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Usages et pratiques d'internet par les étudiants au Cameroun: quels enjeux ?

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par Hermann ESSOUKAN EPEE
Université Stendhal-Grenoble 3 - Master 2 2014
  

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Section 2 : Logiques d'action des étudiants dans les usages d'Internet

-- Concepts clés : logique d'action, logique de l'action collective, logique de l'usage et logique sociale :

Les origines étymologiques, nous rappellent que le terme logique qui vient du grec «logikè» signifie art ou science du raisonnement, et renvoie à l'étude des opérations de l'esprit considérées par rapport à la fin à laquelle il tend. Pour le sociologue, il s'agit d'explorer le lien entre l'intention et l'action, de retrouver la piste sinueuse des choix opérés par l'acteur et de rendre compte de ce qui les fonde... (Amblard et al. 2005, p.198)139(*).

Les concepts de « logique », « logiques d'action », « logique de l'usage » et de « logiques sociales » entretiennent de nombreuses incompréhensions ; surtout lorsqu'ils sont employés dans les domaines tels que la communication, l'économie, la politique, le social et la technique.

Ainsi, nous pouvons citer plusieurs contributions faites dans ce sillage parmi lesquelles140(*) : les travaux sur l'acteur stratégique (M. Crozier et E. Friedberg) ; l'acteur social-historique, en référence à la sociologie de Pierre Bourdieu ; l'acteur identitaire (R. Sainsaulieu) ; l'acteur culturel (P. d'Iribarne) ; l'acteur groupal (R. Kaes, D. Anzieu) ; l'acteur pulsionnel, théories socio-psychanalytiques ( Eugène Enriquez). Les travaux sur la logique de l'usage (Jacques Perriault), la logique de l'action collective (Mancur Olson), la sociologie de la régulation (J.-D. Reynaud), l'économie des conventions (Eymard-Duvernay et al.), les économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot) et la sociologie de la traduction ou théorie de l'acteur-réseau (M. Callon, B. Latour) pour ne citer que ceux-là.

Avec Bernard Miège, la « logique sociale » essaie de mettre en évidence un certain nombre de phénomènes relativement nombreux, qui structurent le champ de la communication aujourd'hui141(*). Pour ce dernier, les logiques sociales à l'oeuvre dans ce champ constituent des « Mouvements de longue durée, portant aussi bien sur des processus de production-consommation, que sur des mécanismes de formation des usages ». Pour l'auteur, les logiques sociales sont non seulement au coeur de l'industrialisation et de la commercialisation des biens, y compris au centre des usages qui découlent de ces biens.

Mancur Olson, dans ses travaux sur la sociologie des groupes et des mouvements sociaux, fait plutôt référence à la « logique de l'action collective » qu'il aborde sous l'angle de l'économie. Sa perspective repose sur le postulat selon lequel, les individus sont des décideurs rationnels et conscients, dont les actes sont influencés par les coûts et les bénéfices qu'ils associent aux différentes options qui se présentent à eux dans une situation donnée142(*).

Pour ce dernier, quand les membres d'un groupe social ont un objectif commun dont la réalisation serait profitable à tous, ce groupe agira collectivement pour défendre les intérêts partagés par ses membres (...) mais au contraire, des individus rationnels guidés par leur propre intérêt n'agiront pas de cette manière, sauf si des incitations spécifiques les incitent à le faire. Olson ressort ainsi dans le deuxième cas, la position rationnelle qu'a un individu égoïste qu'il nomme celle du « passager clandestin » (free rider) : celui-là qui profite du bien collectif sans investir pour le produire143(*).

Quant à la « logique d'action », elle est abordée pour accéder aux comportements des acteurs dans une vision de dépassement du dualisme acteur/système, dans la revendication de la prise en compte des multiples dimensions de l'action qui entretiennent des proximités. Pour les tenants de cette approche, il est question de prendre en compte le lien entre l'intention et l'action, de retrouver les mobiles ondoyants des choix opérés par l'acteur et de rendre compte de ce qui fonde ces choix.

Ces trois concepts clés explorent l'intention et le sens qu'un acteur donne à son action et servent dans notre travail à dépasser le dualisme acteur/système, pour saisir les mobiles qui sont à l'origine de toute action.

Avec Jacques Perriault, la « logique de l'usage » est la construction par l'individu du choix d'un instrument et d'un type d'emploi pour accomplir un projet. Les critères de choix possibles revêtent des valeurs différentes en fonction de multiples facteurs liés à la personne et aux contextes : affectifs, psychologiques, cognitifs, culturels, sociaux. La logique de l'usage proprement dite est le schéma qui articule ces caractéristiques en vue de l'action suivante : utiliser un instrument pour un projet déterminé (...)144(*)

Pour l'auteur, la notion de logique de l'action tente d'expliquer : la représentation au sens de Maurice Godelier145(*) (elle relie la perception et la compréhension d'un objet en fonction de la culture, la légitimation de cette nouvelle connaissance, la classification et la production de nouvelles connaissances) ; la norme sociale de l'usage (l'usage est relié à la société) ; la niche d'usage (l'outil trouve un rôle au terme d'un processus d'ajustement, de durée très variable) ; la construction d'un projet (le choix d'un instrument et de sa fonctionnalité et les raisonnements mis en oeuvre qui aboutissent tantôt au respect du mode d'emploi, tantôt au détournement, ou encore à la substitution ou à l'abandon), l'empreinte de la technique146(*) (l'utilisateur accumule et travaille une expérience, lorsqu'il utilise une machine)147(*).

2-1. Les logiques d'usages d'Internet :

· La logique utilitariste

Cette logique regroupe en son sein d'autres raisonnements : les logiques de légitimation, d'appartenance et d'info-communicationnelle.

Les étudiants recourent d'abord à Internet, dans le but de satisfaire leurs besoins. Ce comportement intéressé s'observe dans les actions de sélection des contenus, de zapping d'une page ou d'un site à un autre en accordant le temps et l'intérêt au plus offrant et au plus satisfaisant.

Dans une logique d'ensemble ou utilitariste, ces derniers recourent à la Toile, pour échanger et discuter (réseaux sociaux, applications et logiciels de communication), pour obtenir des informations (recrutement, newsletter, nouveautés sur les produits, magazine online, TV en ligne), bénéficier des offres (jeux, concours, promotions) ou obtenir un statut (appartenir à une communauté virtuelle et recevoir des notifications) et des services (faire des achats et transactions en ligne).

· La logique de communication

Internet va au-delà de la simple transmission des informations ; en ce sens, contrairement à certains médias classiques et traditionnels, le Net à travers le paradigme de la convergence entre l'informatique, l'audiovisuel et le multimédia, fait partager et communier, favorise la création, et la diffusion des contenus qui sont produits par les usagers.

Les usages et pratiques d'Internet chez les étudiants de l'Université de Douala, sont fortement inscrits sur les réseaux sociaux : faire la veille relationnelle (savoir ce que font leurs amis et leurs contacts), promouvoir les associations ethniques, religieuses et idéologiques sur les réseaux sociaux (Le groupe de tous les Bétis, Bana Ba Sawa...) faire des rencontres amicales (Facebook...) et amoureuses pour d'autres (Badoo, Twoo...). Ensuite vient l'utilisation massive des applications et logiciels gratuits d'appels audio comme visio, de chats vidéo, sms, envois des photos tels que Skype, Viber, Whatsapp, Instagram, Google Hangouts, Yahoo Messenger (...) cela à partir d'un ordinateur, d'un téléphone portable ou d'une tablette.

Nous nous rendons compte que les étudiants au Cameroun recourent à Internet, plus pour une logique communicationnelle qu'informationnelle.

· La logique de positionnement

Cette logique engage l'identité et l'image des étudiants. Elle s'inscrit en filigrane dans les stratégies de communication en ligne, c'est le fil conducteur des autres logiques148(*). Elle fédère l'usage et l'appropriation d'Internet ; elle induit le social et le culturel dans le positionnement de l'individu, à travers de nombreuses actions sur la Toile telles que s'inscrire dans les sites ou les pages web des organisations publiques ou privées pour bénéficier des offres et des services.

C'est le cas pour de nombreux étudiants qui s'inscrivent sur les sites professionnels dans l'espoir de trouver un emploi, sur les pages des entreprises afin de bénéficier de certains logiciels et applications gratuites et sur les sites de rencontre espérant trouver l'âme-soeur ou des amis.

· La logique d'intégration

Cette logique s'inscrit dans l'intégration des TIC, à ce niveau s'effectue une sorte de négociation entre les usagers et la technologie, cette négociation peut aboutir par le rejet ou par l'adoption de l'artefact qui est issue de la persuasion. Le degré d'intégration chez les étudiants de l'Université de Douala se traduit à travers la banalisation des techniques d'usage, l'hybridation des pratiques, et l'inventivité dans l'appropriation à travers les pratiques culturelles propres au contexte camerounais.

La logique d'intégration des étudiants de l'Université de Douala s'observe aussi à travers les actions menées sur le Net dans un but de reconnaissance, d'appartenance et d'identification à une sphère, afin de sortir de l'anonymat, d'être vus, connus et acceptés par d'autres.

2-2. Enjeux et défis des usages d'Internet :

Vues les conditions de vie et la non capacité pour bon nombre de dépendre de leurs propres revenus, les étudiants au Cameroun de tous âges, vivent généralement sous le toit familial et sous la charge de leurs parents ; les dépenses liées à Internet impactent directement les habitudes économiques de la famille et les rapports sociaux entre les membres.

Les parents, pour l'épanouissement de leurs progénitures par les études, consentent des sacrifices financiers au point de réduire les dépenses ménagères, voire de se priver ; afin d'octroyer de l'argent à leurs enfants pour satisfaire les besoins liés au numérique, tels qu'aller naviguer ou, faire la recherche en ligne sur les données scientifiques, bien que la plupart du temps la navigation sur Internet soit attachée à d'autres usages n'ayant aucun rapport avec la recherche scientifique. Certains étudiants ne pouvant pas bénéficier de ces sacrifices familiaux, épargnent leurs propres revenus pour s'offrir quelques heures de plaisir (de connexion à internet).

Ces actions sont consenties parce que pour ces derniers, Internet représente plusieurs enjeux : la diffusion et la production des connaissances, qui permettent aux étudiants « d'exploiter des documents liés à leurs études » ; le Net leurs permet aussi de se « rapprocher des amis, de se faire des amis sans se déplacer », « d'échanger avec des connaissances sans tenir compte des frontières », « de voir ce qui se fait ou se passe dans le monde » et « de trouver également des réponses à de nombreuses problématiques pouvant nous turlupiner dans plusieurs aspects de la vie » nous affirment certaines étudiants.

Pour d'autres, Internet « est un allié essentiel », c'est « un outil qui permet de combler leurs besoins informationnels ». Mais au-delà de ces enjeux, les usages d'Internet au Cameroun connaissent de nombreux défis : malgré l'avènement de la 3G, les utilisateurs ne parviennent pas à tirer pleinement profit des avantages qu'offre Internet, car le défi majeur est lié à la qualité de la connexion, généralement lente, pour ouvrir certaines pages web ou télécharger les documents voire parfois envoyer un mail. Il faut attendre longtemps et parfois ces actions se soldent par des échecs à cause de la mauvaise qualité du réseau.

Mais, le manque d'argent qui est le premier frein. Les prix d'accès à Internet continuent à être au dessus des moyens des étudiants et même des Camerounais disposants des revenus modestes, et ces problèmes financiers participent aux écarts dans les usages et pratiques d'Internet et ralentissent la maîtrise des artéfacts technologiques. En plus, les coupures intempestives du courant électrique représentent une frustration dans les usages d'Internet, puisque les dispositifs techniques de connexion à Internet sont régulièrement alimentés par l'électricité.

* 139 Brechet J-P., Schieb-Bienfait N. ; Logique d'action et projet dans l'action collective. Réflexions théoriques comparées, Université de Nantes, Nantes, 2009, P. 3, disponible sur www.univ-nantes.fr/iemn-iae/recherche

* 140 Essoukan Epée Hermann ; Missions et défis du journal d'entreprise dans les organisations au Cameroun : entre propagande blanche, marketing holiste et construction d'une image institutionnelle, Mémoire de DEA/Master II, Communication des organisations, Université de Douala, Douala, 2014

* 141 Misse Misse ; Les développements de la publicité en Afrique francophone dans les années quatre-vingts : le cas du Cameroun, Thèse de doctorat en sciences de la communication, Tome 1, Université Stendhal-Grenoble 3, Grenoble, 1993, P. 97

* 142 Olson Mancur ; Logique de l'action collective. Traduction de Mario Levi, Éditions de l'Université de Bruxelles, Belgique, 2011, P. 7

* 143 Ibid. Olson M. Éditions de l'Université de Bruxelles, Belgique, 2011, P. 8

* 144 Perriault Jacques ; La logique de l'usage. Essai sur les machines à communiquer, Paris, 2e édition, L'Harmattan, 2008, p. XIV

* 145 Godelier Maurice ; L'idéel et le matériel, Pensée, économies, sociétés. Paris, Fayard, 1984

* 146 Perriault Jacques ; Un exemple d'empreinte de la technique : le cas de la machine à vapeur, in Culture technique n°4, février 1981

* 147 Op.cit. La logique de l'usage. Essai sur les machines à communiquer, p. XV-XVI

* 148 Op.cit. Essoukan Epée Hermann, 2014

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery