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Microfinance et problématique de réduction de la pauvreté au Bénin: expérience des femmes du programme de Micro Crédits aux Plus Pauvres(mcpp) dans la commune rurale d'Adjarra

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par Dègnon Benjamin GOGAN
Université d'Abomey-Calavi - Diplôme d'études approfondies en socio-anthropologie du développement 2012
  

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14.2- Synthèse des résultats

Les conclusions de la recherche montrent que la croissance de la pauvreté monétaire au niveau des femmes rurales de la commune d'Adjarra malgré les efforts de microfinancement des activités génératrices de revenus est due à deux grandes réalités. En amont, la stratégie de portage par phases du programme de microcrédits aux plus pauvres s'inscrit dans une logique d'économie de marché. Ce qui ne répond pas aux attentes réelles et aux rationalités de la grande masse des bénéficiaires qui sont moulées dans un système social d'économie de subsistance. En aval, la rentabilité et la continuité des activités économiques entreprises se trouvent engluées dans des réalités socioculturelles et anthropologiques auxquelles la femme rurale ne peut se soustraire facilement. Le succès économique efficace du programme de microcrédits aux plus pauvres dans sa conception actuelle dans les milieux ruraux en général et dans la commune rurale d'Adjarra nécessite par conséquent un temps assez considérable de transformation et de changement du milieu social ; c'est-à-dire du contexte socioculturel et anthropologique que constitue le milieu rural.

En effet, les réalités socioculturelles et anthropologiques identifiées dans la commune et qui influencent fortement les activités économiques des femmes sont principalement les obligations rituelles liées à la

maternité nombreuse des femmes et au veuvage. Ces obligations institutionnelles sont principalement des rites de passage comme le baptême traditionnel, la détermination de l'ancêtre incarné dans le nouveau-né, les signes du fâ sous lesquels l'enfant est né et les différentes cérémonies de deuil inhérentes au veuvage.

Le lien structurel de parenté, la polygamie et le statut de chef de ménage porté par la majorité des femmes du milieu (traits caractéristiques de la société traditionnelle d'Adjarra) qui modulent le comportement de la femme rurale se sont également révélés comme des freins qui hypothèquent la rentabilité des activités en termes de croissance économique des revenus.

14.3-Analyse des résultats

La socio-anthropologie du changement social ou du développement socio-économique étant une discipline transversale incluant à la fois l'anthropologie politique, la sociologie des organisations, l'anthropologie économique, la sociologie des réseaux, l'anthropologie des représentations et systèmes de sens, toutes ces réalités identifiées et qui ont pris au filet les activités économiques des femmes dans la commune d'Adjarra sont analysées ici sous ces différents aspects.

Autrement dit, l'enjeu est la lutte contre la pauvreté dans un environnement social rural caractérisé par des rationalités socioculturelles spécifiques. Cette lutte contre la pauvreté s'inscrit dans une dynamique qui implique des acteurs qui s'interagissent à travers des organisations. Le système d'interactions organisées de tous ces acteurs conduit au résultat de réduction ou non de la pauvreté. C'est ce que Crozier et Friedberg appellent en analyse stratégique des organisations « système d'action concret » [38]. Les organisations impliquées dans la

[38] Crozier M. & Friedberg E. , (1977), l'acteur et le système, le seul, Paris

stratégie de microfinancement des activités génératrices de revenus dans la perspective de réduction de la pauvreté dans la commune sont de deux types. Il s'agit des organisations formelles et des organisations informelles. [39]

Les organisations formelles en jeu sont l'Etat (ministère de la microfinance, de l'emploi des jeunes et des femmes, le fond national de microfinance, la mairie d'Adjarra à travers ses arrondissements), les partenaires stratégiques du FNM (Coopérative chrétienne d'épargne et de crédit - CCEC, l'Association des marchés du Bénin - ASMAB) et les groupements solidaires constitués dans les villages par le programme de microcrédits aux plus pauvres.

Les organisations informelles en jeu sont les ménages, les familles, les clans, l'organisation du pouvoir traditionnel représenté ici par la société secrète des Zangbéto[40]

Ici, le système d'action concret qu'est le résultat de réduction de la pauvreté à travers la microfinance est la convergence des stratégies des acteurs et des groupes qui animent ces différentes organisations formelles et informelles avec des marges de manoeuvre et des sources de pouvoir différentes.

Les acteurs des organisations formelles impliquées dans la lutte contre la pauvreté dans la commune tirent leurs stratégies d'actions, de pouvoir et de marge de manoeuvre du système de l'environnement de l'économie politique ou de l'économie de marché. Cette source d'action de développement module des comportements et des pratiques qui visent l'accroissement de revenus et la réalisation de profit à travers les activités entreprises par les femmes plus pauvres. Cela se traduit clairement dans les objectifs même du programme de microcrédits aux plus pauvres que sont entre autres :

[39] Les organisations formelles sont régies par de lois et des règles écrites or les organisations informelles sont régies par des lois et règles non écrites mais sociologiques et anthropologiques

[40]

Les Zangbéto sont des revenants organisés en société secrète et chargés de faire respecter la tradition

- La création au niveau des populations cibles, des sources plus ou moins régulières de revenus ainsi que l'accroissement de ces revenus,

- La promotion de la culture de l'entrepreneuriat à leur niveau en vu d'obtenir l'accroissement de leurs capacités techniques et organisationnelles ; ce qui les prépare mieux à la conquête du marché.

Les acteurs des organisations informelles par contre tirent leurs stratégies, pouvoir et marges de manoeuvre de l'environnement de l'économie de subsistance qui ne vise pas toujours le profit et qui est aussi fortement influencée par des réalités socioculturelles et anthropologiques identifiées au terme des études de terrain. La force de coercition extérieure de ces réalités détermine le comportement des bénéficiaires de microcrédits et d'autres acteurs de ces organisations informelles impliquées dans le programme au niveau de la commune. « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience » disait Karl Marx[41] dans sa vision holistique de la réalité sociale.

En d'autres termes les femmes bénéficiaires du programme de microcrédits dans la commune d'Adjarra ont bien conscience de vouloir sortir de l'extrême pauvreté. Mais les exigences des réalités de leur milieu social ne leur permettent pas d'avoir des comportements et des stratégies d'action efficace pour la réalisation rapide du gain et du profit. Pour que la microfinance puisse avoir des résultats rapides et considérables en matière de réduction de la pauvreté dans ces conditions, il faille d'abord opérer une transformation profonde du système socioculturel et anthropologique de la commune.

Or, les réalités socio-anthropologiques identifiées qui pèsent sur les activités génératrices de revenus des femmes bénéficiaires ont des

[41]Karl Marx,(1859), Critique de l'économie politique ; p 59

fonctions importantes dans le système socioculturel de la commune. Malinowski dans son approche fonctionnaliste disait déjà que « dans tous les types de civilisation, chaque coutume, chaque objet matériel, chaque idée et chaque croyance remplit une fonction vitale, a une tâche à accomplir, représente une partie indispensable d'une totalité organique »[42]. Par exemple parmi les rites coutumiers liés à la maternité, il y a les cérémonies de détermination de l'ancêtre incarné dans le nouveau-né(le Djoto) et les signes du fâ[43] sous lesquels l'enfant est venu au monde. Si ce sont des jumeaux, les cérémonies sont encore plus intenses et soustraient la nouvelle mère à toute activité économique pour une période assez considérable. Dans ces conditions, la femme n'a pas le choix entre la vie de son enfant qui lui est très cher et l'activité économique. Le veuvage quant à lui comporte aussi des rituelles de séparation de l'âme du défunt mari d'avec celle de l'épouse en vie. Le non respect de ces pratiques engendrerait aussi la mort prématurée de l'épouse qui serait rappelée par son défunt mari conformément à la loi spirituelle du mariage contracté par les deux conjoints avant le décès du mari. On retrouve donc à ce niveau de considération des choses, une anthropologie des représentations et des systèmes de sens très fort que les bénéficiaires accordent à leurs réalités face aux activités économiques.

Le lien de parenté dans une perspective de sociologie des réseaux constitue une institution anthropologique spécifique aux sociétés africaines traditionnelles. Il est reconnu en tant que tel par les acteurs du pouvoir politique traditionnel qui en sont les gardiens. Les stratégies de développement et de changement social qui tentent de briser ces types de lien sociaux de l'extérieur ne connaissent pas toujours de succès. Le système social des milieux ruraux ne sont pas compatible avec le

[42] Malinowski,( 1884 - 1942) est un anthropologue, ethnologue et sociologue anglais d'origine polonaise

[43]

Les signes du fâ sont des déterminants de la géomancie qui gouvernent le destin de l'enfant

système économique capitaliste formel. Les réalités et les rationalités ne sont pas les mêmes.

Or, au regard des résultats issus de la présente recherche, le programme de microcrédits aux plus pauvres est conçu et mis en oeuvre sur fond de rationalité de l'économie politique assorti d'une vision de croissance de revenus par la maximisation du gain, mais qui rencontre un système d'économie de subsistance dans les milieux ruraux béninois en l'occurrence dans la commune rurale d'Adjarra. Le constat des limites de cette approche de politique de développement socio-économique à la base face à la croissance paradoxale de la pauvreté monétaire s'expliquent donc par la rencontre sur le terrain de deux systèmes socioéconomiques aux rationalités et réalités presque dichotomiques qui annihilent les efforts de développement déployés. Il s'agit des réalités et rationalités de l'économie politique formelle capitaliste portées par le programme de développement MCPP et les réalités et rationalités de l'économique de subsistance portées par les bénéficiaires dans les zones rurales et paysannes comme la commune d'Adjarra.

En d'autres termes la compréhension des limites ou des difficultés que rencontre la microfinance dans les milieux ruraux du Bénin et spécifiquement dans la commune rurale d'Adjarra s'inscrit parfaitement dans le modèle d'analyse holistique d' « embeddedness » de Karl Polanyi. Le fait économique que constitue la microfinance dans sa vision actuelle est pris au filet par des réalités socioculturelles et anthropologiques des zones rurales du pays. Le succès véritable de cette stratégie en guise de politique de réduction de la pauvreté rurale nécessite la compréhension et la mise en adéquation de ces réalités socio-anthropologiques avec les approches de développement dans une perspective d'économie substantive qui dépasse l'économie politique formelle.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci