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Détermination des contraintes à  la mise en oeuvre de l'approche par compétences dans les écoles normales d'instituteurs (ENI) : cas des ENI de Tahoua, Zinder et Maradi

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par Issa Evaristho MOUSSA
Institut Supérieur de Formation et de Recherche Appliquée (ISFRA)/Bamako - DEA 2014
  

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CHAPITRE II : PROBLEMATIQUE

2.1. Enoncé du problème

Dans le cadre des réformes curriculaires engagées dans le système éducatif, le Ministère de l'enseignement primaire mettait en vigueur, dans les Ecoles Normales d'Instituteurs (ENI), les programmes d'études conçus selon l'Approche par compétences (APC). Les objectifs visés à travers cette réforme commencée depuis 2008, sont entre autres d'améliorer la qualité des programmes, d'adapter la formation des enseignants du cycle de base 1 aux avancées scientifiques et techniques enregistrées dans les disciplines et domaines d'études intervenant dans leur formation. La formation donnée aux élèves-maitres doit tenir compte également des directives définies par la loi d'orientation du système éducatif nigérien (LOSEN) et des options fondamentales du Programme Décennal de Développement de l'Education (PDDE). Dans cette perspective, les programmes de formation initiale des enseignants du cycle de base1 se fondent sur les principes qui valorisent l'interdisciplinarité, la pratique réflexive, l'auto-formation et l'évaluation formative.

Ces nouveaux programmes visent donc à surmonter le défi de la qualité de l'éducation que les anciens programmes n'ont pas permis de relever.

Pour illustration, une année avant le début de la réforme, une étude évaluative des acquis scolaires réalisée par la Division de l'Evaluation et du Suivi des Acquis Scolaires (DESAS)4 du Ministère de l'enseignement primaire, avait confirmé que les élèves de l'école primaire présentaient de faibles performances dans toutes les disciplines. La même évaluation faisait ressortir que seulement 2 % des élèves en français et 1,8 % des élèves en mathématiques pouvaient atteindre le seuil désiré de compétences de base au CM2 et que la moitié des élèves qui parvenait au même niveau d'étude ne maîtrisait pas la lecture courante et connaîtront ainsi l'illettrisme au cours de leur vie d'adulte.

Pour expliquer cette situation, cette étude mettait en exergue la non-maîtrise par les enseignants des disciplines enseignées à l'école primaire comme l'un des déterminants des échecs scolaires constatés.

Les taux de réussite aux examens et le taux d'achèvement primaire sont également des indicateurs qui attestent de la faible performance des élèves. Selon les statistiques du Ministère de l'enseignement primaire (Annuaire statistique de l'éducation de base, 2012, pp 23-24), le taux d'achèvement primaire est de 55,8 % en 2012, et le taux de réussite au Certificat de Fin d'Etudes du Premier Degré (CFEPD) est de 56,7 %.

4 DESAS (février 2007). Suivi de cohorte 2007-2012, évaluation des élèves de CI, p.3

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Les mêmes statistiques (p. 25) concluent que sur 100 élèves inscrits au CI (première année du primaire), seulement 68 parviennent en classe de CM2 (dernière année du primaire) y compris les redoublants. Ce qui signifie que pour produire deux (2) diplômés, il faudrait recruter 3 élèves au cours d'initiation (CI).

L'analyse de la situation de l'école au Niger fait alors ressortir que l'échec scolaire est devenu un problème majeur qui entrave la qualité de l'éducation. C'est pourquoi les autorités ont prôné de redéfinir les programmes en vigueur en termes de compétences. Cette réforme a concerné d'abord les écoles normales qui sont les leviers de la formation professionnelle des enseignants.

En effet, la réforme des programmes de formation des élèves-maîtres selon l'APC est une innovation qui vient s'introduire dans le système éducatif nigérien. Elle va dans le sens que donnent HAVELOCK R. G., HUBERMAN A. M. (1980)5 au mot, c'est-à-dire un effort délibéré visant à améliorer de manière sensible le système. Par système, ces auteurs entendent : « Un ensemble d'éléments ayant les uns avec les autres un lien essentiel et, d'ordinaire, de multiples liens »6 .

Selon eux, le système peut subir un changement systémique, c'est-à-dire des événements susceptibles de modifier son parachèvement ou son équilibre. Au nombre des divers types de changements systémiques, les mêmes auteurs citent l'innovation.

Dans ce cadre, la réforme du programme de formation dans les ENI en fonction de l'APC peut être considérée comme une innovation de type changement systémique car elle vise l'amélioration du système. Il s'agit en fait, à travers cette nouvelle approche qu'est l'APC de former des enseignants compétents qui pourront agir de façon qualitative sur l'enseignement-apprentissage dans les écoles primaires.

La théorie de système stipule qu'un système entretient à la fois des liens internes entre les éléments constitutifs et des liens externes avec d'autres systèmes plus larges dont il est en interaction.

Ainsi donc, des connexions existent entre l'innovation en cours dans les ENI et le système éducatif dans son ensemble à travers le Ministère de l'enseignement primaire qui fournit les ressources et qui assure la supervision, le suivi et l'évaluation de cette réforme. Des liens existent également entre cette réforme des programmes au niveau des ENI et l'environnement

5 HAVELOCK R. G., HUBERMAN A. M. (1980). Innovation et problèmes de l'éducation, théorie et réalité dans les pays en développement, BIE, études et enquêtes d'éducation comparée, p.49

6Ibid., p.38

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pédagogique au sein des écoles primaires qui continuent à appliquer les programmes de 1988 et où c'est la PPO qui est privilégiée par les enseignants. Il est donc évident que si ces liens sont faibles ou insuffisants, l'innovation dans les ENI a alors peu de chance d'apporter le changement espéré au niveau du système d'éducation dans son ensemble.

L'observation de la pratique de l'APC dans les écoles normales révèle des insuffisances majeures dans la mise en oeuvre de cette réforme.

D'abord au plan institutionnel, des problèmes de légitimité des institutions responsabilisées pour le pilotage de la réforme se sont très tôt manifestés. Cela a donné lieu à des directives contradictoires et des incohérences dans le suivi de la réforme sur le terrain.

Ensuite, la communication a également constitué une faiblesse car la décision initiale d'application de l'APC dans les ENI n'était pas suivie de communication ni de larges consultations. Ce qui fait qu'elle reste peu et mal connue de la communauté mais aussi des acteurs directement impliqués dans le processus.

Par ailleurs, sur le plan des pratiques de classe, les encadreurs des ENI éprouvent des difficultés à changer les anciens modes d'évaluation au profit de l'évaluation des compétences des élèves. S'agissant des compétences des élèves-maîtres, aucune évaluation n'a jusqu'ici prouvé que l'application de l'APC dans les écoles normales a permis le relèvement de ces compétences. Ce qui est certain, c'est que la plupart des sortants des ENI, après leur formation, abandonnent la nouvelle approche au profit de la PPO dans leurs pratiques de classe.

Le temps des stages empiète également sur le temps réservé aux apprentissages de base et à l'élaboration des mémoires de fin d'études. La conséquence, alors, est que, dans les écoles normales, les programmes ne sont jamais exécutés entièrement dans le délai imparti.

Toutes ces faiblesses prouvent que la réforme des programmes selon l'APC n'avance pas et peine à remplacer les anciennes pratiques et à se généraliser à tous les niveaux du système éducatif nigérien.

Sachant qu'une réforme pédagogique mal appliquée ou insuffisamment appliquée a des répercussions néfastes sur les apprentissages scolaires, on est alors en droit de se demander, quelles sont les raisons qui expliquent les faiblesses de la mise en oeuvre de l'APC dans les ENI ?

Mieux, en quoi consistent les contraintes de la mise en oeuvre correcte de l'APC dans les écoles normales ?

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Cette étude a été alors entreprise pour identifier les contraintes qui s'imposent aux différentes parties en interrelation dans le processus de mise en oeuvre des programmes de formation des ENI.

L'étude permettra également de mettre en lumière l'aspect systémique de la mise en oeuvre des programmes de formation selon l'APC dans ces institutions de formation.

Toutes les considérations ci-dessus évoquées, nous amènent à privilégier les questions

de recherche ci-après.

2.2. Questions de recherche

La question centrale de notre étude est la suivante :

Quelles sont les contraintes réelles du processus de mise en oeuvre de l'Approche Par Compétences (APC) dans les écoles normales d'instituteurs du Niger ?

Pour mieux répondre à cette question, il s'agit plus précisément de trouver des éléments de réponses aux questions spécifiques suivantes :

i. Quelles sont les ressources disponibles pour la mise en oeuvre des programmes selon l'APC dans les ENI ?

ii. Qu'est-ce qui caractérise l'environnement pédagogique dans lequel s'effectue
cette mise en oeuvre ?

iii. Comment cette mise en oeuvre est-elle gérée par les autorités administratives
scolaires et pédagogiques ?

Afin de préciser davantage ce que nous poursuivons à travers ce sujet, nous formulons les objectifs suivants.

2.3. Objectifs de l'étude

L'objectif général poursuivi est d'apporter plus d'éclairage sur le processus de mise en oeuvre des programmes selon l'APC dans les écoles normales en vue de déterminer des pistes d'amélioration. De cet objectif général, il en découle quatre (4) objectifs spécifiques :

? Identifier et analyser les contraintes liées au processus de mise en oeuvre des programmes selon l'APC dans les Ecoles Normales d'Instituteurs ;

? Recueillir et analyser les opinions des acteurs sur les ressources disponibles pour la bonne mise en oeuvre de la réforme ;

? Décrire l'environnement pédagogique dans lequel s'effectue la mise en oeuvre des programmes de formation des ENI ;

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? Déterminer l'apport du niveau hiérarchique dans le cadre de la mise en oeuvre des programmes selon l'APC dans les écoles normales.

2.4. Hypothèses

Pour répondre aux questions de recherche soulevées par notre problématique, nous formulons une hypothèse générale qui se subdivise en trois (3) composantes.

Les contraintes de la mise en oeuvre de l'approche par compétences (APC) dans les écoles normales d'instituteurs (ENI) tiennent à la conjugaison de trois (3) facteurs principaux:

? l'insuffisance des ressources financières, matérielles et humaines ;

? l'environnement pédagogique défavorable dans les écoles primaires ;

? l'insuffisance dans le suivi et l'évaluation de la mise en oeuvre de l'APC.

Hypothèse 1 : les contraintes de la mise en oeuvre des programmes selon l'APC tiennent à une insuffisance de ressources financières, matérielles et humaines dans les écoles normales.

Hypothèse 2 : les difficultés de l'application de l'APC sur le terrain de stage par les élèves-maîtres sont dues à un environnement pédagogique défavorable qui prévaut dans les écoles primaires.

Hypothèse 3 : les contraintes de la mise en oeuvre de l'APC dans les ENI s'expliquent par une insuffisance dans le suivi et l'évaluation de la réforme.

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CHAPITRE III : REVUE ET ANALYSE CRITIQUE DES THEORIES ET DE LA LITTERATURE

Dans ce chapitre, nous traiterons successivement de la définition des concepts clés, des théories explicatives du phénomène et de la revue critique de la littérature.

3.1. Définition des concepts clés

3.1.1. Contraintes

Dans le cadre de cette recherche, nous entendons par contraintes, l'ensemble des difficultés, des obstacles, des problèmes rencontrés et vécus par les acteurs dans le cadre de l'application des programmes de formation des futurs enseignants. En d'autres termes, c'est tout ce qui entrave l'introduction des programmes selon l'APC dans la formation donnée dans les écoles normales.

3.1.2. Mise en oeuvre

La mise en oeuvre d'un programme de formation fait référence à l'implantation de ce programme. Une fois le programme développé sur le plan théorique, il s'agit de le mettre en application. L'étape d'implantation du programme a pour but de « vérifier si les divers éléments définissant le programme (buts, objectifs spécifiques, contenu, moyens didactiques, activités d'apprentissage et procédés d'évaluation) sont mis en application selon le devis du programme ». (NADEAU M. A. , op. cit. , p.221)

Dans le même sens, pour LEBRUN N. et BERTHELOT S. (1994)7, implanter un programme, « c'est non seulement l'introduire dans un milieu de formation, mais s'assurer qu'il pourra s'établir et se développer de façon durable ».

En parlant de la mise en oeuvre des programmes de formation selon l'APC, nous visons leur implantation, leur introduction et les conditions de leur développement dans le milieu de formation des élèves-maîtres.

3.1.3. APC

L'Approche Par Compétence (APC) est une approche pédagogique qui tire ses fondements théoriques du constructivisme et du socio-constructivisme et place la compétence au coeur de ses démarches. Son application a commencé dans l'enseignement technique et professionnel puis dans l'enseignement général suite aux multiples pressions du monde du travail.

7 LEBRUN N., BERTHELOT S. (1994). Plan pédagogique, une démarche systématique de planification de l'enseignement, De Boeck Université, p. 259

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Actuellement, dans le monde de l'éducation, la notion même d'« approche par compétences » est loin d'être entièrement stabilisée. Elle est comprise de plusieurs manières différentes, et est traduite à travers un certain nombre de variantes dans les curriculums.

Parmi ces variantes, on peut citer l'approche par compétences de base appelée aussi pédagogie de l'intégration qui relève de la tendance belge, développée surtout par ROEGIERS X. et DE KETELE J.M.

Il y a également une autre tendance qui privilégie l'approche par les compétences transversales et les compétences disciplinaires.

Une troisième variante privilégie carrément l'entrée par les situations d'où son appellation d'approche située ou Approche Par les Situations (APS). Cette tendance est développée par JOENNART Ph. et certains chercheurs canadiens.

Les programmes actuellement en expérimentation dans les écoles normales s'inspirent plus de l'approche par compétence de base (pédagogie de l'intégration) que des deux autres tendances.

3.1.4. Compétence

D'un point de vue historique, le concept de compétence, cet attracteur étrange dont parlait LE BOTERF (1994), à émergé au 19e siècle durant la période de la révolution industrielle et s'employait dans le domaine économique notamment dans le monde du travail industriel. Progressivement, elle a gagné le monde de l'éducation et a impulsé les nombreuses réformes basées sur l'Approche Par Compétences (APC).

Trouver une définition claire et complète de la compétence relève d'un exercice difficile tant le mot se prête à de multiples usages et fait l'objet d'une variété d'approches se situant dans une diversité de champs disciplinaires (Sociologie, psychologie, économie ; linguistique, philosophie, etc.).

Cependant, nous tenterons d'en dégager le sens le plus courant en fonction des auteurs auxquels nous nous référerons et nous finirons par donner la définition retenue dans le cadre de la mise en oeuvre des programmes selon l'APC dans les ENI.

Pour JONNAERT Ph., ETTAYEBI M., DEFISE R. (2009)8, plusieurs éléments constitutifs se dégagent de façon constante de l'analyse de la littérature relative à cette notion :

8 JONNAERT P., ETTAYEBI M., DEFISE R. (2009). Curriculum et compétences, un cadre opérationnel, de Boeck, Bruxelles, 2009, p.62

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- une compétence est toujours associée à une situation, à une famille de situations ainsi qu'aux champs d'expériences d'une personne, ou d'un collectif de personnes ;

- le développement d'une compétence repose sur la mobilisation et la coordination par une personne ou un collectif de personnes, d'une diversité de ressources ;

- une compétence n'est construite que dans le cas d'un traitement achevé et socialement acceptable de la situation ;

- une compétence résulte du processus dynamique et constructif du traitement de la situation ; la compétence n'est pas ce processus, le processus est le traitement de la situation par une personne ou par un collectif de personnes ;

- une compétence n'est pas prédictible et ne peut donc être définie à priori ; elle est fonction d'une personne ou d'un collectif de personnes, de leurs propres connaissances, de leur compréhension de la situation, de ce qu'elles imaginent qu'elles peuvent faire dans cette situation.

De ces définitions, il ressort que le développement de toute compétence s'effectue dans une situation ou une famille de situations à travers la mobilisation d'une diversité de ressources.

Pour sa part, PERRENOUD Ph. (2000)9, en abordant la notion de compétence, évoque un certain nombre de caractéristiques à travers lesquelles on peut appréhender cette notion complexe, il s'agit notamment de :

? La mobilisation d'un ensemble de ressources

PERRENOUD Ph. démontre d'abord que la compétence fait appel à la mobilisation d'un ensemble de ressources qui sont :

- les connaissances déclaratives qui décrivent la réalité sous forme de faits, lois, constantes ou régularités ;

- les connaissances procédurales qui décrivent la procédure à suivre pour obtenir tel ou tel résultat ; les connaissances méthodologiques en sont une sous-espèce ;

- les connaissances conditionnelles quant à elles, précisent les conditions de validité des connaissances procédurales ;

- les schèmes qui, selon la conception piagétienne, sont considérés « comme une structure invariante d'une opération ou d'une action, ne condamne pas à une répétition à l'identique mais permet au contraire, au prix d'accommodations

9 PERRENOUD Ph. (2000). Construire des compétences dès l'école, ESF éditeur 1997, 3e édition, p.25

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mineures, de faire face à une variété de situation de même structure » (Cité par PERRENOUD Ph., 2000);

- des savoirs d'expériences ;

- des capacités ;

- des savoirs faire.

PERRENOUD Ph. ajoute : « une compétence présuppose l'existence de ressources mobilisables, mais ne se confond pas avec elles, puisqu'au contraire elle y ajoute en prenant en charge leur mise en synergie en vue d'une action efficace en situation complexe ». Cette conception va également dans le même sens que celle proposée par LE BOTERF (1995) cité par LEGENDRE (2005 :15) : « une compétence ne réside pas dans les ressources (connaissances, capacités...) à mobiliser, mais dans la mobilisation même de ces ressources. (...) Elle n'est pas de l'ordre de la simple application, mais de celui de la construction10 ».

? Les liens à une famille de situations

L'individu fait souvent face à des situations nouvelles qu'il tente de maîtriser en puisant dans ses acquis et ses expériences. Cela suppose que la compétence ne répond pas à une situation unique mais que cette mobilisation permet de faire face à des familles de situations bien déterminées. Ainsi, chaque type de familles de situations appelle à des compétences spécifiques. Par ailleurs, les compétences d'une personne sont fonction des situations qu'elle rencontre le plus souvent.

? Le caractère finalisé

Cette caractéristique évoque la fonction sociale (utilité sociale) de la compétence étant donné que les diverses ressources qui sont mobilisées doivent répondre à un but bien précis et servir l'élève dans la pratique scolaire ou dans la vie de tous les jours, c'est-à-dire en contexte. Le caractère finalisé concerne donc, la question du réinvestissement des connaissances et le sens que les apprentissages ont pour les élèves.

10 In Agence Française de Développement, République du Mali (2010). Étude sur le curriculum de l'enseignement fondamental. Rapport 3. Développement du scénario privilégié, p.15. http://www.education.gov.ml/IMG/pdf/Etude_sur_le_Curriculum_de_l_enseignement_fondamental .pdf Consulté le 30/12/2012

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En plus des trois caractéristiques de la compétence dont parle PERRENOUD Ph., ROGIERS X. (1999)11

? Le caractère souvent disciplinaire

Pour ROGIERS X. (1999), les compétences ne sont pas toujours transversales, elles ont aussi souvent un caractère disciplinaire. Cette caractéristique découle du fait que la compétence est souvent définie à travers une catégorie de situations, correspondant à des problèmes spécifiques liés à la discipline et, dès lors directement issues des exigences de la discipline.

? L'évaluabilité

Même si certains écrits soulignent le caractère complexe de l'évaluation de la compétence, ROGIERS précise que la qualité de l'exécution de la tâche et, la qualité du résultat rendent une compétence évaluable.

Pour sa part, TARDIF J. (2006) conçoit qu' « une compétence est un savoir-agir complexe qui prend appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d'une variété de ressources internes et externes à l'intérieur d'une famille de situations 12».

L'idée de « savoir-agir » donne un caractère très englobant à la compétence et elle évite que cette dernière soit réduite à un ensemble de savoir-faire. L'idée de « mobilisation et de combinaison efficaces » rend chaque compétence indissociable des contextes dans lesquels elle est mise en oeuvre et elle accorde une très grande importance à l'efficacité de la mobilisation et de la combinaison des ressources compte tenu du contexte en question.

Ainsi, pour TARDIF :

- une compétence se développe tout au long de la vie ;

- l'orchestration des ressources (qui incluent non seulement les connaissances mais aussi les attitudes, les valeurs, les approches), compte tenu du contexte, se situe au coeur de la dynamique de la mise en oeuvre de chaque compétence ;

- la détermination des compétences dans un programme correspond toujours à une démarche complexe malgré une définition précise du concept de compétence ;

11 ROGIERS X. (1999). Savoirs, capacités et compétences à l'école : une quête de sens. Forum-pédagogies, pp.24-31. http://www.bief.be/index.php?s=3&rs=17&uid=107. Consulté le 04/9/2012

12 TARDIF J. (2006). L'évaluation des compétences : de la nécessité de documenter un parcours de formation.

pages.usherbrooke.ca/ssf/mois/2006/.../jacques_tardif_competences . Dernière consultation le
24/08/2013

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- toute compétence est évolutive et cette évolution est déterminable par les ressources mobilisées et par la variété des contextes de mobilisation.

Ainsi, dans le cadre de notre étude, la définition de la compétence à laquelle nous nous référons le plus est celle donnée dans les programmes d'études des ENI, qui stipule qu'une compétence est : « un pouvoir d'agir, de réussir et de progresser qui permet de réaliser adéquatement des tâches ou des activités de travail et qui se fonde sur un ensemble organisé de savoirs (connaissances, habiletés de divers domaines, perceptions, attitudes etc.) ». (Programmes d'études des écoles normales, version provisoire, 2008, p. 6).

Toutes les définitions précitées, nous amènent à distinguer plusieurs types de compétences, notamment :

? Compétences transversales ou génériques

Une compétence est dite transversale lorsqu'elle permet d'agir efficacement dans une large variété de situations ayant des composantes disciplinaires et thématiques diverses.

Les compétences transversales sont définies par la capacité de transposer dans différents domaines d'activités un savoir acquis dans un contexte particulier.

A travers les compétences transversales se trouvent privilégiées l'acquisition d'habiletés cognitives de haut niveau, la formation de l'intelligence et l'acquisition des connaissances structurantes permettant d'organiser l'information et d'intégrer de nouveaux savoirs. Elles relèvent à ce titre de la responsabilité collective de l'ensemble des enseignants et non pas uniquement des connaissances propres à une discipline.

Selon PERRENOUD Ph. (2000) : « Les compétences transversales constituent non seulement les démarches fondamentales de la pensée, transférables d'une matière à l'autre, mais englobent également toutes les interactions sociales, cognitives, affectives, culturelles et psychomotrices entre l'apprenant et la réalité qui l'entoure13 ».

La compétence transversale peut être donc, d'ordre intellectuel, communicationnel, méthodologique, personnel ou social.

? Compétences disciplinaires

Les compétences disciplinaires visent dans chaque domaine de formation à assurer l'appropriation du contenu d'une ou de plusieurs disciplines.

13 PERRENOUD P. (2000). op., cit. p.63

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Parmi les compétences disciplinaires, PERRENOUD Ph. (2000)14 distingue des compétences globales, dites d'intégration, « qui rassemblent et organisent un ensemble de savoirs, savoir-faire et savoir être dans leurs dimensions transversales et disciplinaires » et des compétences spécifiques, « à développer dans des situations d'apprentissage pour atteindre, au fil du temps, une plus grande maîtrise des compétences d'intégration ».

? Compétences de vie

Les compétences de vie reflètent les aspects de la vie contemporaine et expriment les attentes sociales et les priorités éducatives. Elles traduisent les défis auxquels les élèves auront à faire face. Elles sont la manifestation des attitudes et des comportements essentiels pour s'adapter à la vie et servent de liens entre apprentissages scolaires et vie quotidienne. Les compétences de vie concernent essentiellement les domaines de la communication, de la santé-nutrition, des activités socio-économiques, du leadership, de la culture de la paix, des droits humains, de la démocratie, de la protection de l'environnement, du genre et de la protection de l'enfant.

? Compétence professionnelle

La notion de compétence professionnelle est présentement au centre des débats qui alimentent la question de la formation professionnelle des enseignants.

BECKERS J. (2007)15 aborde la question du point de vue de l'action et de l'expérience acquise dans l'agir. Elle conçoit que les savoirs professionnels sont des savoirs incorporés dans la pratique et qui s'élaborent grâce à celle-ci ; ce qui implique que la compétence professionnelle ne peut s'enseigner, elle s'acquiert par un accompagnement (SCHON parle de supervision réflexive) avec un enseignant expérimenté qui aide à réfléchir sur les actions problématiques ou réussies.

De ce point de vue, les compétences professionnelles d'un enseignant ne reposent plus uniquement sur la formation professionnelle initiale qui lui confère un titre et une certaine légitimité institutionnelle. C'est dans la pratique quotidienne à l'école et dans les classes que s'acquièrent les vraies compétences.

Il ressort que l'enseignant professionnel est un enseignant efficace dans l'action, qui peut analyser ses pratiques et qui possède les capacités de s'auto-former tout au long de sa carrière.

14 PERRENOUD P. (2000). op. , cit. p.19

15 BECKERS J. (2007). Compétences et identités professionnelles, L'enseignement et autres métiers de l'interaction humaine, Bruxelles, Editions De Boeck Université, p.19

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Selon BOURBAO M. (2004) cité par LY T. (2010)16 , la compétence professionnelle de l'enseignant renvoie au fait de « (...) maîtriser l'ensemble des paramètres qui permettent à un acteur de faire évoluer la situation dans laquelle il se trouve dans un sens qui lui semble favorable ».

Pour sa part, HENSLER, (2004, p.196), cité par BECKERS J. (2007)17, conçoit que pour développer les savoirs professionnels et acquérir de vraies compétences, il importe de mettre les étudiants le plus possible en contact avec des groupes de réflexion, d'innovation ou de recherche auxquels participent des enseignants.

Pour aller dans le sens du développement des compétences professionnelles des futurs enseignants, il importe de les préparer à la complexité du métier en tenant compte non seulement des aspects pédagogiques et didactiques mais aussi en considérant les contextes et les changements qu'ils peuvent subir. Donc, il s'agit avant tout, de valoriser la pratique réflexive.

Les programmes de formation à l'enseignement devraient être conçus davantage selon une logique professionnelle, c'est-à-dire dans la perspective de développer chez les futurs enseignants les compétences nécessaires à l'exercice même de leur travail. La logique disciplinaire ne devrait donc plus être dominante dans le développement des programmes de formation à l'enseignement ayant une visée de professionnalisation. Les programmes d'études des écoles normales au Niger, sont désormais inscrits dans cette logique.

La notion de compétence ne peut pas être discutée sans évoquer celle des ressources, c'est pourquoi il est aussi nécessaire d'éclairer ce concept.

3.1.5. Ressources

Les ressources sont les moyens efficaces et favorables dont dispose un sujet ou un groupe (ou auxquels il peut recourir) pour répondre à des besoins, se sortir d'affaire, ouvrir des nouvelles possibilités, etc.

Dans l'APC, une place de choix est réservée aux ressources éducatives. Il s'agit de tout ce dont peut disposer l'enseignant pour l'aider à organiser et mener à bien les activités d'apprentissage. Ces ressources lui permettent de créer la motivation chez l'apprenant, de rendre l'apprentissage plus intéressant et plus signifiant, de faciliter la pratique correcte des démarches pédagogiques recommandées dans l'approche par compétences.

16 LY T. (2010). Quelles compétences professionnelles pour les enseignants dits « émergents » au Sénégal ? Mémoire de Master recherche 2, Université AIX-MARSEILLE I, p.27

17 BECKERS J. (2007). op. cit, p.23

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Dans le cadre de cette étude, en parlant de ressources, nous visons d'abord les ressources matérielles qui comportent les locaux, le matériel didactique, la somme d'argent investie dans le processus ; il y a aussi les ressources conceptuelles qui comportent les différentes sources du savoir, les bibliothèques, les banques d'informations, les médiathèques ; à cela s'ajoutent les ressources humaines à savoir le personnel enseignant, les experts dans le domaine, les consultants et, les ressources de temps qui permettent la mise en oeuvre même de l'innovation.

3.1.6. Programmes

Les définitions sur le concept de programme sont abondantes dans la littérature qui traite du sujet. Elles varient considérablement selon les individus et l'usage que l'on en fait.

Pour NADEAU M. A. (1988), « Pour des fins administratives, un programme peut être considéré comme un agencement d'objectifs qu'un étudiant doit atteindre pour obtenir une certification18 ».

Cependant, aborder le programme uniquement sous cet angle donne très peu d'indications sur les éléments qui le composent, sur leur agencement et sur les étapes à suivre pour le développer.

Pour tenir compte des liens qui existent entre les éléments d'un programme, certaines définitions mettent l'accent sur son aspect systémique. De ce fait CHEN (2005), cité par LOPEZ L. M. , GRAHAY M. (2009), considère le programme comme : « Un ensemble constitué de trois éléments en interaction dans un environnement bien déterminé. Il s'agit des intrants, du processus et des résultats19 ».

Les intrants incluent les clients, leurs besoins, les objectifs poursuivis et les ressources. Le processus assure la transformation du programme. Les résultats rendent compte du degré de transformation atteint. L'environnement dans lequel évolue le programme se réfère aux normes sociales ; aux structures politiques et économiques, à la législation, aux groupes de pression et aux intérêts sociaux.

Le programme dont il s'agit dans le cadre de cette recherche, est l'ensemble comprenant les buts, les objectifs spécifiques, les ressources, le contenu présenté de façon séquentielle, les moyens didactiques, les activités d'apprentissage et les procédés

18 NADEAU M. A. L'évaluation de programme, théorie et pratique, les presses de l'université de LAVAL, Québec, p.210,

19LOPEZ L. M., GRAHAY M. (2009) . Evaluation en tension : entre la régulation des apprentissages et le pilotage des systèmes, Bruxelles, De Boeck Université, 1re édition, p.115

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d'évaluation. Tous ces éléments reliés entre eux, de façon solidaire, doivent également concourir au développement de compétences au niveau des apprenants.

Il ressort que la mise en oeuvre d'un programme doit nécessairement tenir compte d'un ensemble de décisions dont certaines relèvent du niveau politique et d'autres de l'ingénierie pédagogique.

Pour celles qui relèvent du niveau politique, il y a les décisions concernant les orientations majeures du programme, c'est-à-dire celles qui concernent le choix des buts et des objectifs. Quant aux décisions relevant de l'ingénierie pédagogique, on trouve celles concernant la sélection et l'organisation du contenu, les activités d'apprentissage, les moyens pédagogiques, les méthodes d'enseignement, les moyens d'évaluation, le matériel et le personnel appelé à oeuvrer dans le programme, à savoir les professeurs, le personnel non-enseignant, les étudiants et les administrateurs.

Les grandes orientations et les objectifs poursuivis sont enfin les fondements sur lesquels repose tout programme. Ces deux éléments sont ci-dessous présentés :

? Les orientations du programme

Les orientations du programme sont relatives à la finalité du programme. Ce type d'énoncé doit servir de cadre de référence à la justification du programme en question et de base à l'explicitation de ses buts.

La finalité d'un programme découle des besoins de formation identifiés à travers une analyse approfondie.

? Les objectifs du programme

Les objectifs généraux ou de formation d'un programme d'études traduisent les buts déjà formulés en habiletés intellectuelles, en attitudes ou en habiletés motrices. Ils doivent indiquer ce que les étudiants devraient être capables de démontrer à la fin du programme.

Les objectifs spécifiques quant à eux, doivent transposer les objectifs généraux ou de formation en comportements observables et mesurables. Ces objectifs décrivent ce que l'étudiant doit être capable de faire à la fin du programme, en termes de comportement observable, donc de changements attendus chez l'étudiant à la suite d'activités d'apprentissage.

De ce fait, on distingue les programmes centrés sur les contenus, les programmes centrés sur les objectifs et ceux centrés sur les compétences.

31

? Programmes centrés sur les contenus

Les Programmes centrés sur les contenus tirent leurs fondements des modèles d'enseignement transmissifs inspirés de la pédagogie traditionnelle et privilégiant la méthode magistrale comme mode de transmission des connaissances. A ce niveau, l'entrée se fait essentiellement par les contenus car ce qui est visé, c'est la maîtrise d'une somme de savoirs par l'élève qu'il peut restituer fidèlement. C'est pourquoi l'accent est surtout mis sur l'écoute et la mémorisation. Contrairement aux autres modèles, les savoirs sont abstraits et décontextualisés et le contenu ne présente pas tellement de sens pour les élèves. Dans la salle de classe, ces derniers participent peu, réagissent peu. En somme, ils sont passifs et soumis. L'objectif de l'enseignant, est de finir le programme dans le délai imparti, sans un réel souci de participation des apprenants dans la construction du savoir.

? Programmes centrés sur les objectifs

Ces programmes ont connu leur succès du béhaviorisme. L'enseignement est exclusivement centré sur les connaissances, les comportements et les attitudes à maîtriser. Leurs caractéristiques essentielles résident dans le fait que ce sont des programmes qui valorisent les connaissances isolées, parcellisées. L'accent est mis sur la mémorisation et l'accumulation de connaissances par les élèves.

Dans le domaine de l'évaluation TARDIF J. (2006)20, précise que les programmes par objectifs incitent les formatrices et les formateurs à concevoir l'évaluation comme une série d'additions, de photos que l'on juxtapose les unes aux autres. On est donc ici dans la logique de l'évaluation de type photographique contrairement à l'évaluation de type vidéographique qui est globale et dynamique.

? Programmes centrés sur les compétences

Les programmes formulés par compétences tirent leurs fondements théoriques du constructivisme et du socio-constructivisme et se basent sur une démarche pédagogique appelée Approche Par Compétences (APC), d'où l'appellation de programmes selon l'APC. Actuellement, ils sont en application dans les systèmes éducatifs de plusieurs pays dans l'espoir d'apporter des réponses aux défis que les programmes basés sur les objectifs n'ont

20 TARDIF J. (2006). L'évaluation des compétences : de la nécessité de documenter un parcours de formation.

pages.usherbrooke.ca/ssf/mois/2006/.../jacques_tardif_competences .(Dernière consultation le
24/08/2013)

pas pu surmonter : sens des apprentissages, transfert des connaissances dans des situations de vie réelle et échec scolaire, tels sont les défis qu'ils veulent surmonter.

Les programmes par compétences invitent à la construction croissante et autonome du savoir à travers des tâches globales de complexité croissante ; au dynamisme de l'apprenant, ce qui entraîne une diminution des exposés théoriques ; à la mise en relation avec les connaissances déjà acquises ; à l'adoption d'une méthodologie visant la responsabilisation et la métacognition et enfin à l'autoévaluation et l'évaluation formative fréquentes à partir de stratégies dynamiques.

Comme le note TARDIF J. (1996) cité par PERRENOUD Ph. (2000), « dans tout programme axé sur le développement de compétences, ces dernières ont un pouvoir de gérance sur les connaissances disciplinaires. La compétence reste et demeure alors le maître d'oeuvre dans la planification et l'organisation de la formation axée sur le développement des compétences 21».

PERRENOUD Ph. (Op. cit., p.45) souligne qu'une telle approche conduit en effet à considérer les savoirs comme des outils à mobiliser au gré des besoins, à travailler régulièrement par situations-problèmes, à négocier et conduire des projets avec les élèves, à adopter une planification souple et indicative, à improviser, à mettre en place et expliciter un nouveau contrat didactique, à pratiquer une évaluation formative, à aller vers un moindre cloisonnement disciplinaire. On comprend alors l'importance de l'interdisciplinarité dans le cadre de la mise en oeuvre de ces programmes.

32

21 PERRENOUD Ph. (2000). Construire des compétences dès l'école, ESF éditeur 1997, 3e édition, p.45

33

DRAELANTS H. (2009) présente les principales caractéristiques du paradigme de l'apprentissage et du paradigme traditionnel de la transmission des connaissances.

Tableau n°2 : Principales caractéristiques des paradigmes d'apprentissage et d'enseignement

Eléments

Paradigme d'apprentissage
(Paradigme de transaction)

Paradigme d'enseignement (Paradigme transmission)

Conception de l'enseignement

- développement de

compétences

- réponse à des questions
complexes

- création et relation

- Acquisition des

connaissances

- Développement
d'automatisme

- Mémorisation

Conception de l'apprentissage

- construction de

connaissances

- intégration des

connaissances dans des schémas cognitifs

- recherche de réponses à un
questionnement personnel

- accumulation

d'informations

- accumulation de
connaissances

- réponses aux questions de
l'enseignant

Activités de classe

- à partir de l'élève

- à partir de projets, de

recherche ou de situations problématiques

- relations interactives

- à partir de l'enseignant

- fréquence élevée

d'activités d'exercisation

- relation didactique

Preuve de réussite

- transférabilité des

apprentissages

- la quantité d'informations

retenues ou de

connaissances acquises

Modes

d'évaluation

- en référence aux

compétences développées

- évaluation authentique
(tâches intégratrices, portfolio)

- en référence aux

connaissances

- tests exigeants des
réponses brèves

Orientation des rôles de

l'enseignant

- médiateur, guide,

animateur

- expert, parfois apprenant

- toujours un transmetteur

d'information

- toujours un expert

Orientation des rôles de l'élève

- un constructeur actif

- un collaborateur

- parfois un expert

- Un récepteur plus ou

moins passif

- Un apprenant en situation
d'interpellation

Attitudes et relation attendues de la part des élèves

- collaboration

- relation d'interdépendance

- individualisme

- relation de compétition

Source : DRAELANTS H. (2009). Réforme pédagogique et légitimation. Le cas d'une politique de lutte contre le redoublement, Bruxelles, Editions De Boeck Université, p.123

34

Citant MAROY C. (2004), DRAELANTS H (2009)22 conçoit que « La norme pédagogique à travers le paradigme de l'apprentissage se caractérise principalement par une théorie de l'apprentissage socio-constructiviste, par une pédagogie active, organisée en cycle et différenciée, ainsi que par un mode d'élaboration des programmes selon l'APC». A ce niveau, la professionnalité enseignante est celle qui insiste sur l'apprentissage, le travail collectif, la réflexivité. C'est à ce paradigme que se réfère donc, la formation donnée dans les écoles normales à travers les nouveaux programmes.

Par contre, le paradigme d'enseignement, c'est-à-dire celui de la transmission se caractérise par une pédagogie frontale, indifférenciée, centrée sur les savoirs et les connaissances et organisée en années.

3.1.7. Innovation

A l'instar de plusieurs concepts dans le monde de l'éducation et de la formation, celui d'innovation donne lieu aussi à une multitude de définitions.

L'innovation est d'abord vue sous l'angle d'un changement mais un changement à la fois volontaire et planifié, capable d'apporter une plus grande efficacité dans l'atteinte des objectifs. Selon LEBRUN N., BERTHELOT S. (1994)23 Citant Gagnon, (1977), « l'innovation implique donc la recherche d'un but adapté au contexte ».

Ainsi, on ne peut qualifier d'innovation le simple fait d'utiliser un appareil plutôt qu'un autre. Sans la volonté et le souci d'apporter des améliorations pédagogiques efficaces, cela constitue simplement un changement. Elle se présente de ce fait, sous la forme d'une transformation apportée intentionnellement et systématiquement à un système éducatif, en vue de réviser les objectifs de ce système ou de mieux atteindre et de façon plus durable les objectifs qui lui sont déjà assignés.

Dans le dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation24, c'est avec l'économiste SCHUMPETER, dans les années 1930, que le mot innovation prend son sens dans les démocraties occidentales. En général, l'innovation est définie comme l'introduction d'un nouveau dans un système existant, en vue d'une amélioration et dans une perspective de

22 DRAELANTS H. (2009). Réforme pédagogique et légitimation, Le cas d'une politique de lutte contre le redoublement, Bruxelles, Editions De Boeck Université, p.122

23 LEBRUN N., BERTHELOT S. (1994). Plan pédagogique, une démarche systématique de planification de l'enseignement, De Boeck Université, p.261

24 CHAMPY P. et ETEVE Ch. (1998). Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation, 2e édition, Paris, Nathan, pp. 546-550

35

diffusion. Dans cette perspective, l'innovation est donc toujours contextualisée et se distingue en cela de l'invention ou de la découverte.

S'agissant de l'introduction de ce nouveau et de son type de diffusion, celle-ci peut être imposée par la hiérarchie (Innovation venue d'en haut ou du centre. A ce niveau, on parle spécifiquement de réforme) ou émergée de la base, des acteurs eux-mêmes (innovation venue de la périphérie ou innovation spontanée).

Elle peut aussi être contrôlée par un organisme reconnu pour son caractère politique et/ou scientifique qui impulse, accompagne et évalue les effets.

Eu égard à ce qui vient d'être dit, l'introduction des programmes selon l'APC dans les ENI est une innovation car, c'est un élément nouveau qui vient s'insérer dans un système déjà existant. Sur la base des objectifs clairs et précis, cette intervention sur les programmes des écoles normales vise à apporter une amélioration à une situation jugée peu satisfaisante. Mais pour le cas présent, on peut parler d'une innovation qui est venue d'en-haut, c'est-à-dire de la hiérarchie. Donc, il s'agit d'une réforme.

En plus, l'analyse de ce processus nécessite le rappel de certaines des grandes théories de l'enseignement-apprentissage qui constituent aussi les fondements sur lesquels reposent les programmes de formation élaborés et mis en oeuvre dans les institutions éducatives.

3.2. Analyse des théories explicatives

3.2.1. Le béhaviorisme

Appelé aussi comportementalisme, le béhaviorisme est un courant psychologique né au XXe siècle, théorisé et défendu par des auteurs comme WATSON (1925) et SKINNER (1904-1990). Cette théorie estime fondamentalement que les phénomènes mentaux, parce qu'internes, ne peuvent être directement soumis à la preuve scientifique et que seuls les comportements observables sont des données fiables permettant la découverte de principes, de règles et de lois de comportement humain. Cela a amené les béhavioristes à privilégier les produits d'activités humaines comme objet d'analyse. Pour eux : « Puisque ce ne sont que les comportements qui sont observables avec fiabilité, il est donc préférable d'examiner le produit et non les stratégies qui conduisent à un tel produit 25». C'est d'ailleurs sur ces principes que se fonde la théorie de la boîte noire où on se préoccupe plus du résultat obtenu que du processus se passant dans cette boîte conduisant à ce résultat.

25 TARDIF J. (1997). Pour un enseignement stratégique, l'apport de la psychologie cognitive, les éditions logiques, p.63

36

Vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, les modèles béhavioristes ont eu une influence remarquable sur le processus d'élaboration et de mise en oeuvre des programmes scolaires. Cela s'est traduit par l'élaboration de programmes et de contenus d'enseignement en termes d'objectifs spécifiques et généraux correspondant aux connaissances et habiletés à enseigner pour faire l'objet d'une évaluation à la fin de l'apprentissage.

Les deux principaux modèles béhavioristes qui ont exercé cette influence sur les programmes et les pratiques pédagogiques sont la pédagogie de la maîtrise (PM) et la pédagogie par objectifs (PPO).

La première (PM) est une stratégie pédagogique, développée par BLOOM B. (1968) à partir des travaux de CARROLL J. (1963) et reposait sur l'idée que tout élève peut maîtriser les matières enseignées jusqu'à la fin de sa scolarité, une fois que les conditions appropriées sont réunies. De ce fait, les différences individuelles constatées dans l'apprentissage ne sont attribuables qu'aux variables environnementales et non à des facteurs inhérents aux apprenants.

La deuxième (PPO), issue du premier modèle fait de la définition et de l'opérationnalisation des objectifs sa caractéristique essentielle. Dans ce sens, la notion d'objectifs sert à établir un lien explicite entre les activités de l'enseignant et les changements attendus chez les apprenants. La centration des enseignements sur ces derniers, comme le recommande cette pédagogie, permet donc à l'enseignant de découvrir les lacunes propres à chacun d'eux afin de recourir aux principes de la pédagogie différenciée.

Au regard de notre sujet, la théorie béhavioriste présente peu d'intérêt compte tenu de ses faiblesses à concilier à la fois une vision professionnelle de l'enseignement, une pratique réflexive de l'enseignant basée sur la valorisation du contexte et du milieu des apprenants.

Toutes ces insuffisances ont fait que dans de nombreux systèmes éducatifs, les modèles d'enseignement inspirés du béhaviorisme sont en train d'être abandonnés au profit d'autres.

3.2.2. Le cognitivisme

En général, la psychologie cognitive est d'un apport considérable pour la compréhension des processus de traitement de l'information chez l'être humain. Pour TARDIF J. (1997)26, elle « est axée sur l'analyse, la compréhension et la reproduction des

26 TARDIF J. (1997). Pour un enseignement stratégique, l'apport de la psychologie cognitive, les éditions logiques, p.28

37

processus de traitement de l'information. Elle tente de préciser et de décrire comment les humains perçoivent, comment ils dirigent leur attention, comment ils gèrent leur interaction avec l'environnement, comment ils apprennent, comment ils comprennent, comment ils parviennent à réutiliser l'information qu'ils ont intégrée en mémoire à long terme, comment ils transfèrent leurs connaissances d'une situation à une autre ».

De façon précise, dans l'APC, la psychologie cognitive peut aider dans la clarification de certains aspects notamment la question de l'intégration et du transfert des connaissances chez l'apprenant. En plus, les données issues de la psychologie cognitive permettent aux enseignants de comprendre les mécanismes à travers lesquels l'élève construit, acquiert, intègre, et réutilise les connaissances. Sur la base de ces informations, ils pourront planifier en conséquence les actions pédagogiques et didactiques les plus susceptibles de faciliter l'enseignement-apprentissage.

Selon TARDIF J. (1997)27, concevoir l'apprentissage selon une perspective cognitive, revient à mettre l'accent sur le rôle actif de l'élève, à valoriser ses connaissances antérieures, ses stratégies cognitives et métacognitives. Par métacognition, on entend, les moments ou les occasions où l'élève exerce un retour réflexif sur son activité cognitive pour la réexaminer, en dégager les caractéristiques et construire consciemment sa pensée. Elle correspond donc aux moments où les élèves s'interrogent sur leurs stratégies d'apprentissage afin de pouvoir surmonter les difficultés rencontrées.

Dans ce processus, les connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles sont également en jeux.

Toutefois, à travers la théorie cognitiviste, l'enseignement-apprentissage est conçu de façon linéaire et les interactions sociales sont peu présentes dans ce processus, ce qui constitue autant d'insuffisances qui font que, tout comme pour le béhaviorisme, nous nous intéresserons moins à cette théorie dans nos investigations.

3.2.3. Le constructivisme

Le constructivisme est un courant théorique né au XXe siècle pour corriger les insuffisances du béhaviorisme qui limitait l'apprentissage à la simple association stimulus-réponses.

Les figures marquantes de ce mouvement théorique furent PIAGET J. (1896-1980), psychologue Suisse, à travers ses travaux sur la génétique et le processus de développement intellectuel de l'enfant et BRUNER J. (1966), psychologue américain, défenseur de

27 Ibid., p. 34

38

l'approche interactionniste. La contribution de BACHELARD G. n'est pas non plus, négligeable car selon MIGNE (1994)28 cité par JONNAERT Ph. et MASCIOTRA D. (2004), c'est d'ailleurs à lui que la pédagogie a emprunté le concept d'obstacle épistémologique.

L'idée de base du constructivisme est que le savoir est le résultat d'une démarche de construction intellectuelle, d'un effort personnel, ce qui conduit nécessairement à accorder un rôle important aux connaissances antérieures des élèves et aux représentations qu'ils se sont construites sur la base de leurs expériences.

La conception de l'apprentissage chez PIAGET est biologique, ce qui l'amène à soutenir que la capacité d'apprendre est intimement liée au développement de l'enfant à travers les différents stades successifs. Il fonde ainsi sa conception du constructivisme sur les points suivants :

- l'apprenant construit ses connaissances par son action propre ;

- le développement intellectuel est un processus interne et autonome, peu sensible aux effets externes, en particulier ceux de l'enseignant ;

- ce développement est universel et se réalise par étapes successives ;

- lorsqu'un individu parvient à un niveau de fonctionnement logique, il peut raisonner logiquement quel que soit le contenu du savoir ;

- l'apprenant ne peut assimiler des connaissances nouvelles que s'il dispose des structures mentales qui le permettent.

C'est ce dernier point qui illustre parfaitement que pour l'auteur, l'apprentissage est inséparable du développement de l'enfant. Pour lui, dans le processus d'apprentissage, l'enfant rentre non seulement en contact avec les connaissances, mais également organise et structure son monde en s'adaptant à lui. Cette capacité d'adaptation dont fait preuve l'apprenant se fonde sur trois processus d'interaction de l'individu avec son milieu, à savoir l'assimilation, l'accommodation et l'équilibration.

? L'assimilation

Il y a assimilation lorsque l'individu qui interagit avec son milieu ou qui fait face à un problème dans le cadre de l'apprentissage intègre à ses connaissances antérieures les nouvelles connaissances acquises. C'est le processus par lequel l'apprenant tire de son environnement des données nouvelles pour les intégrer à ses structures mentales existantes. De ce fait, on peut parler de l'action du sujet sur l'environnement.

28 JONNAERT Ph. et MASCIOTRA D. (2004). op. cit. , p. 70

39

? L'accommodation

Quant à l'accommodation, c'est le processus par lequel l'individu s'adapte à des situations nouvelles ; ce qui entraîne des modifications au niveau des cadres mentaux du sujet apprenant. Contrairement à l'assimilation, l'accommodation se présente comme l'effet inverse, c'est-à-dire, l'action de l'environnement sur le sujet, en l'amenant à modifier et à réorganiser ses vues, ses idées et ses conduites.

? L'équilibration

Le troisième processus, l'équilibration ou l'autorégulation selon PIAGET est le processus de la recherche d'un équilibre entre l'assimilation et l'accommodation. Cet équilibre concerne le rapport entre l'individu et la connaissance mais également entre l'individu et l'environnement. L'objectif ultime de ce processus est de trouver le meilleur équilibre qui peut être profitable pour l'apprenant.

BRUNER J., pour sa part a aussi été d'un apport immense pour le constructivisme en introduisant la notion de sens dans l'apprentissage. Pour lui, l'individu qui apprend construit en même temps du sens à travers ce processus. De ce fait, les nouvelles connaissances qu'il acquiert sont toujours en relation avec les anciennes qui existent déjà et qui contribuent à donner aux nouvelles leur sens. Les principes sur lesquels se fonde sa démarche sont :

- la connaissance est activement construite par l'apprenant et non passivement reçue de l'environnement ;

- l'apprentissage est un processus d'adaptation qui s'appuie sur l'expérience qu'on a du monde et qui est en constante modification.

Dans le cadre des réformes curriculaires, les approches constructivistes de la connaissance, ont apporté des changements importants dans les finalités de l'école et les orientations pédagogiques dans la mise en oeuvre des programmes d'études.

Seulement, l'insuffisance majeure de cette approche théorique est d'avoir négligé la dimension sociale (environnement social, interactions sociales, collaboration, etc.) dans le processus d'enseignement-apprentissage, ce qui nous amène à nous intéresser à d'autres théories.

3.2.4. Le socio-constructivisme

Né du constructivisme et de l'approche sociale cognitive développée par ROTTER J. B. (1916-2014) et BANDURA A. (1986), le socio-constructivisme tente de combler les insuffisances attribuées aux théories béhavioriste et constructiviste.

40

Le socio-constructivisme est une théorie qui privilégie les approches qui tiennent compte des interactions, des échanges, des co-élaborations dans les activités d'apprentissage. Cette vision implique la prise en compte dans l'apprentissage non seulement de ce que l'apprenant pense mais aussi de ce que les autres pensent, du milieu social et du contexte culturel.

La démarche socio-constructiviste tient compte de trois éléments fondamentaux qui sont :

- la dimension constructiviste qui fait référence au sujet qui apprend : l'apprenant ;

- la dimension socio qui fait référence aux partenaires en présence : les autres étudiants et l'enseignant ;

- la dimension interactive qui fait référence au milieu : les situations et l'objet d'apprentissage organisé à l'intérieur de ces situations. L'objet de l'apprentissage proposé est le contenu d'enseignement.

La figure centrale de la théorie constructiviste fut VYGOSTKY (1896-1934). Dans sa conception de l'apprentissage, il privilégie les aspects socio-culturels contrairement à Piaget qui valorise les aspects biologiques.

Pour PIAGET, l'apprentissage suit le développement, c'est-à-dire, c'est le développement cognitif de la personne qui est la condition sine qua non de l'apprentissage alors que pour VYGOSTKY, c'est l'apprentissage qui conditionne le développement cognitif sous l'influence des interactions sociales. VYGOSTKY conçoit alors, qu'apprendre, c'est construire soi-même ses connaissances en passant nécessairement par une phase d'interactions sociales. De ce fait, l'enseignement devient alors prioritaire pour permettre le développement de la personne.

On doit en plus à VYGOTSKY, cité par BECKERS J. (2007) 29 la notion de zone proximale de développement (ZPD) qu'il définit comme : « L'écart entre ce que l'individu est en mesure de réaliser intellectuellement seul à un moment de son parcours et ce qu'il serait en mesure de réaliser avec la médiation d'autrui ». Pour cet auteur, les interactions ont un effet structurant en entraînant l'apprenant à réorganiser ses connaissances antérieures afin d'intégrer les nouveaux éléments apportés par la situation.

Pour leur part, DOISE, MUGNY et PERRET-CLERMONT (in JOHSUA & DUPIN, 1993), principaux défenseurs de la perspective européenne du socio-constructivisme, introduisirent quant à eux, la notion du conflit socio-cognitif auquel l'apprenant se trouve être confronté lorsqu'il est en face d'une situation d'apprentissage ou dans le cadre des

29 BECKERS J. (2007). Compétences et identités professionnelles, L'enseignement et autres métiers de l'interaction humaine, Bruxelles, op. cit. p.110

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interactions avec les autres apprenants. A travers ce processus d'interaction soutenu par les échanges, le dialogue et les points de vue divergents, l'apprenant arrive à un dépassement de son point de vue initial, ce qui favorise alors selon ces auteurs le progrès cognitif. (Cité par KOZANITIS A. (2005). Echelle des façons d'apprendre et d'enseigner à l'intérieur de

l'épistémologie constructiviste de l'enseignement.
http://www.polymtl.ca/bap/docs/documents/historique_approche_enseignement.pdf. Consulté, le 25/09/2012).

Dans le cadre de l'élaboration et de la mise en oeuvre des programmes d'études et des approches pédagogiques, le socio-constructivisme a apporté un changement majeur dans les rôles des acteurs, en incitant ces derniers à aller vers plus de collaboration. En plus, au plan pédagogique et didactique, l'enseignant, tout en favorisant les situations d'interaction, doit veiller sur les productions des élèves et les guider davantage pour que ces productions soient meilleures. C'est dans ce sens qu'il pourra permettre à l'élève de réussir en collaboration ce qu'il sera en mesure de faire demain tout seul (en lien avec la notion zone proximale de développement). L'enseignant doit aussi stimuler les activités sans se substituer aux élèves, ce qui implique forcément l'amélioration des conditions d'apprentissage. Enfin, un autre mérite du socio-constructivisme est surtout d'avoir engendré le travail coopérant et introduit une variété de méthodes et techniques pédagogiques qui sont le travail en groupe, le tutorat entre élèves, le projet, etc.

Tous ces mérites ont fait que, c'est ce modèle que le Niger a retenu comme fondement des programmes selon l'APC actuellement mis en oeuvre dans les ENI, ce qui nous amène aussi à accorder un intérêt à cette théorie dans notre travail d'investigation sur le terrain.

En plus, dans le cadre de cette recherche, une autre théorie a retenu notre attention, il s'agit de la théorie systémique développée ci-dessous.

3.2.5. Théorie systémique du processus de mise en oeuvre d'une innovation

A travers leur modèle pédagogique pour le développement des compétences s'inspirant de l'approche systémique, TARDIF J. et al. (1992)30, rappelèrent que le paradigme systémique est une approche générale caractérisée par trois principes :

- le principe de finalité : pour comprendre un système, il faut d'abord en saisir le but ou la fonction ;

30 TARDIF, J. et al. (1992). Le développement des compétences : cadres conceptuels pour l'enseignement

professionnel, dan -19.
www.erudit.org/revue/rse/2010/v36/n1/043992ar.html, (consulté le 01/01/2013)

42

- le principe de globalité : pour connaître un tout, la connaissance des relations entre les parties est plus importante que la connaissance des parties ;

- le principe de pertinence : pour aborder un système complexe, il est nécessaire de mettre l'accent sur les aspects les plus essentiels du système. Ce principe s'oppose au principe d'exhaustivité de l'approche mécaniste.

En adoptant cette perspective systémique pour la mise en oeuvre d'un programme de formation basé sur l'APC, le principe de finalité renvoie aux orientations du programme et à la fonction qu'il remplit pour l'atteinte des finalités, des buts poursuivis au niveau du système éducatif dans son ensemble.

En plus, ce processus implique également la mise en synergie d'un ensemble organisé d'éléments destinés (manuels, matériel didactique, formation, infrastructures, évaluation, etc.) à favoriser l'apprentissage en vue de l'atteinte des résultats escomptés. Cela renvoie au principe de globalité.

Enfin, dans la mise en oeuvre d'une innovation, il est plus pertinent de mettre l'accent sur certains éléments essentiels qui peuvent favoriser ou contrarier l'atteinte des objectifs poursuivis. A ce niveau, nous pouvons parler du principe de pertinence.

En nous référant à LEBRUN N., BERTHELOT S. (1994) 31 citant BHOLA (1982), quatre éléments sont essentiels dans ce processus :

- les intervenants ;

- les liens de communication ;

- les ressources disponibles ;

- la mesure et l'évaluation du processus.

Ces éléments ne sont pas isolés les uns des autres. Ils entretiennent des relations d'interaction dans le cadre de ce processus.

? Les intervenants

Les intervenants correspondent aux éléments des différents systèmes en interaction. Dans notre cas, il s'agit du Ministère de tutelle, des écoles normales, des écoles primaires, des encadreurs, des enseignants, des élèves, des syndicats, des associations des parents d'élèves, des partenaires, etc.

Chacun de ces intervenants est caractérisé par des opinions et des positions différentes et tente de ce fait d'influencer les autres intervenants par le leadership qu'il peut avoir.

31 LEBRUN L. et BERTHELOT S. (1994). Plan pédagogique, une démarche systématique de planification de l'enseignement, De Boeck Université, 298 p.

43

? Les liens de communication

Dans tout processus d'innovation, il y a des liens, des réseaux de communication formels et informels qui s'établissent. Et à chaque instant, ces différents liens exercent des influences importantes sur le processus en question.

Le manque d'informations, le retard dans la transmission des messages ou leur altération, les directives contradictoires sont autant des contraintes qui peuvent entraver le processus.

? Les ressources disponibles

La bonne réussite d'un processus de mise en oeuvre est fonction de la quantité et de la qualité des ressources disponibles. Comme ressources, nous pouvons citer les ressources humaines, matérielles, financières, etc.

Le temps est aussi important car c'est lui qui permet de venir à bout des différentes résistances qui peuvent se manifester tout au long du processus de mise en oeuvre.

Ainsi, pour le cas de notre étude, il s'agit non seulement de savoir de quelles ressources disposent les ENI, mais également, si elles permettent une bonne mise en oeuvre de la réforme.

? La mesure et l'évaluation du processus

La mesure et l'évaluation permettent de disposer d'informations de qualité qui concernent les facteurs influençant le processus.

Il existe plusieurs outils, dont le guide d'entretien et le questionnaire par exemple, qui permettent de recueillir des informations sur plusieurs aspects du système, à savoir :

- la perception des intervenants face au contexte actuel et à l'implantation proposée ;

- la capacité de travailler en groupe ;

- la capacité de leadership des individus et des groupes ;

- l'attitude relative au processus d'implantation ;

- la qualité de la communication.

A ce niveau, il s'agit de chercher à comprendre si l'innovation actuellement en cours dans les ENI a fait l'objet d'une évaluation pour recueillir des informations et des indicateurs pouvant aider à réorienter la mise en oeuvre dans la bonne direction ou à l'abandonner si elle n'est pas efficiente.

Au regard de ce qui précède, la théorie systémique a un avantage important qui est celui de mettre en lumière les liens essentiels entre les différents éléments et la contribution de chacun pour le fonctionnement harmonieux de l'ensemble. Pour ce mérite, notre investigation est effectuée sur la base de cette théorie.

44

En résumé, nous présentons dans le tableau suivant les principaux courants théoriques de l'enseignement et de l'apprentissage développés dans cette partie, à savoir le béhaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le socio-constructivisme :

Tableau n°3 : Vue synoptique des principaux courants théoriques de l'enseignement et de l'apprentissage

Béhaviorisme

Cognitivisme

Constructivisme

Socio-

constructivisme

Enseigner c'est...

Stimuler, créer et renforcer des comportements observables appropriés.

Présenter l'information de façon structurée, hiérarchique, déductive.

Offrir des situations obstacles qui permettent l'élaboration de représentations adéquates du monde.

Organiser des situations d'apprentissage propices au dialogue en vue de provoquer et de résoudre des conflits socio-cognitifs.

Apprendre c'est...

Associer, par conditionnement, une récompense à une réponse spécifique.

Traiter et emmagasiner de nouvelles informations de façon organisée.

Construire et organiser ses connaissances par son action propre.

Co-construire ses connaissances en confrontant ses représentations à celles d'autrui.

Méthodes pédagogiques appropriées

Programme d'auto- formation assistée par ordinateur

Exposé magistral, résolution de problèmes fermés.

Apprentissage par problèmes ouverts, étude de cas.

Apprentissage par projets, discussions, exercices, travaux.

Source : inspiré de KOZANITIS A. (2005). Echelle des façons d'apprendre et d'enseigner à l'intérieur de l'épistémologie constructiviste de l'enseignement. http://www.polymtl.ca/bap/docs/documents/historique_approche_enseignement.pdf. Consulté le 25/09/2012.

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3.3. Revue critique de la littérature

Ces dernières années, une abondante littérature se constitue progressivement au sujet de la mise en oeuvre des programmes selon l'APC. Ces études, séminaires et colloques scientifiques sont surtout le fait d'organismes indépendants préoccupés d'apporter un éclairage sur la question. Nous présentons ci-dessous les résultats de quelques-unes de ces études en commençant par les plus récentes et en essayant de relier chacune d'elles aux théories explicatives ci-dessus analysées.

3.3.1. JONNAERT, Ph. ; CYR, S. ; CHARLAND, P. ; DEFISE, R. ; SIMBAGOYE, A. (2011). Mise en oeuvre du PDDE 2010-2011. Programmes éducatifs de l'éducation de base 1 et 2, du non-formel et de l'alphabétisation au Niger : des choix curriculaires éclairés. Note de synthèse

Ce document, élaboré avec la collaboration de la Direction des curricula et de l'innovation pédagogique (DCIP) du Ministère de l'enseignement primaire du Niger, est une note de synthèse qui argumente la pertinence des choix curriculaires du Niger en matière de réforme de son Éducation de base 1 et 2, du Non-formel et de l'Alphabétisation.

Le document a d'abord mis l'accent sur la PPO dont l'application au Niger a commencé en 1987-1988. Selon les constats des auteurs, cette approche comporte une série d'insuffisances dont sa décontextualisation et son éloignement des préoccupations quotidiennes des Nigériens d'où un problème d'adaptation aux réalités nigériennes.

Les insuffisances de l'APC sont également analysées. Les auteurs démontrent qu'elle ne permet pas aux élèves de développer de réelles compétences. Pour illustrer cela, ils s'appuient sur la situation difficile des réformes selon l'APC dans les pays d'Afrique de l'Ouest (cf. TEHIO, V. 2010). Ils concluent leur propos en précisant que les différents programmes éducatifs rédigés selon l'APC de DE KETELE J. M. et ROEGIERS X. ne se dégagent pas de la PPO. Non seulement les compétences sont formulées comme des objectifs de premier niveau, c'est-à-dire réduites à un verbe qui exprime une action sur un savoir, mais également ces objectifs sont en outre décontextualisés.

Pour éviter les faiblesses d'une approche par compétences trop proche de la PPO, le Niger vient d'opter pour une autre approche curriculaire qui est l'approche par les situations (APS). Cette approche précise que si les situations sont indispensables, elles ne sont qu'un des moyens mis en place pour que les élèves puissent développer des compétences en traitant ces situations.

Le processus ayant abouti à l'adoption de cette réforme curriculaire a donné lieu à plusieurs activités (ateliers, formations, élaboration de documents curriculaires) des équipes de la

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Direction des curricula et de l'innovation pédagogique (DCIP) du Niger accompagnées par des équipes de la Chaire UNESCO de développement curriculaire (CUDC) de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

L'ensemble de ces travaux et leurs résultats illustrent bien les étapes de l'approche systémique telle que développée au niveau des théories explicatives.

En considérant les situations comme indispensables au développement des compétences des apprenants, cette approche curriculaire se réfère également au constructivisme.

3.3.2. TEHIO, V. (éd.), (2010). Politiques publiques en éducation : l'exemple des réformes curriculaires. Étude sur les réformes curriculaires par l'APC en Afrique. Sèvres : Centre international d'études pédagogiques (CIEP)

Ce document est issu d'un séminaire international autour des réformes menées dans les contextes africains. Il intègre les résultats d'études menées dans cinq pays africains (Cameroun, Gabon, Mali, Sénégal et la Tunisie) sur la même problématique. La synthèse des rapports de ces cinq pays a été élaborée par l'AFD et publiée sous le titre : « Étude sur les réformes curriculaires par l'APC en Afrique ».

A travers leur rapport portant sur la réforme par l'APC au Mali, ALTET M. et FOMBA C.O ont souligné les problèmes majeurs ayant entravé la mise en oeuvre de cette réforme. Ces problèmes tournent, généralement, autour de l'insuffisance de la formation des enseignants, des difficultés de l'application des langues nationales, du manque des manuels édités selon l'APC et de la non-prise en compte de la réforme curriculaire dans la formation initiale des enseignants.

Pour sa part, analysant la situation des pays africains face aux réformes curriculaires (pp.51-57), NDOYE M., a souligné que la plupart des pays n'ont pas été aussi systématiques dans la mise en oeuvre. Les pays qui ont expérimenté ces réformes ont plus concentré leurs efforts sur les objectifs, c'est-à-dire sur l'élaboration des programmes que sur le processus de mise en place de la réforme en tant que tel. Les difficultés ont surtout porté sur le passage de l'expérimentation à la généralisation, ce qui n'a pas permis à ces réformes d'aller jusqu'au bout.

L'auteur conclut en précisant que dans les classes des pays africains cohabitent simultanément trois approches pédagogiques : une transmission des connaissances, une pédagogie par objectifs, une construction des compétences. Dans cette logique, soulignons donc, que la référence théorique se fait également selon les principes de la pédagogie traditionnelle, du béhaviorisme et du constructivisme.

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Toutefois, l'analyse ne nous précise pas si cette situation est-elle caractéristique uniquement des pays africains ou bien, elle est aussi présente dans les pays des autres continents. Si elle ne concerne que l'Afrique, a quoi donc cela est-il lié ? Est-ce l'incapacité de ces pays à mettre en oeuvre les réformes nécessaires pour aboutir aux changements souhaités ou bien, c'est le contexte même de ces pays qui ne s'accommode pas avec des modèles pédagogiques importés ? Que faut-il faire dans ces conditions ? Aller vers des pédagogies mixtes (au risque d'un amalgame au niveau des principes théoriques) ou bien choisir la démarche en fonction de la situation ? A toutes ces questions, l'analyse n'apporte pas assez d'informations. Pour notre part, la réponse est d'abord liée à un diagnostic approfondi des réalités propres à ces pays. Ensuite, en fonction des résultats, choisir les modèles pédagogiques à même de favoriser un enseignement de qualité, tout en se conformant bien sûr aux exigences de la science.

3.3.3. Agence Française de Développement, République du Mali (2010). Étude sur le curriculum de l'enseignement fondamental. Rapport 3. Développement du scénario privilégié

Il s'agit d'une étude menée sous l'égide de l'AFD et de la République du Mali pour faire le diagnostic de la réalité actuelle du curriculum et établir l'état des lieux de sa mise en oeuvre afin de proposer des stratégies pour assurer la réussite de la réforme engagée.

L'étude a souligné plusieurs problèmes qui ont entravé la mise en oeuvre du curriculum de l'enseignement fondamental au Mali.

L'un des premiers constats a révélé un pilotage double de la réforme. Deux structures se partagent la responsabilité de l'élaboration, de la mise à l'essai et de la mise en oeuvre du curriculum : d'une part, le Centre National de l'Education (CNE), chargé de l'élaboration et de la mise à l'essai et de l'autre, la Direction Nationale de l'Education de Base (DNEB), chargée de la mise en oeuvre.

D'autres insuffisances ont été également soulignées notamment l'absence de données sur l'état des lieux des écoles appliquant effectivement le curriculum, le manque de formation des enseignants, la non-maîtrise par les enseignants des langues (langues nationales et langue française), le problème lié au système d'évaluation des apprentissages et la question du suivi et de l'évaluation de la réforme.

Toutefois, nous devons observer que même si l'étude a clairement mentionné les problèmes que la mise en oeuvre du curriculum a suscités, elle n'a pas évoqué les

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conséquences de cette situation sur la qualité de l'éducation, sur les résultats des élèves et sur leur niveau scolaire.

3.3.4. CONFEMEN, assises sur les réformes curriculaires (2010). Pour améliorer la qualité et la pertinence des apprentissages

Les assises sur les réformes curriculaires ténues à Brazzaville au Congo du 5 au 9 juillet 2010, ont analysé les faiblesses de l'implantation du curriculum dans les écoles de plusieurs pays africains.

Parmi les contraintes, il y a tout d'abord la question des effectifs pléthoriques dans les classes, les moyens matériels et les supports didactiques qui sont insuffisants. Toutes ces contraintes ne facilitent pas l'innovation, plus précisément quand il s'agit de mettre en oeuvre les programmes selon l'APC à travers une pédagogie participative où l'élève est acteur dans une démarche socio-constructiviste.

L'étude a aussi mentionné que la formation des concepteurs, des formateurs et des enseignants est incomplète et ne permet pas à ces acteurs de s'approprier la démarche, de la contextualiser, de la relativiser. Ce qui risquerait d'entraîner une simple reproduction des modèles venus d'ailleurs.

D'autres obstacles et non des moindres concernent le rythme rapide des innovations, la dépendance financière et conceptuelle des pays expérimentant la réforme, la faible implication des universités africaines dans le processus d'innovation et la question centrale des langues nationales.

En effet, la question de l'introduction des langues nationales dans le curriculum constitue un défi qui mérite d'être souligné. Cela est lié au contexte des pays africains caractérisé non seulement par une diversité de langues mais aussi par une faible valorisation de celles-ci vis-à-vis des langues étrangères.

Dans beaucoup de pays où les langues nationales ont été introduites dans le curriculum, les résultats ne semblent pas être satisfaisants. Ainsi, la conviction n'était pas ferme au niveau de décideurs et les populations ont été peu sensibilisées sur l'opportunité de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement.

Alors, mal exploitées, les langues nationales risquent de poser plus de défis que d'opportunités pour les systèmes éducatifs des pays africains.

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3.3.5. JONNAERT Ph. (2009). Curriculum et compétences, un cadre opérationnel

Dans l'ouvrage intitulé Curriculum et compétences, un cadre opérationnel, JONNAERT Ph. et al. (2009) analysent les liens qui existent entre le curriculum et les programmes d'études. Ainsi, deux visions sont évoquées : la conception franco-européenne et la conception anglophone.

Les auteurs précisent que la conception franco-européenne assimile programmes d'études et curriculum qui est défini comme l'ensemble des programmes disciplinaires et désigne la programmation des contenus d'enseignement tout au long de la scolarité (REUTER, COHEN-AZRIA, DAUNAY, DELCAMBRE, LAHANIER-REUTER, 2007 : 185). Le curriculum désigne alors « des contenus d'enseignement finalisés, subordonnés à des objectifs transmis méthodiquement ». (DANVERS, 1992 :68)

Dans cette perspective, curriculum et programmes d'études se superposent et traitent prioritairement de savoir, de matières et de disciplines scolaires, de contenus d'apprentissage, de leur programmation, de leur structuration et de leur organisation.

Par contre, la conception anglophone voit autrement le rapport qui existe entre curriculum et programmes d'études. Dans cette deuxième perspective, le curriculum offre une vision d'ensemble planifiée et cohérente des directives pédagogiques qui permettent de gérer les apprentissages en fonction des objectifs poursuivis.

Il apparaît donc clairement que les programmes d'études constituent un élément inclus dans le curriculum et avec lequel il doit fonctionner de façon harmonieuse pour atteindre les résultats escomptés. La finalité étant donc, le développement personnel et l'insertion sociale des apprenants ainsi que leur adhésion à des normes et valeurs.

Partant de cette deuxième conception, le curriculum offre alors une vision systémique telle que nous l'avons développée au niveau des théories explicatives.

Pour ce qui est de la réforme actuellement en cours dans les ENI, c'est la deuxième conception qui est maintenue car, les programmes d'études ne sont pas confondus au curriculum dans son ensemble. Il y a alors le curriculum pour l'ensemble du système éducatif, il est d'ailleurs en refondation et il y a les programmes d'études des différents ordres d'enseignement qui y sont inclus.

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3.3.6. ROEGIERS X. (2008). L'approche par compétences en Afrique francophone : Quelques tendances, Genève

L'objet de l'article écrit par ROEGIERS X., est de faire le point sur les évolutions dans plusieurs pays du continent africain qui ont adopté l'APC au niveau de leurs systèmes éducatifs.

Il précise que depuis quelques années, l'orientation prise par un bon nombre de pays de ce continent, souvent sous l'impulsion de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et, avec l'appui de l'UNICEF et de l'UNESCO, est l'approche par l'intégration des acquis (pédagogie de l'intégration) qui est une variante de l'APC comme nous avons eu à les distinguer au niveau des concepts.

En effet, la pédagogie de l'intégration comporte plusieurs avantages dont entre autres :

- son caractère progressif et en continuité avec l'existant : l'approche par l'intégration des acquis s'appuie sur les pratiques de classe existantes ;

- son caractère inclusif : elle permet de faire figurer dans les curriculums des contenus nouveaux ou des méthodes nouvelles, correspondant à des enjeux de tous types, politiques, sociaux, humanitaires ou économiques ;

- son caractère validé : plusieurs évaluations et études ont prouvé une très bonne adhésion de l'ensemble des acteurs du système éducatif, une amélioration qualitative des résultats des élèves ;

- son caractère simple et accessible à tout système éducatif ;

- son caractère ouvert : elle prête donc particulièrement bien à une logique d'appropriation par les différents systèmes éducatifs engagés dans une perspective de révision des curriculums en termes de compétences.

Il précise en outre que dans les pays (francophones dans leur grande majorité) où l'étude a été menée, la nouvelle approche a permis l'application de la pédagogie différenciée dans les salles de classe et a favorisé la pleine participation des élèves dans le processus d'apprentissage et la diversification des méthodes d'enseignement.

Tous les changements ci-dessus évoqués, mentionnant la pédagogie différentiée, la participation des élèves, la construction des compétences, la confiance réciproque, l'interrelation, sont directement en lien avec les principes des théories constructiviste et socio-constructiviste.

Cependant certains propos évoqués par ROEGIERS X. dans cette analyse méritent qu'on s'y attarde, afin d'apporter quelques observations.

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Il s'agit d'abord du "caractère simple et accessible à tout système éducatif " qui caractérise la pédagogie de l'intégration selon lui. Notons pourtant que plusieurs études relèvent le caractère lourd et très technique du dispositif conceptuel que met en oeuvre cette approche. Il s'agit par exemple de concepts tels que : compétence, capacité, compétence de base, objectif terminal d'intégration (OTI), situation d'intégration, niveau ou palier de compétence, situation d'apprentissage, critères minimaux, critères de perfectionnement, etc.

Ensuite, son étude ne mentionne nulle part des données statistiques qui auraient pu permettre de conclure qu'avec l'APC les élèves apprennent mieux et obtiennent de bons résultats comparativement aux résultats qu'auraient donnés d'autres démarches pédagogiques.

3.3.7. BERNARD J.M. (IREDU), NKENGNE A. P., ROBERT F. (2007) : la relation

entre réformes des programmes scolaires et acquisitions à l'école primaire en Afrique : réalité ou fantasme ? L'exemple de l'approche par compétence

L'étude propose une analyse critique de la mise en place de nouveaux programmes scolaires en Afrique à travers l'exemple de l'approche par les compétences (APC).

Les auteurs constatent que dans de nombreux pays, l'APC est la méthode choisie pour l'élaboration de nouveaux programmes scolaires et elle est présentée comme un facteur déterminant de l'amélioration de la qualité de l'éducation. Cependant, plusieurs difficultés se sont posées dans la mise en oeuvre de cette approche.

Les exemples tirés de l'expérience de la mise en oeuvre de nouveaux programmes selon

l'APC à l'école fondamentale en Mauritanie (évaluation des acquis scolaires en 2e et 5e années de l'enseignement fondamental dans trois disciplines : arabe, français et mathématiques, en 2003-2004) par le Programme d'Analyse des Systèmes Educatifs de la CONFEMEN (PASEC), montrent que les principaux problèmes en matière d'acquisitions se situent d'abord dans l'application effective des programmes dans les salles de classe plutôt que dans leur contenu. Ce qui balaye du coup, l'argument qui impute les mauvais résultats des écoles africaines aux programmes qu'elles appliquent. Pour illustrer cela, les auteurs font recours à une autre évaluation du PASEC réalisée en 2006, où il est ressorti que près de 36,8% en Mauritanie, 30 % au Burkina Faso et en Madagascar et plus de 60 % au Cameroun des écoles de l'échantillon ne disposaient pas de l'ensemble des programmes officiels.

Leur analyse fait également ressortir que L'APC actuellement mise en oeuvre est peu explicite sur la façon de choisir les compétences (Qui choisit les compétences ? Quelles compétences acquérir ? Quelles valeurs promouvoir pour faciliter la relation école-communauté ?). Selon eux, elle propose seulement, pour des compétences supposées connues, de dire comment les faire atteindre par des enfants au moyen de programmes et de méthodes associées.

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En plus, contrairement à ROEGIERS X., ils soutiennent que l'APC, marquée par un enchaînement de concepts (capacité, objectif spécifique, ressources, seuil de maîtrise, objectif intermédiaire, objectif d'intégration, compétence), a des exigences qui ne peuvent qu'alourdir la tâche de l'enseignant dans un contexte pourtant déjà très difficile.

Cependant, les questions relatives au choix des compétences, aux valeurs à promouvoir pour faciliter la relation école-communauté, questions sur lesquelles l'APC ne donne pas assez d'informations selon ces auteurs, relancent davantage le débat. En effet, nous savons que lorsqu'un système éducatif choisi d'appliquer l'APC, cela nécessite un changement global de l'ensemble constitué par les programmes et les méthodes, donc un changement au niveau du curriculum.

L'insuffisance à ce niveau est que les auteurs précités oublient que tout curriculum spécifie d'abord ses assises à travers des finalités et des grandes orientations dans un document intitulé selon JONNAERT Ph. (2009), Cadre d'Orientation Curriculaire (COC). Ce document (COC) présente, sans redondance entre elles, les finalités d'un système éducatif en répondant à trois catégories de questions : quelle formation ? Pour quel citoyen ? Dans quelle société ? Par les réponses à ces questions, le COC propose des grandes orientations éducatives, politiques et pédagogiques.

Nous constatons ainsi que la question des valeurs trouve aisément sa réponse à travers la littérature qui traite de la question.

3.3.8. MEUNIER O. (2006). Variations et diversités éducatives au Niger

Dans l'ouvrage collectif intitulé variations et diversités éducatives au Niger dirigé par MEUNIER O., HALAIS S. à travers une enquête de terrain réalisée en 2006 dans les écoles normales, abordait la question de la formation des enseignants du cycle de base 1.

Son analyse a mis en exergue plusieurs facteurs qui ont entravé la mise en oeuvre des programmes d'études des écoles normales de 2001, tels le manque de formation pédagogique des encadreurs et l'inadéquation de leur profil à leurs missions, l'insuffisance des manuels et l'inadaptation de ces programmes aux réalités du terrain.

Par ailleurs, les écoles annexes devant servir de lieu d'expérimentation de leçons et de stage urbain pour les élèves-maîtres, manquaient aussi de conditions préalables pour assurer cette fonction. Dans certaines d'entre elles, on dénombre plus 100 élèves par classe.

Le personnel enseignant est composé en majorité d'enseignants contractuels qui n'ont pas suffisamment d'expérience et de compétences nécessaires à l'encadrement des élèves-maîtres en stage.

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les programmes d'études des écoles normales de 2001 mis en oeuvre selon les principes du béhaviorisme à travers la PPO, n'ont pas permis d'atteindre l'objectif de la professionnalisation des futurs enseignants.

3.3.9. LEBRUN N., BERTHELOT S. (1994). Plan pédagogique, une démarche systématique de planification de l'enseignement

Tout comme HAVELOCK R. G. et HUBERMAN A. M. (1980), LEBRUN N., BERTHELOT S. (1994), abordent la question de la mise en oeuvre d'une innovation qu'ils considèrent comme un phénomène complexe engageant des personnes, des institutions et des groupes d'intérêts différents. Pour ces auteurs, tout changement même s'il vise l'amélioration d'une situation, amène des manifestations de résistance, d'où la nécessité de comprendre, d'analyser et de contrôler certains facteurs de résistance tels, le conservatisme du système scolaire, le manque de planification du processus, le manque de motivation des principaux agents, la non prise en compte des valeurs culturelles et personnelles des acteurs engagé dans le processus d'implantation.

A travers la conception développée par ces auteurs, il s'agit de tenir compte de l'approche systémique dans la mise en oeuvre d'une innovation. Pour ce faire on doit nécessairement prendre en compte l'environnement, les acteurs, les ressources et les valeurs que défendent ces acteurs.

3.3.10. OCDE, Centre pour la recherche et l'innovation dans l'enseignement (1979). L'élaboration des programmes à partir de l'école

Cet ouvrage titré l'élaboration des programmes à partir de l'école (EPE), évoque la problématique de l'élaboration et de la mise en oeuvre des programmes scolaires notamment à travers la pleine implication et la participation directe des acteurs chargés de mettre en oeuvre l'innovation.

Les auteurs s'intéressent surtout à l'école et à ce qui s'y passe : conception, élaboration et mise en pratique des innovations, surtout par le corps enseignant. Mais également d'autres aspects sont soulignés notamment le rapport que l'école entretient avec un certain nombre d'institutions, du secteur de l'enseignement ou non (Ministère de l'éducation, autorités locales de l'enseignement, syndicats d'enseignants, associations de parents, paris politiques, etc. P.13)

Ils définissent l'EPE comme : « Tout processus qui, à partir d'une activité engagée par l'école ou d'exigences formulées par l'école en matière de programmes, aboutit à une redistribution des pouvoirs, des responsabilités et de contrôle entre les autorités centrales et

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locales de l'enseignement, et par lequel les écoles acquièrent l'autonomie légale et administrative et l'autorité professionnelle leur donnant la possibilité de maîtriser leur propre processus de développement ».( P.13)

L'EPE comporte plusieurs avantages qu'on ne retrouve pas au niveau des programmes élaborés à l'échelon central comme c'est le cas des programmes en cours dans les écoles normales du Niger :

- elle peut s'adapter facilement aux besoins particuliers des écoles et des élèves sur le plan local ;

- il est plus facile de passer du stade de la recherche et du développement à celui de la réalisation quand les deux se situent dans le même environnement ;

- l'enseignement de certaines matières pluridisciplinaires, peut se fonder sur le milieu physique et humain local ;

- elle a plus de chance de motiver le personnel de l'école.

Ce modèle d'élaboration de programmes, en privilégiant plus les besoins, les intérêts des élèves et de l'école elle-même, la motivation du personnel, la participation de tous les acteurs, la nécessité de tenir compte du milieu, se rapproche donc des principes du constructivisme et du socio-constructivisme.

Toutefois, la mise en oeuvre de cette approche des programmes peut poser des problèmes surtout dans les pays où le contrôle politique est étroit et où l'éducation présente peu d'intérêt aux yeux des décideurs et acteurs.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo