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L'intégration républicaine à  l'épreuve du lien communautaire: l'exemple des migrants Chinois

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par Romain Hem-Reun
Institut régional du travail social Paris Parmentier - Diplôme d'état d'assistant de service social 2011
  

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l) Quand la communauté rend vulnérable

(1) La dette

Le remboursement d'une dette considérable est le fait notoire des parcours migratoires. Les sommes à rembourser apparaissent astronomiques au regard de leur situation. Le voyage pour la France nécessiterait une somme variant de 12 000 à 18 000 euros. Pour l'Angleterre le coût serait de 22 000 à 30 000 euros, quant aux Etats-Unis, la somme est 3 fois plus importante14(*). Des coûts qui même pour le citoyen lambda pèsent lourds sur leur budget.

Pour optimiser les conditions de remboursement, les migrants chinois seraient contraints de rester entre eux. Ce fait serait une spécificité de la migration chinoise par rapport aux autres communautés. Le sas communautaire leur apparaît indispensable pour rembourser la dette ne parlant pas le français et ne possédant pas de titre de séjour. Celui-ci représente la seule possibilité de travailler, dans les secteurs des "trois couteaux" et de manière informelle. Ces conditions informelles permettrait selon le rapport de Véronique Poisson et Gao Yun, de masquer une certaine réalité, notamment le temps de travaille des moins de 18 ans, parfois le travail des enfants, la prostitution, le trafic humain, des conditions de travail absolument indépendantes du droit du travail. Les témoignages du rapport de Véronique Poisson et Gao Yun montrent que le sujet reste tabou et que la loi du silence règne. Ces abus se structurent autour de menaces physiques et psychologiques, le degré de vulnérabilité dû notamment à la clandestinité des migrants étant les ficelles des employeurs, propriétaires et passeurs. Les auteurs du rapport montrent cependant que : « Cette forme de servage communautaire n'aurait rien de culturel, mais serait propre aux conditions économiques et juridiques de l'émigration chinoise ».

Les migrants mettent une moyenne de trois à dix ans pour rembourser la dette, malgré le salaire bridé au regard des salaires moyen en France.

(2) Condition de travail

Le travail au sein de la communauté chinoise en France est caractérisé par la précarité. Selon Monsieur G. malgré l'offre abondante aujourd'hui (ce n'était pas le cas 7 ans auparavant), la précarité des emplois persistent. Les emplois les plus précaires sont destinés au primo-arrivants, mais les migrants installés depuis plusieurs années, même sans papiers et vulnérables, aspirent à travailler dans de meilleures conditions et en étant mieux rémunéré. Cependant, le rapport travail/salaire sera toujours inférieur aux normes en vigueur en France. Selon Véronique Poisson et Gao Yun : « Il semble qu'il y ait une entente tacite entre employeurs et employés pour laisser de côté les normes et protections françaises et se référer plutôt à des pratiques inspirées de la Chine ». Les salaires sont extrêmement bas et sans lien avec le nombre d'heures travaillées.

Il arrive souvent que des migrants travaillent 12 à 15 heures par jour dans des locaux ou des caves pour de salaires moyen de 800 euros par mois dans la confection par exemple. Monsieur G. de me confier : « personnellement j'ai toujours travaillé beaucoup, c'est un trait caractéristique de la culture chinoise, le travail et l'esprit d'entreprise est une valeur ancestrale de notre culture, du Confucianisme notamment. Un patron ne pourrait pas engager un français, c'est impossible car celui-ci aurait des revendications par rapport au droit du travail. Je pense que si les patrons chinois appliquaient strictement ce droit, beaucoup fermeraient boutique ! Mais même moi, au sein de l'association j'ai tendance à ne pas respecter les horaires de travail. Je travaille beaucoup plus que 35 heures par semaine ! ». Cependant, malgré leur vulnérabilité les sans-papiers chinois depuis quelques années commencent à dénoncer leur condition de survie. Fin 2007, 600 migrants chinois la plupart sans-papiers se sont rassemblés pour manifester leur colère, suite à la défenestration d'une femme migrante Dongbei sans-papier15(*). En juin 2010, une autre manifestation des « chinois de Belleville » a surpris. Dénonçant l'insécurité et les violences faites spécifiquement aux chinois. Les nourrices à domicile dénoncent des temps de travail particulièrement long sept jours sur sept, contre une rémunération mensuelle de 600 à 900 euros. Ces manifestations et dénonciations ont surpris l'ensemble de la société car elles ne collent pas à l'image que la conscience collective a de la population chinoise.

La communauté chinoise n'est donc pas à l'image que la société d'accueil veut bien lui prêter, soit l'image d'une communauté homogène, unie par une solidarité très forte en son sein. Les relations d'exploitants/exploités parfois proche de la relation maître/esclave (dans la perspective de ce qu'on appelle l'esclavage moderne) sont courantes et nous avons vu les ressentiments entre Wenzhou et Dongbei. Les clivages régionaux sont également présents.

La communauté ne possède plus sa capacité intégratrice d'antan. Le nombre de migrants commence à saturer l'organisation qu'elle pouvait mettre en oeuvre et ces clivages régionaux jouent aussi un rôle. Aussi, la crise économique touche également la communauté et la politique de lutte contre l'immigration clandestine s'intensifiant, les emplois en direction des sans-papiers se fait plus rare. Leur situation se fait donc plus précaire. Le jeu de la concurrence se joue aussi en interne entre les communautés. Entre les Dongbei et les Wenzhou par exemple. Les Dongbei en provenance du Nord, arrivées récemment, ne sont pas organisé depuis des décennies comme les Wenzhou, plus nombreux et mieux établis en France. L'exclusion se structure autour du dialecte, premier élément d'identification des personnes. Les Wenzhou peuvent parler un dialecte que les autres chinois ne peuvent comprendre. Dans le rapport entre les deux "ethnies" se joue un rapport de domination. Les Dongbei étaient en Chine en mesure d'employer des Wenzhou, en France c'est l'inverse. Par ailleurs, les Dongbei sont de manière générale plus cultivés la plupart ayant fait des études secondaires, alors que beaucoup de Wenzhou ont un niveau scolaire peu élevé. Le ressentiment est fort des deux côtés. Cependant, selon Estelle Auguin et Florence Levy, auteur d'un article paru dans la revu européenne des migrations internationales (REMI), les dissonances au sein même des groupes "ethnique" existent. Entre Wenzhou par exemple voire même des personnes appartenant à la même famille : «  Les récits d'exploitation entre membres d'une même famille ne sont pas rares, tel celui d'une tante ayant insisté pour faire venir sa nièce en France, la faisant ensuite travailler dans son atelier dans des conditions proches de l'esclavage pour rembourser la dette puis, lorsque celle-ci s'échappe, la remplaçant par une soeur. Ces phénomènes sont encore l'objet d'une relative tolérance de la part des Wenzhou qui s'accordent tout en les déplorant, à expliquer ces situations par « la dureté de la vie en France16(*) » ».

Témoignages de Monsieur J., vendeur ambulant17(*)

« Les premiers mois de mon arrivée en France, indique Monsieur Tao, j'ai travaillé dans une sandwicherie. Je préparais des sandwichs et des paninis. Le patron était de Qingtian, la femme du Yunnan. Je gagnais 153 euros par mois (...) Cela devient très difficile aussi car les Pakistanais sont également sur ce marché-là et créent de la concurrence. J'arriverais à gagner 500 euros par mois sans les contrôles et la concurrence, maintenant je me fais de 300 à 400 euros. Par mois, nous dépensons 1 000 euros. Ma femme fait de la vente à la sauvette avec son enfant dans les bras ».

Témoignage de Madame F.18(*)

« Ma soeur est venue me chercher à l'aéroport. La première phrase qu'elle m'a dite a été : « Tu ne sais pas comment la vie est dure ici, je ne peux pas raconter toute la vérité à la famille sinon elle s'inquiéterait pour moi. J'ai essayé de te persuader de ne pas venir, mais tu ne m'as pas écoutée ». Ma soeur m'a ensuite expliqué que les femmes de Dongbei en France gagnaient de l'argent en se prostituant. Elle m'a demandé de choisir entre « Xia Hai » (devenir prostituée) et nourrice ».

Nous avons évoqué dans cette première partie plusieurs dimensions concernant d'abord l'émigration des migrants chinois, qui, pourquoi, comment émigrent-ils, pour en venir finalement à l'immigration dans la société d'accueil. Il nous a semblé indispensable de faire un état des lieux de cette double dimension, émigration/immigration, constitutive du projet migratoire et finalement de l'identité nouvelle construite. D'autre part, cet état des lieux synthétisé prend également sens au regard du travail social. Les idées reçus sur la « communauté chinoise » véhiculées peuvent parasiter un éventuel accompagnement social ou socio-éducatif. La connaissance du parcours migratoire, de leurs origines et de leur motivation, leur projet s'avère essentielle. A défaut, ce sont nos propres projections caricaturales qui guideront nos accompagnements à l'intégration.

* 14 Gao Yun, Véronique Poisson, Op. Cit.

* 15 L'hebdomadaire, L'Express, a consacré un article à ce fait divers consultable à cette adresse : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/vie-et-mort-d-une-clandestine_474872.html

* 16 Estelle Auguin, Florence Levy, « Langue et vulnérabilité des migrations chinoises actuelles », REMI, 2007

* 17 Véronique Poisson, Gao Yun, Op.Cit.

* 18 Véronique Poisson, Gao Yun, Op.Cit.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo