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La responsabilité sociale de l'artiste contemporain et la création artistique comme outil de développement économique

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par Edouard Vaudour
EDHEC Business School - Msc Creative Business 2015
  

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Conclusion

L'artiste éclaire comme un phare les travers de notre société. Engagé socialement car tout acte de création est un acte de résistance, sa vocation est d'être au service de la vérité qui révèle et de la liberté qui émancipe. Il oeuvre à l'éveil citoyen et à une plus grande responsabilisation de par son oeuvre qui est une manifestation de la spiritualisation du sensible. La responsabilité sociale de l'artiste est de rester à l'avant-garde afin d'inspirer les autres. C'est pour cela qu'il est important de préserver la liberté de création et de faciliter non seulement la production d'oeuvres avec des laboratoires d'expérimentation, des résidences artistiques et de l'accompagnement culturel mais aussi, par une diffusion des oeuvres sur de multiples supports, de soutenir des collaborations avec d'autres domaines. Ce qui fait la valeur de l'artiste est sa capacité d'imagination qui est la créativité. Or, la créativité est une source infinie de potentialités et d'opportunités pour accroître le développement économique et le bien-être en société. L'art comme besoin de l'esprit, sillage de l'humanité et ordre établi à partir du chaos est un composant vital de la société. L'homme de l'art est un homme accompli, à la fois incarné dans la matière et qui a conscience par l'esprit que le sens de son incarnation est de transformer et de sublimer cette matière. En ayant la responsabilité de cette conscience, les hommes en tant que co-créateurs peuvent modifier et améliorer leur conditions de vie. Soyons donc artistes !

PARTIE 2 : CONTEXTE, HYPOTHESES & METHODOLOGIE I Contexte

De par la pluralité des acteurs de la scène culturelle et artistique en France, afin de valider les différentes hypothèses que j'ai soulevé au cours de mes recherches, il convient d'interroger un panel d'acteurs qui oeuvrent chacun par différents moyens à la promotion de la culture.

En premier lieu, le ministère de la Culture chiffrait en 2010 en France plus de 1 000 établissements culturels ayant le label de musée.

En deuxième lieu, on compte près de 300 résidences officielles d'art

contemporain et une dizaine de lieux occupés appelés « squats » dans Paris.

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Source:Thomas Aguileira-Gouverner l'illégal, les politiques urbaines face aux squats à Paris

En troisième lieu, il y a près de 50 000 artistes enregistrés à la Maison des Artistes.

Source : Maison des Artistes

Enfin, d'après le Ministère de la Culture et de la Communication, la seule région Île-de-France comporte 1 151 galeries d'art contemporain, soit 53% du nombre total de galeries d'art contemporain en France.

 

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II Hypothèses de recherche

En analysant la revue de littérature, j'ai pu extraire 10 hypothèses. Celles-ci portent aussi bien sur la pratique artistique en tant que telle que sur les nouveaux rapports face à l'art induits par la révolution numérique, les lieux innovants de création, la collaboration pluridisciplinaire et le design.

Hypothèse 1 : L'artiste a une responsabilité sociale vis-à-vis de son oeuvre

Hypothèse 2 : L'artiste est un acteur du changement qui créé du lien social

Hypothèse 3 : L'artiste par ses oeuvres pousse à l'action citoyenne

Hypothèse 4 : L'art contemporain est de plus en plus axé sur la rencontre entre le spectateur et l'artiste

Hypothèse 5 : Le numérique est un bouleversement sans précédent dans le

monde de l'art

Hypothèse 6 : Les médiateurs culturels ont un rôle clé dans l'enrichissement du dialogue entre l'artiste et son public

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Hypothèse 7 : Les lieux innovants qui aident à la collaboration pluridisciplinaire et à l'expérimentation sont un socle indispensable pour la création contemporaine

Hypothèse 8 : La création artistique est complémentaire de la création scientifique et les ponts entre art et science re-dessinent la manière de penser les délimitations de l'art et par conséquent son impact économique

Hypothèse 9 : L'innovation, liée à la recherche artistique, est un concept-clé pour la création de richesse

Hypothèse 10 : La création artistique inspire la société dans son ensemble et trouve son application notamment avec le design

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III Méthodologie

Avec une série de 15 questions identiques, j'ai entrepris une étude qualitative de mes 10 hypothèses sur un échantillon de six acteurs de la scène culturelle et artistique en France. Les six interviewés ont chacun un domaine de spécialisation mais suffisamment d'expérience pour témoigner de l'évolution du monde de la création contemporaine. Ci-dessous la liste des protagonistes :

-Lieu des cultures numériques-
Jérôme Delormas, Directeur de la Gaîté Lyrique
-Institution du dialogue art&science-
Michel Muckensturm, Administrateur Général de l'IRCAM
-Espace de création libre-
Beth Scaccia, Membre de l'association Freespace
-Galerie d'art contemporain-
Michèle Broutta, Galeriste & Editrice
-Collectif artistique pluridisciplinaire-
Thibault Duchesne de Lamotte, Artiste & Fondateur de Prism Collective
-Résidence artistique non ofÞciel-
Alexandre Gain, Responsable de la résidence l'Amour & Membre de CAAOU

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PARTIE 3 : ANALYSE, DISCUSSION & RECOMMANDATIONS I Analyse des réponses

Hypothèse 1 : L'artiste a une responsabilité sociale vis-à-vis de son oeuvre

L'artiste doit-il conscientiser dans sa pratique artistique la portée de son message ? Cela dépend du type d'artiste et du message qu'il souhaite faire passer mais ce que l'on peut dégager des réponses des interviewés est que l'artiste ne doit pas répondre à une attente. L'artiste créé par besoin et ne doit réfléchir que dans un second temps sur la portée de son message. Il est important de pouvoir créer simplement pour le processus de création et non pas seulement pour le rendu.

« J'aime cette idée de recherche et de mystère et peut-être que chacun peut trouver une portée plutôt qu'un message. » Thibault Duchesne

« En ce qui concerne l'artiste, l'oeuvre sort de lui. Je ne pense pas que l'artiste doivent conscientiser son message. Les artistes ont la foi mais je ne sais pas si ils ont la conscience de ce qu'ils font. » Michèle Broutta

« Il est important que nous ayons les opportunités de créer sans tellement se concentrer sur le résultat. Par exemple, au Tibet, des moines construisent des mandalas en sable fin pendant des semaines et une fois complété, ils le détruisent. » Beth Scaccia

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Moines tibétains réalisant un mandala

Dans quelle mesure l'artiste aurait le droit à l'irresponsabilité au nom de la liberté de création ?

Bien que les interviewés défendent la liberté comme principe de création et d `expérimentation, l'intention de l'artiste est primordiale. L'artiste ne doit pas se croire au-dessus des lois et être sacralisé mais peut utiliser l'art comme un outil de contestation et d'émancipation.

« Je suis pour une liberté totale. En même temps, je souhaite que les expositions que j'organise à l'Amour soit accessibles. L'accessibilité de la production artistique est un point important. (É) Il y a des artistes qui sous couvert artistique vont vouloir choquer. » Alexandre Gain

« L'artiste, si il fait ce qu'il sent qu'il doit faire, n'est pas responsable de la réaction des autres. » Michèle Broutta

« Si l'art doit avoir une fonction c'est celle de la liberté totale, sinon cette fonction n'existe plus dans la société. Liberté totale cela veut dire un imaginaire débridé, une capacité à inventer. (É) En tant qu'être social, l'artiste n'a pas tous les droits et cela

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reste quelqu'un qui a des responsabilités. Une de ses responsabilités peut être de revendiquer sa liberté d'expression. » Jérôme Delormas

« Je ne considère par l'artiste comme un super-citoyen où quelqu'un qui échappe à la société. Il critique la société mais il s'expose aux conséquences. Le meilleur moyen d'exacerber des problèmes c'est de se confronter aux limites de la société. » Thibault Duchesne

Hypothèse 2 : L'artiste est un acteur du changement qui créé du lien social

L'artiste, par sa volonté de changement, s'apparente-il à l'entrepreneur social ?

Il y a deux grande similarités entre ses deux figures qui prennent un risque et s'engagent tous les deux. Il y a un double-mouvement : l'entrepreneur est à la fois créateur et l'artiste doit gérer sa carrière comme au sein d'une entreprise. Là où il y a une différence notable est que l'entrepreneur social a pour mission d'aider autrui alors que certains artistes ne créent avant tout que pour eux. C'est un travail plus introspectif. En revanche, ces deux figures sont bien complémentaires l'une de l'autre et lorsqu'elles s'associent, elles peuvent porter de fantastiques projets.

