théoriques 31

3.4 Approche psychosociologique de l'analyse des pratiques professionnelles 32

3.4.1 Objectifs du groupe 32

3.4.2 Constitution du groupe 32

3.4.3 L'intervention 33

4 SYNTHESE DE LA PROBLEMATIQUE 38

5 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 40

5.1 La méthode cinique 40

5.2 Le dispositif de recherche 41

5.2.1 L'entretien libre 41

5.2.2 La question inaugurale 42

5.2.3 Choix du terrain et de la population 42

5.2.4 Modalités d'accès au terrain 43

5.2.5 Les attendus des entretiens et les relances éventuelles 45

5.3 Résultats et analyse des entretiens 47

5.3.1 Conceptions de l'intervention 48

5.3.2 Maturité du collectif 55

5.3.3 Les inattendus 63

5.3.4 Synthèse des résultats 67

5.4 Limites de la recherche 68

5.4.1 Un seul service 69

5.4.2 Une petite équipe 69

5.4.3 L'absence de médecin au sein du dispositif 70

5.4.4 L'outil 70

CONCLUSION 72

BIBLIOGRAPHIE 74

WEBOGRAPHIE 76

SOMMAIRE DES ANNEXES 77

INTRODUCTION

Nous avons toujours pensé que le changement passe à travers le dialogue. A nos yeux, l'ouverture à l'autre permet de progresser, d'évoluer et de « grandir ».

Ne vous y trompez pas, nous ne sommes pas dupes. Nous avons conscience que de multiples facteurs entrent en compte dans ces étapes vers la maturité mais c'est à ce niveau que se trouve notre motivation pour cette recherche.

Tout groupe humain prend sa richesse dans la

communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences.

Françoise Dolto

Que ce soit au niveau mondial, européen ou national, ce sont les consensus qui font avancer les hommes. Le manque de communication, quant à lui, leur porte souvent préjudice.

A plus petite échelle, notre première partie sera consacrée à un constat et une analyse de ce phénomène au sein des établissements de santé où l'insuffisance de dialogue est un véritable fléau. Elle affecte le moral des équipes, contribue au turn-over du personnel et porte atteinte aux patients.

Afin de mieux appréhender les difficultés de communication au sein d'un collectif, nous aborderons dans une deuxième partie une approche sociologique de l'équipe. Celle-ci nous permettra de mettre en évidence les obstacles qu'elle rencontre. Ces derniers ne sont pas infranchissables. Une équipe, si elle le souhaite et si elle est accompagnée, peut atteindre le degré de maturité suffisant pour développer un langage et des objectifs communs afin d'améliorer son efficacité.

De la considération des obstacles vient l'échec. De la considération des moyens la réussite.

Anonyme. Extrait de Pantcha-Tantra

Nous faisons le choix de nous concentrer sur les moyens. D'après nous, c'est au cadre de
santé d'offrir à ses collaborateurs les conditions nécessaires pour l'amélioration de leur

Un dispositif d'analyse des pratiques professionnelles, conduit en équipe
pluridisciplinaire, permet-il d'améliorer d'une part la qualité des interactions et,
d'autre part le positionnement de chacun au sein du collectif?

système de communication. Le Répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière vient appuyer cette idée. Une question se pose alors : de quels outils dispose-t-il pour atteindre cet objectif ?

La dynamique des groupes proposent plusieurs techniques permettant l'amélioration des relations au sein d'un collectif. Notre intérêt s'est porté sur les groupes d'analyse des pratiques professionnelles qui nous semblent être un moyen adapté de conduire une équipe à franchir les obstacles auxquels elle se heurte. Notre troisième partie propose un éclairage théorique de cette méthode.

Selon nous, elle permet à chacun de se positionner au sein du collectif, mais aussi (et surtout) de prendre l'autre en considération dans sa pratique quotidienne, de « s'ajuster à autrui ». Notre enquête de terrain sera menée en ce sens. Nos ressentis et attendus sont-ils partagés par des professionnels participant à un tel dispositif ?

La dernière partie de cette recherche sera consacrée à cette question :

1. DES EXPERIENCES HOSPITALIERES

Les métiers de la santé sont avant tout des métiers de relation. Pourtant, force est de constater que les espaces pluridisciplinaires de parole, d'échanges et de réflexion ne sont que trop rares au sein des établissements de santé.

A Marseille, une étude1 menée par un groupe de travail sur le burn-out des soignants a montré que 30% des services de l'établissement concerné avaient instauré une réunion pluridisciplinaire de n'importe quel type que ce soit (groupe de parole, staff...).

1.1. Le staff

Le service de réanimation au sein duquel nous avons exercé, fait partie de ces 30%. Depuis plusieurs années, un staff est organisé toutes les semaines par le cadre de santé. Celui-ci a pour vocation de proposer un espace de parole au personnel paramédical, que ce soit sur leur vécu vis-à-vis d'un patient ou sur le fonctionnement du service.

Dans les faits, il est très difficile de faire adhérer les soignants à cette réunion. De manière récurrente, nous entendons qu'il est difficile de se faire entendre au sein des hôpitaux. La question se pose alors : pourquoi les soignants de ce service ne profitent-ils pas de cet espace de dialogue ? Plusieurs hypothèses nous apparaissent:

? Le staff se déroule pendant les heures de travail du personnel. Ainsi, nous entendons souvent des phrases du type « qui va faire mon boulot pendant que je suis là à discuter ? » et « j'arrive dans cinq minutes ». De plus, il est difficile de ne pas être dérangé, le staff se déroulant au sein du poste central de la réanimation. Ainsi, lorsqu'une alarme retentit dans le box d'un patient ou que le téléphone sonne, un membre du personnel est contraint de répondre ; la réunion est donc continuellement interrompue. Le cadre contextuel est-il le bon?

? Un médecin du service, dont le rôle est d'être garant de l'information médicale, assiste au staff. Le personnel lui laisse très souvent la parole ; seuls les « anciens » infirmiers

1 Etude réalisée par D. Lemoine, Infirmière Anesthésiste Diplômée d'Etat, dans le cadre d'un groupe de travail sur le burn-out des soignants.

s'expriment. Les autres membres du personnel ont-ils peur d'être jugés par le médecin ?

Ces questions resteront très certainement sans réponse, cependant, nous retiendrons de cette situation que la volonté d'échanger ne suffit pas pour échanger : le contexte et les membres en présence lors de la réunion influent sur son déroulement.

Une deuxième expérience, au sein du même service, nous confirme la difficulté de se rencontrer.

1.2. Les réunions d'éthique

1.2.1. L'histoire

Au début, la difficile prise en charge d'un patient qui a confronté l'équipe à de nombreuses incompréhensions mutuelles. D'un côté, les médecins, et de l'autre, l'équipe soignante... Qui n'a pas vécu une telle << séparation de pensée » au sein d'un service de soins ? Notre vocabulaire est pourtant bien le même, mais quel sens mettons-nous derrière les mots ?

Face à la détresse morale de certains membres du personnel et à la demande constante de l'équipe soignante d'organiser une rencontre pour parler de ce patient, l'équipe médicale et le cadre de santé ont décidé de mettre en place des << réunions d'éthique ». Elles auraient lieu environ une fois par mois et permettraient d'échanger sur des situations complexes, situations fréquentes en service de réanimation.

L'histoire commençait bien... En 2003, une étudiante cadre de santé, issue du même service, mettait en évidence dans son mémoire que ces réunions avaient conduit à une « synergie de l'équipe pluridisciplinaire». (Par synergie, elle entendait complémentarité des acteurs, partage des valeurs, partage de la décision, communication, cohésion et sens du soin). (Galland, 2002- 2003)2

2 Galland, karin. 2002-2003. Mots pour mots: réflexion et dynamique d'équipe. Marseille: IF-CS AP-HM, 2002- 2003.

Ces réunions étaient animées par le chef de service, et co-animées par un des chefs de clinique. Pour y avoir participé activement, nous pouvons dire à quel point il était difficile de s'exprimer pour le personnel paramédical. De plus, il semblait parfois exister une « vérité éthique » délivrée par le corps médical. Dans un tel contexte, il ne s'agissait plus de réunions, mais de cours magistraux. Cet état de fait a conduit le personnel paramédical à ne plus se rendre à ces rencontres, qui de plus, se déroulaient sur leur temps personnel. Une phrase prononcée par un infirmier à cette époque nous semble assez bien résumer cette situation : « Venir sur mes heures de repos pour m'entendre faire la morale...J'ai autre chose à faire. ».

Et c'est la fin de l'histoire... Aujourd'hui, triste réalité, ces réunions ont disparu. Au moins avaient-elles le mérite d'exister. Que s'est-il passé ?

1.2.2. Divergence d'objectifs et de perceptions

En nous basant sur certains résultats de l'enquête de terrain conduite par l'étudiante cadre de santé, nous pouvons mettre en évidence des points de divergence entre l'équipe médicale et l'équipe paramédicale :

? Les objectifs attribués à ces réunions : pour les médecins, il s'agissait de « régler des situations conflictuelles et des problèmes de décision de prise en charge », pour les soignants, ces réunions avaient pour ambition de « parler des situations difficiles », « améliorer la qualité des soins » et « évoquer les droits des patients ».

? La perception de ces réunions : du point de vue médical, elles étaient « un espace de régulation des conflits », du point de vue paramédical, elles représentaient « un lieu

d'échange ».

Nous tenons à nous arrêter sur le champ lexical employé par chacune des catégories socioprofessionnelles : d'une part, nous entendons « régler » et « réguler », ce qui nous renvoie à la règle, à l'ordre et à la conformité, d'autre part, il s'agit de « parler », « évoquer » et « échanger », c'est à dire exprimer sa pensée et communiquer.

Nous constatons donc à quel point la vision3 de ces réunions était très différente au sein des groupes médical et paramédical.

D'autres résultats ont montré que ces réunions augmentaient le niveau de connaissance de l'équipe ; les acteurs, au travers de discussions, apprenaient à mieux se connaître. Certains se sont rendu compte qu'ils travaillaient « à côté » de telle personne, mais pas « avec » cette même personne.

A l'heure où nous parlons, le personnel soignant n'est plus le même à plus de 60% ; nous pouvons donc penser que l'équipe est retournée à son état initial où chacun pensait qu'elle ne communiquait pas assez.

1.2.3. L'enquête next4

Cette étude, financée par la Commission européenne et menée dans 10 pays , porte sur la situation de travail et de vie des personnels soignants ainsi que des difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur métier. En France, le projet est relayé sous le nom PRESST5 : l'échantillon ayant retourné les questionnaires compte 5376 soignants issus de 56 établissements de santé différents. Les premiers résultats ont été analysés et retranscrits dans un article publié pour les Archives des maladies professionnelles. (Estryn-Behar, et al.)

En premier lieu, il est nécessaire de spécifier que 15,1% des soignants (ASH, AS, IDE, IDE spécialisés et cadres) ont accès à des réunions pluridisciplinaires de manière régulière et 23,2% de manière ponctuelle. Ces résultats viennent appuyer le constat réalisé au sein de l'établissement marseillais cité précédemment. Seul un pourcentage restreint de soignants dispose d'espace de dialogue réunissant l'ensemble du personnel dans leur exercice quotidien.

Parmi la population d'infirmiers interrogée, seulement 38,5% d'entre eux estiment pouvoir
discuter en détail de questions professionnelles (informations sur les protocoles, les

3 Le terme vision est employé au sens de « point de vue, avis, opinion ». Il désigne également « la représentation mentale que l'on se fait d'une réalité ». (Rey, 1998)

4 Nurse's Early Exit Study, http://www.presst- next.fr/SESMAT/

5 Promouvoir en Europe Santé et satisfaction des Soignants au Travail.

équipements, l'évolution du diagnostic et de l'état médical et psychologique des patients). Lorsqu'il s'agit de questions d'ordre psychologique, le pourcentage diminue à 27%.

Or, « l'insuffisance de travail en équipe, de la communication et du partage des décisions dans un environnement stressant est apparu comme un des facteurs clés » (Le nezet, et al., 2006)6 du turn-over du personnel soignant au sein des établissements de santé. Le désir d'abandon de la profession « tous les jours » ou « plusieurs fois par semaine » s'élèvent à 7,9% chez les IDE. Si l'on ajoute ceux qui y pensent plus ou moins souvent, le pourcentage s'élève à 47,6%.

Le manque de communication et de travail en équipe sont une véritable « plaie » pour les établissements de santé qui assistent à une « hémorragie » de leur personnel soignant. De plus en plus d'études sont publiées sur ce sujet : certaines établissent le lien entre communication et turn-over, d'autres s'attachent à l'évaluation des procédures mises en place au sein des services de soins pour améliorer la communication et la collaboration au sein des équipes. Que pouvons-nous en retenir?

1.2.4. De l'intérêt d'améliorer les relations dans les services

La majorité de ces enquêtes ont été réalisées aux Etats-Unis. Elles ont été recensées dans l'article publié par M. Estryn-Behar et O. Le Nézet7 et révèlent que « le soin apporté à la communication afin de mieux collaborer profite aux patients, infirmiers et médecins ».

La cohésion d'équipe, les relations infirmier/médecin et la communication influencent fortement le moral des équipes. Mais il ne s'agit pas uniquement de moral et d'intention de quitter la profession infirmière ; une équipe du George Washington University Hospital s'est attardée sur l'analyse des situations qui portaient préjudice au patient. Ici encore, le manque de communication et de travail en équipe est apparu comme un facteur influençant.

Enfin, une dernière étude a permis de signifier le lien entre les efforts de l'encadrement pour renforcer les relations interpersonnelles et la cohésion de l'équipe, celle-ci facilitant la satisfaction professionnelle de chacun des intervenants.

6 Le Nezet, Estryn-Behar. 2006. Insuffisance de travail en équipe et burn-out, deux prédicteurs majeurs dans l'intention de quitter la profession d'infirmière. Soins Cadres. Octobre 2006, Hors Série n°2.

7 Op. Cité. p.3.

Nous avons à plusieurs reprises évoqué les mots collaboration, cohésion, communication et relation ; il nous semble donc opportun de nous arrêter sur leur signification8.

? << Collaboration >> est dérivé du latin collaborare au sens de << travailler en commun pour gagner des bénéfices >>.

? << Cohésion >> s'applique à un groupe humain dans l'action. Ce mot indique le caractère de solidité d'un lien logique et les idées d'unité et d'union.

? << Communication >> est emprunté au dérivé latin communicatio << mise en commun, échange de propos, action de faire part >>. Plus tardivement, la communication est envisagée comme << manière d'être ensemble >> et comme << un mode privilégié de relations sociales >>.

? << Relation >>, appliqué aux rapports sociaux, fait référence à des liens de dépendance, d'interdépendance et d'influence réciproque.

L'ensemble des études auxquelles nous avons fait référence emploient ces termes au sujet de l'équipe de soins, de l'équipe pluridisciplinaire. Ces notions semblent être essentielles pour nombre de professionnels de la santé. Chacun relève donc l'importance de travailler en interdépendance, d'échanger, de transmettre et d'être unis pour améliorer les bénéfices de chacun : patients, infirmiers et médecins.

Pour M. Estryn-Behar et O. Le Nézet, « une équipe n'est pas un simple côtoiement hiérarchique de personnes oeuvrant dans différentes disciplines pour délivrer des soins aux patients. Une équipe soignante est le fruit d'un fonctionnement collectif i. Nous sommes en accord avec cette définition qui introduit la notion de « fonctionnement collectif » et donc, de travail effectué ensemble.

Pourtant, le constat que nous avons effectué ne nous pousse pas à croire que nombre d'équipe adopte ces comportements.

Peut-être que la communication devrait être formalisée, peut-être que les équipes devraient
s'accorder des temps dédiés à l'échange et à la réflexion ? Peut-être quelqu'un d'extérieur à

8 Op. Cité. (Rey, 1998)

9 Op. Cité. p. 5.

l'équipe serait-il le bienvenu pour animer ces espaces ? Il permettrait de réguler les temps de prise de parole et l'écoute de chacun.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les professionnels pour mettre en place de véritables lieux d'échange ? D'où provient la différence de vision entre médecins et personnels paramédicaux sur ces espaces pluridisciplinaires de parole ?

Nous avons mis en évidence l'importance de la communication intercatégorielle au sein des services et l'intérêt pour le cadre de santé de s'en préoccuper : l'amélioration des échanges, la synergie d'équipe et la construction d'un sens commun sont de réelles nécessités pour les professionnels de santé, les patients et l'hôpital.

Afin de comprendre les difficultés de communication rencontrée au sein des équipes, il nous paraît nécessaire de nous intéresser à ce concept. Cette approche devrait nous permettre de comprendre les conditions du bon fonctionnement d'un collectif de travail et d'appréhender les raisons de dysfonctionnements.

2. L'EQUIPE

2.1. Definitions

2.1.1. L'équipe

Les principaux chercheurs ayant travaillé sur les phénomènes de groupe ne se sont que peu penchés sur « l'équipe ». C'est le professeur Robert Lafon qui s'y est intéressé le premier ; dans un article publié en 1962, il évoque l'étymologie du mot : « Equipe viendrait du vieux français esquif, qui désignait à l'origine une suite de chalands attachés les uns aux autres et tirés par des hommes ou des chevaux, en attendant l'époque des remorqueurs. Est-ce l'image des bateliers tirant sur la même corde ou celle des bateaux attachés ensemble...Toujours estil qu'on a parlé un jour d'équipe de travailleurs pour réaliser une oeuvre commune (...) » (Les mécanismes des relations humaines dans le travail en équipe, 1962).10

« Réaliser une oeuvre commune », c'est là le propre de l'équipe. En effet, il est communément admis qu'une équipe est un « groupe primaire » (que nous définirons par la suite), cependant, dans cette catégorie elle « est une variété originale, qui ajoute à la cohésion socio-affective et aux relations interpersonnelles de face-à-face, une caractéristique supplémentaire : celle de la convergence des efforts pour l'exécution d'une tâche qui sera l'oeuvre commune. » (Mucchielli, 2007)11

Nous intéresser au fonctionnement d'une équipe nous impose donc de nous intéresser à celui d'un « groupe primaire ».

2.1.2. Le groupe primaire

Le terme « groupe primaire » est employé pour la première fois en 1909 par C. H. Cooley,
sociologue américain, et désigne « les ensembles humains caractérisés par une association

10 Les mécanismes des relations humaines dans le travail en équipe. Lafon, Robert. 1962. s.l. : XVIII° congrès de l'ANAS, 1962.

11 Mucchielli, Roger. 2007. Le travail en équipe./ Clés pour une meilleure efficacité collective. 10° édition. Issy les Moulineaux : ESF éditeurs, 2007. p. 208. Coll. Formation Permanente. 978 2 7101 1837 4.

ou une coopération de face à face » (Anzieu, 1968)12. Le qualificatif << primaire » complète la définition du groupe13 par la notion de face à face.

Le groupe primaire est généralement associé au groupe restreint et présente les caractéristiques suivantes (Anzieu, 1968)14 :

? Un nombre restreint de membres qui permet à chacun d'avoir des échanges interindividuels avec tous les autres.

? La communauté des buts.

? Des relations affectives entre les membres pouvant conduire à la création de sousgroupes.

? L'interdépendance des membres.

? La différenciation des rôles de chacun.

? La création de normes, de croyances et de rites propres au groupe (langage et code du groupe).

Ainsi, un groupe d'amis, une famille, un gang, un jury et bien d'autres encore se révèlent être des groupes primaires. On ne peut cependant pas les qualifier d'équipe.

2.1.3. Le travail en équipe

Comme nous l'avons souligné plus haut, celle-ci possède une caractéristique supplémentaire : << la dimension action », c'est-à-dire le fait qu'il y ait un travail à effectuer. Celui-ci impose à l'équipe « sa loi, ses exigences, son programme, ses moyens. Il n'y a d'équipe que de travail (...). ». (Mucchielli, 2007)15

12 Anzieu, Didier en collaboration avec J-Y Martin. 1968. La dynamique des groupes restreints. Paris: PUF, 1968. p. 416. p.13. Collection le Psychologue. 978-2-13-055887-3.

13 Op. Cité. p. 29. D.Anzieu en collaboration avec J-Y Martin, respectivement psychologue et psychosociologue, emploient le terme au sens d'« ensembles de personnes réunies ou qui peuvent et veulent se réunir ».

14 Op. Cité. p.36-37

15 Op. Cité. p. 16

Le travail en équipe est défini par la multidisciplinarité16, selon Jacobson et Monello17, il « groupe des professionnels de catégories différentes, obligés pour réaliser l'objectif, de se compléter, de s'articuler, de dépendre les uns des autres. ». Le travail en service de soins correspond à cette définition : médecins, infirmiers, aides-soignants, cadre de santé et autres catégories professionnelles sont obligés d'être réunis pour prendre en charge les patients. Ils dépendent les uns des autres pour réaliser au mieux la tâche qui leur est dévolue : ils sont une équipe.

2.2. L'équipe comme groupe mature

2.2.1. Définition

Selon R. Mucchielli18, l'équipe se situe parmi les groupes unitaires, c'est-à-dire le quatrième et dernier niveau d'existence groupale. Les groupes ayant atteint ce degré d'existence sont à la fois centrés sur la tâche et sur le groupe lui-même. Dans l'immédiat, nous ne nous attarderons pas sur les trois premiers qui ne concernent pas l'équipe, à savoir notre propos.

Au sein d'un groupe unitaire, chaque personnalité est reconnue par les autres membres du groupe. Le groupe est capable de s'autoréguler, « il se donne des règles et une règle de révision des règles ». Dans un tel ensemble, la distribution des rôles apparaît être une évidence ; chacun sait qu'il a besoin des autres pour réaliser l'objectif commun ; ainsi, chacun prend sa place. La deuxième caractéristique d'un groupe unitaire concerne les interactions ; Selon R. Mucchielli, « l'interaction est un phénomène vital pour le groupe », elle est également « l'unité de mesure de la participation ». (Mucchielli, 1980)19

Bien que les groupes ne soient pas censés remplir simultanément toutes les caractéristiques
évoquées précédemment pour exister, l'ensemble des auteurs sur le sujet s'accordent sur

16 Nous associerons systématiquement le terme équipe à la notion de multidisciplinarité.

17 Jacobson, V and Monello, P. 1970. Le travail social en équipe: la collaboration entre travailleurs sociaux de formation différente. s.l.: Editions Privat, 1970. p. 148.

18 Op. Cité. p. 29.

19 Mucchielli, Roger. 1980. La dynamique des groupes. Issy les Moulinaux : ESF éditeurs, 1980. p. 100. Collection Formation Permanente. 2-7101-0034-7. p.29.

l'importance de la qualité des interactions et de l'existence d'une division du travail bien définie (chacun connaissant ses responsabilités, prérogatives, territoires et modes de travail, mais aussi ceux des autres.) pour améliorer l'efficacité du collectif. Cette division du travail clairement établie organise et structure le groupe.

Cette situation ne correspond pas à celle rencontrée dans notre activité. Dans les services de soins, la distribution des rôles n'est pas toujours une évidence, et comme nous l'avons vu précédemment, les interactions ne sont pas toujours d'excellente qualité.

Les difficultés rencontrées par les équipes de soins nous paraissent liées à un degré de maturité inférieur à celui requis (groupe unitaire) pour fonctionner au mieux. Nous allons donc nous attarder sur la qualité des interactions au sein des équipes de soins, ainsi qu'à la distribution des rôles et la division du travail.

2.2.2. La question des interactions

Dans un premier temps, intéressons-nous à la qualité des interactions au sein de l'équipe.

« Une interaction est d'abord un échange entre membres du groupe [...] Elle suppose donc une communication (... (Mucchielli, 1980) or, celle-ci est fonction du nombre de membres du groupe ainsi que de son homogénéité.

P Qualité des interactions et nombre de membres du groupe

R. Mucchielli20, dans son ouvrage sur le travail en équipe (Mucchielli, 2007) cite plusieurs résultats d'expérience ayant prouvé la relation entre qualité des interactions et nombre de membres du groupe. Voici ce qu'il en ressort :

? « Plus le groupe est nombreux, moins les membres sont satisfaits parce que les difficultés de communication s'accroissent (...) (Golembiewski, 1962 ; Thomas et Fink, 1963)

? Plus le groupe est nombreux, plus il y a de chances pour que se forment des sousgroupes et des cliques. (Hare, 1952 ; Berkowitz, 1963)

20 Op. Cite. p. 46.

? Plus le groupe est nombreux, plus les problèmes interpersonnels prennent d'importance, au détriment de l'unité d'action dans la réalisation de la tâche. » (Deutsch et Rosenau, 1963 ; Hackman et Vidmar, 1970)

Selon les mêmes chercheurs, la taille optimale d'une équipe serait de trois à douze membres. Nous pouvons donc considérer comme normal qu'une équipe de soins rencontre des difficultés en termes de communication, celle-ci étant toujours constituée d'un collectif supérieur à douze membres.

P Qualité des interactions et homogénéité des membres du groupe

Attachons nous désormais à l'homogénéité. Selon Anzieu et Martin, « l'efficacité des communications dans un groupe requiert une certaine homogénéité des membres [...] homogénéité du niveau de culture et des cadres de référence mentaux (l'homogénéité intellectuelle est moins importante) (...) »21 .

S. Moscovici22 (Anzieu, 1968), quant à lui, fait remarquer l'importance de « l'homogénéité des systèmes de valeurs ». Selon lui, chaque individu ou chaque sous-groupe apporte son propre système de valeurs et celui-ci est unique ; la confrontation de ces systèmes à l'intérieur du groupe conduit généralement à une dégradation, voir à une rupture des échanges au sein de l'équipe.

Les difficultés de communication rencontrées dans les services de soins peuvent également s'expliquer par ces postulats.

Le << système de valeurs » d'un groupe peut aussi être appelé << code des valeurs », c'est-à-dire les règles de conduite qui apparaissent au sein du groupe. Ces règles permettent de déterminer quels sont les comportements ou opinions qu'il convient de suivre au sein du groupe : elles introduisent donc la notion de conformité. Or, ce qui est conforme l'est en fonction de normes.

21 Op. Cite. p. 208.

22 Op. Cite. p. 208-209.

Le fondement psychologique pour l'établissement de normes est « la formation de cadres de référence communs en tant que produit de l'interaction des individus. »23. Tout est donc étroitement lié : la communication est moins importante lorsque le groupe est nombreux, le produit des interactions est donc plus faible, et l'homogénéité des cadres de référence est donc plus difficile à obtenir ; c'est ce qui se passe au sein d'une équipe exerçant en service de soins.

Une homogénéité des cadres de référence et systèmes de valeurs apparait difficile à obtenir sans que l'équipe pluridisciplinaire n'y travaille réellement. Certes l'ensemble des professionnels de santé revendique des valeurs humanistes ; que l'on soit médecin, infirmier, aide-soignant, cadre de santé ou autre, le patient est au centre des préoccupations. Cependant, chacun s'est construit différemment et ne possède pas le même « groupe de référence ».

Ce groupe participe à la construction des identités professionnelles et sociales : de manière plus ou moins consciente, chacun possède la culture24 (opinions, principes, valeurs, langage et buts) du groupe de référence auquel il se rattache.

Or, cette identification « est considérablement favorisée par l'existence de filières promotionnelles instituées permettant de planifier l'accès à ce groupe » (Dubar, 2002)25. Il convient donc de nous arrêter sur les différences d'accès aux professions de santé.

D'une part, les médecins suivent un cursus universitaire : celui-ci assoit le savoir médical fondé sur la recherche scientifique et permet une reconnaissance de la profession.

D'autre part, les personnels paramédicaux sont formés en écoles et instituts. Ce sont « des milieux fermés, propices au développement d'une culture propre » (Hart, et al., 2002)26.

23 Coindre, Brigitte. 2007/2008. Cours de psychologie sociale. Licence AGES. Marseille.

24 La culture est un ensemble de croyances, de modèles, de représentations et d'habitudes qui guident inconsciemment les manières de penser et les conduites des individus qui participent à cette culture. Par définition elle s'acquiert par l'expérience. Une culture professionnelle se développe par les études et la formation ainsi que dans la pratique du métier. Mucchielli, Alex. 1985. Les mentalités. Paris: Presses Universitaires de France (PUF), 1985. p. 127 pages. pp.7-23. Coll. Que sais-je?. 978-2130388340.

25 Dubar, Claude. 2002. La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Paris: Armand-Colin, 2002. p. 255. ISBN 2-200-26448-8.

26 Hart, Josette and Mucchielli, Alex. 2002. Soigner l'hôpital. Diagnostics de crise et traitements de choc. Rueil-Malmaiison : Lamarre, 2002. p. 167. Coll. Gestion des ressources humaines. ISBN 2-85030-715-7. p.150.

Enfin, si nous retenons les infirmiers, leur savoir n'est pas reconnu comme scientifique puisqu'il n'est pas encore officialisé par la faculté.

Ces différences de formation impliquent une différence de références. Celle-ci est amplifiée par la pratique du métier. En effet, à l'heure actuelle, les médecins disposent de temps consacrés à la recherche, ce qui n'est pas le cas des professions paramédicales. De ce fait, les médecins se retrouvent fréquemment pour remplir leur mission de recherche et développent des normes « médicales ». Les paramédicaux, quant à eux (notamment les infirmiers), sont payés pour une production de soins et non de travaux de recherche. Leur quotidien est au chevet des patients, et c'est auprès d'eux qu'ils développent leurs propres normes.

Au sein de l'équipe pluridisciplinaire, nous nous retrouvons face à deux groupes de référence : les médecins et les personnels paramédicaux27. Chacun d'entre eux possèdent son propre système de normes et sa propre culture. Une enquête menée pour le Ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement et le Ministère de la Santé et des Solidarités vient appuyer cette idée ; voici ce que l'on peut y lire : « en milieu hospitalier, c'est l'esprit de corps qui est souvent évoqué comme constituant un principe d'union et d'alliance supérieur à l'esprit d'équipe » (Gheorghiu, et al., Juin 2005)28.

Il existe à l'intérieur d'une équipe de soins plusieurs systèmes de référence différents.

Etablir des normes passe par le produit des interactions. Travailler sur les interactions et la qualité de la communication permettrait-il d'améliorer l'esprit d'appartenance29 à l'équipe (en opposition à l'esprit de référence) ?

27 Pour cette étude, nous distinguerons les paramédicaux et les médicaux, mais il est fort à supposer que dans une étude plus approfondie, on puisse révéler l'existence de plusieurs groupes restreints au sein du personnel paramédical.

28 Gheorghiu, Minhaï Dinu and Frédéric, Moatty. Juin 2005. Les conditions du travail en équipe. Conditions et organisation du travil dans les établissements de santé. Ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement et Ministère de la Santé et des Solidarités. s.l. : Centre d'études de l'emploi (CEE), Juin 2005. p. 289, Post enquête. n°49. p.13

29 Nous faisons ici référence au « groupe d'appartenance » ; groupe dans lequel s'exerce la relation de travail, en l'occurrence l'équipe. Celui-ci se distingue du « groupe de référence » qui fournit à l'individu ses valeurs, ses opinions, ses comportements et ses normes.

2.2.3. La question de la division du travail

Attachons nous désormais à la division du travail (Comme nous avons pu le voir, celle-ci est le deuxième élément clé pour atteindre la maturité nécessaire au fonctionnement en équipe). Dans une équipe de soins, les rôles et places de chacun sont-ils correctement définis ? Chacun connait-il ses prérogatives et responsabilités ? N'existent-ils pas des << luttes de territoire »? C'est à ces différents points que nous allons désormais nous attacher.

P Définition des rôles et responsabilités

Commençons par la définition des rôles ainsi que la connaissance des responsabilités. Au sein d'une organisation, c'est la <<structure formelle », qui fixe officiellement la manière dont le travail est censé s'organiser ; dans sa version extrême, elle détermine les rôles et responsabilités. Pour éclairer notre propos, il convient donc de s'intéresser à cette structure au sein des services de soins ; sa représentation la plus simple est l'organigramme.

Au sein des établissements hospitaliers, il existe une hiérarchie médicale et une hiérarchie soignante ; celles-ci se traduisent au sein des services. D'une part, le chef de service a autorité sur l'ensemble du personnel médical, d'autre part, le cadre de santé est responsable de l'équipe soignante : ainsi plusieurs hiérarchies se croisent de manière interdépendante. Selon une étude menée en 2006 (Jounin, et al., Octobre 2006)30, la décomposition des tâches (prescription et exécution d'un acte par exemple) dans le milieu hospitalier obéit à différentes injonctions hiérarchiques ; à la question : « La hiérarchie, c'est aussi les médecins ? », voici ce que nous pouvons relever dans des entretiens réalisés pour la même étude (Jounin, et al., Octobre 2006)31 :

? Un infirmier : << Pour moi oui, ma hiérarchie...Même si, je veux dire, ils ont pas un rôle de sanction par rapport à moi. Enfin je pense pas, je sais pas si... Enfin moi je pense pas qu'ils peuvent me sanctionner. Ils pourraient faire un rapport à Mme X [surveillante générale] qui elle pourrait plus me sanctionner. Mais

30 Jounin, Nicolas and Wolff, Loup. Octobre 2006. Entre fonctions et statuts, les relations hiérarchiques dans les établissements de santé. Ministère de l'Emploi, de la Cihésion sociale et du Logement et Ministère de la Santé et des Solidarités. s.l.: Centre d'Etudes de l'Emploi (CEE), Octobre 2006. p. 129, Post-enquête. n°64. p.65.

31 Op. Cité. p. 105.

pour moi oui, hiérarchiquement, oui... Même si je sais que ma courbe hiérarchique, c'est pas celle-là. Mais pour moi, je reconnais aussi bien que les médecins sont, oui, hiérarchiquement supérieurs à moi et s'ils ont des choses à me dire, je suis capable de les entendre et... Même si dans l'organigramme on est séparé. Enfin moi je fais pas de distinction. Un interne viendrait me voir, je reconnaîtrais si j'ai fait des erreurs ou quoi que ce soit. Pour moi c'est sûr que hiérarchiquement il est supérieur à moi. Parce qu'il a un rôle de prescription, on a notre rôle propre, mais l'essentiel... enfin c'est pas l'essentiel. En partie on a un rôle aussi d'application de prescription. Il faut bien qu'on applique les prescriptions médicales. »

? Un interne : « Les infirmières, quelque part, si, quelque part, je sais pas si c'est hiérarchique, mais c'est moi qui fais les prescriptions, et c'est elles qui les appliquent.»

? Un médecin : « Vis-à-vis du personnel soignant, là c'est plus difficile bien sûr [qu'avec les internes et externes]. Ils sont pas sous ma responsabilité directe, je pense. J'en suis pas sûr, d'ailleurs. Ils sont pas sous ma responsabilité directe, ils sont sous celle du chef de service. Par contre effectivement, c'est le rapport... Même dès le niveau d'interne, les internes demandent des choses, font des prescriptions médicales que les infirmières doivent exécuter. Après, là aussi les infirmières ne sont pas juste là pour exécuter des ordres sans poser de question. On est très intéressé d'avoir des infirmières qui ont une opinion, et on discute. Après, bon, il faut qu'elles fassent ce qu'on leur demande. (...)Donc avec les infirmières, on a effectivement un rapport quand même de supériorité, parce que toutes les décisions sont médicales, c'est elles qui les exécutent. »

? Un cadre de santé : « C'est notre quotidien, d'être gérés par les médecins. Mais ce qu'il faut c'est garder notre autonomie, nous soignantes, et ne pas avoir de lien hiérarchique avec les médecins ».

Ces quatre extraits nous permettent de montrer à quel point la structure formelle est difficile à appréhender pour l'ensemble des corps professionnels exerçant au sein d'un service. Malgré une réglementation détaillée, personne ne sait vraiment de qui il est le responsable et de qui il dépend.

P Les glissements de tâches

Concernant la division du travail, nous pouvons également ajouter qu'il n'est pas rare d'assister à des « glissements de tâches »32 en service de soins. Dans l'étude citée précédemment, certains entretiens viennent confirmer ces « dépassements de responsabilités » :

? Un infirmier et un aide soignant : « - [Aide-soignant] L'infirmier a des fonctions bien définies par la loi. L'aide-soignant aussi. Mais du fait de la charge de travail et qu'on travaille en binôme, souvent l'aide-soignant est amené en fait à aller au-delà de ses fonctions.

- [Infirmier] Il y a des petits glissements (...) »

? Un membre de la CGT : « Ça s'appelle des glissements de tâches. Et ça il y en a tous les jours. (...). »

? Une directrice des soins et un cadre de santé : « - [Directrice des soins] Nous avons un gros souci sur les prescriptions médicales et d'examen. À partir de maintenant, si une prescription d'examen n'est pas validée par un médecin, il n'y aura pas d'examen. Il y a eu un souci, là, qui ne doit plus arriver, ça aurait pu être grave. On l'a arrêté juste avant, on peut le dire, le patient était tout prêt à passer à l'examen. Ce n'est pas à l'aide-soignante, à l'infirmière, ou au cadre... Ils peuvent remplir un bon, mais il doit être impérativement validé, sauf urgence vitale.

- [Cadre infirmier] Mais c'est nous qui le faisons depuis des lustres pour les bons de labo, et c'est la même chose pour la radio. (...) »

32 Selon l'auteur de l'étude, cette expression désigne le fait que des catégories de personnel non habilitées exécutent des tâches théoriquement réservées aux professions désignées par la réglementation.

L'ensemble de ces témoignages, nous permet également de penser que les rôles et responsabilités de chacun ne sont appréhendés et respectés que de manière partielle au sein des services de soins.

P Les luttes de territoire

Le dernier point que nous devons aborder pour appréhender le degré de maturité d'une équipe soignante concerne la connaissance et le respect des territoires de chacun. En établissement de santé, des luttes de territoire (et de pouvoir), qu'elles soient conscientes ou inconscientes, peuvent aller à l'encontre d'une coopération et d'une communication efficace.

É Le pouvoir médical

La profession médicale a toujours bénéficié d'une forte reconnaissance ; elle doit son pouvoir charismatique au fait que le médecin a souvent entre ses mains la vie d'un patient. En effet, le médecin a toujours été indépendant du jugement et du contrôle des profanes ; ce statut a permis à la profession d'évoluer de manière totalement autonome et de contrôler l'hôpital malgré la double hiérarchie (administrative et médicale). Aujourd'hui, ce pouvoir est remis en cause par plusieurs points :

? Des usagers des soins de plus en plus procéduriers qui remettent en cause la « toute puissance » des médecins.

? L'apparition d'une ligne hiérarchique paramédicale : la Direction des soins. ? La nouvelle gouvernance avec la mise en place des pôles.

? La haute technicité des hôpitaux modernes qui, comme le souligne C. Hugues pose la question des « frontières entre les différentes catégories de personnel : « comme le nombre de tâches à accomplir augmente de jour en jour dans les hôpitaux modernes, il y a davantage de frontières entre postes qu'il n'y en avait précédemment. Toutes sont le lieu d'une nécessaire coopération, et donc d'un conflit potentiel » (Carricaburu, et al., 2004)33. En effet, chaque nouvelle technologie pose la question de

33 Carricaburu, Danièle and Ménoret, Marie. 2004. Sociologie de la santé. Institutions, professions et maladies. Paris : Aramand Colin, 2004. p. 235. Collection U. ISBN 2-200-26229-9. p.62.

savoir qui de l'infirmier ou du médecin assurera les nouvelles tâches (chaque soin du

rôle propre infirmier pose la même question entre l'infirmier et l'aide-soignant).

Ce constat nous interpelle sur les « zones d'autonomie »34 de chacun des acteurs hospitaliers et il parait nécessaire de nous attarder sur l'évolution des professions paramédicales.

É L'évolution des professions paramédicales

D'après E. Freidson, « le terme « paramédical » s'applique aux métiers relatifs à l'administration des soins qui tombent finalement sous le contrôle du médecin » (Carricaburu, et al., 2004)35. Cette citation, qui date des années 1970 est-elle toujours valable dans le contexte actuel ? Certes, la capacité de prescription accorde aux médecins une autorité fonctionnelle sur l'ensemble des soignants, cependant, chacune des catégories professionnelles tend de plus en plus à s'organiser:

? L'institution d'un Diplôme d'Etat, d'un rôle propre et la création d'un ordre infirmier accorde à la profession une certaine autonomie. Les revendications concernant la formation par un cursus universitaire sont de plus en plus importantes : la profession évolue vers la reconnaissance d'un savoir qui lui soit propre et non issu des savoirs médicaux.

? Face à la technicisation de la fonction infirmière, les aides-soignantes revendiquent leur place auprès du patient dans l'accompagnement et l'écoute. Cette profession voit son statut modifié par la création d'un Diplôme d'Etat en 2007.

? Le métier de cadre de santé est créé par le décret n° 95-926 du 18 aout 1995 : ils sont formés à un travail de proximité, de gestion des ressources humaines et ne se limitent plus à uns simple fonction de contrôle comme les anciens surveillants.

? Enfin, comme dit précédemment, les professions paramédicales s'organisent autour de leur propre ligne hiérarchique. La Direction des soins dispose de l'autorité hiérarchique sur l'ensemble des cadres de santé : la création de cette nouvelle

34 Expression empruntée à M. Crozier, auteur de « L'acteur et le système ».

35 Op. Cité. p. 64.

hiérarchie pose la question de la subordination des personnels paramédicaux aux personnels médicaux.

La reconnaissance acquise par les professions de soins, détachées sur le plan administratif des professions médicales, n'est pas sans incidence sur les rapports entre les différents corps professionnels, sur les stratégies de carrière des membres des professions concernées et implicitement, sur les relations de coopération au sein des équipes. Ces jeux de pouvoir, très certainement inconscients, sont en opposition avec une division du travail reconnue de tous.

Nous venons de montrer qu'une équipe de soins ne remplit pas les critères fondamentaux de la maturité.

2.3. Les équipes en service de soins : des groupes non matures ?

Les interactions peuvent difficilement être de bonne qualité, le nombre important de l'équipe augmentant les difficultés de communication. Ces difficultés sont également amplifiées par une hétérogénéité des systèmes de valeurs et des cadres de référence mentaux au sein du groupe.

La division du travail, censée organiser et structurer le groupe, n'est pas clairement établie ; la structure formelle mal définie, les glissements de tâches et les jeux de pouvoir empêchent les membres du groupe de connaître et maîtriser les rôles et responsabilités de chacun.

2.3.1. L'équipe, un « groupe conflictuel » ?

Précédemment, nous avons choisi de ne pas évoquer l'ensemble des degrés de développement des groupes primaires car l'équipe, en théorie, est censée être un groupe unitaire.

A ce stade de la réflexion, il nous paraît utile d'aborder le troisième degré, celui-ci semblant correspondre au degré de maturité des équipes de soins. Le troisième niveau d'existence groupale (Mucchielli, 2007)36 correspond à un besoin de structuration et d'organisation interne. Un tel groupe se centre sur la tâche et non sur le groupe lui-même (contrairement au

36 Op. Cite. p. 28-29.

groupe unitaire dont la spécificité est d'être centré sur les deux). Il connaît son potentiel et son pouvoir, à tel point que certains membres entrent en conflit pour s'approprier cette puissance ; nous pouvons comparer cette lutte de pouvoir à celle que nous avons décrite précédemment. Un autre élément à relever concerne l'existence de sous-groupes ; nous avons également pu constater ce point au sein des équipes de soins. Enfin, dans un groupe de ce stade (que nous appellerons désormais « groupe conflictuel »), « les accords ne se font que du bout des lèvres » ; le niveau d'interactions, « phénomène vital pour le groupe », est faible. De fait « l'homogénéité des systèmes de valeurs » ne peut se construire. A ce stade, l'efficacité du groupe est moindre.

2.3.2. Quel rôle pour le cadre?

En nous appuyant sur les missions des cadres de santé définies par le répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière, nous considérons que le cadre de santé doit aider l'équipe à passer du stade « groupe conflictuel » à celui de « groupe unitaire ».

En effet, il doit « créer et adapter les conditions de l'efficacité, de l'innovation et de la motivation des agents »37 ; au vu des résultats de l'enquête Presst-Next, nous considérons qu'une des conditions de la motivation est la qualité des interactions.

De plus, le cadre doit également « Animer, mobiliser et entraîner une équipe de collaborateurs ».

Pour ce faire, il doit « Favoriser l'expression de ses collaborateurs ou de ses pairs sur les problèmes [...] Identifier les informations pertinentes, choisir et utiliser des supports et des moyens adaptés pour communiquer ». Cette mission, menée à bien, devrait conduire l'équipe à améliorer la qualité de ses interactions.

Enfin, le cadre doit favoriser le travail en réseau, l' « augmentation de la connaissance interprofessionnelle », «traiter des différends et des conflits professionnels », « redéfinir des missions (...) des responsabilités au sein des équipes ». Si le cadre mène à bien l'ensemble de ces missions, alors la division du travail sera mieux connue et respectée de tous.

37 http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/repert metierfph/

Ainsi, le cadre de santé, dans l'exercice de sa fonction, doit aider ses collaborateurs et pairs à améliorer leur système de communication ainsi que leur connaissance de la division du travail. Cette évolution permet alors au groupe de changer ; il passe du troisième stade de maturité au quatrième et devient un groupe unitaire, c'est-à-dire une équipe au sens véritable du terme.

2.3.3. Quels outils pour le cadre ?

Travailler sur la qualité des interactions suppose que le groupe apprenne à mieux communiquer ; une telle évolution suppose que celui-ci travaille à cette amélioration.

Dans ce domaine, le succès de la dynamique des groupes38 a été rapide et considérable. De nombreuses méthodes de formation aux relations humaines ont vu le jour ; chacune requiert la présence d'un animateur expérimenté. Celui-ci ne fait pas partie de l'équipe. J.Y. Martin39 définit son rôle comme capital ; il permet de réguler la parole, de permettre à chacun de s'exprimer librement sans peur du jugement et de rechercher les ressources de chaque participant.

Grâce aux fonctions de l'animateur, la qualité des interactions progresse au sein du groupe. Or, nous avons vu précédemment que l'émergence de normes (de système de référence commun) provient du produit des interactions ; nous pensons donc qu'un groupe de discussion conduit par un animateur expérimenté peut amener le groupe à une certaine « homogénéité des systèmes de valeurs ».

Pour le cadre de proximité, il s'agit donc de créer des espaces de dialogue en équipe au sein de son service. Face à la multitude de techniques proposées, laquelle doit retenir son attention ?

Selon R. Mucchielli40, lorsqu'une équipe veut se perfectionner, plutôt que d'être au point
d'équilibre de réflexion sur le groupe et la tâche, elle doit avoir tendance à se recentrer sur

38 Le deuxième grand champ de cette discipline consiste à permettre d'agir sur les différentes personnalités par le moyen du groupe lui-même : on parle alors d'action socio-psychologique.

39 (Anzieu, 1968) Annexe 1- Conduite et observation des réunions-discussions.

40 (Mucchielli, 2007)p. 31-32.

l'un ou l'autre. Dans le cas où elle recherche l'amélioration de la communication à propos des tâches prescrites (ce qui correspond à notre propos), elle devra se concentrer sur celles-ci.

Qu'est-ce-qu'une tâche ? Selon le Dictionnaire historique de la langue française (Rey, 1998), le terme désigne le travail déterminé que l'on a obligation de faire. Pour une équipe de soins, se centrer sur la tâche revient donc à se centrer sur le travail qui lui est dévolu : la meilleure prise en charge des patients.

Travailler sur la tâche impose le travail sur la pratique dans la mesure où celle-ci est définie comme la manière concrète d'exercer une activité. La réflexion sur la pratique permet de décomposer les rôles de chacun pour mener à bien la tâche prescrite ; elle permet donc d'appréhender la division du travail.

Le cadre de santé doit donc proposer un espace de dialogue conduit par un animateur (amélioration des interactions) où l'équipe travaille sur ses pratiques (division du travail).

Parmi l'ensemble des méthodes utilisées par les psychosociologues pour permettre au groupe de progresser, nous retiendrons donc les groupes d'analyse de pratiques professionnelles. Nous pensons que ces derniers permettent d'améliorer d'une part la qualité des interactions et, d'autre part l'appréhension par les membres du groupe de la division du travail dans la réalisation de la tâche qui lui est prescrite ; ces conditions étant celles requises pour constituer un groupe unitaire.

La suite de notre travail consistera donc à définir cette méthode.

3. L'ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES

3.1. Definitions

Nous commencerons par donner une définition des termes utilisés dans cette expression en nous appuyant sur celles développées par Jacky Beillerot41.

3.1.1. Pratique

Dans le sens le plus courant, une pratique est toute application de principes qui permet d'effectuer concrètement une activité, qui permet donc d'exécuter des opérations, de se plier à des prescriptions. Comme dit précédemment, une pratique permet de réaliser la tâche prescrite.

La pratique renvoie aux procédés pour faire et non au faire et aux gestes. Elle est à la fois la règle d'action et sa mise en oeuvre. Elle a une double dimension : d'un côté les gestes, les conduites et les langages, de l'autre, les objectifs, les stratégies (manière d'organiser une action pour arriver à ses résultats) et les idéologies (système d'idées et vision du monde) qui sont invoquées ; travailler sur les pratiques permet alors de connaître les processus et les valeurs qui guident nos actions dans le cadre du travail.

Cette définition nous permet d'appréhender la complexité des objets que sont les pratiques. C'est pourquoi elles ne peuvent se comprendre et s'interpréter que par l'analyse.

3.1.2. Analyse

Le terme comporte une double origine et un double usage : décomposition en éléments de la matière (chimie) et décomposition en éléments des idées, des notions ou des concepts : il s'agit alors d'une démarche et d'une méthode de pensée.

41 Beillerot, Jacky. 2003. L'analyse des pratiques professionnelles: pourquoi cette expression? In Cahiers pédagogiques. Cercle de Recherche et d'Action Pédagogiques, Septembre 2003, n° 416. Dossier "Analysons nos pratiques 2".

Analyser impose une opération de division : les procédures de découpe sont alors essentiels, sans eux, il n'y aurait pas d'analyse.

L'analyse impose la reconnaissance qu'un ensemble est constitué de parties qui, identifiées, permettront d'atteindre les noyaux de cet ensemble.

Pour Marguerite Altet : « analyser : c'est une démarche intellectuelle. Il s'agit d'une démarche compréhensive en comprenant le sens de la situation dans un réseau de sens. Analyser n'est ni évaluer, ni porter des jugements, ni mesurer des écarts, c'est mettre en relation, donner du sens. »42.

Analyser ses pratiques consiste donc à les « découper >> afin de pouvoir faire émerger les notions, idées et concepts qui les composent ; cette démarche permet de mettre en évidence la « double dimension >> de la pratique, de lui donner du sens.

3.1.3. Professionnelles

Cet adjectif signale que les pratiques dont il sera question sont celles-ci et point d'autres : autrement dit, avant de qualifier quelque chose, le mot « professionnelles » délimite ; il écarte ce qui n'est pas.

Lors d'une séance d'analyse de pratiques professionnelles, il ne conviendra pas de s'attarder sur d'autres pratiques que celles mises en oeuvre dans le cadre de l'exercice de la profession.

3.1.4. Analyse des pratiques professionnelles

Il s'agit d'activités pendant lesquelles les auteurs de pratiques professionnelles parlent de celles-ci, avec d'autres auteurs comme eux, en présence de quelqu'un au rôle nommé d'animateur.

Lorsque les pratiques sont abordées et connues par le discours, ce ne sont pas elles qui sont visées, mais ce que les auteurs peuvent en dire, en percevoir, en ressentir. L'animateur recherche avant tout à faire émerger la deuxième dimension des pratiques, à savoir les objectifs, stratégies et idéologies des membres du groupe.

42 M. Altet, in M. Martayan, Repères méthodologiques autour de la dynamique des Groupes d'Analyse de Pratiques Professionnelles, IFCS - AP-HM, 2007

Enfin, nous souhaitons donner une définition de l'analyse des pratiques professionnelles que nous partageons :

« Il s'agit d'activités qui sont organisées dans un cadre institué de formation professionnelle ou continue, qui concernent notamment les professionnels qui exercent des métiers (formateurs, enseignants, travailleurs sociaux, psychologues, thérapeutes, médecins, responsables de ressources humaines...) ou des fonctions comportant des dimensions relationnelles importantes dans des champs diversifiés (de l'éduction, du social, de

l'entreprise...)

D'autres dimensions paraissent caractériser l'Analyse des pratiques professionnelles : les sujets participant à un dispositif de ce type sont invités à s'impliquer dans l'analyse, c'est-àdire à travailler à la co-construction du sens de leur pratiques et/ou à l'amélioration des techniques professionnelles. Cette élaboration en situation interindividuelle, le plus souvent groupale, s'inscrit dans une certaine durée et nécessite la présence d'un animateur (...) ». (Blanchard-Laville, et al., 1996)43

Analyser ses pratiques professionnelles, c'est mener un travail sur soi (dans le contexte professionnel), avec d'autres, pour bénéficier de la richesse de l'interaction.

3.2. L'intérêt de la démarche

Pour Dominique Fablet,44 l'Analyse des pratiques professionnelles « a pour principale finalité la construction de l'identité professionnelle des praticiens, dans ses différentes composantes : renforcer les compétences requises dans les activités professionnelles exercées, accroître le degré d'expertise, faciliter la compréhension des contraintes et enjeux spécifiques des univers socio-professionnels et développer les capacités de compréhension et d'ajustement à

autrui... »

43 Blanchard-Laville, Claudine and Fablet, Dominique (ouvrage coordonné). 1996. L'analyse des pratiques professionnelles. Paris: L'Harmattan, 1996. p. 264. Coll. Savoir et Formation. 2-7384-8975-3. p.262-263

44 Fablet, Dominique. 2004. Les groupes d'analyse des pratiques professionnells: une visée avant tout formative. Connexions. Cairn, 2004, n°82 « Groupes de parole et cirse institutionnelle ». p. 105-117.

En d'autres termes, l'Analyse des pratiques professionnelles est un processus de professionnalisation ; elle permet au praticien de se confronter aux situations complexes de son exercice et de prendre le recul nécessaire.

Il est en effet difficile de réfléchir pendant la pratique, lorsque l'action monopolise l'attention. Dans ce contexte, il y a tout intérêt à réfléchir à distance de la pratique en instaurant un espace de réflexion.

Les séances d'analyse de pratiques professionnelles en groupe sont un travail « d'après-coup qui consiste à réfléchir et à essayer de comprendre pourquoi la personne s'est comportée de telle ou telle façon, et pourquoi cela pose problème. » (Amaral-Giacomino, 2003)45. Accepter le travail de l'analyse revient à accepter le questionnement et la remise en question autour de ses pratiques et comportements.

Enfin, on ne peut séparer sa propre pratique de celles des autres acteurs présents dans le champ. En service de soins, chaque geste est dépendant du geste de l'autre ; la pratique s'inscrit dans une action collective. Il existe des accords implicites qui permettent de fonctionner ensemble.

L'analyse de pratique en groupe vise donc l'organisation du travail, les rapports de pouvoir et les réseaux de communication46. Une telle analyse n'est possible qu'en présence de toutes les catégories d'acteurs puisque chacun dépend de l'autre : les accords implicites peuvent ainsi devenir explicites.

Avant de contextualiser notre propos en service de soins, nous nous proposons de situer les origines de l'analyse des pratiques professionnelles ; cette approche nous permettra de repérer différentes formes de ces activités.

45 Amaral-Giacomino, Christine. 2003. Théoriser les pratiques professionnelles. [book auth.] Claudine Blanchard-Laville and Dominique Fablet. Théoriser les pratiques professionnelles. Intervention et recherche- action en travail social. Paris: L'Harmattan, 2003, p. 252. Coll. Savoir et Formation..p. 50.

46 Perrenoud, Philippe. 2003. L'analyse de pratiques en questions. Cahiers Pédagogiques. Cercle de recherche et d'Action Pédagogiques, Septembre 2003, n°416. Dossier "Analysons nos pratiques 2"

3.3. Origines et influences de l'analyse des pratiques professionnelles

3.3.1. Les groupes Balint

Dans les années 50, alors que se mettait en place au Royaume-Uni, un enseignement de médecine générale, Michael Balint, psychanalyste d'origine hongroise, émigré en 1939 en Angleterre, proposa une nouvelle méthode de formation aux médecins généralistes. Celle-ci lui paraissait nécessaire car on s'était aperçu que « les réponses chirurgicales et médicales s'avéraient inefficaces » dans les cas où la demande des patients se situait dans un registre relationnel.

Deux solutions se proposent à lui: se positionner en tant qu'enseignant en psychanalyse et psychiatrie selon un modèle universitaire ou se positionner comme « leader d'une équipe de recherche dans un séminaire de discussion avec les médecins sur les problèmes psychologiques dans la pratique médicale » selon ses propres dires (Chami, 2001)47. Influencé par les études de cas (« case-work ») que pratiquait sa deuxième épouse dans le champ du travail social, il choisira la deuxième solution.

C'est ainsi qu'une méthode de formation très innovante vit le jour ; le premier groupe Balint, appelé la « vieille garde », réunissait douze médecins une fois par semaine pendant deux heures, et ce durant plusieurs années. Il proposait un « séminaire de discussion de groupe sur les problèmes liés à l'exercice de la pratique médicale ». (Chami, 2001)

Les objectifs de la formation étaient de permettre aux praticiens d'analyser les implications affectives et émotionnelles dans le travail avec les patients et de rechercher de quelles ressources personnelles ou professionnelles, ils disposaient pour s'en occuper.

47 Chami, Jean. 2001. Michaël Balint: un travail sur " la relation primaire" à l'usage des formateurs et des professionnels. [book auth.] Dominique (ouvrage coordonné) Blanchard-Laville et Fablet. Sources théoriques et techniques de l'analyse des pratiques professionnelles. Paris: L'Harmattan, 2001, p. 207. Coll. Savoir et Formation. p. 65-90.

3.3.2. Les influences théoriques

Nous pouvons retenir ici la double influence des « groupes Balint » : d'une part la psychanalyse, d'autre part, l'influence psychosociale à travers les études de cas.

M. Moreau-Ricaud, dans sa biographie de M. Balint relève cette double approche : « Le groupe Balint est une méthode hybride crée à partir de deux filiations, l'une psychosociale [...], l'autre analytique (...) ». (Fablet, 2001).48

Le champ psychosociologique se rappelle également à nous par l'usage du terme « communauté » par M. Balint lorsqu'il parle des participants à son dispositif. Ce mot nous renvoie d'une part à un modèle basé sur le partage et l'échange ainsi qu'à une notion de transformation de soi et des autres membres.

Selon J. Chami, peut-être trouvons-nous là « la genèse de la notion d'un groupe pouvant s'approprier ses processus d'autonomie et de développement par l'examen constant de son fonctionnement. ». Cette idée nous renvoie à la définition d'un « groupe mature », à savoir un groupe « capable de s'autoréguler ».49

L'outil d'analyse, de formation et de recherche sur les pratiques créé par Balint, peut largement déborder de la pratique médicale pour être utilisé dans des domaines où des similitudes relationnelles s'observent ; on parle alors plus généralement d'analyse des pratiques professionnelles.

Nous tenons à préciser qu'il nous a fallu du temps pour repérer, dans les nombreuses publications, les divers types d'analyse de pratiques professionnelles. En effet, il existe un véritable engouement pour ces méthodes. Nous avons distingué trois courants : une approche constructiviste (la pratique réflexive développée par Schön et Argyris), une approche psychanalytique ( le groupe Balint) et une approche psychosociologique (inspirée des groupes Balint et développée par Lewin à travers la recherche-action: l'intervention).

48 Fablet, Dominique. 2001. Les apports des pratiques d'orientation psychosociologique. [book auth.] Claudine Blanchard-Laville et Dominique Fablet. Sources théoriques et pratiques de l'analyse des pratiques professionnelles. Paris: L'Harmattan, 2001, p. 207. Coll. Savoir et Formation. p.153.

49 Op. Cité. p.85.

C'est à l'approche psychosociologique de l'analyse des pratiques professionnelles que nous nous intéresserons désormais puisque notre volonté est l'amélioration des relations interpersonnelles au sein de l'équipe pluridisciplinaire.

3.4. Approche psychosociologique de l'analyse des pratiques professionnelles

3.4.1. Objectifs du groupe

La mise en place d'un dispositif d'analyse de pratiques professionnelles nécessite de tenir compte de l'objectif du groupe. En ce qui concerne notre propos, l'objectif principal est de permettre à chaque membre du groupe de développer ses capacités de communication et sa capacité à prendre en compte les enjeux et contraintes de chacun. Pour reprendre les termes de D. Fablet, nous souhaitons que les membres du groupe développent << des capacités de compréhension et d'ajustement à autrui... ».

C'est pourquoi nous retenons l'approche psychosociale de l'analyse des pratiques professionnelles ; elle permet l'analyse des interactions, un éclairage sur le travail en groupe, et une ouverture sur une perspective de changement à l'intérieur du groupe lui-même.

3.4.2. Constitution du groupe

Un deuxième facteur est à prendre en compte : quelle est la constitution du groupe ? Dans notre cas, il s'agit d'un groupe dit << réel >>, c'est-à-dire constitué de professionnels exerçant dans une même institution, un même service.

Dans un tel contexte, l'analyse de pratiques professionnelles est appelée << intervention >> ou << formation intra-institutionnelle >> ; nous emploierons désormais ce terme.

3.4.3. L'intervention

La notion est apparue en France au milieu des années 1950 : il s'agit d'activités qui se distinguent de la formation en adoptant une démarche « « collaborative » - intervention avec - plutôt que « technocratique » - intervention sur » (Fablet, 2003)50.

L'intervention a une visée de changement dans le groupe ; elle recherche la dynamique collective plus que l'évolution des sujets. Les chercheurs en sciences sociale et humaine estiment que celle-ci contribue au changement social au sein d'un collectif de travail, à partir du collectif lui-même.

Il est à noter que le fait d'appartenir à un même collectif de travail n'est pas sans conséquence pour les membres du groupe. En effet, lorsque l'un d'entre eux prend la parole pour exposer une situation vécue, il s'exprime à la fois sur les représentations qu'il a de cette situation mais aussi sur les problèmes rencontrés avec les membres de son collectif de travail. De telles séquences remettent donc en question l'organisation et les relations interpersonnelles ; la situation peut aller jusqu'au conflit. Cependant, celui-ci, analysé et vécu de manière constructive, permet l'évolution des représentations de chacun.

P Supervision ou consultation ?

Le travail d'analyse peut s'avérer très différent en fonction du collectif de travail : le type d'activité, les missions du service et les caractéristiques des usagers sont à prendre en compte. On distinguera supervision et consultation.

La supervision consiste à se pencher sur le type d'approche mis en oeuvre dans le rapport à l'usager dont les professionnels s'occupent. Cette approche s'inscrit dans un registre plutôt psychanalytique et consiste en l'analyse des transferts et contre-transferts.

Dans le travail de consultation, on se concentre essentiellement sur le projet de service, les
rapports et interactions entre professionnels, les modes de fonctionnement, les valeurs du

50 Fablet, Dominique. 2003. Un obstacle au développement des pratiques d'intervention: l'absence de procédures codifiées. Connexions. Cairn, 2003, n°79 " Procédures comme organisateurs institutionnels", p.144. pp. 81-97.

collectif....Il s'agit d'une approche psychosociologique. Cette démarche concoure à la régulation institutionnelle par un réaménagement des relations entre groupes et catégories professionnelles d'un même collectif de travail.

Distinguer supervision et consultation est une nécessité. Cependant, rares sont les démarches d'intervention qui n'associent pas les deux. En fonction de la demande, l'une prendra le pas sur l'autre ; si l'on se penche plus précisément sur les dimensions collectives, alors la consultation sera prépondérante. A l'inverse, si l'analyse porte essentiellement sur la relation aux usagers, alors la supervision prendra le dessus.

Au vu des objectifs visés par une formation intra-institutionnelle, nous pouvons nous rendre compte que les demandes émises par les collectifs portent généralement sur les deux versants de l'intervention. Ceux que nous retrouvons le plus fréquemment sont les suivants :

? dégager les caractéristiques des modes de fonctionnement et des modalités de travail développées par les professionnels (consultation)

? repérer les dysfonctionnements et les contre-attitudes dans les interventions de soins (supervision)

? « réfléchir au traitement approprié pour surmonter les obstacles rencontrés ».51

Nous retiendrons donc que mener une démarche d'intervention consiste à la fois en un travail de consultation et un travail de supervision pour l'intervenant.

P Les étapes de la démarche

Elle se déroule en trois phases (Fablet, 1998)52 : analyse de la demande, mise en oeuvre du dispositif d'analyse des pratiques et séances d'évaluation.

51 Op. Cité. (Fablet, 2003) p. 105-117.

52 Fablet, Dominique. 1998. Les groupes d'analyse des pratiques professionnells, un moyen de lutter contre l'usure professionnelle. Les cahiers de l'actif. Mai-Juin 1998, n°264-265, p. 123. p. 83.


· La demande : une étape essentielle pour le cadre de sante.

La demande est essentielle en situation d'intervention. Elle est une des principales différences avec une activité de formation pour laquelle l'offre précède en général la demande (plan de formation). Dans le cadre d'une situation d'intervention, la demande précède l'offre.

Cette situation est cependant un véritable problème au sein des établissements : l'intervention étant construite sur la demande d'un collectif de travail, elle n'apparaît jamais au plan de formation (et ce, malgré sa visée formative). Le cadre de santé a donc un rôle à jouer dans cette phase. Avant même de contacter l'intervenant, il doit s'assurer de convaincre les décideurs de l'établissement que le projet est une nécessité, qu'il permet d'améliorer l'efficacité de l'équipe en offrant à chaque personnel participant la possibilité de remettre en question ses propres pratiques.

Un argument complémentaire est l'amélioration de la communication au sein de l'équipe, celle-ci permettant, comme vu précédemment de retarder les départs prématurés des corps professionnels paramédicaux : une démarche d'intervention possède un véritable retour sur investissement en ce sens où elle permet de fidéliser le personnel en améliorant la qualité des échanges.

Le cadre de santé aura donc à réaliser une demande détaillée53 précisant notamment la contribution attendue de la formation (impact souhaité sur la performance du service), les objectifs de compétence, les délais et périodes ainsi que la population concernée. Suite à cette demande, le cadre de santé devra travailler en collaboration avec le service formation de l'établissement afin de rédiger un cahier des charges spécifique à la démarche d'intervention.

Une fois cette étape réalisée, la demande sera transmise à l'intervenant retenu, celui-ci devra procéder à une phase d'analyse afin de répondre aux attentes de toutes les parties en présence.

53 Delle Vergini, Nelly. 2007/2008, Techniques de la GRH, la formation continue, licence AGES, quatrième séquence. Marseille.

É La phase d'analyse

Elle ne doit pas s'éterniser : cela pourrait avoir pour conséquence une lassitude de la part du collectif. Elle comprend une série de rencontres entre les intervenants et les professionnels auprès desquels l'intervention sera menée. Pour l'animateur, il s'agit de définir les circonstances qui sont à l'origine de cet appel extérieur, de mieux connaître le contexte : en général, celui-ci procèdera d'abord à une présentation générale du projet à l'ensemble des professionnels concernés puis à la distribution de questionnaires afin de connaître les attentes de chacun. Ces derniers permettent également de s'assurer de la volonté de participation des membres de l'équipe de travail. S'il n'existe pas un consensus suffisant, la démarche ne pourra pas être poursuivie.

Si le projet est réellement un projet d'équipe, alors la phase de mise en oeuvre du dispositif pourra démarrer.

É Les journées d'intervention

Une journée d'intervention se déroule en plusieurs temps. L'animateur consacre d'abord un temps de travail avec les responsables du service afin de connaître les derniers évènements survenus. Le cadre de proximité joue ici un rôle essentiel : il doit relever les faits qui ont marqué le collectif et noter les améliorations (ou dégradations) dans l'exercice de la pratique au quotidien.

Ensuite, l'intervenant organise des travaux de groupe avec les professionnels. Il est à préciser que les responsables sont également invités à participer. S'ils ne le souhaitent pas, une séance de restitution sur les principaux points du travail réalisé par les professionnels aura lieu en fin de journée.

Ces groupes d'analyse des pratiques professionnelles sont constitués d'environ une douzaine de professionnels. Les participants sont invités à tour de rôle à s'exprimer sur des situations concrètes rencontrées dans leur pratique et sur lesquelles ils se questionnent. Les axes du travail d'analyse sont de plusieurs ordres, nous ne retiendrons ici que celles qui touchent au collectif de travail lui-même :

? Les procédures de travail mises en oeuvre ? Les relations de travail en équipe

? La définition des rôles et activités de chacun ? Les modalités de coopération dans l'équipe...

Chaque thème est abordé au cours d'une journée, ainsi, pour faciliter et préparer la réflexion, l'animateur peut donner des indications préalables d'une séance sur l'autre : il peut introduire le thème par un bref exposé, distribuer des questionnaires aux participants ou encore proposer la lecture d'un texte.

Une séance d'intervention fonctionne comme une réunion de service ou d'équipe. Elle est mise en place de manière contractuelle et s'attache « aux processus groupaux en rapport avec les valeurs et représentations collectives de l'équipe ». Il s'agit d'un « espace de parole à visée élaborative » (Blondeau, 2000)54 qui contribue à donner du sens aux actes et à la position de chaque membre de l'équipe.

É L'évaluation du dispositif

Il nous paraît important de préciser qu'un tel dispositif n'est pas figé : il ne peut rester stable du début à la fin. En effet, la transformation voulue du collectif peut conduire à des remaniements nécessaires. Ce sont les séances d'évaluation qui permettront de réajuster le dispositif en fonction de la demande des participants.

Ce chapitre précédent, nous a permis de clarifier ce que nous entendions par groupe d'analyse des pratiques professionnelles.

A ce stade de notre recherche, il nous paraît important de présenter une synthèse de notre problématique. Celle-ci devrait permettre au lecteur de resituer l'ensemble de notre propos.

54 Blondeau, Serge. 2000. Dispositifs d'analyse clinique de la conduite professionnelle. [book auth.] Claudine Blanchard6laville et Dominique Fablet. L'analyse des pratiques professionnelles. Nouvelle édition revue et corrigée. Paris: L'Harmattan, 2000, p. 286. Coll. Savoir et Formation.

4. SYNTHESE DE LA PROBLEMATIQUE

Selon C. Eymard, la caractéristique du chercheur « relève de sa capacité à interpeller une situation, une réalité, une perception, une question »55 ; il ne donne pas de solution, « ne clôture pas le problème » (Eymard, et al., 2004)56.

Notre réalité, en tant qu'apprenti chercheur, concerne le manque de communication intercatégorielle au sein des établissements de santé. A l'heure de la nouvelle gouvernance, où l'on demande aux personnels hospitaliers d'améliorer leur efficacité et de prendre des décisions collectives, la question nous est apparue essentielle.

En effet, de nombreuses études ont établi les liens entre manque de communication et turnover du personnel soignant, entre manque de communication et qualité des soins et entre manque de communication et cohésion de l'équipe, celle-ci améliorant l'efficacité d'un collectif de travail. In fine, la qualité des relations au sein d'une équipe profite aux soignants, aux médecins et aux patients.

Face à ce constat, nous nous sommes demandés pourquoi les équipes rencontraient des difficultés en termes de communication ? Quels étaient les éléments en jeu dans ce phénomène ?

Une approche théorique de l'équipe nous a permis de mettre en évidence le degré de maturité atteint par les équipes pluridisciplinaires des services de soins, à savoir le stade de « groupe conflictuel ». Au sein d'un tel collectif (qui en théorie ne peut être nommé « équipe »), l'efficacité est moindre car la qualité des échanges et la division du travail ne permettent pas à chacun de trouver et de prendre sa place. L'ensemble des chercheurs ayant travaillé sur le sujet affirment que ces critères sont fondamentaux pour atteindre le degré de maturité requis pour qu'un collectif fonctionne au mieux : il devient alors un « groupe unitaire », une équipe au vrai sens du terme.

55 Eymard, Chantal. 2003. Initiation à la recherche en soins et santé. Paris: Lamarre, 2003. p.19.

56 Eymard, Chantal, Thuilier, Odile et Vial, Michel. 2004. La recherche en soins et santé, le travail de fin d'études. S'initier à la recherche en soins et santé. Paris: Lamarre, 2004. in O. Thuilier, Méthodologie de la recherche: méthode clinique et recherche en soins et santé. IFCS AP-HM.

Le cadre de santé, dans l'exercice de sa fonction, doit aider ses collaborateurs à améliorer leur système de communication et augmenter la connaissance interprofessionnelle. Peut-il les conduire à passer du stade de groupe conflictuel à celui d'équipe ? De quels moyens disposet-il pour accompagner le collectif vers une meilleure efficacité ?

De nombreuses méthodes utilisées par les psychosociologues permettent aux groupes de se transformer, de se perfectionner. Notre attention s'est portée sur l'analyse des pratiques professionnelles, et plus précisément sur l'intervention, car nous défendons l'idée qu'elle permet au groupe d'atteindre le stade de groupe unitaire. En permettant l'accès à un tel dispositif, le cadre de santé peut-il accompagner le collectif à changer de fonctionnement ?

Certains chercheurs ont déjà mis en évidence des points positifs développés par les équipes grâce à l'analyse des pratiques professionnelles

Selon D. Fablet57, les séances d'intervention facilitent l'intégration des nouveaux arrivants et permettent la « circulation de la parole et des affects, sans crainte de sanctions ou de réprimandes éventuelles ». Elles offrent également un soutien à toutes les catégories de professionnels en permettant l'expression des savoir-faire de chacun.

Les conclusions de l'auteur nous renforcent dans l'idée que de tels dispositifs seraient les bienvenus au sein des services de soins, cependant elles ne précisent pas les propos de notre recherche.

La suite de notre étude, conduite sur le terrain, aura pour objectif de mettre en évidence les transformations du collectif ressenties et vécues par des professionnels participant à un dispositif de supervision.

Un dispositif de supervision, mené par un intervenant au sein d'une équipe
pluridisciplinaire, peut-il aider le collectif à devenir un « groupe unitaire ii ?

57 Op. Cité. (Fablet, 1998) p. 96.

5. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

Le terme méthode est emprunté au grec methodos, formé de méta « vers, à la recherche de » et de hodos qui signifie « route, voie », « direction qui mène au but ».58 La méthode serait alors la direction à suivre pour atteindre le but que l'on s'est donné.

5.1. La méthode clinique

Clinique est issu du grec Klinikê, « médecine exercée au chevet du malade »59. Cependant, la recherche clinique n'impose pas que le sujet soit un patient alité. En revanche, c'est à travers « ses symptômes60 » que le chercheur pourra comprendre le phénomène auquel il s'intéresse.

En suivant cette voie, le chercheur (tel le médecin) doit être à l'écoute, se questionner et questionner : seule l'auscultation du récit singulier de la personne lui permettra de donner du sens, de comprendre d'analyser et d'interpréter.

Comme le souligne C. Eymard, « le but de la méthode clinique n'est pas de généraliser mais de s'intéresser au discours singulier du sujet »61 : elle vise la mise en évidence de l'unicité de l'objet de recherche : ce qui le caractérise.

Selon Jean Sygneirole (Sygneirole, 2000)62, il s'agit « d'instrumenter un rapport différent à ce monde. L'effort du chercheur « est tendu par le fait d'imaginer et de construire des perspectives inhabituelles d'un monde qui lui est familier. Pour cela, il doit compter sur l'autre, il ne peut compter que sur l'autre, car c'est le seul qui puisse le surprendre par sa parole et ses perspectives radicalement étrangères. L'autre est la surprise de son propre horizon. »

58 Op. Cité. (Rey, 1998).

59 Op. Cité. (Rey, 1998)

60 Le terme est emprunté au grec sumptôma qui signifie « coïncidence de signes ». Le nom dérive du verbe sumpiptein « se rencontrer ». En ce sens, il nous paraît approprier de l'employer. Op. Cité. (Rey, 1998)

61 Op. Cité. (Eymard, 2003). p.12.

62 Sygneirole, Jean. 2000. Les enjeux d'une approche clinique, entre recherche et pratiques professionnelles. L'année de la recherche en sciences de l'éducation. AFIRSE. Matrice, 2000, p. 145.

Toute méthode de recherche s'inscrit dans une manière d'appréhender le monde: la méthode clinique provient du paradigme de pensée biologiste qui privilégie la subjectivation, l'écoute, la mesure qualitative, l'interaction et les savoirs d'expérience.

Notre problématique de recherche prend en compte la nature des relations, des interactions et de la communication au sein d'une équipe ; elle s'intéresse aux rapports humains.

De plus, l'analyse des pratiques professionnelles est en elle-même un moyen de développer les savoirs d'expérience, l'écoute et les interactions : elle suit un chemin parallèle à la méthode clinique.

Ainsi formulée, il nous semble pertinent de poursuivre notre recherche dans cette direction : celle de la rencontre et de l'acceptation de l'autre en tant qu'individu singulier et universel à la fois63.

5.2. Le dispositif de recherche

5.2.1. L'entretien libre

Selon M. Grawitz, l'entretien « est un procédé d'investigation scientifique utiisant un processus de communication verbale, pour recueilir des informations, en relation avec le but fixé. »64 ; cette situation implique un « contrat de communication »65.

Celui-ci doit être négocié entre le chercheur et la personne interviewé dès la première prise de contact. Aussi, nous rappellerons à la personne notre code déontologique (anonymat des personnes interrogées) et nous lui proposerons de nous rencontrer dans un lieu calme et neutre. Enfin, nous demanderons l'autorisation d'enregistrer la totalité des entretiens66 afin d'éviter toute prise de notes, celle-ci pouvant laisser croire au sujet que le chercheur n'est pas centré sur son discours.

63 Par singulier nous entendons dans sa singularité, et par universalité, nous entendons dans son humanité.

64 Grawitz, M. 2001. Méthodes en sciences sociales. 11° édition. s.l.: Dalloz, 2001. p. 586. in O. Thuilier, Méthodologies de la recherch: méthode clinique et recherche en soins et santé. IFCS AP-HM.

65 Blanchet, A. 1991. Dire et faire dire: l'entretien. Paris: Armand Colin, 1991. p. 141. in O. Thuilier, Méthodologies de la recherche: méthode clinique et recherche en soins et santé. IFCS AP-HM.

66 Par la suite, une retranscription littérale sera réalisée.

Comme le souligne C. Eymard, O. Thuilier et M. Vial, l'entretien « est beaucoup plus qu'un outil, c'est une rencontre avec l'autre pour un recueil de sa parole »67 . Pour recueillir cette parole, le chercheur aura à se positionner dans une attitude d'écoute active : le sujet doit le sentir concerné par ce qu'il dévoile.

Ecouter, c'est également « accueillir favorablement »68, c'est-à-dire sans à priori, jugement de valeurs ou prises de position. En ce sens, le chercheur doit accepter et respecter la vérité de l'autre.

Cependant, tout en respectant l'autre et en intervenant le moins possible dans son discours, il ne doit pas oublier de garder le cap de l'entretien. Pour recentrer le discours de l'autre sur l'objet de recherche, il aura donc à utiliser divers procédés de relance (reformulation, complémentation, attitudes non verbales).

L'entretien sera donc introduit par une question inaugurale. Celle-ci laisse une quasi totale liberté au sujet interviewé.

5.2.2. La question inaugurale

5.2.3. Choix du terrain et de la population

D'après vous, quels sont les apports du dispositif d'intervention pour
l'équipe?

Les entretiens de notre recherche seront effectués au sein d'un établissement psychiatrique de la région Provence Alpes Côte d'Azur. Nous ne pouvons pas réellement parlé de choix. En effet, il nous a été très difficile de repérer les services conduisant en leur sein un dispositif d'intervention.

67 Op. Cité. (Eymard, et al., 2004) 68Op. Cité. (Eymard, 2003) p. 124.

Après avoir contacté par voie électronique nombre de personnes intervenant en tant qu'animateur, il nous est apparu évident que notre dispositif présenterai des biais (auxquels nous nous attacherons plus tard).

Cependant, il était important pour nous d'inclure des personnes participant à un groupe de supervision depuis plus de six mois. Ce délai nous paraissant minimum pour pouvoir commencer à observer des changements dans le fonctionnement de l'équipe.

Autre critère important, la nécessité de pratiquer des entretiens auprès de professionnels de différentes catégories professionnelles afin de pouvoir parler de groupes de référence et d'émergence de normes communes entre ces différents professionnels.

Nous avons donc cherché un service menant une intervention à laquelle participent les médecins et les paramédicaux : cette pratique ne semble que très peu fréquente et n'est absolument pas pratiquée dans notre région.

In fine, faute de temps et de moyens, notre dispositif de recherche sera conduit auprès d'infirmiers, de psychomotriciens et d'éducateurs spécialisés exerçant au sein d'une même équipe.

5.2.4. Modalités d'accès au terrain

Nous avons rédigé une demande d'autorisation écrite de conduite d'entretien au Directeur des Soins de l'établissement concerné.

Suite à son accord, nous avons pris contact par téléphone avec le cadre de santé de l'unité concernée par notre recherche.

Nous avons précisé notre demande : initialement, nous souhaitions rencontrer des aidessoignants et infirmiers. Il s'est avéré que ce service ne comporte pas d'aides-soignants dans son effectif. De fait, nous avons décidé d'inclure les autres catégories professionnelles participant au dispositif d'intervention appelé « supervision »69 dans le service.

69 Il sera donc important de préciser aux personnes rencontrées en entretien que lorsque nous leur parlerons de « dispositif d'intervention », il s'agira en fait de leur « dispositif de supervision ».

Nous avons précisé au cadre de santé que les entretiens seraient entièrement enregistrés et anonymisés et que leur durée moyenne tournerait autour de 45 minutes.

Concernant le choix des participants, c'est le cadre de santé contacté qui a cherché des volontaires et qui a repris contact avec nous. C'est à ce moment que nous avons fixé le lieu de rencontre (bureau du cadre) et les dates des rendez-vous en fonction des disponibilités respectives.

Avant d'aller conduire les entretiens, nous avons pris conscience qu'en tant qu'apprenti chercheur, nous ne nous sentions pas suffisamment expérimentés pour réaliser ces entrevues sans avoir construit au préalable une trame envisageant diverses questions de relance. Celle-ci nous servira de repère : elle contient les grands thèmes par lesquels nous tenons absolument à passer.

Les relances éventuelles sont précisées dans le tableau en page suivante. Celui-ci contient également les attendus présupposés des entretiens à la lumière de la théorie apportée précédemment.

Celles-ci ne seront utilisées que dans le cas où la personne resterait « sans voix » face à cette question.

5.2.5. Les attendus des entretiens et les relances éventuelles

P Le tableau

THEMES

ATTENDUS AU VU DE

OBJECTIFS

RELANCES

L'ECLAIRAGE

 

THEORIQUE

 
 
 

Interactions

Un dispositif
d'intervention améliore
la qualité des
interactions d'une
équipe

1' Identifier une évolution

de la qualité des
relations dans l'équipe
depuis la création du
dispositif.

1
6

Homogénéité des
systèmes de
valeurs

Un dispositif
d'intervention permet
l'émergence de normes
communes à l'équipe
grâce aux produits des
interactions

1' Identifier la construction

d'un système de valeurs
commun à l'ensemble
des membres de l'équipe
depuis la création du
dispositif

2

3
6

Division du
travail

Un dispositif
d'intervention permet à
chacun de définir son
rôle et ses
responsabilités

1' Déterminer l'impact du

dispositif en termes de

positionnement des

individus dans l'équipe

4
6

Stade de
développement
du groupe
(maturité)

Un dispositif
d'intervention permet au
groupe de se
transformer, d'évoluer

1' Identifier des

changements individuels et/ou collectifs depuis la création du dispositif

5

6

1. Que pouvez-vous me dire à propos des relations dans l'équipe depuis la création du dispositif? (ou depuis que vous y participez ?)

9 Distribution de la parole ?

9 Sentiment d'être écouté pendant et en dehors des séances ?

2. Avez-vous vu apparaître des règles de conduites communes (normes) au sein de l'équipe ?

9 Comportements « punis » ? (rejet des personnes déviantes) 9 Opinions qu'il convient d'avoir ?

4. Votre sentiment d'appartenance à l'équipe a-t-il été modifié depuis la création du dispositif? (ou depuis que vous y participez ?)

9 Plus ou moins important que le groupe de référence de l'individu? (groupe Aide-soignant, Infirmier, ...)

5. D'après vous, l'intervention a-t-elle modifié votre positionnement dans l'équipe ?

9 Rôle déterminé ?

9 Responsabilités connues de vous et des autres ?

9 Conflits concernant la réalisation de certaines tâches ?

6. Avez-vous le sentiment d'avoir développer de nouvelles connaissances,

capacités, compétences ou comportements ?

9 Et l'équipe ?

6. Avez-vous quelque chose à rajouter ?

go Les relances

5.3. Résultats et analyse des entretiens

Nous avons réalisé quatre entretiens, chacun d'entre eux nous a permis de confirmer certains de nos ressentis au vu de notre éclairage théorique. En revanche, cette ouverture « au perspectives radicalement étrangères »70 de « l'autre » nous a conduits à élargir notre manière d'appréhender les dispositifs d'intervention en services de soins. Les résultats seront retranscrits sous forme de tableaux : chacun concerne un thème et un sujet interviewé. L'intégralité de la retranscription des entretiens se trouve en annexe (annexes 1, 2, 3 et 4) ; les lignes sont numérotées, ainsi, nous pourrons les coder dans les tableaux ci-dessous.

Exemple : Lignes 14 à 16 donne L14-16
Ligne 10 donne L 10

70 Op. Cité (Sygneirole, 2000)

5.3.1 Conceptions de l'intervention

Cette première partie des résultats et de l'analyse consiste à repérer la manière dont les professionnels rencontrés conçoivent le dispositif d'intervention mené dans leur service.

É Résultats

Sujet

Conceptions

Rose (Annexe 1)

Infirmière Psychiatrique
(a passé son équivalence Diplôme d'Etat)

 

(...) ça nous sert de régulation autour du soin...hein, autour de la prise en charge des patients ici...L 19-20

 

(...) dans une équipe qui généralement fonctionne [...] ça prend une autre dimension et ça prend la dimension du soin (...) L 33-34

Centrée sur l'usager

Elle nous apporte...de nous aider à réfléchir et à comprendre comment euh...comment avancer dans le soin avec certains patients qui nous posent problème... L 51-53

 

Donc, [...] ça aide à se poser des questions sur la prise en charge des patients [...] ça développe des compétences pour cerner comment aider le patient à tel moment (...) L 138-142

 

(...) mais c'est vrai que ça permet de mettre à plat à moment donné

 

[...] des dysfonctionnements [...] ou des difficultés à

communiquer...L 14-16

 

Elle nous apporte [...] aussi comment avancer ensemble. L 51-53

 

(...) grâce à la supervision, l'équipe tenait le coup, voilà, là pour le

Régulation

coup, en supervision, on faisait de la clinique et on faisait aussi du

 

« replâtrage » d'équipe quoi, on essayait de tenir entre nous grâce à

institutionnelle

cette supervision (...) L 97-100. Rose parle d'un autre service

 

(...) c'était pas forcément une équipe qui était harmonieuse et la supervision nous a aidé à régler des choses et à continuer à fonctionner [...] elle nous aidait surtout sur le plan du fonctionnement purement et simplement de l'équipe [...] donc ça permettait de régler des conflits [...] sans en passer par la rupture et l'incompréhension totale. Voilà...régulateur de conflit, régulateur de parole, régulateur de communication dans l'équipe

 

(...) L 121-129 Rose parle d'un autre service

 

(...) c'est un outil de travail avant tout. L 68-69

 

(...) c'est un moment qui nous permet d'être toutes ensemble en même temps, c'est précieux (...) L 73

 

(...) ça m'apporte différentes choses selon les lieux déjà où je l'ai utilisée (...) L 94-95

Autre(s)

Je le vois vraiment, la supervision, comme un outil de travail multidirectionnel [...] à moment donné, il va me servir moi personnellement à avancer euh...dans des doutes [...] c'est un soutien personnel, une remise en question personnelle. Bon, à d'autres moments, ça va être à travers euh...la discussion sur des patients [...] et l'autre direction, c'est carrément travailler la clinique (...) L 167-175

 

C'est un moment privilégié mais indispensable (...) L 202

Sujet

Conceptions

Marguerite (Annexe 2)
Infirmière Diplômée d'Etat

 

(...) de pouvoir se questionner et de se retrouver en équipe et de pouvoir se questionner ensemble avec un tiers extérieur qui nous aide à réfléchir sur les problèmes qu'on peut rencontrer [...] au niveau des patients ! L 3-6

Centrée sur l'usager

Ca nous aide à poser..., à poser les problèmes, à poser les difficultés qu'on rencontre avec un patient (...) L20-21

 

(...) ça permet de se recentrer sur l'important...et oublier les petits détails et les petits détails on les règle et après, on peut se concentrer sur le patient. L152-154

 

(...) de pouvoir se questionner et de se retrouver en équipe et de
pouvoir se questionner ensemble avec un tiers extérieur qui nous
aide à réfléchir sur les problèmes qu'on peut rencontrer au niveau

Régulation

de l'équipe (...) L 3-5

institutionnelle

Ca nous aide à poser [...] poser les différences d'opinion (...)

 

L 20-21

 

Si elles avaient franchi le pas, ça aurait pu réduire ces tensions...Je
pense que ça aurait crevé l'abcès et qu'après...peut-être que les

 

personnes [...] se seraient comportées différemment mais en tous cas y aurait eu quelque chose de positif (...) L 120-123 Marguerite parle d'un autre service

La supervision, c'est bien parce que c'est le groupe et que ici, le

Régulation (suite)

groupe c'est très important ! Ca a des effets sur le personnel et sur le collectif. L 134-135

 

Ca accentue la cohésion d'équipe en fait...[...] on va plus se
rapprocher, on va avoir une cohésion plus importante (...)

 

L 147-150

 

(...) en intra par exemple on parlait plus des soucis dans l'équipe

 

[...] mais moins des patients ! L 214-215 Marguerite parle d'un autre service

 

Non ! Je m'en passerai plus (...) L 131

 

(...) La supervision on y met un peu ce qu'on veut quand on
veut...Quand on a besoin de quelque chose, qu'il nous manque
quelque chose, on va le chercher où on peut...Donc ben...on le

Autre(s)

cherche en supervision (...) L 198-201

 

C'est toujours différent en fait, on parle de ce dont on a besoin de parler...L 215-216

 

(...) c'est pas remplaçable... L 233

Sujet

Conceptions

Violette (Annexe 3)

Psychomotricienne

 

Avoir des temps où on peut un peu se dire les choses ...bon, par

Centrée sur l'usager

rapport au patient, aux prises en charge et aux difficultés qu'on peut rencontrer (...) L 26-28

 

J'pense que ça a un peu le côté original ici, [...] on va pas aborder des difficultés mettons, qu'on aurait entre nous euh...au niveau de l'équipe ou des choses comme ça. L 30-33

Régulation

La supervision, ça apporte une richesse de l'équipe

institutionnelle

pluridisciplinaire parce que bon en fonction [...] de la formation de chacun, on va avoir un regard, peut- être un peu différent, complémentaire [...] ça permet d'entendre les spécificités de chacun, ça s'est sûr (...) L 106-112

Sujet

Conceptions

Lila (Annexe 4)
Educatrice spécialisée

Centrée sur l'usager

(...) la communication autour des patients, oui, ça c'est sûr, autour euh...autour de la prise en charge et autour vraiment du soin (...) L 122-123

Régulation
institutionnelle

(...) je crois que c'est une confiance aussi qui se crée dans un groupe quoi. L 24-25

(...) c'est une gestion de groupe à mon avis et justement, la personne qui supervise, c'est une personne qui travaille au niveau du groupe donc [...] qui essaie de faire émerger des choses de...du groupe, de l'équipe quoi. (...] elle est formée à travailler avec des groupes [...] elle nous pointe sur les phénomènes qui ont pu se produire...[...] Donc elle essaie aussi de nous faire prendre conscience de c'qui se passe dans notre « groupe équipe ». L 42-58

Autre(s)

(...) il y a d'abord l'idée, la représentation de ce qu'on se fait, chacun, de ce qu'est une supervision et la réalité très concrète sur terrain L 3-4

Je trouve que c'est important, que c'est même primordial (...) L 11

Y a eu plusieurs temps, très différents les uns des autres dans la supervision (...) L 20-21

(...) chaque fois c'est très adapté à le situation... L 62

J'pense que c'est comme tout type d'analyse, ça demande du travail, donc c'est un travail en permanence la supervision. L 82-83

(...) si on veut continuer à travailler, c'est dans la supervision qu'on va pouvoir le faire. C'est un des rares lieux qui nous soient offerts pour continuer ce travail là (...) L 99-101 Lila parle du travail d'analyse

C'est très différent à mon avis d'une équipe à une autre, d'une supervision à une autre... Voilà, moi je...je m'en passerai pas, surtout pas (...) L 238-239

Donc ça non, je m'en passerai pas [...] ça a tellement une grande valeur [...] Ca serait vraiment un manque quoi... L 245-252

É Analyse transversale

L'ensemble de l'équipe emploie le terme de << supervision >> pour parler du dispositif d'intervention. En réalité, comme nous avons pu le voir dans notre partie théorique sur l'analyse des pratiques professionnelles, la supervision << consiste à se pencher sur le type d'approche mis en oeuvre dans le rapport à l'usager dont les professionnels s'occupent >>, en l'occurrence le patient.

Le dispositif mis en place au sein de ce service est effectivement principalement centré sur la prise en charge et le soin autour du patient. Cependant, lorsque cette même équipe en ressent le besoin, la supervision devient une consultation, c'est-à-dire une << régulation institutionnelle par un réaménagement des relations entre groupes et catégories professionnelles d'un même collectif de travail >>. Il semble que l'ensemble du personnel (en dehors de Lila qui insiste plus sur le côté gestion du groupe) ne soit que très peu conscient de cette partie << consultation >> ; chacune a fortement insisté sur le fait qu'il s'agit avant tout de parler des patients, cependant, au fil des entretiens, nous pouvons nous rendre compte que le dispositif << accentue la cohésion d'équipe >> (Marguerite) et donc, a des effets caractéristiques de consultation.

Rose et Marguerite nous ont parlé d'autres services au sein desquels elles avaient également participé à une supervision : dans ces équipes moins << harmonieuses >>, le dispositif avait essentiellement pour rôle d'être un << régulateur de conflit et de parole >>.

Il existe en fait un équilibre entre supervision et consultation, la balance penche en fonction du vécu de l'équipe << à un moment donné >> (le terme est employé 5 fois par Rose). L'intervention a un caractère évolutif et adaptatif, elle s'ajuste à la demande de l'instant. Certains passages relevés dans la case << autre(s)>> viennent appuyer cette idée :

Sujet Un caractère évolutif et Adaptatif

Rose

(. .) ça m'apporte différentes choses déjà selon les lieux où je l'ai utilisée (. ..)

Utilise 5 fois les termes « à moment donné »

Marguerite

(. .) La supervision on y met un peu ce qu'on veut quand on
veut
. .Quand on a besoin de quelque chose, qu'il nous manque
quelque chose, on va le chercher où on peut. .Donc ben. .on le

 

cherche en supervision (...)

C'est toujours différent en fait, on parle de ce dont on a besoin de parler...

Lila

 

(...) il y a d'abord l'idée, la représentation de ce qu'on se fait, chacun, de ce qu'est une supervision et la réalité très concrète sur terrain

 

Y a eu plusieurs temps, très différents les uns des autres dans la supervision (...)

 

(...) chaque fois c'est très adapté à la situation...

C'est très différent à mon avis d'une équipe à une autre, d'une supervision à une autre... Voilà, moi je...je m'en passerai pas, surtout pas (...)

Autre point important à nos yeux et que nous n'avons pas mentionné dans notre approche conceptuelle, le dispositif d'intervention est un véritable « outil de travail ». Il permet la remise en question dans la pratique quotidienne. Voici ce que nous avons pu relever à ce sujet. (Toujours dans la case « autres »).

Sujet Un outil de travail

Rose

 

(...) c'est un outil de travail avant tout.

 

Je le vois vraiment, la supervision, comme un outil de travail multidirectionnel [...] à moment donné, il va me servir moi personnellement à avancer euh...dans des doutes [...] c'est un soutien personnel, une remise en question personnelle. Bon, à d'autres moments, ça va être à travers euh...la discussion sur des patients [...] et l'autre direction, c'est carrément travailler la clinique (...)

Lila

J'pense que c'est comme tout type d'analyse, ça demande du travail, donc c'est un travail en permanence la supervision.

 

si on veut continuer à travailler, c'est dans la supervision qu'on va pouvoir le faire. C'est un des rares lieux qui nous soient offerts pour continuer ce travail là (...)

 
 

Il s'agit en effet d'un outil de travail, de travail d'analyse de ses pratiques, de celles des autres, et enfin, des pratiques collectives. Au sein de cette équipe, il semble que ce travail d'analyse, ce dispositif soit devenu indispensable. Il apporte individuellement et collectivement et chacun ne semble plus vouloir s'en passer.

Sujets Un outil devenu indispensable

Rose

 

C'est un moment privilégié mais indispensable (...)

 

(...) c'est un moment qui nous permet d'être toutes ensemble en même temps, c'est précieux (...)

Marguerite

Non ! Je m'en passerai plus (...) (...) c'est pas remplaçable...

Lila

Je trouve que c'est important, que c'est même primordial (...) Voilà, moi je...je m'en passerai pas, surtout pas (...)

Donc ça non, je m'en passerai pas [...] ça a tellement une grande valeur [...] Ca serait vraiment un manque quoi...

 

L'intervention est un outil de travail devenu indispensable au sein du service. L'équipe sait l'utiliser en fonction de ses besoins du moment : régulation de conflit et lieu d'échange peuvent alors être compatibles.

5.3.2 Maturité du collectif

Cette deuxième partie des résultats et de l'analyse vise à mettre en évidence la capacité des membres du collectif à améliorer leur système de communication et leur appréhension de la division du travail à travers le dispositif d'intervention.

É Résultats

Sujet

Maturité

du collectif

Rose

Infirmière Psychiatrique
(a passé son équivalence Diplôme d'Etat)

Interactions

(...) nous aider à...à parler de notre pratique, de nos pratiques [...] de parler chacune de nos difficultés [...] d'échanger avec les membres de notre équipe (...) L 3-8

La supervision nous permet d'améliorer les échanges ? ...Je pense que oui (...) L 12

(...) ça peut permettre à travers cette tierce personne de se dire des choses qu'on a du mal à se dire... L 31-32

(...) on arrive pas à en débattre seules sans l'aide de l'intervenante (...) L 47-48

(...) ça permet d'être écouté (...) L 74

(...) régulateur de communication dans l'équipe (...) L 129

(...) la capacité à s'écouter, à se respecter, à...à utiliser ces temps là pour se dire des choses (...) L 133-134

Homogénéité du
système de valeurs

(...) ça nous aide à nous poser des questions [...] à développer quelque chose de commun dans nos décisions... L 62-63

Homogénéité du
système de valeurs
avec autres membres

(...) c'est pas du tout la place du médecin non...Alors, avec le médecin avec lequel je travaille, je dirai oui, [...] L 148-149

Division du travail
Positionnement

Ca peut m'aider aussi à me positionner envers mes collègues (...) L 104-105

(...) ça peut permettre l'air de rien que chacun a son rôle à jouer (...) L 177-178

Sujet

Maturité

du collectif

Marguerite

Infirmière Diplômée d'Etat

Interactions

Il (le superviseur) a un rôle de distribution de la parole et de la réflexion [...] il aide à faire circuler cette réflexion et cette parole L 23-27

(...) au sein de la supervision, on arrive à bien parler de nos différents point de vue parce que des fois on est pas du tout d'accord (...) L 46-47

(...) c'est plus facile de parler en supervision qu'en équipe sans le tiers en fait. L 65-66

Ben... ça permet d'aller vers l'autre, voilà, aller vers l'autre et que l'autre vienne vers nous aussi. L 107-108

(...) c'est parce que la parole elle circule...elle circule déjà mais c'est un plus, donc elle circule encore mieux... L 148-149

Homogénéité du
système de valeurs

Je pense que si on a pas les mêmes vision...bon, ben quand on a fait une séance de supervision, on a d'autres points de vue sur le patient [...] on a le point de vue de chacun L 136-139

(...) on a une trame commune au niveau clinique [...] on comprend tout de suite, on a pas à demander à la personne « Qu'est-ce-que tu entends par là ? » L 174-179

Homogénéité du
système de valeurs
avec autres membres

Ce qui est dommage, c'est que les médecins viennent pas [...] j'aurai préféré [...] je pense que ce serait important de pouvoir tous y participer ensemble. [...] ça permettrait d'avoir d'autres points de vue, d'avoir un point de vue médical [...] ça aiderait à beaucoup mieux se connaitre, mieux communiquer entre nous (...) L 49-59

Division du travail
Positionnement

(...) ça me permettait de...de pouvoir m'exprimer plus pendant les supervisions (...) L 33 -34

Enfin, moi ça m'aide parce que c'est vrai que je suis ... des fois j'ai du mal à... à exprimer mes opinions parce que je suis dans une équipe où elles sont plus anciennes que moi, on a pas forcément le même diplôme...euh...elles ont plus d'expérience...souvent souvent je me mets plus en retrait tandis qu'à la supervision...ben ça m'aide à être un peu moins en retrait justement... L 66-70

(...) ça m'a aidé dans le quotidien à prendre plus la pa...à prendre plus de place...enfin, plus la parole, plus affirmer mes opinions...J'ai ma place... L 74-75

Division du
travail
Positionnement

(suite)

 

On respecte le travail de l'autre et ça nous aide la supervision... L 81-82

En intra (Marguerite parle d'un autre service) ça a été une manière de m'intégrer plus facilement dans l'équipe (...) L 95

 

En intra (Marguerite parle d'un autre service) on parlait plus [...] de la place de chacun (...) L 214-215

Sujet

Maturité

du collectif

Violette

Psychomotricienne

 

(...) ça apporte aussi euh...du temps ! qui est réservé à l'échange et qui est réservé à la... à la pensée et à comprendre la pensée de l'autre, à élaborer soi-même sa propre pensée et à écouter celle de l'autre. L 114-116

 

(...) c'est un temps de relation en fait la supervision. C'est un temps vraiment qui est réservé à l'échange, à la relation, enfin, et surtout à l'écoute de l'autre [...] c'est vrai, y a plus d'écoute pendant la supervision... L 121-125

 

(...) donc on est vraiment dans le vrai temps d'échange, hein.

Interactions

L 135

 

(...) il (le temps d'échange) favorise le dialogue, il permet de se comprendre mieux. L 137

 

(...) ça permet de dire des choses, de déposer des choses [...] ça a pu être entendu. L 227-228

 

Oui, c'est important parce que c'est ce qui relie les gens...

 

L 289- 290

 

(...) ça m'a permis justement euh... ben encore une fois un temps d'écoute. En fait, on peut dire les choses (...) L 311-313

Homogénéité du
système de valeurs

(...) il (le temps d'échange) favorise le dialogue, il permet de se comprendre mieux. L 137

 

(...) là on est tombées sur des bases communes (...) L 199-200

Homogénéité du
système de valeurs
avec autres membres

Division du travail
Positionnement

Mais la seule chose qui est embêtante c'est que l'équipe elle est pas vraiment au complet. [...] y a des gens qui sont pas là ou ... et puis il y a pas le cadre, il y a pas le médecin, il y a pas la psychologue, il y a pas... enfin. Je trouve que ce serait intéressant (...) L 271-273

(...) c'est justement ça, on a envie de partager des choses, comme ça plus avec le médecin, le psychologue qui eux aussi connaissent le patient [...] Donc pour moi, la boucle n'est pas bouclée. L 301- 303 ; L 306-307

Et moi au début je me suis dit « bon, psychomotricienne, j'vais préparer les repas, où est ma spécificité ? » L 88-89

Ca permet d'entendre les spécificités de chacun, ça c'est sûr, mais euh...c'est dans c'cadre là que ça se fait. L 112-113

(...) quand je suis arrivée ici, il y avait des tracts syndicaux contre l'embauche d'une psychomotricienne qui fera pas le travail d'une infirmière [...] ça a pas été simple au départ (...) L183-185

(...) et j'pense que ça, c'est quelque chose que les infirmières on pu dire en supervision, hein, la difficulté que ça représentait pour elle euh...ben d'intégrer quelqu'un qui faisait pas le même métier (...) L 200-202

En fait, on est tombé là sur un terrain vraiment d'entente (...) L 204

Et la supervision a aidé les infirmières à imposer des choses que visiblement les autres n'avaient pas envie d'entendre. Donc, moi j'ai pu aussi, c'était important que je l'entende aussi et qu'elles me le disent (...) L 218-20

Donc le fait de jeter un peu les choses pendant la supervision, ça permet de finalement accepter l'autre en tant que...en tant que ce qu'il est (...) L 225-227

(...) faire découvrir un peu mon travail, d'ouvrir un peu la porte des séances sur ce qui s'y fait, comment ça se fait etc... Donc forcément, ça facilite l'intégration (...) L 314-316

On perçoit mieux ce qu'on fait au quotidien... L 328-329

Sujet

Maturité

du collectif

Lila

Educatrice spécialisée

Interactions

(...) la parole elle a mieux circulé à un moment donné (...) L 22

Le principe premier, c'est d'exposer à ses pairs ses difficultés vraiment individuelles au travail quoi (...) L 26-27

(...) elle (l'intervenante) est formée à travailler avec des groupes et avec tout ce qui se passe d'interactions dans un groupe... L 49-50

Ca aide à communiquer parce que bien souvent y a des décharges émotionnelles, y a des choses qui ressortent (...) L 106-107

(...) ça fluidifie la communication, ça c'est clair. L 124

(...) c'est aussi un moyen parfois de pouvoir se dire c'qui va pas à l'extérieur (de la supervision), et d'essayer de faire un peu un électrochoc quoi. Le fait qu'il y ait le superviseur, ça peut canaliser, c'est le bon moment. [...] C'est le lieu hein de toutes façons(...) L 233-237

Homogénéité du
système de valeurs

J'ai l'impression que...ouais, on sort on a... on a l'impression d'être repulpés, redynamisés, on va pouvoir faire plein de trucs on va être parties sur le même...sur la même longueur d'ondes (...) L 124-126

(...) la plupart du temps autour de prises en charge, on arrive à trouver...enfin, une vision commune (...) L 148-149

Homogénéité du
système de valeurs
avec autres membres

(...) le fait que les médecins et le cadre ne participent pas à la supervision, euh...ne permet pas une communication finalement avec cette partie de l'équipe et euh...du coup euh...voilà, moi j'ai demandé plusieurs fois à ce qu'ils...j'ai formulé plusieurs fois cette demande pour qu'ils puissent participer enfin à la supervision pour que ce soit un vrai travail en profondeur de toute l'équipe [...] et j'aimerai bien oui (...) L 130-136

Donc la recherche d'une pensée commune elle est difficile mais c'est un travail, un engagement individuel. Ca je le redis quoi, et ça devrait passer par la supervision, on devrait tous y être, au complet l'équipe. Ca serait un endroit où les distinctions ne se feraient plus et on pourrait se dire enfin « on est tous dans la même galère » [...] On va mutualiser tous ben...nos savoirs, nos savoir-faire, nos

Homogénéité du

modes relationnels avec le patient pour l'aider au mieux [...] Est-

système de valeurs
avec autres membres

ce-qu'on arrive à penser ensemble ou pas ? Et penser ensemble,
c'est la supervision bien sûr [...] Je pense que dans des lieux
comme la supervision, si tout le monde était présent, il y aurait

(suite)

plus cet état d'esprit de ...ben d'élaborer en commun quoi.

 

L 202-206 ; 208-210 ; 218-219 ; 225-227.

Division du travail

(...) j'crois qu'il y a des enjeux autres [...] des enjeux de pouvoir interprofessionnel je sais pas...Dans l'équipe soignante aussi des fois (...) L 144-146

Positionnement

(...) je partais plutôt sur l'idée d'une complémentarité des

fonctions [...] on a tous des visions très différentes et c'est toute cette complémentarité là qui va faire qu'on va avoir une vision globale du patient pour l'aider au mieux quoi. Et en fait [...] on est tous assez interchangeables, et ça me gène un peu (...) L 180-186

É Analyse transversale

Au vu du discours des quatre personnes rencontrées, il nous semble que nos intuitions concernant l'amélioration de la qualité des interactions s'avèrent réelles. Dans chacune des analyses longitudinales, la partie interaction est toujours la plus conséquente ; chaque discours fait ressortir l'importance du dispositif dans la qualité de la communication au sein de l'équipe. Dans les tableaux ci-dessous, nous relevons les extraits de discours qui nous semblent les plus pertinents à ce sujet.

Sujets Qualité des interactions

Rose

(...) régulateur de communication dans l'équipe (...)

(...) la capacité à s'écouter, à se respecter, à...à utiliser ces temps là pour se dire des choses (...)

 

Marguerite

Ben... ça permet d'aller vers l'autre, voilà, aller vers l'autre et que

l'autre vienne vers nous aussi.

(...) c'est parce que la parole elle circule...elle circule déjà mais c'est un plus, donc elle circule encore mieux...

Violette

 

(...) donc on est vraiment dans le vrai temps d'échange, hein.

 

Oui, c'est important parce que c'est ce qui relie les gens

 
 

Lila

(...) ça fluidifie la communication, ça c'est clair.

 
 

Des systèmes de référence communs peuvent alors émerger du produit des interactions des participants. Le dialogue permet de mieux se comprendre (Violette) et les échanges permettent d'être sur la << même longueur d'ondes » (Lila) concernant la prise en charge des patients. Ce système de référence commun ne concerne en effet que le but de l'équipe : la réalisation de son travail, à savoir la meilleure prise en charge pour les patients.

Sujets Système de référence commun

Rose

(...) ça nous aide à nous poser des questions [...] à développer quelque chose de commun dans nos décisions...

 

Marguerite

(...) on a une trame commune au niveau clinique [...] on comprend tout de suite, on a pas à demander à la personne << Qu'est-ce-que tu entends par là ? »

 
 

Violette

(...) là on est tombées sur des bases communes (...)

Lila

(...) la plupart du temps autour de prises en charge, on arrive à trouver...enfin, une vision commune (...)

Hormis Rose, qui hésite sur le fait que les médecins ne soient pas présents par peur de ne plus pouvoir s'exprimer aussi facilement, l'ensemble des participants souhaiteraient leur présence. Cela permettrait de << beaucoup mieux se connaitre, mieux communiquer entre nous » (Marguerite) et << d'élaborer en commun » (Lila). Enfin, pour Violette << la boucle n'est pas bouclée » si l'ensemble de l'équipe pluridisciplinaire n'est pas présente aux séances.

Sujets Les médecins : une absence remarquée

Rose

(...) c'est pas du tout la place du médecin non...Alors, avec le médecin avec lequel je travaille, je dirai oui, [...]

 

Marguerite

Ce qui est dommage, c'est que les médecins viennent pas [...] j'aurai préféré [...] je pense que ce serait important de pouvoir tous y participer ensemble. [...] ça permettrait d'avoir d'autres points de vue, d'avoir un point de vue médical [...] ça aiderait à beaucoup mieux se connaitre, mieux communiquer entre nous (...)

 
 

Violette

Mais la seule chose qui est embêtante c'est que l'équipe elle est pas
vraiment au complet.
[...] y a des gens qui sont pas là ou ... et puis il y

 
 
 

a pas le cadre, il y a pas le médecin, il y a pas la psychologue, il y a pas... enfin. Je trouve que ce serait intéressant (...)

Lila

(...) le fait que les médecins et le cadre ne participent pas à la supervision, euh...ne permet pas une communication finalement avec cette partie de l'équipe (...)

Est-ce-qu'on arrive à penser ensemble ou pas ? Et penser ensemble, c'est la supervision bien sûr [...] Je pense que dans des lieux comme la supervision, si tout le monde était présent, il y aurait plus cet état d'esprit de ...ben d'élaborer en commun quoi.

La supervision a donc des effets positifs sur la qualité des interactions et le développement d'une vision commune au sein d'une équipe.

Rose

Sujets Positionnement, rôles et responsabilités

(...) ça m'a aidé dans le quotidien à prendre plus la pa...à prendre plus de place...enfin, plus la parole, plus affirmer mes opinions...J'ai ma place...

En intra (Marguerite parle d'un autre service) ça a été une manière de m'intégrer plus facilement dans l'équipe (...)

En intra (Marguerite parle d'un autre service) on parlait plus [...] de la

62

Marguerite

(...) ça peut permettre l'air de rien que chacun a son rôle à jouer (...)

Ca peut m'aider aussi à me positionner envers mes collègues

Ce développement d'une vision commune n'empêche pas à chacun de conserver ses spécificités en tant que professionnel. Pour Violette, la supervision a facilité son intégration ; elle lui a permis de faire << découvrir un peu son travail >> et de se faire accepter dans ses différences auprès des autres membres de l'équipe soignante. Lila, quant à elle, semble moins convaincue de la reconnaissance de son rôle en tant qu'éducatrice, elle a l'impression d'être << interchangeable >>, cependant, elle reste persuadée que c'est lors des rencontres en supervision, que l'on peut développer une << complémentarité >> et << mutualiser les savoirs >> de chaque catégorie professionnelle. Enfin, Marguerite et Rose évoquent l'aide que peut apporter le dispositif pour << se positionner >>, << parler de la place de chacun >> et définir << les rôles de chacun >> ; dans un autre service, il a facilité l'intégration de Marguerite et lui a permis d'avoir << sa place >> au sein de celui-ci.

place de chacun (...)

Violette

 

(...) faire découvrir un peu mon travail, d'ouvrir un peu la porte des séances sur ce qui s'y fait, comment ça se fait etc... Donc forcément, ça facilite l'intégration (...)

 

On perçoit mieux ce qu'on fait au quotidien...

Le dispositif d'intervention semble accompagner le collectif vers l'atteinte des caractéristiques d'un collectif de quatrième et dernier stade de développement. Il permet d'une part d'améliorer la qualité des échanges et de les multiplier pour obtenir l'apparition d'un système de référence commun dans la tâche à réaliser. D'autre part, il aide chacun à trouver plus facilement sa place et à se positionner au sein du collectif : la division du travail est mieux appréhendée par l'ensemble des membres de l'équipe.

5.3.3 Les inattendus

Nous avons repérés deux inattendus théoriques majeurs dans le discours de chacune des personnes rencontrées : la question du sens et de la remise en question et celle de l'engagement à travers le dispositif d'intervention. Cette dernière partie des résultats et de l'analyse vise à les mettre en évidence.

É Résultats

Sujet

Inattendus

Rose

Infirmière Psychiatrique
(a passé son équivalence Diplôme d'Etat)

 

Donc, c'est essentiellement autour de la prise en charge du patient qu'on arrive mieux à se questionner (...) L 17-18

 

(...) ça nous aide à affiner notre euh...la façon dont on parle du

Sens

patient, ça nous aide à approfondir, à poser les questions vraiment

Remise en question

(...) L 58-59

 

(...) ça développe les compétences de se poser des questions,
de...d'une façon différente. Ca permet de prendre du recul.

 

L 143-144

Sens
Remise en question

(...) je pense que ça apporte [...] de la remise en question, de soi aussi. L 191-192

(...) il permet de se questionner tout le temps sur notre pratique infirmière (...) L 200-201

(suite)

(...) elle (l'intervenante) nous aide réellement à affiner nos
questionnements et à affiner des attitudes qu'on peut avoir.

 

L 204-206

 

(...) on nous demande de nous engager pour ce travail de supervision [...] Il faut s'approprier ce temps là. L 165-166

 

(...) mais je crois que ça permet aussi de s'engager, ça permet de s'engager, oui ! L 178-179

Engagement

 
 

Un outil de travail qui pouvait leur apporter et qui pouvait les aider
à s'engager dans leur boulot de manière différente (...) L 187-188

 

Rose parle d'un autre service

 

(...) je pense que ça apporte aussi de l'engagement L 191

Sujet

Inattendus

Marguerite

Infirmière Diplômée d'Etat

Sens
Remise en question

(...) nous faire cheminer dans nos réflexions... L 7-8

(...) y a besoin de toujours se remettre en question, de savoir où on va, d'éviter de faire euh...d'aller dans la mauvaise direction, donc toujours se requestionner (...) L 10-12

Engagement

 

Sujet

Inattendus

Violette

Psychomotricienne

 

(...) la supervision euh...moi ça m'a aidé à plusieurs reprises j'ai remarqué, à plusieurs reprises par rapport à des fois j'comprenais pas [...] Et la supervision m'a toujours aidée [...] en apportant...une analyse autre ! L 51-57

Sens

(...) ça va nous permettre de prendre un peu de distance.

Remise en question

L 129-130

 

(...) ça m'apporte au niveau de l'élaboration, c'est-à-dire de la compréhension des choses et de pouvoir aller plus loin dans mes interprétations [...] d'aller plus loin dans mes pensées [...] ça va aller poser encore d'autres questions que moi j'ai pas (...)

 

L 253-257

Engagement

 

Sujet

Inattendus

Lila

Educatrice spécialisée

 

(...) elle (l'intervenante) essaie de nous amener des réponses, des
éléments de réponse pour nous aider à dépasser cette situation [...]
pour nous faire prendre conscience de certains de nos mécanismes.

 

L 60-63

Sens

 
 

(...) ce qu'elle essaie d'impulser chez nous, c'est d'avoir une

Remise en question

capacité de... ben déjà de prendre conscience de c'qui se passe, d'élaborer (...) L 66-68

 

(...) quand individuellement ou collectivement [...] on se

requestionne sur ce qui a été amené en supervision [...]
l'élaboration elle continue (...) L 71-73

Engagement

(...) à l'ouverture on nous avait demandé un engagement, un engagement `fin bon...personnel [...] j'parle d'engagement personnel à y être parce que je pense que quand on s'inscrit dans une équipe, qu'on est au travail avec les patients, on a un engagement personnel (...) L 93-98

É Analyse transversale

Le dispositif d'intervention demande un engagement et une implication de la part des participants. A travers les discours de Rose et Lila, il semble que celui-ci se prolonge dans l'exercice quotidien. Comme dans le paragraphe précédent, nous reprenons ici sous forme de tableaux les éléments du discours qui concourent à nos conclusions.

Sujets Le dispositif : un moyen de s'engager

Rose

 

(...) mais je crois que ça permet aussi de s'engager, ça permet de s'engager, oui !

 
 

Un outil de travail qui pouvait leur apporter et qui pouvait les aider à s'engager dans leur boulot de manière différente (...)

 

Rose

 

(...) il permet de se questionner tout le temps sur notre pratique infirmière (...)

 
 
 
 

(...) elle (l'intervenante) nous aide réellement à affiner nos

 

Lila

(...) à l'ouverture on nous avait demandé un engagement, un engagement `fin bon...personnel [...] j'parle d'engagement personnel à y être parce que je pense que quand on s'inscrit dans une équipe, qu'on est au travail avec les patients, on a un engagement personnel (...)

 
 

Cet engagement provient-il d'une remise en question quotidienne induite par l'intervention? D'une nouvelle manière d'appréhender le soin en lui donnant de sens, en ouvrant la voie vers d'autres possibles ? Il semble que la supervision accompagne l'équipe dans ses choix et dans ses décisions à travers une remise en question de tous les jours.

Sujets Le dispositif : un passeur de sens ?

questionnements et à affiner des attitudes qu'on peut avoir.

Marguerite

 

(...) y a besoin de toujours se remettre en question, de savoir où on va, d'éviter de faire euh...d'aller dans la mauvaise direction, donc toujours se requestionner (...)

 
 

Violette

(...) ça m'apporte au niveau de l'élaboration, c'est-à-dire de la compréhension des choses et de pouvoir aller plus loin dans mes interprétations [...] d'aller plus loin dans mes pensées [...] ça va aller poser encore d'autres questions que moi j'ai pas (...)

Lila

(...) quand individuellement ou collectivement [...] on se requestionne

sur ce qui a été amené en supervision [...] l'élaboration elle continue (...)

Il apparaît que le dispositif impulse chez chacune des participantes la capacité à se questionner différemment. Ce qui nous semble essentiel, c'est que cette remise en question continue en dehors des séances. Le dispositif est un « outil de travail », il accompagne un cheminement vers des pratiques plus fines, plus élaborées, peut-être plus « réfléchies » ?

In fine, nous pensons que l'intervention permet à chacun de s'impliquer dans son travail en lui donnant du sens, en indiquant la direction à suivre par une remise en question quasi permanente.

5.3.4 Synthèse des résultats

Cet « outil de travail » peut devenir indispensable pour une équipe. Il lui permet d'améliorer la qualité de ses interactions en proposant un espace de dialogue privilégié pour les membres qui l'investissent. Or comme vu précédemment dans notre cadre théorique, le produit des interactions favorise l'émergence d'un système de référence commun : ainsi, nous sommes de l'avis des personnes qui pensent que la présence de l'équipe au complet serait souhaitable. En effet, cela permettrait de développer une réelle vision commune de la prise en charge des patients.

Autre avantage d'un tel dispositif, il permet à chacun de prendre sa place au sein du collectif, de se positionner et de mieux appréhender les rôles et spécificités de chacun. Ainsi, chaque membre se sent connu et reconnu par les autres : il s'implique alors dans l'équipe et son fonctionnement.

Les questionnements induits par l'intervenant permettent à chacun de se remettre en question personnellement, de remettre en questions ses pratiques ainsi que celles de ses collaborateurs. La participation au dispositif permet de réajuster des attitudes, de les affiner en leur donnant du sens et en indiquant le chemin à emprunter. En ce sens, nous pensons que le dispositif permet une auto-évaluation. Bien que ce ne soit pas sa fonction première à nos yeux, cet aspect ne nous semble pas à négliger.

Enfin, il nous semble important de retenir le caractère adaptatif d'un tel dispositif. Cette souplesse permet au collectif de trouver ce qu'il cherche au moment où il le cherche. Ainsi, l'intervention oscille entre supervision et consultation pour répondre aux besoins de l'équipe. Si celle-ci doit se concentrer sur le rapport à l'usager, le dispositif aura plutôt un caractère analytique et sera de la supervision. En revanche, si elle doit se concentrer sur son propre fonctionnement, il prendra une tournure psychosociologique et sera de la consultation.

Nous avons conscience qu'il ne s'agit certainement que d'un moyen parmi tant d'autres, mais c'est celui que nous avons choisi d'étudier. Nous pensons au vu de notre enquête de terrain que l'intervention peut permettre à une équipe d'atteindre le degré de maturité suffisante pour améliorer son efficacité, à savoir améliorer la prise en charge des patients dont elle a la responsabilité.

Conduire une équipe vers toujours plus de qualité envers les patients...Ne serait-ce pas notre finalité en tant que cadre de santé ?

5.4. Limites de la recherche

Le progrès en art ne consiste pas à étendre ses limites, mais à les mieux connaître.

Georges Braque. Extrait de Le Jour et la nuit

Pour nous, l'art est une recherche et la recherche est un art.

L'artiste, tout comme le chercheur, passe leur vie à repenser le monde. Ainsi, nous retiendrons cette citation en remplaçant le terme « art » par celui de « recherche » :

Le progrès en « recherche » ne consiste pas à étendre ses limites, mais à les mieux connaître.

Désireux de progresser et de toujours nous remettre en question, nous proposons de nous inscrire dans une démarche de connaissance de nos limites.

Les prochains paragraphes seront donc consacrés à une critique de notre recherche.

5.4.1. Un seul service

Faute de temps, nous n'avons pu conduire nos entretiens qu'au sein d'un seul service, et donc d'une seule équipe. Nous pensons que deux services nous aurait permis de rendre notre recherche un peu plus « généralisable ». En effet, nous avons conscience que les résultats présentés dans ce travail ne peuvent pas être étendus à l'ensemble des services, ils ne sont que la vérité d'une équipe à un moment « t ».

5.4.2. Une petite équipe

Nous l'avons vu dans notre approche théorique, plus le nombre des membres est important au sein d'un collectif, plus celui-ci rencontre de difficultés en terme de communication.

L'équipe du service au sein duquel nous avons conduit nos entretiens est constituée de huit personnels paramédicaux. A ce chiffre, il est nécessaire d'ajouter la psychologue, les médecins et le cadre de santé. Cependant, comparé à nombre de services hospitaliers, cet effectif est relativement réduit. Ce fait a d'ailleurs été précisé dans deux des entretiens que nous avons réalisés.

Sujets Une petite équipe

Marguerite

 

(...) on est une petite équipe, et du coup on parle assez régulièrement dans la journée, mais c'est vrai que dans d'autres services où on était une plus grosse équipe [...] ça me permettait de pouvoir m'exprimer plus pendant les séances de supervision ; justement parce qu'on a chacun le superviseur qui nous donne la parole... L 31-35

 

(...) en plus, on est une petite équipe, donc on est obligés d'être soudés (...) L 186

Violette

On est une petite équipe et on est sur le même temps de travail [...] ça favorise certainement la cohésion (...) L 45-47

Des entretiens menés au sein d'une équipe plus importante en nombre nous auraient semblés plus adaptés à notre recherche. Rose et Marguerite nous ont parlé de dispositif d'intervention en « intra >>, peut-être serait-il intéressant d'y conduire d'autres entretiens ?

5.4.3. L'absence de médecin au sein du dispositif

Notre approche théorique s'est essentiellement concentrée sur une approche de la distinction entre médicaux et paramédicaux, ne sachant pas que nous ne trouverions pas de terrain d'enquête réellement adapté à notre recherche. Bien que la volonté des personnels paramédicaux soit bien réelle, la participation des médecins aux dispositifs d'intervention ne semble pas encore être entrée dans les moeurs des services.

C'est pourquoi nous avons choisi de conduire nos entretiens auprès de différentes catégories de professionnels paramédicaux entre lesquelles il existe également des distinctions. Si nous devions poursuivre cette recherche, il serait intéressant d'approfondir notre approche théorique des groupes de référence de ces différents corps professionnels.

5.4.4. L'outil

L'entretien clinique nous a permis de « voir le monde >> à travers le discours des personnes rencontrées. Si nous avions bénéficiés de plus de temps pour réaliser ce travail, une observation participante aurait pu nous permettre de modéliser les pratiques du collectif à travers nos propres yeux.

Concernant nos entretiens, il nous a parfois été difficile de ne pas influencer la personne par
du non-verbal et de trouver la relance la plus pertinente. Bien qu'ayant construit une trame au

préalable, nous avons tenu le plus possible à ne pas nous en servir. Ainsi, faute de ne pas avoir recentré sur l'objet de recherche, certains passages des discours ne sont que très peu exploitables,

Nous avons conscience que la maîtrise d'un tel outil demande de la pratique. Cette année nous aura permis de découvrir cette technique ; les suivantes nous permettrons peut-être de nous l'approprier ?

CONCLUSION

Qu'importe l'issue du chemin quand seul compte le chemin parcouru.

David Le Breton

Ce n'est qu'en « cours de route >> que nous avons pris conscience du véritable intérêt de cette recherche. Il ne s'agit pas de donner des réponses ; il s'agit de remettre en question sa pensée, de se remettre en question pour in fine « atteindre une certaine maturité >> et pouvoir nous positionner en tant que cadre de santé.

Nous avons en effet cheminé dans nos réflexions tout au long de cette recherche. Partis du constat d'un manque de communication au sein des services de soins, nous nous sommes questionnés quant à savoir d'où pouvait provenir les difficultés que rencontraient les équipes et comment le cadre de santé pouvait agir sur ces mêmes difficultés.

Notre attention a été retenue par l'analyse des pratiques professionnelles en tant que moyen possible ; nous avons donc consacré cette étude à comprendre les intérêts d'un tel dispositif pour une équipe.

Une enquête sur le terrain nous a permis de faire émerger du vécu de professionnels les bénéfices qu'ils retiraient à participer à un groupe de supervision. D'une part, l'équipe échange « mieux >> et chacun peut y trouver sa place. D'autre part, phénomène que nous n'avions pas vraiment envisagé, l'analyse des pratiques professionnelles permet à chacun de s'auto-évaluer en favorisant la remise en question et en permettant de donner du sens aux dires mais aussi aux « faire >>.

En tant que futur cadre de santé, cette approche nous semble pertinente pour accompagner nos collaborateurs dans la meilleure prise en charge possible des patients. Cependant, conscient qu'il ne s'agit que d'un moyen parmi d'autres, nous restons ouverts à toutes autres possibilités permettant d'obtenir les mêmes avantages.

En tant qu'apprenti chercheur, nous avons fait le choix de conduire cette recherche en suivant
le chemin indiqué par la méthode clinique. Celle-ci nous a conduits à la rencontre de l'autre et
nous ne le regrettons pas. Cependant, dans la perspective de poursuivre ce travail, nous

pensons qu'une analyse par la méthode systémique permettrait de modéliser le changement au sein du groupe d'analyse des pratiques professionnelles.

Cette piste devrait encore nous valoir quelques insomnies...

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

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WEBOGRAPHIE

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2. http://www.sante.gouv.fr/drees/serieetudes/

3. http://www.cee-recherche.fr/fr/rapports/

4. http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/repert_metierfph/

5. http://www.cairn.info/

6. http://www.actif-online.com/fichiers/publications/

7. http://www.evene.fr/citations/

SOMMAIRE DES ANNEXES

Annexe 1

Entretien de Rose p. I

Annexe 2

Entretien de Marguerite p. IX

Annexe 3

Entretien de Violette p. XVIII

Annexe 4

Entretien de Lila p. XXX

Annexe I

Entretien de Rose

En gras : questions et relances de l'entreteneur

En clair : réponses de Rose.

Entretien de Rose. IDE.

Durée : 37 minutes

1 D'après vous, quels sont les apports du dispositif d'intervention pour

2 l'équipe ?

3 Alors, donc...Alors, l'intervention d'un psychothérapeute qui vient nous aider à ...à

4 parler de notre pratique, de nos pratiques hein et à en parler en équipe soignante

5 uniquement. Ca nous permet alors déjà sur un plan individuel de parler chacune de

6 nos difficultés et de nos questionnements autour de problèmes que peuvent poser

7 certains patients et en même temps ça permet d'échanger avec les membres de

8 notre équipe sur des... sur tous les domaines concernant la prise en charge des

9 patients dans le service...voilà, sur tous les domaines...(silence)

10 Vous dites «ça nous permet de parler » et « d'échanger », c'est plus difficile en

11 dehors ?

12 Alors, est-ce-que la supervision nous permet d'améliorer les échanges ?...Je pense

13 que oui même si c'est quand même au départ une équipe qui fonctionne beaucoup

14 dans l'échange...mais c'est vrai que ça permet de mettre à plat à moment donné

15 des...peut-être des dysfonctionnements ou des...ou des difficultés à

16 communiquer...mais enfin, bon, je dois reconnaître qu'on est une équipe qui en a

17 pas vraiment des difficultés...Donc c'est essentiellement autour de la prise en charge

18 du patient qu'on arrive mieux à se questionner...hein, ça nous sert pas trop de

19 régulation d'équipe, ça nous sert de régulation autour du soin...hein, autour de la

20 prise en charge des patients ici...

21 Est-ce-que vous avez l'impression que ça vous aide à travailler en commun ?

22 Euh...globalement non, mais au cas par cas oui. C'est-à-dire en général on parle

23 d'un patient qui nous pose problème donc euh...c'est pas une démarche pour arriver

24 à fonctionner ensemble dont on a besoin, c'est une démarche pour arriver à prendre

25 en charge un patient à un moment donné...vous voyez...je comprends ce que vous

26 voulez dire...hein, bon, j'ai eu de la supervision dans des équipes de l'intra-

27 hospitalier qui sont des équipes plus difficiles à s'articuler, à fonctionner de par

28 l'emploi du temps déjà hein... et là, je vous rejoins, je suis d'accord, la supervision

29 (ou plutôt la régulation) avait aussi pour fonction de nous aider à fonctionner

30 justement et...c'est pas vraiment le cas là ici...mais enfin, ça peut l'être à un moment

31 donné, ça peut l'être, ça peut permettre à travers cette tierce personne de se dire

32 des choses qu'on a du mal à se dire...Il se trouve que là on a la chance de travailler

33 dans une équipe qui généralement fonctionne donc du coup, ça prend une autre

34 dimension et ça prend la dimension du soin, voilà, on est dans la dimension du soin,

35 là, ici, en l'occurrence...Alors ça a pas toujours été ça...l'intervenant a changé et

36 malheureusement les conditions aussi parce que on est passé de une heure par

37 semaine à une heure par mois...et maintenant, on passe à une heure tous les deux

38 mois, voilà donc c'est un outil de travail qui se perd et qui c'est ... c'est fort dommage

39 pour nous, pour le soin, pour les patients...c'est regrettable...ouais... c'est

40 regrettable et c'est pour des questions financières bien évidemment hein...Depuis le

41 début, en 1993, ça en fait des heures en moins pour nous...et c'était dans le projet

42 de service à l'ouverture, qui est cette régulation, ça faisait partie du projet. Et c'est

43 terrible aujourd'hui, parce que j'en ressens le besoin, absolument oui, j'en ressens le

44 besoin...D'ailleurs vous savez, on a beaucoup discuté du fait que ça allait passer à

45 tous les deux mois parce que ça va nous obliger quand on a des questions qu'on

46 arrive pas à...à...comment dire ?Quand y a des patients qui nous posent problème,

47 ça va nous obliger à stocker des questions, des questionnements et voilà...on arrive

48 pas à en débattre seuls sans l'aide de l'intervenante qui a un regard très important

49 sur le travail qu'on fait...(silence)

50 En quoi consiste ce regard ?

51 Elle nous apporte...de nous aider à réfléchir et à comprendre comment

52 euh...comment avancer dans le soin avec certains patients qui nous posent

53 problème et aussi comment avancer ensemble..Déjà, c'est un temps qui est que

54 pour ça, hein, quand on est habitué à courir partout...non, on arrive nous à prendre

55 du temps quand même pour parler entre nous mais là on sait que c'est que pour ça

56 et ça nous aide à avoir un regard...bon, c'est quand même...un spécialiste, un

57 psychothérapeute qui ne nous, qui ne connait pas le patient, qui le connait que par

58 ce qu'on en dit et ça nous aide à affiner notre euh...la façon dont on parle du patient,

59 ça nous aide à approfondir, à poser les questions, vraiment, à...plus finement hein,

60 pour qu'elle voit de qui on parle, quelle est la pathologie dont on parle...Voilà, donc,

61 ça nous aide à nous poser des questions euh...au-delà de celles qu'on peut se poser

62 initialement, voilà, et à..à trouver des réponses ensemble...à développer quelque

63 chose de commun dans nos décisions...Ca fédère l'équipe, ça c'est clair, c'est sûr !

64 Alors, on décide à l'avance de ce dont on a envie de discuter (ça aussi ça nous fait

65 parler) mais tout est possible au moment de la supervision je veux dire, si j'ai moi un

66 questionnement, si j'avais éventuellement un problème de fonctionnement avec les

67 autres, je pourrai...oui, je pourrai, mais c'est quand même pour nous, ici, un outil de

68 travail avant tout. C'est pas forcément un régulateur d'équipe, ça peut, mais c'est un

69 outil de travail avant tout. C'est assez spontané d'ailleurs pendant les séances, on

70 s'adresse comme on veut, soit à elle, soit entre nous mais elle, elle est là pour nous

71 aider à avoir... nous ramener à la clinique, hein, elle a un regard de clinicienne et elle

72 nous ramène à la clinique à travers ce que nous on en dit, donc, c'est vrai que... en

73 même temps c'est un moment qui nous permet d'être toutes ensemble en même

74 temps...c'est précieux, voilà...et puis... ce qu'il y a, c'est que ça permet d'être

75 écouté, et ça, entre nous, c'est fréquent, mais au dessus...au dessus, c'est plus

76 difficile hein...Au niveau du service, c'est plus difficile d'y arriver parce que les

77 réunions institutionnelles sont plus rares, voir zappée, voir... non, donc pour faire

78 vraiment du travail clinique, c'est...la supervision nous manquerait si on nous la

79 supprimait hein....ça c'est sûr. Oui, parce qu'on a une réunion par semaine pour

80 normalement parler des patients, faire de la clinique avec le médecin chef et...la

81 psychologue du service... et c'est le médecin chef qui s'occupe de l'animation...et

82 c'est différent de l'intervenant dans la supervision parce que elle c'est une oreille

83 spécialisée, d'accord ? Donc le médecin chef, oui, c'est elle, c'est elle qui prend cette

84 place là, enfin, quand elle est là, si elle est as appelée ailleurs... Ce qu'il y a, c'est

85 qu'avec ce médecin chef là, c'est facile de s'exprimer...le problème, c'est qu'elle est

86 pas souvent là, elle a beaucoup beaucoup de tâches qui l'appellent ailleurs et euh...il

87 nous manque la régularité...sinon, oui, c'est quelqu'un avec qui on arrive à

88 s'exprimer quand même et...voilà. (grand silence...)

89 Vous avez l'impression de développer des connaissances, capacités ou

90 compétences à travers la supervision ?

91 Moi je pense que...ça m'a aidé euh...pour l'avoir pratiquée dans divers endroits

92 euh ...effectivement, soit fonctionner en équipe, soit...euh...quelquefois juste à vider

93 mon sac quelquefois à...à moi me...mieux réfléchir sur la façon dont j'appréhendais

94 les soins avec un patient, euh...ça...ça m'apporte différentes choses selon les lieux

95 déjà où je l'ai utilisée, j'ai travaillé en CATTP où on était complètement abandonnés

96 par les instances du service quoi...il fallait qu'on se débrouille parce que c'était la

97 dernière roue du carrosse du service et grâce à la supervision, l'équipe tenait le coup

98 sinon, voilà, là pour le coup, en supervision ,on faisait de la clinique et on faisait

99 aussi du « replâtrage » d'équipe quoi, on essayait de tenir entre nous grâce à, grâce

100 à cette supervision qui était hebdomadaire, hein, donc c'était, c'était bien (sourire).

101 Là, c'est encore autre chose ici, ça m'aide à euh.., ça m'aide à parler de patients

102 quand je comprends pas complètement euh...quelle est la... en fonction des

103 questions que je me pose ou des réponses que j'ai pues avoir envers lui...voilà, ça

104 m'aide à rectifier mon attitude euh...sur, vers certains patients. Ca peut m'aider aussi

105 à me positionner envers mes collègues aussi hein, oui, oui. J'entends par là, ben, on

106 est pas toujours d'accord sur les façons de fonctionner donc ça peut aider à se dire

107 des choses oui, voilà hein à ce dire des choses à moment donné même si c'est vrai

108 que dans cette équipe on arrive à s'en dire...c'est vrai qu'il y a aussi des non-dits, il y

109 a aussi...et ça peut être aussi le moment de...de mettre à plat des choses voilà quoi,

110 qui ont pas été dites entièrement quoi...(grand silence...)

111 Est-ce-que ça vous ennuie si on revient sur le CATTP deux minutes ?

112 Non, non !

113 Pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par « replâtrage » ?

114 Euh...Il se trouve que les CATTP sont des lieux de soins un peu en souffrance dans

115 les institutions hospitalières parce que...parce qu'il y a une telle pénurie de

116 personnel, une telle pénurie de moyens que...petit à petit les équipes ont été

117 réduites hein. Donc sur le CATTP, on s'est retrouvé plus que trois, il y avait presque

118 plus de temps de réunions euh...médicales...euh, donc le CATTP tournait grâce à

119 cette petite équipe d'infirmiers et bon, ben là, il fallait vachement se débrouiller,

120 même le cadre était éclaté parce que bon elle avait des fonctions éparpillées donc il

121 fallait se débrouiller et là, c'était pas forcément une équipe qui était harmonieuse, et

122 la supervision nous a aidé à régler des choses et à continuer à fonctionner voilà,

123 hein, alors elle nous aidait sur le plan clinique mais elle nous aidait surtout sur le plan

124 du fonctionnement purement et simplement de l'équipe. Ca permettait devant le

125 superviseur de euh...se dire ce qu'on avait essayé de se dire dans la semaine mais

126 qui avait été « crac » barré et donc ca permettait de régler des conflits, de passer à

127 autre chose, de continuer à travailler ensemble, voilà...sans en passer par la rupture,

128 et l'incompréhension totale. Voilà...régulateur de conflits, régulateur de parole,

129 régulateur de communication dans l'équipe, hein, à ce moment là, ca peut, ca peut

130 avoir ca, bien que sa fonction première c'est euh...ca peut être ca aussi...

131 On parlait de vos compétences...avez-vous l'impression que votre équipe (au

132 complet) en développe aussi ?

133 Oui, oui ! Oui je pense oui...eh ben déjà, la capacité à...à...s'écouter, à se respecter,

134 à...à utiliser ces temps là pour se dire des choses euh...vraiment, de l'ordre du

135 travail et...alors pas forcément de l'ordre personnel, c'est pas le lieu hein, voilà, c'est

136 autour du travail mais...autour du travail pouvoir se dire à ce moment là hein « ben tu

137 vois quand tu t'es comporté comme ca avec tes patients, hein, ca m'a gênée

138 euh... », ya peut-être qu'à ce moment là qu'on peut se le dire ca, voilà. Donc ca voilà

139 hein, y a ca et aussi ca aide à...à se poser des questions sur la prise en charge,

140 c'est pas facile la prise en charge des patients, y en a qui nous, qui nous posent

141 problème, ca aide aussi et en même temps que ca nous aide, ca développe des

142 compétences pour cerner comment aider tel patient à tel moment, comment

143 comprendre vers quoi il faut aller, ca développe les compétences de se poser des

144 questions, de...d'une facon différente. Ca permet de prendre du recul...(silence)

145 Est-ce-que vous aimeriez que les médecins participent ?

146 Non, non pas du tout ! Vraiment pas, parce que je pense que selon le médecin, c'est

147 toujours pareil, c'est...selon la personne hein qui serait là, ah il y aurait un

148 verrouillage de la parole infirmière...Non, non, non, c'est pas du tout la place du

149 médecin, non... (réfléchis) Alors, avec le médecin avec lequel je travaille, je dirai oui,

150 hein, parce que c'est quelqu'un qui est, qui est bienveillante, qui...qui nous respecte

151 donc avec elle, oui, le problème c'est qu'elle aurait pas le temps, donc voilà, c'est

152 clair, oui, donc avec le médecin avec lequel je travaille oui, avec le médecin chef

153 actuel oui, avec d'autres médecins, je me serai absolument pas vue pouvoir faire ce

154 travail là...

155 Les médecins, non. la psychomotricienne et les éducs spé ?

156 Ah ben eux c'est différent, elles sont dans l'équipe ! Elles sont dans l'équipe

157 soignante ! Donc la question se pose pas, elle font partie de l'équipe et de toutes

158 facons, ca fait partie de quand on postule pour l'hôpital de jour, on sait qu'il y a la

159 supervision qui est incontournable, ca fait partie de notre travail, c'est pas t'y a envie

160 d'y aller ou t'as pas envie d'y aller, c'est tu y vas, ca fait partie du travail !

161 C'est imposé ?

162 Oui, on peut le voir comme ca, ca fait partie de ce qu'on demande à une infirmière

163 qui veut travailler en hôpital de jour ou au CATTP de, oui, on vient là aussi pour aussi

164 utiliser tous les outils qu'on donne, qu'on nous donne. De même qu'on peut pas se

165 soustraire aux réunions de service, ben.. on nous demande de nous engager pour ce

166 travail de supervision sinon, c'est pas la peine de venir...Il faut s'approprier ce temps

167 là. Je le vois vraiment, la supervision comme un outil de travail, un outil de travail

168 multidirectionnel hein ? A moment donné il va me servir moi personnellement à

169 avancer heu...dans des doutes , dans des...où je me suis sentie pas à l'aise avec tel

170 patient, j'ai fait telle réponse, ca me permet d'en reparler à moment donné hein, c'est

171 un soutien personnel, une remise en question personnelle. Bon, à d'autres moments,

172 ca va être à travers heu...la discussion sur des patients ca va permettre à ce dire

173 des choses entre nous même si c'est pas le but premier mais ca va quand même

174 permettre ca l'air de rien, de se dire des choses, bon et l'autre direction ,c'est

175 carrément travailler sur la clinique, moi ca m'apporte tout ca !

176 On a parlé de positionnement tout à l'heure, vous entendez quoi par là ?

177 Ben peut-être à moment donné ca peut permettre l'air de rien que euh...que chacun

178 a son rôle à jouer...aussi...mais je crois que ca permet aussi de s'engager, ca

179 permet de s'engager, oui ! Alors, ici c'est clair, c'est un engagement obligatoire, dans

180 l'intra, moi je me souviens c'était pas obligatoire. Je sais pas où ca en est

181 actuellement mais dans le service où j'étais, puisque chaque service fonctionne

182 différemment, c'était pas obligatoire. On était un petit noyau à trouver ça intéressant

183 et y en avait toute une partie pour qui c'était du travail en plus, voilà, et c'était

184 dommage parce que alors ça clivait l'équipe déjà, elles avaient l'impression qu'on

185 faisait du zèle en y allant, hein, euh...qu'on faisait plaisir à l'infirmière euh...à la

186 cadre supérieure, enfin etc, alors que y voyaient pas que c'était un outil ! Un outil de

187 travail qui pouvait leur apporter et qui pouvait les aider à, à s'engager dans leur

188 boulot d'une façon différente quoi, plutôt que de râler « on a pas les moyens, on a

189 pas ceci, on nous respecte pas..., bon enfin blablabla. Va plutôt te poser les

190 questions sur ton boulot, ce que tu peux en faire, ce que tu peux en dire et voilà, non,

191 je pense que ça apporte de l'engagement (ton insistant)Ouais...De la remise en

192 question, de soi aussi.

193 Vous disiez que ça avait scindé l'équipe...

194 Ouais...A cette époque là, ça avait scindé l'équipe : y avait ceux qui y allaient et ceux

195 qui y allaient pas et ça se ressentait dans le quotidien...

196 Quelque chose à rajouter avant de nous quitter ?

197 Sur la supervision...Je pense que ça peut faire peur à des gens qui croient qu'y faut

198 avoir une compétence de plus pour y aller ? Or, y a pas besoin de compétences

199 particulières, je pense que ça a à voir avec les...comment dire ? Avec l'envie qu'on

200 peut avoir d'avoir un regard sur ce qu'on fait, voilà. C'est...ce regard là, il permet de

201 se questionner tout le temps sur notre pratique infirmière, sur...mais c'est...c'est en

202 lien direct avec le soin, voilà. C'est un moment privilégié mais indispensable, moi je

203 crois vraiment que c'est indispensable d'avoir ce temps de réflexion, de

204 questionnement et donc de retour, hein, parce que c'est pas qu'un mur, elle nous

205 aide réellement à affiner nos questionnement et à affiner des attitudes qu'on peut

206 avoir.

207 Merci beaucoup !

Annexe II

Entretien de Marguerite

En gras : questions et relances de l'entreteneur

En clair : réponses de Marguerite.

EN MAJUSCULE : élément perturbateur malgré le fait que l'entretien se déroule dans un bureau porte fermée.

Entretien de Marguerite, IDE.

Durée : 38 minutes

1 D'après vous, quels sont les apports du dispositif d'intervention pour

2 l'équipe ?

3 Euh...Donc déjà de pouvoir se questionner et de se retrouver en équipe et de

4 pouvoir se questionner ensemble avec un tiers extérieur qui nous aide à réfléchir sur

5 les problèmes qu'on peut rencontrer au niveau de l'équipe ou au niveau des

6 patients !, Donc ça c'est bien d'avoir un tiers parce que on le fait entre nous déjà

7 mais c'est bien d'avoir une personne neutre qui puisse nous aiguiller, nous faire

8 cheminer dans nos réflexions...surtout ça et euh... et en fait j'ai toujours travaillé

9 avec une supervision depuis l'école d'infirmière donc j'imagine pas travailler

10 sans...Je pense que dans tous les services, y a besoin de toujours se remettre en

11 question, de savoir où on va, d'éviter de faire euh d'aller dans la mauvaise direction,

12 donc toujours se requestionner et de ne pas s'enfoncer dans les problèmes et les

13 non-dits entre nous ou avec les patients ou de pas être d'accord sur les prises en

14 charge, je pense que c'est de toutes manières obligatoire pour nous. Enfin pour moi

15 personnellement, je pourrai pas travailler sans.

16 J'ai connu la supervision quand j'ai travaillé en intra, je l'ai connue aux urgences

17 psychiatriques quand j'ai travaillé aux urgences et ici et pendant l'école d'infirmière,

18 pendant les trois ans : on avait une supervision après chaque mois de stage.

19 Vous pourriez revenir sur l'équipe et les non-dits ?

20 Ca nous aide à poser ..., à poser les problèmes, à poser les...les difficultés qu'on

21 rencontre avec un patient...euh...poser les différences d'opinions aussi, même si on

22 arrive ici à le faire euh...en équipe, y a eu d'autres services où je suis passée avant

23 où c'était plus difficile et du coup le tiers ça aidait plus à faire verbaliser chacun. Il a

24 un rôle de distribution de la parole et de réflexion et euh ... il nous donne des pistes

25 pour élaborer un p'tit peu..., pour pas rester à un niveau...enfin, comment dire ?

26 enfin, rester sur ses positions en fait, ne pas essayer de voir les positions de chacun

27 donc il aide à faire circuler cette réflexion et cette parole. (silence)

28 Vous voulez dire qu'il aide à être mieux écouter ? que c'est plus facile qu'en

29 dehors des séances ?

30 Ici, non, on est autant écouté pendant les séances qu'en dehors, peut-être parce

31 qu'on est une petite équipe et que du coup on parle assez régulièrement dans la

32 journée mais c'est vrai que dans d'autres services où on était une plus grosse

33 équipe, et puis j'avais moins d'années de diplôme aussi, peut-être que ça me

34 permettait de...de pouvoir m'exprimer plus pendant les supervisions ; justement

35 parce qu'on a chacun le superviseur qui nous donne la parole...tandis que dans les

36 grosses équipes, ben des fois il y en a qui la prenne plus, d'autres qui la prenne

37 moins. Par contre ici, non pas du tout...enfin ici ça circule bien donc euh...sûrement

38 à cause du nombre...aussi la personnalité des gens, moi je pense que c'est un tout.

39 Le nombre il joue mais là où j'ai rencontré le plus de difficultés, c'était en intra, alors

40 qu'aux urgences il y avait moins de difficultés mais on était quand même beaucoup,

41 simplement y a aussi les personnes...

42 Vous dites beaucoup « ici », vous y êtes bien ?

43 Oui ! on est pas tous pareil, heureusement mais on a des valeurs communes. Mais

44 par contre, on est pas tous pareil. On a chacun un vécu, nos personnalités donc bon,

45 heureusement, on est toutes différentes pour pouvoir travailler avec les différents

46 points de vue. Non, par contre, au sein de la supervision, on arrive à bien parler de

47 nos différents points de vue parce que des fois on est pas du tout d'accord euh...sur

48 un patient ou sur une question du quotidien voilà. On est pas toutes pareilles.

49 (silence) Ce qui est dommage, c'est que les médecins viennent pas, ça m'aurait

50 jamais dérangé, j'aurai préféré même qu'ils y participent mais je sais pas pourquoi ça

51 se fait pas en fait. Peut-être que c'est pas parler, peut-être qu'ils veulent pas, peut-

52 être que y a des réticences aussi de notre côté mais je pense que ce serait important

53 de pouvoir tous y participer ensemble. Enfin ça me dérangerait pas du tout, ça

54 permettrait d'avoir d'autres points de vue, d'avoir un point de vue médical, de pouvoir

55 parler de..de patients de manière plus approfondie parce que ils font de moins en

56 moins de réunions cliniques. Il faut pas que ça devienne une réunion clinique mais

57 peut-être partager plus de choses et ici c'est vrai que les médecins on les voit très

58 rarement donc euh...peut-être que ça aiderait à beaucoup mieux se connaître, mieux

59 communiquer entre nous euh...et puis pour le patient y aurait une meilleure prise en

60 charge...Après y faut que tout le monde soit d'accord...

61 Mais bon, ils respectent que ce soit un temps pour les équipes et puis je pense qu'ils

62 se sont jamais posé la question... (grand silence)

63 La supervision, elle influe sur votre positionnement ou celui de vos collègues ?

64 Y a peut-être des gens qui arrivent mieux à parler que d'autres mais bon ça...ça

65 simplifie en fait, c'est plus facile de parler en supervision qu'en équipe sans le tiers

66 en fait. Enfin, moi ça m'aide parce que c'est vrai que je suis...des fois j'ai du mal

67 à...à exprimer mes opinions parce que je suis dans une équipe où elles sont plus

68 anciennes que moi, on a pas forcément le même diplôme...euh...elles ont plus

69 d'expérience...enfin souvent je me mets plus en retrait tandis qu'à la

70 supervision...ben ça m'aide un peu à être moins en retrait justement...même si au

71 quotidien elles m'écoutent mais c'est plus moi qui m'efface en fait...

72 Donc il y a une différence entre les séances de supervision et le quotidien ?

73 Ben maintenant moins. Au départ oui mais depuis qu'il y a la supervision ici...ben du

74 coup ça m'a aidé dans le quotidien à prendre plus la pa.., à prendre plus de

75 place...enfin, plus la parole, plus affirmer mes opinions...J'ai ma place...(silence)

76 Votre place...vos rôles ?

77 Ben ici on travaille au niveau de référence, donc on est deux référentes d'un patient.

78 Donc c'est vrai qu'on s'occupe de tous les patients mais principalement les patients

79 qu'on a en référence, donc ça on le respecte de toutes manières...Même si en

80 supervision on parle d'un patient même si on est pas référent on a le droit de donner

81 notre avis...de...etc...heureusement ! Mais on respecte le travail de l'autre et ça

82 nous aide la supervision...même si avant la supervision y avait hein ! Ca a peut-être

83 augmenté mais ça y était...En tous cas, tout le monde y va volontiers...

84 Ces années de supervision, vous avez l'impression qu'elles vous ont permis

85 de développer des connaissances, des capacités ou des compétences

86 nouvelles ?

87 Déjà ça aide à travailler aussi sur soi parce que je pense que quand on...on est tout

88 seul face à la maladie (et notamment mentale)...on a aussi besoin d'en parler et

89 même si on en parle en équipe ben...ça aide comme je vous disais tout à l'heure

90 d'avoir un tiers...ça m'a apporté des compétences plus cliniques parce que en

91 supervision on parle...clinique et que ben.. en réunion avec les médecins...ça y en a

92 de moins en moins...on parle des problèmes du quotidien et la clinique bon on la

93 passe un peu à l'as donc c'est vrai que ça a aidé sur ce plan là...et euh...ben

94 pendant les études d'infirmières ça a aidé à...à appréhender les difficultés après en

95 intra ben...ça a été une manière là, de m'intégrer plus facilement dans l'équipe,

96 après ben quand j'étais aux urgences ben on vivait tellement des situations difficiles

97 que de toutes manières on avait besoin d'en parler entre nous et avec un tiers qui

98 nous renvoyait des choses positives ou négatives mais.. ;des choses aussi à

99 travailler personnellement...enfin il nous renvoyait bon ben personnellement il

100 faudrait travailler sur ça mais là on peut pas le faire en supervision et...telle situation

101 t'a renvoyé tel truc donc peut-être travailler sur ça donc ça aide aussi au niveau

102 personnel, au niveau de l'équipe et au niveau aussi de l'encadrement des élèves

103 parce que, parce qu'on comprend mieux les choses et euh...et on arrive mieux à

104 s'apercevoir des difficultés qu'ils peuvent avoir aussi. Plutôt que d'être dans sa bulle

105 et de faire son travail et ben... et de pas aller plus loin...(silence)

106 Qu'est-ce-que vous voulez dire par « être dans sa bulle » ?

107 Ben...ça permet d'aller vers l'autre, voilà, aller vers l'autre et que l'autre vienne vers

108 nous aussi. Moi j'ai connu des collègues qui voulaient absolument pas aller en

109 supervision parce que elles voulaient pas livrer leurs sentiments et elles avaient pas

110 envie d'écouter non plus ceux des autres...

111 Et qu'est-ce-que vous en pensez ?

112 Je respecte aussi parce que bon on est tous différents donc euh...je peux

113 comprendre qu'y ait des gens qui aient plus de mal à...à verbaliser leurs émotions,

114 leurs affects, ce qu'ils ressentent...Voilà peut-être par peur d'être jugé...ou...faut

115 aussi qu'y ait une confiance énorme dans l'équipe pour pouvoir avoir une supervision

116 parce que...voilà...moi les fois où j'ai rencontré ça c'est...c'est ben, des collègues

117 qui bon peut-être en voyaient pas la nécessité, qui aussi avaient des difficultés avec

118 d'autres collègues donc ça a créé des tensions dans l'équipe et euh...voilà, c'était

119 pas parlé et la supervision n'était pas faite pour ça donc euh...Mais je pense que si

120 elles avaient franchi le pas ça aurait pu réduire ces tensions...Je pense que ça aurait

121 crevé l'abcès et qu'après...peut-être que les personnes auraient changé de services

122 ou se seraient comportées différemment mais en tous cas y aurait eu quelque chose

123 de positif parce que...ça peut se sentir...Les patients ils le sentent hein quand y a

124 des personnes qui sont pas sur la même longueur d'ondes et bon...ils en jouent pas

125 mal les patients ça aussi...Mais bon je pense que ça aurait été positif mais

126 après...chaque personne choisi d'y aller ou pas. Ici par contre, on se bat pour qu'on

127 l'ait toujours surtout parce que y en a moins que avant que j'arrive déjà. Moi quand

128 j'ai postulé ici, c'est moi qui ai demandé quand j'ai postulé, j'ai demandé à mes futurs

129 collègues « est-ce-qu'il y a une supervision ou pas ? » mais sinon...

130 Vous ne vous en passeriez plus ?

131 Non ! je m'en passerai plus non, sinon je verrai quelqu'un à l'extérieur une fois par

132 semaine pour pouvoir travailler mais c'est vrai que c'est pas la même chose bon ! On

133 travaille plus sur soi et ses réactions mais on peut pas travailler avec et sur celles

134 des autres. La supervision, c'est bien parce que c'est le groupe et que ici le groupe

135 c'est très important ! 9a a des effets sur le personnel et sur le collectif. Le collectif en

136 tant que soignant mais sur le collectif des patients aussi je crois. Je pense que si on

137 a pas les mêmes visions...bon ben quand on a fait une séance de supervision on a

138 d'autres points de vue sur le patient...on pense d'autres choses...C'est bien aussi

139 pour le patient, c'est positif...on a le point de vue de chacun, on....c'est mieux quoi...

140 On a parlé de vous... de vos compétences. Est-ce-que vous pourriez me dire ce

141 qu'il en est au niveau de l'équipe ?

142 Ben déjà, on se connait mieux ! on se connait mieux les unes les autres don

143 euh...chacune apporte des compétences aux autres et on en crée de nouvelles

144 justement en discutant sur les cas des patients, sur nos problèmes

145 respectifs...etc...Voilà, donc c'est que du positif...Enfin, je pense que c'est que du

146 positif de mieux se connaître, personnellement de mieux connaître l'autre, de mieux

147 connaître ses réactions...Du coup, c'est que positif pour les patients...Ca...ça

148 accentue la cohésion d'équipe en fait....En fait, c'est parce que la parole elle

149 circule...elle circule déjà mais c'est un plus, donc elle circule encore mieux...Du

150 coup, on...on va plus se rapprocher, on va avoir une cohésion plus importante et du

151 coup, du coup le patient il est vraiment au centre de ça et les autres petits problèmes

152 on oublie. Du coup, c'est vraiment le patient qui va passer en premier...ça permet de

153 se recentrer sur l'important...et oublier les petits détails et les petits détails on les

154 règle et après on peut se concentrer sur le patient.

155 QUELQU'UN FRAPPE A LA PORTE. L'ENTRETIEN EST SUSPENDU QUELQUES

156 SECONDES...

157 On parlait donc de cohésion...

158 Ah, oui ! Ben donc, il y en avait déjà mais ça a aidé à...à encore plus de cohésion

159 mais à part ça je me rappelle plus ce que je disais !

160 Est-ce-que vous pouvez me parler de votre mode de fonctionnement dans

161 l'équipe ?

162 Ben...déjà on a pas les mêmes diplômes...les infirmières elles ont tels trucs, la

163 psychomotricienne elle a tel truc et les éducs spé, ils ont tels trucs...après on a des

164 trucs en commun psychomot, infirmières et éducatrices mais euh...tout est

165 déterminé à la base...on se marche pas trop dessus parce que c'est bien organisé

166 donc on se marche pas dessus...chacun sait ce qu'il a à faire donc euh.. .non,non,

167 on se marche pas dessus. Puis au niveau référence par exemple, c'est que les

168 infirmières qui sont référentes d'un patient, pas la psychomotricienne ni les éducs

169 spé, par contre au niveau des ateliers...y a des ateliers qu'on peut...ou c'est la

170 psychomotricienne ou que les éducs qui les font et nous on les fait pas du tout...y a

171 des ateliers où c'est que infirmier et y a des ateliers où ça peut être ou la psychomot

172 ou nous...

173 « Nous », c'est les infirmières, vous vous comprenez toujours ?

174 Ben... on parle « clinique », enfin, j'en reviens sur le fait qu'on parle plus clinique, on

175 a une trame commune au niveau clinique mais sinon après euh...(silence)

176 « Une trame commune au niveau clinique... ? »

177 Je sais pas enfin quand on prend des signes cliniques ou une pathologie, on

178 comprend tout de suite on a pas à demander à la personne « qu'est-ce-que tu

179 entends par là ? » ou « qu'est-ce-que tu entends par ci ? » ? On se comprend quoi

180 voilà, on a les mêmes definitions, à peu près...Après si c'est pas exactement on en

181 discute ensemble...quand on dit tel patient il est comme ça, voilà, en general on a

182 toutes compris...(grand silence...)

183 Si ça ne vous ennuie pas, je voudrais bien revenir un peu sur votre supervision

184 en intra...

185 Ben... la difference fondamentale, c'est que ici tout le monde est ok pour avoir une

186 supervision et qu'en plus on est une petite equipe, donc on est oblige d'être soudee,

187 sinon ça se ressent encore plus et euh...en intra où y a une enorme equipe, y a des

188 gens qui sont pas d'accord pour la supervision...qui croient que ça va être repete à

189 l'exterieur...y a des gens qui sont d'accord...on se voit pas tout le temps, y a un turn-

190 over assez important dans les equipes, y a des gens qu'on voit jamais tandis

191 qu'ici...on se voit tout le temps hein...5 jours sur 5 quasiment hein vu que on doit

192 être toujours cinq et que on est huit...ça laisse pas beaucoup de marge de

193 manoeuvre donc on a interêt à s'entendre avec nos differences parce que sinon ça

194 se ressentira encore plus...

195 Dernier point, je voudrais revenir sur les réunions cliniques et sur la différence

196 que vous y mettez avec la supervision...

197 Ben justement, vu que on a pas vraiment de reunions cliniques, la supervision des

198 fois elle devient clinique parce qu'on en a besoin mais en même temps la supervision

199 on y met un petit peu ce qu'on veut quand on veut...Quand on a besoin de quelque

200 chose, qu'il nous manque quelque chose, on va le chercher où on peut...Donc

201 ben...on le cherche plus en supervision..pour nous faire euh...pour nous faire

202 progresser sur les cas des patients, pour nous faire evoluer tandis que comme

203 normalement on a une reunion clinique tous les jeudis et que c'est tout sauf clinique

204 il faut bien aller la chercher quelque part donc euh...Oui... c'est tout sauf

205 clinique...c'est euh...on va parler d'autres problèmes de l'intra...on va passer très

206 vite sur les patients bon « il a tel traitement donc c'est bien, ça marche ! » mais après

207 ben la clinique, on l'oublie un petit peu...Donc on essaye de le travailler avec notre

208 psychologue mais on aimerait bien des fois le travailler avec le médecin parce que

209 ça pourrait nous aider mais comme elle est toujours overbookée, ben...on travaille

210 avec la psychologue et avec la dame qui nous fait la supervision...voilà. Et comme y

211 a pas de problèmes de fond dans l'équipe, on a pas besoin de parler des

212 discordances qu'on pourrait avoir entre nous, ou très peu de temps en temps...alors

213 on passe à autre chose, on passe à des problèmes plus cliniques. Je pense que si

214 on avait des soucis entre nous...peut-être que... en intra par exemple on parlait plus

215 des soucis dans l'équipe...de la place de chacun...mais moins des patients ! C'est

216 toujours différent en fait, on parle de ce dont on a besoin de parler... En intra c'était

217 pas pareil, à l'école aussi et voilà...c'est un outil qu'on s'approprie donc

218 euh...(silence)

219 Vous avez quelque chose à rajouter ?

220 Si on pouvait en avoir plus, ce serait bien ! (rires) 1 par semaine ! Non, j'en demande

221 trop là...Mais bon, là on va avoir une heure tous les deux mois donc ça fait un peu

222 chaud là...Alors qu'on avait une heure par mois... et avant que je sois là, c'était plus

223 encore ! C'est dommage...c'est pas remplaçable...il la faut cette personne qui fasse

224 pas partie de l'équipe, qui fasse pas partie de M...(l'établissement), qui soit

225 neutre...ouais....elle apporte un peu de renouveau, elle est pas dans les problèmes

226 de l'hôpital, elle s'en fout, elle passe outre, elle se centre vraiment sur nous, sur les

227 patients et quand on fait des réunions avec d'autres personnes mais qui font partie

228 de l'hôpital, y a toujours les problèmes de l'hôpital, des services.. qui viennent

229 parasiter tandis que là t a pas. Y a pas parce que justement elle est hors de

230 l'institution, donc elle est hors tous ces problèmes...Elle est là pour nous et après

231 pour les patients, mais l'institution elle s'en fout quoi (rires)...tant qu'elle est payée

232 (rires).

233 Merci beaucoup !!!

Annexe III

Entretien de Violette

En gras : questions et relances de l'entreteneur

En clair : réponses de Violette.

Entretien Violette.
Psychomotricienne

Durée : 43 minutes

1 D'après vous, quels sont les apports du dispositif d'intervention pour

2 l'équipe ?

3 Alors d'abord il faut savoir que j'ai été intégrée dans une équipe infirmière et

4 éducateurs, ce qui est un peu original pour une psychomotricienne qui

5 habituellement viennent un peu pour des groupes, pour des prises en charge

6 individuelles. Là je suis vraiment intégrée à l'équipe. Euh...donc la supervision moi

7 j'en avais jamais eue dans le cadre des...de l'endroit ...de tous les différents endroits

8 où j'ai travaillé. Maintenant ça fait 25 ans que je travaille en psychiatrie :

9 pédopsychiatrie et psychiatrie adulte et euh...donc j'avais jamais bénéficié de ce

10 qu'on appelle ici la supervision euh...donc euh...je savais pas trop, je connaissais

11 des collègues qui elles faisaient de la supervision en dehors de leur travail sur

12 euh...enfin en fait par des psychanalystes qui eux faisaient de la supervision à

13 l'extérieur donc, et elles payaient pour ça et euh...au niveau de la ; de tout ce qui

14 était vraiment service hospitalier, y avait pas de groupe de supervision. Euh...donc

15 le...j'savais pas trop en fait à quoi ça correspondait, moi en fait individuellement,

16 j'avais jamais eu, ressenti le besoin d'aller voir dans ces groupes de supervision

17 extérieurs qui regroupaient par contre que des psychomotriciens et qui étaient faits

18 par des psychomotriciens qui étaient psychologues analystes et euh...voilà donc

19 quand je suis arrivée ici les infirmières m'ont dit ben écoutes, tu fais partie de

20 l'équipe, tu viens avec nous ! (rire) Donc voilà, donc j'ai un peu découvert c'qu'était la

21 supervision ici, hein, euh...donc je trouve ça très intéressant donc, ca qui est sûr,

22 c'est qu'ici, ça manque de temps de travail clinique, c'est-à-dire qu'il y a un gros

23 travail clinique qui se fait mais, on a assez peu de temps pour pouvoir en...reprendre

24 ça avec la psychologue, le psychiatre...essentiellement donc on reprend ça entre

25 nous, mais c'est pas la même chose...voilà. Donc c'est vrai qu'il y a une grosse

26 demande de la part de l'équipe d'avoir des temps où on peut un peu se dire les

27 choses...bon, par rapport au patient, aux prises en charge et aux difficultés qu'on

28 peut rencontrer, voilà. Donc euh...donc au début c'était un autre psychanalyste qui

29 intervenait, c'était un homme, j'sais plus comment y s'appelait euh...Alors, moi c'que

30 j'trouve...enfin j'pense que ça a un peu le côté original ici , c'est qu'on fait pas mal de

31 clinique au sein de la supervision et par exemple, on va pas aborder des difficultés

32 mettons qu'on aurait entre nous euh...au niveau de l'équipe ou des choses comme

33 ça. Ca peut se faire mais à partir de difficultés qu'on a dans la perception d'un patient

34 ou on dit ben « tiens, toi tu le perçois comme ça mais moi je le perçois comme ça »

35 ou « mais toi...c'est parce que dans ton métier...t'as ta façon de faire avec lui, tu vas

36 plutôt être comme ça, moi j'suis plutôt comme ça » enfin, vous voyez, c'est plutôt

37 dans ca style là de...au niveau du travail euh...autour d'un patient en particulier mai

38 c'est vrai que euh... les difficultés qu'on peut rencontrer éventuellement entre nous,

39 c'est pas à la supervision qu'on en parle. On en parle entre nous en fait. Et j'pense

40 aussi peut-être voilà, y a des gens qui sont très différents des autres, donc très

41 complémentaires donc de ce fait là...mais par contre on se respecte complètement

42 quoi ! Donc, j'pense que c'est intéressant parce que de ce fait là on se dit les choses

43 tout de suite quoi. Quand y a des trucs qui vont pas on s'dit « mais attends ! pourquoi

44 ça j'comprends pas ! » mais bon, après allez hop on s'explique. Donc c'qui fait qu'il y

45 a pas de... Peut-être aussi parce qu'on est une équipe 9h 17h peut-être hein. On est

46 une petite équipe et on est sur le même temps de travail, on est pas certaines du

47 matin, d'autres d'après-midi etc...donc ça, ça favorise certainement la cohésion

48 mais aussi les gens eux-mêmes disons qu'il y a pas d'éléments ni pervers ni

49 euh...j'sais pas quoi qui...L'équipe, c'est tous des gens assez francs, donc des fois

50 ça pète...des fois on est pas d'accord, on se le dit mais c'est pas grave, on travaille

51 bien ensemble quoi (rires) Voilà, donc la supervision euh...moi ça m'a aidé à

52 plusieurs reprises j'ai remarqué, à plusieurs reprises par rapport à des fois où

53 j'comprenais pas...j'me disais ben, bon là y s'passe telle chose avec tel patient et je

54 ne comprends pas euh...euh...j'arrivais pas à comprendre pourquoi quoi ! Et la

55 supervision m'a toujours aidée...

56 Pourriez-vous me dire comment ?

57 Ca m'a aidé euh...en apportant...une analyse autre ! C'est-à-dire un regard peut-être

58 ben auquel je m'attendais pas, une chose à laquelle j'avais pas pensée et la

59 psychanalyste elle me disait « mais, mais peut-être ça,ça... » et j'disais « ah ben oui,

60 ça j'y avais pas pensé ». Effectivement, ben euh...fin bon en amenant comme ça des

61 éléments euh...et j'pense que effectivement, du fait qu'elle est psychanalyste, elle a

62 une...une écoute et un regard différent. Par exemple, je sais plus, y avait un patient

63 qui jouait du violoncelle et euh...j'disais « voilà, ce patient il fait beaucoup de

64 musique etc... » et puis...et puis je disais qu'en faisant l'évaluation de la

65 psychomotricité, j'avais vraiment un sentiment que ce monsieur avait été blessé au

66 fond de lui-même quoi, qu'il avait été même peut-être euh...abusé ou enfin, il avait

67 une attitude par rapport au corps...de méfiance, de repli, de, enfin on sent que c'était

68 quelqu'un qui...bon avait été frappé ou voir violé et euh... ou en tous cas abusé, fin,

69 parce que j'ai pas mal travaillé dans une consultation avec des gens comme ça et

70 euh...j'trouvais qu'il y avait des similitudes. Et euh...donc elle, elle nous a demandé

71 de reprendre un peu son histoire... et en fait, ce monsieur il a fait une première

72 décompensation lorsqu'il a fait un concours de violoncelle où il est arrivé deuxième et

73 il voulait arriver premier. Il a complètement décompensé, il s'est mis à délirer etc...Et

74 elle, par exemple, elle a dit, oui, « viol-oncelle » enfin, elle a amené un élément

75 auquel moi j'avais pas du tout pensé par rapport au violoncelle, hein. Et

76 effectivement, là elle a fait un lien qui m'a interrogé ! hein. Parce que c'est un patient

77 qui ne veut plus jamais jouer de violoncelle...et qui, très souvent dans les groupes,

78 différents groupe soit de lecture, soit de, aborde des histoires de viol, parle beaucoup

79 de...justement des abus, de viol etc... Et elle bon l'histoire du violoncelle, c'est vrai

80 que...Elle disait « bon, ben, y a le mot viol dans violoncelle » . Enfin...vous voyez, ce

81 genre de choses...

82 Vous avez insisté sur le fait que vous êtes psychomotricienne, vous pourriez

83 m'en dire un peu plus ?

84 Oui. Ben...moi...je le sais, on est pas pareilles, ça c'est sûr...j'pense que euh...les

85 infirmières le ressentent aussi puisqu'on en a déjà parlé mais euh...oui, c'est sûr ! j'ai

86 pas le même regard. Par exemple...ici, on fait le repas, on met la table avec

87 euh...donc on a des petits groupes comme ça et puis tour à tour chacune on est

88 responsable des repas. Et, moi au début je me suis dit, « bon psychomotricienne,

89 j'vais préparer le repas, où est ma spécificité ? ». Fin, parce que quand on est intégré

90 dans une équipe, j'suis pas intégrée pour être infirmière alors que je le suis pas. Je

91 suis psychomotricienne, voilà, donc, forcément...voilà, mon travail, moi, comment je

92 me situe par rapport à ça. Et en fait, ça a été très clair tout de suite en fait c'est les

93 patients surtout qui...qui vont chercher là nos compétences à chacun et donc y a un

94 patient, il mettait la table un peu, ben voilà, n'importe comment, il mettait une main là,

95 le verre là-bas et puis euh...les infirmiers elles disaient < Mais non, X, non, ça c'est

96 là bas, l'assiette là, les couverts et tout». Mais bon, en fait, moi j'ai dit

97 < mais...comment...quelle est la forme de la table ? ». Donc j'ai fait une référence à

98 la notion de perception de l'espace et en fait, ce monsieur, il percevait pas qu'il y

99 avait un rectangle, il percevait pas qu'y avait un cercle. Fin, voyez, il avait de grandes

100 difficultés en fait à percevoir la notion de l'espace. Donc j'ai fait un travail avec lui,

101 voilà bon...repérer les deux grands côtés, les deux petits côtés...etc...et quand on

102 s'assoit, on est en face de quelque chose et puis se repérer, en fait, il avait des

103 grosses difficultés de repérage dans l'espace...Bon, voilà un exemple...

104 Chacun sa place dans l'équipe...

105 Oui. Les autres sont très demandeuses et très à l'écoute de ça, donc j'ai pas besoin

106 de...enfin, au sein de la supervision, ça apporte une richesse de l'équipe

107 pluridisciplinaire parce que bon effectivement en fonction, bon ici on a pas d'aide-

108 soignante, en fonction de la formation de chacun, on va avoir un regard, peut-être

109 un peu différents et complémentaires. Donc ça, ben c'est intéressant mais c'est vrai

110 que c'est pas..ben, disons que la supervision ne me permet pas particulièrement

111 de...Quoi que si j'avais eu des difficultés d'intégration dans l'équipe, oui. Sûrement.

112 Parce que quand même, ça permet d'entendre les spécificités de chacun, ça c'est

113 sûr, mais euh...c'est que dans c'cadre là que ça se fait. Enfin...ça apporte aussi

114 euh...du temps ! qui est réservé à l'échange et qui est réservé à la...à la pensée et à

115 comprendre la pensée de l'autre, à élaborer soi-même sa propre pensée et à, à

116 écouter celle de l'autre. C'est-à-dire que y a des fois, on va dire... < ben tiens, y a

117 ça, y a ça », parce qu'on est dans le bureau et que bon y a pas de souci, on va

118 l'aborder, mais on va pas prendre le temps, on aura pas assez de temps pour

119 pouvoir se dire les choses, de dire < bon, euh...pourquoi, toi, tu perçois les choses

120 comme ça et moi autrement? » et < pourquoi à ce moment là, ce patient là il a eu

121 telle réaction comme ça? » et...fin, donc les relations, elles sont euh...ben c'est un

122 temps de relation en fait (rires) la supervision. C`est un temps vraiment qui est

123 réservé à l'échange, à la relation, enfin, et surtout à l'écoute de l'autre. C'est pas

124 uniquement un temps d'expression. Mais bon, c'est vrai, y a plus d'écoute pendant la

125 supervision...Ca c'est sûr, c'est pas de notre volonté, hein. Les gens demandent que

126 ça d'écouter, mais euh...on a pas assez de temps pour ça ! Donc c'est vrai que

127 euh...la supervision, c'est aussi...puis euh...une personne qui est extérieure, hein,

128 donc qui va pas être impliquée directement dans le travail thérapeutique et

129 qui...justement va nous donner un regard un p'tit peu différent, on va mieux...ça va

130 nous permettre de prendre un peu de distance. Ca va... Et puis de nous mettre en

131 lien, ça va... des fois on voit les choses différemment et puis la psychanalyste, elle

132 dit << ben, c'est normal, parce que ce patient là il est comme ci il est comme ça, et

133 puis avec vous il est comme ça, avec vous il va être comme ça et c'est bien comme

134 ça ! » (rires). Il y a aussi cet aspect là, hein. C'est...c'est pas la pensée unique hein,

135 donc on est vraiment dans le...justement, le vrai temps d'échange, hein.

136 Ce « vrai temps d'échange », il vous permet quoi ?

137 Ben...il permet...il favorise le dialogue, il permet de se comprendre mieux. Mais bon,

138 encore une fois, c'est vrai qu'on attend pas forcément après la supervision pour ça.

139 Mais c'est plus facile... Mais bon on fait, par exemple, on essaie de faire un travail

140 sur le projet du service etc...Bon, euh...mais en même temps, avoir des idées...fin,

141 partager des choses communes oui, au niveau du but...du travail qui est toujours

142 thérapeutique mais maintenant euh...y a des fois , y a des choses, moi j'me dis

143 << ouh là...pffff ». J'vois une infirmière qui fait un truc, j'fais <<ouh là ! » et puis parce

144 que moi j'aurai pas fait comme ça puis après je...donc j'interviens pas, j'laisse faire,

145 puis après j'vais me rendre compte que c'est vrai j'serai pas intervenue comme ça,

146 n'empêche qu'elle, elle est intervenue comme ça et que ça a fonctionné. Donc

147 euh...c'est des choses...vous voyez, c'est au niveau d'un langage commun, j'pense

148 qu'on a pas forcément un langage commun dans les personnes qui travaillent ici et

149 pourtant, j'pense que c'qui est important, c'est ce respect du travail de l'autre quoi.

150 Hein, et...les différences ont de l'importance, par exemple , moi j'ai eu beaucoup de

151 mal une fois y avait un patient qui voulait pas aller en sortie, c'est moi qui faisait la

152 sortie etc...et il voulait pas y aller, et je le sentais très angoissé, il me disait << non,

153 non, j'veux pas y aller, j'veux pas y aller !!! » et donc moi j'étais prête à ne pas

154 l'emmener, parce que j'ai dit moi j'veux pas lui faire violence et y a une infirmière qui

155 est arrivée et qui a dit « Allez ! Hop ! C'est l'heure ! Allez, Hop ! Vous allez à la

156 douche ». Et alors moi j'étais...j'me suis dit « oh la honte ! ». Bon, et finalement, il est

157 venu à la sortie et ça s'est très bien passé. Donc moi j'aurai jamais été capable de le

158 faire parce que je ressentais ça comme une virulence parce qu'il était angoissé et

159 l'infirmière, elle, elle savait ce qu'elle faisait quoi ! Donc elle a été jusqu'au bout du

160 truc et le patient il est venu et ça s'est bien passé. Donc, ça c'est des choses

161 qu'on...enfin, moi j'pense que j'apprends en travaillant avec des gens qui ont pas la

162 même formation que moi et...et c'est vrai que j'pense qu'une psychomotricienne ne

163 ferait jamais ça. Quelle qu'elle soit mais, voilà, une infirmière y a une autre...peut-

164 être une autre formation, ça veut pas dire que toutes les infirmières feraient ça, hein,

165 mais en tous cas, là, voilà. Donc, là on était pas sur un truc commun là, avec elle,

166 maintenant n'empêche que je suis pas intervenue, j'ai laissé faire, je lui ai fait

167 confiance en fait, hein. Et puis ça s'est bien passé. Voilà, donc des fois c'est des

168 choses comme ça qu'on reprend en supervision pour être sûr que les choses ont

169 bien été euh...comprise ...

170 Ca vous a à aidé à vous intégrer cette supervision ?

171 Euh... Oui, oui parce que en fait, au début, moi, quand je suis arrivée ici, il y avait 5

172 temps infirmiers et les trois éducatrices et euh donc en fait la direction et la direction

173 du service avait décidé qu'il y avait une infirmière qui partait, qu'il n'y airait plus

174 quatre temps infirmiers puisqu'ils avaient des difficultés à recruter en intra-hospitalier,

175 donc, ils voulaient laisser quatre infirmières. Et puis bon, ben il s'est trouvé que moi

176 j'faisais une mutation professionnelle. Et bon, j'ai...un certain bagage on va dire en

177 psychiatrie adulte et ça les a intéressé. Et du coup, ils ont, ils m'ont proposé de venir

178 sur ce temps infirmier. Donc c'était pas simple parce que, ni pour les infirmières ni

179 pour moi, bon euh...ça leur a été imposé en fait, ça je le savais pas (rires) C'est-à-

180 dire que l'équipe n'a pas été préparée, hein, du jour au lendemain, on leur a dit

181 « bon, écoutez, soit vous restez à quatre, soit vous serez quatre plus une

182 psychomotricienne. ». Boum ! Donc euh...Ouf ! c'était pas évident mais bon, quand

183 je suis arrivée ici, il y avait des tracts syndicaux contre l'embauche d'une

184 psychomotricienne qui fera pas le travail d'une infirmière, et effectivement, c'est vrai

185 (rires). Donc euh, voilà, hein, ça a pas été simple au départ parce que l'équipe était

186 en grande souffrance et les infirmières, elles étaient vraiment en souffrance, elles

187 avaient vraiment le sentiment qu'on leur avait fait un enfant dans le dos quoi,

188 que...mais bon, c'qui était super, c'est que tout de suite elles m'ont dit tout de suite

189 on a absolument rien contre toi en tant que personne ni contre l'embauche d'une

190 psychomotricienne bien au contraire, mais par contre qu'on nous mette une

191 psychomotricienne sur un temps infirmier, ça euh...voilà, hein ! Moi, j'avais l'esprit

192 tranquille parce que je savais que de toute façon, ils mettaient pas d'infirmière à ma

193 place si j'y étais pas donc j'avais pas le sentiment de prendre la place de quelqu'un

194 etc..quoi hein. Donc c'était, pour moi c'était clair dans ma tête sauf que pour elles,

195 elles le voyaient pas bien sûr de cet angle. A l'issue finalement, ce qui a été

196 intéressant c'est que s'est posée la question dès l'arrivée de la référence des

197 patients. Moi j'ai dit « non hein, ça c'est pas mon travail ça, je sais pas faire d'abord».

198 Une psychomotricienne référente, non, enfin, moi la connaissance que j'ai du métier

199 d'infirmier, c'est pas ça, surtout en psychiatrie, enfin bon, du coup, là on est tombées

200 sur des bases communes et j'pense que ça c'est quelque chose que les infirmières

201 ont pu dire en supervision hein, la difficulté que ça représentait pour elles euh...de

202 ben d'intégrer quelqu'un qui faisait pas le même métier, qui avait pas le même

203 regard, de pas avoir été consultées par les instances supérieures, qu'on leur ait pas

204 demandé leur avis enfin bon voilà. En fait on est tombé là sur un terrain vraiment

205 d'entente quoi parce qu'elles ont vu que moi justement je voulais absolument pas

206 prendre la place d'une infirmière (rires) que c'était pas du tout ça, voilà, moi je suis

207 psychomotricienne et je le reste et je crois que justement ça a permis parce qu'à ce

208 moment là, y s'trouvait que moi je coordonnais un numéro parce que je suis au

209 comité de rédaction d'une revue de psychomotricité qui s'appelait « le corps

210 psychiatrique » et je voulais faire un numéro sur l'intérêt de la cohésion et de la

211 coopération dans l'équipe pluridisciplinaire et donc je leur ai sit « et ben si vous

212 voulez, on écrit un article ensemble sur l'intégration d'une psychomotricienne dans

213 une équipe infirmière et justement l'infirmière référente etc...Et donc rn fait, de là est

214 parti tout un travail. Y a eu toute une journée sur la référence infirmière etc...Enfin,

215 elles avaient déjà écrit des trucs sur la référence, elles m'ont pas attendu mais c'que

216 j'veux dire c'est que du coup tout ça ça a été repris en supervision mais aussi sur

217 d'autres temps et on a écrit, voilà on a écrit sur notre travail en commun etc...Donc

218 euh...Et la supervision a aidé les infirmières à imposer des choses que visiblement

219 les autres n'avaient pas envie d'entendre. Donc moi j'ai pu aussi, c'était important

220 que je l'entende aussi et qu'elles me le disent et c'est c'qui fait je pense d'ailleurs que

221 le fait qu'elles aient pu déposer un peu tout ca. Parce que quand je suis arrivée ici, il

222 y avait deux maladies, il y en avait une en congés, enfin c'était la « bérézina »,

223 l'équipe était complètement explosée et et ils étaient sous le coup de massue là, et

224 puis la psychomotricienne au milieu, « qu'est-ce-qu'on va en faire ? » enfin, c'était un

225 peu la panique, la crise identitaire par rapport au métier etc...Donc le fait de jeter un

226 peu les choses pendant la supervision , ca permet de finalement accepter l'autre en

227 tant que...en tant que ce qu'il est, parce que ca permet de dire des choses, de

228 déposer des choses, de dire qu'elles en avaient marre de pas être consultée, qu'on

229 les mette devant le fait accompli que... et ca, ca a pu être entendu. De toutes facons,

230 sous l'attention bienveillante de la personne qui faisait la supervision. Les autres, la

231 cadre sup etc...ne pouvaient pas entendre ca. Moi ca m'a été dit « vous verrez,

232 l'équipe ca va être difficile, ca va être difficile parce que elles ont peur du

233 changement etc »...en fait c'était pas ca, elles avaient pas été préparée au

234 changement. Et c'est justement parce que c`est une équipe très professionnelle,

235 qu'elles voulaient pas que les choses se passent comme ca quoi. Moi ca me parait

236 tout à fait normal. Donc en fait, finalement, au bout du compte on s'est soutenu

237 mutuellement c'est-à-dire moi j'ai soutenu l'idée qu'effectivement j'voulais pas

238 remplacer une infirmière et que ce qu'elles disaient... elles disaient que ca leur avait

239 été dit comme ca : « la psychomotricienne elle pourra tout faire comme vous sauf

240 les médicaments ! » donc j'comprends qu'elles aient eu un peu peur donc là après

241 quand on a travaillé ensemble ben elles ont vu que c'était pas ca quoi.

242 En fait, vous avez appris en travailler en commun ?

243 Moi oui, ben oui, il faut dire ca développe des compétences quand même. Bon à

244 chaque fois on apprend des choses donc euh...moi je suis toujours intéressée

245 pour...enfin, je pense que la remise en question, j'dirai que dans notre métier voilà

246 hein...quand on fait nos études etc...on fait beaucoup par exemple de pratique

247 corporelle et là, justement on est confronté à notre propre agressivité, à nos propres

248 angoisses, on nous met en situation pratique physique et mentale de, hein, donc on

249 a dans notre formation, on est habitué dans notre fonctionnement thérapeutique à

250 toujours se remettre en question , à mettre à distance ou a s'dire ben tiens ce patient

251 là il a l'âge de mon fils ou de ma fille, enfin c'est un recul que j'dirai de par ma

252 formation , je sens que je l'ai plus que les infirmières, je vois bien, tout de suite ça

253 c'est sûr mais donc ça, c'est pas ça que ça m'apporte, ça m'apporte au niveau de

254 l'élaboration, c'est-à-dire de la compréhension et des choses et de pouvoir aller plus

255 loin dans mes interprétations, dans mes comment dire ? d'aller plus loin dans mes

256 pensées en fait, voilà. Parce qu'à la supervision, ça va aller poser encore d'autres

257 questions que moi j'ai pas, on va jamais assez loin nous hein, on est que des

258 individus en fait. Donc ce regard extérieur va aller pousser l'autre dans ses

259 retranchements et moi, franchement ça m'a aidé, oui, oui oui. Y a plusieurs fois, au

260 moins deux ou trois fois, j'étais vraiment...j'me disais : « mais qu'est-ce-qui se passe

261 là ? Pourquoi ci pourquoi ça ? et en fait, vraiment après la supervision je me suis dit

262 « mais oui, bien sûr ! » Du coup ça m'a facilité mon travail...parce que quand y a un

263 mal-être, notamment lié au travail ou à l'équipe, c'est-à-dire que... mettons, si... si

264 mon intégration s'était mal passée, s'était pas bien passée, que j'ai eu une hostilité

265 de la part des autres etc... J'pense que c'est des choses que j'aurais pu aborder en

266 supervision. Maintenant, si c'est un mal-être qui est lié complètement à autre chose,

267 des choses personnelles, un deuil ou je sais pas quoi, des problèmes de couple

268 etc... là non, c'est pas l'endroit. Par contre, dans l'équipe oui. Mais la seule chose

269 qui est embêtante c'est que l'équipe elle est pas vraiment au complet.

270 Vous pourriez m'en parler un peu plus longuement ?

271 Elle est pas vraiment au complet parce que des fois y a des gens qui sont pas là

272 ou... et puis il y a pas la cadre, il y a pas le médecin, il y a pas le psychologue, il y a

273 pas, fin. Je trouve que ce serait intéressant, j'trouve que c'est...oui, oui,oui. Alors des

274 fois aussi, c'qui pose question, c'est aussi la présence des élèves. La première

275 année où j'étais là, y avait une élève psychologue qui était là et euh...enfin des fois,

276 c'est un peu...J'trouve la supervision c'est un moment d'intimité. Donc, oui,

277 personnellement, je serai assez d'avis que les étudiants ne participent pas à la

278 supervision, j'sais pas ce qu'ils en font, enfin, voilà. J'vois pas ce que ça leur apporte

279 vraiment, si ce n'est de voir et d'écouter mais... parce que comme on en a une tous

280 les deux mois, les élèves qui restent un mois, quatre semaines, etc, enfin,bon, moi je

281 sais que j'avais une élève psychomotricienne qui est restée quinze jours en

282 stage...bon, comme les autres élèves venaient, les infirmières m'ont dit « allez, tu la

283 fais venir à la supervision », bon, elle est venue à la supervision, elle a posé des

284 questions intéressantes etc...fin c'était...j'trouve que...voilà. Ca pour moi, c'est pas

285 évident. Mais bon, c'est pas la même chose, j'trouve que c'est bien. Les gens qui ont

286 un travail thérapeutique ensemble...par exemple, la cadre sup' j'vois pas c'qu'elle

287 viendrait y faire, les gens qui sont au chevet du malade, si j'puis dire, je... si on avait

288 un ergothérapeute, ça serait important qu'il soit à la supervision, si on avait un kiné,

289 si on avait enfin je sais pas ... Oui, c'est important, parce que c'est ce qui relie les

290 gens...surtout quand on travaille avec des psychotiques, enfin, c'qu'y est très

291 important, on passe notre temps à faire du lien. Donc euh...Il faut faire du lien autour

292 du patient, c'est-à-dire enfin moi c'est toujours ce que je dis aux étudiants : »vous

293 pouvez être une super psychomotricienne, si vous n'êtes pas capables d'entrer en

294 communication avec les gens avec qui vous travaillez, de dire ce que vous faites,

295 pourquoi vous le faites, comment vous le faites, qu'est-ce-qui s'y passe, les

296 échanges, les difficultés etc...C'est nul, ça marche pas, parce qu'on rentre dans un

297 clivage, euh...où il va y avoir, enfin j'pense un, faut pas trop qu'il y ait de...

298 de...comment dire ? Faut que ce soit un partage. Pour moi c'est un partage,

299 j'envisage pas de pouvoir faire des séances sans en parler aux infirmièreset aux

300 éducatrices , ça a aucun intérêt quoi. (rires) Dans ce cas là, on prend un cabinet en

301 libéral, on travaille en ville mais l'intérêt de l'équipe c'est justement ça, on a envie de

302 partager des choses, comme ça plus avec le médecin, le psychologue qui eux aussi

303 connaissent le patient. Ils le voient dans un cadre différent et comment ça se passe

304 et comment ça se dit, qu'est-ce-qu'on en comprend et puis, etc... Donc c'est vrai que

305 nous on est sur le terrain 8 heures par jour, eux ils sont pas là toute la journée. Mais

306 c'est pas grave, ils connaissent le patient, ils s'en occupent quoi ! Donc pour moi, la

307 boucle n'est pas bouclée (rires). C'est, c'est très intéressant notamment au niveau

308 de l'équipe elle-même déjà, mais bon, ce serait important qu'il y ait d'autres gens,

309 d'autres membres de l'équipe mais vraiment les gens qui sont dans une relation

310 transférentielle avec le patient. C'est pour ça que j'dis que les étudiants, pour moi, ils

311 y ont pas trop leur place. Il faudrait appartenir à l'équipe pour y aller...parce que ça

312 m'a permis justement euh... ben encore une fois un temps d'écoute. En fait, on peut

313 dire les choses, par exemple, j'ai pu dire « Ah ben tiens, tu as vu l'évaluation, on a

314 fait comme ci, on a fait comme ça, donc forcément de faire découvrir un peu mon

315 travail ,d'ouvrir un peu la porte des séances sur ce qui s'y fait, comment ça se fait

316 etc... Donc forcément, ça facilite l'intégration , parce que du coup les infirmières, elle

317 parle du travail : « pourquoi je suis là ? A quoi je sers ? etc...Cest que souvent, j'me

318 souviens y a un psychiatre qui m'avait dit : « j'aimerai bien être une petite mouche

319 dans une salle de psychomotricité pour voir ce qui s'y fait ». Et j'avais beaucoup

320 réfléchis à ça parce que je m'étais dit « mais c'est vrai que Bon, la psychomotricité,

321 en plus, c'est le travail du corps et le corps, par rapport à l'histoire de la psychiatrie,

322 c'est quand même quelque chose de... de très tabou, de très, voilà hein. Alors,

323 c'qu'on a comme point commun, avec les infirmières, c'est que justement, elles

324 travaillent aussi sur le corps, au niveau du corps, c'est les infirmières et euh...à un

325 autre niveau, c'est vrai, mais là, il y a plein de points communs. Donc euh... on parle

326 même langage hein. Mais par exempla avec une psychologue, ça va être différent ,

327 mais son regard va quand même être intéressant hein. Sur le corps des patients,

328 c'qu'elles vont pouvoir en dire...enfin etc... On perçoit mieux ce qu'on fait au

329 quotidien... (silence)

330 Quelque chose à rajouter ?

331 Non, non, non... (elle est pressée)

332 Merci beaucoup alors...

Annexe IV

Entretien de Lila

En gras : questions et relances de l'entreteneur

En clair : réponses de Lila.

Entretien Lila. Educatrice
spécialisée

Durée : 40 minutes

D'après vous, quels sont les apports du dispositif de supervision pour l'équipe ?

Moi je démarrerai par deux choses très distinctes c'est qu'il y a d'abord l'idée, la représentation de ce qu'on se fait, chacun, de ce qu'est une supervision et la réalité très concrète sur le terrain. C'est-à-dire que bon bien sûr dans nos formations on entend parler de supervision de c'que c'est, de c'que ça peut apporter, de tous les éléments de bienfait, ben pour l'équipe, pour chacun individuellement et puis euh.. ; après, pour les patients quoi. Et en fait, on se rend compte que entre les représentations et la réalité, y a un grand, bon... un grand écart c'est-à-dire que moi, à l'heure actuelle, mes questionnements sur la supervision ils sont toujours un peu les mêmes, c'est-à-dire que je trouve que c'est important, que c'est même primordial cela dit je suis pas sûre que même si le dispositif est mis en place ça devient intéressant parce que bon voilà, on a les moyens, c'est prévu, c'est très formalisé au niveau de la str...enfin, au niveau du calendrier...Les gens de l'équipe pour la plupart, ils sont présents, mais je suis pas sûre qu'il y ait un investissement réellement euh... j'vais dire personnel quoi . C'est très... au niveau de l'individu, j'pense qu'on a du mal malgré tout à... à vraiment aborder les questions qui nous touchent au plus profond quoi. Donc là euh...si je suis un peu le parcours de, parce que moi je suis ici depuis le début de l`ouverture du service , et on a pas toujours eu le même superviseur. Y a eu plusieurs temps, très différents les uns des autres quoi, dans la supervision mais euh... toujours on se confronte aux mêmes problèmes, c'est que...la parole elle a mieux circulé à un moment donné y a eu ce, ce...temps où les débuts c'est toujours un peu pareil...chacun se jauge un peu, on essaie de voir qu'est-ce-qui s'y passe parce que moi je crois que c'est une confiance aussi qui

se crée dans un groupe quoi. Et donc euh...si cette confiance n'est pas là, forcément on peut pas euh... se laisser aller parce que le principe premier, c'est d'arriver à exposer au regard de ses pairs ces difficultés vraiment individuelles au travail quoi...face à un patient, face à un comportement, enfin, à un regard, à de la violence, enfin, ça peut être dans tout ce qui touche à la relation quoi. Donc euh... ya eu plusieurs moments j'disais donc euh... on a atteint un certain niveau degré de confiance et par contre, à chaque fois qu'il y a eu une nouvelle personne, ou alors un stagiaire quel qu'il soit, quand ça bouge dans l'équipe quoi, à chaque fois qu'il y avait une nouvelle personne ou chaque fois qu'il...y a du mouvement, moi j'trouvais que...qu'il y avait à nouveau à réexpliquer ca qu'on y faisait dans ce temps de supervision, y avait à nouveau ce temps de confiance à remettre en route quoi. Et donc c'est compliqué et puis après j'pense que la supervision, y a tout les effets à l'intérieur qu'y a dans un groupe hein, c'est-à-dire avec des gens qui prennent plus facilement la parole... et des gens qui mènent plus facilement des sujets... et donc enfin, y a des rapports euh...j'dis pas de force parc'que c'est quand même assez serein ici, c'est tranquille, on communique bien, mais y a quand même ceux qui prennent beaucoup de place et ceux qui arrivent pas trop à imposer la leur quoi. Donc euh... c'est compliqué, c'est euh... c'est une gestion de groupe à mon avis et justement la personne qui supervise, c'est une personne qui travaille au niveau du groupe donc euh... qui travaille beaucoup en psychanalyse et qui essaie de faire émerger des choses de ...du groupe, de l'équipe quoi. Elle a une formation psychanalytique mais elle a une formation de travail aussi sur le groupe, sur la notion de groupe, de collectif donc tout ce qui se passe dans un groupe euh... le leader, le bouc émissaire, enfin tous ces trucs là... Bon après, c'est elle qui en a une analyse plus fine que moi mais disons que... elle elle est formée à travailler avec des groupes et avec tout ce qui se passe d'interactions dans un groupe... Alors... elle nous en fait un rendu... pas final après telle ou telle supervision, c'est pas comme ça que ça se passe, c'est pas très formalisé, mais bon... au moment de certains questionnements, quand ça apparait, quand ça réapparait, elle nous pointe beaucoup sur euh...sur les phénomènes qui ont pu se produire... A tel moment, on parlait beaucoup beaucoup de ça... y avait beaucoup de problèmatiques...j'sais pas moi, que ce soit envers les médecins ou envers telle ou telle personne ou tel ou tel patient...Donc elle essaie aussi de nous faire prendre conscience de c'qui se passe dans notre « groupe équipe » quoi. Donc, c'est très complexe son travail hein, parce que j'pense qu'en

même temps elle essaie de faire une analyse des situations qu'on peut amener, en même temps elle essaie de nous amener des réponses, des éléments de réponse pour nous aider à dépasser cette situation ou dépasser ou dédramatiser...enfin, chaque fois ça peut être très adapté à la situation... et pour nous faire prendre effectivement conscience de certains de nos mécanismes. Donc euh... parc'qu'y a des choses...parc'que le plus compliqué, en psy en général, c'est quand même de rester coincé sur une situation, de rester bloqué, de pas pouvoir élaborer autour de ça. Donc, elle c'qu'elle essaie d'impulser chez nous, c'est d'avoir une capacité de...ben déjà de prendre conscience de c'qui se passe, d'élaborer, de passer un peu à autre chose...Et puis, j'pense que ça marche, j'pense que oui... ça nous sert dans le quotidien mais c'est toujours une reprise après d'équipe... Enfin, on reparle pas de ce qui a été dit en supervision...ça c'est le grand critère du secret, ça reste en supervision, hein. Mais, bon, parfois quand individuellement ou collectivement ou à deux comme ça on se requestionne sur ce qui a été amené en supervision, j'pense c'est assez euh...l'élaboration elle continue quoi ; ça s'arrête pas qu'à ce temps là de supervision mais à mon avis, ça doit être d'abord une démarche très individuelle quoi. Si chacun n'est pas impliqué dans cette élaboration là, parce qu'y a une question de remise en question, si on st pas capable de se remettre en question par rapport à certaines choses qu'elle a pu renvoyer parfois un peu rudes ou...bon, c'est pas son genre parce qu'elle est très bienveillante, mais quand même elle peut renvoyer des choses un peu rudes, pas forcément facile à entendre... Si il y a pas ce temps un peu de cheminement entre les deux où on digère un peu les choses, on reprend ça dans sa tête et on élabore pas autour de ça, j'pense pas que ça puisse nous servir, j'pense que c'est comme tout type d'analyse, ça demande du travail, donc c'est un travail en permanence la supervision. La supervision, elle scande les mois, mais c'est pas qui fait c'qui est au travail , c'qui fait ce qui est au travail, c'est en soi, c'est et euh...Et c'est parce que on a pu percevoir qu'il pointait telle ou telle chose quoi ! Enfin, moi il me semble...c'est mon avis hein. Donc ça peut...ça peut nous apporter mais j'pense qu'après nous...c'est peut-être pas quelqu'un d'assez percutant pour nous, j'pense que...il faut aussi...enfin, elle est très bienveillante, très gentille...et je pense que à des moments dans les équipes, il faut savoir euh... faire bouger les choses plus...de manière plus dynamique quoi. Cela dit, comme je disais, avec les gens qui partent, les nouveaux, c'est très difficile aussi pour la personne qui vient de l'extérieur et qui gère entre guillemet notre groupe...Il faut savoir, qu'à

l'ouverture on nous avait demandé un engagement, un engagement fin bon... personnel quoi à y participer et tout le monde était bien d'accord...Mais des fois, on se rend compte que la supervision, elle est pas toujours investie comme elle devrait l'être... Donc euh...là aussi, moi j'parle d'engagement personnel à y être parce que je pense que quand on est inscrit dans une équipe, qu'on est au travail avec les patients, on a un engagement personnel. Il est professionnel mais il est aussi personnel et euh...et si on veut continuer à travailler, c'est dans la supervision qu'on va pouvoir le faire. C'est un des rares lieus qui nous soient offerts pour continuer ce travail là, ben là aussi c'est un engagement personnel quoi. (rires) Donc après à chacun de pouvoir l'investir, bon, je me rends compte que même en m'y investissant, y a des choses que j'arrive pas à aborder...(silence)

C'est plus facile de dire les choses pendant les séances ?

Moi j'trouve oui, j'trouve que ça aide quand même...Ca aide à communiquer parce que bien souvent y a des décharges émotionnelles, y a des choses qui ressortent et on revient, ben c'est là que je parle de la remise en question, on revient un peu sur soi, sur ce qu'on avait pu penser ou dire, ou...projeter de la réaction par exemple de cette personne qui s'est livrée et de se dire « bon, ben effectivement, j'avais pas vu les choses sous cet angle là », donc ça débloque un peu certaines choses mais par contre, ça en confirme d'autres...C'est-à-dire que pour des dysfonctionnements d'équipe, où on voit qu'il ya du mal à communiquer sur certains points un peu...un peu chaud entre guillemets, comme le planning des choses comme ça, on se rend compte que certains blocages y restent et que des fois, pour certains sujets, un peu hors des patients, des sujets d'organisation ou d'institution, on s'rend compte que... enfin, moi j'ai l'impression que bon... des fois, on se rend compte que les gens, sur ce genre de problèmes, elle bougera pas d'un yota quoi...elle est restée coincée làdessus...mais bon, en même temps, c'est pas tellement le lieu pour résoudre des problèmes de planning (rires). Donc on se dit que ce processus qui est engagé, qui est pas d'une personne en particulier, qui est d'un fonctionnement aussi...Donc après, la communication autour des patients, oui, ça c'est sûr, autour euh...autour de la prise en charge et autour vraiment du soin, ouais, c'est intéressant et c'est euh...ça fluidifie la communication, ça c'est clair. J'ai l'impression que...ouais, on sort on a...on a l'impression d'être repulpés, redynamisés (rires), on va pouvoir faire plein de trucs, on va être parties sur le même...la même longueur d'ondes on va dire et en

fait, très vite on se rend compte que ça...pfffff, ça retombe un p'tit peu mais j'pense que c'est spécifique aussi au fonctionnement du service où euh...où on est quand même tenu, malgré le fait qu'on soit en psychiatrie, on est quand même tenu aux décisions médicales et que le fait que les médecins et le cadre ne participent pas à la supervision, euh...ne permet pas une communication finalement avec cette partie là de l'équipe et euh...du coup, euh...voilà, moi j'ai demandé plusieurs fois à ce qu'ils...j'ai formulé cette demande pour qu'ils puissent participer enfin à la supervision pour que ce soit un vrai travail en profondeur de toute l'équipe et pour l'instant, ben... y a des refus...y a des résistances, je ne sais quoi, en tout cas, ça se fait pas quoi... et j'aimerai bien oui, c'est-à-dire que là il y a eu plusieurs périodes, y a une période où j'aurai pas du tout aimé parce que je me sentais pas du tout en confiance et que je me disais que pour parler ça allait être beaucoup plus difficile, ça allait induire des choses beaucoup plus difficiles et puis au fil du temps, et notamment avec le médecin actuel, j'me dit que si on en passe pas par là, on risque effectivement d'être bloqués sur des incompréhensions...sur ce qu'on vit parfois comme des décisions arbitraires ou je ne sais quoi parce que euh... parce que parfois on a le sentiment de pas être vraiment écoutées quoi, sur c'qu'on peut dire des prises en charge des patients...Bon après euh.. ;j'crois qu'il ya des enjeux autres quoi, c'est peut-être des enjeux de pouvoir interprofessionnel je sais pas...Dans l'équipe soignante aussi des fois...mais disons que euh...comment expliquer ça ? c'est c'que j'disais tout à l'heure, ça peut arriver sur des enjeux plus organisationnels mais que...j'dis pas tout le temps, mais la plupart du temps autour des prises en charge, on arrive quand même à trouver...enfin, une vision commune, quoi on partage à peu près tous les mêmes valeurs communes autour de ce qu'est le soin, ce qu'est la psychiatrie, c'que c'est d'être à l'écoute d'un patient, d'être à l'écoute de sa famille...Donc, ça c'est des grandes valeurs qu'on partage et euh...et c'est vrai qu'au niveau médical parfois, mais ne serait-ce que pour donner un exemple sur une durée de réinsertion, on peut ne pas être d'accord... Se dire...enfin, pour nous au quotidien, on perçoit que ce patient, il nécessité peut-être plus de venir aussi souvent parce que on pense que c'est à l'extérieur qu'il y a des choses qui peuvent se jouer. Alors, c'est très fin, c'est très subtil hein, ça peut être sur tel ou tel plan, et c'est vrai que sur des décisions comme ça, on sent qu'on a pas le poids quoi. Même si on le dit, même si on en parle, on sent que...très vite la question qu'on évoque elle est balayée donc euh...du coup, ça pousse chacun dans des retranchements,

j'trouve...C'est compliqué en même temps, parce que j'veux dire, on peut pas se substituer aux décisions médicales hein, c'est pas ça le but. Et il y a quand même, ça je parle d'un truc qui dysfonctionne mais y a aussi beaucoup de choses qui fonctionnent bien où la communication elle passe bien, ou les prises en charge on se met d'accord et ça va...mais euh...notre souci, nous, c'est qu'on a pas le projet individualisé qui est formalisé, donc c'est très compliqué de faire une prise en charge euh...sans projet...Enfin, ça je sais pas si dans d'autres structures c'est le cas...C'est vrai, c'est ...ben c'est la loi un peu qui nous y oblige... Qu'est-ce-qu'on projette avec le patient pour cette hospitalisation quoi. Puisque nous ici, on demande aux patients d'avoir une adhésion, donc qui di adhésion dit aussi élaborer le projet en commun quoi. Et comme il est pas formalisé, il se fait au coup par coup...Il pourrait l'être hein, il existe...Il existe mais il est pas écrit donc ça crée beaucoup de distancions, justement, entre la vision individuelle, la vision professionnelle, parce qu'aussi, selon nos formations, on a des visions très différentes de telle ou telle problématique et puis...euh...après la vision plus médicale où...

Vous pouvez m'en dire un peu plus sur ces différentes visions, formations ?

Ben. Moi là aussi, j'partais plus...Moi, quand j'ai suivi ma formation, et quand j'ai commencé à venir travaillé ici, c'est mon premier poste donc, je partais plutôt sur l'idée d'une complémentarité des fonctions, donc euh...j'étais vraiment dans le tric euh...voilà, on a tous des visions très différentes et c'est toute cette complémentarité là qui va faire qu'on va avoir une vision globale du patient pour l'aider au mieux quoi. Et en fait, au fil du temps, effectivement je me rends compte que euh...y a des choses qui sont trop catégorisées... « non, l'assistante sociale doit faire ça, ça et ça », mais par contre pour ce qui est infirmier, éduc, et psychomot, on est tous assez interchangeables, et ça, ça me gêne un peu quoi. C'est-à-dire que de la vision que j'avais moi et du projet que j'avais au départ, j'pensais que la complémentarité elle avait été pensée et bon, en fait, pas du tout quoi...on est tous interchangeables (la psychomot, c'est un peu différent d'ailleurs) si ce n'est que les infirmiers euh...donnent les traitements et nous non. Mais après, au niveau des fonctions au quotidien, on est tous interchangeables...on a des fonctions très communes, enfin, c'est un peu la même chose...sauf que, ce qui voient la différence, ce sont les patients eux-mêmes qui arrivent très bien à percevoir... Bon peut-être

aussi un peu parfois parce qu'ils connaissent les éducateurs aussi à l'extérieur dans d'autres structures mais c'est eux qui souvent pointent les différences, qui savent très bien... Voilà, mais après, au niveau de l'assistante sociale, c'est compliqué son travail ici, parce que en fait elle est à cheval entre guillemets sur plusieurs structures donc euh...là, son impression, si je peux me faire son porte-parole, c'était un peu de venir, un peu euh...pas sur commande mais un peu quand on a besoin d'elle pour un patient alors qu'en fait moi au départ je pensais que c'était...on allait tous se lier, lier nos connaissances, ensemble, pour aider au mieux le patient, et puis en fait j'ai l'impression que tout est très...différencié comme ça... Donc la recherche d'une pensée commune elle est difficile mais c'est un travail, un engagement individuel. Ca je le redis quoi, et ça devrait passer par la supervision, on devrait tous y être, au complet, l'équipe. Ca serait un endroit où les distinctions ne se feraient plus et on pourrait se dire enfin « on est tous là dans la même galère » entre guillemets hein, c'est-à-dire face à un patient en grandes difficultés avec une pathologie ou des troubles très envahissants et « qu'est-ce-qu'on fait pour lui quoi ? ». On va mutualiser tous ben...nos savoirs, nos savoir-faire, nos compétences, nos modes relationnels avec ce patient pour l'aider au mieux, parce que bon moi je pars de l'idée, ben c'est très idéaliste encore hein, mais j'pars de l'idée que si j'ai choisi ce métier c'est pour aider les patients quoi, c'est pas pour euh...c'est pas pour me targuer d'avoir telle ou telle formation ou tel ou tel savoir, et c'que j'trouve difficile parfois dans l'équipe c'est ça quoi. Donc, c'est que parfois certains peuvent se targuer « oui, moi je sais, moi j'ai la psychanalyse, moi j'suis Lacanien, moi j'suis ceci moi j'suis cela ». D'accord, peutêtre qu'on a tous des théories dans la tête mais concrètement, au quotidien, on est là auprès d'un patient qui va mal donc bon, « Qu'est-ce-qu'on fait ? ». Est-ce-qu'on arrive à penser ensemble ou pas ? Et penser ensemble, c'est la supervision bien sûr, c'est les réunions aussi, c'est les relèves hein. Y a beaucoup de choses qui se disent et ici on a beaucoup travaillé autour de thèmes...Y a des réunions, mais tout le monde est pas toujours là, le médecin, notamment. En ce moment, on travaille encore sur la notion de référence, et y a beaucoup de choses qui se disent dans l'équipe et...ça fait du bien, parce qu'on voit que on est tous dans des difficultés. Les médecins eux-mêmes parviennent à le dire quand ils sont là quoi. Je pense que dans des lieux comme la supervision, si tout le monde était présent, il y aurait déjà plus cet état d'esprit de...ben d'élaborer en commun quoi. Donc euh...C'est en ça que la supervision y a la supervision un peu idéale et puis après y a la réalité, donc

peut-être que...la question va à nouveau se reposer, je sais pas moi et que on optera pour y être enfin. Et euh...on verra, ça c'est une discussion à avoir tous...Ca permettrait peut-être une autre approche clinique qui fera que on travaille différemment, mais c'est...pas forcément gagné.(rires)

Vous avez quelque chose à rajouter ?

Ben...J'réfléchis...Ouais, j'sais pas, c'est aussi un moyen parfois de pouvoir dire c'qui va pas à l'extérieur (de la supervision), et d'essayer de faire un peu un électrochoc quoi. Le fait qu'il ya ait le superviseur, ça peut canaliser, c'est le bon moment...On peut dire « bon, il faudrait arrêter les conneries parce que... ». C'est le lieu hein de toutes façons, maintenant c'est c'que j'disais au début, on parvient à l'investir cette place là. C'est très très différent à mon avis d`une équipe à une autre, d'une supervision à une autre... Voilà...moi je.... je m'en passerai pas, surtout pas et même j'dirai que ouais, je souhaiterai quelqu'un qui nous fasse d'avantage travailler quoi. C'est-à-dire quelqu'un qui...j'adore hein la personne qui le fait, c'est quelqu'un que j'admire beaucoup, que j'aime beaucoup parce qu'elle est très très gentille mais euh...mais je me dis que pour être vraiment au boulot, il faudrait quelqu'un qui nous bouscule d'avantage et qui nous aide vraiment à nous remettre en question au niveau de l'équipe quoi...Donc ça non, je m'en passerai pas, d'ailleurs dernièrement il y a eu des discussions autour de ça, parc'qu'on nous réduit le nombre de séances bientôt, pour savoir si les budgets étaient toujours débloqués et j'commençais à flipper un peu parce que j'me suis dit s'il y a plus du tout les budgets euh...on risque de nous l'enlever, et ça, non quoi, parce que j'pense ce serait un...Y a beaucoup de structures qui ne l'ont pas et ça a tellement une grande valeur.. ;Il faudrait pas ne plus l'avoir parce que il vaut mieux passer du côté on l'avait pas et puis on l'a, que l'inverse à mon avis (rires) Ca serait vraiment un grand manque quoi...Voilà...

 

INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE SANTE

FICHE ABSTRACT

RESUME DU MEMOIRE DE FIN D'ETUDE

APHM - Hôpitaux de Marseille

Institut de Formation des Cadres de Santé

IRFSS - 416, chemin de la Madrague Ville 13314 Marseille Cedex 15

Titre :

L'ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
Un moyen de « faire équipe » ?

Auteur : STELLA-LYONNET Emilie Promotion 2007 - 2008 Section Infirmier

RESUME

Le manque de communication interprofessionnelle au sein des services de soins est un véritable fléau ; il affecte le moral des équipes, contribue au turn-over des personnels et porte souvent préjudice aux patients.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les équipes en termes de communication ? De quels moyens dispose le cadre de santé pour aider ses collaborateurs à améliorer la qualité de leurs échanges ?

Notre attention a été retenue par l'analyse des pratiques professionnelles et plus précisément l'intervention.

En suivant le chemin indiqué par la méthode clinique, nous sommes allés à la rencontre de « l'autre » pour identifier les apports d'un tel dispositif sur le terrain.

Les bénéfices nous semblent multiples pour l'équipe : elle augmente son degré de cohésion par l'amélioration de la qualité des interactions, le développement d'une culture commune et d'une remise en question permanente.

Cette recherche ne prétend pas apporter de réponse ; elle propose un éclairage sur le sujet en vue de susciter le questionnement.

Mots clefs :

Equipe - Communication - Interaction - Analyse des pratiques professionnelles -
Intervention - Cohésion






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote