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Engagement politique et associatif des femmes en Mauritanie. Le « négoféminisme maure »: entre stratégies féminines et pratiques informelles du pouvoir politique

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par Nejwa El Kettab
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 recherche sociologie 2012
  

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Avant propos:

Etant mauritanienne et ayant grandi dans cette culture complexe ce qui implique l'intégration de ses codes et de ses valeurs, ce travail devient un moyen de dépasser mes propres prénotions et un exercice sur moi-même indispensable à ma formation de sociologue afin de cerner les réels mécanismes sociologiques qui soutiennent les interactions sociales et le mode de pensée sur lequel se fondent l'organisation d `une société. S'ajoute à cela que je porte un intérêt particulier à la condition de la femme dans le monde arabo-musulman d'où le choix du sujet «le Féminisme islamique» pour mon mémoire de recherche en Master1. Mes convictions féministes et ma volonté de participer à la production intellectuelle mettant en évidence les enjeux politiques et sociaux autour de la question de l'inégalité homme-femme sont à l'origine de mes motivations et de mon engagement personnel pour la cause de l'émancipation de la femme musulmane et/ou arabe. Les spécificités culturelles de la société maure et sa lecture de l'islam sont à l'origine de la situation particulièrement avantageuse de la femme mauritanienne. Ainsi, cerner les mécanismes sociaux de cet état de fait peut constituer une clé analytique pouvant être au service des réflexions et des discours autour des processus décisionnels visant à améliorer la condition de la femme dans les pays en voie de développement. Sans avoir la prétention de vouloir résoudre l'énigme de l'éternel patriarcat propre aux sociétés arabo-musulmanes (et dans une moindre mesure aux sociétés occidentales), cette analyse peut néanmoins apporter quelques éléments de réponse aux questionnements relatifs à l'émancipation de la femme dans une société traditionnelle et islamique.

Introduction:

«Les Mauresses conservent plus d'empire sur leurs maris que nos dames françaises»1 cette remarque de l'explorateur René Caillé peut être complétée par celle du géographe maghrébin Ibn Battuta (au 14ème siècle) qui s'étonna lors de son périple le conduisant en Mauritanie :«La condition de ce peuple est étonnante, et ses moeurs sont bizarres. Quant aux hommes, ils ne sont nullement jaloux de leurs épouses» pour souligner la particularité de la figure féminine maure. La femme maure jouissant d'un statut particulier a fait l'objet d'un certain nombre de réflexions tentant de comprendre sa position parfois paradoxale dans la mesure où il s'agit d'une société arabe fondée sur des règles islamiques rigides et dont les traditions et la culture propre sont la source de l'émancipation des femmes, leur permettant de jouir d'un certain pouvoir.

L'intérêt de notre étude ici est de voir justement les limites du pouvoir féminin et les origines socio-historiques soutenant «cette culture féministe».

Comment la culture maure favorise t'elle à la fois l'émancipation féminine et le maintien d'un patriarcat au sein de la sphère politique? En quoi la norme sociale et les traditions créent des espaces de pouvoirs réservés aux femmes et en excluent d'autres?

Cette enquête tourne autour de la question de l'engagement politique et associatif féminin en Mauritanie, l'aspect culturel étant un des volets analytiques principaux de cette étude, il s'agira pour nous ici de se pencher sur la culture maure plus spécifiquement. La Mauritanie étant un pays pluri-ethniques, renfermant ainsi une diversité culturelle et des modes de pensées différents en fonction des communautés, il est nécessaire ici de traiter le sujet en se penchant sur un seul mode culturel (ce qui n'exclut pas des comparaisons avec les autres systèmes de pensée présents sur le territoire mauritanien), à savoir la culture maure.

1Figures du féminin dans la société maure- Aline Tauzin- Editions Khartala- 2001

a) Informations d'ordres générales sur la Mauritanie

Tout d'abord il est important de mettre en avant la spécificité politique de la Mauritanie, car en effet se situant à la charnière de l'Afrique noire et du Maghreb, elle présente des particularités significatives tant au niveau culturel que politique. C'est donc d'une part un pays musulman (de rite malékite) le rattachant au monde du Maghreb (et plus spécifiquement arabo-berbère) et l'Afrique noire (par la présence d'une large communauté négro-africaine: Soninké, Poular et Wolof). C'est aujourd'hui une République islamique, on peut parler «d'une démocratie mauritanienne [...] islamique, centraliste, nationale, socialiste»2. Cette spécificité politique de l'État mauritanien s'explique par le refus des mauritaniens d'intégrer la totalité des valeurs et des codes occidentaux apportés par le principe démocratique mais de garder la philosophie d'un système juste et égalitaire tout en fonctionnant sur un modèle islamique car l'islam constitue l'éthique général de cette population; une éthique religieuse qui régit les codes et les valeurs des rapports sociaux. L'objectif principal de l'établissement d'une démocratie nationale est de garantir une unité nationale centralisée car avant la colonisation il n'existait pas d'État fondé sur un pouvoir étatique unique mais il s'agissait plutôt d'un ensemble disparate de groupes dominants. En effet, les populations de cette zone étant à majorité nomades, il n'existait pas d'instance supérieure régissant l'ensemble du territoire mais l'Islam constituait le socle spirituel commun de ces habitants.

Ce pays qui a connue une colonisation française d'une trentaine d'année a connu son indépendance en Novembre 1960, et c'est dans un esprit de « construction » et non pas de « reconstruction » que le premier président de la Mauritanie indépendante Moktar Ould Daddah s'est engagé pour créer un État démocratique islamique et socialiste. Ce socialisme en question ne se réfère à aucun schéma européen ou modèle établi dans un autre pays, il s'agit d'un socialisme « mauritanien » encourageant l'action d'une économie privée (et dans une certaine mesure individuelle) pour amener les populations à développer divers savoir-faire. C'est donc un État récent dont les frontières parfois tracées à la règle, tentant de rallier une identité culturelle propre à lui et dans le même temps emprunter une philosophie issue d'autres systèmes lui garantissant une légitimité auprès des autres nations indépendantes et modernes.

2 Le Dossier de la Mauritanie- Attilio Gaudio- Nouvelles Editions Latines 1978

Cependant à l'heure actuelle on assiste à une montée de revendications prônant les valeurs républicaines comme le seul remède au sous développement et les putschs consécutifs qu'a connus la Mauritanie cette dernière décennie témoignent d'une volonté profonde de changements au sein de la population.

Géographiquement, la Mauritanie est située à la charnière entre l'Afrique Blanche et l'Afrique Noire, elle constitue de ce fait l'interface entre les populations Arabo-berbères Maghrébines et celles Négro-africaines sahélo-sahariennes. C'est un espace de brassages sociaux et de métissages culturels, et ce depuis la haute antiquité.

La Mauritanie a connu son indépendance en 1960, un régime parlementaire multi-partite, qui s'est petit à petit mué en un régime à parti unique, supprimé lui, en 1978 par un coup d'état militaire. Les deux décennies suivantes se caractérisent par une série de putches, pour connaitre une certaine stabilité politique à partir de 2005 jusqu'à aujourd'hui malgré une forte agitation de la société civile et des populations revendiquant des changements dans la mouvance du printemps arabe.

L'ethnie maure est d'origine arabo-berbère. Certains de ses éléments arrivèrent dans le Sahara occidental dès le second ou le troisième siècle après J.C. Cependant pour les maures, leur Histoire commence avec l'épopée des Almoravides qui étendirent l'Islam vers le sud détruisant l'Empire du Ghana en 1077. Puis au 14eme siècle, une tribu arabe (les Maquil) venue d'Orient arrive en Mauritanie et après la guerre du Char Bouba 3laissant place à une nouvelle structure sociale issue de ce métissage arabo-berbère dès le 18ème siècle. C'est ainsi que ces émirats ont pu se mettre en place (petites royautés) telle que ceux du Trarza, du Brakna, de l'Adrar, etc. dans différentes zones du territoire. C'est sur cette nouvelle organisation fondée sur des royautés bien définies que se sont articulées l'organisation et la hiérarchie des différentes classes et castes (tribus). On peut parler d'un système de castes car c'est une structure qui renferme une réelle distance sociale entre ces différentes catégories et leurs interactions sont fondées sur des codes et des règles rigides judicieusement respectées. On peut parler également de classes dans la mesure

3.Guerre de Trente Ans mauritanienne, a eu lieu entre 1644-74 dans les zones tribales de ce qui est aujourd'hui la Mauritanie et le Sahara marocain. Ce fût un combat entre les Sanhadja résident dans la région, dirigée par Lamtuna Imam Nasr ad-Din, et les tribus arabes immigrées Maqil, au premier rang desquels était les Beni Hassan.

où le pouvoir économique et politique (on pourrait même parler du capital économique et culturel au sens bourdieusien) est détenu par les castes supérieures (à savoir les tribus guerrières et maraboutiques4).

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