« L'entrepreneur est un créateur. C'est aussi quelqu'un qui prend un risque absolu. Certains artistes prennent l'entreprise comme sujet mais ce qui est vraiment intéressant c'est la façon d'être au monde qui est risquée et qui engage complètement la personne. » Jérôme Delormas

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« On a tendance à considérer l'artiste comme quelqu'un qui échappe aux principes de la société mais il y a tout une organisation autour de l'artiste »

Thibault Duchesne

« Je connais certains artistes qui ne partagent pas leur travail, leur but n'est pas de partager avec les autres. C'est simplement de libérer leurs émotions. » Beth Scaccia « L'entrepreneur fait un pari. Il part d'une idée pour faire une carrière. L'artiste, lui, fait une carrière sur sa production, sa personne. Faire une carrière artistique c'est entreprendre. » Alexandre Gain

« Ce qui est extraordinaire est le cas où l'artiste rencontre l'entrepreneur. Je pense ici au cas de Giacometti dont le frère était entrepreneur. Il faut qu'il y ait quelqu'un derrière un artiste pour sortir l'artiste qui est trop focalisé sur le perfectionnement de son oeuvre.» Michèle Broutta

Diego & Alberto Giacometti, 1958 (c) Fondation Ernst Sheidegger

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Avec l'érosion du lien social, l'artiste a-t-il un rôle à jouer dans l'élaboration de sens collectif ?

De par la nature-même de la culture comme liant social, l'artiste a un rôle à jouer afin de susciter du dialogue et de l'échange. Les politiques ne devraient pas oublier ce facteur décisif. En revanche, l'art contemporain peut avoir une image suffisante de lui-même qui érige au contraire des barrières.

« La culture, l'art et la création sont des production sociales pour être ensemble,pour susciter du débat, de l'expression et de l'échange. L'oeuvre est faites pour nous, et non pour elle. En ce sens, c'est un vecteur social fondamental. » Jérôme Delormas

« L 'art a une portée universelle et pourtant il est sujet à alimenter cette fracture sociale car cela alimente une certaine élite autour d'un projet artistique. »

Thibault Duchesne

« Les arts plastiques ont réussi à faire penser qu'ils sont prédominants sur le reste des arts. » Michel Muckensturm

« La politique ne devrait jamais oublier la faculté de la culture à réunir les gens. » Michèle Broutta

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Hypothèse 3 : L'artiste par ses oeuvres pousse à l'action citoyenne

En quoi les réflexions amenées par l'expérience artistique sont essentiels à la construction individuelle ?

Faire l'expérience de l'art amène l'individu à développer son sens critique. La culture a une portée éducative et l'on a beaucoup à apprendre de la vision de l'artiste.

« L'artiste est en avance sur son temps. Il donne aux autres le monde de demain.» Michèle Broutta

« L'art en soi il y a quelque chose qui est à prendre et pas nécessairement accessible. » Thibault Duchesne

« L'art est une belle manière d'attirer l'attention sur les problèmes sociaux. Nous avons besoin de l'art afin de questionner nos croyances et être critique, afin de regarder les choses d'une nouvelle perspective » Beth Scaccia

L'artiste déprogramme-t-il des comportements et habitudes inconscientes pour reprogrammer une nouvelle manière d'exister ?

On ne peut imposer à l'artiste de modifier en profondeur les comportements et habitudes mais l'artiste par son travail peut remettre en cause des paradigmes existants et proposer de nouvelles possibilités. L'artiste pousse à un état réflexif et méditatif sur soi ou sur son environnement.

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« L'artiste ne peut pas répondre à une commande. Ce que j'aime entrevoir chez l'artiste c'est cette capacité à pousser les logiques au bout et à les distordre » Jérôme Delormas

« L'artiste est là pour apporter une vision personnelle. Est-ce qu'il doit montrer un modèle ou reprogrammer ? Je ne sais pas. (É) Il amène à une réflexion, à un état.» Thibault Duchesne

« Si l'on regarde le festival Burning Man, c'est définitivement une critique de la société consuméristes. Les artistes croient en la dé-codification. (É) C'est une manière de trouver des alternatives ». Beth Scaccia

« Si on prend l'exemple de Jeff Koons au Centre Pompidou, c'est intéressant car c'est tout à fait dans un cadre et un public qui sera touché par le message. Tandis qu'exposer Jeff Koons en banlieue, eu égard la consommation des gens, cela n'aurait pas de sens. La puissance de l'art contemporain est que les installations et les performances sont un langage direct et peuvent changer des vies. »

Alexandre Gain

Vue de l'exposition Jeff Koons au Centre Pompidou du 26.11.14 au 27.04.15

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Hypothèse 4 : L'art contemporain est de plus en plus axé sur la rencontre entre le spectateur et l'artiste

En quoi l'art contemporain fait du spectateur non plus un témoin passif mais bien un acteur essentiel de l'oeuvre ?

Par rupture avec les formes académiques et l'envie d'interagir avec le public, notamment grâce aux outils que permettent la technologie, l'art contemporain implique désormais plus le spectateur comme sujet. Cette immersion initiée par des artistes recherchant une Esthétique Relationnelle au début des années 90 se fait souvent seulement au sein du milieu de l'art et il y a ici encore un défi d'accès.

« J'envisage l'oeuvre comme un questionnement. J'invite le spectateur à une promenade intellectuelle qui de fait le rend acteur mais non sujet. Le spectateur donne sens à l'oeuvre. C'est faire l'expérience de l'art qui importe. On peut amener à une forme de contemplation. La passivité face à l'art, c'est un des axes majeure de l'artiste contemporain. » Thibault Duchesne

« L'Esthétique Relationnelle a principalement mise en relation des artistes et des gens du milieu de l'art entre eux. C'est là que je trouve qu'il y a une limite qui ne vient pas de la théorie mais d'un milieu en auto-reproduction, d'un fonctionnement social. » Jérôme Delormas

« Pour l'immersion, tout dépend du propos de l'artiste. » Michel Muckensturm

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« Cette immersion est récente dans l'histoire de l'art. On arrive sur la fin du format académique, du White Cube. » Alexandre Gain

White Cube Galery à Londres (vers la fin de ce modèle ?)

Hypothèse 5 : Le numérique est un bouleversement sans précédent dans le monde de l'art

Comment le numérique change-t-il les manières d'aborder l'art ?

La révolution numérique bouleverse non seulement la pratique artistique avec l'émergence de l'art numérique mais aussi la diffusion de l'art. C'est aussi une opportunité de décloisonner un milieu de l'art trop hiérarchisé. L'IRCAM et la Gaîté Lyrique sont des lieux à la pointe du numérique pour faire de cet outil un pont entre artiste et scientifique et élargir l'art à de nouvelles pratiques (fab labs, jeux

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vidéos etcÉ). Le numérique est aussi un moyen d'accès à la pratique artistique et à de nouvelles techniques pour les créateurs.

« C'est potentiellement la notion d'art contemporain avec toute son histoire qui est remise en cause avec les usages numériques d'aujourd'hui qui sont en tout cas l'opportunité de rebattre les cartes. C'est aussi la position de la Gaîté Lyrique de travailler à la déhiérarchisation : détricoter des systèmes hiérarchiques que l'on a créés dans l'histoire de l'art jusqu'à aujourd'hui. (É) De plus en plus, notamment les plus jeunes cousent plein de choses, croisent l'espace réel, le rapport physique aux choses et le virtuel, le numérique. C'est aussi le cas avec le phénomène des fab labs qui renvoient à des pratiques ancestrales de fabrication. » Jérôme Delormas

« Le numérique change la donne. L'art sort de la galerie. Il y a un écueil en revanche avec les installations photos : on peut avoir vu quelque chose sans l'avoir vécu. L'action derrière un écran va aplatir. Dans la pratique artistique, on tend à sortir du cadre du tableau et on retombe derrière un cadre : celui de l'ordinateur. (É) Cela laisse un champ assez vaste pour l'artiste pour envisager le rapport au public. (É) On va peut-être trouver la vraie utilisation par des pratiques expérimentales. »

Thibault Duchesne

«A l'IRCAM, on invente des paradigmes de programmation informatique. (É) Pour l'IRCAM, le dialogue entre artistes et scientifiques s'incarne véritablement dans l'outil technologique et en particulier dans les logiciels. Les chercheurs scientifiques vont développer des algorithmes particuliers et vont essayer de répondre aux sollicitations à la fois des artistes mais aussi aux problématiques générales de leur

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secteur qui concernent différents champs scientifiques : de l'accoustique instrumental à la spatialisation de l'espace. C'est la manière par laquelle l'innovation pourra s'incarner dans quelque chose de plus générique qui va dépasser l'oeuvre artistique du créateur. » Michel Muckensturm

« Internet a donné un élan à beaucoup de choses, notamment au street-art. Le numérique a aussi permis le développement des logiciels de musique comme Ableton et les logiciels de retouche de photos. Cela oblige l'artiste à aller plus loin dans sa technique pour se différencier. » Alexandre Gain

« Le numérique est un outil qui permet d'aller plus loin, de découvrir des langages et de faire des calculs. Je serais très curieuse de voir des calculs sur le nombre d'or dans l'art contemporain faites par un ordinateur. » Michèle Broutta

Exemple d'un « fab lab » en région parisienne : Ici Montreuil

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Hypothèse 6 : Les médiateurs culturels ont un rôle clé dans l'enrichissement du dialogue entre l'artiste et son public

Qu'est-ce qui rend les lieux culturels des lieux de vie fédérateurs pour la communauté ?

Les établissements culturels sont des lieux où des savoirs sont partagés et transmis. Ce sont aussi des lieux de rencontre et d'échange qui dynamisent le territoire sur lequel ils sont implantés. Elargir le public est une manière de faire en sorte que ces lieux ne soient pas réservés au seul milieu artistique.

« C'est la rencontre, la mise en commun d'une même sensibilité sur une oeuvre. C'est un moyen d'échange, que cela soit dans l'accord ou dans la guerre. La Cité Radieuse du Corbusier à Marseille n'a été comprise que par la suite. » Michèle Broutta

« Il y a une nécessité absolue de lieux de vie culturelle comme la Gaîté Lyrique : des lieux de vie sociale à l'ère numérique. » Jérôme Delormas

« Il y a aussi des lieux qui créent du lien entre les artistes. Le problème est encore une fois l'accessibilité du contenu. Il y a des inégalités de capital culturel et social. » Alexandre Gain

« Ce qui rend un lieu spécial est la culture. Lorsque les gens partagent une part d'eux-mêmes, c'est le type de monnaie qui forme la communauté. » Beth Scaccia

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La Cité Radieuse à Marseille designée par Le Corbusier

Pourquoi la diversification des formes de dialogue via le développement de festivals & des expositions hors-les-murs sont nécessaires au rayonnement culturel des institutions, des artistes et des territoires investis ?

Le développement des festivals et des expositions hors-les-murs participent à la démocratisation de la culture. Le problème est de savoir à quelle culture se réfère ces initiatives. Il faut savoir mettre en valeur les territoires investis et promouvoir une culture locale qui possède aussi une créativité qui lui est propre.

« On retrouve ici la question de la démocratisation culturelle. Question qu'un Thomas Hischorn a plutôt bien géré mais ils sont rares les professionnels du monde de l'art qui réussissent cela. Qui dit démocratisation de la culture, cela présuppose qu'il y a quelque chose à rendre accessible. Or, ce quelque chose, qui décide de cette valeur-là symbolique ? Ce sont toujours les mêmes. Par exemple, le Centre

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Pompidou Mobile amène les oeuvres d'art dans des territoires : c'est un bon sentiment mais quel message veut-on faire passer ? Est-ce que cela veut dire que ces gens-là n'ont pas de culture ? Or, ils ont une culture. Tout le monde a une culture : simplement certaines sont valorisées et d'autres non. » Jérôme Delormas

« Le rayonnement culturel dépend de la classe créative qui a un rôle prédominant dans notre société. » Thibault Duchesne

Vue du Centre Pompidou Mobile

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Hypothèse 7 : Les lieux innovants qui aident à la collaboration pluridisciplinaire et à l'expérimentation sont un socle indispensable pour la création contemporaine

En quoi une programmation pluridisciplinaire autour d'un thème est à la fois un challenge artistique et une opportunité d'élargir les possibles ?

En croisant les disciplines artistiques, comme se donne pour mission l'association Prism Collective, on enrichit le travail de l'artiste qui voit son oeuvre dialoguer et renaître sous d'autres formats. C'est aussi en favorisant les interactions entre les représentants de différentes disciplines qu'on se rend compte de la transversalité de certains domaines et de la possibilité par analogie de déboucher sur de grandes découvertes. L'innovation provient souvent de la confrontation de champs différents. A l'IRCAM collaborent des musiciens et des médecins dans le traitement des acouphènes.

« Ce dont on se rend compte à nouveau c'est que l'innovation, l'invention, la création n'émergent pas tout à fait là où on le pense, en tout cas pas en milieu pur. Toute l'histoire prouve en terme d'innovation que c'est est un phénomène fortuit. C'est parce qu'il y a eu transposition, qu'il y a eu discussion avec quelqu'un dans un champ qui n'a rien à voir, qu'il il y a eu emprunt et analogie avec un autre secteur. La rencontre fortuite est fondamentale et cela est aidé par des conditions pluridisciplinaires. A la Gaîté Lyrique, en mettant sous le même toit des entrepreneurs de start-ups, des artistes de toutes les disciplines, des chercheurs,

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des scientifiquesÉ c'est se dire qu'à un moment donné il y a des connexions qui se font et que l'on avait pas nécessairement pré-conçues ou imaginées. On sait simplement que les conditions sont réunies. » Jérôme Delormas

« A l'IRCAM, on travaille également avec l'industrie pour véhiculer des informations particulières qui permettent un rendu particulier. On travaille avec des médecins, des neurologues par exemple pour soigner les acouphènes. Le patient peut rééduquer son cerveau afin de diminuer la douleur. On est bien dans la pluridisciplinarité. » Michel Muckensturm

«. Le processus créatif à partir du moment où il est confronté à différentes idées a tendance à être enrichi. » Thibault Duchesne

Que pensez-vous de la transformation et la réappropriation d'anciens lieux industriels en lieux artistiques et culturelles ?

Les interviewés réagissent positivement à la ré-utilisation d'espaces abandonnés et soulignent l'impact culturel positif de telles initiatives qui permettent de décentraliser les pôles culturels. Cependant, il ne faut pas sacraliser ce processus et les artistes transforment de tels lieux par manque de moyens financiers.

« A l'Amour à Bagnolet, on occupe un bâtiment qui est abandonné depuis 27 ans. Si on n'occupait pas ce bâtiment, il serait resté vide pendant longtemps avant d'être détruit. Je trouve légitime d'en faire une galerie d'art et un lieu de vie pour 8 personnes. Dans le fond, c'est encore l'intention qui compte. C'est bien quand c'est un bâtiment qui n'avait pas d'utilité sociale. » Alexandre Gain

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« C'est toujours bien qu'une société plutôt que de détruire systématiquement son patrimoine et reconstruire, c'est mieux de transformer ce qu'elle a produit. (É) En revanche, il ne faut pas le sacraliser. (É) Il faut donc savoir ré-utiliser du patrimoine et la Gaîté Lyrique en est un très bel exemple, mais il faut avoir aussi cette audace de détruire pour refaire du neuf. » Jérôme Delormas

« Un collectif d'artistes qui prend possession d'un hangar ce sont des questions financières. Il y a un espace de création et d'exposition potentielle à prendre, des espaces en friche. Cela décentralise les pôles culturels. Ce sont des lieux périphériques. De tout temps, il y a eu ça : c'était Montparnasse avant, Montreuil aujourd'hui. » Thibault Duchesne

« Les artistes ont la nécessité d'emménager dans des lieux avec des loyers très bas. » Beth Scaccia

« Lorsque les artistes investissent des lieux, ils les transforment (É) Il ne faut en revanche pas confondre l'événement et l'oeuvre d'art. » Michèle Broutta

Vue de la résidence artistique l'Amour à Bagnolet

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Hypothèse 8 : La création artistique est complémentaire de la création scientifique et les ponts entre art et science re-dessinent la manière de penser les délimitations de l'art et par conséquent son impact économique

En quoi les ponts entre approche scientifique et artistique sont importants pour décloisonner ces domaines ?

Les figures de l'artiste et du scientifique ont subi une trop grande dichotomie auprès du grand public alors que les actes de création et d'innovation proviennent de mêmes modes d'inspiration et de constructions de l'esprit. Le plus difficile est de ne pas seulement fonctionner par analogie mais bel et bien coordonner l'action scientifique et artistique sur un même projet alors que les attentes de chacun sont différentes. L'artiste peut aussi avoir une démarche scientifique en étudiant la couleur ou la coupe de cellules. Sans chercher absolument à associer deux domaines que l'on pourrait croire opposés, on perçoit que les interactions sont nombreuses. L'artiste a aussi une fascination pour la recherche scientifique bien que lui soit au service de la beauté et non de la science.

« L'objectif est de coordonner le développement scientifique pour accroître le langage artistique. C'est un mécanisme difficile à incarner. Souvent on fait des choses par analogie, on s'inspire de l'astronomie, d'Einstein ou de je ne sais quoi, mais il n'y a pas de vrai démarche commune qui va concourir à créer quelque chose de nouveau dans le temps. (É) L'artiste a une processus qui lui est propre et

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des préoccupations : l'urgence de sa création, la pièce à venir. Or, le chercheur scientifique lui veut faire avancer la science. Il est dans une idée de généricité. (É) La volonté initiale est de gérer un événement artistique mais cela participe à des recherches pour une communauté scientifique qui peuvent donner lieu à de l'exploitation de logiciels. Les scientifiques se nourrissent de la demande artistique qui a des requêtes d'usage. Ce n'est pas une demande de "proof of concept" dans un laboratoire. Il y a un défi qui est de faire fonctionner l'expérience devant un public. » Michel Muckensturm

« Historiquement, le scientifique et le philosophe sont les mêmes. Il y a un cheminement philosophique très fort. Il y a beaucoup d'artistes qui s'intéressent à la science. Caroline Corbasson s'intéresse à des phénomènes géologiques et spatiaux. Il y a un rapprochement scientifique qui est évident. Ses thèmes sont les terres à prendre, la dimension inconnue. L'étude de la couleur est un aspect scientifique. La pratique artistique implique une pratique de la chimie. Le peintre est un chimiste : il y a un mélange de couleur, de pigments.Il y a également des installations qui s'intéressent à l'énergie, à la géométrie. Je pense ici à l'exposition sur Takis qui s'intéresse au magnétisme.C'est l'image tout public qui a changé. » Thibault Duchesne

« Avant nous vivions dans un temps où tout était spécialisation. Désormais, nous percevons de quelles manières sont reliées toutes les disciplines et toutes les connexions qu'il y a entre elles. Nous avons organisé un hackaton sur la mode à Paris où un ingénieur a collaboré avec un designer de mode. » Beth Scaccia

« Dans la science, dans la biologie, il y aussi une esthétique, une beauté qui est presque du domaine artistique. En même temps, parfois il ne faut pas absolument mélanger des domaines opposés pour dire qu'on les mélange. » Alexandre Gain

« Il y a des artistes qui se sont inspirés de biologie, de l'étude de cellules. Beaucoup d'oeuvres d'artistes s'apparentent à de la science, ne serait-ce que par l'observation. Je pense néanmoins que c'est surtout l'artiste qui puise son inspiration auprès du scientifique et non l'inverse. » Michèle Broutta

« Il y a un parallèle car ils sont tous dans une spéculation et dans une passion, à corps perdu. Les grands scientifiques ont souvent des attitudes communes aux grands artistes. » Jérôme Delormas

Vue de l'exposition « Takis », Palais de Tokyo 2015. Photo : André Morin. (c) ADAGP, Paris

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Hypothèse 9 : L'innovation, liée à la recherche artistique, est un concept-clé pour la création de richesse

En quoi l'artiste nourrit-il l'innovation dans les industries créatives ?

L'artiste nourrit l'innovation des industries créatives car il est à l'avant-garde. L'art expérimental est le laboratoire des industries créatives qui en puisent de l'inspiration et l'applique avec des moyens plus importants. L'art contemporain qui est souvent à la pointe de la recherche esthétique infuse peu à peu les industries créatives.

« C'est peut-être par accident car ce n'est pas la préoccupation première de l'artiste qui souhaite avant tout sortir son oeuvre mais cela peut donner lieu à de l'innovation d'usage, l'innovation produit dans des univers beaucoup plus larges. (É) On a signé un contrat avec UNIVERSAL MUSIC pour améliorer leurs recommandations d'utilisateurs en fonction de l'atmosphère et de sonorités en élargissant les genres de musique. » Michel Muckensturm

« L'art contemporain est la base expérimentale pour ce qui deviendra plus commercial. Beaucoup de campagnes publicitaires s'appuient sur des oeuvres d'art contemporain. L'art contemporain infuse le paysage culturel et on va le retrouver dans les industries créatives. Le cinéma d'avant-garde a totalement inspiré le cinéma grand public. Ainsi, les films expérimentaux de Jean-Luc Godard ont inspiré tout une génération au cinéma. La pratique expérimentale donne lieu à de nouvelles idées. » Thibault Duchesne

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Hypothèse 10 : La création artistique inspire la société dans son ensemble et trouve son application notamment avec le design

En quoi le design apparaît comme une solution afin de combiner art, technique et société ?

A la croisée des disciplines, le design est une application plus fonctionnelle de l'art mais qui prend une place de plus en plus importante dans nos sociétés interfacées. Le design devient un enjeu de pouvoir et il se développe sous de multiples formes, comme le design sonore. Le designer a une démarche différente de l'artiste car il est là pour solutionner un problème plus que pour amener une réflexion philosophique.

« Je vois qu'on est dans une société où la plupart des objets que nous utilisons sont le fruit d'un double-processus : de dessein et de dessin. Nous sommes de plus en plus dans une société interfacée et le rôle du design est cette fonction qui fait qu'on est au monde d'une certaine manière et pas d'une autre. Cela met le design au centre et partout. Après, il y a des modes de production et des formes du design qui sont très hétérogènes les unes des autres.(...) C'est un enjeu politique phénoménale. En témoignent les Iphones qui sont des purs produits de design dans le hardware comme dans le software. » Jérôme Delormas

« Avec l'école des Beaux-Arts du Mans, on a créé une filière de formation en design sonore (É). Autant le design visuel existe, autant le design sonore n'est pas très développé. (É) On a ainsi travaillé avec RENAULT sur leurs véhicules électriques.

Les véhicules émettent un signal qui caractérisent leur marque. Le son devient alors un outil marketing pour véhiculer un message. » Michel Muckensturm

« Le designer n'a pas les mêmes questionnement que l'artiste. Dans le design, il y a un produit qui tend à être multiplié et distribué. L'artiste soulève des questions tandis que le designer solutionne. » Thibault Duchesne

« Le design c'est de l'art fonctionnel, au service de la personne lambda. (É) Les designers acceptent leur côté artisan et le côté fonctionnel de leurs produits. » Alexandre Gain

« Le designer est influencé par l'artiste, il a le regard de ce qui a été fait et entreprit par l'artiste. Il faut que cela soit sufÞsamment nouveau pour étonner mais aussi que cela soit reçu. » Michèle Broutta

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En 2014, lÕIRCAM a collaboré avec le compositeur Andrea Cera pour le design de la ZOE

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II Recommandations

Suite à l'analyse des interviews, ce qui ressort est que notre époque est marquée par la révolution numérique qui accroît exponentiellement les possibilités de création et de diffusion de l'art. La responsabilité sociale de l'artiste est de préserver sa liberté et de continuer à être un véhicule de créativité. Les répercussions de la créativité sur l'innovation en terme économique sont bien plus important qu'imaginé grâce au design et à des collaborations dans des domaines regroupants art, science et ingénierie. Afin de garantir la liberté du travail de l'artiste, les médiateurs culturels et les établissement culturels doivent innover dans leur rapport au public et tenter de briser l'image d'un art contemporain trop élitiste et inaccessible. Les possibilités infinies qu'offrent l'interdisciplinarité et la technologie sont autant de voies à explorer. En ce qui concerne la responsabilité, elle est donc partagée et ce également avec les politiques qui devraient prendre conscience de l'importance de la culture dans la construction de l'individu et de la communauté. En effet, l'art est avant tout l'occasion d'ouvrir le dialogue sur différents débats essentiels à l'idéal démocratique. Il s'agit d'intégrer des espaces de création pour développer la créativité, notamment au sein des entreprises. Terreau de développement économique et sociale, l'art comme capacité propre à l'Homme et manifestation de spiritualisation doit rester accessible à tous en tant que potentiels créateurs d'une société plus juste.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery