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Engagement politique et associatif des femmes en Mauritanie. Le « négoféminisme maure »: entre stratégies féminines et pratiques informelles du pouvoir politique

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par Nejwa El Kettab
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 recherche sociologie 2012
  

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b) Principales revendications féminines, renforcement des discours féministes dans les sphères décisionnelles.

On peut noter une forme de contournement de ces lois paritaires par la gent masculine, un contournement leur permettant de maintenir leur domination masculine dans les hautes sphères décisionnelles tout en affichant un respect « hypocrite » de ces mesures en faveur de la participation de la femme à la vie politique du pays. Nous nous pencherons sur cette habilité du contournement patriarcal sur les quotas en vigueur pour la représentativité féminine au sein du Parlement, du Sénat, etc. Seniya mint Sidi Haiba a publié un article50 dénonçant cet état de fait en mettant la lumière sur la discrimination faite aux femmes dans les sphères du pouvoir.

49. Ibid 2 p. 5 - Seniya mint Sidi Haiba

50. « Une inquiétude justifiée » sur Maurimédia, actualité de la Mauritanie et du monde- 27 mars 2012 http://www.maurimedia.com/Une-inquietude-justifiee

En guise d'introduction à cette réflexion, il serait pertinent d'abord d'exposer ici l'entretien que j'ai effectué avec l'auteure51 afin de cerner la trajectoire sociale et politique de cette ancienne ministre et principale initiatrice du Connectinggroup et d'avoir un aperçu global des revendications que l'on peut qualifier cette fois à juste titre de féministes.

Seniya Mint Sidi Haïba

Présidente du Conseil de coordination et d'orientation de la NAPEG
Le 26/03/2012 à Nouakchott

Quel est votre parcours social et universitaire ?

51. A noter que l'entretien fut effectué à la veille de l'apparition de cet article sur internet.

« J'ai commencé par un bac scientifique. Je suis allée en faculté et j'ai eu une maîtrise en gestion économique. Puis j'ai été au Ministère de la condition féminine ainsi qu'au Ministère du commerce.

· De 1991à 1993 : Directrice générale adjointe de la SONIMEX (société d'import-export)

· De 1996 à 1997 : Secrétaire d'Etat chargée de la promotion féminine (correspondant en d'autre termes à ministre de la condition féminine)

· De 1998 à 2007 : Conseillère de Premier Ministre chargée des affaires sociales en même temps Présidente du Conseil d'Administration de la SOMAGAZ. C'est une période durant laquelle aussi j'ai présidé la Commission nationale chargée du Président de la faculté de Nouakchott.

· De 2007 à aujourd'hui : je suis présidente du Conseil de Coordination, d'orientation de la NAPEG. J'ai fait aussi un MBA en finance à Sup-Management. »

Que pensez-vous de la situation de la femme en Mauritanie?

« La femme Mauritanienne a un statut particulier. Elle est présente partout et son avis est important. Depuis l'Indépendance du pays, la femme est rentrée en politique depuis donc 1961. Par exemple, nous avons la première ministre femme Aichata Kane. Mais dès la prise du pouvoir par les militaires, la situation de la femme s'est dégradée. On a assisté donc à une baisse de l'insertion féminine dans la politique de 1986 à 1991, puis une amélioration de sa condition de 1991 à 2006, pour une régression encore de sa présence dans le paysage politique de 2006 à aujourd'hui. Durant le régime de Maaouya Ould Sid'ahmed Taya, nous étions trois femmes dans le parti du PRDS52. Mais depuis l'instauration du quota de 20% par le Président Sidi ould Cheikh Abdellahi, c'était en 2006, c'est un système adopté par tout le monde en Mauritanie. On a mis un système d'exécution qui assure la mise en place de ce taux contrairement par exemple à la France. Le « plaidoyer » de 2006 a fait un travail remarquable. Cependant, l'atmosphère instable a facilité la baisse de ce pourcentage. 18% dans le Parlement et 33% dans les conseils municipaux. Mais les fonctions leaders sont restées masculines. Du point de vue de

52. Le Parti Républicain Démocratique et Social, présidé par l'ex président de la Mauritanie Maaouya ould sid'ahmed Taya

l'administration, il y a un réel déficit. La femme travaille beaucoup dans le domaine artisanal, privé etc., mais il y a beaucoup d'handicaps : analphabétisme, manque de formation, services de base, santé, etc. Dans le monde rural, la situation de la femme est précaire car ses fonctions sont multiples. Mais certaines coopératives féminines ont apporté leur aide malgré un manque de financement. Dans le domaine agricole, les femmes sont très impliquées alors que dans le monde rural, le manque de moyens réduit l'activité professionnelle des femmes. La femme urbaine : l'éducation est à un taux de 100%. Mais il persiste le problème de la déperdition scolaire : il y a 27% de filles au lycée. Ce phénomène est causé par la pauvreté, le mariage précoce, l'éloignement des services scolaires... De plus, la santé de la femme doit être prise en compte car il y a une augmentation du taux de la mortalité infantile. Tout ceci m'amène à dire que l'activité économique de la femme est handicapée à cause du manque de certains moyens et des traditions la reléguant à son rôle social. Aujourd'hui les centres décisionnels sont importants. C'est pour cela que les femmes doivent être présentées dans les différentes administrations, les institutions publiques, les parlements etc. sinon personne ne les défendrait. Je suis donc pour la promotion d'un leadership féminin !

Je voudrais rajouter par ailleurs qu'il est aisé de constater qu'en général, les femmes ne pratiquent pas la corruption, elles sont brillantes. On ne peut pas marginaliser une partie de la population. De plus, l'approche du genre faite il y a quelques années ici, nous a poussés à donner les mêmes chances de réussite pour les hommes et pour les femmes. L'approche du genre proposée par un groupement féminin en Mauritanie il y a quelques années, a commencé par une circulaire que j'ai moi-même faite et dans laquelle il était dit que chaque projet de développement doit au moins comporter une femme, c'était en 1996. Le Président actuel dit que l'approche du genre est aujourd'hui centrale. En réalité, la majorité des hommes sur le terrain ne veulent pas l'émancipation totale des femmes. C'est pour cela qu'ils veulent garder une dépendance vis-à-vis d'elles. Nous les femmes qui sommes engagées et qui ont un niveau, une profession, c'est bien. Mais il y en a beaucoup d'autres qui ne l'ont pas ou bien qui abandonnent. Il faut travailler sur trois fronts : le front économique (les financements) ; le front social (combattre les mentalités archaïques) et puis le front politique (finalité de tout : postes électifs). »

Que pensez-vous de l'influence de la culture maure sur la situation de la femme ?

« La femme a un statut privilégié car dans l'histoire de la Mauritanie, c'était elle qui enseignait, elle avait son mot à dire, et on a heureusement, hérité de tout cela. On garde notre nom après le mariage etc. alors que la femme négro-mauritanienne connaît une situation plus précaire. Elle travaille plus que la femme maure, surtout dans le monde rural. »

Pouvez-vous nous parler de votre dernier article ?

« Depuis que je suis dans le « Dialogue », il y a quatre mois, au sein des différents partis politiques, il y avait un dialogue avec l'Etat concernant le code électoral, la législation etc. pour parler sur un certain nombre de points. J'avais remarqué une dégradation et une réticence de la part de certains hommes à l'égard de l'émancipation des femmes donc il m'a paru nécessaire de faire un récapitulatif des différentes étapes qu'a connu la situation de la femme mauritanienne. Les hommes au pouvoir aujourd'hui étaient d'accord sur quelques points mais ils ont annulé les acquis de 2006 et il a fallu pour moi de dénoncer ces reculs. »

On comprend ici qu'il faut relativiser les avancées politiques concernant les femmes. C'est dans cette optique que cette ancienne ministre mais aussi un ensemble de femmes engagées (députés, membres du parti de l'opposition, activiste dans la société civile,...) revendiquent une meilleure représentativité au parlement et au gouvernement. Dans la communication présentée par Seniya mint Sidi Haiba à Tanger, elle y expose les défis qui restent à relever. Elle avance qu'en matière de santé publique, le taux de mortalité maternelle est un des plus élevé du monde. En matière d'insertion professionnelle, elle déclare que le chômage touche beaucoup plus les femmes que les hommes (44 % de femmes sont au chômage) ; de plus il existe une réelle discrimination envers les femmes s'agissant des crédits accordés par les institutions financières, elles ne sont pas privilégiées dans la distribution des projets.

Les violences faites aux femmes persisteraient à travers la pratique de l'excision (72 % des filles 53 subissent cette mutilation), le mariage précoce (19% des femmes ont été mariées avant l'âge de 15 ans et 43 % avant 18 ans54 ) et la pratique du gavage qui persisterait touchant environ le cinquième des filles.

53. Cette pratique touche davantage les femmes issues des communautés négro-africaines présentes en Mauritanie.

Au regard de ces maux socio-économiques, c'est dans le cadre du plan d'action CSLP ( Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté ) que s'est mis en place le projet politique en faveur de la croissance économique, de la lutte contre la précarisation des populations défavorisées, pour une meilleure gestion des ressources humaines et l'accès aux services de base. La stratégie de la lutte contre la pauvreté repose donc sur quatre grands axes qui se soutiennent pour converger vers la réalisation des objectifs fixés.

Le Gouvernement mauritanien a lancé le processus en associant les collectivités locales, les représentants des organisations socioprofessionnelles (patronats, syndicats), les organisations de la société civile (ONG), des universitaires et de nombreuses autres personnes impliqués dans cette cause.

Les femmes impliquées dans le processus de développement du pays (dans la sphère politique ou de la société civile) réclament l'intégration de la question du Genre55 dans cette stratégie nationale. L'institutionnalisation de « l'approche genre » devrait participer à la promotion de l'égalité des sexes pour une meilleure parité dans le cadre de ce projet national. Ce projet doit être une preuve d'une dynamique favorable au Genre intégré au processus de développement du pays.

On retrouve une implication féminine se souciant non seulement de la condition féminine mais intégrant des questions plus larges concernant la marche du pays pour le développement. Ce womanisme s'est accentué cette dernière décennie accompagnant les bouleversements politiques survenus avec les putschs consécutifs qu'a connue la Mauritanie.

Le renforcement de ces discours féministes se traduit notamment par la prise de conscience d'une nécessité de lutter contre les différentes formes de discriminations engendrées par le système démocratique (représentativité au parlement, dans le gouvernement, accès à la magistrature, insertion dans la sphère décisionnelle,...).

54. Ibid 2 P .6 Seniya mint Sidi Haiba.

55. L'approche Genre dans toutes politiques publiques est le résultat d'une initiative de l'UNFPA (les fonds des nations Unis pour la population) en Mauritanie.

C'est dans cet état d'esprit que nous devons aborder le recul qu'a connue la condition féminine dans la vie politique mauritanienne.

« La femme mauritanienne à l'instar de ses soeurs de par le monde n'a cessé de lutter contre la marginalisation et l'injustice, malgré la place relativement privilégiée qui a toujours été la sienne. »56, ici l'auteure bien qu'ayant conscience des avantages que la culture maure octroie à la femme de cette société, il s'agit de dépasser cet acquis loin d'être suffisant pour une parité parfaite et une participation équilibrée des hommes et des femmes dans la vie publique du pays.

Suite à l'élection du président Mohamed ould Abdel Aziz en 2009, la situation de la femme a connu un net progrès avec l'entrée de six femmes au gouvernement avant de connaitre assez vite une baisse considérable du nombre de femmes dans ces instances. En effet, l'auteure affirme que le nombre de femmes ministres a été réduit de moitié avec une disparition des femmes dans le secteur diplomatique et de l'administration territoriale. On a assisté ces dernières années à une chute du nombre de nomination de femme à des postes étatiques pourtant diffus et diversifiés. L'action publique féminine n'est plus une priorité dans les discours politique du pays.

Ces inquiétudes exprimées ici constituent également la source du renforcement dernièrement de l'activité des femmes dans la société civile et des groupements féminins dans l'opposition se mobilisant pour dénoncer ce recul qu'a connue la situation de la femme dans la sphère politique.

Un recul se caractérisant surtout par la baisse des postes électifs féminins, des postes censés être garantis par la mise en place du quota de 20% institué en 2006. Dans le cadre de l'engagement collectif international des Nations Unies : « Objectifs du Millénaires pour le Développement pour 2015 », la question de la parité est au coeur de cette initiative , l'échéance proche de ce plan inquiète les femmes du pays ayant constaté un net recul de la représentativité féminine.

Seniya Mint Sidi Haiba met en évidence les revers négatifs et discriminatoires de la nouvelle loi sur la représentation des femmes dans les instances décisionnelles (Parlement, Sénat, conseils municipaux, etc.). On voit la disparition des femmes des circonscriptions nationales soutenue par une loi dont l'aspect paritaire n'est qu'une illusion. En effet suite à la nouvelle loi issue du

56. « Une inquiétude justifiée » Seniya mint Sidi Haiba

Dialogue organisé entre l'Etat et les partis d'opposition, on peut noter une différence significative marginalisant les femmes de ces postes électifs.

Le passage qui suit, extrait de l'article « Une inquiétude justifiée », nous permet de cerner les conséquences de cette nouvelle loi sur chacune des instances du pays :

{...} « Assemblée nationale :

L'ordonnance de 2006 : Le nombre de députés était de 95 dont 18 femmes, soit 18%.

La nouvelle loi : Le nombre de députés est de 146 dont 20 sièges sur la liste nationale réservée aux femmes, soit 13 %.

Notre opposition de principe à la liste dédiée uniquement aux femmes résulte du fait que l'ancien mécanisme - l'élection à partir des régions de l'intérieur - habitue les citoyens à être représentés par des femmes et, par conséquent, contribue à vaincre les réticences et les tendances de marginalisation et permet l'émergence d'une classe de femmes aptes à la concurrence politiques dans toutes les circonscriptions. Cependant, nous avions bien accueilli la liste nationale des femmes à condition qu'elle vienne en appoint pour renforcer les mécanismes déjà existants et augmenter le quota des femmes et non se substituer à ces mécanismes.

-Une liste nationale paritaire avec alternance des genres. Cette formule, louable dans sa forme, peut créer l'illusion qu'elle peut aboutir à l'élection de 10 femmes. Cependant, quand on regarde de près les conditions dans lesquelles se dérouleront les élections, on est en droit de douter du résultat que pourront obtenir les femmes à partir de cette liste. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, ces listes seront élues à la proportionnelle. Elles seront concoctées par les directions de partis dominés par les hommes qui ont longtemps attendu cette occasion pour se présenter eux-mêmes ou présenter des hommes auxquels ils ont confiance à la tête de chaque liste. Etant donné le nombre de partis, la rudesse de la concurrence et l'éclatement du paysage politique, rares sont les partis qui pourront faire élire plus que leur tête de liste (qui est surement un homme), ce qui ne permettra pas l'élection de plus de deux ou trois femmes pour les grands partis(2 ou 3 partis).

-Une liste régionale paritaire de 18 sièges par alternance des genres à Nouakchott. Cette liste peut, elle aussi, donner l'illusion que 9 femmes pourraient monter à partir de la Capitale. Cependant, en plus des handicaps évoqués plus haut concernant la liste nationale, il y a les enjeux politiques propres à Nouakchott et qui réduisent encore plus les chances d'élection des femmes.

Soyons optimistes là aussi et concédons 3 places aux femmes sur cette liste régionale (2 ou 3 partis encore).

-Les listes des circonscriptions qui comptent plus de trois sièges et qui sont au nombre de six et où sera appliqué l'alternance des genres et le système de la proportionnelle, sans obligation pour les partis de présenter des femmes en tête de liste. Les handicaps évoqués plus haut, auxquels s'ajoute le conservatisme des collectivités de l'intérieur du pays, laissent peu d'espoir de voir des femmes élues sur ces listes.

Cependant, soyons encore plus optimistes et espérons l'élection d'1 femme sur ces listes (un seul parti peut gagner 2 ou 3 sièges par exemple).

Ces projections nous amènent au résultat suivant :

20 + 3 + 3 + 1 = 27/146 soit 18%, ce qui est en deçà des 20% accordés par l'ordonnance prise six années plus tôt, en 2006.

Ajoutons à cela le fait que le renoncement aux candidatures des femmes à partir des capitales régionales à deux sièges aura incontestablement des répercussions négatives sur l'évolution des mentalités en faveur de la participation de la femme.

{...}Les conseils municipaux :

L'ordonnance de 2006 : Cette ordonnance a accordé aux femmes un quota de 20% des conseils municipaux. Ce pourcentage a été dépassé pour atteindre plus de 30% grâce à l'application scrupuleuse de ce mécanisme, aux efforts déployés par les femmes et à l'atmosphère ambiante d'alors.

La nouvelle loi : Le quota accordé aux femmes oscille entre 17% et 18% selon le nombre des conseillers municipaux, sans qu'aucune obligation ne rapporte ce pourcentage aux têtes de listes qui seront obligatoirement des maires.

Il en résulte un recul (18%) par rapport à l'ordonnance de 2006 (20%) et il est fort probable que les prochaines élections ne permettent à aucune femme d'accéder au poste de maire car celui-ci, selon la nouvelle loi, est automatiquement la tête de liste majoritaire. Or, comme on le sait, cette place de tête de liste sera généralement réservée aux hommes.

{...} Le Sénat :

C'est au niveau du Sénat que le recul a été le plus patent.

· L'ordonnance de 2006 : Cette ordonnance a accordé un quota de 20% aux femmes au niveau de cette chambre. Pour ce faire, il a fait obligation que les têtes de listes de deux sur les trois circonscriptions électorales de Nouakchott soient réservées à des femmes. Le résultat a été l'élection de 9 sénatrices sur 53, soit 17% environ.

· La nouvelle loi : La nouvelle loi fait obligation aux partis qui se présentent dans quatre circonscriptions de présenter une femme à la tête de l'une de leurs listes, sans préciser si cette obligation veut dire « sur chaque quatre listes » ou, tout simplement, qu'ils doivent présenter une seule femme quel que soit le nombre de listes au-delà de ces quatre. Il en résulte une confusion inquiétante quant à l'accès des femmes au Sénat. Si cet accès devait avoir lieu, ce sera avec un nombre insignifiant par rapport à la législature précédente. »

Ce compte rendu nous révèle les principales inquiétudes justifiées des femmes, l'auteure a mis l'accent ici sur l'illusion d'une parité au sein des sphères décisionnelles, une illusion entretenue par une force patriarcale contournant la législation pour écarter les femmes des postes électifs. De plus, lorsque les femmes accèdent aux postes de responsabilité, on leur octroie souvent des ministères qui les renvoient à leur position dans la société : condition féminine, Affaires sociales et familles, enfance, Solidarité, Santé...Il s'agit de ministères peu stratégiques ne leur permettant pas de déployer tout leur potentiel décisionnel qui concerne la gouvernance globale du pays.

discrimination que la culture nomade maure ne connaissait pas. Le phénomène de modernisation que connait la Mauritanie aujourd'hui constitue la source d'une multitude de discours revendicatifs visant à établir les valeurs républicaines de justice sociale et d'égalité.

c) Statut social de la femme et lieu de pouvoir : Une approche du genre

Les femmes impliquées dans ce processus démocratique se heurtent au patriarcat fortement ancré dans les hautes instances étatiques. En effet, on perçoit ici les limites auxquels se confrontent ces femmes en terme de pouvoir, comme nous l'avons exposé au préalable, des frontières se sont dessinées au sein du gouvernement du pays reléguant les femmes à un espace décisionnel défini et limité. La culture et le mode de pensée maure traditionnellement caractérisés par leur aspect « féministe » octroyant une certaine liberté aux femmes ne s'appliquait pas aux réunions tribales majoritairement constituées d'hommes57 , cet espace exclusivement masculin n'avait comme emprunte féminine qu'une participation passive. En effet, la prise de parole d'une femme en public, et en particulier en présence d'hommes plus âgés jouissant d'une certaine notoriété, était mal vue. On retrouve cette logique aujourd'hui dans les hautes sphères décisionnelles où l'implication de la femme reste confrontée à une réticence masculine. C'est dans cette logique des rapports de genre que les femmes engagées « négocient » le pouvoir, une négociation se construisant autour d'un partage des activités relatives à la scène publique du pays. En effet, c'est ainsi que s'est développé un leadership féminin important dans la société civile et une appropriation de la direction des affaires sociales sur un plan politique. En dirigeant les affaires sociales et en s'impliquant dans les causes relatives au droits de l'Homme (la famille, protection de l'enfance, précarité des populations marginalisées, promotion de la condition féminine...), elles féminisent des espaces de pouvoir en concédant les autres espaces aux hommes. Cette forme d'arrangement met en évidence un négoféminisme mêlé à un womanisme se traduisant par l'engagement multi-sectoriel entrepris par ces femmes. Cette faculté de négociation se traduit également par un respect de la norme sociale permettant à ces femmes d'être acceptées dans les sphères publiques. Un conformisme aux normes sociales révélé par le statut social de ces

57. «la jamaa» terme en hassaniya désignant à l'origine les réunions des hommes pour discuter des affaires de la tribu, ce terme peut aussi être utiliser pour désigner un simple regroupement, une réunion d'individus dans un même endroit.

femmes : mariées et mères de famille, elles remplissent leurs fonctions sociales au sein du foyer comme toutes les autres femmes afin de crédibiliser leur engagement et asseoir leur discours. Le statut social est intimement lié à la carrière politique dans la mesure où la femme maure n'acquière une réelle autonomie et liberté de mouvement qu'en étant mariée et maitresse de son propre foyer. Les femmes passant de la tutelle parentale à la tutelle de leur mari, celle-ci étant moins rigide et plus émancipatrice que le contrôle familial sur les jeunes filles célibataires, elles acquièrent une plus grande liberté leur permettant d'entreprendre des activités relatives à l'espace public traditionnellement réservé aux hommes. Il existe des différences de statuts quant à la catégorie à laquelle une femme appartient (par exemple : une femme issue d'une tribu « noble », d'un milieu religieux et lettré n'est pas confrontée aux même codes et valeurs à régissant le comportement d'une femme appartenant à un statut social « inférieure »58 ) ; lorsque le statut social est élevé, les femmes sont tenues à une certaine forme de conduite au bout du compte assez contraignante. On reste convaincu que la femme devrait continuer sinon indéfiniment à vivre par personne interposée d'où cette nécessité d'arrangement et de compensation matrimoniale comme condition sine qua non à leur participation à la vie politicoéconomique du pays.

Ce constat est d'autant plus valable que notre étude appuyée par des interviews a confirmé la force du cadre normatif dans lequel ces femmes engagées se situent et sur lequel elles s'appuient pour asseoir et légitimer leur place dans les instances de pouvoir. Une femme comme Minetou mint Elmoctar que nous avons interviewé fait preuve d'un engagement personnel totale dans la société civile, confrontée à des critiques virulentes de la part des forces rétrogrades et parfois de l'opinion publique, elle continue son militantisme au risque de heurter certaines convictions fortement ancrées dans les consciences collectives. On peut penser que son combat qui lui a valu une implication totale de sa personne explique sa situation sociale en opposition avec la norme établie. En effet, divorcée depuis plusieurs années (son ex mari étant un ancien militant des Kadihines, leur séparation date de l'effritement de ce mouvement), elle mit sa vie conjugale de coté pour se consacrer à son activité de militante des droits de l'Homme soutenue par un discours faisant voler en éclat les tabous et les règles de prise de parole d'une femme dans ce

58. Caste située au bas de la hiérarchie social d'un point de vue tribal ou ethnique

milieu. On perçoit ici un choix de vie différent des autres femmes en questions qui explique son parcours semé d'embûches malgré son militantisme légitime pour des causes parfaitement justifiées et fondées.

Cette violence normative vient s'ajouter aux réticences patriarcales dans le milieu politique constituant ainsi une double contrainte débouchant sur ces multiples forme d'arrangements et de stratégies régissant les rapports de genre en terme de pouvoir politique.

Dans cette perspective, la division sexuelle du pouvoir, ou mieux la division socio-sexuée du pouvoir constitue la raison principale empêchant la pleine participation des femmes au pouvoir politique. L'approche du genre est centrale pour comprendre le fonctionnement social et politique en Mauritanie car c'est en étudiant les relations qui existent entre ces groupes et la façon dont ils se partagent les rôles, les tâches et les responsabilités que l'on peut cerner l'impact des besoins stratégiques des femmes et des hommes dans l'organisation politique soutenue par une préoccupation commune à savoir le développement économique du pays.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984