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La responsabilité sociale de l'artiste contemporain et la création artistique comme outil de développement économique

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par Edouard Vaudour
EDHEC Business School - Msc Creative Business 2015
  

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Edouard Vaudour

Directeur de mémoire : Florent Machabert Msc Creative Business

La responsabilité sociale de l'artiste contemporain et la création artistique comme outil de développement économique

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Résumé

« Le temps des artistes irresponsables est passé ». Cette formule d'Albert Camus est-elle une prophétie autoréalisatrice ? Depuis lors, les artistes continuent à défier les systèmes et à dépasser les limites des cadres imposés. Mais paradoxalement il semblerait que la responsabilité sociale de l'artiste soit de préserver son rôle de chercheur de vérité et de liberté même si il est à contre-courant des paradigmes existants et en décalage avec son temps, car cette place est légitime. Cette recherche est une source d'innovation et permet de repenser les manières de se comporter et de modéliser la société. Le processus créatif, formidable conception de l'esprit, est source d'innovation. Grâce à son ouverture intrinsèque sur d'autres champs et au fait qu'il ne se limite pas à une discipline, l'art a cette capacité à s'intégrer à des domaines comme l'entreprenariat ou la science. L'homme de l'art, au service de la création, a alors toute sa place dans la Cité en tant que dépositaire de la culture, langage qui relie les hommes entre eux.

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Sommaire

PARTIE 1 : REVUE DE LITTERATURE

Introduction .Ép5

I Les rapports entre les pouvoirs politiques & économiques et l'artiste : entre transgression, acceptation et transfiguration

A. L'artiste engagé, pirate des formes sociales face au pouvoir politique p10

B. Un lien ambigu avec le pouvoir économique et le paradoxe de la notoriété p13

C. Les volontés politiques de ré-intégrer l'artiste au coeur de la cité p16

II L'artiste contemporain face aux nouveaux enjeux

A. Le rapport de l'artiste à la technologie à l'heure du numérique p18

B. La création artistique face à l'engagement civique p20

C. L'artiste comme entrepreneur social p22

III L'interdisciplinarité, la diffusion de l'offre culturelle et l'accès au public

A. Le dialogue interdisciplinaire et les domaines connexes d'application:

renouvellement et enrichissement du sens p24

B. Les formes d'accompagnement culturel et les lieux innovants de création en

France p26

C. L'enjeu de l'élargissement et de l'accès au public .p28

IV Le processus créatif au service du développement économique

A. Le design à l'oeuvre .Ép30

B. La création artistique comme matière première des industries créatives p32

C. La créativité au coeur du business p34

Conclusion p35

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PARTIE 2 : CONTEXTE, HYPOTHESES & METHODOLOGIE

I Contexte p36

II Hypothèses de recherche .p38

III Méthodologie p40
PARTIE 3 : ANALYSE, DISCUSSION & RECOMMANDATIONS

I Analyse p41

II Recommandations .p64

Bibliographie p65

Sources p66

ANNEXES

Annexe 1 p68

Annexe 2 p69

Annexe 3 p70

Interview de Jérôme Delormas p70

Interview de Michel Muckensturm .p81

Interview de Thibault Duchesne de Lamotte p87

Interview de Beth Saccia p94

Interview d'Alexandre Gain p98

Interview de Michèle Broutta p103

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A l'heure où la thématique de Responsabilité Sociale de l'Entreprise est de plus en plus présente dans les mentalités et dans la manière d'appréhender les échanges économiques, où les acteurs du marché ont de plus en plus conscience de l'impact environnemental et social de leur activité et de la nécessité d'une approche plus éthique du business, il convient de s'interroger sur la position de l'artiste face à la notion de responsabilité sociale. C'est bien dans un contexte de remise en cause du capitalisme débridé que l'art apparaît comme liant social de par sa capacité à générer du sens collectif. Faire appel à la fonction sociale de l'art, c'est redonner ses lettres de noblesse à la culture et lui reconnaître une utilité sociale et un impact parfois difficilement quantifiable en terme économique mais non moins important. La culture contribue en 2011 à près de 60 milliards d'euros du PIB français et à 2,5% de l'emploi national. (1)

L'appauvrissement du lien social remet en cause la nature fédératrice de la société dont les changements induits par la révolution numérique ne cessent de faire évoluer les comportements. La souveraineté des rapports économiques au détriment des rapports sociaux contribue également au dénaturement des rapports entre les individus. L'artiste aurait un rôle à jouer dans ce tissage de liens, ainsi qu'une responsabilité qui lui est propre afin que son travail enrichisse non seulement le patrimoine culturel mais oeuvre aussi au vivre-ensemble. L'oeuvre artistique peut se positionner comme contre-pouvoir en révélant les failles de la promesse de « Progrès » et éveille en nous une promesse d'une autre manière d'exister : la véritable manière d'être soi. Avec sa manière d'interroger le monde,

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comme celle du philosophe, l'artiste dérange et les censeurs d'opinion peuvent vouloir le bâillonner.

Dès lors, comment réhabiliter la place de l'artiste dans la société et reconnaître son oeuvre comme terreau de développement économique et social ?

Par artiste, l'imaginaire collectif tend à projeter la figure du rêveur ayant une vie à la marge de la société mais l'on entend ici l'homme de l'art, doté d'un savoir-faire et de créativité au service de domaines aussi divers que la musique, le graphisme, le design, l'architecture, la sculpture. Le climat actuel pour la création contemporaine est exigeant compte-tenu du fait que les artistes émergeants ont conscience du patrimoine artistique accumulé au fil des siècles et de la valorisation de celui-ci. Cela demande aux créateurs contemporains «un mélange, nécessairement mue d'audace et d'humilité» (2) , un juste dosage entre réappropriation et innovation. Le challenge dans cette pratique artistique est aussi d'allier liberté et responsabilité dans cette quête de vérité. Le cadre social ne devrait être une limitation de la liberté de l'artiste mais bien une intégration de celui-ci dans la communauté. Dans cette intégration, les acteurs de la médiation culturelle en France que comprennent les résidences artistiques, les incubateurs de projets et les entrepreneurs culturels ont un rôle essentiel à jouer afin de mettre en lumière d'une part les bénéfices qu'a la société d'avoir un vivier de créateurs et d'autre part l'opportunité pour les artistes de bénéficier d'un soutien privé ou public et de pouvoir partager leur vision avec un large public. Être responsable c'est avoir

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conscience de son environnement et respecter autrui. Or, la recherche de vérité et de liberté qui est propre à l'artiste ne peut se faire sans responsabilité vis-à-vis d'autrui. La responsabilité pour autrui doit précéder et investir une liberté qui, sans elle, serait sans visage. Le travail de l'artiste prend alors tout son sens générateur d'émancipation : que cela soit la sienne ou celle d'autrui. C'est bien un défi pour l'artiste contemporain qui est expérimentateur du jeu social. Dans un contexte historique, les rapports entre l'artiste et la société ont évolué selon le type de société. En effet, dans les sociétés traditionnelles, l'artiste est perçu comme un gardien de la tradition, un conteur de mythes qui transmet des valeurs qui forgent l'individu et la communauté. Si l'on prend l'exemple des griots maliens, ils sont les héritiers d'un savoir ancestral diffusé au moyen de la musique. Laurent Bizot, fondateur du label No Format! sous lequel sont signés des griots comme Ballaké Sissoko ou Kassé Mady Diabaté, témoigne de cette tradition soutenue par la caste des nobles, qui agissent comme des mécènes auprès des artistes (Annexe 1). On retrouve ce procédé dès le Moyen-Age en France avec les commandes ecclésiastiques et princières (3). En ce qui concerne l'objet d'art en lui-même, comme le souligne Daniel Bougnoux, les objets d'art étaient dotés de propriétés magiques, religieuses, rituelles voire médicinales (4). L'acte de création artistique est mystifié car l'artiste est capable d'expliquer un fonctionnement de la Nature dont les causes ne seront comprises que plus tardivement par la méthode scientifique moderne. L'artiste, comme manipulateur de symboles, donne un sens collectif à la communauté, même si celui-ci s'inscrit avant tout dans l'imaginaire. Peu à peu, à l'image de Léonard de Vinci, l'artiste devient le technicien d'une Praxis

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à la recherche esthétique mais au service d'une vérité scientifique. L'artiste dissèque le réel et interroge les rapports de l'Homme au monde physique. Dans les sociétés modernes, la place de l'artiste est démystifiée car l'art est utilisé comme outil d'instruction et de retranscription du réel. Des portraits réalistes de Velasquez aux planches de l'Encyclopédie de Drouot, il subsiste une volonté de faire de l'art un outil d'éducation. Néanmoins, depuis Marcel Duchamp, dont l'approche visionnaire révolutionna la conception de l'art, on assiste à une dématérialisation des supports des oeuvres artistiques : ce n'est pas tant l'objet qui compte mais bel et bien la réflexion, la symbolique ou encore les répercussions de l'oeuvre sur le tissu social qui préoccupent l'artiste. Comme le constate Nicolas Bourriaud, on est donc passé du rapport entre l'Homme et le divin, au rapport entre l'Homme et l'objet puis désormais on tend de plus en plus à analyser le rapport entre l'Homme et la société (5). L'artiste, plus que jamais conscient de la portée de l'art, est intéressé par l'impact qu'aura son travail sur autrui. Désormais ce ne sont plus les seuls supports comme un tableau ou une sculpture qui sont des formes artistiques mais aussi tout rapport humain. Cette rencontre entre l'artiste et le spectateur va être décisive et selon les époques et les moeurs, parfois nourricier, parfois conflictuel. Il convient d'étudier tout d'abord les rapports entre l'artiste et les pouvoirs économiques et politiques. Ces rapports tendent à être bouleversés notamment avec les nouveaux enjeux de société que sont la révolution numérique, l'éthique et l'environnement qui semble transformer la figure de l'artiste en entrepreneur social. Enfin, la responsabilité sociale de l'artiste repose aussi sur les acteurs qui entourent, interprètent et donnent accès à son oeuvre à savoir les

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médiateurs culturels (musées, fondations, résidences artistiques...) et les nombreux dialogues et collaborations artistiques qui enrichissent profondément une oeuvre. En intégrant le processus artistique à des problèmes techniques, l'art peut même devenir un vecteur de développement dans des domaines connexes d'application qui s'étendent du domaine spatial au médical, faisant de l'artiste un allié dans la recherche pour l'amélioration des conditions de vie. La création artistique a alors sa place, non seulement comme vecteur de remise en cause des paradigmes existants et comme spiritualisation du sensible mais aussi notamment grâce au design comme laboratoire d'innovation qui inspire la société dans son ensemble.

I Les rapports entre les pouvoirs politiques & économiques et l'artiste : entre transgression, acceptation et transfiguration

A. L'artiste engagé, pirate des formes sociales face au pouvoir politique

A la suite de la loi le Chapelier de 1791 qui proscrit le regroupement en corporation, l'artiste acquiert peu à peu autonomie et indépendance et face aux bouleversements induits par la révolution industrielle dès le milieu du XIXème siècle, l'artiste, qui n'est plus seulement artisan, est partagé entre une vision académique ou une vision sociale. Soit, sur le modèle du mouvement des réalistes, l'artiste opte pour un suivi des standards académiciens, soit comme avec les utopistes, l'artiste milite pour une refonte d'un système fondé sur un art bourgeois (6). Bien que la liberté de création est préservée en France par la liberté d'expression, l'artiste n'en reste pas moins un concurrent de la sphère politique dans la mesure où il agit également sur l'imaginaire collectif et sur le sens que les individus donnent à la société. En effet, l'artiste contemporain se place au coeur des rapports sociaux en tant que citoyen mais aussi en tant que créateur. Ne recherchant plus seulement l'esthétique de l'objet, l'artiste recherche une esthétique relationnelle dans ses rapports avec le public. Ce rapport peut s'établir dans une forme contestataire au pouvoir politique. L'artiste serait alors par nature engagé malgré lui face aux maux de la société. Même son silence serait une forme d'engagement. Désormais, comme Albert Camus l'avait discerné, «tout artiste aujourd'hui est embarqué dans la galère dans son temps» (7). L'artiste contemporain est plus que jamais un hacker des formes sociales qui élargit les

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possibles et la créativité réside dans le fait de jouer avec ces formes sociales souvent consolidées par le pouvoir politique. L'art conscientise les scénarios collectifs et nourrit le mythe social (8). Ainsi, de nombreux politiques craignent la remise en cause et l'émancipation que peuvent permettre les oeuvres d'art. L'artiste chinois Ai Weiwei qui a exposé au Jeu de Paume en 2012 pour son exposition Entrelacs, en est la preuve. Considéré comme dissident, il est assigné à résidence à Pékin. Les médiateurs culturels comme les musées ont alors un rôle à jouer dans le choix de leur programmation et dans la diffusion d'oeuvres qui sont censurés dans certains pays.

Néanmoins, l'art peut-il avoir une place en politique ? Selon Gilberto Gil, à la fois artiste et ancien ministre de la Culture de 2003 à 2008 au Brésil, « la politique a toujours un temps de retard » et ce principe serait en contradiction avant l'esprit d'avant-garde propre à la création contemporaine (9). Au lieu de construire des utopies ou des idéologies, l'artiste contemporain tente de mieux habiter le monde et partage l'expérience du pouvoir du moment présent. C'est cette expérience de la pratique artistique, en tant que puissance de vie (10), qui est déjà un contrepouvoir. L'acte de créer n'est-il alors déjà pas un acte de résistance ? La création, en tant que proposition de nouveau contenu, est une alternative qui remet déjà en cause la création existante. En désertant le terrain esthétique, les artistes se confrontent au réel et peuvent avoir des conduites sociales qui ont des conséquences directes et non plus symboliques. Avec le développement des performances artistiques, sous couvert de l'acte symbolique, des artistes peuvent

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croire à une immunité (11). En témoignent les célèbres actions de Pierre Pinoncelli qui en 1975 braque une banque pour 10 francs symboliques ou en 1993 frappe l'urinoir de Duchamp d'un coup de marteau (12).

Le pouvoir politique tente de préserver la cohésion d'un ordre social établi et des oeuvres jugées obscènes ou cruelles peuvent mettre à mal une vision d'un modèle politique et faire remonter à la surface des réflexions sur des sujets auxquels il est difÞcile de se confronter. Néanmoins, la responsabilité de l'artiste n'est pas liée à une forme de rationalité, ni même à une forme de réalisme auquel l'artiste devrait se soumettre. On aurait tort de que penser les dadaïstes ou les situationnistes soient irresponsables. Bien au contraire, ils prônent la libération par l'irrationnel. Les oeuvres sont aussi des moyens de proposer des modalités alternatives d'existence, qui sortent des schémas compulsifs du désir. Toute oeuvre est déjà une tentative de créer une sculpture sociale, principe cher à l'artiste Joseph Beuys, qui voyait en chaque homme un artiste qui avait la possibilité d'utiliser sa créativité pour être libre (13).

Dès lors, en tant qu'émancipation du désir souvent attisé par les outils marketing de notre société contemporaine, l'artiste entretient avec le pouvoir économique une relation complexe : tout à la fois soumis à un marché de l'art compétitif, à une nécessité de soutien économique à un besoin de liberté et d'indépendance.

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B. Le lien ambigu avec le pouvoir économique et le paradoxe de la notoriété

Face à la marchandisation de la société et en particulier de l'art, l'artiste doit se positionner. Alors que de par son statut il souhaiterait s'extraire du jeu de rôle économique, en refusant d'être considéré soit comme marchand soit comme consommateur, car considérant ce jeu possiblement aussi destructeur pour l'Esprit que pour la Nature, comme en témoigne les oeuvres d'artistes contemporains comme Jules de Balincourt ou Raqs Media Collective (14) L'artiste n'en reste pas moins soumis à un marché concurrentiel où désormais des mécènes comme Bernard Arnault ou Francois Pinault peuvent par leurs choix changer radicalement la condition de vie d'un artiste. Il n'est pas aisé de faire carrière en tant qu'artiste contemporain tant il est difficile de prévoir les aléas du marché et les chances de réussite. L'artiste contemporain se retrouve alors en porte-à-faux face à une situation où sa fonction le pousse à s'emparer des habitudes comportementales induites par le complexe techno-industriel (15) et une nécessité de bénéficier d'un appui financier qui provient de moins en moins de fonds publics mais bien de mécènes privés issues des multinationales sur le modèle américain. L'artiste doit également veiller à préserver son oeuvre afin de ne pas faire de son art de « l'entertainment ».

Une des formes de la responsabilité sociale de l'artiste serait paradoxalement d'utiliser son droit au détournement et au boycott. Ces formes de détournement et de réapropriation peuvent tout aussi bien concerner les chefs d'oeuvres passés ou

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des formes du quotidien : on retrouve ce processus dans Fontaine de Marcel Duchamp, aux collages de Joan Miró en passant par le travail plus récent de sampling du « dj ». Bien que les artistes puissent être à la limite de la légalité concernant les droits d'auteur, l'artiste est libre de créer de nouvelles manières d'utiliser et d'interpréter l'existant. C'est aussi une manière d'étendre le champ artistique. En particulier avec le monde des grandes entreprises, il y a un double-mouvement. D'un côté, certains artistes détournent les logos, les images de marque d'entreprise et ce, en particulier dans le street-art, pour faire prendre conscience au public que les acteurs du système économique sont eux aussi des manipulateurs de symboles. Ces détournements, popularisés par Andy Warhol, sont un droit absolu de l'artiste à jouer avec des formes existantes. De l'autre, les publicitaires utilisent les artistes et détournent des oeuvres d'art comme outil promotionnel.

L'artiste contemporain se retrouve également face à ses propres contradictions dans la mesure où il dénonce un danger de réification de l'individu à travers des choix mais l'individu peut s'entourer d'oeuvres artistiques. L'oeuvre d'art devient objet d'identification et de consommation. Elle est même instrumentalisé pour élaborer de la reconnaissance sociale et soumise à spéculation fiduciaire. Le philosophe John Dewey relève que le collectionneur typique et le capitaliste typique ne font qu'un. Pour prouver sa position supérieure, le capitaliste amasse des oeuvres de la même manière qu'il le fait avec les actions et les obligations (16). En outre, il existe également une forte distorsion entre une condition socio-

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économique difficile et un statut symbolique investi. Le statut de l'artiste n'échappe pas à une forte pression concurrentielle et ne peut échapper à la comparaison et à la compétition. Dans la carrière d'un artiste, l'évaluation des critiques et la communication des médias jouent un rôle essentiel. Le succès rapide induit par la médiatisation vient perturber la vision qu'a l'artiste de son oeuvre et la médiatisation de l'artiste-star peut nuire au travail de l'artiste et à son équilibre personnel. Jean-Michel Basquiat, en faisant la une du NY Times à tout juste 25 ans, est devenu malgré lieu une icône et cela peut perturber le travail de l'artiste. La célébrité peut travestir la pensée de l'artiste et diriger les projecteurs sur sa personne plutôt que sur son oeuvre (17).

L'artiste, tantôt adulé, tantôt mise à la marge de la société, doit pouvoir bénéficier de la reconnaissance de l'Etat dont le rôle de préserver le patrimoine artistique et de mettre en oeuvre les conditions d'intégration de l'artiste dans la société.

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C. Les volontés politiques de ré-intégrer l'artiste au coeur de la cité

Entre la vision platonicienne où l'artiste n'a pas sa place dans la Cité car il ne fait qu'imiter la nature et l'approche saint-simonienne où l'artiste allié à l'industriel est un bâtisseur du Progrès social (18), les considérations sur la place de l'artiste sont nombreuses. Cela provient du fait que dans une société où le travail est

intégrateur, celui de l'artiste est plus difficile à comprendre. La recherche
esthétique fait considérer l'activité de l'artiste comme un travail à visée non utilitaire, une dépense positive d'énergie dont le résultat de la production est incertain (19). Dans un cadre à logique utilitaire, le travail de l'artiste en devient subversif. Afin de préserver cette conception unique d'un travail qui n'a pas d'utilité directe, les artistes ont besoin du soutien d'institutions publiques et de statuts spécifiques garantis notamment par la Maison des Artistes ou les statuts d'intermittence. Les lieux comme les centres d'art , qui existent depuis 1970 en France (Annexe 3) opèrent aussi en amont afin d'aider à l'expérimentation artistique.

Si l'impulsion ne provient pas des instances politiques, elle peut éclore de jeunes artistes qui créent des résidences artistiques, comme le 59 Rivoli à Paris ou L'Amour à Bagnolet. Bien qu'il puisse y avoir des enjeux juridiques concernant l'appropriation des lieux, c'est la preuve du désir d'avoir pour les jeunes créateurs à disposition des laboratoires d'innovation et d'expérimentation. Cette envie va de pair avec l'émergence des « fab labs », véritables « hackerspaces » dédiés à

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l'expérimentation. Par ailleurs, le développement des lieux à financement hybride à Paris comme la Gaîté Lyrique, le 104, le Carreau du Temple sont autant de signaux d'une demande de la part du public de dynamiser et diversifier l'offre culturelle. Il s'agit aussi de mettre en valeur les territoires par l'art et l'utilisation de lieux en friche pour les réhabiliter en lieu de vie culturel. Des lieux tels la Recyclerie à Paris sont des usages et des réhabilitations d'espaces inédits. D'ailleurs, ce projet soutenu par les autorités publiques rappelle combien leur rôle est essentiel pour le soutien à la création. Il en va de l'intégration et l'acceptation de la figure de l'artiste comme protagoniste oeuvrant à la fédération de la communauté.

Néanmoins, l'artiste est confronté à de nombreux enjeux propres à la période actuelle, que cela soit l'essor du numérique, l'engagement civique ou le développement durable. L'hypothèse avancée serait alors que l'artiste est une forme d'entrepreneur social, par le biais de ses actions et sa mission dans la société.

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II L'artiste contemporain face aux nouveaux enjeux

A. Le rapport de l'artiste à la technologie à l'heure du numérique

Avec la révolution numérique, l'artiste doit faire avec son temps et la technologie est une nouvelle condition d'expérience esthétique. Tout autant que la révolution de l'imprimerie au XVème siècle ou que la découverte des frères Lumière à la fin du XIXème siècle pour la cinématographie, les changements induits par l'ère numérique soulèvent certes des critiques face aux comportements des utilisateurs mais peuvent être un formidable outil d'interactivité afin de faire des expositions de véritables expériences immersives. En effet, se dessinent de nouveaux rapports avec le public. L'outil internet devient à la fois outil de travail à travers l'art numérique mais aussi support de communication et même de vente avec les nouvelles plateformes de vente en ligne comme Etsy ou Artsper. Au-delà de l'outil internet, les possibilités technologiques comme la projection mapping, les imprimantes 3D ou la réalité augmentée sont autant d'outils pour permettre aux artistes de mieux modéliser leurs visions et ainsi les partager. L'artiste peut développer une technique via des outils technologiques ou des nouveaux langages comme le code html. La révolution numérique voit l'émergence d'un art qui lui est consacré : l'art numérique. Des artistes comme Phillipe Boisnard ou Maurice Benayou font de la réalité virtuelle des nouveaux champs de créativité et d'interactivité.

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Par ailleurs, la révolution numérique facilite directement la création grâce aux outils technologiques : des logiciels de musique électronique, à la retouche photographique en passant par les logiciels d'animation ou d'architecture. Dès lors, c'est bien la volonté de créer qui est le moteur et non plus la technique qui est grandement facilité par l'allié technologique. En tant que décloisonnement des barrières de technicité, d'accès et de savoir, la révolution numérique offre un terrain infini d'explorations pour l'artiste. Le challenge reste encore de trouver une meilleure appropriation sociale des technologies, pour pouvoir décupler la force du message ou de l'expérience qu'il a à partager.

Dans les thématiques abordées par la création contemporaine, miroir de la société, la dégradation de l'environnement ou le manque de réactivité d'une majorité de citoyens entre également dans la réflexion de l'artiste. L'artiste par son oeuvre amène aussi des réflexions sur d'autres sujets de société afin d'encourager des initiatives citoyennes.

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B. La création artistique face à l'engagement civique

De nombreux artistes sont engagés pour diverses causes sociétales : du développement durable aux droits civiques en passant par l'égalité des sexes. L'émergence d'une consommation citoyenne pousse aussi l'artiste à faire appel à des outils comme le boycott ou le piratage (20). Il peut ainsi inspirer le spectateur et lui donner envie d'agir. Les artistes sont aussi responsables vis-à-vis des matériaux qu'ils utilisent et d'éventuels partenaires ou mécènes avec lesquels ils s'associent. Des oeuvres artistiques peuvent encourager les initiatives personnelles et les responsabilités individuelles en se réapropriant l'espace public, laissé au jeu politique et aux entreprises privés. De plus, certaines initiatives peuvent provenir des citoyens eux-mêmes qui portent des projets culturels afin de ne plus être de simples « spectateurs » comme le font les Amacca ( Associations pour le Maintien des Alternatives en matière de Culture et de Création Artistique).

C'est bien l'usage qu'on en fait qui forme l'oeuvre d'art et qui en donne sa valeur. Cette usage des formes d'art tend à devenir de plus en plus organique et collaboratif et moins contemplatif. Un des défis de l'art contemporain et de la création artistique sous toutes ces formes est de briser cette inaccessibilité afin d'encourager le public à multiplier les expériences culturelles. Certains artistes, comme Thomas Hirschorn, loin de vouloir perpétuer une vision élitiste de l'art, tente à tout prix d'inclure les visiteurs dans leur oeuvre comme ce fût le cas lors de l'exposition Flamme Eternelle au Palais de Tokyo en 2014 (cf photographie

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illustrant le mémoire). Il souhaite alors faire en sorte que les visiteurs soient acteurs de l'oeuvre au sein du musée et on pourrait s'interroger si ce n'est pas également une sollicitation afin qu'on soit acteurs de nos propres vies.

Il y a là un engagement manifeste de sa part à vouloir améliorer la société. «L'artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher.» (21). Ces différents engagements de l'artiste opèrent sur le squelette social et le rapproche de la figure de l'entrepreneur social.

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C. L'artiste comme entrepreneur social

Bien souvent l'artiste a été considéré et s'est même positionné en poète maudit, exclu et incompris de la société. Pourtant l'art est loin d'être un monologue. Il parle à tous et peut avoir un rôle éducatif, au service de l'intérêt général. En ce sens, comme l'entrepreneur social, l'artiste a une mission de service social dans le sens qu'il apporte à la cohésion de la société. Par la transversalité de l'art, ce qui est tout particulièrement vrai en musique, l'oeuvre transcende le sensible et permet au spectateur de vivre une certaine catharsis oeuvrant au bien-être commun. La figure de l'artiste est aussi comparable à celle de l'entrepreneur au sens où tous deux oeuvrent dans l'incertitude et partagent cette même envie de créer, d'apporter du changement à la société. Depuis les années 90, les artistes proposent de plus en plus des moments de socialité, comme les espaces de convivialité proposés par Rirkrit Tiravanija en 1994 avec Surfaces de réparation. L'artiste entreprend dans le réel qu'il utilise comme répertoire de formes. Il puise son oeuvre dans les failles de la société. Jeff Koons et son oeuvre kitsh reflète bien le consumérisme américain qui apparaît dans une certaine démesure. En quelque sorte, l'oeuvre est le miroir de la société et l'artiste ne propose pas nécessairement de solutions directes comme l'entrepreneur mais soulève néanmoins des réflexions essentielles. L'oeuvre de l'artiste s'inscrit bien dans un ensemble significatif, et dans son aller-retour entre lui et les autres, l'artiste peut être à la fois solitaire et solidaire (22). Il s'agit de retisser du lien social, là où des espaces de contrôle ne proposent ce lien qu'autour de produits.

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Par conséquent, la responsabilité sociale de l'artiste serait également de sortir de ces rapports de consommation. Le peut-il vraiment ? La mécanisation générale des fonctions sociales réduit progressivement l'espace relationnel. En témoigne l'appauvrissement des rapports des voisinage et l'isolement des individus. Or, les signes génèrent de l'empathie et créent du lien social. C'est une des vertus de l'art que son pouvoir de connectivité. Des connexions s'opèrent et donnent un sens à l'histoire personnelle de l'observateur mais aussi à l'histoire commune de la société. Tout comme l'entrepreneur social, l'artiste redonne du sens à un monde qui en a besoin. Les deux ont ce même goût pour l'autonomie et oeuvre dans l'incertitude. Ils ont comme dénominateur commun de parier sur l'avenir.

Tous ces enjeux du début du XXIème siècle ont donc progressivement amené l'activité artistique a se décloisonner et à favoriser la pluridisciplinarité. Cette manière plus collaborative et collective d'aborder la pratique artistique, si elle est correctement accompagnée par les institutions culturelles et les entreprises, permet de toucher un public plus large et de diversifier l'offre culturelle en France.

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III. L'interdisciplinarité, la diffusion de l'offre culturelle et l'accès au public

A. Le dialogue interdisciplinaire et les domaines connexes d'application : renouvellement et enrichissement du sens

Le regroupement d'artistes en mouvements ou en associations n'est pas l'apanage de l'art contemporain. Déjà en 1391, la corporation de Saint-Luc regroupe ensemble « peintres et imagiers » (23). Les associations d'artistes sont l'opportunité de confronter des points de vue, de partager des savoirs-faire et de lancer des écoles ou des mouvements comme le dadaïsme ou le surréalisme. En revanche, la révolution numérique permet de favoriser le dialogue interdisciplinaire en melânt plus facilement par exemple l'art de la vidéo avec celui de la musique. Ces disciplines peuvent même être en dehors du dialogue « cross-art» et concerner la science.

La technologie ouvre des zones d'hybridation entre art et science. Ainsi, l'IRCAM à Paris propose des projets qui associent musique et science de pointe. C'est également le cas de l'Atelier Arts Sciences qui héberge des résidences et proposent des workshops créatifs qui favorisent les collaborations dans des domaines paramédicaux ou spatiaux. Des techniciens aux savoirs-faire multiples sont amenés à collaborer entre eux afin de proposer des oeuvres à la croisée des disciplines. Du dialogue entre art et science peut émerger de nouvelles formes de créativité et de nouvelles manières complémentaires de percevoir le monde (24).

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On peut également concevoir la pluridisciplinarité comme une approche plus large qui peut aussi s'appliquer à la cuisine, au troc de vêtements ou à des pratiques plus corporelles comme le yoga. Ces combinaisons inédites offrent une multiplicité d'expériences. Dans ce cadre, des lieux comme le 104 avec à la fois une boutique Emmaüs, une librairie et un marché bio mais aussi des cours aussi variés que la pratique du hip hop ou celle du yoga sont dans une optique de foisonnement créatif et expressif. Cela ne peut qu'être bénéfique à la vie de quartier, en l'occurence le 19ème arrondissement à Paris.

C'est alors aux lieux et aux accompagnateurs culturels d'offrir la possibilité d'assister à ces performances pluridisciplinaires et aussi à proposer une large programmation. L'innovation est autant dans les mains des artistes que dans les mains des résidences ou des lieux de diffusion culturelle comme les musées ou les galeries.

B. Les nouvelles formes d'accompagnement culturel et les lieux innovants de création en France

Désormais, la conception aristocratique de la disposition d'oeuvres d'art est mise à mal par la volonté de rencontre entre l'oeuvre et son observateur afin d'élaborer du sens commun. Il existe des espaces de cohabitation comme le Palais de Tokyo à Paris qui offrent des expositions qui rompent avec les formes académiques. Si l'on revient sur l'exposition Flamme Eternelle de Thomas Hirschhorn, elle est sans doute l'une des expositions, si on peut encore qualifier cet espace social d'« exposition », les plus révolutionnaires de ces dernières années. Parmi un amas de pneus et de polystyrène, le visiteur construit lui-même l'oeuvre en ayant la possibilité de travailler sur les matériaux, de lire au micro des ouvrages, d'imprimer depuis des ordinateurs mis à disposition afin de coller des affiches qui s'accumulent sur les murs au fil des visiteurs. Il y a aussi des canapés et un bar qui font du lieu une expérience plus proche de la résidence artistique ou du squat que d'un musée Thomas Hirschorn oeuvre à la désinstitutionalisation du statut muséal. Rompre avec les formes académiques c'est déjà innover. Il y a en effet de nombreux critiques qui dénoncent la mise en forme de la culture cantonnée dans sa forme muséale alors que l'expérience artistique ne se limite pas à ce champ (25).

C'est alors aux institutions culturelles d'offrir la possibilité aux artistes contemporains de multiplier les expériences et de faire des expositions des

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laboratoires d'interactivité sociale. C'est le cas y compris dans des institutions de premier plan comme au Centre Pompidou qui a par exemple laissé Pierre Huyghe en 2013 faire de son exposition un lieu surréaliste où l'on pouvait à la fois voir une patineuse danser sur une patinoire installée pour l'occasion ou un chien à la patte rose se promener dans l'exposition. Ce type d'interactions enrichissent la réflexion sur les formes que peuvent prendre l'art et assouplissent une certaine rigidité et fixité des lieux culturels à l'époque où l'on observe une multiplicité des flux générés par la révolution numérique.

Dans cette même logique, à l'instar de l'initiative de l'association californienne Freespace qui s'est installée à Paris pendant l'été 2014, des acteurs culturels veulent promouvoir une forme de transmission des savoirs et développer la fibre artistique de chacun. Ouvrir des lieux de création libre où chacun peut s'exprimer, créer et s'approprier le lieu, c'est une manière d'élargir le public d'élargir la notion de ce qu'est être artiste. C'est en diversifiant les formes de dialogue avec le public qu'on apporte du lien social et les répercussions positives en terme économique qui en découlent.

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C. L'élargissement et la diversification de l'accès au public

Selon le degré de participation de l'expérimentateur, le dialogue sera plus ou moins riche. La valeur de l'oeuvre d'art peut être mesurée à la capacité de susciter ce dialogue intérieur. Il y aurait donc bien une responsabilité de l'expérimentateur. A une époque où le repli sur soi, la passivité et la désolidarisation sont devenus des plaies du « vivre-ensemble », l'artiste pousse à la réaction et à la participation. L'art devient alors un moyen de briser l'apathie des acteurs de notre société et l'accès au plus grand nombre est une manière de lutter contre l'inégale répartition du capital culturel (26). Les missions d'accès au public sont d'autant plus importantes qu'elles participent à l'éducation. Garantir un accès pour tous à la culture, c'est à la fois la responsabilité sociale des médiateurs culturels mais aussi la possibilité de créer de la richesse avec le développement du secteur culturel. Le souci est de savoir quelle forme de culture diffuser ? Peut-on concevoir l'entertainment de la même façon que l'art ? L'arbitrage économique tend à valoriser le développement de cinémas multiplexes à la programmation de blockbusters mais c'est bien souvent en considérant seulement l'impact à court-terme. Afin de mettre en valeur les territoires investis, c'est à des institutions comme Le Louvre en s'installant au Lens ou au Centre Pompidou avec le Centre Pompidou Mobile, musée itinérant, qui s'est déroulé en 2012 et 2013 et a débuté à Chaumont-sur-Marne (ville de 30 000 habitants) d'élargir leur public et de véritablement être dans une mission sociale de garantie d'accès à la culture. On assiste aussi à une nouvelle forme de réappropriation d'anciens sites industriels,

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véritable pied-de-nez à l'Histoire. Comme portés par des cycles apolliniens et dionysiaques de création et destruction, émergent au coeur d'anciens lieux d'exploitation, d'aliénation et de déshumanisation des lieux de création artistique. Des entreprises comme la SNCF font aussi des appels à projets afin que des artistes utilisent d'anciens lieux en friches (27). Plus encore que l'artiste, lorsqu'une institution, une entreprise, ou un mécène, soutient une action artistique, qu'elle soit locale, nationale ou internationale, c'est à elle de lui donner une dimension de responsabilité sociale.

En permettant l'accès au public à l'art, cela a un impact positif sur l'économie en terme d'emplois, de création de richesse et de dynamisme territorial. La création artistique est une source diffuse d'innovation au sein des industries créatives et de l'innovation en général. Le design semble également être une application d'un art fonctionnel, et un compromis entre recherche esthétique et usage au profit du plus grand nombre.

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IV Le processus créatif au service de la croissance économique

A. Le design à l'oeuvre

Parfois difficile à définir car à la croisée des disciplines, le design, signifiant « conception » en anglais, est au service d'une production qui peut être industriel et apparaît comme un outil d'application de la création artistique à la vente d'objets. Sur le modèle du Bauhaus allemand du début du XXème siècle, le design est à l'intersection de l'art, de la science et de la technique. Là où il se distingue de l'art contemporain c'est par l'usage qu'on fait de la production du design qui est au service de la fonctionnalité. Le design est la preuve de la potentialité du pouvoir de l'art sur la production économique. Que serait Apple sans son designer Jonathan Ive ? Le design devient facteur compétitif déterminant et est un élément de différenciation important sur des produits qui ont parfois les mêmes propriétés intrinsèques. Les célèbres designers comme le français Philippe Starck ont également su imposer leur style et s'exporter à l'international. En ce qui concerne les designers les plus prometteurs, chaque année depuis 2008, le Design Museum à Londres, organise les « Designs of the Year » en exposant les objets les plus innovants. En 2014, on pouvait trouver aussi bien les lunettes 3D immersions Occulus Rift que la voiture XL1 de Wolswagen (28). Ces produits du design étendent le champ de l'art car sont bel et bien de véritables oeuvres.

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Le design est une solution plus pragmatique d'un art appliqué au monde moderne et à la loi du marché. C'est même une pensée qui peut révolutionner la manière de concevoir le management et la gestion de projet comme l'ont théorisé des professeurs de l'Université de Standford avec le Design Thinking, modèle qui réconcilie à la fois la pensée intuitive et analytique (29). Le design est alors un processus qui équilibre une pensée plus rationnelle, provenant de l'hémisphère gauche de notre cerveau et une pensée plus créative, provenant de l'hémisphère droit. C'est aussi quelque part l'union du principe féminin et masculin, la réconciliation de la figure de l'artiste avec celle du scientifique.

La création contemporaine sous la forme du design est un formidable terreau de développement économique et une forme d'art que chacun utilise dans sa vie de tous les jours. Les industries du cinéma, du jeux vidéo, de la mode ou de la musique s'inspirent également de la création artistique.

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B. La création artistique comme matière première des industries créatives

Pour les économistes Adam Smith et David Ricardo la dépense pour les arts ne contribuent pas à la richesse de la nation (30). Or, si l'on considère le poids des industries créatives on se rend compte de l'importance de la culture au sens large en France (31). C'est bien l'art contemporain, comme champ d'expérimentations et l'avant-garde, qui infuse son esprit dans les industries créatives. Les associations d'idées inventives qui peuvent venir de l'inspiration d'un artiste sont ainsi reprises et se diffusent dans différents milieux. L'artiste est l'initiateur de mouvements, de tendances et de connexions qui auront un impact social. C'est en cela que l'artiste est visionnaire et en avance sur son temps. Les industries créatives se ré-approprieront le travail de l'artiste, le digéreront et exploiteront la richesse de l'idée jusqu'à ce qu'une nouvelle, plus innovante, détrône la précédente. La création artistique touche alors des domaines aussi nombreux que l'architecture, l'édition, la publicité ou le cinéma.

Laisser à l'artiste la possibilité d'exprimer son art et mettre en avant ses oeuvres c'est s'ouvrir à des externalités positives. Comme étudié précédemment, celles-ci sont certes sociales avec un lien fédérateur, de l'échange et des réflexions sur ce qui forme la société mais elles sont aussi économiques avec de la création de projets et d'emplois, de l'innovation de procédés ou produits. Les innovations

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peuvent aussi concerner les formes de management avec de nouveaux rapports plus coopératifs ou un esprit « freelance » plus autonome et indépendant (32)

La création artistique est alors un moteur d'innovation, indispensable à la croissance économique et qui alimente un processus de créativité qui insufße une nouvelle manière d'aborder le business.

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C. La créativité au coeur du business

L'artiste est un artisan de l'innovation shumpetérienne qui apporte de nouveaux concepts et manières de penser. Par surcroît, le processus créatif n'est pas uniquement propre à l'artiste et on assiste de plus en plus à la volonté d'intégrer plus de créativité dans le business. En tant que mode de pensée, qu'ouverture d'esprit afin de changer les paradigmes existants, la créativité est un formidable outil pour dépasser les limites existantes et relever des challenges. La créativité est le point commun entre l'artiste et le scientifique et alors que l'on consacre en moyenne 1 à 3% du P.I.B dans les pays développés dans les laboratoires scientifiques, il serait intéressant d'investir tout autant dans des laboratoires transversaux associant à la science la culture et l'art (33). Cela permettrait d'avoir des pôles d'innovation plus variés qui font déjà le succès de territoires comme la Silicon Valley ou Broadway aux Etats-Unis. A l'échelle de l'entreprise, c'est aussi la responsabilité des ressources humaines de permettre aux employés de laisser leur créativité s'exprimer. Le développement et le succès des métiers de graphic designers ou directeurs artistiques sont dus à la reconnaissance de l'utilité de la créativité sur la production ou l'aboutissement d'un projet. Evoluer dans un environnement créatif est aussi une source de bien-être. Tout métier peut alors devenir artistique au sens premier du mot qui vient de « ars » en latin signifiant habileté exercée non par la Nature mais par la main de l'Homme.

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Conclusion

L'artiste éclaire comme un phare les travers de notre société. Engagé socialement car tout acte de création est un acte de résistance, sa vocation est d'être au service de la vérité qui révèle et de la liberté qui émancipe. Il oeuvre à l'éveil citoyen et à une plus grande responsabilisation de par son oeuvre qui est une manifestation de la spiritualisation du sensible. La responsabilité sociale de l'artiste est de rester à l'avant-garde afin d'inspirer les autres. C'est pour cela qu'il est important de préserver la liberté de création et de faciliter non seulement la production d'oeuvres avec des laboratoires d'expérimentation, des résidences artistiques et de l'accompagnement culturel mais aussi, par une diffusion des oeuvres sur de multiples supports, de soutenir des collaborations avec d'autres domaines. Ce qui fait la valeur de l'artiste est sa capacité d'imagination qui est la créativité. Or, la créativité est une source infinie de potentialités et d'opportunités pour accroître le développement économique et le bien-être en société. L'art comme besoin de l'esprit, sillage de l'humanité et ordre établi à partir du chaos est un composant vital de la société. L'homme de l'art est un homme accompli, à la fois incarné dans la matière et qui a conscience par l'esprit que le sens de son incarnation est de transformer et de sublimer cette matière. En ayant la responsabilité de cette conscience, les hommes en tant que co-créateurs peuvent modifier et améliorer leur conditions de vie. Soyons donc artistes !

PARTIE 2 : CONTEXTE, HYPOTHESES & METHODOLOGIE I Contexte

De par la pluralité des acteurs de la scène culturelle et artistique en France, afin de valider les différentes hypothèses que j'ai soulevé au cours de mes recherches, il convient d'interroger un panel d'acteurs qui oeuvrent chacun par différents moyens à la promotion de la culture.

En premier lieu, le ministère de la Culture chiffrait en 2010 en France plus de 1 000 établissements culturels ayant le label de musée.

En deuxième lieu, on compte près de 300 résidences officielles d'art

contemporain et une dizaine de lieux occupés appelés « squats » dans Paris.

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Source:Thomas Aguileira-Gouverner l'illégal, les politiques urbaines face aux squats à Paris

En troisième lieu, il y a près de 50 000 artistes enregistrés à la Maison des Artistes.

Source : Maison des Artistes

Enfin, d'après le Ministère de la Culture et de la Communication, la seule région Île-de-France comporte 1 151 galeries d'art contemporain, soit 53% du nombre total de galeries d'art contemporain en France.

 

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II Hypothèses de recherche

En analysant la revue de littérature, j'ai pu extraire 10 hypothèses. Celles-ci portent aussi bien sur la pratique artistique en tant que telle que sur les nouveaux rapports face à l'art induits par la révolution numérique, les lieux innovants de création, la collaboration pluridisciplinaire et le design.

Hypothèse 1 : L'artiste a une responsabilité sociale vis-à-vis de son oeuvre

Hypothèse 2 : L'artiste est un acteur du changement qui créé du lien social

Hypothèse 3 : L'artiste par ses oeuvres pousse à l'action citoyenne

Hypothèse 4 : L'art contemporain est de plus en plus axé sur la rencontre entre le spectateur et l'artiste

Hypothèse 5 : Le numérique est un bouleversement sans précédent dans le

monde de l'art

Hypothèse 6 : Les médiateurs culturels ont un rôle clé dans l'enrichissement du dialogue entre l'artiste et son public

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Hypothèse 7 : Les lieux innovants qui aident à la collaboration pluridisciplinaire et à l'expérimentation sont un socle indispensable pour la création contemporaine

Hypothèse 8 : La création artistique est complémentaire de la création scientifique et les ponts entre art et science re-dessinent la manière de penser les délimitations de l'art et par conséquent son impact économique

Hypothèse 9 : L'innovation, liée à la recherche artistique, est un concept-clé pour la création de richesse

Hypothèse 10 : La création artistique inspire la société dans son ensemble et trouve son application notamment avec le design

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III Méthodologie

Avec une série de 15 questions identiques, j'ai entrepris une étude qualitative de mes 10 hypothèses sur un échantillon de six acteurs de la scène culturelle et artistique en France. Les six interviewés ont chacun un domaine de spécialisation mais suffisamment d'expérience pour témoigner de l'évolution du monde de la création contemporaine. Ci-dessous la liste des protagonistes :

-Lieu des cultures numériques-
Jérôme Delormas, Directeur de la Gaîté Lyrique
-Institution du dialogue art&science-
Michel Muckensturm, Administrateur Général de l'IRCAM
-Espace de création libre-
Beth Scaccia, Membre de l'association Freespace
-Galerie d'art contemporain-
Michèle Broutta, Galeriste & Editrice
-Collectif artistique pluridisciplinaire-
Thibault Duchesne de Lamotte, Artiste & Fondateur de Prism Collective
-Résidence artistique non ofÞciel-
Alexandre Gain, Responsable de la résidence l'Amour & Membre de CAAOU

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PARTIE 3 : ANALYSE, DISCUSSION & RECOMMANDATIONS I Analyse des réponses

Hypothèse 1 : L'artiste a une responsabilité sociale vis-à-vis de son oeuvre

L'artiste doit-il conscientiser dans sa pratique artistique la portée de son message ? Cela dépend du type d'artiste et du message qu'il souhaite faire passer mais ce que l'on peut dégager des réponses des interviewés est que l'artiste ne doit pas répondre à une attente. L'artiste créé par besoin et ne doit réfléchir que dans un second temps sur la portée de son message. Il est important de pouvoir créer simplement pour le processus de création et non pas seulement pour le rendu.

« J'aime cette idée de recherche et de mystère et peut-être que chacun peut trouver une portée plutôt qu'un message. » Thibault Duchesne

« En ce qui concerne l'artiste, l'oeuvre sort de lui. Je ne pense pas que l'artiste doivent conscientiser son message. Les artistes ont la foi mais je ne sais pas si ils ont la conscience de ce qu'ils font. » Michèle Broutta

« Il est important que nous ayons les opportunités de créer sans tellement se concentrer sur le résultat. Par exemple, au Tibet, des moines construisent des mandalas en sable fin pendant des semaines et une fois complété, ils le détruisent. » Beth Scaccia

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Moines tibétains réalisant un mandala

Dans quelle mesure l'artiste aurait le droit à l'irresponsabilité au nom de la liberté de création ?

Bien que les interviewés défendent la liberté comme principe de création et d `expérimentation, l'intention de l'artiste est primordiale. L'artiste ne doit pas se croire au-dessus des lois et être sacralisé mais peut utiliser l'art comme un outil de contestation et d'émancipation.

« Je suis pour une liberté totale. En même temps, je souhaite que les expositions que j'organise à l'Amour soit accessibles. L'accessibilité de la production artistique est un point important. (É) Il y a des artistes qui sous couvert artistique vont vouloir choquer. » Alexandre Gain

« L'artiste, si il fait ce qu'il sent qu'il doit faire, n'est pas responsable de la réaction des autres. » Michèle Broutta

« Si l'art doit avoir une fonction c'est celle de la liberté totale, sinon cette fonction n'existe plus dans la société. Liberté totale cela veut dire un imaginaire débridé, une capacité à inventer. (É) En tant qu'être social, l'artiste n'a pas tous les droits et cela

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reste quelqu'un qui a des responsabilités. Une de ses responsabilités peut être de revendiquer sa liberté d'expression. » Jérôme Delormas

« Je ne considère par l'artiste comme un super-citoyen où quelqu'un qui échappe à la société. Il critique la société mais il s'expose aux conséquences. Le meilleur moyen d'exacerber des problèmes c'est de se confronter aux limites de la société. » Thibault Duchesne

Hypothèse 2 : L'artiste est un acteur du changement qui créé du lien social

L'artiste, par sa volonté de changement, s'apparente-il à l'entrepreneur social ?

Il y a deux grande similarités entre ses deux figures qui prennent un risque et s'engagent tous les deux. Il y a un double-mouvement : l'entrepreneur est à la fois créateur et l'artiste doit gérer sa carrière comme au sein d'une entreprise. Là où il y a une différence notable est que l'entrepreneur social a pour mission d'aider autrui alors que certains artistes ne créent avant tout que pour eux. C'est un travail plus introspectif. En revanche, ces deux figures sont bien complémentaires l'une de l'autre et lorsqu'elles s'associent, elles peuvent porter de fantastiques projets.

« L'entrepreneur est un créateur. C'est aussi quelqu'un qui prend un risque absolu. Certains artistes prennent l'entreprise comme sujet mais ce qui est vraiment intéressant c'est la façon d'être au monde qui est risquée et qui engage complètement la personne. » Jérôme Delormas

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« On a tendance à considérer l'artiste comme quelqu'un qui échappe aux principes de la société mais il y a tout une organisation autour de l'artiste »

Thibault Duchesne

« Je connais certains artistes qui ne partagent pas leur travail, leur but n'est pas de partager avec les autres. C'est simplement de libérer leurs émotions. » Beth Scaccia « L'entrepreneur fait un pari. Il part d'une idée pour faire une carrière. L'artiste, lui, fait une carrière sur sa production, sa personne. Faire une carrière artistique c'est entreprendre. » Alexandre Gain

« Ce qui est extraordinaire est le cas où l'artiste rencontre l'entrepreneur. Je pense ici au cas de Giacometti dont le frère était entrepreneur. Il faut qu'il y ait quelqu'un derrière un artiste pour sortir l'artiste qui est trop focalisé sur le perfectionnement de son oeuvre.» Michèle Broutta

Diego & Alberto Giacometti, 1958 (c) Fondation Ernst Sheidegger

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Avec l'érosion du lien social, l'artiste a-t-il un rôle à jouer dans l'élaboration de sens collectif ?

De par la nature-même de la culture comme liant social, l'artiste a un rôle à jouer afin de susciter du dialogue et de l'échange. Les politiques ne devraient pas oublier ce facteur décisif. En revanche, l'art contemporain peut avoir une image suffisante de lui-même qui érige au contraire des barrières.

« La culture, l'art et la création sont des production sociales pour être ensemble,pour susciter du débat, de l'expression et de l'échange. L'oeuvre est faites pour nous, et non pour elle. En ce sens, c'est un vecteur social fondamental. » Jérôme Delormas

« L 'art a une portée universelle et pourtant il est sujet à alimenter cette fracture sociale car cela alimente une certaine élite autour d'un projet artistique. »

Thibault Duchesne

« Les arts plastiques ont réussi à faire penser qu'ils sont prédominants sur le reste des arts. » Michel Muckensturm

« La politique ne devrait jamais oublier la faculté de la culture à réunir les gens. » Michèle Broutta

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Hypothèse 3 : L'artiste par ses oeuvres pousse à l'action citoyenne

En quoi les réflexions amenées par l'expérience artistique sont essentiels à la construction individuelle ?

Faire l'expérience de l'art amène l'individu à développer son sens critique. La culture a une portée éducative et l'on a beaucoup à apprendre de la vision de l'artiste.

« L'artiste est en avance sur son temps. Il donne aux autres le monde de demain.» Michèle Broutta

« L'art en soi il y a quelque chose qui est à prendre et pas nécessairement accessible. » Thibault Duchesne

« L'art est une belle manière d'attirer l'attention sur les problèmes sociaux. Nous avons besoin de l'art afin de questionner nos croyances et être critique, afin de regarder les choses d'une nouvelle perspective » Beth Scaccia

L'artiste déprogramme-t-il des comportements et habitudes inconscientes pour reprogrammer une nouvelle manière d'exister ?

On ne peut imposer à l'artiste de modifier en profondeur les comportements et habitudes mais l'artiste par son travail peut remettre en cause des paradigmes existants et proposer de nouvelles possibilités. L'artiste pousse à un état réflexif et méditatif sur soi ou sur son environnement.

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« L'artiste ne peut pas répondre à une commande. Ce que j'aime entrevoir chez l'artiste c'est cette capacité à pousser les logiques au bout et à les distordre » Jérôme Delormas

« L'artiste est là pour apporter une vision personnelle. Est-ce qu'il doit montrer un modèle ou reprogrammer ? Je ne sais pas. (É) Il amène à une réflexion, à un état.» Thibault Duchesne

« Si l'on regarde le festival Burning Man, c'est définitivement une critique de la société consuméristes. Les artistes croient en la dé-codification. (É) C'est une manière de trouver des alternatives ». Beth Scaccia

« Si on prend l'exemple de Jeff Koons au Centre Pompidou, c'est intéressant car c'est tout à fait dans un cadre et un public qui sera touché par le message. Tandis qu'exposer Jeff Koons en banlieue, eu égard la consommation des gens, cela n'aurait pas de sens. La puissance de l'art contemporain est que les installations et les performances sont un langage direct et peuvent changer des vies. »

Alexandre Gain

Vue de l'exposition Jeff Koons au Centre Pompidou du 26.11.14 au 27.04.15

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Hypothèse 4 : L'art contemporain est de plus en plus axé sur la rencontre entre le spectateur et l'artiste

En quoi l'art contemporain fait du spectateur non plus un témoin passif mais bien un acteur essentiel de l'oeuvre ?

Par rupture avec les formes académiques et l'envie d'interagir avec le public, notamment grâce aux outils que permettent la technologie, l'art contemporain implique désormais plus le spectateur comme sujet. Cette immersion initiée par des artistes recherchant une Esthétique Relationnelle au début des années 90 se fait souvent seulement au sein du milieu de l'art et il y a ici encore un défi d'accès.

« J'envisage l'oeuvre comme un questionnement. J'invite le spectateur à une promenade intellectuelle qui de fait le rend acteur mais non sujet. Le spectateur donne sens à l'oeuvre. C'est faire l'expérience de l'art qui importe. On peut amener à une forme de contemplation. La passivité face à l'art, c'est un des axes majeure de l'artiste contemporain. » Thibault Duchesne

« L'Esthétique Relationnelle a principalement mise en relation des artistes et des gens du milieu de l'art entre eux. C'est là que je trouve qu'il y a une limite qui ne vient pas de la théorie mais d'un milieu en auto-reproduction, d'un fonctionnement social. » Jérôme Delormas

« Pour l'immersion, tout dépend du propos de l'artiste. » Michel Muckensturm

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« Cette immersion est récente dans l'histoire de l'art. On arrive sur la fin du format académique, du White Cube. » Alexandre Gain

White Cube Galery à Londres (vers la fin de ce modèle ?)

Hypothèse 5 : Le numérique est un bouleversement sans précédent dans le monde de l'art

Comment le numérique change-t-il les manières d'aborder l'art ?

La révolution numérique bouleverse non seulement la pratique artistique avec l'émergence de l'art numérique mais aussi la diffusion de l'art. C'est aussi une opportunité de décloisonner un milieu de l'art trop hiérarchisé. L'IRCAM et la Gaîté Lyrique sont des lieux à la pointe du numérique pour faire de cet outil un pont entre artiste et scientifique et élargir l'art à de nouvelles pratiques (fab labs, jeux

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vidéos etcÉ). Le numérique est aussi un moyen d'accès à la pratique artistique et à de nouvelles techniques pour les créateurs.

« C'est potentiellement la notion d'art contemporain avec toute son histoire qui est remise en cause avec les usages numériques d'aujourd'hui qui sont en tout cas l'opportunité de rebattre les cartes. C'est aussi la position de la Gaîté Lyrique de travailler à la déhiérarchisation : détricoter des systèmes hiérarchiques que l'on a créés dans l'histoire de l'art jusqu'à aujourd'hui. (É) De plus en plus, notamment les plus jeunes cousent plein de choses, croisent l'espace réel, le rapport physique aux choses et le virtuel, le numérique. C'est aussi le cas avec le phénomène des fab labs qui renvoient à des pratiques ancestrales de fabrication. » Jérôme Delormas

« Le numérique change la donne. L'art sort de la galerie. Il y a un écueil en revanche avec les installations photos : on peut avoir vu quelque chose sans l'avoir vécu. L'action derrière un écran va aplatir. Dans la pratique artistique, on tend à sortir du cadre du tableau et on retombe derrière un cadre : celui de l'ordinateur. (É) Cela laisse un champ assez vaste pour l'artiste pour envisager le rapport au public. (É) On va peut-être trouver la vraie utilisation par des pratiques expérimentales. »

Thibault Duchesne

«A l'IRCAM, on invente des paradigmes de programmation informatique. (É) Pour l'IRCAM, le dialogue entre artistes et scientifiques s'incarne véritablement dans l'outil technologique et en particulier dans les logiciels. Les chercheurs scientifiques vont développer des algorithmes particuliers et vont essayer de répondre aux sollicitations à la fois des artistes mais aussi aux problématiques générales de leur

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secteur qui concernent différents champs scientifiques : de l'accoustique instrumental à la spatialisation de l'espace. C'est la manière par laquelle l'innovation pourra s'incarner dans quelque chose de plus générique qui va dépasser l'oeuvre artistique du créateur. » Michel Muckensturm

« Internet a donné un élan à beaucoup de choses, notamment au street-art. Le numérique a aussi permis le développement des logiciels de musique comme Ableton et les logiciels de retouche de photos. Cela oblige l'artiste à aller plus loin dans sa technique pour se différencier. » Alexandre Gain

« Le numérique est un outil qui permet d'aller plus loin, de découvrir des langages et de faire des calculs. Je serais très curieuse de voir des calculs sur le nombre d'or dans l'art contemporain faites par un ordinateur. » Michèle Broutta

Exemple d'un « fab lab » en région parisienne : Ici Montreuil

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Hypothèse 6 : Les médiateurs culturels ont un rôle clé dans l'enrichissement du dialogue entre l'artiste et son public

Qu'est-ce qui rend les lieux culturels des lieux de vie fédérateurs pour la communauté ?

Les établissements culturels sont des lieux où des savoirs sont partagés et transmis. Ce sont aussi des lieux de rencontre et d'échange qui dynamisent le territoire sur lequel ils sont implantés. Elargir le public est une manière de faire en sorte que ces lieux ne soient pas réservés au seul milieu artistique.

« C'est la rencontre, la mise en commun d'une même sensibilité sur une oeuvre. C'est un moyen d'échange, que cela soit dans l'accord ou dans la guerre. La Cité Radieuse du Corbusier à Marseille n'a été comprise que par la suite. » Michèle Broutta

« Il y a une nécessité absolue de lieux de vie culturelle comme la Gaîté Lyrique : des lieux de vie sociale à l'ère numérique. » Jérôme Delormas

« Il y a aussi des lieux qui créent du lien entre les artistes. Le problème est encore une fois l'accessibilité du contenu. Il y a des inégalités de capital culturel et social. » Alexandre Gain

« Ce qui rend un lieu spécial est la culture. Lorsque les gens partagent une part d'eux-mêmes, c'est le type de monnaie qui forme la communauté. » Beth Scaccia

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La Cité Radieuse à Marseille designée par Le Corbusier

Pourquoi la diversification des formes de dialogue via le développement de festivals & des expositions hors-les-murs sont nécessaires au rayonnement culturel des institutions, des artistes et des territoires investis ?

Le développement des festivals et des expositions hors-les-murs participent à la démocratisation de la culture. Le problème est de savoir à quelle culture se réfère ces initiatives. Il faut savoir mettre en valeur les territoires investis et promouvoir une culture locale qui possède aussi une créativité qui lui est propre.

« On retrouve ici la question de la démocratisation culturelle. Question qu'un Thomas Hischorn a plutôt bien géré mais ils sont rares les professionnels du monde de l'art qui réussissent cela. Qui dit démocratisation de la culture, cela présuppose qu'il y a quelque chose à rendre accessible. Or, ce quelque chose, qui décide de cette valeur-là symbolique ? Ce sont toujours les mêmes. Par exemple, le Centre

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Pompidou Mobile amène les oeuvres d'art dans des territoires : c'est un bon sentiment mais quel message veut-on faire passer ? Est-ce que cela veut dire que ces gens-là n'ont pas de culture ? Or, ils ont une culture. Tout le monde a une culture : simplement certaines sont valorisées et d'autres non. » Jérôme Delormas

« Le rayonnement culturel dépend de la classe créative qui a un rôle prédominant dans notre société. » Thibault Duchesne

Vue du Centre Pompidou Mobile

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Hypothèse 7 : Les lieux innovants qui aident à la collaboration pluridisciplinaire et à l'expérimentation sont un socle indispensable pour la création contemporaine

En quoi une programmation pluridisciplinaire autour d'un thème est à la fois un challenge artistique et une opportunité d'élargir les possibles ?

En croisant les disciplines artistiques, comme se donne pour mission l'association Prism Collective, on enrichit le travail de l'artiste qui voit son oeuvre dialoguer et renaître sous d'autres formats. C'est aussi en favorisant les interactions entre les représentants de différentes disciplines qu'on se rend compte de la transversalité de certains domaines et de la possibilité par analogie de déboucher sur de grandes découvertes. L'innovation provient souvent de la confrontation de champs différents. A l'IRCAM collaborent des musiciens et des médecins dans le traitement des acouphènes.

« Ce dont on se rend compte à nouveau c'est que l'innovation, l'invention, la création n'émergent pas tout à fait là où on le pense, en tout cas pas en milieu pur. Toute l'histoire prouve en terme d'innovation que c'est est un phénomène fortuit. C'est parce qu'il y a eu transposition, qu'il y a eu discussion avec quelqu'un dans un champ qui n'a rien à voir, qu'il il y a eu emprunt et analogie avec un autre secteur. La rencontre fortuite est fondamentale et cela est aidé par des conditions pluridisciplinaires. A la Gaîté Lyrique, en mettant sous le même toit des entrepreneurs de start-ups, des artistes de toutes les disciplines, des chercheurs,

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des scientifiquesÉ c'est se dire qu'à un moment donné il y a des connexions qui se font et que l'on avait pas nécessairement pré-conçues ou imaginées. On sait simplement que les conditions sont réunies. » Jérôme Delormas

« A l'IRCAM, on travaille également avec l'industrie pour véhiculer des informations particulières qui permettent un rendu particulier. On travaille avec des médecins, des neurologues par exemple pour soigner les acouphènes. Le patient peut rééduquer son cerveau afin de diminuer la douleur. On est bien dans la pluridisciplinarité. » Michel Muckensturm

«. Le processus créatif à partir du moment où il est confronté à différentes idées a tendance à être enrichi. » Thibault Duchesne

Que pensez-vous de la transformation et la réappropriation d'anciens lieux industriels en lieux artistiques et culturelles ?

Les interviewés réagissent positivement à la ré-utilisation d'espaces abandonnés et soulignent l'impact culturel positif de telles initiatives qui permettent de décentraliser les pôles culturels. Cependant, il ne faut pas sacraliser ce processus et les artistes transforment de tels lieux par manque de moyens financiers.

« A l'Amour à Bagnolet, on occupe un bâtiment qui est abandonné depuis 27 ans. Si on n'occupait pas ce bâtiment, il serait resté vide pendant longtemps avant d'être détruit. Je trouve légitime d'en faire une galerie d'art et un lieu de vie pour 8 personnes. Dans le fond, c'est encore l'intention qui compte. C'est bien quand c'est un bâtiment qui n'avait pas d'utilité sociale. » Alexandre Gain

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« C'est toujours bien qu'une société plutôt que de détruire systématiquement son patrimoine et reconstruire, c'est mieux de transformer ce qu'elle a produit. (É) En revanche, il ne faut pas le sacraliser. (É) Il faut donc savoir ré-utiliser du patrimoine et la Gaîté Lyrique en est un très bel exemple, mais il faut avoir aussi cette audace de détruire pour refaire du neuf. » Jérôme Delormas

« Un collectif d'artistes qui prend possession d'un hangar ce sont des questions financières. Il y a un espace de création et d'exposition potentielle à prendre, des espaces en friche. Cela décentralise les pôles culturels. Ce sont des lieux périphériques. De tout temps, il y a eu ça : c'était Montparnasse avant, Montreuil aujourd'hui. » Thibault Duchesne

« Les artistes ont la nécessité d'emménager dans des lieux avec des loyers très bas. » Beth Scaccia

« Lorsque les artistes investissent des lieux, ils les transforment (É) Il ne faut en revanche pas confondre l'événement et l'oeuvre d'art. » Michèle Broutta

Vue de la résidence artistique l'Amour à Bagnolet

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Hypothèse 8 : La création artistique est complémentaire de la création scientifique et les ponts entre art et science re-dessinent la manière de penser les délimitations de l'art et par conséquent son impact économique

En quoi les ponts entre approche scientifique et artistique sont importants pour décloisonner ces domaines ?

Les figures de l'artiste et du scientifique ont subi une trop grande dichotomie auprès du grand public alors que les actes de création et d'innovation proviennent de mêmes modes d'inspiration et de constructions de l'esprit. Le plus difficile est de ne pas seulement fonctionner par analogie mais bel et bien coordonner l'action scientifique et artistique sur un même projet alors que les attentes de chacun sont différentes. L'artiste peut aussi avoir une démarche scientifique en étudiant la couleur ou la coupe de cellules. Sans chercher absolument à associer deux domaines que l'on pourrait croire opposés, on perçoit que les interactions sont nombreuses. L'artiste a aussi une fascination pour la recherche scientifique bien que lui soit au service de la beauté et non de la science.

« L'objectif est de coordonner le développement scientifique pour accroître le langage artistique. C'est un mécanisme difficile à incarner. Souvent on fait des choses par analogie, on s'inspire de l'astronomie, d'Einstein ou de je ne sais quoi, mais il n'y a pas de vrai démarche commune qui va concourir à créer quelque chose de nouveau dans le temps. (É) L'artiste a une processus qui lui est propre et

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des préoccupations : l'urgence de sa création, la pièce à venir. Or, le chercheur scientifique lui veut faire avancer la science. Il est dans une idée de généricité. (É) La volonté initiale est de gérer un événement artistique mais cela participe à des recherches pour une communauté scientifique qui peuvent donner lieu à de l'exploitation de logiciels. Les scientifiques se nourrissent de la demande artistique qui a des requêtes d'usage. Ce n'est pas une demande de "proof of concept" dans un laboratoire. Il y a un défi qui est de faire fonctionner l'expérience devant un public. » Michel Muckensturm

« Historiquement, le scientifique et le philosophe sont les mêmes. Il y a un cheminement philosophique très fort. Il y a beaucoup d'artistes qui s'intéressent à la science. Caroline Corbasson s'intéresse à des phénomènes géologiques et spatiaux. Il y a un rapprochement scientifique qui est évident. Ses thèmes sont les terres à prendre, la dimension inconnue. L'étude de la couleur est un aspect scientifique. La pratique artistique implique une pratique de la chimie. Le peintre est un chimiste : il y a un mélange de couleur, de pigments.Il y a également des installations qui s'intéressent à l'énergie, à la géométrie. Je pense ici à l'exposition sur Takis qui s'intéresse au magnétisme.C'est l'image tout public qui a changé. » Thibault Duchesne

« Avant nous vivions dans un temps où tout était spécialisation. Désormais, nous percevons de quelles manières sont reliées toutes les disciplines et toutes les connexions qu'il y a entre elles. Nous avons organisé un hackaton sur la mode à Paris où un ingénieur a collaboré avec un designer de mode. » Beth Scaccia

« Dans la science, dans la biologie, il y aussi une esthétique, une beauté qui est presque du domaine artistique. En même temps, parfois il ne faut pas absolument mélanger des domaines opposés pour dire qu'on les mélange. » Alexandre Gain

« Il y a des artistes qui se sont inspirés de biologie, de l'étude de cellules. Beaucoup d'oeuvres d'artistes s'apparentent à de la science, ne serait-ce que par l'observation. Je pense néanmoins que c'est surtout l'artiste qui puise son inspiration auprès du scientifique et non l'inverse. » Michèle Broutta

« Il y a un parallèle car ils sont tous dans une spéculation et dans une passion, à corps perdu. Les grands scientifiques ont souvent des attitudes communes aux grands artistes. » Jérôme Delormas

Vue de l'exposition « Takis », Palais de Tokyo 2015. Photo : André Morin. (c) ADAGP, Paris

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Hypothèse 9 : L'innovation, liée à la recherche artistique, est un concept-clé pour la création de richesse

En quoi l'artiste nourrit-il l'innovation dans les industries créatives ?

L'artiste nourrit l'innovation des industries créatives car il est à l'avant-garde. L'art expérimental est le laboratoire des industries créatives qui en puisent de l'inspiration et l'applique avec des moyens plus importants. L'art contemporain qui est souvent à la pointe de la recherche esthétique infuse peu à peu les industries créatives.

« C'est peut-être par accident car ce n'est pas la préoccupation première de l'artiste qui souhaite avant tout sortir son oeuvre mais cela peut donner lieu à de l'innovation d'usage, l'innovation produit dans des univers beaucoup plus larges. (É) On a signé un contrat avec UNIVERSAL MUSIC pour améliorer leurs recommandations d'utilisateurs en fonction de l'atmosphère et de sonorités en élargissant les genres de musique. » Michel Muckensturm

« L'art contemporain est la base expérimentale pour ce qui deviendra plus commercial. Beaucoup de campagnes publicitaires s'appuient sur des oeuvres d'art contemporain. L'art contemporain infuse le paysage culturel et on va le retrouver dans les industries créatives. Le cinéma d'avant-garde a totalement inspiré le cinéma grand public. Ainsi, les films expérimentaux de Jean-Luc Godard ont inspiré tout une génération au cinéma. La pratique expérimentale donne lieu à de nouvelles idées. » Thibault Duchesne

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Hypothèse 10 : La création artistique inspire la société dans son ensemble et trouve son application notamment avec le design

En quoi le design apparaît comme une solution afin de combiner art, technique et société ?

A la croisée des disciplines, le design est une application plus fonctionnelle de l'art mais qui prend une place de plus en plus importante dans nos sociétés interfacées. Le design devient un enjeu de pouvoir et il se développe sous de multiples formes, comme le design sonore. Le designer a une démarche différente de l'artiste car il est là pour solutionner un problème plus que pour amener une réflexion philosophique.

« Je vois qu'on est dans une société où la plupart des objets que nous utilisons sont le fruit d'un double-processus : de dessein et de dessin. Nous sommes de plus en plus dans une société interfacée et le rôle du design est cette fonction qui fait qu'on est au monde d'une certaine manière et pas d'une autre. Cela met le design au centre et partout. Après, il y a des modes de production et des formes du design qui sont très hétérogènes les unes des autres.(...) C'est un enjeu politique phénoménale. En témoignent les Iphones qui sont des purs produits de design dans le hardware comme dans le software. » Jérôme Delormas

« Avec l'école des Beaux-Arts du Mans, on a créé une filière de formation en design sonore (É). Autant le design visuel existe, autant le design sonore n'est pas très développé. (É) On a ainsi travaillé avec RENAULT sur leurs véhicules électriques.

Les véhicules émettent un signal qui caractérisent leur marque. Le son devient alors un outil marketing pour véhiculer un message. » Michel Muckensturm

« Le designer n'a pas les mêmes questionnement que l'artiste. Dans le design, il y a un produit qui tend à être multiplié et distribué. L'artiste soulève des questions tandis que le designer solutionne. » Thibault Duchesne

« Le design c'est de l'art fonctionnel, au service de la personne lambda. (É) Les designers acceptent leur côté artisan et le côté fonctionnel de leurs produits. » Alexandre Gain

« Le designer est influencé par l'artiste, il a le regard de ce qui a été fait et entreprit par l'artiste. Il faut que cela soit sufÞsamment nouveau pour étonner mais aussi que cela soit reçu. » Michèle Broutta

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En 2014, lÕIRCAM a collaboré avec le compositeur Andrea Cera pour le design de la ZOE

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II Recommandations

Suite à l'analyse des interviews, ce qui ressort est que notre époque est marquée par la révolution numérique qui accroît exponentiellement les possibilités de création et de diffusion de l'art. La responsabilité sociale de l'artiste est de préserver sa liberté et de continuer à être un véhicule de créativité. Les répercussions de la créativité sur l'innovation en terme économique sont bien plus important qu'imaginé grâce au design et à des collaborations dans des domaines regroupants art, science et ingénierie. Afin de garantir la liberté du travail de l'artiste, les médiateurs culturels et les établissement culturels doivent innover dans leur rapport au public et tenter de briser l'image d'un art contemporain trop élitiste et inaccessible. Les possibilités infinies qu'offrent l'interdisciplinarité et la technologie sont autant de voies à explorer. En ce qui concerne la responsabilité, elle est donc partagée et ce également avec les politiques qui devraient prendre conscience de l'importance de la culture dans la construction de l'individu et de la communauté. En effet, l'art est avant tout l'occasion d'ouvrir le dialogue sur différents débats essentiels à l'idéal démocratique. Il s'agit d'intégrer des espaces de création pour développer la créativité, notamment au sein des entreprises. Terreau de développement économique et sociale, l'art comme capacité propre à l'Homme et manifestation de spiritualisation doit rester accessible à tous en tant que potentiels créateurs d'une société plus juste.

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BIBLIOGRAPHIE

Livres

L'économie de la culture - Françoise Benhamou

Postproduction - Nicolas Bourriaud

Esthétique Relationnelle - Nicolas Bourriaud

L'Art comme expérience - John Dewey

Histoire de l'Art - Ernst Gombrish

L'artiste et l'entrepreneur - Norbert Hilaire

Vivre de son art : Histoire du statut de l'artiste, XVe-XXIe siècles - Agnès Graceffa

La mission de l'artiste - Ferdinand Hodler

Portrait de l'artiste en travailleur - Pierre-Michel Menger

L'Art de Platon à Deleuze - Eric Oudin & Ciryl Morana

L'Art du XXIème siècle - Edition Phaidon

Articles et essais

L'artiste dans la société contemporaine - l'UNESCO

Médiapart : l'art assume-t-il des fonctions sociales

http://blogs.mediapart.fr/blog/bout-de-souffle/230509/l-art-assume-t-il-des-fonctions-sociales

Quelle peut être la place de l'artiste dans une société du «savoir» ? http://www.millenaire3.com/uploads/tx_ressm3/debat_savoirs_2009_01.pdf

Rencontre France Culture «L'artiste dans la cité» http://www.rectoversion.com/contact_lapage21.htm

L'artiste : immunité ou responsabilité? - Vème Congrès Méditerranéen Esthétique, Carthagène, 4-8 juillet 2011

Art, science, technologie - Création numérique et politiques de l'interdisciplinarité, Jean-Paul Fourmentraux

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SOURCES

(1) Etude Ernst & Young et France Créative du 07.10.13

(2) André Comte Sponville, préface de l'Art de Platon à Deleuze

(3) Agnès Graceffa, Vivre de son art p14

(4) Daniel Bougnoux, « Lieu d'être », in Oeuvre et lieu, Essais et documents, Flammarion, 2002, p35

(5) Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, p28

(6) Norbert Hilaire, L'artiste et l'entrepreneur

(7) Albert Camus, Conférence L'artiste et son temps

(8) Mirceia Eliade, Mythes, rêves et réalité

(9) Conférence « Que peut faire l'Art en politique ? » à l'Aéronef à Lille le 09.10.14 avec Gilberto Gil, ancien ministre de la culture et membre fondateur du mouvement brésilien tropicalisme (1964-1967)

(10) Gilles Deleuze, film l'Abécédaire, «Il n'y a pas d'art qui ne soit une liberation d'une puissance de vie»

(11) L'artiste : immunité ou responsabilité? Considérations sur l'usage des catégories éthico-juridiques dans le monde de l'art - Vème Congrès Méditerranéen Esthétique, Carthagène, 4-8 juillet 2011, p13

(12) http://www.liberation.fr/societe/1998/09/19/le-profanateur-de-pissotiere-en-appelle-a-l-art-pierre-pinoncelli-est-juge-pour-avoir-souille-et-abi_246219

(13) Joseph Beuys, « Chaque personne est un artiste»

(14) L'Art du XXIème siècle, édition Phaidon, p25 & 214

(15) Nicolas Bourriaud, Postproduction p

(16)

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John Dewey, L'art comme expérience, p38

(17) Julian Schnabel, Documentaire Basquiat, 1996

(18) Pierre Musso, Art, innovation et industrie : le retour du saint-simonisme ?

(19) Pierre-Michel Menger, Etre artiste, oeuvrer dans l'incertitude, 2012

(20) Nicolas Bourriaud, Postproduction, Conclusion

(21) Albert Camus, Discours de Suède, p15

(22) Fourmentraux, Volume! numéro 10, p114

(23) Agnès Graceffa, Vivre de son Art, p 12

(24) David Edwards, Artscience: Creativity in the Post-Google Generation (Harvard Press, 2008)

(25) John Dewey, L'art comme expérience, p38

(26) Françoise Benhamou ,L'économie de la culture

(27) Article du Figaro : http://www.lefigaro.fr/culture/

2015/05/06/03004-20150506ARTFIG00167-la-sncf-16-sites-inoccupes-ouverts-a-des-projets-culturels.php

(28) Gagnants du concours Design of the Year 2014 : http://www.dezeen.com/ 2014/02/10/designs-of-the-year-2014-shortlist-announced

(29) Rolf A. Faste, An Improved Model for Understanding Creativity and Convention (Standford, 1992)

(30) Françoise Benhamou, L'économie de la culture

(31) Infographie du Ministère de la culture

(32) Pierre-Michel Menger, Portrait de l'artiste en travailleur, 2002

(33) David Edwards, The Lab : Creativity and Culture, 2010

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ANNEXES

Annexe 1 : Interview de Laurent Bizot, fondateur du label No Format!, réalisé le 2 mars 2015

Q : Pouvez-vous nous en dire plus sur la place du griot dans la société malienne ?

R : «Le griot a une place très importante dans la société malienne, qui repose sur un système de castes depuis le 12e siècle. Depuis l'époque de Soundiata Keita (1191-1255), la structure sociale de ce qui était à l'époque l'empire du Mali n'a quasiment pas bougé, du moins jusqu'à ces dernières années. La société est divisée en castes correspondant à une fonction professionnelle ou sociale. Les nobles (propriétaires terriens, guerriers, chasseurs), les forgerons, les pêcheurs..

Les familles de griots sont en général associés à une famille de nobles, et cultivent avec eux une relation d'interdépendance. Le noble entretient matériellement le griot. Le griot rend de multiples services au noble. Réputé maitre dans l'art de la parole, le griot est par exemple le représentant du noble dans toutes les interactions sociales importantes, négociations, demandes en mariage, conflit de terrain.. C'est un intermédiaire, parfois avocat, parfois notaire. C'est aussi un biographe et un historien, il a en tête toute la généalogie de la famille noble à laquelle il est attaché, et à l'art de raconter les exploits des ancêtres de cette famille. Enfin la pratique du chant ou d'un instrument peut faire partie des talents du griot. En tout cas cette pratique leur est réservée, et jusqu'à récemment, il était hors de question qu'un noble chante ou jour d'un instrument (cf rejet de Salif Keita par sa famille).

Ballaké Sissoko vient d'une famille de griots gambiens, son père était un grand joueur de kora.

Kassé Mady Diabaté vient de Kela, au coeur du pays mandingue. Kela est un village à la tradition griotique très forte. Il représente la tradition griotique authentique, avant qu'elle soit "contaminée" par les travers actuels (pratique griotique aujourd'hui motivée par l'appât du gain avant tout). Kasse Mady chante les grandes figures de l'histoire du manding, les moments historiques et les légendes, qui parfois se croisent, mais il chante aussi des conseils pour les jeunes, des recommandations pour que la communauté vive en paix. Ses mots touchent autant que sa virtuosité et la finesse de ses phrases mélodiques, la forme sert le fond. On dit qu'il a hérité de la voix de son grand père le grand griot Bintou Fama. Dès l'âge de 7 ans les anciens du village ont reconnu cette voix, et l'ont formé. La transmission du savoir griotique est orale, elle s'opère pendant les jeunes années surtout.»

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Annexe 2 : Répartition géographique des centres d'art contemporain

en France en 2015

Source : Association française de développement des centres d'art

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Annexe 3 : Interviews de six acteurs de la culture en France

 

Interview de Jérôme Delormas, Directeur de la Gaîté Lyrique Réalisée le 12 mai 2015 au Foyer de la Gaîté Lyrique

Q : L'artiste doit-il conscientiser dans sa pratique artistique la portée de son message ?

R : Cela dépend vraiment du type d'artiste et de la pratique. L'art et la création inventent des langages et des formes. Je suis foncièrement formaliste. Il peut y avoir un artiste extrêmement spéculatif qui va tellement loin dans la création de formes et de langage qu'il créé une rupture, quelque chose qui forcement prend une place particulière et singulière dans le monde au sens des relations sociales. En l'occurence, il peut y avoir des artistes qui n'inventent pas du tout au niveau formel mais qui ont un message ultra impliqué, engagé voir politique explicitement mais qui sont de très mauvais artistes. D'autres ont un degré d'abstraction extrême et une pratique tellement disruptive, tellement dans l'invention d'un nouveau monde qu'ils sont politiques.

Des artistes intègrent tellement le marché et la notion de notoriété et de validation par les instances que finalement ça devient plus important que la pratique. Ils pré-répondent une attente et du coup ça devient marketing.

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La question de l'engagement explicite n'est pas le bon paramètre. On peut être engagé dans sa tour d'ivoire comme on peut être totalement mauvais dans son engament ne servir à rien pour la société quand on est pseudo-engagé. On a plein d'exemples avec les bouleversements politiques et écologiques : il y a beaucoup d'artistes qui s'engouffrent là-dedans. On voit bien que c'est parce qu'il y a un marché en terme de notoriété et en terme économique.

Q : Dans quelle mesure l'artiste aurait le droit à l'irresponsabilité au nom de la liberté de création ?

R : C'est une vaste et éternelle question qui englobe celle de la censure et de la liberté d'expression. Je défend évidemment la liberté absolue et si l'art doit avoir une fonction c'est celle de la liberté totale, sinon cette fonction n'existe plus dans la société. Liberté totale cela veut dire un imaginaire débridé, une capacité à inventer. Certains régimes politiques ne s'y trompent pas : si ils censurent c'est bien qu'ils y voient du danger. Si il y a danger, il y a intérêt et cela a un impact sur la société. Après, on a la chance de travailler non pas que sur des objets mais sur avec de l'humain, et par rapport à la création contemporaine ce sont des gens vivants que l'on peut rencontrer. Il y a alors l'aspect éthique et moral qui rentre en jeu. Ce sont des citoyens comme les autres. Je ne veux surtout pas sacraliser l'artiste, le mettre sur un pied d'éstale. En tant qu'être social, l'artiste n'a pas tous les droits et cela reste quelqu'un qui a des responsabilités. Une de ses responsabilités peut être de revendiquer sa liberté d'expression. A ce moment, il faut que cela soit complètement assumé.

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Il y a des artistes qui ont l'impression d'exprimer une liberté énorme et qui se font censurer mais avec un peu distance, on se rend compte que c'était absurde. D'abord, ils n'étaient pas si audacieux que ça. Ensuite, la censure est faite à mauvais escient : elle s'applique au mauvais moment et sur des mauvaises choses. Par exemple, la censure de l'oeuvre à Barcelone au MACBA qui a conduit à la démission du directeur. Il y a eu contre lui un tollé contre lui. Cette oeuvre, que j'ai vu en reproduction, ne bouleverse rien et ne remet pas une seconde en cause un ordre social. A la Gaîté Lyrique, on intègre la position du public. On travaille à part égal la question du propos de l'artiste et la question de l'expérience du visiteur. Un cas de conscience peut exister mais il n'y a à priori aucune raison de censurer. On met des avertissements pour que le public soit prévenue.

Q :L'artiste, par sa volonté de changement, s'apparente-il à l'entrepreneur social ?

R : C'est vrai que la figure de l'entrepreneur est assez proche de celle de l'artiste. Je n'en avais pas une conscience aussi aigüe que depuis que j'ai fait un voyage en Californie où finalement là-bas le concept même d'entrepreneur culturel, concept qui nous est chère, et en particulier à la Gaîté Lyrique, est un peu incongru. Cela nous renvoie à notre position très française de mettre la culture dans une case, comme si c'était un registre bien précis alors que finalement lorsqu'on a une mentalité entrepreneuriale : l'entrepreneur est un créateur. C'est aussi quelqu'un qui prend un risque absolu. Certains artistes prennent l'entreprise comme sujet mais ce qui est vraiment intéressant c'est la façon d'être au monde qui est risquée et qui engage complètement la personne.

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Q : Avec l'érosion du lien social, l'artiste a-t-il un rôle à jouer dans l'élaboration de sens collectif ?

R : Il y a quelque chose que l'on ne doit pas oublier. La culture, l'art et la création sont des productions sociales pour être ensemble,pour susciter du débat, de l'expression et de l'échange. On a tendance à l'oublier en sacralisant et en mettant l'oeuvre d'art sur un pied d'éstale. Or, l'oeuvre est faites pour nous, et non pour elle. En ce sens, c'est un vecteur social fondamental. C'est aussi pour cela qu'il est très important d'avoir des lieux comme la Gaîté Lyrique, notamment pour un lieu culturel qui se consacre, qui problématise la question du numérique et de la société numérique qui, à priori, pourrait aller du côté du virtuel, de l'immatériel... Au contraire, ce n'est surtout pas chacun devant son écran. On partage des expériences, des espaces, de la musique, des expositions.

Q : L'artiste déprogramme-t-il des comportements et habitudes inconscientes pour reprogrammer une nouvelle manière d'exister ?

R : C'est tout à fait cela. En revanche, il n'est pas possible de commander aux artistes. L'artiste ne peut pas répondre à une commande. Ce que j'aime entrevoir chez l'artiste c'est cette capacité à pousser les logiques au bout et à les distordre. C'est pour cela que beaucoup d'artistes intéressent des grandes sociétés spécialisées dans la technologie et dans les usages numériques. Les artistes vont détourner un algorithme, un procédé bien lisse et ils vont aider l'entrepreneur, le développeur ou l'ingénieur à aller encore plus loin.

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Q : En quoi l'art contemporain fait du spectateur non plus un témoin passif mais bien un acteur essentiel de l'oeuvre ?

R : L'Esthétique Relationnelle, théorisée brillamment par Nicolas Bourriaud, l'illustre bien mais je me demande si celle-ci n'a pas été mise en oeuvre dans des pratiques qui ne se revendiquent pas, tout simplement parce qu'il y a un côté phagocitage. Quand un milieu est trop constitué, il enferme les oeuvres même si elles sont disruptives. Comme le capitalisme, d'une certaine manière. Cela avale et digère très bien. L'Esthétique Relationnelle a principalement mise en relation des artistes et des gens du milieu de l'art entre eux. C'est là que je trouve qu'il y a une limite qui ne vient pas de la théorie mais d'un milieu en auto-reproduction, d'un fonctionnement social.

Dans les années 90, Thomas Hirschorn avait fait le choix à Bilbao d'en parallèle de sa résidence, de s'installer dans un atelier pignon sur rue. Il fût assez dépité car il avait envie d'échanger mais il n'a eu que des clochards qui sont rentrés dans son atelier. Il n'a pas réussi à toucher un large public. Cela n'a pas été un lieu de relation sociale. Aussi, certains artistes ont mis en oeuvre un partage de plats, d'alimentation dans l'Esthétique relationnelle. Cela a été un indice de quelque chose qui est très fort : la cuisine et l'alimentation comme faisant partie de la culture et comme finalement la première et primordiale esthétique relationnelle. Je fais un continuum entre toutes les pratiques sociales et la création, il n'y a pas de rupture pour moi.

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Q : Comment le numérique change-t-il les manières d'aborder l'art ?

R : Le numérique est un outil de reproduction et de diffusion qui continuerait par certains moyens ce qu'on pu faire la photo et la vidéo dans l'histoire récente.

Il y a également aussi l'aspect de l'art numérique qui est un genre dont le milieu de l'art va s'empresser de codifier, de créer une branche de l'art contemporain avec son marché, ses critiques, ses lieux spécialisés. Ce qui est honorable mais ce qui est limité et ne me satisfait pas. Je pense que la révolution en cours fait exploser cela. C'est potentiellement la notion d'art contemporain avec toute son histoire qui est remise en cause avec les usages numériques d'aujourd'hui qui sont en tout cas l'opportunité de rebattre les cartes. C'est aussi la position de la Gaîté Lyrique de travailler à la déhiérarchisation : détricoter des systèmes hiérarchiques que l'on a créés dans l'histoire de l'art jusqu'à aujourd'hui. Le concept d'art numérique va dans ce sens-là. De nombreux artistes « numériques » sont méprisés par le milieu de l'art et ne rêve que d'une chose c'est d'être adoubé par ce milieu comme si il y avait une hiérarchie. Or, il y a des malentendus là-dessus. A la Gaîté Lyrique, nous essayons de casser les statuts en invitant des gens hétérodoxes qui viennent d'ailleurs, qui n'attendent pas de la Gaîté Lyrique un statut. Enfin, le numérique est une occasion non pas de mimer ce que l'on fait dans l'art contemporain pour en faire un genre nouveau au sein de l'art contemporain mais de se dire que tout peut voler en éclat, qu'il y a de nouvelles manières de créer, de nouveau types d'oeuvres, de nouveaux types de récits, d'autres imaginaires qui ne sont pas antagoniste avec le passé. Plein d'artistes qui utilisent l'outil numérique finalement

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se reposent et nous renvoient à des questions ancestrales. Prenons l'exemple du jeu vidéo qui nous offre aujourd'hui l'opportunité de se réaproprier le jeu comme phénomène sociale et artistique. C'était un peu ringard d'aimer jouer il n'y a pas si longtemps. Aujourd'hui, on peut être gamer, un geek de jeu vidéo et aimer jouer aux jeux de plateau, aux échecs etcÉ On l'a vérifié dans plein d'endroits ici avec des projets d'artistes et de game designers. De plus en plus, notamment les plus jeunes cousent plein de choses, croisent l'espace réel, le rapport physique aux choses et le virtuel, le numérique. C'est aussi le cas avec le phénomène des fab labs qui renvoient à des pratiques ancestrales de fabrication. Si on prend l'exemple du designer François Brument qui expose ici dans le cadre de l'exposition Oracles du Design, il a conçu des algorithmes qui permettent de produire une forme qui est numérisée sur un ordinateur lorsque vous soufßez. Ensuite ces formes sont imprimées en 3D. En l'occurence, ce sont des vases. A terme, avec l'avancée de la technologie, on pourra les imprimer non plus avec de la matière synthétique mais avec de la terre. On pourra donc faire de la céramique comme les techniques traditionnelles mais dans un processus ultra contemporain et très sophistiqué. Ici, l'art contemporain n'a pas d'importance. Ce n'est plus la question.

Concernant la vente d'objets d'art sur Internet, je ne pense pas que cela soit un danger pour les galeries. Elles seront intégrées ces dimensions. Comme toujours dans ce domaine-là et en particulier dans le commerce, on a toujours intérêt à multiplier les points de vente et la visibilité étant donné que ça développe de l'intérêt. Je pense qu'actuellement le marché de l'art numérique est en train

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d'émerger, mais de ce fait une galerie qui aurait un artiste numérique a tout intérêt

à s'associer à des plateformes.

Q : Qu'est-ce qui rend les lieux culturels des lieux de vie fédérateurs pour la communauté ?

R : Il y a une nécessité absolue de lieux de vie culturelle comme la Gaîté Lyrique : des lieux de vie sociale à l'ère numérique.

Q : Pourquoi la diversification des formes de dialogue via le développement de festivals & des hors-les-murs sont nécessaires au rayonnement culturel des institutions, des artistes et des territoires investis ?

R : On retrouve ici la question de la démocratisation culturelle. Question qu'un Thomas Hischorn a plutôt bien géré mais ils sont rares les professionnels du monde de l'art qui réussissent cela. Qui dit démocratisation de la culture, cela présuppose qu'il y a quelque chose à rendre accessible. Or, ce quelque chose, qui décide de cette valeur-là symbolique ? Ce sont toujours les mêmes. Par exemple, le Centre Pompidou Mobile amène les oeuvres d'art dans des territoires : c'est un bon sentiment mais quel message veut-on faire passer ? Est-ce que cela veut dire que ces gens-là n'ont pas de culture ? Or, ils ont une culture. Tout le monde a une culture : simplement certaines sont valorisées et d'autres non. Je sais bien que la société classe mais il faut se battre contre cela. C'est quelque chose que les outils numériques peuvent apporter : un partage des savoirs. Au Japon, il existe des

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quartiers où il existe une université communautaire où chacun s'échangent ces savoirs. C'est le paradigme numérique qui permet cela.

Nier le fait que tout le monde ait une valeur, politiquement c'est inacceptable. Il faut être cohérent : si l'on montre un Malevitch ou un Mondrian en banlieue, en quoi cela est plus légitime qu'un concert de rap ou autre chose ?

Q : En quoi une programmation pluridisciplinaire autour d'un thème est à la fois un challenge artistique et une opportunité d'élargir les possibles ?

R : Le paradigme numérique apporte la collaboration et l'interdisciplinarité. Ce dont on se rend compte à nouveau c'est que l'innovation, l'invention, la création n'émergent pas tout à fait là où on le pense, en tout cas pas en milieu pur. Toute l'histoire prouve en terme d'innovation que c'est est un phénomène fortuit. C'est parce qu'il y a eu transposition, qu'il y a eu discussion avec quelqu'un dans un champ qui n'a rien à voir, qu'il il y a eu emprunt et analogie avec un autre secteur. La rencontre fortuite est fondamentale et cela est aidé par des conditions pluridisciplinaires. A la Gaîté Lyrique, en mettant sous le même toit des entrepreneurs de start-ups, des artistes de toutes les disciplines, des chercheurs, des scientifiquesÉ c'est se dire qu'à un moment donné il y a des connexions qui se font et que l'on avait pas nécessairement pré-conçues ou imaginées. On sait simplement que les conditions sont réunies.

Q : Que pensez-vous de la transformation et la réappropriation d'anciens lieux industriels en lieux artistiques et culturelles ?

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R : J'aurais une position assez pragmatique là-dessus. C'est toujours bien qu'une société plutôt que de détruire systématiquement son patrimoine et reconstruire, c'est mieux de transformer ce qu'elle a produit. C'est un potentiel où l'on aurait tort de se priver. En revanche, il ne faut pas le sacraliser. J'ai rencontré des collectivités et des élus qui ont en charge un patrimoine industriel considérable et veulent en faire absolument quelque chose. Parfois, il ne faut pas non plus se forcer. Ce n'est pas parce que c'est trop grand à utiliser : comme el Matadero à Madrid qui est un lieu extraordinaire mais c'est objectivement trop grand. Il faut donc savoir réutiliser du patrimoine et la Gaîté Lyrique en est un très bel exemple, mais il faut avoir aussi cette audace de détruire pour refaire du neuf. Dans certains pays comme au Royaume-Uni, il y a une générosité architecturale plus importante alors qu'en France on est un peu timoré.

Q : A l'initiative de l'IRCAM ou des ateliers Arts-Sciences, en quoi les ponts entre approche scientifique et artistique sont importants pour décloisonner ces domaines ?

R : Il y a une condition : celle d'avoir une conception assez large de l'artiste qui englobe le designer. Il y a un parallèle car ils sont tous dans une spéculation et dans une passion, à corps perdu. Les grands scientifiques ont souvent des attitudes communes aux grands artistes.

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Q : En quoi le design apparaît comme une solution afin de combiner art, technique et société ?

R : Le design est un champ immense. Il y a beaucoup de polémiques et de discussions sur ce qu'est le design. J'ai une acception assez large et anthropologique. Je vois qu'on est dans une société où la plupart des objets que nous utilisons sont le fruit d'un double-processus : de dessein et de dessin. Nous sommes de plus en plus dans une société interfacée et le rôle du design est cette fonction qui fait qu'on est au monde d'une certaine manière et pas d'une autre. Cela met le design au centre et partout. Après, il y a des modes de production et des formes du design qui sont très hétérogènes les unes des autres. Cela fait tout le merveilleux et toute la chaire du design : il y a le design graphique, le webdesign, le design d'objets, le design de modeÉCette diversité est fabuleuse mais cela reste finalement un même processus mental et un processus de création de même type. En vérité c'est un enjeu de pouvoir. C'est un enjeu politique phénoménale. En témoignent les Iphones qui sont des purs produits de design dans le hardware comme dans le software. Les péripéties, les discussions sur « est-ce de l'art ou non? » n'a à vrai dire peu d'importance. Ce qui est important c'est l'enjeu autour de ces outils numériques : le code devient un langage de pouvoir. Ce langage, les artistes se l'approprient comme ils se sont appropriés les autres.

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Interview de Michel Muckensturm, Administrateur généréral de l'IRCAM Réalisée le 22 mai 2015 à l'IRCAM

Q : A l'initiative de l'IRCAM ou des ateliers Arts-Sciences, en quoi les ponts entre approche scientifique et artistique sont importants pour décloisonner ces domaines ?

R : Pierre Boulez est un artiste fortement engagé dans la cité. Il a créé l'IRCAM et il cherchait à créer des matériaux nouveaux. En ayant une formation d'ingénieur et de mathématicien, il souhaitait utiliser les techniques modernes pour accroître l'expressivité du langage musical. Il a rencontré Georges Pompidou qui avait aussi une certaine vision. Il y a une démarche politique de certains artistes à certains moments mais ce type d'artistes restent rares. L'IRCAM est un des rares lieux où il y a la fois des chercheurs scientifiques et des créateurs.

Si l'on prend l'exemple de l'Opéra dans l'Italie de la Renaissance, ce fût un laboratoire, des expériences de princes : un mélange à la fois technique et artistique. L'IRCAM est contruit sur ce modèle L'objectif de l'IRCAM est d'avoir des artistes qui ont des préoccupations particulières, à priori ce sont plutôt des artistes musiciens et d'avoir un dialogue compétitif avec des scientifiques qui sont

excellents dans leur domaines. L'objectif est de coordonner le développement scientifique pour accroître le langage artistique. C'est un mécanisme difficile à incarner. Souvent on fait des choses par analogie, on s'inspire de l'astronomie, d'Einstein ou de je ne sais quoi, mais il n'y a pas de vrai démarche commune qui va concourir à créer quelque chose de nouveau dans le temps. Or, à l'IRCAM, on est plus proche du Bauhaus où il a les dimensions techniques et artistiques dans le même lieu. Une véritable cohabitation n'est pas simple. L'artiste a un processus qui lui est propre et des préoccupations : l'urgence de sa création, la pièce à venir. Or, le chercheur scientifique lui veut faire avancer la science. Il est dans une idée de généricité. Tout nourrit sa problématique mais il a l'éternité devant lui.Il est ouvert à tout nouveau paradigme ou à l'amélioration de son paradigme. L'artiste a lui besoin d'être à telle heure à un concert ou à une exposition et doit voir son oeuvre fonctionner. Pour l'IRCAM, ce dialogue s'incarne véritablement dans l'outil technologique et en particulier dans les logiciels. Les chercheurs scientifiques vont développer des algorithmes particuliers et vont essayer de répondre aux sollicitations à la fois des artistes mais aussi aux problématiques générales de leur secteur qui concernent différents champs scientifiques : de l'acoustique instrumental à la spatialisation de l'espace. Le pont entre l'artiste et le scientifique se fait par le logiciel. C'est la manière par laquelle l'innovation pourra s'incarner dans quelque chose de plus générique qui va dépasser l'oeuvre artistique du créateur.

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Q : Comment le numérique change-t-il les manières d'aborder l'art ?

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R : A l'IRCAM, on invente des paradigmes de programmation informatique. l y a une vingtaine d'années, la confrontation d'artistes et de scientifiques a donné lieu à la création de MAX MSP utilisé maintenant par tous les artistes : à la fois musiciens, plasticiens, ceux qui fonts des installations vidéos et qui cherchent à travailler avec l'interactivité d'événements séquentiels. C'est un langage qui permet l'écriture d'événements temporels : que ce soit des notes de musique ou des mouvements de danseur. C'était pour répondre à un besoin scientifique d'un artiste, à l'époque Philippe Manoury. C'est peut-être par accident car ce n'est pas la préoccupation première de l'artiste qui souhaite avant tout sortir son oeuvre mais cela peut donner lieu à de l'innovation d'usage, l'innovation produit dans des univers beaucoup plus larges. La spécificité de l'IRCAM est de faire travailler des musiciens qui jouent en live sur scène avec des phénomènes électroniques qui varient en fonction du jeu. Ce sont des problématiques de langage informatique aussi complexes que celles dans l'industrie spatiale. Ce sont des phénomènes de synchronisation que vous trouvez également dans l'industrie de l'armement. Où va se déplacer la trajectoire prédictive du missile et non de la note ? On est sur un travail où des gens dans l'IRCAM vont enrichir par leur travail la problématique de l'aéronautique, du contrôle de trafic aérien et celle du musicien. La volonté initiale est de gérer un événement artistique mais cela participe à des recherches pour une communauté scientifique qui peuvent donner lieu à de l'exploitation de logiciels.Ce mécanisme vient quand même du besoin créateur. Les scientifiques se nourrissent de la demande artistique qui a des requêtes d'usage. Ce n'est pas une demande de "proof of concept" dans un laboratoire. Il y a un défi qui est de faire

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fonctionner l'expérience devant un public. L'IRCAM valorise aussi des objets ou des logiciels. Par exemple, sur le suivi des partitions, on fait des recherches et on développe avec une start-up un karoké amélioré. On pourra disposer en jouant au piano dans son salon d'un logiciel qui va permettre à l'orchestre virtuel de s'adapter à votre allure. Dans la musique électronique, la première phase de l'IRCAM était de construire du hardware pour créer des oscillateurs. Le hardware servait aussi au Ministère de la Défense.On a aussi depuis 15 ans, une équipe de recherche qui travaille sur la description qualitative de genre. On a signé un contrat avec UNIVERSAL MUSIC pour améliorer leurs recommandations d'utilisateurs en fonction de l'atmosphère et de sonorités en élargissant les genres de musique. Il y a aussi DASSAULT, plus grande SSII européenne, qui propose Catia un logiciel 3D de conception industrielle. L'un des points qui est ressorti est que lorsqu'ils ont sorti le Dreamliner d'Airbus, les clients avaient peur du fait qu'il n'y ait pas de bruit. Ce sont les musiciens qui peuvent créer de la synthèse sonore. Pour l'artiste, ça lui permet de modéliser des matériaux avec du son. C'est quelque chose qui intéresse l'industrie.

Q : En quoi une programmation pluridisciplinaire autour d'un thème est à la fois un challenge artistique et une opportunité d'élargir les possibles ?

R : A l'IRCAM, on travaille également avec l'industrie pour véhiculer des informations particulières qui permettent un rendu particulier. On travaille avec des médecins, des neurologues par exemple pour soigner les acouphènes. Le patient

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peut rééduquer son cerveau afin de diminuer la douleur. On est bien dans la pluridisciplinarité.

Q : En quoi l'artiste nourrit-il l'innovation, susceptible d'aider le développement humain ?

R : Ce sont des produits dérivés de la création artistique qui peuvent trouver des applications. Il y a beaucoup de pistes de relations science - art qui n'est pas une incarnation purement d'analogie. Cela a un impact et c'est une source d'innovation.

Q : En quoi l'art contemporain fait du spectateur non plus un témoin passif mais bien un acteur essentiel de l'oeuvre ?

R : Le public, lorsqu'il vient à l'IRCAM, c'est pour un spectacle. Lorsque vous êtes dans un restaurant 3 étoiles, vous venez pas pour avoir la recette. La démarche du public est différente. C'est la relation à l'oeuvre d'art qui intéresse le public.

Les arts plastiques ont réussi à faire penser qu'ils sont prédominants sur le reste des arts. La musique vous impose sa propre temporalité alors qu'un tableau on peut penser le saisir en une minute. Pour l'immersion, tout dépend du propos de l'artiste. L'IRCAM collabore avec le CNRS et le laboratoire Pierre Marie-Curie mais a aussi une dimension de transmission. On héberge un Master en science appliqué à la musique et on a aussi un doctorat en composition. On organise aussi des résidences recherche-création. On a aussi développé dans Live de Ableton, IRCAMAX un outil qui permettre d'acroître l'expressivité électronique. Parfois, le

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laboratoire créé et demande aux artistes d'appliquer lors de performances. Le 21 juin 2015 pour la fête de la musique aura lieu avec la musicienne électronique Chloé . La place sera insonorisée et les smartphones du public vont interagir avec l'artiste. Il y aura aussi un concert prévu en décembre avec Rone.

Q : En quoi le design apparaît comme une solution afin de combiner art, technique et société ?

R : Avec l'école des Beaux-Arts du Mans, on a créé une filière de formation en design sonore et on a aussi une équipe spécialisée dans ce domaine. Autant le design visuel existe, autant le design sonore n'est pas très développé. L'outil Pantone n'est pas disponible pour les sons. Cette équipe travaille la manière de qualifier les différents sons. On a ainsi travaillé avec RENAULT sur leurs véhicules électriques. Les véhicules émmettent un signal qui caractérisent leur marque. Le son devient alors un outil marketing pour véhiculer un message. Cette équipe est plus dans une situation anthropologique : je regarde et je qualifie ce qui se fait. Je ne suis pas dans l'aide à la création immédiate. On est plus proche d'un design industriel.

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Interview de Thibault Duchesne de Lamotte Artiste, Graphic Designer & Fondateur du Prism Collective

Interview réalisée le 12 mai 2015 au Louvre

Q : L'artiste doit-il conscientiser dans sa pratique artistique la portée de son message ?

R : Il y a plusieurs types d'artistes dans l'art contemporain. Il y a ceux qui veulent choquer pour choquer. En tant qu'artiste, j'essaye de m'éloigner du message du publicitaire. Je préfère un process plutôt qu'une interrogation. J'aime cette idée de mystère et de recherche et peut-être que chacun peut trouver une portée plutôt qu'un message.

Q : Dans quelle mesure l'artiste aurait le droit à l'irresponsabilité au nom de la liberté de création ?

R : Je ne considère par l'artiste comme un super-citoyen où quelqu'un qui échappe à la société. Il critique la société mais il s'expose aux conséquences. Le meilleur moyen d'exacerber des problèmes c'est de se confronter aux limites de la société. Il n'échappe pas aux conséquences de ces actes. Si il n'y avait aucune

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conséquences en tant qu'artiste, l'acte ne servirait à rien. On n'a pas à légitimer une action ou avoir plus de droit au nom de l'art.

Q : L'artiste, par sa volonté de changement, s'apparente-il à l'entrepreneur social ?

R : On a tendance à considérer l'artiste comme quelqu'un qui échappe aux principes de la société mais il y a tout une organisation autour de l'artiste. Aussi, l'entrepreneuriat est un acte créatif en soi. Un artiste devient une société car c'est une marque.

Q : Avec l'érosion du lien social, l'artiste a-t-il un rôle à jouer dans l'élaboration de sens collectif ?

R : Un des problèmes majeurs qu'on a aujourd'hui c'est la fracture sociale. On essaye de retrouver des schémas de société pour gommer tout ça. Or, l'art a une portée « universelle » et pourtant il est sujet à alimenter cette fracture car cela alimente une certaine élite autour d'un projet artistique. Il y a toujours des courants et des contre-courants. En contrepartie, il y a au niveau des musées, une ouverture avec des happenings, des festivals et une volonté de gommer cette image qui ternit le milieu artistique aujourd'hui.

Q : En quoi les réflexions amenés par l'expérience artistique sont essentiels à la construction individuelle ?

R : L'art en soi il y a quelque chose qui est à prendre et pas nécessairement accessible. On ne va pas en faire de l'entertainment où l'on rabaisse le contenu. A

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force de vouloir tout démocratiser, on rabaisse le contenu et la qualité. Au cinéma, il y a une baisse de qualité, une démarche commerciale. Or, sur la scène artistique, ce que je souhaite c'est de proposer un contenu de qualité.

Q : L'artiste déprogramme-t-il des comportements et habitudes inconscientes pour reprogrammer une nouvelle manière d'exister ?

R : C'est un peu fort de parler de responsabilité de l'artiste. Il y a aussi une responsabilité des philosophes et des sociologues. L'artiste est là pour apporter une vision personnelle. Est-ce qu'il doit montrer un modèle ou reprogrammer ? Je ne sais pas. C'est plutôt un collège de différents acteurs de la société qui peut proposer des alternatives. L'artiste en lui-même propose une vision. Je ne suis pas sûr que ça soit le rôle de l'artiste. Il amène à une réflexion, à un état. Le philosophe aura une vision plus universelle alors que l'artiste qui va avoir une vision plus personnelle.

Q : En quoi l'art contemporain fait du spectateur non plus un témoin passif mais bien un acteur essentiel de l'oeuvre ?

R : Il y a une différence notable entre les années 90 où il n'y avait plus d'esthétique. Aujourd'hui, on ré-infuse de l'esthétique mais avec une pratique qui reste relationnelle. Notamment grâce avec les installations vidéos, on est dans l'immersion.

Concernant ma pratique, j'envisage l'oeuvre comme un questionnement. J'invite le spectateur à une promenade intellectuelle qui de fait le rend acteur mais non sujet.

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Le spectateur donne sens à l'oeuvre. C'est faire l'expérience de l'art qui importe. On peut amener à une forme de contemplation. La passivité face à l'art, c'est un des axes majeures de l'artiste contemporain.

Q : Comment le numérique change-t-il les manières d'aborder l'art ?

R : Le numérique change la donne. L'art sort de la galerie. Il y a un écueil en revanche avec les installations photos : on peut avoir vu quelque chose sans l'avoir vécu. On peut perdre en substance par rapport à une oeuvre. Il faut être vigilant par rapport à ça lorsqu'on « consomme » l'art. L'action derrière un écran va aplatir. Dans la pratique artistique, on tend à sortir du cadre du tableau et on retombe derrière un cadre : celui de l'ordinateur.

Cela donne un outil puissant à l'artiste. On peut envisager des pratiques mais cela tâtonne énormément. Cela laisse un champ assez vaste pour l'artiste pour envisager le rapport au public.

Ensuite, c'est aussi un média de diffusion. Avec la révolution douce qui a touché la communication, on envisage encore les ordinateurs comme des pages. La transition ne s'est pas encore faite par rapport aux médias. On va peut-être trouver la vraie utilisation par des pratiques expérimentales.

Q : Pourquoi la diversification des formes de dialogue via le développement de festivals & des hors-les-murs sont nécessaires au rayonnement culturel des institutions, des artistes et des territoires investis ?

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R : Le rayonnement culturel dépend de la « classe créative » qui a un rôle prédominant dans notre société.

Q : En quoi une programmation pluridisciplinaire autour d'un thème est à la fois un challenge artistique et une opportunité d'élargir les possibles ?

R : Il y a eu de tout temps des collectifs artistiques, de la collaboration mais aujourd'hui on a peut-être avec les réseaux sociaux, il y a eu plus de communication autour des collectifs. Le processus créatif à partir du moment où il est confronté à différentes idées a tendance à être enrichi.

Un collectif de peintres va pratiquer avec le même genre d'idéaux mais pas le collectif pluridisciplinaire. L'artiste gagne en humilité à travailler en collectif car c'est le fait d'assumer que le musicien a son expertise à apporter en tant que musicien et que l'artiste n'a pas nécessairement la réponse à tout, même techniquement.

Q : Que pensez-vous de la transformation et la réappropriation d'anciens lieux industriels en lieux artistiques et culturelles ?

R : Un collectif d'artistes qui prend possession d'un hangar ce sont des questions financières. Il y a un espace de création et d'exposition potentielle à prendre, des espaces en friche. Cela décentralise les pôles culturels. Ce sont des lieux périphériques. De tout temps, il y a eu ça : c'était Montparnasse avant, Montreuil aujourd'hui.

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Q : A l'initiative de l'IRCAM ou de l'atelier Arts-Sciences, en quoi les ponts entre approche scientifique et artistique sont importants pour décloisonner ces domaines ?

R : Historiquement, le scientifique et le philosophe sont les mêmes. Il y a un cheminement philosophique très fort. Il y a beaucoup d'artistes qui s'intéressent à la science. Caroline Corbasson s'intéresse à des phénomènes géologiques et spatiales. Il y a un rapprochement scientifique qui est évident. Ses thèmes sont les terres à prendre, la dimension inconnue. L'étude de la couleur est un aspect scientifique. La pratique artistique implique une pratique de la chimie. Le peintre est un chimiste : il y a un mélange de couleur, de pigments.Il y a également des installations qui s'intéressent à l'énergie, à la géométrie. Je pense ici à l'exposition sur Takis qui s'intéresse au magnétisme.C'est l'image tout public qui a changé. On a oublié le scientifique qui a « l'intuition créative ». Il y a en réalité deux territoires : l'inconnu et le connu.

Q : En quoi l'artiste nourrit-il l'innovation des industries créatives ?

R : L'art contemporain est la base expérimentale pour ce qui deviendra plus commercial. Beaucoup de campagnes publicitaires s'appuient sur des oeuvres d'art contemporain. L'art contemporain infuse le paysage culturel et on va le retrouver dans les industries créatives.

Le cinéma d'avant-garde a totalement inspiré le cinéma grand public. Ainsi, les films expérimentaux de Jean-Luc Godard ont inspiré tout une génération au cinéma. La pratique expérimentale donne lieu à de nouvelles idées.

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Q : En quoi le design apparaît comme une solution afin de combiner art, technique et société ?

R : Le designer n'a pas les mêmes questionnement que l'artiste. Dans le design, il y a un produit qui tend à être multiplié et distribué.

L'artiste soulève des questions tandis que le designer solutionne.

L'art contemporain va aussi infuser le design qui à son tour va infuser la société dans son ensemble. Je pense aussi que le design est une pratique à part entière.

Oeuvre de Thibault Duchesne, Float, 2014

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Interview de Beth Scaccia

Membre de l'association californienne Freespace Réalisée le 11 mai 2015 sur Skype en anglais

Q : Does the artist need to think about the impact of his message while creating ?

R : Each artist is different. Sometimes artists do have a specific message in mind that they want to transmit but I think the purpose of art is to brighten through expression and a way to channel our emotions into something more positive. It is important that we have the opportunities to create without focusing so much on the outcome. For example, in Tibet, monks made sand mandalas during weeks and afterwards they completely destroy it. It is much more about the process of creating art than about the end product.

However, artists are also suppose to market themselves and to sell their work.

Q : To what extent the artist has the right to be irresponsible in the name of the freedom to create ?

R : Art is a great way to draw attention to social issues, it is a nice vehicle for that. We need art for that reasons : to questions our beliefs and just to be critical, to look at thing for another perspective. It is also essential to democracy.

Q : Does an artist, with his willing to change society, share the same mission as a social entrepreneur ?

R : These two figures can be similar. Some people just want to create art for themselves. I know some artists that do not share their work, it is not their goal to share their goal with others. It is just to deal with their emotions. Art can have many different uses.

Q : Why the art expriment is essential for the individual construction ?

R : Arts and culture attract and bring people together.

Q : Do you think the artist fight against bad consumerism habits and propose a new way to exist ?

R : If you look at the festival Burning Man, it is definitely a criticism of the consumerist society. Artists believe in de-codification. Even with Freespace, our devise is « no ego, no logo ». Some artists do have a big ego to create but in Burning Man, there are 10 principles and one is the gift principle. We don't exchange any money. It is a criticism of capitalist principles and also a way to find alternatives.

Q : How the numeric revolution change the way people are « consuming » art ?

R : It is a tool for the artists to sell an to promote their work. It allows collaboration.

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Q : What make cultural places a tool to build community ?

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R : What makes a place special is culture. When people share a part of themselves, that's the currency that creates community.

Q : Why the recent development of festivals and Outside the Walls exhibitions participate to the radiance of cultural institutions, artists and territories ?

R : We don't have any mobile museums that I am aware of in California. Museums are important as social components as they attract people. It also creates community.

Q : What do you think of the transformation of old industrial places into artistic places ?

R : Artists have to move to places with very low rent. It provides opportunity to have a place. I know a project from Detroit : the Garbage Man. In Detroit, they do not have any recycle program and the Garbage Man started to organize in a warehouse a place to create things from recycling products. This recycling center is all citizen-driven and the founder Matthew Naimi is providing a service that the state is not. Many events with arts and music are now happening there. I think again it is an example of a place where there are tools to create and to make art.

Q : Do you think that connexions between science and arts are important to decompartmentalize these domains ?

R : Before we were living in a time where all was about specialization. Now we see that all the different disciplines are related and how many connections there are

between them. For me, Freespace is an example of this idea : this is a place that is not specialized to artists or scientists. All people can come and share with each other. We believe that this is where magic happens. In Paris, we made an event : a fashion hackaton. That was designed by an engineer together with a fashion designer. It worked well : both the structure of the engineer and the creativity of the fashion designer.

Q : To what extent the design thinking is a solution so as to combine technicality, arts and society ?

R : The design principles themselves are directly combining all these knowledge together. It is kind of an hybrid process.

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Logo & devise de Freespace

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Interview d'Alexandre Gain-Chabbert Administrateur du Wonder à Saint-Ouen & de l'Amour à Bagnolet

Interview réalisée à l'Amour le 14 mai 2015

Q : L'artiste doit-il conscientiser dans sa pratique artistique la portée de son message ?

R : Je suis pour une liberté totale. En même temps, je souhaite que les expositions que j'organise à l'Amour soit accessibles. Un verre d'eau sur un tabouret peut transcender quelqu'un qui a fait 10 ans d'études d'art. Si on expose dans un centre de quartier, c'est dommage de faire de l'art minimaliste. L'accessibilité de la production est un point important. L'artiste doit réfléchir aussi à la visibilité

Q : Dans quelle mesure l'artiste aurait le droit à l'irresponsabilité au nom de la liberté de création ?

R : Ce n'est pas le rendu qui est important. La forme peut choquer mais ce qui compte c'est l'intention de l'artiste. Il y a des artistes qui sous couvert artistique vont vouloir choquer. Le problème est que ce n'est pas évident à déceler. Deux performances identiques peuvent partir de deux intentions très différentes. Même si l'intention de départ est juste avec une pensée bien ficelée, il y a des

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performances. A titre personnel, je fais du street-art qui peut choquer des gens mais mon intention est surtout de faire rire.

Q : L'artiste, par sa volonté de changement, s'apparente-il à l'entrepreneur social ?

R : L'entrepreneur fait un pari. Il part d'une idée pour faire une carrière. L'artiste, lui, fait une carrière sur sa production, sa personne. Faire une carrière artistique c'est entreprendre. Dans le fond c'est la même chose et dans la forme ça diffère.

Q : Avec l'érosion du lien social, l'artiste a-t-il un rôle à jouer dans l'élaboration de sens collectif ?

R : D'après moi, la majorité des artistes n'en ont pas conscience. Ce sont plus aux organisateurs d'avoir cette conscience. Je ne vois pas quel type d'oeuvre d'art peut créer du lien social.

Q : En quoi les réflexions amenés par l'expérience artistique sont essentiels à la construction individuelle ?

R : J'ai travaillé pour une association qui s'appelle Synesthésie et qui organisait une exposition d'art contemporain à Saint-Rémi. Les oeuvres étaient incompréhensibles et non lisibles pour le public.

Q : L'artiste déprogramme-t-il des comportements et habitudes inconscientes pour reprogrammer une nouvelle manière d'exister ?

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R : Si on prend l'exemple de Jeff Koons au Centre Pompidou, c'est intéressant car c'est tout à fait dans un cadre et un public qui sera touché par le message. Tandis qu'exposer Jeff Koons en banlieue, eu égard la consommation des gens, cela n'aurait pas de sens. La puissance de l'art contemporain est que les installations et les performances sont un langage direct et peuvent changer des vies.

Q : En quoi l'art contemporain fait du spectateur non plus un témoin passif mais bien un acteur essentiel de l'oeuvre ?

R : Cette immersion est récente dans l'histoire de l'art. On arrive sur la fin du format académique, du « white cube ».

Q : Comment le numérique change-t-il les manières d'aborder l'art ?

R : Internet a donné un élan à beaucoup de choses, notamment au street-art. Le numérique a aussi permis le développement des logiciels de musique comme Ableton et les logiciels de retouche de photos. Cela oblige l'artiste à aller plus loin dans sa technique pour se différencier.

Q : Qu'est-ce qui rend les lieux culturels des lieux de vie fédérateurs pour la communauté ?

R : Il y a aussi des lieux qui créent du lien entre les artistes. Le problème est encore une fois l'accessibilité du contenu. Il y a des inégalités de capital culturel et social.

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Q : En quoi une programmation pluridisciplinaire autour d'un thème est à la fois un challenge artistique et une opportunité d'élargir les possibles ?

R : Que pensez-vous de la transformation et la réappropriation d'anciens lieux industriels en lieux artistiques et culturelles ? Dans la forme, on fait pareil qu'une fondation qui a beaucoup de moyens. A l'Amour à Bagnolet, on occupe un bâtiment qui est abandonné depuis 27 ans. Si on n'occupait pas ce bâtiment, il serait resté vide pendant longtemps avant d'être détruit. Je trouve légitime d'en faire une galerie d'art et un lieu de vie pour 8 personnes. Dans le fond, c'est encore l'intention qui compte. C'est bien quand c'est un bâtiment qui n'avait pas d'utilité sociale.

Q : A l'initiative de l'IRCAM ou de l'atelier Arts-Sciences, en quoi les ponts entre approche scientifique et artistique sont importants pour décloisonner ces domaines ?

R : Je connais par exemple Guillaume Coerno qui fait de la science en galerie. Dans la cité de la science et de l'industrie, il y a aussi un fab lab.

L'artiste, comme le scientifique, essaye de créer ce qui n'existe pas. Dans la science, dans la biologie, il y aussi une esthétique, une beauté qui est presque du domaine artistique. En même temps, parfois il ne faut pas absolument mélanger des domaines opposés pour dire qu'on les mélange. Ca serait comme en musique mélanger le rap et le métal.

Q : En quoi le design apparaît comme une solution afin de combiner art, technique et société ?

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R : Le design c'est de l'art fonctionnel, au service de la personne lambda. La technique devrait être le point de départ de toute pratique artistique. On développe une technique, on part de l'artisanat, d'un matériau (le bois, le métal) et de temps en temps on va faire de l'art. Qu'on soit artisan de la matière, de la lumière etcÉ

Les designers acceptent leur côté artisan et le côté fonctionnel de leurs produits. C'est une voie respectable à suivre : repenser l'objet de tous les jours et le rendre plus simple. Au sein même du design, il y a des designers artistes qui vont oeuvrer pour le beau et des designers plus industriels qui vont chercher la fonctionnalité avant tout.

Vue du Wonder à Saint-Ouen

Interview de Michèle Broutta

Galeriste & éditrice

Réalisée le 22 mai à la Galerie Michèle Broutta

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Q : L'artiste doit-il conscientiser dans sa pratique artistique la portée de son message ?

R : La pratique artistique c'est choisir une voie d'expression de vie personnelle à travers une expression artistique. Il y a le peintre-sculpteur, le musicien, celui qui créé quelque chose mais aussi ceux qui font de la relation. Ceux qui se servent de la culture pour éduquer les autres, pour partager.

En ce qui concerne l'artiste, l'oeuvre sort de lui. La conscience il peut l'avoir après. Je suis sûr que les grands artistes, comme Picasso ou Duchamp par exemple, ne choisissent pas. Ils ont été porteurs d'un message mais on s'en rend souvent bien compte après. Ils ont réussi à développer ce qu'ils avaient à dire parce qu'ils sont passés avec beaucoup d'humilité par un travail que l'on pouvait juger artisanal. Je ne pense pas que l'artiste doivent conscientiser son message. Les artistes ont la foi mais je ne sais pas si ils ont la conscience de ce qu'ils font.

Q : Dans quelle mesure l'artiste aurait le droit à l'irresponsabilité au nom de la liberté de création ?

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R : L'artiste, si il fait ce qu'il sent qu'il doit faire, n'est pas responsable de la réaction des autres. Qu'il en tire des conséquences et qu'il soit influencé par une mode ou par un aspect plus plubicitaire, mais ce n'est pas lui qui peut juger de cela.

Q : L'artiste, par sa volonté de changement, s'apparente-il à l'entrepreneur social ?

R : Il aura un impact sur la société si c'est un grand artiste. Je pense que l'artiste et l'entrepreneur sont complémentaires. Ce qui est extraordinaire est le cas où l'artiste rencontre l'entrepreneur. Je pense ici au cas de Giacometti dont le frère était entrepreneur. Il faut qu'il y ait quelqu'un derrière un artiste pour sortir l'artiste qui est trop focalisé sur le perfectionnement de son oeuvre. L'artiste ne doit pas être dans le mimétisme par rapport à un entrepreneur. C'est lui le créateur.

Par exemple, Brancusi a apporté un regard neuf sur la sculpture. Durant la première partie de sa vie, jusqu'à 40 ans il a été véritablement artiste. Mais ensuite, il a arrêté de créer à 40 ans et a su faire valoir sa création de lorsqu'il était jeune.

Q : Avec l'érosion du lien social, l'artiste a-t-il un rôle à jouer dans l'élaboration de sens collectif ?

R : La politique ne devrait jamais oublier la faculté de la culture à réunir les gens. Un monarque comme Frédéric II l'avait compris.

Q : En quoi les réflexions amenés par l'expérience artistique sont essentiels à la construction individuelle ?

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R : L'artiste est en avance sur son temps. Il donne aux autres le monde de demain. C'est pour cela qu'on ne l'entend pas, on ne peut pas le comprendre.

Q : L'artiste déprogramme-t-il des comportements et habitudes inconscientes pour reprogrammer une nouvelle manière d'exister ?

R : Vous appliquez votre intelligence mental mais pas du tout votre intelligence du coeur. Un être humain c'est une tête, une âme, un coeur et des mains.

Q : Comment le numérique change-t-il les manières d'aborder l'art ?

R : Grâce au numérique, bien que ça soit la souris au lieu d'un crayon, ce qui est important est que ça passe par la main. Le numérique est un outil qui permet d'aller plus loin, de découvrir des langages et de faire des calculs. Je serais très curieuse de voir des calculs sur le nombre d'or dans l'art contemporain faites par un ordinateur.

Q : Qu'est-ce qui rend les lieux culturels des lieux de vie fédérateurs pour la communauté ?

R : C'est la rencontre, la mise en commun d'une même sensibilité sur une oeuvre. C'est un moyen d'échange, que cela soit dans l'accord ou dans la guerre. La Cité Radieuse du Corbusier à Marseille n'a été comprise que par la suite.

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Q : Pourquoi la diversification des formes de dialogue via le développement de festivals & des hors-les-murs sont nécessaires au rayonnement culturel des institutions, des artistes et des territoires investis ?

R : Je vois ce qui fait dans le 15ème arrondissement de Paris. Au fond, les politiques ne sont pas intéressés. Ils cherchent bien souvent à faire en sorte que l'on parle de ce qu'ils font. Si on veut changer quelque chose dans la culture, il faut apprendre l'histoire de l'art et des religions. Ce sont des bases que les politiques n'ont pas. En Italie, l'histoire du pays se fait à travers la peinture. En France, on apprend plus l'histoire à travers les batailles plutôt qu'à travers l'art.

Q : En quoi une programmation pluridisciplinaire autour d'un thème est à la fois un challenge artistique et une opportunité d'élargir les possibles ?

R : J'ai fait des ponts entre l'édition et le dessin,la peinture. On a aussi plusieurs artistes qui lisent des poèmes lors d'expositions.

Q : Que pensez-vous de la transformation et la réappropriation d'anciens lieux industriels en lieux artistiques et culturelles ?

R : Lorsque les artistes investissent des lieux, ils les transforment. C'est particulièrement vrai avec le street-art. On est dans une période tellement cassée que l'on peut tout faire. Il ne faut en revanche pas confondre l'événement et l'oeuvre d'art.

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Q : A l'initiative de l'IRCAM ou de l'atelier Arts-Sciences, en quoi les ponts entre approche scientifique et artistique sont importants pour décloisonner ces domaines ?

R : Il y a des artistes qui se sont inspirés de biologie, de l'étude de cellules. Beaucoup d'oeuvres d'artistes s'apparente à de la science, ne serait-ce que par l'observation. Je pense néanmoins que c'est surtout l'artiste qui puise son inspiration auprès du scientifique et non l'inverse.

Q : En quoi l'artiste nourrit-il l'innovation des industries créatives ?

R : L'artiste est très créatif. Il a un noyau autour de lui pendant les 10 premières années mais il a une véritable influence souvent 50 ans après. Ce fut le cas pour le sculpteur Alexander Calder.

Q : En quoi le design apparaît comme une solution afin de combiner art, technique et société ?

R : Le designer est influencé par l'artiste, il a le regard de ce qui a été fait et entrepris par l'artiste. Il faut que cela soit suffisamment nouveau pour étonner mais aussi que cela soit reçu.






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