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Les haies vives dans la dynamique des contacts foret-savane a Yambassa, région du centre Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Cyrille LEMOUPA FOTIO
Université de Yaoundé 1 - Master 2 2015
  

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THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I

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CENTRE DE RECHERCHE ET DE
FORMATION DOCTORALE EN
SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET
EDUCATIVES

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SCIENCES
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UNITE DE RECHERCHE ET DE
FORMATION DOCTORALE EN
SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
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DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE

DOCTORAL RESEARCH UNIT FOR SOCIAL SCIENCES

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DEPARTMENT OF GEOGRAPHY

LES HAIES VIVES DANS LA DYNAMIQUE DES CONTACTS
FORET-SAVANE A YAMBASSA, REGION DU CENTRE-

CAMEROUN

Mémoire présenté pour l'évaluation en vue de l'obtention du Diplôme de Master en Géographie

Spécialisation : Dynamique de l'Environnement et Risques Option: Climatologie et Biogéographie

Par

Cyrille LEMOUPA FOTIO
Licencié en Géographie physique

Sous la Direction de
Dr. Joseph YOUTA HAPPI
Chargé de Cours

Soutenu le 27 avril 2015

Jury

Président : Pr. Roger NGOUFO Examinateur : Dr. Samuel ABOSSOLO Rapporteur : Dr. YOUTA HAPPI

DEDICACE

A ma mère, TIYO Rosette

A mon fils, LEMOUPA TALONFO Maël

A mon regretté grand père, LEMOUPA Thomas

REMERCIEMENTS

Au moment où ce travail s'achève, nous voulons sincèrement remercier toutes les personnes qui ont contribué à sa réalisation. Nous pensons en particulier au Dr. Joseph Youta Happi pour sa rigueur, sa disponibilité et sa patience dans la conduite de nos premiers pas dans la recherche.

A nos enseignants du Département de Géographie de l'Université de Yaoundé I qui ont contribué à notre formation de géographe : Pr. Maurice Tsalefac, Pr. Paul Tchawa, Pr. Roger Ngoufo, Pr. Moïse Moupou, Pr. Mesmin Tchindjang, Pr. Joseph Armathé Amougou, Dr. Samuel Aimé Abossolo etc.

A tous les membres de notre famille qui nous ont encouragés et supportés pendant les moments difficiles de notre recherche. Entre autre: Christine Ngaffo, M. Boniface Kamta, M. Edouard Tchinda, Mme Régine Douanla, Mme Jeanne Ngouémeta, Mme Marie Claire Pimazou, M. Bernard Lontchi, Mme Marie Noël Ngouéka, M. Brice Marcel Yagueu et Mme Gaëlle Laure Lepawa, ma compagne.

A toutes les personnes qui nous ont aidé lors de la collecte des données, nous pensons à : Mme Cécile Oloume 2eme adjoint au maire de la commune de Bokito, S.M. Pamphile Elaga chef du canton Elip, S.M Jean Claude Oloumé chef du village Guientsing 2, M. Mathieu Obiana, et M. Benenguegne Onanina, délégués de GIC à Yambassa.

A nos compagnons d'étude et aînés académiques du département pour les échanges constants d'idées: Guy Lamago, Chantale Kamta, Joël Eloundou, Dr. Gilbert Bamboye, Esther Nya. Lydie Evina qui nous a toujours assisté lors de nos descentes sur le terrain, Deric Kemadjou. A Tous nos amis et proches pour les encouragements: Michel Ndongwo, Alex Bidjiwo, Blaise Fepi, Lydie Djuidje, Sylvie Kegny, Sammuel Tabou, Jospin Lemoupa, Dorlotine Segnou, Giresse Choffo, Alain Lemoupa, Boris Fopa, Vanessa Tchinda, Rommel Kamta, Cabrel Tchoffo, Priscille Magopa, Vanelle Sonkoua, Judith Lemoupa, Franck Tiwa, Yves Ngniado, Jonas Diffo.

Que toutes ces personnes, ainsi que celles que nous n'avons pas pu nommer, trouvent ici toute notre gratitude et notre reconnaissance pour leur contribution à la réalisation de ce travail de recherche.

RESUME

Dans la zone de mosaïque forêt-savane de la région du Centre-Cameroun, les études basées sur des données de télédétection, des enquêtes et des relevés botaniques révèlent une tendance à la transgression de la forêt sur la savane suite aux aménagements anthropiques. En implantant des haies vives défensives à base de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense à la fin du 19e siècle, les populations du village Yambassa dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve Sanaga ont créé des conditions favorables à l'implantation des espèces pionnières de la forêt dense en savane. Une fois installées à la faveur de la suspension des feux de brousse dans les savanes, ces espèces se sont étalées en s'associant avec des fruitiers introduits par l'homme pour créer des bosquets et des îlots forestiers. Ainsi, implantées au départ pour constituer des systèmes de défense contre des ennemis, les haies se sont converties avec le temps en ligne pare feu et en corridors de dispersion des espèces de la forêt. Récemment, les populations ont aussi exploité l'ombrage des haies pour y installer de part et d'autre des agroforêts à base de cacaoyers et de fruitiers comme le palmier à huile, le safoutiers et le manguier. Aujourd'hui, les haies vives (égaga en langue locale) ne remplissent plus la fonction originelle, elles participent à la conservation de la biodiversité et à l'expansion de la forêt dense tout en contribuant au développement économique, puisqu'elles ont aussi favorisé l'extension des cultures de cacao. Ainsi, sur un territoire de 4553 ha, la savane occupait 3810,6 ha en 1951 soit 83,7% de la zone contre 742,4 ha pour la forêt (16,3%). En 2013 la savane est étendue sur 3022,4 ha, soit 66,4% de la zone. Quant à la forêt, elle occupe 1530,6 ha en 2013, soit 36,6%. Au final, la forêt a plus que doublé sa superficie en s'étendant en savane sur 788,2 ha, soit une progression de 17,31 ha/an.

D'après ces résultats, l'hypothèse selon laquelle l'occupation des parcelles de savanes par les cultures provoque une colonisation de la forêt a été confirmée. En effet, sur ce site caractérisé par un climat humide, l'arrêt des feux entraîne en savane une expansion de la forêt dense et/ou des agroforêts à moyen et long termes.

Mots clés : Bombax, bosquet anthropique, Ceiba, contact forêt-savane, haie vive, région du Centre-Cameroun, Yambassa.

iv

ABSTRACT

In the forest-savannah interface area of central Cameroon, studies based on remote-sensing data, surveys and fields studies show a tendency towards a take over of forest on savannah following human's made fitting out. Putting in place defensive row-lines of plants based on Ceiba pentandra and Bombax buonopozense at the end of 19th century, populations of Yambassa village in the area between river Mbam and river Sanaga have created good conditions for the developpment of pioneer species of rainforest in savannah. Those species have been planted thanks to the suspension of bush fires in the savannahs have spread in association with fruit trees planted by man in order to create grove and island forest. So, put in place in the beginning to make defensive systems against enemies, those row-lines became in time a type of firewall and alleys of distribution of species of the forest. Recently, farmers have also exploited shades from the row-lines to install in and around some agroforest made up of cocoa trees and fruit trees like palm trees, plum trees and mango trees. The row-lines (egaga, local name) do not meet their main function, but nowadays, they participate in the conservation of biodiversity and of the expansion of the rainforest while contributing to the economic development. So, they have helped the extension of cocoa farming. So, on an area of 4553 ha, savannah occupied 3810,6 ha in 1951, either 83,7% of the zone, against 742,4 ha for the forest (16,3%). In 2013, savannah is extended over 3022,4 ha, either 66,4% of the zone. As to forest, it occupy 1530,6 ha in 2013, either 36,6%. Final, the forest has double more than it surface by extending in savannah on 788,2 ha. Neither a progression of 17,31 ha/year.

From these results, the hypothesis that the occupation of portions of savannah by farming creates a colonization of the forest has been proved. In fact, on this site characterized by a humid climate, the extinction of bush fires in savannah leads to an expansion of rainforest in the medium and long terms.

Key words: Bombax, Ceiba, central region of Cameroon, row-line, forest-savannah interface, human made grove, Yambassa.

LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS

BP: Before Period

CDC: Cameroon Developpment Corporation

CFA: Communautés Financières d'Afrique

CIFOR: Centre International de Recherche sur les Forêts

CNFCG : Comité National Français du Changement Global

CO2: Dioxyde de Carbone

COMIFAC: Commission des Forêts d'Afrique Centrale

Dr: Densité relative

DME : Diamètre Minimum d'Exploitabilité

ECOFIT: Ecosystèmes des Forêts Intertopicales

FALSH: Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines

FAO: Food and Agriculture Organization of the United Nations

GIC : Groupe d'Initiative Commune

GICABOY: Groupe d'Initiative Commune des Agriculteurs Bongolo de Yambassa

GICAG : Groupe d'Initiative Commune des Agriculteurs Guessele

GICAMBY: Groupe d'Initiative Commune des Agriculteurs Modernes de Bouyongo

GICPALCY: Groupe d'Initiative Commune des Planteurs du Centre Yambassa

GIEC: Groupe d'Expert Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat

GPS: Global Positioning System

IGN: Institut Géographique National

INS: Institut National de la Statistique

IRAD: Institut de Recherche Agronomique et de Développement

IUCN: International Union for Conservation of Nature

MDP: Mécanismes de Développement Propre

MINRESI : Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Innovation

NO : Nord-ouest

ONADEF : Office National pour le Développement des Forêts

ONCC : Office National du Cacao et du Café

ONF: Office National des Forêts

ONG: Organisation Non Gouvernementale

Op.cit.: Opere Citato (Dans l'Suvre précitée)

PAY: Planteurs Agricoles de Yambassa

PIB : Produit Intérieur Brut

PNUD: Programme de Nations Unies pour le Développement

RCA: République Centrafricaine

RDC : République Démocratique du Congo

RGF: Ressources Génétiques Forestières

SE : Sud-est

UGROPLAY: Union des Groupements de Planteurs Yambassa

WWF: World Wilde Fund

vi

SOMMAIRE

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

RESUME iii

ABSTRACT iv

LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS v

SOMMAIRE vi

LISTE DES FIGURES vii

LISTE DES TABLEAUX viii

LISTE DES PHOTOS ix

INTRODUCTION GENERALE 1

I. DEFINITION DU SUJET 3

II. DELIMITATION DU SUJET 4

III.INTERETS DE L'ETUDE 5

IV-PROBLEMATIQUE 7

V-CONTEXTE SCIENTIFIQUE 8

VI-QUESTIONS DE RECHERCHE 19

VII. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 20

VIII- OBJECTIFS DE RECHERCHE 26

IX. HYPOTHESES DE RECHERCHE 26

X- METHODOLOGIE DE RECHERCHE 27

PREMIERE PARTIE: LE CONTEXTE ECOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE LA

MISE EN PLACE DES HAIES VIVES DEFENSIVES 32
CHAPITRE I : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE DU PAYSAGE AGRAIRE YAMBASSA33 CHAPITRE II : LE CONTEXTE HISTORIQUE DE L'IMPLANTATION DES HAIES

VIVES DEFENSIVES 51
DEUXIEME PARTIE: DISTRIBUTION ET IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET

ECONOMIQUES DE CEIBA ET BOMBAX 64
CHAPITRE III: LA DISTRIBUTION REGIONALE ET LOCALE DE CEIBA PENTANDRA

ET DE BOMBAX BUONOPOZENSE 65
CHAPITRE IV : LES IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET SOCIO-ECONOMIQUES DES

HAIES VIVES 101

CONCLUSION GENERALE 122

BIBLIOGRAPHIE 126

ANNEXES 135

VII

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Localisation administrative de la zone d'étude 6

Figure 2 : Localisation de la zone de contacts forêt-savane de l'ouest-Cameroun 8

Figure 3: Système défensif végétal type mofou 18

Figure 4 : Système de défense végétal yambassa 19

Figure 5 : Courbe ombrothermique de la station de Bafia 34

Figure 6 : Les moyennes annuelles des pluies dans la zone du confluent Mbam et Sanaga 35

Figure 7 : Carte hypsométrique de la zone du confluent Mbam et Sanaga 37

Figure 8 : Carte topographique de la région entre les localités de Yambassa et d' Ombessa 40

Figure 9 : Carte hypsométrique de la région entre Yambassa et Ombessa 41

Figure 10 : La distribution des sols dans la zone du confluent Mbam et Sanaga 43

Figure 11 : Les arrondissements de Bokito et d'Ombessa : localisation des anciens foyers de tensions 55

Figure 12 : Evolution de la population et des densités rurales dans l'ensemble Bokito et Ombessa entre 1962 et

2005 62

Figure 13 : Distribution de Bombax buenopozense 72

Figure 14 : Aire de distribution de Ceiba pentandra 73

Figure 15 : Extension des murs défensifs végétaux en 1951 76

Figure 16 : Le paysage de contact forêt-savane autour du village Yambassa 80

Figure 17 : Localisation des murs végétaux défensifs du bassin du Tchad 82

Figure 18 : Le système défensif végétal du bassin versant de la Goudoulou 83

Figure 19 : Gros plan sur le système défensif Guimsak 83

Figure 20 : Coupe du système défensif de Guimsak 84

Figure 21 : Section de mur défensif de la localité de Yambassa 85

Figure 22 : La distribution locale de Ceiba et de Bombax sur le transect de Yambassa 88

Figure 23 : Distribution des individus et des classes de diamètres sur le transect de la localité de Yambassa 89

Figure 24 : La représentation des principales espèces 91

Figure 25 : Densité relative des principales familles 96

Figure 26 : La reconstitution de l'évolution des haies défensives sur le transect 103

Figure 27 : Les services écologiques et économiques rendus par les arbres inclus dans les haies 106

Figure 28 : La distribution de la biodiversité sur le transect de Yambassa 107

Figure 29 : Photo interprétation de la photographie aérienne IGN n° 172, AEF de 1951 109

Figure 30 : La reconstitution de l'implication de l'aménagement des haies vives défensives 115

Figure 31 :La dynamique des contacts forêt-savane sur le site de Yambassa entre 1951 et 2013 : l'expansion de

la forêt 116

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Les données climatiques de la station de Bafia 35

Tableau 2 : Nombre de manoeuvres mobilisés dans les chantiers publics de la subdivision de Bafia de 1942 à

1944 59

Tableau 3 : Noms locaux de Ceiba pentandra à travers le monde 74

Tableau 4 : Les noms locaux de Ceiba pentandra au Cameroun 74

Tableau 5 : Relevé du transect de Yambassa 94

Tableau 6: Les familles les plus représentées dans le relevé 96

Tableau 7 : Opinion sur le milieu de création des cacaoyères 112

ix

LISTE DES PHOTOS

Photo 1 : La savane herbeuse à Pennisetum purpureum et Imperata cylindrica 44

Photo 2 : La savane arbustive à Terminalia glaucescens et Bridelia ferruginea 45

Photo 3 : La forêt dense semi décidue à Sterculiaceae et Ulmaceae 46

Photo 4 : Plantation de cacaoyer aménagé dans un système agroforestier 48

Photo 5 : Champs d'arachide et de manioc dans un bas fond 49

Photo 6: Champs de patate douce (sur butes) à proximité d'une palmeraie 53

Photo 7 : Héritage des murs défensifs végétaux autour du village Yambassa 56

Photo 8 : Fleur de Ceiba pentandra 68

Photo 9 : Feuille de Ceiba pentandra 68

Photo 10 : Fruits immatures de Ceiba pentandra 68

Photo 11 : Graine de Ceiba pentandra avec le support de filaments cotonneux 68

Photo 12 : Jeune Ceiba pentandra dans un bosquet anthropique proche des haies vives 70

Photo 13 : Fleur de Bombax buonopozense 71

Photo 14 : Alignement de Ceiba et de Bombax sur le site de Yambassa 86

Photo 15 : Contreforts ailés de Ceiba pentandra 97

Photo 16 : Les contreforts de Bombax buenopozense 98

Photo 17 : Enchevêtrement des contreforts de Ceiba et Bombax 99

Photo 18 : Au coeur d'un bosquet implanté entre les haies de Ceiba et de Bombax à Yambassa 105

Photo 19 : Photographie aérienne n° 172 de la mission IGN 016 AEF 1951/1952 au 1/50000 109

Photo 20 : Implantation d'un bosquet à la suite d'un boisement de teck (Tectona grandis) 113

Photo 21 : L'alignement de Bombax et de Ceiba sur le transect 120

1

INTRODUCTION GENERALE

2

Dans la zone tropicale humide, les régions de contact entre les forêts denses humides et les savanes limitrophes ont connu au cours du temps, de profondes modifications de leurs aires de distribution. Ces variations ont été lié aux variations climatiques au cours du Quaternaire récent. Les savanes qui couvraient de vastes zones au cours de l'Holocène ont amorcé un mouvement de recul grâce au retour de conditions climatiques favorables. D'après les études de pollens et de diatomées contenus dans les sédiments lacustres, la savane s'est largement étendue entre 4000 et 2500 BP du fait d'un assèchement du climat. Mais, Une phase climatique humide qui a débuté après 2000 ans BP a permis à la forêt un mouvement de reconquête sur les savanes limitrophes (Reynaud-Farrera et al., 1996 ; Nguetsop, 1997 ; Schwartz, 1997 ; Schwartz et al., 1997). Autrement dit, depuis environ 1500 ans BP, une phase humide plutôt favorable à l'expansion de la forêt s'est mise en place et se poursuit jusqu'à nos jours.

Aujourd'hui pourtant, l'opinion commune au sujet de la dynamique des formations végétales en Afrique subsaharienne est celle d'un recul rapide de la forêt laissant place à la savane. Les régions tropicales humides d'Afrique subsaharienne sont caractérisées par la réduction de la surface des massifs forestiers (Aboubacar et al., 2012). Par exemple, le taux annuel de déforestation nette du bassin du Congo entre 1990 et 2000 a été évalué à 0,2 % de la surface totale de la forêt par De Wasseige et al. (2009) et 0,4 % par la FAO (2001). Pour cette même période, la FAO a estimé ce taux de déforestation nette à 0,5 % en Guinée et 3 % en Côte-d'Ivoire. Les interprétations de télédétection ainsi que les enquêtes et relevés de terrain démontrent que de nos jours, à l'échelle locale, dans une région comme celle du Mbam et Kim, le mouvement d'expansion de la forêt continue vigoureusement (Youta Happi, 1998). L'accélération de la dynamique forestière par la mise en culture a été localisée dans le sud des savanes baoulé (Côte-d'Ivoire) par Aboubacar et al. (2012) et dans la région de Béoumi (Nord-Ouest du V baoulé, à la latitude de Bouaké). Grâce aux analyses des relevés floristiques et à la photo-interprétation Lassailly et Spichiger (1981) détectent des régénérations. Ils concluent que «l'extension des brousses forestières mésophiles est favorisée par la mise en culture de certaines zones privilégiées de savanes, notamment par l'intermédiaire de la culture du café, du cacao et des cultures vivrières ».

Au Centre-Cameroun en région habitée par les populations Yambassa dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve Sanaga, il est probable que les mises en valeur agricole de parcelles de savanes aient conduit aux mêmes effets. Ou alors, les dynamiques ne s'opéraient pas de la même façon, compte tenu des spécificités d'ordres naturels et humains

3

de cette région. C'est justement à ce titre que cette étude vise à établir les implications des systèmes de mise en valeur agricole et foncière du site sur le double plan économique et écologique.

I. DEFINITION DU SUJET

Depuis les années 1970, de nombreux travaux ont montré la progression des peuplements ligneux dans les savanes des régions de contact forêt-savane d'Afrique centrale et occidentale comme c'est le cas au Centre de la Côte d'Ivoire (Avenard et al., 1974 ; Blanc-Pamard et Spichiger, 1973 ; Blanc-Pamard et Peltre, 1979). Les agriculteurs ont joué un rôle important dans la « reforestation» de ces milieux notamment en développant des cultures pérennes comme le caféier et le cacaoyer ou en suspendant les feux dans les champs de cultures vivrières implantés dans les savanes. Ces pratiques ont été étudiées en Guinée et au Cameroun par des agronomes et des ethno écologues (Dounias, et Hladik, 1996 ; Filipski et al., 2007 ; Jagoret et al., 2011 ; Correia et al., 2010).

La présence des savanes dans les régions tropicales humides africaines a étonné les botanistes durant la première moitié du 20e siècle. Ils considéraient en effet que ces peuplements végétaux soumis à une pluviométrie abondante devaient être totalement couverts par la forêt. Ces chercheurs, à l'instar d'Aubréville (1949) évoquaient une origine anthropique de la savane dans ces régions. Les agriculteurs défricheraient la forêt pour cultiver et se nourrir, et le retour fréquent des cultures sur les mêmes espaces à l'origine forestiers, combiné à l'usage du feu entraînait un processus de savanisation. Aujourd'hui, les scientifiques expliquent la présence de ces savanes par l'existence dans le passé des périodes sèches, en particulier durant l'Holocène entre 4000 et 2000 ans BP (Schwartz, 1992 ; Giresse et al, 1994). Ces savanes se sont maintenues ensuite malgré une pluviométrie plus abondante dans les situations de sols pauvres, cuirassés ou sableux et lorsque les feux favorisés par la présence d'une biomasse importante de graminées, se répétaient quasiment chaque année. Mais dans toutes ces situations dans la region du Centre-Cameroun, la forêt développerait à l'heure actuelle une nette tendance à la progression sur les savanes (Youta Happi, 1998).

En pays yambassa, Beauvilain et al (1985) ont décrit les remparts végétaux constituant des haies vives atteignent des dimensions impressionnantes. Ici, l'ossature défensive est fournie par un arbre, le kapokier (Ceiba pentandra), qui peut atteindre 30 à 40 mètres de haut. Les Yambassa ont ainsi bouturé des «murs vivants» de kapokiers sur des kilomètres de long. Toutefois, ces murs constitués par des alignements serrés de grands arbres délimitaient et défendaient l'espace d'une communauté villageoise, mais ils créaient véritablement le terroir

4

Yambassa. Installées dans des savanes herbeuses, ces lignes ceignaient les positions hautes et jouaient le rôle de pare-feu, mais aussi de bouclier naturel derrière lequel les populations se postaient pour surveiller les ennemis. À l'arrière, l'homme pouvait entretenir des massifs forestiers dont l'essence dominante était le palmier à huile.

La question est celle de savoir quelle est la contribution de ces « Systèmes défensifs végétaux» du « pays» yambassa dans la distribution et la dynamique de la biodiversité floristique et partant, dans l'évolution actuelle des contacts forêt-savane de cette région du centre Cameroun.

II. DELIMITATION DU SUJET

II.1. Délimitation thématique

L'étude de l'évolution des contacts forêt-savane s'intègre dans un cadre global de la dynamique de l'environnement et des risques liés à l'exploitation des ressources naturelles. Il s'agit, pour le cas spécifique de la zone de mosaïque forêt-savane du bassin de la rivière Mbam, d'analyser le rôle des agrosystèmes dans l'évolution passée et actuelle du couvert végétal, d'une part et d'autre part, de déterminer leurs implications sur le triple plan écologique, social et économique. Il s'agit d'un milieu de transition entre la forêt dense, peuplement fermé, et la savane, formation ouvert comme les travaux précédents l'ont décrit (Suchel, 1988 ; Abah, 1984 : Kuété, 1989) :

· Transition climatique, car il semble ressortir de l'observation des faits que la phase climatique actuelle marque le passage d'un climat à tendance sèche révolu vers un climat à tendance humide de mieux en mieux affirmé.

· Transition climatique latitudinale sous le climat actuel, puisque c'est ici que s'amorce le passage du climat équatorial au sud vers le climat tropical de l'Adamaoua ;

· Transition morpho-pédologique, entre le domaine ferralitique du sud et les régions fortement cuirassées de l'Adamaoua ;

· Transition végétale et floristique entre le grand bloc forestier sud camerounais et les savanes du Nord, ce caractère constituant la définition même du contact forêt-savane.

II.2. Délimitation spatiale

L'étude s'effectue dans la region du centre-Cameroun, dans le département du Mbam et Inoubou, arrondissement de Bokito notamment dans le village Yambassa (Figure 1). Sur le plan administratif, ce village appartient au canton Elip. Ce village se situe entre 4° 30' et 5°

5

30' N et entre 11° 30' et 12° E. Sa superficie est d'environ 180 km2. Le village Yambassa, est situé à 112 km au nord de la ville de Yaoundé. Ce village est inséré dans la grande zone de mosaïque forêt-savane du Centre Cameroun (Figure 2). C'est un territoire essentiellement occupé par des savanes herbeuses et des savanes arbustives avec des intrusions forestières sous forme de boqueteaux, d'îlots et de galeries longeant les cours d'eau. Relativement peu peuplé (moins de 10 hab. /km2), la région est désenclavée depuis près de trente ans à la faveur de la construction de la Route Nationale N° 4 qui relie Yaoundé à Bafoussam en passant par Bafia, Bangangté et Bandjoun.

Le village Yambassa est limité au nord par les villages Guientsing 1, Bogondo et Baliama de l'arrondissement d'Ombessa, au sud par les villages Balamba 1 et Balamba 2, à l'ouest par les villages Bassolo, Bégni et Guéfigué et à l'est par les villages Yebekolo, Nyambala et Yanga.

II.3. Délimitation temporelle

La plupart des villages et villes « yambassa » comportent sur leur périphérie des alignements de Ceiba pentandra ou fromagers. Ils ont été plantés de manière alignée autour des groupements humains entre la fin du 19e et le début du 20e siècle (Beauvilain et al., 1985). Selon ces travaux, les alignements de ligneux sont si serrés qu'en grandissant, les arbres constituent des sortes de fortifications vivantes. L'implantation de ces haies vives s'est faite dans un contexte de guerres entre groupes de populations engagées dans des luttes de conservation ou de conquêtes de territoires. Sur le terrain en 2014, des pans de ces murs sont encore visibles. Une bonne partie de ces « fortifications» a disparu à cause du passage des routes ou simplement à cause de la mort de certains arbres.

III. INTERETS DE L'ETUDE

Cette étude vise à contribuer à la connaissance de l'impact des systèmes de mise en valeur agricole et foncière sur la transformation et l'évolution des contacts forêt-savane. Elle vise notamment à déterminer les évolutions de l'affectation des sols sur le double plan quantitatif et qualitatif. Il s'agit de préciser les indices et les marqueurs de :

- La transformation et l'évolution en termes d'extension ou de régression spatiale de la forêt en région de contact avec la savane;

- La dynamique dans le sens strict de la biodiversité : espèces pionnières de l'écosystème forestier en savane ou vice versa, introduction d'espèces, exploitation sélective des espèces de la forêt et des savanes.

6

Limite de Région

MI Localisation de la Région du Centre

Bafia

MBAM ETJNOUBOU

6' N

NYONG ET MFOUMOUI

125km

o

iirE

MI Localisation du Département de

Mbam et Inoubou dans la région du centre

I département du Mfoundi

Sources: Revue Nationale de Géographie du Caueroun

10130E 10°140' E 10 15I E

10 km

t0'I20'E

p DEUK

1v]AKANENE

1.1°I10'E 11°î20'E

11'i00' E

r :r

Localisation du village Yambassa

o

ND KINIiVFKI

YAMBASSA

41)1111

Source Carte topographique de Bafia

N6-32-V1au 1/200000

Localisation des arrondissements de Bokito et d'Ombessa dans le département de Mbam et Inoubou

Figure 1 : Localisation administrative de la zone d'étude

7

Cette étude se propose de montrer en outre l'intérêt de la cartographie diachronique couplée à l'interprétation des relevés botaniques pour une meilleure connaissance de la dynamique des peuplements forestiers. Ces deux démarches nous permettrons de comprendre et de décrire les modes d'expansion de la limite forêt-savane à l'échelle locale sur transects et placettes, d'une part, et à l'échelle régionale par l'interprétation des données de la télédétection.

Sur le plan personnel, étant novice dans la recherche, cette étude nous a permis de satisfaire notre curiosité en matière de dynamique des contacts forêt-savane liée aux agrosystèmes notamment, les haies vives du village Yambassa.

IV-PROBLEMATIQUE

Sur le trajet qui mène de Yaoundé à Bafia, un paysage particulier dominé par les savanes s'ouvre juste après le pont sur la Sanaga et rompt la monotonie de la forêt fermée (figure 2). Ce paysage de mosaïque forêt-savane s'installe jusqu'au hautes terres de l'ouest. Il laisse découvrir des alignements de forêt sous forme de galeries le long des cours dans les vallées. Sur les versants et les interfluves, on découvre de vastes étendues de savanes parsemées de boqueteaux, de bosquets et d'îlots forestiers. Les savanes pour certains, seraient des territoires d'une ancienne forêt qui jadis couvraient tout le territoire (Kuété, 1989 ; Jacques-Felix, 1968 ; Kadomura, 1990). Les taches et les couloirs de forêts seraient des reliques de cette forêt qui a reculé devant les défrichements culturaux et les feux de brousses qui leur sont traditionnellement associés. Pour d'autres les bosquets et les boqueteaux seraient des « constructions» anthropiques issues d'occupations temporaires et de la suspension des feux sur certaines parcelles des savanes préexistantes (Letouzey, 1968 et 1985 ; Beauvilain et al., 1985). Ainsi, à la faveur de la mise en défens des feux, des parcelles de savanes connaissent un envahissement des espèces pionnières de la forêt. Ces bosquets se seraient maintenus grâce aux facteurs naturels de sols et de climat humide favorables au développement d'un couvert végétal arboré.

Pour les auteurs comme Achoundong et al. (1996) et Youta Happi (1998), la transgression de la forêt sur la savane au centre-Cameroun est amplifiée depuis quelques décennies par l'introduction d'une plante envahissante, Chromolaena odorata, qui prépare l'invasion forestière dans les savanes.

Compte tenu des contradictions qui concernent la dynamique des peuplements forestiers dans la région du Mbam en général et du secteur occupé par les populations Yambassa en particulier, cette étude vise à détecter les indices matériels qui confirment ou infirment, soit le

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recul de la forêt devant la savane, soit l'avancée de la forêt favorisée par le recrutement volontaire ou indirect des espèces de la forêt dense.

Figure 2 : Localisation de la zone de contacts forêt-savane de l'ouest Cameroun

V-CONTEXTE SCIENTIFIQUE

· Des conditions climatiques et humaines favorables à la transgression de la forêt sur la savane

Dans l'ensemble du Centre-Cameroun, la progression de la forêt sur la savane est favorisée par des précipitations abondantes (1 400 à 1 600 mm) bien réparties dans l'année (9 à 10 mois consécutifs), des sols ferralitiques profonds et de faibles pressions anthropiques (moins de 15 habitants au km2). Dans la région du Mbam et Kim, cette avancée est très rapide du fait de la très faible densité humaine (moins de 5 habitants au km2) et de l'inaccessibilité de certaines zones par manque de routes (Youta Happi, 1998). La nette progression de la forêt sur la savane dans la région du confluent du Mbam et du Kim confirme que la tendance « lourde» de l'évolution de l'écotone forêt-savane dans le centre du Cameroun est celle d'une reconquête lente de la savane par la forêt semi-décidue dans un contexte général de climat

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humide. Dans d'autres régions du Centre-Cameroun, un peu plus peuplées, cette tendance est également vérifiée. C'est le cas notamment à l'est de la zone, au sud de la région de Bertoua, au centre dans la localité d'Efoulan située au nord de la ville d'Akonolinga, mais aussi dans la zone du confluent entre les rivières Mbam et Kim à l'est de la ville de Foumban. Cette évolution s'inscrit dans un contexte général de reconquête des savanes par la forêt depuis un peu plus de 1000 ans.

De très nombreux travaux ont été consacrés à la problématique de la dynamique des contacts forêt-savane des régions tropicales humides. Parmi ces recherches, certaines se sont penchées particulièrement sur l'influence des pratiques agricoles sur cette évolution en Afrique subsaharienne. Ainsi, plusieurs travaux de recherche ont mis en évidence une dynamique transgressive de la forêt sur la savane proche comme en Cote d'Ivoire (Blanc-Pamard, Spichiger, 1973), en Guinée (Fairhead et Leach, 1996), au Togo (Guelly et al. ,1993) et au Cameroun (Youta Happi, 1998 ; Dalliere et Dounias, 1999 ; Filipski et al., 2007). Cette dynamique écologique s'explique par des facteurs naturels favorables au développement d'un couvert végétal arboré (sols profonds, climat humide etc.) ainsi que par des processus biologiques comme la coalescence de proche en proche favorisant la pousse des ligneux sur les lisières des ilots forestiers et la dissémination des graines d'arbres par les animaux, par le vent et par les Hommes. En plus de ces facteurs physiques et biologiques favorables, l'agriculture traditionnelle basée sur des cultures annuelles, pluriannuelles et pérennes pourrait être le principal facteur de la dynamique du contact forêt-savane, ceci par son ampleur et par la transformation effective et durable qu'elle entraîne dans le paysage du fait de son caractère répétitif au centre Cameroun (Milleville, 2007), Defontaine (1998), Jagoret et al. (2010).

· Mise en valeur agricole des lisières et dynamique de l'écotone

Dans la région du confluent entre le Mbam et le Kim, Froment et al., (1996) ont mis en évidence que les populations Tikar, en s'établissant toujours sur la lisière, subissaient auparavant le phénomène de transgression. Cette implantation avait même tendance, par l'entremise notamment d'oiseaux anthropophiles disséminateurs, à accélérer la progression forestière à la périphérie de l'habitat à l'insu des Tikar qui se voyaient contraints de déplacer le village pour se maintenir en lisière. La mobilité forcée de l'habitat accompagnait l'espace agraire itinérant, ce dernier résultant de mises en jachère de longue durée rendues nécessaires par la réitération culturale sur 7 à 8 années consécutives et par la baisse drastique de production qui s'ensuivait. Cette relative passivité face à la transgression, va cesser à partir

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des années 60 avec l'apparition de deux facteurs. Dans un premier temps, l'adoption massive de l'arboriculture de rente et la création d'un périmètre boisé pérenne qui va s'ensuivre. L'arboriculture entretenue sur les marges des villages va finir par bloquer la transgression forestière et permettre le maintien des habitats. Dans un second temps, l'invasion intempestive des recrus par la buissonnante Chromolaena odorata, va modifier la rotation agricole. Mettant à profit les indéniables qualités agronomiques de cette adventice amélioratrice des sols (Prasad et al., 1993). Les Tikar vont à partir des années 80 intensifier leur système de culture en revenant sur la même aire de culture après un temps de jachère réduit à moins de 5 ans. Cette forte réduction de la durée de la déprise agricole compromet toute recolonisation par le recru (Guelly et al., 1993). Le blocage du recru est renforcé par l'excellent rendement calorique de l'eupatoire lors du brûlis qui neutralise les jeunes rejets d'arbres héliophiles précurseurs de la reforestation (Gauthier, 1996).

Dans la région du centre-Cameroun en général, des facteurs locaux apportent actuellement le « coup de pouce » qui permet de mesurer des progressions spectaculaires en quelques dizaines d'années. C'est par exemple le rôle tout à fait primordial de Chromolaena odorata qui joue le rôle de pare feu en s'interposant entre la savane et la bordure de la forêt. Sa présence permet la survie d'un plus grand nombre d'espèces pionnières de la forêt qui sont malheureusement très sensibles aux feux de brousse (Youta Happi, 1998).

Au centre de la Côte-d'Ivoire, dans le « V Baoulé », la mise en valeur agricole des lisières a entraîné localement une implantation des espèces pionnières de la forêt en savane. Des relevés botaniques réalisés dans des anciens champs d'ignames implantés sur les lisières révèlent la présence d'espèces pionnières de la forêt dans les jachères (Blanc-Pamard et Spichiger, 1973 ; Blanc-Pamard et Peltre, 1979). Les auteurs concluent que l'occupation temporaire des parcelles de savanes par les cultures est responsable de ces implantations. La raison est que pendant la phase culturale, ces parcelles sont mises en défens, ce qui favorise le recrutement spontané des espèces de la forêt. Au sud-est de la République Centrafricaine et au nord du Congo Brazzaville, l'occupation temporaire des parcelles de savanes par l'habitat aurait les pour effets la constitution de bosquets (Boulvert, 1990 ; Grand-Clément, 2002). Ces auteurs expliquent que l'installation des habitations dans les savanes conduit, d'une part, à la suspension des feux et, d'autre part, à l'implantation d'arbres fruitiers qui, avec le temps, créent une ambiance écologique favorable à l'installation des espèces indigènes de la forêt dense.

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Dans la région ouest du terroir yambassa justement, des travaux agronomiques révèlent une rotation culturale qui aboutit à une recomposition de l'occupation du sol. L'un des traits majeurs de cette dynamique est la conversion de parcelles de savanes en agroforêts de cacaoyers. En effet, les systèmes de culture vivriers en zone de savane reposent sur le manioc et le maïs, qui constituent la base alimentaire de la population de Kédia près de Bokito. Ils combinent dans l'espace et dans le temps des cultures annuelles (taro, igname, maïs, courge à pistaches, etc.) ou pluriannuelles (manioc, bananier plantain) de longueurs de cycle différentes, permettant le plus souvent deux productions par an sur la même parcelle. Une parcelle en savane peut porter ces cultures vivrières durant 4 années, puis elle est mise en jachère pour 10 à 12 ans. Mais dans bien des cas, les cultures vivrières sont associées aux cultures pérennes (le cacaoyer, les agrumes) durant leur phase juvénile : les 5 à 7 premières années qui précèdent l'entrée en production du cacaoyer, par exemple. Cette association du cacaoyer aux cultures vivrières contribue à accroître la production vivrière des exploitations et favorise l'entretien des jeunes cacaoyères (Aboubacar et al., 2012).

Ainsi, un peu partout en Afrique tropicale humide, l'occupation temporaire des parcelles de savanes par les champs et/ou les cultures conduit à une colonisation spontanée de la savane par la forêt dense. La question qui se pose est celle de savoir comment évoluent les parcelles de svanes occupées de manières pérennes par les champs et/ou les habitats.

· La régénération post-culturale à l'intérieur de la forêt

Les champs de forêts abandonnés après récolte connaissent eux aussi une activité dynamique. La vitesse de la reconstitution qui s'opère est fonction du nombre de cycles culturaux antérieurs. Un espace qui a été pendant longtemps exploité verra son potentiel de régénération réduit. Certains éléments de l'environnement immédiat peuvent également avoir une influence sur la reconstitution. C'est par exemple le cas de la présence sur les jachères de certains arbres épargnés par un abattage sélectif pendant l'activité agricole. Ces « orphelins de la forêt » (Carrière, 1999) ont un rôle déterminant dans la dynamique forestière. En effet, l'arbre au sein de l'agrosystème crée les conditions favorables à l'installation des essences ligneuses et facilite la régénération du couvert forestier (Yarranton et Morrison, 1974) .

Certains auteurs comme Carrière (1999) considèrent que l'agriculture extensive traditionnelle basée sur le système de cultures itinérantes ou essartage, joue un rôle proche de celui des chablis dans la dynamique forestière. Pour cet auteur, dans certaines situations, les perturbations induites par les agriculteurs ne sont pas préjudiciables à la biodiversité de la

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forêt, mais au contraire, elles en constituent un des éléments. Cela s'explique par le fait que les agriculteurs en aménageant les parcelles de cultures, épargnent un certain nombre d'arbres pour diverses raisons comme la fertilisation pour le cas des légumineuses. D'autres raisons expliquent la préservation des arbres dans les champs. C'est le cas des arbres fruitiers, des arbres d'ombrage, des essences à valeur culturelle ou rituelle, des essences à valeur médicinale ou culinaire. Aussi, une fois la parcelle abandonnée en jachère, ces arbres dispersées favorisent ou accélèrent la reconstitution de la forêt du fait qu'ils sont des portes graines et servent aussi de perchoirs aux oiseaux et animaux grimpeurs qui s'y attardent pour manger ou pour expulser leurs déjections. Aussi, les perturbations induites par l'agriculture itinérante pratiquée en forêt dense humide dans un contexte de faible densité démographique présentent quelques caractéristiques semblables aux perturbations naturelles. Plusieurs raisons expliquent cela :

- Les perturbations cycliques qui y sont pratiquées, notamment par le biais des défrichements culturaux, correspondent à des éclaircies temporaires que le calendrier agricole des terroirs impose ;

- Le terroir agricole en mosaïque de phases de jeunesse (jeunes jachères ou forêt très dégradées), de maturité (jachère âgée ou forêts secondaires) et de vieillesse (forêts secondaires âgées ou forêts en voie de reconstitution) y constitue un facteur de maintien de la biodiversité;

- Les perturbations fréquentes (temps de jachère de 20-30 ans) tout comme les chablis loin de diminuer la diversité biologique, y permettent plutôt le renouvellement ;

- La variabilité des intensités des perturbations (faibles superficies défrichées, dispersion des champs dans le terroir, courte durée des cultures, rotations déclenchées avant la diminution de la fertilité des sols) concourt également à un maintien de la biodiversité globale et même parfois à un enrichissement par le biais d'introduction d'espèces.

Toutes ces perturbations anthropiques améliorent la forêt en tant que ressource utilisable pour l'homme et contribuent de manière significative à la structuration en taches de la forêt et donc au maintien de sa biodiversité à l'échelle locale. Le maintien et surtout l'évolution de la biodiversité s'expliqueraient par les changements climatiques et écologiques (pénétrations de nouvelles espèces) ainsi que par les facteurs historiques (sédentarisation des villages), sociaux (évolution des maîtrises foncières, agencement des cultures dans l'espace) et culturels (abattage ou non de certaines espèces d'arbres culturellement valorisées). Dans une

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perspective dynamique, on peut résumer l'action de l'agriculture itinérante par une altération puis une reconstitution de la forêt, donc un maintien de la biodiversité et une évolution de celle-ci à travers l'histoire des populations et leurs activités de subsistance.

Kahn (1982, cité par Kemadjou, 2010) a étudié la reconstitution de la forêt tropicale humide après culture traditionnelle au Sud-ouest de la Côte-d'Ivoire sur 14 jachères d'âges différents (de 3 à 60 ans). Pour lui, la forêt tropicale humide se reconstitue par une série de stades successifs, chaque stade étant le résultat de l'installation du développement et du dépérissement d'un ensemble floristique qui facilite l'installation et le développement du stade suivant. La théorie de la reconstitution qui découle de cette étude établit que le développement de la forêt après perturbation artificielle passe par une série de 4 stades successifs:

- Le stade herbacé graminéen où la végétation présente essentiellement les adventices surtout graminéennes;

- Le stade à herbacées et sous ligneux qui correspond à la mise en place sous forme de plantules d'espèces pionnières de la forêt à croissance rapide et à bois mou ;

- Le stade arbustif pionnier qui est caractérisé par la présence de nombreuses espèces secondaires. Ce stade disparaît progressivement et voit l'apparition de jeunes plants d'espèces à longue durée de vie ;

- Le stade préclimacique. Il met en place une forêt secondaire qui précède la forêt climacique. C'est le dernier stade avant la reconstitution complète de la végétation. Il est caractérisé par la présence en nombre dominant des espèces à longue durée de vie et à bois dur

Le schéma de la succession tel que présenté par Kahn (1982, cité par Kemadjou, 2010) est à peu près comparable à ceux élaborés par certains de ses prédécesseurs en ce qui concerne la reconstitution de la forêt tropicale humide post culturale. Celle-ci, une fois perturbée, tend à se reconstituer à travers une série d'étapes qui passent par les plantes herbacées, les arbres à croissance rapide et à faible longévité, les grands arbres héliophiles et enfin les arbres caractéristiques de la forêt primaire qui sont constitués essentiellement d'espèces sciaphiles. Aubréville (1947, cité par Kahn, 1982) distingue trois phases dans le processus de reconstitution :

- La première phase est celle des espèces caractéristiques des forêts secondaires. Les espèces en présence sont essentiellement héliophiles. Elles s'élèvent à une taille située entre 15 et 20 m de haut ;

Le long des lisières, une bande de Chromolaena odorata, Asteraceae exotique pérenne (Gautier, 1993) introduite au Cameroun à la fin des années 1960, s'intercale entre la savane et

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- La deuxième phase qui connaît la formation d'un sous-bois comparable à celui d'une forêt primaire. D'autres espèces héliophiles encore plus grandes que les premières dominent ;

- La troisième phase ou reconstitution de la forêt primaire. Ici les espèces secondaires de la première phase ont disparu. Ce sont désormais les grands arbres de longue durée de vie qui dominent.

Dans la partie septentrionale du Cameroun, Aboubakar (1997) a déterminé les conséquences de l'exploitation des espaces boisés ainsi que les risques qui en découlent. Il note la réduction du couvert ligneux causée par les défrichements culturaux croissants et la raréfaction de certaines espèces ligneuses telles que Trichilia rok et, Dalbergia melanoxylon. Dans les savanes arbustives jadis cultivées, Aoudou (2001) a observé une augmentation du recouvrement des ligneux, une diversité de la structure de la végétation en fonction de la durée de l'abandon sur les terroirs anciennement habités et mis en défens dans la Haute Bénoué.

· Le rôle protecteur des espèces de lisière

Le front forestier au contact de la savane est essentiellement peuplé d'espèces héliophiles très expansives qui se répartissent derrière la lisière de la forêt sur les 10 à 50 premiers mètres. Il s'agit, pour les plus répandues, de Markhamia lutea, Voacanga africana, Alchornea cordifolia, Allophyllus africana, Albizia zygia, Albizia glaberrima et Albizia adianthifolia. Ces trois dernières espèces ont un caractère très plastique et ont une répartition plus large, aussi bien dans la forêt que dans la savane (Youta Happi, 1998). Sur les lisières, ces espèces qui ont la taille d'arbustes et de jeunes arbres de 7 à 20 m cohabitent avec des peuplements de Zingiberaceae. Ce dispositif forme un pare-feu naturel pour la forêt, à la fois défensif et offensif. Défensif grâce au rideau persistant des feuilles des espèces du front forestier et des ampes foliaires des Zingiberaceae gorgées d'eau. Offensif grâce aux branches débordantes des espèces de bordure qui rampent parfois jusqu'au sol. Sous leur ombre, alors que les Gramineae privées de lumière périclitent, les graines des espèces de lisière, dans une ambiance relativement humide, peuvent germer sans être concurrencées. Ainsi de proche en proche, ces espèces de conquête s'implantent, aidées par l'ombrage croissant qui empêche les Gramineae de pousser.

· Le rôle accélérateur de Chromolaena odorata

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la forêt. Cette plante herbacée, dotée d'une très grande capacité de ramification et d'une forte vitesse de croissance, présente également la caractéristique de rester verte plus longtemps que les herbacées de la savane en saison sèche. De la sorte, les feux de savane ne la franchissent pas ou ne la détruisent que partiellement, ce qui a pour conséquence une protection de la lisière. De plus, Chromolaena odorata ne s'oppose pas aux espèces pionnières de la forêt car son système racinaire tolère la germination et le développement de leurs graines et de leurs plantules. Elle les protège des feux et favorise donc leur croissance sous leur couvert persistant (Achoundong et al., 1996 ; Youta Happi, 1998). Dans la compétition interspécifique qui se déroule en lisière et, localement, en savane, Chromolaena odorata élimine les Gramineae du fait de son fort développement vertical et latéral. Elle favorise en quelques années l'installation définitive des espèces de forêt qui la dominent par contre dans le temps et dans l'espace.

· Les systèmes défensifs végétaux africains

Les comptes rendus d'opérations de police et les rapports militaires rédigés au début de la période coloniale européenne en Afrique mentionnent les difficultés rencontrées pour approcher de nombreux établissements entourés d'épais fourrés d'épineux ou d'euphorbes (Seignobos, 1978). Cet auteur précise que les « fortifications végétales» avaient été créées par l'homme, et leur démantèlement fut souvent exigé par les puissances coloniales comme gage de soumission. Dans la partie septentrionale du Cameroun, mais aussi autour de lac Tchad, ces « murs vivants » ont disparu rapidement à l'époque coloniale, car elles furent soit détruites, soit délaissées ou reconverties chez les groupes éleveurs en haies de protection des champs. Les chemins bordés qui permettaient de contenir le bétail se maintinrent alors que s'effaçaient les lignes boucliers. Beaucoup de ces constructions végétales sont encore décelables dans le paysage où se succèdent des éléments arborés ou arborescents en lignes. Leur abondance inattendue ne s'explique pas par la seule nécessité de canaliser le bétail, pas plus que les rideaux d'arbustes spinescents sur les piémonts ne peuvent être attribués uniquement à une action antiérosive. De plus, l'évidente inefficacité défensive des constructions de terre et surtout de pierres sèches laisse comprendre leur vraie raison d'être, celle de supporter des constructions végétales formées d'épineux ou d'euphorbes dont les ruines sont encore accrochées à ces murs. Passant presque inaperçues, ces défenses végétales sont en réalité omniprésentes sur de vastes aires et montrent tout le raffinement de leurs diverses combinaisons. Leur reconstitution et leur interprétation exigent une véritable démarche archéologique. Nous évoquerons ici des exemples de fortifications végétales

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édifiées au Cameroun et dont certaines servaient encore au moment de la pénétration coloniale. Les systèmes défensifs végétaux sont omniprésents en Afrique, essentiellement dans les situations de populations installées dans des écosystèmes ouverts comme les savanes et les steppes. Toutefois, dans la zone soudano-sahélienne, l'élaboration de ces «fortifications» était favorisée par un certain nombre de conditions.

- Elles n'existaient pas dans les États centralisés comme les royaumes du Bornou près du lac Tchad ou du Baguirmi où seule la capitale s'arrogeait le droit d'être fortifiée. En revanche, dans les cités du pays haoussa, les défenses végétales renforçaient les murailles. Ces constructions végétales étaient surtout élaborées dans les zones où les densités de populations étaient trop fortes pour qu'un simple no man's land forestier puisse assurer leur protection.

- Elles étaient également essentielles pour des groupes en situation d'assiégés ou menacés de façon endémique. Certaines régions, particulièrement vulnérables, multipliaient ces défenses dans les couloirs de peuplement nés du refoulement continuel de populations venues des grands empires, ou dans les régions directement exposées aux menées de ces empires qui les razziaient périodiquement.

- Les végétaux complétaient, dans bien des cas, les refuges naturels, collines et massifs rocheux avancés en plaine. La protection pouvait être assurée par une essence unique ou bien, et c'est le cas le plus fréquent, plusieurs espèces se combinaient entre elles en une succession de lignes formées de variétés différentes. Certaines plantes, qui se bouturent facilement, servaient de supports à d'autres, lianescentes et épineuses, qui constituaient les lignes avancées et créaient des écrans élevés. On utilisait en avant-poste les essences peu sensibles au feu, ou celles qui étaient difficiles, voire dangereuses à abattre. Certaines, enfin, qui formaient des « murs » hermétiques étaient disposées en dernière ligne. Le choix des combinaisons restait très ouvert, mais le mode défensif choisi était, dans sa complexité, représentatif du groupe ou du sous-groupe ethnique qui l'avait suscité et qui le reproduisait indéfiniment.

Toujours, d'après Seignobos (1978), les Guiziga, populations indigènes de la région de Maroua établissaient leur habitat aux pieds de massifs rocheux (figure 3). Une partie de leur terroir exigeant impérativement une protection, de véritables murs végétaux suivaient les piémonts, à quelques dizaines ou centaines de mètres des premiers éboulis. Les Guiziga bouturaient sur la ligne de défense extérieure Commiphora africana, de manière relativement espacée. Acacia ataxacantha était semé parallèlement à l'aide de cannes de mil évidées et

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remplies de graines qui s'écoulaient par l'extrémité qu'on laissait traîner dans une rainure du sol. En se développant, Acacia ataxacantha, épineux buissonnant, se mêlait à Commiphora africana pour former une barrière de trois à quatre mètres de hauteur. Une deuxième ligne, à base d'Euphorbia unispina, dans sa variété au port le plus serré et à la taille la plus élevée, poussait à quelques mètres en arrière. Enfin, Commiphora africana, arbuste à la silhouette contournée et dont les rameaux sont autant d'aiguillons, était bouturé en croisillons sur plusieurs rangs à l'arrière.

En complément de ces premières lignes de défense générale, les passes des petites vallées étaient barrées par des murets recréant un milieu favorable à la croissance d'euphorbiacées ou d'Acacia ataxacantha. Ces « pierriers » ou Dled1, ces murets qui coupaient les vallées et qui sont aujourd'hui à nu ne servaient pas seulement à casser les assauts de la cavalerie des royaumes voisins, ils constituaient le plus souvent le support durable de systèmes défensifs végétaux complexes.

L'abondance d'une essence, Commiphora africana sur les massifs à l'ouest de Maroua ou Acacia ataxacantha en bordure des cours d'eau, permettait une mise en place rapide (une saison des pluies suffisait) et le renouvellement fréquent de centaines de mètres de haies. Ces rideaux défensifs évoluaient sans cesse, avançant en plaine ou se rétractant à proximité de l'entassement chaotique des pierres, contournant les massifs, d'abord partiellement, puis les ceinturant intégralement, en fonction des fluctuations de densité de population du massif. En revanche, les plantes à latex comme Adenium obaesum, Euphorbia unispina et surtout Euphorbia desmondi étaient plutôt importées d'autres régions et on les faisait fructifier à partir des lignes existantes. Elles jouaient le rôle de barrière mécanique et l'on « mettait en réserve » l'une d'elles, qui servait uniquement, en association avec Strophantus, à la composition de poison de flèche.

1 Dled signifie mur de pierre (pierrier). Il est élevé comme système d'appui des lignes végétales

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Figure 3: Système défensif végétal type mofou

Source: Seignobos, 1980

Dans le domaine forestier et à ses abords, les remparts végétaux pouvaient atteindre des dimensions impressionnantes comme en pays Yambassa, au nord de Yaoundé (Beauvilain et al., 1985). Ici, l'ossature défensive est fournie par un arbre, le kapokier (Ceiba pentandra), qui peut atteindre de 30 à 40 mètres de haut. Les Yambassa ont ainsi bouturé des « murs vivants » de kapokiers sur des kilomètres de long (figure 4).

Les contreforts à la base des fûts s'imbriquent les uns dans les autres ou forment une véritable muraille de 3 à 4 mètres de hauteur qui assure une protection hermétique, dont les rares ouvertures étaient gardées. Toutefois, ces murs d'arbres gigantesques avaient d'autres fonctions. Non seulement ils délimitaient et défendaient l'espace d'une communauté villageoise, mais ils créaient véritablement le terroir Yambassa. Installées dans des savanes

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herbeuses, ces lignes ceignaient les positions hautes et jouaient le rôle de pare-feu. À l'arrière, l'homme pouvait entretenir des massifs forestiers dont l'essence dominante était le palmier à huile.

Figure 4 : Système végétal de défense yambassa

Source: Beauvilain et al, 1985

C'est justement dans ce contexte à l'histoire récente très mouvementée que notre étude a été conduite. Les travaux nous ont permis de détecter les héritages d'ordres fonciers, économiques et écologiques de ce contexte de guerres entre groupes de populations et de mises en valeurs agricoles des terres.

VI-QUESTIONS DE RECHERCHE

VI.1. Question principale de l'étude

Quels sont les impacts écologiques et socio-économiques des haies vives dans la dynamique actuelle et passée des contacts forêt-savane dans la région du confluent Mbam et Sanaga et notamment dans le village Yambassa?

VI-2-Questions spécifiques

Ø Quel est l'état des lieux du paysage agraire de la localité de Yambassa ?

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Ø Quel est le contexte de la mise en place des haies vives Yambassa ?

Ø Quelle est la distribution géographique et la composition floristique actuelle des haies vives yambassa ?

Ø Quelles sont les conséquences de la mise en place des haies aux plans écologiques, sociologiques et économiques?

VII. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE VII.1. Cadre conceptuel

Haie : Le mot a pu désigner originellement autre chose qu'une rangée d'arbre, puisqu'on le trouve dans le sens de « lisière de forêt » sous la forme ancienne haye en toponymie voire par extension des massifs forestiers eux-mêmes. Le terme haie est issu du germanique hagja qui a déjà le même sens reconstitué d'après le moyen néerlandais hegge, haie, clôture. On le trouve en latin médiéval sous la forme haja dès le IXe siècle. Le même étymon indoeuropéen khag, "entouré de" a donné le celtique kagio- qu'on trouve sous les formes cabo, cagio, cagium en bas latin , à l'origine des termes quai (forme normano-picarde) et chai (forme du français central).Cependant, le sens actuel définit la haie comme étant une clôture faite d'arbres et d'arbustes servant à protéger un champ, un jardin ou une concession (Benjamin et al., 2011)

Une haie est une structure végétale linéaire associant arbustes et arbres généralement plantés et entretenus pour former une clôture. La faible épaisseur de la haie en fait un écosystème particulier, associant une face ombrée, un coeur stable et dense et une face ensoleillée. Les haies sont usuellement disposées en limites de parcelle pour assurer la séparation des propriétés ou la protection contre l'intrusion.

Haies vives : Les haies vives sont des formations denses alignées d'arbres ou d'arbustes utilisées le plus souvent en agroforesterie. Elle est introduite et vise à matérialiser les propriétés ; protéger les jardins, les vergers ou les champs de cultures contre le passage des animaux. Elle vise également à créer une clôture de bétail, à produire des sous-produits ligneux et non ligneux, à fixer les ouvrages anti-érosifs. Enfin, les haies vives visent à lutter contre l'érosion des sols et à mobiliser les eaux de ruissellement à partir des cuvettes (Bernier Leduc, 2007).

Mesurer la qualité et la quantité d'une haie ou d'un réseau de haies est une opération difficile.

· Etat quantitatif: Aux échelles locales, il peut être évalué sur le terrain par la mesure du nombre moyen d'arbre, de la hauteur de ces arbres, du diamètre moyen des troncs, de la surface terrière, de la biomasse végétale, etc. Des indices de biomasse et des

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indices de linéaires (km de haies) peuvent être établis aux échelles paysagères et régionales par analyse de photos aériennes. Mais les résultats de différentes campagnes de mesure sont parfois difficilement comparables. Certaines évaluations différencient les haies vives des haies basses.

· Etat qualitatif: Il est lié à la diversité des essences, à leur autochtonie, à la richesse écologique des essences d'accompagnement, de la strate herbacée, à la santé et à la résilience des haies. Il est aussi lié aux services écosystémiques rendus par les haies vives, en particulier à ses fonctions de corridors biologiques et d'abri pour de nombreuses espèces.

Dynamique : signifie l'évolution dans le temps et dans l'espace.

Contact forêt-savane : signifie écotone ou frontière. C'est encore la limite entre la forêt et la savane. C'est encore la zone de séparation entre la forêt et la savane.

L'écotone : d'après le dictionnaire Larousse, l'écotone désigne la zone de transition entre deux écosystèmes. Par exemple, le passage de la savane à la forêt, ou le passage d'une plaine alluviale à une zone non-inondable.

Forêts : selon la loi de 94/01/20 janvier 1994, sont considérées comme forêts les espaces comportant une couverture végétale dans lesquels prédominent les arbres, les arbustes et d'autres espèces susceptibles de fournir des produits autres qu'agricoles. Cette définition ne fixe pas les seuils. La FAO (2009) considère comme forêts toute superficie de plus de 0,5 hectares avec les arbres de plus de 5 mètres de hauteur et une densité de couvert de plus de 10%. Les accords de Marrakech ont essayé d'introduire une flexibilité; ces accords prescrivent aux pays qui conçoivent un plan de suivi forestier qu'une définition complète des forets doit inclure:

- Une superficie forestière minimale (entre 0,5 à 1 hectare)

- Une densité minimale de couvert forestier de 10 a 30% ou un niveau de stockage de carbone équivalent en termes de flexibilité.

La forêt est une large étendue de terrain occupée principalement par de grands arbres et par des arbustes, des arbrisseaux et diverses plantes. Pour le GIEC (2000), les terres forestières sont toutes les terres à végétation ligneuse correspondant au seuil utilisé dans la définition des terres forestières dans l'inventaire national.

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Forêt galerie: On parle de forêt galerie lorsque la canopée est jointive au-dessus d'une rivière ou d'un petit fleuve, ou d'une zone humide (la présence de l'eau pouvant éventuellement être temporaire)

Savane: c'est une formation végétale dans laquelle domine les plantes herbacées hautes, et qui est adaptée aux climats tropicaux chaux et secs. Pour Letouzey (1968), la savane est une étendue de plante herbacée continue au sein de laquelle des arbustes et des arbres peuvent être dispersée selon des densités variables. Les éléments ligneux peuvent êtres absents et dans ce cas on parlera de savanes herbeuse. Si on n'y trouve que des arbustes éparpillés, on parlera de savane arbustive. Si la savane comporte à la fois des arbustes et des arbres dispersés, on a à faire à une savane arborée. Si la densité des arbres est importante on parlera de savane boisée ou de forêt claire.

La dynamique des contacts forêt-savane désigne donc l'évolution, la modification ou la transformation des lisières de la forêt et de la savane dans le temps et dans l'espace. C'est aussi l'évolution ou la mutation de l'écotone forêt-savane.

Il existe deux types de dynamiques de l'interface forêt-savane (CNFCG, 2006) :

· le type «déplacement de lisière»: il y a des bosquets de pionniers en savane, généralement de petite taille, qui apparaissent et disparaissent sans jamais grossir significativement. Ceci traduit alors soit la coexistence savane stable/forêt instable (recul de la lisière) ou savane stable/ forêt stable (hystérésis, recul ou progression de lisière). Il s'agit de toute façon d'un scénario lent (déplacement de l'ordre de quelques mètres par an).

· le type «coalescence de bosquets», avec conversion de la savane en forêt par apparition, croissance et coalescence de bosquets en pleine savane. Dans les conditions très favorables, ce scénario se traduit par une afforestation en masse des savanes. Il s'agit d'un scénario beaucoup plus rapide que le précédent. C'est le cas qui nous intéresse dans cette étude.

Bosquet: le dictionnaire Larousse définit le terme comme étant synonyme de « petit bois », c'est-à-dire une tache de peuplement boisé situé sur un territoire dominé par les plantes herbacées. Le terme est aussi synonyme de bois ou de boqueteau. Les botanistes considèrent le bosquet comme étant une petite étendue de forêt dont la largeur peut varier entre 5 et 100 m. Au-delà de cette taille (entre 100 et 10 000 m environ), la tache de forêt est considérée comme un îlot forestiers. Lorsqu'un peuplement forestier isolé au milieu de la savane s'étend sur plus de 10 km de largeur, on parle alors de massif forestier.

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Signification du nom Yambassa

Le terme yambassa désigne à la fois le nom de la zone d'étude située entre 4°20' et 4°40'N et entre 11°10' et 11°30'E. Les allemands ont généralisé le nom du village Yambassa à toute la région du confluent Mbam-Sanaga après sa pacification en 1911. La région est constituée de deux arrondissements, à savoir, Bokito et Ombessa. Avant cette date, les populations étaient désignées sous le nom de Nigodua, d'Ambassa ou encore de Bo Ambassa, c'est-à-dire « les descendants d'Ambassa ». Car en effet, Ambassa fut l'ancêtre commun du village. Le terme Yambassa serait la contraction de Ya Ambassa qui signifie de Ambassa ou fils d'Ambassa.

En 1905, Dominik remarque que les Bapéa sont voisins des Yambassa et appartiennent à la même souche linguistique. Aujourd'hui, dans le grand Mbam, les Yambassa forment une entité singulière par opposition aux Bafia, Vouté, Banen et Bapé. Par contre, les Yambassa rassemblent toutes les populations qui composent les arrondissements de Bokito et d'Ombessa. Ils rassemblent ainsi les Lémandé de la région de Yangben, les Assala de Bokaga ou encore les Balamba.

VII-2-Cadre théorique

Si au Cameroun, les travaux portant sur la dynamique des contacts forêt-savane sont peu nombreux, ailleurs et en particulier en Côte-d'Ivoire, de nombreuses études lui ont été consacrées. De celles-ci, il ressort une très grande diversité d'approches et de points de vue qui s'inscrivent dans deux grandes tendances. L'une conclut à un recul de la forêt devant les pressions anthropiques diverses alors que l'autre évoque l'hypothèse d'une progression de la forêt sous l'effet d'un climat humide.

VII.2.1.Théorie de la savanisation et de la disparition des forêts liée à l'homme

Parmi les thèses défendues et les prises de position parfois militantes sur l'origine ou la répartition des savanes préforestières, l'homme a été bien souvent désigné comme unique responsable. Ces savanes seraient des témoins de phases successives de trouées pratiquées par l'homme dans la forêt par le biais des défrichements, des feux de brousse et du surpâturage. Ainsi, Aubréville (1949) souligne que: « le recul des lisières de la grande forêt guinéenne et équatoriale est un fait évident, contemporain, que chacun peut, avec un peu d'attention, constater de nos jours, parce qu'il se manifeste sous nos yeux et parce que, parfois, la régression est assez rapide. Vers les lisières actuelles des forêts, on remarque des clairières, plus ou moins grandes, couvertes de savanes épaisses de hautes herbes, dites souvent herbes à éléphants... Il s'agit, personne ne le conteste, de parcelles défrichées et incinérées par les

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indigènes, suivant leur méthode habituelle de cultures en forêt sur brûlis suivi de l'abandon du terrain après récoltes. »

Au Cameroun, Les étendues graminéennes seraient le résultat d'une dégradation irréversible de la forêt dense par le biais des défrichements et des brûlis pratiqués depuis la période néolithique par les cultivateurs (Kadomura, 1977 ; Kadomura et al, 1986 ; Hori, 1986 ; Chujo, 1986). Ces pratiques humaines qui sont supposées conduire à la progression de la savane se seraient intensifiées depuis le début du 20e siècle, suite à l'accroissement démographique (Abah, 1984 ; Olivry, 1986; Ombam, 1992; Amougou-Akoa, 1986; Morin, 1989; Kuété, 1989; Gartland, 1989, 1992).

VII.2.2. La théorie de la progression de la forêt sur la savane liée aux conditions écologiques favorables

Pour Youta Happi (1998), les conditions écologiques actuelles influencent, non pas la répartition ponctuelle de la végétation, mais le rythme de la progression de la forêt sur la savane. A l'échelle locale, le facteur pédologique commande en premier lieu la vitesse de la progression de la forêt sur la savane. A ce titre, les surfaces à cuirasses ferrugineuses affleurantes et les sols engorgés constituent un des facteurs limitant la vitesse de progression. Ce facteur n'est très déterminant que lorsqu'il s'associe aux feux de saison sèche qui, par temps d'Harmattan, rencontrent à de tels endroits un couvert végétal desséché. A l'échelle régionale également, cette vitesse semble être en relation avec la fréquence des feux. Les régions qui connaissent des pressions anthropiques relativement importantes --cas de la région située au nord d'Akonolinga-- subissent une plus grande fréquence des feux et, par conséquent une faible vitesse de la progression de la forêt. Les faibles déficits locaux de la moyenne annuelle des pluies peuvent tout de même expliquer la lenteur de l'avancée de la forêt. Par exemple, la proportion de savanes est plus importante sur le confluent du Mbam et de la Sanaga où la moyenne annuelle est comprise entre 1350 et 1400 mm alors que partout ailleurs dans le domaine de la mosaïque forêt-savane, cette moyenne se situe autour de 1500 mm.

VII.2.3. La théorie de l'extension des agroforêts sur la savane liée aux cultures pérennes

A Kédia, la cartographie diachronique relative à la période 1950-2000 montre que 59 % des 1 323 ha d'agroforêts de cacaoyers, ont été mis en place sur le territoire d'une ancienne savane (Aboubacar et al. 2007). Parmi ces agro forêts, 61 % (949 ha) sont en pleine phase de production (plus de 10 ans) et 39 % (374 ha) correspondent à de jeunes plantations en phase

Gleason considère plutôt que la dynamique de la végétation est fondée sur l'individu. La communauté végétale n'est donc pas un organisme mais un assemblage d'espèces qui ont

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juvénile ou en début de production (< 10 ans). Ce processus est donc toujours fonctionnel actuellement. En effet, depuis le début des années 1980 les reliques forestières ont quasiment disparu et la constitution d'agroforêts à base de cacaoyers ne peut se faire que sur un précédent de savane et en association avec les cultures vivrières. Les touffes de graminées vivaces (Imperata cynlindrica, Andropogon ...) sont défrichées et brûlées mais les ligneux de savane sont préservés et conservés. Cela permet de contrôler ces graminées, et donc de limiter les risques d'incendie qui pourraient détruire les plantations de cacaoyers à venir. En deuxième année, de jeunes cacaoyers sont plantés en association avec les cultures vivrières (arachide, maïs, manioc, igname, plantain, etc.). Les fruitiers servant d'ombrage (agrumes, manguier, safoutier, avocatier, etc.) sont plantés la même année que les cacaoyers ou introduits progressivement. Cinq à huit ans après, les cultures vivrières disparaissent et une véritable agroforêt à base de cacaoyers se développe dans une zone anciennement de savane, contribuant ainsi à l'extension d'un couvert de type forestier dans ce milieu dominé initialement par les herbacés.

VII.2.4. Les théories de la dynamique des peuplements végétaux VII.2.4.1. La théorie organiciste de Clements

Clements (cité par Vanpeene Bruhier, 1998) développe une vision holistique des communautés végétales c'est-à-dire qu'il les envisage comme un tout. On lui doit d'ailleurs le concept de succession végétale. Pour lui, les communautés végétales sont comparables à des super organismes qui naissent, se développent, meurent et laissent la place aux autres. Les espèces pionnières, par leur présence et leurs effets sur le milieu, créent des conditions favorables à l'installation de nouvelles espèces qui les remplacent graduellement. Les espèces pionnières qui ont une croissance rapide, une durée de vie courte et qui sont souvent héliophiles colonisent l'espace, le modifient pour faciliter et favoriser l'installation d'autres espèces de durée de vie plus longue. C'est par exemple le cas de Ceiba pentandra ou kapokier dans notre zone d'étude. Ces plantes pionnières ont donc un effet de facilitation. L'aboutissement de cette succession conduirait au climax, stade mature de la communauté végétale. Ce développement illustre le « modèle de facilitation » qui est l'un des modèles utilisés pour étudier les processus de la dynamique naturelle des forêts.

VII.2.4.2. La théorie stochastique de Gleason

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chacune des réactions individuelles face à l'environnement. L'évolution de la végétation est le fait des seuls individus qui se déploient plus ou moins rapidement en fonction du niveau de leur accommodation aux conditions du milieu.

Notre étude s'inscrit dans ces différentes théories.

VIII- OBJECTIFS DE RECHERCHE VIII-1-Objectif principal

L'objectif principal consiste à déterminer les impacts écologiques et socio-économiques à court et à long termes de la mise en place des haies vives du village Yambassa.

VIII-2-Objectifs spécifiques

> Dresser un état des lieux du paysage agraire de la localité de Yambassa.

> Caractériser le contexte historique de l'implantation des haies vives.

> Déterminer la distribution régionale et locale et la composition floristique des haies vives de la localité de Yambassa.

> Déterminer les implications écologiques et socio-économiques des haies vives à l'échelle locale en précisant les mécanismes et les modèles d'évolution des contacts forêt-savane.

IX. HYPOTHESES DE RECHERCHE

IX-1-Hypothèse principale

Les haies vives de la localité de yambassa favorisent le développement d'un couvert végétal forestier dans les savanes et constituent une source de richesse pour les populations locales.

IX.2. Hypothèses spécifiques

> Le paysage agraire yambassa présente une mosaïque forêt-savane conditionnée par le milieu physique et humain.

> Les haies vives yambassa ont été implantées dans un contexte de guerres tribales pour constituer des systèmes de défense et de délimitation du territoire.

> Les haies vives sont reparties sur l'ensemble du « pays» Yambassa, formant une couronne visible dans le village Yambassa et composées principalement de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense.

Pour les images et les cartes nécessaires, nous avons eu recours à deux types de documents:

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Ø Les haies vives favorisent le recrutement des espèces pionnières de la forêt en savane permettant une expansion de la forêt sur la savane; elles fournissent des produits divers et favorisent la culture du cacao dans la localité.

X- METHODOLOGIE DE RECHERCHE

Les techniques d'investigations s'appuient sur la recherche documentaire, les enquêtes de terrain sur la base d'un questionnaire, les relevés botaniques sur transects et placettes, ainsi que sur les traitements statistiques et cartographiques :

X.1. Le matériel de terrain

Sur le terrain, nous avons eu recours à une petite batterie de matériel devant faciliter le parcours du site et le travail de collecte des données en forêt. Il a ainsi été nécessaire d'utiliser:

- Une machette pour se frayer le chemin en forêt, pour délimiter les placettes et écorcher les arbres identifiés ;

- un mètre ruban pour mesurer la circonférence des arbres à 1,30 cm du sol ;

- un décamètre utilisé pour mesurer les distances entre les pieds d'arbres et d'arbustes et pour dimensionner les placettes élémentaires de 5x20 m ;

- Un GPS pour trouver les coordonnées géographiques et les altitudes des sites d'expérimentation (les placettes botaniques).

- Un herbier et des sacs plastiques pour collecter les échantillons botaniques en vue de les identifier à l'Herbier National du Cameroun.

- Nous nous sommes servis également d'une boussole pour nous orienter par rapport aux tracés des layons botaniques. De la craie a été utilisée pour marquer les arbres relevés afin d'éviter de compter les mêmes plusieurs fois. Des sacs plastiques et un herbier portatifs nous ont servi à la collecte des échantillons botaniques sur le terrain. C'est plus tard nous avons consulté les archives de référence de l'Herbier National.

X.2. Les documents cartographiques

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- Les cartes topographiques de l'IGN : il s'agit respectivement de la carte de Bafoussam feuille NB-32/33-SO au 1/500 000, deux types de cartes de Bafia, c'est-à-dire la feuille NA-32-VI au 1/200 000 et les feuilles NB-32-XI 3b et 3a au 1/50 000.

- Les photographies aériennes n° 172 et 186 de l'IGN mission 016 de l'AEF de 1950-1951 au 1/50 000.

- Une image satellitale Landsat du 10/04/2013.

X.3. La collecte des données secondaires : la recherche documentaire

La recherche documentaire et bibliographique s'est déroulée dans les bibliothèques de l'université de Yaoundé 1 (la bibliothèque centrale, celle de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, celle du Département de Géographie et celle du cercle d'histoire et géographie), la bibliothèque du Ministère de la recherche scientifique ainsi que celle de l'Herbier National. Les recherches dans les centres de documentation ont été complétées par la consultation des sites spécialisés suivants sur Internet: Banque Mondiale, COMIFAC, FAO, ONF international, PNUD, CIFOR, GIEC, IUCN, WWF. Nous avons aussi consulté les archives de la commune d'arrondissement d'Ombessa, ainsi que celles de la commune urbaine de Bafia.

Nous avons eu recours aux centres de documentation spécialisés : bibliothèque de l'Institut de Recherche Agronomique et de Développement (IRAD) de Nkolbisson, bibliothèque de l'Herbier National. La consultation des documents a été également faite sur des sites spécialisés sur internet.

X.4. La collecte des données primaires : les enquêtes humaines

Il s'agit des données collectées au cours des entretiens et enquêtes de terrain. Les questions posées lors des entretiens auprès d'agriculteurs et de chefs de ménages du village Yambassa portent principalement sur l'histoire de l'occupation des terres d'habitation et de cultures.

Les enquêtes de terrain se sont basées sur un questionnaire. Elles ont ciblé en priorité les paysans (cultivatrices, planteurs) et les chefs de ménages. Nous avons aussi ciblé les agents et responsables des mairies et des services d'arrondissement et départementaux des eaux et forêts, de l'agriculture, de la faune et de l'environnement, des industries animales. Les planteurs en particulier nous ont aidés à identifier les haies déjà bien visibles sur les photographies aériennes consultées. A l'aide d'un GPS ces haies ont été localisées avec précision sur les cartes et les images. Au cours des discussions et des entretiens, les questions ont porté sur les raisons de l'implantation et de la conservation des haies, ainsi que les

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conséquences et les impacts de leur implantation sur le plan écologique (la biodiversité floristique, la qualité physique des sols et de leurs rôle dans l'affectation des sols), mais aussi sur le plan social (l'appropriation des terres, les investissements nécessaires, le coût en temps de travail, en matériels et en argent) et sur les retombés.

Nous avons eu recours aux questions semi-fermées, ce qui donne une plus grande flexibilité des réponses. Les entretiens ont permis de retracer l'histoire agraire et les modes de mises en valeurs qui sont à la base de l'évolution de ce territoire. L'analyse du fonctionnement des systèmes de production agricole issue des enquêtes auprès de chefs d'exploitation permet de comprendre les stratégies paysannes et les logiques de mise en valeur des terres.

Les enquêtes humaines vont se baser sur la méthode déductive, qui consiste à émettre des hypothèses sur la base d'un raisonnement considéré comme vraisemblable, mais qui doit toutefois être vérifié à postériori sur le terrain. Un questionnaire sera bâti dans cette perspective et visera à comprendre les logiques paysannes d'appropriation et de gestion des terres agricoles, des espaces de savanes et des peuplements forestiers.

X.5. Les traitements d'images

Ils ont consisté aux analyses diachroniques basées sur des données de télédétection comme les photographies aériennes et les images satellitales. Les cartes ont servi, d'une part, à délimiter les arrondissements et les cantons du site d'étude. D'autre part, elles ont servi comme repère pour le géoréférencement et le redressement géométriques des photos et des images. Au bout de ces traitements, les images sont converties à une même échelle et sont donc superposables. Les formes d'affectation des sols peuvent donc être décrites et quantifier. En comparant les images rectifiées géométriquement, nous avons détecté les formes d'évolutions des contacts forêt-savane. La même démarche a permis de déterminer les mécanismes d'évolution, d'une part, et de quantifier les évolutions de la végétation entre deux ou plusieurs dates en s'appuyant sur la comparaison d'images prises à différentes dates.

X.6. Les relevés botaniques sur transect et placettes

Les relevés ont été réalisés sur un transect long de 2660 m et de 5 m de large, représentant en tout 13 300 m2. N'ont été pris en compte que les arbustes et arbres qui se situaient sur l'axe de l'alignement de la haie vive. Par ailleurs, les cacaoyers implantés sous l'ombre des ligneux n'ont pas été pris en compte. Cependant, la présence des peuplements occupant l'environnement immédiat de la haie a été précisée. Un enregistrement de points GPS a été

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fait tous les 100 m. Des points supplémentaires ont été précisés chaque fois que la haie décrivait une courbe ou une bifurcation.

Ainsi, les mesures de terrain ont permis de décrire les unités d'occupation de sol et de valider les données issues de la photo-interprétation. Les relevés de terrain ont permis de mesurer la longueur de la haie vive, de recenser et de déterminer les espèces constitutives de la haie. D'autre part, les mesures des circonférences des arbres et des arbustes ont conduit à la description des structures horizontales et verticales par l'évaluation de la densité et de l'abondance des individus.

Le choix des parcelles d'expérimentation s'est porté sur un transect représentatif des haies vives en termes de conservation et d'accessibilité. Il s'agit du village Yambassa situé sur la route nationale n04 qui relie Yaoundé à Bafoussam en passant par Bafia. Sur le transect le mètre ruban a été utilisé pour mesurer les circonférences des futs à 1,30 m du sol. Le décamètre a permis de délimiter le périmètre et de mesurer les distances entre les individus et les associations de végétations. La machette a servi à éclaircir le passage et à prélever les piquets destinés à la délimitation des placettes.

Nous avons aussi utilisé une grille millimétrée pour préciser la position de chaque individu sur le transect. Les particularités de la structure et des haies ont également été précisées en restituant les étendus sur la même grille (cacaoyer, jachère, bosquet, arbres mort sur pied, arbre prélevés etc.). Le transect a été divisé en parcelle élémentaire (placette) de 5 m de large et 20 m de long. Dans chacune des placettes, les relevés portent sur tous les individus appartenant aux plantes ligneuses (individus de taille 5 m).

PRESENTATION DU MEMOIRE

Le mémoire comporte deux parties divisées respectivement en deux chapitres; soit quatre chapitres au total. Le premier chapitre présente les conditions écologiques du site caractérisées par un climat humide, un relief de plateau peu accidenté, des sols ferralitiques en association avec des sols hydromorphes, ainsi qu'une occupation humaine marquée par de faibles densités relatives de la population rurale. Le chapitre deux évoque le contexte historique qui a favorisé l'aménagement des haies défensives végétales autour des établissements humains. Le chapitre trois décrit la répartition et la structure des haies à l'échelle régionale grâce aux données de la télédétection et à l'échelle locale sur transects et placettes. Le chapitre quatre décrit les implications de l'aménagement des haies défensives sur le triple plan social, économique et écologique. Il précise en particulier le rôle de ces

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boisements dans le contexte défensif, dans le cadre de la mise en valeur agricole et dans la dynamique des contacts forêt-savane sur le site.

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PREMIERE PARTIE : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE LA
MISE EN PLACE DES HAIES VIVES

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CHAPITRE I : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE DU PAYSAGE AGRAIRE YAMBASSA

Introduction

Le bassin versant de la rivière Mbam fait partie de la vaste zone de mosaïque forêt-savane qui occupe tout le centre Cameroun. Ici s'imbrique très étroitement les savanes et la forêt dense. Les savanes du site se partagent entre des savanes herbeuses et des savanes arbustives. La forêt de la zone appartient au domaine de la forêt dense humide semi-décidue. L'ensemble baigne dans un climat tropical humide de type guinéen caractérisé par une longue saison des pluies de 9 mois et une courte saison sèche de 3 mois. Le relief est celui d'un plateau peu accidenté qui marque d'avantage les sols que la végétation. Sur les versants et les interfluves se rencontrent des sols ferralitiques tandis que les bas fonds et les plaines d'inondation sont recouverts dans l'ensemble par des sols hydromorphes. Les densités des populations varient d'un canton à l'autre entre 15 et plus de 60 habitants/km2.

I.1. Un climat marqué par une chaleur et une humidité constantes

Nous avons choisi la ville de Bafia comme station de référence en raison de la disponibilité des données statistiques. Cette ville est proche des sites de relevés botaniques à seulement 20 km d'Ombessa et de 30 km du village Yambassa. Elle partage avec toute la zone les mêmes caractéristiques topographiques, hydrologiques, pédologiques et phytogéographiques.

La zone est caractérisée par un climat équatorial de transition qui évolue vers un climat subéquatorial car elle connait des nuances tropicales (Suchel, 1988) en raison de sa position d'abris. La moyenne annuelle des précipitations est de 1493 mm pour la station de Bafia, mais seulement de 1423 pour Ombessa, soit un peu moins que sur l'ensemble du plateau Sud Camerounais qui connaît des précipitations moyennes de l'ordre de 1500 à 1600 mm (figures 5 et 6).

La saison de pluies qui s'étend sur 9 à 10 mois (P mensuellee 50 mm) consécutifs coïncide avec les maxima pluviométriques (figure 3). 2 fois sur 3 elle va de mars à novembre et 1 fois sur 3, de février à novembre. Par conséquent, la courte saison sèche de 2 à 3 mois s'étend généralement de décembre à janvier ou de décembre à février. Cette période coïncide avec la domination des Alizés du NE, vents chauds et secs en provenance de l'anticyclone du Sahara (Suchel, 1988).

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La moyenne annuelle des températures est de 25,1° C (Tableau 1). Ces températures varient au cours de l'année entre 23,9°C pour les minima de juillet et août et 26,6°C pour le maximum de février. Cela donne une faible amplitude thermique annuelle de 2,7°C (figure 5).

Figure 5 : Abaque hydrothermique de la station de Bafia

L'humidité relative reste importante au cours de l'année. Le strict minima est enregistré au cours du mois de février, soit un taux d'humidité de 69%. Les mois de janvier et de mars connaissent aussi de faibles taux, soit 76% pour chacun. Le taux d'humidité des autres mois tourne autour de 80% sauf juillet et août qui connaissent le maxima avec un taux de 86% pour chacun d'eux. Le caractère humide est affirmé aussi par une moyenne annuelle d'évaporation de 934 mm. Si on fait le bilan des pluies enregistrées et de l'évaporation justement, cela donne un gain de précipitations de 559 mm qui sont conservée en moyenne par an dans la zone (tableau 1).

Le relief joue un rôle d'atténuation pour les pluies et constitue un facteur d'amplification par rapport aux moyennes des températures. En effet, la zone est située derrière la chaine de montagnes de Bapé qui fait écran aux vents de mousson du sud-ouest en provenance de l'Atlantique (figure 6). La quantité de pluies se trouve donc réduite par rapport aux autres

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régions situées à la même latitude comme Yaoundé qui enregistre en moyenne 1600 mm de pluies par an.

Tableau 1 : Les données climatiques de la station de Bafia (1951-2013)

Mois

P mm

T° C

H %

Evaporation

J

12

25,3

74

107,1

F

33

26,6

69

124,3

M

117

26,5

74

110,6

A

163

25,9

80

78,9

M

182

25,4

82

69,5

J

140

24,7

84

60,6

J

102

23,9

86

53,8

A

136

23,9

86

54,4

S

231

24,4

85

57,7

O

280

24,5

84

62,8

N

86

24,9

81

69,2

D

11

25,3

79

85,4

Moy. annuelle

1493

25,1

80

934

Figure 6 : Les moyennes annuelles des pluies dans la zone du confluent Mbam et Sanaga

La position de la zone en situation de cuvette située à environ 480 m d'altitude aboutit à une augmentation des moyennes de températures de l'ordre de 1,6°C par rapport aux autres régions situées sur le même plateau sud camerounais, mais plus en hauteur. Par exemple, la région autour de Yaoundé, située à 750 m d'altitude, enregistre une moyenne annuelle des

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températures de 23,5°C contre 25,1° C pour le secteur autour de Bafia qui est situé à 500 m en moyenne (figure 7).

I.2. Le relief et les sols

I.2.1. Un relief de plateau peu accidenté

La zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve Sanaga présente une sorte de cuvette à environ 480 m d'altitude moyenne. Cette surface est bordée à l'ouest par de petites chaînes de montagnes comme c'est le cas de la chaîne de Bapé qui culmine à 750 m. A l'est, la zone de dépression est bordée par une unité topographique située à 600 m d'altitude moyenne dont les villes de Saa, Obala et Okola font partie (figure 4). Le fleuve Sanaga et la rivière Mbam sont les principaux cours d'eau de la région. La Sanaga est par ailleurs le plus grand cours d'eau du Cameroun autant par son débit que par la superficie de son bassin versant. Couvrant une superficie de 133 000 km2, ce fleuve draine près de 25% du territoire camerounais (Olivry, 1986). La Sanaga et le Mbam coulent d'abord dans le sens opposé, l'un du SE vers le NO et l'autre du NO vers le SE avant de se croiser au centre de la zone.

Dans le détail, le secteur autour de Yambassa présente une succession de collines surbaissées séparées par des vallées profondes de 30 à 40 m. Dans ces différentes vallées, les cours d'eau coulent paresseusement dans des vallées à fond plat. Ils débordent localement en saison de pluies pour constituer ici et là des zones marécageuses comme c'est le cas au nord-est de la zone (figures 7 et 8). Ces débordements réguliers ont favorisé l'établissement des sols hydromorphes dans l'ensemble des plaines d'inondation de la région.

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Figure 7 : Carte hypsométrique de la zone du confluent Mbam et Sanaga

I.2.2. Un réseau hydrographique dense dominé par la rivière Ofoué

Le secteur situé entre le confluent Mbam et Sanaga présente en particulier un plateau incliné dans le sens nord-sud. C'est d'ailleurs le sens de l'écoulement des principaux cours d'eau qui vont plus loin au sud se jeter dans la Sanaga. La rivière Ofoué est le principal cours d'eau de la région et draine les 3/5e de la zone. Elle s'écoule d'abord dans la direction NO-SE, puis

38

dans le sens N-S jusqu'à sa confluence avec la Sanaga. Il est grossi tout au long de son parcours par de nombreuses rivières. Il s'agit notamment de Pontcha et de Guissiné au nord-ouest de la zone, de Poundji et Abéma au nord, et d'Inguélou au sud-ouest. La partie sud-est est quant à elle drainée par les rivières Bikao et Eto qui sont également des affluents de la Sanaga. Le seul affluent important du Mbam dans la région est la rivière Biguélé qui s'oriente essentiellement dans le sens ouest-est (figures 7 et 8).

I.3. Des formations superficielles partagées entre les sols ferralitiques et les sols hydromorphes

Le sous bassement de la zone est essentiellement composé de roches métamorphiques. Il s'agit des gneiss, des micaschistes et des quartzites (figure 7). Il semble qu'il n'y a pas cependant de relations apparentes entre la nature du substratum et les sols en question. Par contre, la topographie exerce une influence significative. Dans la zone, on distingue deux principaux types de sols: les sols ferralitiques sur les collines et les sols hydromorphes dans les bas fonds.

I.3.1. Les sols ferralitiques.

D'après Valerie (1973), en dehors des fonds de vallées plats et marécageux abritant des sols hydromorphes, le reste de la région soit 90% du territoire, est recouvert de sols ferralitiques. Sur les montagnes cependant, les sols ferralitiques sont associés aux lithosols comme c'est le cas par exemple sur la chaine de Bapé. Les sols ferralitiques recouvrent invariablement les gneiss, les migmatites et les micaschistes. Sur le site, ces sols sont indifféremment couverts par la forêt et la savane (figures 7, 8, 9 et 10). Ces sols sont profonds de plus de 3 m, et comportent par endroits des horizons indurés.

Tous les sols de la zone sont acides (Martin, 1967). Les horizons supérieurs sont dans l'ensemble plus riches en matières organiques en savane qu'en forêt. En outre, les travaux de Martin (1973) montrent que dans l'ensemble, la proportion des limons est faible (moins de 10 %) et varie peu des horizons supérieurs vers la profondeur. Entre 0 et 40 cm de profondeur les sables dominent dans l'ensemble avec une proportion de 40 % de la fraction totale. Plus loin en profondeur, la fraction diminue au profit des argiles qui constituent à partir de 40 cm près de 60 % de la fraction totale.

La combinaison des facteurs climatiques, géologiques et géomorphologiques a contribué à la formation des sols ferralitiques rouges, jaunes et ocre (Valerie, 1973). Dans l'ensemble, ces sols se caractérisent par une grande épaisseur des profils car le climat est constamment chaud

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et humide, ce qui favorise l'altération. On y distingue classiquement six horizons de la surface vers les profondeurs : A0, peu épais et constitué par la litière; A1 qui a environ 20 cm de profondeur, est humifère, grumeleux et présente une activité biologique intense ; A2 d'environ 1m d'épaisseur. Cet horizon est limoneux et de couleur ocre-beige, appauvri en argile; B0, d'une épaisseur d'environ 80 cm, cet horizon est argileux, compact imprégné d'eau et de couleur rouge-brique. C'est ici que l'on retrouve les argiles accumulés ; B1 est épais d'environ 1 m ; c'est un horizon tacheté, argileux, imprégné d'eau et de couleur rouge-brique; C est un horizon d'altération qui est parfois épais de 3 m ; au-delà de 6 m de profondeur, se trouve la roche-mère non altérée. Avec un pH faible compris entre 4,5 et 5,5, ces sols sont très acides. Les sols ferralitiques rouges sont les plus représentés (Valerie, 1973). Ils occupent les interfluves ou les collines.

I.3.2. Les sols hydromorphes

L'hydromorphie est la saturation des pores d'un sol en eau sur une période plus ou moins longue de l'année. Ainsi, à l'approche des principaux cours d'eau, mais aussi dans les bas fonds, les sols ferralitiques typiques de la région cèdent la place à une association de sols ferralitiques et de sols hydromorphes. Les sols hydromorphes se caractérisent ici par leur localisation dans les bas fonds inondables.

Leur présence et leur extension s'expliquent par l'importance des zones de dépression. Les sols hydromorphes se rencontrent principalement dans les plaines d'inondation de l'Ofoué et de ses principaux affluents, mais aussi localement sur les rives du Mbam et de la Sanaga. Ces sols sont pauvres en éléments minéraux comme c'est aussi le cas des sols ferralitiques, mais en revanche, ils ont l'avantage dans la région de garder une humidité importante en saison sèche et de favoriser ainsi le développement des cultures de contre saison. Là où ils sont installés, seule une végétation naturelle de savane les occupe la plupart du temps (photo1 et figure 10).

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Figure 8 : Carte topographique de la région entre Yambassa et Ombessa

Figure 9 : Carte hypsométrique de la région entre Yambassa et Ombessa

41

42

En effet, au dessus de ces sols, la topographie plane y favorise des conditions de stagnation saisonnière des eaux, conditions très contraignantes pour une grande majorité des espèces ligneuses.

Cependant, invariablement, les différents sols du site portent soit la forêt, soit les savanes. Les sols ne semblent donc pas constituer un facteur déterminant de la distribution de la forêt et de la savane.

I .4. Une végétation de mosaïque forêt-savane

La région autour du confluent du Mbam et de la Sanaga appartient au domaine de la mosaïque forêt-savane du Centre Cameroun. Il s'agit d'une part, de la « forêt dense humide semi-décidue» encore appelée « forêt semi-caducifoliée guinéo-congolaise » par Letouzey (1968) ou « forêt semi-sempervirente» selon White (1986). Les savanes de la région qualifiées de formations périforestières guinéo-soudaniennes par Aubreville (1948).

I.4.1. Les savanes préforestières ou périforestières

Sur le territoire, se distinguent divers faciès de savanes dont les principaux sont des savanes arbustives et des savanes herbeuses.

I.4.1.1. Les savanes herbeuses

Les savanes herbeuses sont dominées par Imperata cylindrica, Peinnisetum purpureum (Gramineae) et Aframomum latifolium (Zingiberaceae). Les rares arbustes qui parsement ces savanes sont: Terminalia glaucescens (Combretaceae), Annona senegalensis (Annonaceae) et Bridelia ferruginea (Euphorbiaceae). On les retrouve généralement sur les marges des habitations où elles caractérisent le plus souvent les friches, mais aussi dans les bas fonds marécageux où elles sont piquetées de Borassus aethiopum ou rônier (Palmaceae) (photo 1).

43

Figure 10 : La distribution des sols dans la zone du confluent Mbam et Sanaga

44

Photo Lemoupa, 2013

Photo 1 : La savane herbeuse à Pennisetum purpeurum et Imperata cylindrica

I.4.1.2.Les savanes arbustives

Les savanes arbustives sont dominées par Terminalia glaucescens et Bridelia ferruginea. Ces deux espèces sont accompagnées par endroits de Annona senegalensis, Psorospermum febrifiga, Crossopteryx sp et Hymenocardia acida. Localement, les savanes s'enrichissent de Borassus aethiopum (Rônier), Lophira lanceolata et Vitex sp. Le couvert herbacé de ces savanes est dominé par Andropogon sp, Pennisetum sp, Imperata cylindrica (Gramineae) et Aframomum latifolium (Zingiberaceae). Ce couvert herbacé reste le même lorsqu'on se retrouve face aux savanes arborées dans certains secteurs. La seule différence remarquable ici est la présence de grands Terminalia glaucescens associée aux autres arbres typiques de savanes comme Lannea kerstingii (photo 2).

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Photo Lemoupa, 2013

Photo 2 : La savane arbustive à Terminalia glaucescens et Bridelia ferruginea I.4.2. La forêt dense humide semi décidue

Dans la région, la forêt dans son ensemble est dominée par deux grandes familles : celles des Ulmaceae et des Sterculiaceae (Letouzey, 1968). La première famille est surtout composée de Celtis (C. philippensis, C. adolfi-friderici, C. milbraedii, C. tessmanii, C. zenkeri et C. africana) alors que la seconde connaît une richesse importante des genres Cola (C. cordifolia, C. grandifolia, C. altissima, C. gigantea) et Sterculia (S. rhinopetala, S. tragacantha). Des espèces comme Triplochiton scleroxylon (Sterculiaceae) et Terminalia superba (Combretaceae) sont aussi caractéristiques de la formation, mais uniquement du fait de leur grande taille et de leur volume important en bois. D'autres arbres émergents comme Entandrophragma cylindricum (Meliaceae), Milicia excelsa (Tiliaceae), Pycnanthus angolensis (Myristaceae), Bombax buonopozense et Ceiba pentandra (Bombacaceae) sont localement abondantes. La flore de cette forêt varie sensiblement au contact direct des savanes préforestières où elle est beaucoup plus riche en Euphorbiaceae (Funtumia elastica, Antidesma venosum) et en Mimosaceae (Albizia adianthifolia, Albizia glaberrima et Albizia zygia) (Youta Happi, 1998) (photo 3).

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Photo Lemoupa, 2013

Photo 3 : La forêt dense semi décidue à Sterculiaceae et Ulmaceae

Notes : En saison sèche, certains grands arbres perdent entièrement leurs feuilles. Ici les couleurs flamboyantes caractérisent les jeunes feuilles (rouge, orange et jaune pour les différents stades de repousse de Lophira alata). Les jeunes feuilles de Ceiba Pentandra et de Bombax buonopozense virent d'abord au vert olive et deviennent vert foncées au bout de quelques mois.

I.5. Les aménagements agricoles

Dans le département du Mbam et Inoubou, la région des haies vives est constituée de deux arrondissements à savoir Bokito et Ombessa. Cet espace se caractérise par une apparente faiblesse des densités de la population, soit environ 27 à 30 habitants au km2 selon le dernier recensement de 2005 (INS, 2010) (figures 12 et 13). Pour certains auteurs, ce territoire représente un espace « vide » entre deux réservoirs de migration que sont le pays bamiléké sur les hautes terres de l'ouest et le pays Eton à l'est (Filipski et al., 2007). On explique cela par la solide réputation de pratiques occultes qu'ont acquis les Yambassa depuis la période précoloniale (Filipski et al., op.cit.), mais aussi par le caractère peu hospitalier du milieu

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naturel. Le site renferme une forte densité de mouches tsé tsé agents vecteurs de la maladie du sommeil et de simulies, vecteur de la transmission de l'onchocercose ou maladie de la cécité de l'Sil. Ces auteurs concluent que contrairement à de nombreuses situations en Afrique rurale, le pays Yambassa n'est soumis qu'à une très faible pression d'immigrations.

La population est composée du groupe ethnique Yambassa et des allogènes tels que les Bafia, les peuls, les bamiléké, les éton, les éwondo, les sanaga et des étrangers originaires du Nigeria et du Mali pour les pays les plus représentés. Les autochtones sont regroupés en familles, soit neuf au total: Bongolo, Guessele, Bouyongo, Boudigue, Ndaga, Bogann, Botombo, Bogoum et Bolomann. Rappelons que le village Yambassa fait partie des dix villages que compte le groupement Elip. Il s'agit de : Yambassa, Balamba 1, Balamba 2, Botatango, Boalondo, Bassolo, Botombo, Bogando, Kananga et Kilikoto.

C'est une population essentiellement rurale et acquise à la pratique de l'agriculture. Une agriculture vivrière semi-itinérante est pratiquée en zone de savane. La production vivrière est du domaine des femmes qui cultivent chaque année une dizaine de « parterres » chacune2. Les espaces de savane défrichés et labourés à la houe servent à la culture du taro et de l'igname la première année, du maïs et de l'arachide l'année suivante (photos 4, 5 et 6). Du manioc est toujours planté sur les bords du parterre. L'agriculture vivrière reste fondée sur un système à jachère de longue durée : à un cycle de cultures de deux à trois ans succède une jachère de plusieurs années (cinq au minimum). Depuis quelques années pourtant, les agriculteurs yambassa se lancent dans des cultures de rente de savane, notamment les agrumes. Les bosquets du pays Yambassa ont été mis à profit pour devenir des espaces de cacaoculture, principale ressource du pays Yambassa, avec une forte perception de saturation foncière. La culture du cacao nécessite un couvert végétal et doit être installée en forêt. Les exploitations sont tenues sur le mode familial. Elles sont petites (de 0,2 à 2 hectares) et souvent anciennes. Les yambassa préférant en général chercher un nouvel espace pour installer des jeunes plants plutôt que de renouveler leurs plantations (Filipski et al., 2007).

2 Larges buttes rectangulaires de terre labourée d'environ 200 m2

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Photo Lemoupa, 2013

Photo 4 : Plantation de cacaoyer aménagée dans un système agroforestier

Notes: un peu partout dans la région, les cacaoyers sont implantés dans des bosquets. Les enquêtes révèlent que ces taches de forêt ont remplacé des parcelles de savanes anciennement occupées par les cultures vivrières.

Un autre aspect important à relever au sujet de la région est la forte proportion d'agriculteurs anciennement citadins parmi les villageois. La quasi-totalité des agriculteurs interrogés ont vécu en ville quelques années avant de revenir, déçus par le manque d'opportunités en ville. Ce mouvement, qui débute dans les années 1980, se poursuit de nos jours en partie grâce au développement des transports.

49

Photo Lemoupa, 2013

Photo 5 : Champs d'arachide et de manioc dans un bas fond

Notes: au premier plan, le champ aménagé sur un parterre. Il porte des arachides et du manioc. Les deux hommes avancent dans un drain aménagé pour favoriser artificiellement l'évacuation de l'eau gravitaire présente dans la macroporosité du sol à la suite de précipitation, mais qui stagnent longtemps à cause de la platitude de la topographie.

Conclusion

La position d'abris caractérisée par un déficit pluviométrique de l'ordre de 100 à 200 mm par rapport au reste de la zone de mosaïque forêt-savane a souvent été évoquée pour justifier la présence des savanes. Mais force est de constater que les études récentes ont révélé une transgression de la forêt sur la savane, ce qui semble dire que malgré le déficit, le climat reste humide compte tenu de la moyenne annuelle des pluies (1400 mm) et de la leur répartition sur 9 à 10 mois. D'autre part, certains bosquets et îlots forestier implantés en savane semblent s'être fixés dans le passé non seulement à la faveur de ce climat humide, mais aussi à cause d'un contexte de guerres entre tribus rivaux et de boisements à base d'espèces pionnières de la forêt dense. En déplaçant régulièrement les champs et l'habitat dans le contexte passé d'agriculture extensive sur brûlis, les populations ont aussi contribué à une implantation des

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espèces pionnières de la forêt en interrompant les pratiques de feux de brousse dans les parcelles de savanes occupées temporairement.

Comme les autres peuples Bantou du sud Cameroun, la société Yambassa fait partie de celles qui, dépourvues d'Etat, veulent aussi ignorer le commandement politique d'un chef autre que

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CHAPITRE II : LE CONTEXTE HISTORIQUE DE L'IMPLANTATION DES HAIES

VIVES DEFENSIVES

Introduction

Les haies vives sont traditionnellement une caractéristique des paysages agraires de bocage. En effet, dans les paysages de bocage, comme c'est par exemples les cas en Grande-Bretagne, en France ou sur les hautes terres de l'ouest Cameroun, les haies vives sont implantées pour matérialiser les limites des champs et/ou des concessions, mais aussi pour servir de brise vent et canaliser la circulation du bétail hors des champs (Dongmo, 1981 ; Youta Happi, 2013). L'objectif premier de la construction des haies vives du « pays » yambassa est tout autre. Il s'agissait, entre la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, de constituer un système défensif végétal. Celui-ci permettait à la fois de bloquer l'avancée des ennemis et de les combattre en s'abritant derrière un « bouclier végétal» haut de plusieurs dizaines de mètres. Ce souci défensif a été néanmoins partagé par des populations de l'extrême nord du Cameroun. Dans cette zone, les populations se sont en quelque sorte barricadées derrière des murs constitués d'arbustes à épineux pour se défendre des attaques des Peuls qui se livraient alors à des campagnes d'islamisation forcée.

II.1. L'origine du nom yambassa

Lorsque les colonisateurs allemands arrivent dans la zone du confluent Mbam et Sanaga au début du 20e siècle, ils trouvent en place un ensemble de populations hétéroclites qui vivent dans une situation de conflits incessants. Pour simplifier les identifications, ils les regroupent en affinités linguistiques. Partant de la localité de Yambassa, ils désignent toutes celles qui ont un vocable assimilable sous ce nom. Après la pacification de la zone en 1911, ils ont ainsi généralisé le nom du village Yambassa à toute la région. Avant cette date, les populations de la localité de Yambassa en particulier étaient désignées sous le nom de Nigodua, d'Ambassa ou encore de Bo Ambassa, c'est-à-dire « les descendants d'Ambassa ». Car en effet, Ambassa fut l'ancêtre commun du village. Le terme Yambassa serait la contraction de Ya Ambassa qui signifie de Ambassa ou fils d~Ambassa (Mekinde, 2004).

II.2. L'organisation politique précoloniale

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celui de la communauté familiale. Les différentes unités de la société correspondent à des groupes de parenté égalitaire, coiffés par des chefs de famille. Nous sommes en présence d'une société composée de grands lignages patrilinéaires. Le chef de famille détient un pouvoir « restreint et mal défini ». A sa mort, le fils qu'il avait préalablement choisi lui succède dans ses droits et prérogatives. La famille représente l'unité sociale la plus importante et porte généralement le nom de son fondateur.

Sur le plan politique, les Yambassa font partie des sociétés dites à « autorité souple ». La société reposait sur une « assemblée » ou « conseil » (Kiloumen) de patriarches (Bakon) avant l'arrivée de la colonisation. Le Kiloumen (ou conseil) était une institution souple doté d'un pouvoir collégial, détenu par l'assemblée des Bakon. Il n'y avait pas de siège des institutions à proprement parler, mais le conseil pouvait se tenir dans la maison de l'un des notables. Par contre, l'un de ses notables était reconnu comme le guide ou « chef sans trône» qu'on qualifiait de chef notable. C'est lui qui convoquait le conseil. Il devait néanmoins être charismatique, puissant et riche autant par ses biens matériels (nombres de champs, d'animaux domestiques, quantité des récoltes) que par le nombre de femmes et d'enfants. Le Kiloumen était en charge d'assurer le bien être, la protection et la sécurité des populations à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières. Cependant, les pouvoirs des notables étaient limités par les interdits.

II.3. L'organisation économique

A l'origine, les populations du site vivent de l'agriculture de subsistance. Les enquêtes montrent que même si certains habitants s'exerçaient à la chasse, c'était une activité de subsistance puisque la capture du gibier se faisait uniquement par piégeage. Les témoignages concordants établissent que seuls les « haoussahs » venus du nord du pays détenaient des armes à feu et pouvaient donc opérer des captures de masses de gibiers (Mekinde, 2004). En revanche, les populations ont très tôt compris l'importance calorifique de la matière grasse végétale. Selon les enquêtes, des palmeraies occupaient de grandes surfaces bien avant la colonisation. En 1905, le Major allemand Dominik signale leur présence sur de vastes étendus derrière les haies défensives. En réalité, les habitants associaient généralement plusieurs activités en même temps. Il était courant que des individus s'exercent à la fois comme cultivateur et artisan, ou agriculteur et guerriers. Les échanges étaient en plus basés sur un système de troc de produits. Parfois, on assistait aussi au troc de services contre un produit : le travail manuel en échange de produits vivriers par exemple.

Un rapport du Major Dominik du 5 mars 1905 (« Expédition Bapéa », Deutsches Kolonialbltt, 1905 cité par Beauvilain et al. Op. cit.) décrit le contexte des haies à son arrivée dans la région

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Photo Lemoupa, 2013

Photo 6: Champs de patate douce (sur buttes) à proximité d'une palmeraie

Notes : deux techniques de laboure existent sur le site : les buttes pour la culture de la patate douce et des ignames et les parterres pour l'arachide, le taro et le maïs.

II.4. Les guerres tribales et l'origine des murs enceints défensifs végétaux

La carte de l'institut géographique national (IGN) français au 1/200 000 de Bafia (feuille NB-32-VI) de 1959, ainsi que les coupures au 1/50 000 3a et 3b de la même feuille de Bafia, signalent des « vestiges d'enceintes» et par deux fois des « anciennes fortifications indigènes» (Beauvilain et al., 1985). Ces vestiges sont matérialisés sur ces cartes au nord-ouest et au nord de Bakoa, entre Yorro et Bégni, au sud de Bokito, au nord de Bokaga, entre Gébora et Assala I, au nord-ouest d'Ombessa, à Bombang, à Goufan, au nord-est de Bogondo et autour de Yambassa. Ces fortifications végétales sont réparties dans tout le pays yambassa, incluant les arrondissements de Bokito et d'Ombessa à environ 110 km au nord de Yaoundé (figure 15).

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en des termes qui font état des caractères physiques et des conditions d'aménagements du milieu:

« Malgré les contacts avec les Européens pendant de longues années, les Yambassa, dès leur retour au pays, retombent à tout point de vue à leur bas niveau de civilisation, dans lequel ils vivent sans doute depuis des siècles, retranchés dans leurs palmeraies. Pour renforcer ces palmeraies à la périphérie ils y ont planté des arbres. Cette clôture d'arbres, qui n'a que quelques rares passages, aménagé sans aucun doute par la main d'homme, entoure tout le pays sur des kilomètres comme un mur vivant impénétrable. Les dimensions énormes des arbres, plantés entre les palmiers et dont les troncs se touchent, permettent d'évaluer l'âge des établissements Yambassa. Cependant cette enceinte de forêt, efficace et étrange, est la cause pour laquelle les Yambassa ont un esprit si peu guerrier, comme on ne le retrouve au protectorat que chez les Douala, que la civilisation progressive a tellement influencé qu'ils ont perdu leur ancien caractère combatif. Le Yambassa, quoiqu'il vit en pleine brousse, ne possède même pas d'armes de protection& ».

« Le paysage du Mbam jusqu'à chez Sionde a le caractère de la plaine ondulée, couverte d'herbes, avec quelques parcelles de forêt. Il est curieux que dans la plaine du Mbam proprement dite les palmiers manquent presque complètement, tandis que les palmiers à huile caractérisent le pays à quelques km à l'ouest. Les bâtis habitent des établissements isolés, chaque famille à part dans plusieurs ruches rondes faites d'herbe. Le peu de bétail qu'ils possèdent est gardé dans des cases carrées, plus solides, faites en écorce pour protéger le bétail contre les léopards. Comme les Bati, qui changent souvent leurs résidences, ne veulent pas se soumettre sous l'autorité d'un chef et se contentent de peu, il est donc difficile de les gagner pour la civilisation. Ils sont grands, bien bâtis, avec une figure sympathique. Le fait que partout ils portent encore l'arc et les flèches est une preuve de leur pauvreté. En général le nègre du Cameroun donne tout ce qu'il a pour un fusil et de la poudre et donne même sa force de travail en échange pour en obtenir. Au centre du Cameroun, où les gens n'ont jamais rien entendu parler de l'homme blanc, je trouvais plus tard des fusils. Les Bapéas les ont obtenus soit par le commerce intermédiaire, soit par les haoussahs. Dans le pays Bati les haoussahs ont pourtant depuis longtemps chassé le dernier éléphant et l'on n'y trouve pas de caoutchouc ».

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Figure 11 : Les arrondissements de Bokito et d'Ombessa : localisation des anciens foyers de tensions

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D'après des informations recueillies par Mekinde (2004), les Yambassa s'implantèrent dans leur site actuel avec l'accord des Ombessa et des Guientsing avec qui ils signèrent un pacte de non agression. Après l'installation des Yambassa, la coexistence pacifique, la solidarité et l'esprit d'initiative qui régnaient dans leur territoire suscita la jalousie des voisins qui ne songeaient plus qu'à les déstabiliser. « Il faut relever ici que, vivant dans une région dominée par la savane et la plaine, les Yambassa sont dépourvus d'une manière générale, de la protection naturelle que peuvent constituer les arbres forestiers et les montagnes. Les Yambassa, conscients du danger qui les guettait et des insuffisances de la nature, trouvèrent une solution. En effet, ils se réunirent et décidèrent de planter de grands arbres autour de leur village afin de créer plus tard une sorte de forêt galerie dans laquelle ils pouvaient se refugier en cas d'agression de l'ennemi » (photo 7).

Photo Youta Happi, 2013

Photo 7 : Héritage des murs défensifs végétaux autour du village Yambassa

Notes: Les haies suivent aujourd'hui un alignement discontinu. Les individus morts ou coupés ne sont pas remplacés. Autour de ce village, les haies forment encore une couronne bien visible sur les transects et les photographies aériennes.

57

« Dans l'enceinte protégée par les haies vives, on creusait de larges et profondes fosses vers lesquelles on courait quand l'adversaire s'avérait dangereux, et l'ennemi tombait toujours dans l'un de ces trous où il était sauvagement accueilli par des sagaies et des lances qu'on y plantait» (Abiadina Samba, 1988). Les Assala (actuel Bokaga) et les Balamba en particulier ont multiplié les agressions sur les Yambassa jusqu'à l'arrivée des Allemands. Les Yambassa ont ainsi vécu plusieurs guerres dont le but principal était la conquête ou la défense de leur territoire. Ces guerres mettaient aux prises des villages voisins. Parfois des jeux d'alliance s'opéraient pour attaquer un ennemi commun.

Les extraits du rapport du Major Hans Dominik permettent de reconstituer plusieurs faits:

- Par tradition, les Yambassa ne supportent pas l'autorité d'un chef. Les décisions pouvant affecter l'ensemble du groupe comme les guerres et les alliances stratégiques avec d'autres clans étaient prises de manière collégiale dans le cadre d'un conseil composé des chefs de familles;

- Comme armes, ils sont équipés de lances, de flèches, d'arcs et de sagaies. Au début du 20e siècle, seuls les chasseurs « haoussahs » venus du nord du pays possédaient des fusils. Ces derniers pouvaient échanger quelques armes à feu à l'occasion contre une autorisation d'abattage d'éléphants;

- En dehors des forêts galeries, la végétation des villages actuels était essentiellement constituée de savanes. Néanmoins, les habitants pour assurer leur approvisionnement en huile de cuisson avaient aménagé des rideaux de grands arbres utilisés alors comme pare feu pour protéger les palmeraies de la propagation des feux de brousse ;

- Traditionnellement, les populations de la région pratiquaient un système extensif d'agriculture itinérant sur brûlis. Par conséquent, les champs et les habitations se déplaçaient dans l'espace selon un système qui impose de longues jachères;

II.5. Les implications de la colonisation allemande et du mandat français

La colonisation allemande du début du 20e siècle, suivie par celle de la France après la première guerre mondiale a totalement bouleversé l'organisation socio-politique et économique de la région (Mekindé, 2004 ; Memoli-Aubry, 2009). On retient pour l'essentiel l'exploration et la stabilisation de la région, l'introduction d'une organisation politique centralisée autour des chefferies, l'introduction de l'économie monétaire, l'imposition de l'impôt, les déportations de la main d'oeuvre et la diffusion de la culture du cacaoyer.

II.5.1. La stabilisation de la région

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L'occupation allemande a eu pour effet l'arrêt des guerres opposant les villages et les différents groupes ethniques. De la sorte, les différentes tribus sont restées confinées dans leurs territoires respectifs. Ce confinement permettait en fait d'assoir le contrôle strict des habitants. Les administrateurs coloniaux allemands et français de l'époque ont mis les populations sous l'autorité directe des chefs de postes militaires qui s'occupaient de l'ordre et du recouvrement des impôts.

II.5.2. Le bouleversement des institutions politiques traditionnelles

Le pouvoir politique traditionnel chez les yambassa était régi et détenu par une organisation de type patriarcal. Il s'agissait en fait d'une société gérontocratique fondée sur le droit d'aînesse et où chaque patriarche (Bakon) ne commandait qu'au niveau de sa famille élargie. Lorsqu'une situation engageait toute la communauté, ces ainés se réunissaient dans le cadre d'une assemblée appelée Kiloumen pour prendre les décisions. En créant des chefferies dès leur arrivée, les allemands vont instituer une administration centralisée qui leur a permis de soumettre les populations. A la tête de ces chefferies, les administrateurs nommaient un homme aux ordres. Autrement dit, les Allemands se devaient alors de trouver des hommes acquis à leur cause soit par la persuasion, soit par la force.

II.5.3. L'exploration et l'ouverture de la région et l'imposition de l'impôt

La découverte et l'exploration de l'intérieur des régions se sont traduites par des expéditions. Les différents établissements humains ont pu être localisés et cartographiés. Les premiers recensements de la population ont aussi été réalisés. En 1938 par exemple, la population totale des départements actuels du Mbam et Inoubou et du Mbam et Kim3 était estimée à 114 200 habitants (Memoli-Aubry, 2009). Bien sûr que l'objectif principal était d'évaluer à la fois les richesses naturelles et le potentiel de main d'oeuvre qui sera nécessaire pour la réalisation des travaux d'aménagement de routes, des voies ferrées, des aéroports et d'entretien des grandes plantations industrielles consacrées aux cultures de rente comme le cacao, le café et l'hévéa.

II.5.4. La désorganisation de l'économie de troc et l'introduction de la monnaie

Traditionnellement, l'économie des peuples de la région reposait sur le troc. Les uns et les autres échangeaient par exemple de l'huile de palme contre des produits vivriers tels que la banane plantain, l'igname, le manioc, le taro ou le macabo ou l'inverse. On pouvait aussi troquer des produits de la chasse contre les vivres ou des vivres contre du tissu, des armes,

3 La région du Mbam est une unité administrative créée en 1935. Elle comprenait trois subdivisions : Bafia, Ndikiniméki et Yoko. Elle était étendue sur une superficie de 32 500 kilomètres (Mémoli-Aubry, 2009)

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notamment les fusils etc. Mais à l'arrivée des colonisateurs, tout pouvait s'échanger contre de l'argent, y compris une partie de la dot.

II.5.5. Le prélèvement de la main d'oeuvre forcée

Pour réaliser des grands bénéfices, les colons avaient pour ambitions de prélever un maximum de matières premières minières et agricoles. Pour extraire et acheminer ces produits jusqu'en métropole, il fallait de la main d'oeuvre en abondance et de préférence gratuite. Il s'imposait donc d'aménager des grandes plantations et de créer des voies de pénétration et d'acheminement vers les ports. D'où l'idée de prélever la main d'oeuvre à travers tout le territoire camerounais pour la regrouper dans les plantations et les chantiers de construction des routes et des voies de chemin de fer. La région a connu des déportations d'une partie de la population. D'abord sous l'administration allemande, puis sous celle de la France à partir de 1922. Pourtant le Cameroun français n'était pas officiellement une colonie mais plutôt un « mandat »4. Mais dans la perspective de lever des fonds et des provisions pour l'effort de la 2e guerre mondiale, la France va imposer des prélèvements en biens et en hommes (tableau 2). Selon Memoli-Aubry (2009), en 1942, 928 personnes furent recrutées sur l'ensemble de la Région. La subdivision de Bafia à elle toute seule avait fourni sur cet effectif total, 628 hommes et 200 femmes. Cet auteur ajoute que « Le Mbam fut confronté à un fort recrutement administratif de travailleurs pour la réalisation des grands travaux publics. Ces chantiers consistaient surtout dans l'aménagement des routes, des ponts, des bâtiments, des pistes d'atterrissage et dans la construction de camps militaires ». Mais l'effort de guerre allait également de paire avec l'extension de vastes plantations de café, de cacao et de café. Une partie de la population déportée fit envoyée vers ces sites, qu'elles soient loin comme la Dizangué sur littoral ou proche comme Goura situé dans la subdivision.

Tableau 2 : Nombre de manoeuvres mobilisés dans les chantiers publics de la subdivision de Bafia de 1942 à 1944

Années

Routes et ponts

Bâtiments

Entretien

Hygiène

Divers

Total

1942

54931

1435

1695

7321

976

66358

1943

25772

6701

13

407

7052

39945

1944

37216

7470

7893

2754

36742

92075

Total

117919

15606

9601

10482

44770

198378

Sources APA 11626, archives de Yaoundé

4 Le Mandat institué par la Société des Nations le 2 juin 1922 (article 22 du pacte, paragraphe 5), préconisait de garantir, entre autres, la liberté de conscience et de religion sans autre limitation que l'ordre public et les bonnes moeurs. Par ailleurs, le mandat interdisait la construction de fortifications et de bases militaires ou navales, sauf pour la police et la défense du territoire camerounais.

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II.5.6. La diffusion de la culture du cacao

L'introduction du cacao au Cameroun se situe en 1886/1887, 65 ans après les îles de Sao-Tomé et principe, 8 ans après le Ghana, en même temps que le Gabon, 3 ans avant le Nigeria, 8 ans avant la Côte d'Ivoire sous le règne du gouverneur allemand Julius Von Soden. Les premières semences sont importées d'Amérique latine, des Antilles et de Sao-Tomé et Principe. Les premières exploitations sont celles de Woerman à Bimbia et de Jantzen et Thormohlen à Bibundi (Santoir, 1992).

Ces colons allemands mettent en place un système de grandes plantations industrielles. Elles sont grandes aussi bien de par leur étendue que de par les ressources mobilisées pour leur création. Les plantations couvrent en moyenne 5 000 à 15 000 ha à l'époque. Les ouvriers venaient principalement de Bali, Foumban, Kribi, Lolodorf, Ebolowa et Yaoundé. Pour obliger les indigènes à travailler dans les plantations, les colons allemands vont instituer l'impôt de capitation dès 1903. Car ceux qui ne pouvaient payer en argent devaient payer en travail en raison de 30 jours /an. En 1912, on dénombre 13 161 ha cultivés avec une exportation de 4 551 tonnes (ONCC, 1912).

La première guerre mondiale va causer un frein à la cacaoyère allemande qui sera vendue aux enchères par les alliés puis rachetée par les allemands par agent interposé. Après la seconde guerre mondiale, les biens allemands seront mis sous séquestre. En décembre 1946, les plantations allemandes sont nationalisées par les administrations britanniques et françaises.

A côté de ces grandes plantations, se trouvent des plantations familiales de taille modeste créées depuis 1902 dans la région du Mont-Cameroun (Mbanga, Yabassi, Edea) et la région Kribi (Batanga, Bipindi, Ebolowa, Mbalmayo). Ces plantations de petite taille contribueront au développement de la cacaoculture au Cameroun.

Pour la région du Mbam, l'introduction du cacao se fera au début des années 1910 et coïncidera avec la décision des autorités coloniales allemandes et françaises de permettre aux individus d'implanter des plantations familiales dont une partie des récoltes sera prélevée comme impôts (Ngangue Latta, 2011). Toutefois, d'après les sources orales, la création des premières plantations familiales se situe entre 1910 et 1920. De nos jours, les cacaoyers occupent plus du 1/3 des terres cultivées dans la zone d'étude. Cette proportion passe à la moitié aux environs de la ville de Bokito (Jagoret et al., 2011).

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L'introduction du cacao nous apparaît déterminante par rapport à la dynamique de l'affectation des sols et surtout parce que sa culture qui nécessite l'ombrage des arbres va favoriser indirectement les boisements anthropiques dans la région.

II.6. Les rôles originels des haies

D'après Beauvilain et al. (1985) et les enquêtes de terrain, les alignements d'arbres implantés à l'origine en savane jouaient plusieurs rôles:

- Un rôle défensif car cette espèce adopte des contreforts arqués de 2 à 3 m de hauteur, voire jusqu'à 6 m. Plantés en lignes suivant un écartement serré, ces arbres constituent de véritables fortifications infranchissables;

- Un pare feu naturel contre les feux de brousse qui permet aux populations d'aménager d'une part, des champs de palmier à huile dès la fin du 19e siècle et d'autre part, de créer des plantations de cacaoyers dès le début des années 1920 ;

- Un rôle juridique car sa matérialisation confère la propriété des terres au groupe ethnique ou au clan.

Les relevés botaniques et les enquêtes de terrain montrent d'autres fonctions qui sont d'ordre écologiques.

- Une fois installés, les arbres jouent le rôle de couloirs de circulation des animaux sauvages et de perchoirs aux oiseaux disséminateurs des graines d'espèces pionnières de la forêt;

- Sous leur ombrage, les arbres de la fortification créent des conditions favorables à l'installation des espèces sciaphiles de la forêt dont les graines sont disséminées à la fois par les oiseaux, les animaux et le vent;

- Une fois les enceintes constituées, les hommes plantent des arbres fruitiers ou des espèces à bois utile derrière le rideau défensif végétal sans courir le risque de les voir détruits par les feux qui arrivent de la savane proche.

II.7. L'évolution et la distribution de la population

Au lendemain de l'indépendance en 1962, la région occupée par les populations yambassa est intégrée dans le seul arrondissement de Bokito qui occupe en tout 1 724 km2. Après, c'est-à-dire en peu avant 1976, l'arrondissement est divisé en deux; le district d'Ombessa voit le jour très exactement le 18 juillet 1966 par le décret N° 66/DF/291. Nous avons groupé les deux arrondissements, pour des besoins de calcul de l'évolution de la population totale et des densités rurales. La population totale passe de 35 811 habitants en 1962, puis à 55 021 en

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1976, et enfin à 65 868 en 2005 (figure 12). Les densités rurales on évolué au cours de la même période entre 20,7 hbts/km2 en 1962, puis à 31,9 hbts/km2 en 1976 et enfin à 38,2 hbts/km2 en 2005. Par rapport à la moyenne nationale du Cameroun en 2005 qui est de 36,8 hbts/km2, la région est moyennement peuplée. Néanmoins, des disparités existent dans la région et ces densités varient d'un canton à l'autre entre 15 hbts/km2 à Botatango et un peu plus de 60 hbts/km2 à Bakoa (figure 13).

Figure 12 : Evolution de la population et des densités rurales dans l'ensemble Bokito et Ombessa entre 1962 et 2005

Conclusion

Dans la région du confluent Mbam et Sanaga, le poids du passé revêt une importance capitale dans la dynamique de l'affectation des sols en général. Les circonstances historiques expliquent aussi en grande partie les caractéristiques de la dynamique des contacts forêt-savane sur le site. En implantant des haies vives défensives, les populations ont contribué à

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l'expansion des peuplements forestiers. En effet, sous l'ombre des arbres constituant les « murs défensifs» de nombreuses espèces pionnières de la forêt sont apparues. En y multipliant des fruitiers, les populations ont favorisé des conditions de recrutements d'autres espèces de la forêt. Ces boisements ont également permis l'introduction des cacaoyers dans un environnement phytogéographique qui était jadis composé de savanes. Autrement dit, la période précoloniale a favorisé l'implantation des haies végétales défensives dans un contexte de guerres tribales d'une part et, d'autre part, grâce à l'introduction du cacaoyer à l'aube du 20e siècle, les populations ont entretenu les boisements nécessaires à la culture de cette plante. Le chapitre 3 démontrera que les diverses opérations de boisement ont créé des conditions d'expansion de la forêt dense à long terme.

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DEUXIEME PARTIE : DISTRIBUTION ET IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET
SOCIO-ECONOMIQUES DE CEIBA ET BOMBAX

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CHAPITRE III: LA DISTRIBUTION REGIONALE ET LOCALE DE CEIBA

PENTANDRA ET DE BOMBAX BUONOPOZENSE

Introduction

Les espèces dominantes dans les haies vives de la localité de Yambassa appartiennent à la famille des Bombacaceae. Ce sont respectivement Ceiba pentandra (ou fromager) et Bombax buonopozense (ou kapokier rouge). Les populations locales donnent à toutes les deux espèces le nom de « baobab» ce qui est impropre puisque le vrai baobab (Adansonia digitata), bien que de la même famille, est une espèce indigène des zones soudano-sahéliennes. D'autre part, les travaux de Beauvilain et al. (1985) confondent aussi les deux espèces qu'ils nomment toutes Ceiba pentandra. Espèces de forêt dense humide, Ceiba pentandra et Bombax Buonopozense affichent en effet presque les mêmes caractéristiques morphologiques. C'est pourquoi certains auteurs les confondent. Leur distribution actuelle dans le monde révèle qu'elles sont plastiques puisqu'on les retrouve aussi bien dans les régions équatoriales que dans les régions tropicales semi-arides. Les deux espèces partagent la légèreté des graines munies de filaments cotonneux qui facilitent leur transport par le vent. Leur aspect majestueux a aussi fasciné les hommes qui les ont adoptées largement comme arbre ornemental et d'ombrage.

III.1. La distribution régionale de ceiba pentandra et de bombax buonopozense III.1.1. L'écologie et la description de Ceiba pentandra

III.1.1.1. L'écologie

Ceiba pentandra est un arbre originaire d'Amérique centrale (Mexique, Honduras, Guatemala, Costa Rica), d'Amérique du Sud et peut être d'Afrique de l'ouest (figure 14). Il est devenu maintenant pantropical et est considéré comme invasif dans les Iles du Pacifique. Aux Antilles, il pousse dans les forêts mésophiles de bas-fonds et sur le littoral. En Afrique, on le trouve en forêt tropicale dense humide, particulièrement dans les formations secondaires. C'est un arbre très connu des populations et les noms locaux sont nombreux (tableaux 2 et 3) et témoignent de l'intérêt qu'il porte dans les diverses régions tropicales et même occidentales. Pour Chevalier (1949) Ceiba pentandra « un des colosses du règne végétal », serait venue d'Amérique centrale à une époque antérieure à la découverte de Christophe Colomb. D'après cet auteur, les graines anémochores ont pu être apportées par le vent en

Les graines produisent de 11 à 28 % d'huile. Mais cette huile contient des éléments nocifs pour la santé comme des acides gras cyclopropénoïdes : acide malvalique (7-8 %) et acide

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Afrique. Sa hauteur, de 30 à 40 m en moyenne, l'obligerait à développer des contreforts ailés. Les branches perpendiculaires au fût n'apparaissent qu'à une certaine hauteur. Ceiba pentandra, ou fromager, kapokier, bois coton, est une espèce d'arbre de la famille des Bombacaceae selon la classification classique, ou de celle des Malvaceae selon la classification phylogénétique. L'espèce est dotée d'une grande plasticité écologique puisqu'on la rencontre aussi bien dans les régions connaissant un climat équatorial que dans celles caractérisées par des climats tropicaux semi arides.

Le fromager est un arbre imposant, pouvant atteindre 40 mètres de haut (voire 60 m en Afrique). Son tronc lisse est couvert de grosses épines coniques et avec l'âge, il développe d'énormes contreforts (photo 15). Les branches horizontales sont en général étagées et très étalées. C'est une espèce de diffusion, adaptée en savane pour ses graines dont on obtient un condiment huileux, pour ses fruits consommés à l'état immature et pour ses jeunes feuilles mucilagineuses, dont la foliation non synchrone sur le même arbre au cours de l'année en accroît l'intérêt et en fait un arbre dont les feuilles sont consommées par certaines populations et le bétail. Ceiba pentandra a pu attirer l'intérêt vestimentaire chez les populations Ewondo du Centre Cameroun qui en extrayaient des fibres de son bois pour confectionner certaines tenues de cérémonies rituelles (Laburthe-Tolra, 1970).

Les feuilles palmées comportent 5 à 9 folioles, subsessiles, oblongues, de 10 à 18 cm de long. Les fleurs blanc-jaunâtre comportent 5 colonnes de filets terminés par 1 à 3 anthères et 5 pétales de 35 mm, velus. Le style fait saillie au dehors avant l'ouverture du bouton floral (photo 10). La pollinisation est faite par les chauves-souris. Le fruit est une capsule elliptique, ligneuse, pendante, de 10 à 30 cm de long. Il s'ouvre par 5 valves et laisse apparaître un duvet blanchâtre, cotonneux, nommé le kapok et des graines brunes. Le vent entraine au loin les flocons de kapok avec les graines.

III.1.1.2. La description

Ailleurs sur les hautes terres de l'ouest par exemple, il matérialise la sépulture d'un homme puissant ou marque le lieu d'un événement important telle la signature d'une alliance ou d'un acte d'allégeance d'un petit clan vis-à-vis d'un grand. Chez les Bamoun et les Bamiléké, il est souvent planté à l'entrée des royaumes ou sur des points stratégiques de ces territoires (Beauvilain et al., 1985).

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sterculique (3-4 %). On utilise les poils fins et soyeux recouvrant ses graines pour la production d'une fibre végétale appelée kapok. Elle est composée de 64 % de cellulose, 13 % de lignine et 23 % de pentosane (Beentje et Smith, 2001). Elle fournit une bourre imperméable, isolante et imputrescible que l'on utilise pour rembourrer les coussins, les oreillers, les matelas ou les gilets. Mais son usage a connu un grand déclin après l'introduction de fibres synthétiques. Le kapok fournit aussi une alternative biodégradable aux absorbants d'huiles synthétiques ou d'hydrocarbures lors de pollutions, suite aux naufrages de pétroliers par exemple.

C'est un grand arbre pouvant atteindre 250 cm de diamètre. La cime est large et sphérique et présente de grandes branches horizontales et étagées ; le fût est droit, cylindrique, épineux chez les jeunes pieds. La base est remarquable par les contreforts aliformes et ramifiés atteignant 4 m de hauteur. L'écorce est couverte d'épines coniques au stade juvénile, mais les perd progressivement en prenant de l'âge. Cette écorce est verte chez les jeunes sujets, puis grise chez les pieds adultes. Sa tranche est épaisse (jusqu'à 2 cm), fibreuse et dure. Les feuilles sont composées et digitées, alternes, groupées au sommet des rameaux ; 5-9 folioles ; limbes lancéolés à oblancéolés, jusqu'à 20 x 5 cm, sommets acuminés, bords entiers ou dentés ; nervure primaire souvent rougeâtre en dessous à l'état frais. Inflorescences en courtes grappes ou fascicules à l'extrémité des rameaux, blanchâtres. Fleurs blanc-roux, veloutées, très nombreuses ; calice à 5 sépales soudés avec 5 lobes au sommet ; corolle à 5 pétales libres entre eux et soudés à la base du tube staminal ; 10-15 étamines soudées ; ovaire soudé au calice. Fruits : capsules ligneuses fusiformes à calice persistant atteignant 26-60 cm de longueur ; déhiscence basale ; intérieur revêtu de poils laineux constituant le kapok ou soie végétale, bourre soyeuse analogue au coton qui enveloppe les graines. Graines brun-noirâtre, globuleuses, lisses, parfois étranglées au milieu (photos 8, 9,10, 11 et 12).

La pollinisation est assurée par les chauves-souris et les abeilles (Beentje et Smith, 2001). Ces pollinisateurs visitent des arbres isolés ou des petits groupes isolés d'arbres ; ce qui favorise l'autogamie par rapport à l'allogamie. Dans les grandes plantations, il est difficile pour les chauves-souris de pénétrer la couronne des arbres. Dans ces conditions, l'autogamie est le régime de reproduction obligatoire. L'espèce présente un grand potentiel de sélection par la création de lignées pures ou par isolation des clones hétérotiques issus de bouturage de rameaux orthotropes (Zeven, 1984). Ceiba pentandra peut se reproduire suivant un régime autogame ou par pollinisation croisée. Dans ce dernier cas, ce sont les abeilles et surtout les chauves-souris en quête de nectar qui assurent la pollinisation (Purseglove, 1968). Les

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croisements sont libres et il n'y a pas de barrières d'incompatibilité connues entre les variétés de cette espèce. Très peu de travaux de sélection ont, à ce jour, été conduits sur le kapokier. Toutefois, la sélection des variétés à haut rendement et à fruits indéhiscents, suivie de leur reproduction par voie végétative semble être la meilleure option. A cela, il faut ajouter la taille des arbres, la précocité de production, la vigueur des rameaux, les caractères de la fibre, comme autres critères de sélection.

Photo 8 : Fleur de Ceiba pentandra Source: Beentje et Smith, 2001

Photo 9 : Feuille de Ceiba pentandra Source: Beentje et Smith, 2001

Photo 10 : Fruits immatures de Ceiba Pentandra

Source: Beentje et Smith, 2001

Photo 11 : Graine de Ceiba pentandra avec le support de filaments cotonneux Source: Beentje et Smith, 2001

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III.1.1.3. Les Usages et les utilités

Le bois léger, de couleur blanc crème, veiné de jaune et de rose, est actuellement surtout utilisé comme source de bois d'oeuvre. Il sert dans ce cas à la fabrication de contreplaqués, de cageots, de caisses et en menuiserie légère.

En Afrique, les troncs évidés servent à la fabrication de pirogues. Le bois sert aussi à la fabrication de récipients, d'assiettes, d'instruments de musique et de sculpture. Les contreforts sont utilisés pour fabriquer des dessus de table et des portes. Les feuilles, les fleurs et les jeunes fruits se consomment cuits en sauce. Les feuilles fournissent aussi du fourrage pour chèvres, moutons et bovins (Beentje et Smith, 2001).

Les graines riches en huile fournissent un tourteau pour le bétail. Les graines grillées ou en farine sont consommées aussi par les humains mais elles sont réputées indigestes. La plante est largement utilisée en médecine traditionnelle dans les Caraïbes, en Afrique, Amérique du Sud, en Inde de l'ouest et du sud, au Sri Lanka et en Asie du Sud-est. Aux Antilles, la racine est réputée apéritive, l'écorce diurétique et les feuilles vertes en friction contre la chute des cheveux. Actuellement, le fromager est principalement employé en bain de feuilles, en association avec d'autres espèces médicinales, dans le traitement de la bourbouille et des troubles cutanés superficiels (Ngounou et al., 2000). En Birmanie, les racines sont utilisées comme fortifiant et les feuilles pour traiter la gonorrhée. Au Cambodge, les racines sont réputées réduire la fièvre, l'écorce traite la gonorrhée, la fièvre et la diarrhée. En Indonésie, une décoction de feuilles est utilisée contre la syphilis.

En Afrique, cette plante est réputée traiter le mal de tête, les ulcères d'estomac, les vertiges, la constipation, les troubles mentaux et la fièvre. Au Nigeria, les feuilles, l'écorce, les pousses et les racines sont largement employées. Les herboristes utilisent cette drogue en combinaison avec d'autres plantes locales pour traiter l'hypertension et le diabète. Des biochimistes de ce pays ont montré qu'un extrait d'écorce donné à des rats ayant un diabète (induit artificiellement) réduisait significativement leur niveau de glucose sanguin.

Bombax buonopozense P. Beauv. (ou encore Kapokier de Buonopozo, Fromager de Buonopozo) est un genre d'arbre de la famille des Bombacaceae, selon la classification

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Photo Lemoupa, 2013

Photo 12 : Jeune Ceiba pentandra dans un bosquet anthropique proche des haies vives

Notes: On remarque que les branches sont perpendiculaires au tronc; les feuilles sont palmées et les épines sont coniques sur le tronc. Ces épines disparaissent progressivement avec l'âge.

III.1.2. L'écologie et la description de Bombax buonopozense

III.1.2.1. L'écologie

Communément appelé Gold Coast Bombax ou cotonnier aux fleurs rouges, cet arbre serait natif de l'Afrique de l'Ouest pour Chevalier (1949). Il se rencontre généralement dans les forêts denses humides de la Sierra Leone jusqu'au Gabon en passant par l'Ouganda, c'est-à-dire l'ensemble de la région du golfe de Guinée (Afrique de l'ouest et centrale) (figure 14). Bombax buonopozense P. Beauv. est donc présent de la Guinée en Angola en passant par le Côte-d'Ivoire, le Ghana, la Sierra Leone, le Liberia, le Benin, le Togo, le Nigeria, le Cameroun, la RCA, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Congo, la RDC, l'Ouganda, le Kenya et la Tanzanie (Maniana, 2010).

Photo 13 : Fleurs de Bombax buonopozense

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classique, ou de celle des Malvaceae, selon la classification phylogénétique. Elle est synonyme de Bombax reflexum Sprague ou de Bombax flammeum Ulbr.

III.1.2.2. La description

Le bois est léger. Les fleurs sont charnues. Le tronc est muni d'épines. Comme beaucoup d'arbres de la famille des Bombacaceae, les gangues des fruits produisent du kapok. Bombax est un genre d'arbres principalement tropicaux. Ils sont originaires de l'Afrique occidentale, aux secteurs tropicaux, le sous-continent indien, l'Asie du Sud-est, aussi bien que les régions subtropicales de l'Asie orientale et l'Australie du nord. Des noms communs pour le genre incluent l'arbre de Kapok, l'Arbre Rouge de Coton, le Kapok et simplement Bombax.

Il affectionne particulièrement les terres situées entre 600 et 1200 m d'altitude. Généralement de grande taille, cet arbre atteint facilement 40 m et peut aller jusqu'à 60 m dans certains cas. Il présente ordinairement de larges contreforts pouvant atteindre 6 m de hauteur et s'étaler sur un rayon de 5 à 6 m du pied de l'arbre. L'écorce des jeunes individus est couverte d'épines coniques comme c'est aussi le cas de Ceiba pentandra. A la différence de celle-ci qui a des fleurs blanchâtres, les fleurs de Bombax sont rouges et ceci semble être, d'après nos observations de terrain, la principale différence entre les deux espèces qui ont plus de caractéristiques communes que de différences (photo 13).

Photo Youta Happi, 2013

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III.1.2.3. Les usages et les utilités

Les différentes parties de l'arbre possèdent des vertus thérapeutiques en médecine traditionnelle. Au Ghana, ses feuilles sont utilisées dans une décoction qui a pour vertu de chasser les mauvais esprits. Son bois mou et très léger est prisé pour la fabrication des pirogues. Les fibres fabriquées par ses graines sont utilisées comme des substituts de coton. Ses fruits immatures sont consommés comme aliments, surtout par le bétail.

Figure 13 : Distribution de Bombax buonopozense

On connaît 2 modes de multiplication : la multiplication par graine et la multiplication par bouture. Dans la nature, l'espèce se régénère facilement dans les chablis et les jachères. Les graines tombées à terre dans les milieux ouverts germent facilement. La croissance est rapide.

III.1.3. La diffusion anthropique des deux espèces

Au début du 20e siècle, les forestiers coloniaux ont planté des fromagers partout en Afrique de l'Ouest mais aussi en Afrique orientale et australe. On en veut pour preuve leur présence à titre ornemental dans les principaux centres urbains, y compris Yaoundé. Jusqu'aux années 1960, le kapok constituait une marchandise d'exportation intéressante mais aujourd'hui le

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négoce est centré sur le bois d'oeuvre pour la production de contreplaqué. Avant la 2ème guerre mondiale, l'Indonésie était le premier producteur mondial de kapok. Aujourd'hui, la production mondiale est de quelques milliers de tonnes seulement dont la moitié est produite par la Thaïlande. Ce pays possède aujourd'hui de centaines de milliers d'hectares de boisements à base des deux espèces et la Chine semble vouloir s'inspirer de cet exemple (Nwagba et al., 2013).

En tant que bois mou et léger, l'espèce est sollicitée notamment pour l'intérieur de contreplaqués, car il adhère bien au collage, ou comme bois de coffrage et d'emballage et de caisserie. Le bois est aussi utilisé pour la confection de panneaux lattés, des moulures, de meubles courants ou comme éléments d'isolation. Dans les régions tropicales, elle est prisée pour la fabrication de pirogues du fait de sa faible densité et de sa grande flottabilité. Néanmoins, très sensible aux attaques d'insectes, le bois sec nécessité un long traitement pour sa conservation. Il ne supporte pas aussi une forte humidité et pourrit vite dans des conditions d'humidité permanente.

Figure 14 : Aire de distribution de Ceiba pentandra

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Tableau 3 : Noms locaux de Ceiba pentandra à travers le monde

Pays

Appellation

Benin

Adjolohutin

Allemagne, Royaume Uni

Ceiba

France

Fromager

Cameroun

Doum

Congo, Rep. Dem. Congo

Fuma

Pays Bas

Ceiba, Kakantrie

Côte d'Ivoire

Enia, Fromager

Rep. Centrafricaine

Gila

Sierra Leone

Banda

Gabon

Odouma

Ghana

Onyna, Ceiba

Nigeria

Okha

Liberia

Ghe, Ngwe

U.S.A.

Silk, cotton tree

Tableau 4 : Les noms locaux de Ceiba pentandra au Cameroun

Langues

Nom local

Bakossi

njobwele

Bassa

djôm

Batanga

ngubwele

Boulou, Ewondo

doum

Douala

bouma, boumbo

Pygmée Kaka

n'doum

Pygmée Baka

kulo, kulu.

Bamiléké

yabe

Cet arbre est devenu maintenant pantropical et est considéré comme invasif dans les Iles du Pacifique. Aux Antilles, il pousse dans les forêts mésophiles de bas-fonds et sur le littoral. En Afrique, on le trouve à la fois dans la forêt dense humide sempervirente et la forêt dense semi décidue, particulièrement dans les formations secondaires.

Dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve Sanaga, les haies vives caractérisent l'ensemble du paysage agraire du secteur situé entre les localités de Balamba et

III.1.4. La distribution régionale des murs végétaux défensifs

75

d'Ombessa en passant par Bokito (figure 16). Les sites qui présentent les haies les mieux conservées sont ceux de Bakoa et Yambassa. Les haies moyennement conservées se retrouvent autour de Yorro, Bombang et Assala. Les haies les plus dégradées sont celles d'Ombessa, Bogando, Goufan, Bokito, Gueri et Baliama. Aujourd'hui, les observations révèlent que les dégradations des murs « vivants» se sont accentuées, notamment à la faveur de l'ouverture des voies de communication. En effet, la traversée de la nationale n04 au début des années 1980 a entraîné la perforation des haies à l'entrée et à la sortie du village Yambassa (figure 16).

Doté d'un grand pouvoir de dissémination, envahissant rapidement les espaces défrichés dans la forêt, on le retrouve par exemple dans le centre de la ville de Yaoundé notamment dans le campus de l'Université de Yaoundé 1, mais aussi sur ses marges nord à Mbankolo, Fébé, Nkolbisson et Kolondom ou encore Bankomo et Afan Oyo au sud. On peut signaler l'utilisation des « cotonniers géants» (Ceiba pentandra) dans la région du confluent Chari et Logone. Ils servaient de bosquets refuges à des groupes familiaux et chaque établissement possédait au sein des parcs de végétation sélectionnée des dizaines, voire des centaines de bosquets fortins (Seignobos, 1978 et 1980).

L'utilisation de Ceiba pentandra en système de défense n'est pas non plus propre au pays yambassa. Dans le même rapport de Dominik, le Major signale un mode de fortification chez les Bapéa (Bafia) voisins septentrionaux des Yambassa : « le village d'Etajenge n'a qu'une seule entrée et est entouré de vieux arbres immenses ». L'originalité du système yambassa tient à l'ampleur de sa manifestation dans le paysage. Il s'agit, en effet, de la production de lignes de défenses (« égaga ») sur des kilomètres et pour l'ensemble du pays yambassa sur des dizaines de kilomètres (près de 50 km d'après les cartes IGN). Mais les observations de terrain ont révélé qu'une partie des « égaga » a échappé aux cartographes, en particulier à l'est d'Ombessa. Ce qui signifie que leur ampleur est beaucoup plus importante à l'heure actuelle sur le terrain que les cartes ne le montrent.

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Figure 15 : Extension des murs défensifs végétaux en 1951

Les haies entourent, soit des villages entiers lorsqu'elles sont aménagées pour servir de lignes-boucliers pour parer aux coups de voisins. Elles n'excluaient pas toutefois les défenses

77

III.1.4.1. Les murs enceints végétaux autour des villages : exemple du site de Yambassa

Le village Yambassa présente encore sur ses marges un mur enceint long d'environ 3 km. Il est troué par endroits par la traversée des voies de communication comme c'est le cas aux entrées nord, sud et ouest de la localité. Les perforations nord et sud datent du début des années 1980, date à laquelle la route nationale N04 a été mise en chantier. D'après les enquêtes, celle de l'ouest est plus ancienne parce que la voie a été créée vers les années 1910 par le colonisateur allemand.

Les systèmes défensifs arborés sont souvent une amélioration et une systématisation de comportements végétaux naturels.

Sur le terrain, les alignements restent visibles aujourd'hui et ils sont souvent imposants. Les contreforts des arbres se chevauchent ou sont jointifs et parfois même coalescents formant un véritable écran de 2 à 3 mètres de haut. Très souvent, le « mur » est parsemé de trouées, les fromagers morts n'ayant pas été remplacés.

Les relevés et les enquêtes révèlent que les nombreuses trouées sont occasionnées par la mort naturelle d'individus ou par l'abattage suite aux travaux de construction des voies de communication. Les enquêtes montrent que la vieillesse est de loin la première cause de mortalité. Plusieurs raisons expliquent ce fait:

1) D'après l'opinion de la population sur le site de Yambassa, les espèces comme Ceiba pentandra et Bombax buonopozense sont supposées avoir des pouvoirs de protection occultes. Par conséquent, il est strictement interdit de les abattre sous peine d'être victime de malédictions. Les malheurs qui en découleraient peuvent affecter l'auteur de la coupe et sa famille entière ;

2) Ces essences de lumière, à croissance rapide et à bois mou, ont naturellement une durée de vie relativement courte;

3) Leur bois mou est très peu prisé et ne sert pas dans les oeuvres de construction des habitations et des meubles;

4) Leur ombrage assez filtrant est indispensable aux cultures de cacaoyers et même de palmiers à huile. Son utilité actuelle sur le double plan économique et écologique n'est donc pas son bois trop tendre pour travailler et au coeur souvent creux, mais son ombrage.

Les Yambassa sont comme les Koukouya du Congo, des « créateurs de forêts ». Chez ces habitants du Congo, la création de bosquets artificiels se fait également derrière un écran

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individuelles. Les fermes étaient souvent entourées de haies bouturées sur un remblai de terre et on accédait à l'intérieur de la concession par un escalier à cheval sur la butée de terre (Beauvilain et al., 1985). Les « égaga » dans leur ensemble ne s'ouvraient que par quelques portes gardées. Selon les enquêtes, on distinguait deux types d'aménagements de haies:

III.1.4.2. Les lignes entourant les autres groupements d'habitations

Elles enserrent les villages installés dans les grandes savanes. Les lignes végétales courant alors sur des centaines de mètres, voire des kilomètres, sont essentiellement constituées de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense semées. En s'éloignant de l'habitat et là où la forêt pouvait à l'origine constituer de petits massifs, d'autres arbres étaient semés ou replantés dans les haies vives à l'instar de Erythrophleum suaveolens, Ficus spp et Jatropha nurcas. Ici, les haies marquent simplement l'appropriation. Cette dernière signification a été utilisée, contre les Yambassa, créateurs des égaga (synonyme de haie végétale défensive), par les Sanaga qui en ont tiré argument pour occuper, les savanes vacantes situées à l'ouest sur la zone de la rive droite de la rivière Mbam (Beauvilain et al., 1985).

Sur le site de la localité de Yambassa, les égaga permettaient de se prémunir contre les attaques de voisins directs et les raids des Bafia et Vouté. En même temps qu'elles protégeaient, elles favorisaient l'individualisation des petits groupes humains qui se repliaient dans leurs forêts protectrices (figure 17).

Les Yambassa actuels n'ont jamais formé un groupe homogène et ils se présentaient comme des unités individualistes refermées sur elles-mêmes et en rivalités constantes. C'est ce qui ressort des rapports des administrateurs coloniaux des années 1930 (Dugast, 1954). Les « égaga » assuraient ainsi une double fonction de protection et de délimitation de l'espace.

III.1.4.3. Les lignes entourant les concessions

Par rapport à la topographie, les murs végétaux occupent les positions hautes lorsqu'il s'agit d'entourer une concession. Pour la délimitation d'un terroir, comme c'est le cas de Yambassa, les lignes végétales traversent les vallées, ou plutôt, les têtes de vallées.

Les différents groupes humains ont tous investi des savanes au départ, ils ont alors ceinturé les butes de Ceiba et, à l'intérieur, ils ont semé des noix d'Elaeis guinneensis et aussi des safoutiers, des Colatiers etc. Ils ont « planté la forêt » (Beauvilain et al., 1985).

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protecteur et la composition floristique est assez semblable à celle des yambassa : une ceinture d'arbres fruitiers assez continue, qui a pu atteindre un développement suffisant& joue le rôle de coupe-feu. Derrière ces pare feux, des arbres utiles ont été plantés et ont favorisé plus tard le recrutement d'autres espèces d'arbres de la forêt (Guillot, 1980).

Défense contre l'intrus, mais aussi contre le feu. Toutefois, les Ceiba sont sensibles au feu au stade juvénile (Aubreville, 1949). Ils doivent en tout cas être protégés jeunes contre les feux courants. Ils ne peuvent être efficaces que lorsqu'ils atteignent une hauteur où les cimes sont hors de portée des « coups de chaleur » des feux de brousse.

Dans la partie septentrionale du Cameroun, les défenses d'Euphorbiaceae (Euphorbia kamerunika, Euphorbia desmondi) dans l'Adamaoua ou sur le Tinguelin jouaient également les pare-feux. A Bakoa, les égaga auraient été mis en place par le 5e chef précédant l'arrivée des Français, afin de résister aux attaques de leurs voisins Bégni, Assala et Guéfigué, qui parlent encore aujourd'hui des langues différentes. Comme il n'y avait que quelques arbres, les gens ont apporté le Ceiba qui « appelle la forêt ». Leurs ancêtres ont donc « planté la forêt» qui seule permet aujourd'hui le développement de la cacaoyère dans la savane. Les populations vont semer des graines et/ou des pépinières de Ceiba, de teck et de Cassia dans les savanes pour y constituer des bosquets qu'ils exploiteront plus tard en aménageant des cacaoyers (photo 13).

En arrière de la haie se trouvaient l'habitat, les palmiers à huile, avocatiers, colatiers, safoutiers et les cultures vivrières (igname, taro, patate douce et bananier plantain). L'évolution au cours du 20e siècle a été l'introduction des manguiers (à l'époque allemande) puis des agrumes ainsi que, vers 1960-1965, près des cases, celles des cocotiers. Avec l'introduction du cacaoyer, peu avant 1930, les palmiers à huile sont progressivement rejetés hors de l'égaga, car épuisant l'eau nécessaire pour les cacaoyers, pour être plantés en savane où ils succèdent souvent au manioc (Beauvilain et al., 1985).

Sur les photographies aériennes de 1951, l'égaga de Bakoa englobe 4/5e de « brousse » et 1/5e de savane. En 1985, tout l'intérieur de l'égaga est devenu une « brousse cacaoyère ». L'habitat lui-même a migré à l'extérieur. Presque partout les égaga sont débordés par des tecks (Tectona grandis) (photo 18 et 19 et figure 17), voire des Cassia diffusés à partir de 1952 par la mission de Yangben. La population reconnaît que les déplacements successifs de l'habitat et l'introduction des arbres ont contribué au boisement de la région.

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Les « égaga » protègent une partie du terroir, les « champs de case» et les arbres oléifères, légumiers et fruitiers, éléments indispensables de l'agro-système et ils peuvent se prolonger jusqu'à englober les zones ripicoles avec leur raphiales.

Figure 16 : Le paysage de contact forêt-savane autour du village Yambassa

Dans le passé lointain, les groupes de populations ont presque tous imaginé des systèmes de défenses dans les milieux ouverts pour résister aux velléités d'expansions territoriales des voisins. Dans les savanes des hautes terres de l'ouest Cameroun, les Bamiléké avaient élaboré des fossés enceints autour des villages et des cités. Sur la carte topographique de Bafoussam-Foumban de l'IGN NB-32-XVI-4b au 1/50 000, on découvre des « fossés anciennes forteresses» autour de la ville de Foumban. Les traces matérialisées sur cette carte montrent que le Sultan contemporain avait fait aménager une série de 3 fossés concentriques autour de l'ancienne cité Bamoun. Les enquêtes révèlent que ce système était aussi partagé par les peuples Tikar avec lesquels les Bamoun ont justement des affinités culturelles, mais qui ont été ennemis dans le passé. Des héritages sont aussi visibles sur la frontière entre les

81

arrondissements de Bana et de Banka. Les sources orales attestent que ces deux peuples se sont aussi livrés à des guerres territoriales vers la fin du 19e siècle.

III.2. La distribution locale sur transects et placettes

Les travaux de Beauvilain et al. (1985) se sont basés sur les sources historiques et cartographiques pour décrire les murs végétaux défensifs « yambassa ». Il nous a semblé indiqué de nous appuyer sur ces études tout en apportant un nouveau éclairage par le biais d'une méthode basée sur des relevés botaniques. Localement sur les transects, les haies présentent des alignements serrés de grands arbres dont les contreforts s'enchevêtrent sur plusieurs sections (figure 21). L'histoire révèle que des sentinelles postées derrière ces remparts étaient chargées de surveiller et de repousser les ennemis. Les murs végétaux du pays « yambassa » impressionnent autant par la hauteur des arbres que par les contreforts que ces arbres développent en maturité. Le système semble avoir été efficace dans un contexte de guerres engageant des ennemis équipés de lances, de flèches et d'armes à feu de petits calibres.

III.2.1. Les exemples de « murs défensifs végétaux » précoloniaux des steppes du nord

Les rapports militaires et les comptes rendus d'opérations de police rédigés au début de la période coloniale en Afrique mentionnent les difficultés rencontrées pour approcher de nombreux établissements humains entourés d'épais fourrés d'épineux ou d'euphorbes (Seignobos, 1978 et 1980). Ces fortifications végétales avaient été créées par l'homme, et leur démantèlement fut souvent exigé par les puissances coloniales comme gage de soumission. Elles disparurent donc rapidement à l'époque coloniale, car elles furent soit détruites, soit délaissées ou reconverties en haies de protection des champs dans les contrées où l'élevage du gros bétail est pratiqué. Les chemins bordés qui permettaient de contenir le bétail se maintinrent alors que s'effaçaient les lignes boucliers. Dans la région de l'extrême nord du Cameroun, beaucoup de ces constructions végétales sont encore décelables dans le paysage où se succèdent des éléments arborés ou arborescents en lignes (figures 17, 18, 19 et 20). Leur abondance inattendue ne s'explique pas par la seule nécessité de canaliser le bétail, pas plus que les rideaux d'arbustes spumescents sur les piémonts ne peuvent être attribués uniquement à une action antiérosive.

82

Figure 17 : Localisation des murs végétaux défensifs du bassin du Tchad

De plus, l'évidente inefficacité défensive des constructions de terre et surtout de pierres sèches laisse comprendre leur vraie raison d'être, celle de supporter des constructions végétales formées d'épineux ou d'euphorbes dont les ruines sont encore accrochées à ces murs. Passant presque inaperçues, ces défenses végétales sont en réalité omniprésentes sur de vastes aires et montrent tout le raffinement de leurs diverses combinaisons dans divers secteurs du bassin du lac Tchad.

Dans le détail, le système défensif est très complexe. L'ossature est constituée par le mur de pierre au centre (figures 18, 19 et 20). Avant et après le pierrier, des rideaux végétaux successifs sont implantés de manière à former plusieurs boucliers. Il s'agit, de la périphérie vers les villages, des alignements suivants: 1) Acacia atxacantha, 2) Comiphora africana ; 3) Euphorbia unispa ; 4) Euphorbia kamerunica.

Entre Comuphora africana et Euphorbia kamerunica se trouve le mur de pierre. La dernière espèce s'appuie d'ailleurs sur ce pierrier et c'est justement sur ce mur doublé d'un rideau végétal que se portent les premières sentinelles (figure 20)

Figure 19 : Gros plan sur le système défensif Guimsak

83

 
 

Mur de pierre (pierrier)

Rideaux défensifs végétaux Acacia ataxacantha

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Localisation du système Guimsak

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Sources :Seignobos (1978) Les systèmes de défense végétaux précoloniaux

Figure 18 : Le système défensif végétal du bassin versant de la Goudoulou

 
 
 
 

Mur de pierre

(pierrier)

Rideaux défensifs végétaux Acacia ataxacantha

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Sources: Seignobos (19781 Les systèmes de defense végétaux précof oraux

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Figure 20 : Coupe du système défensif de Guimsak (Seignobos, 1978)

III.2.2. Les héritages du système défensif végétal Yambassa

Chez les Banen du sud de Ndikiniméki (à l'ouest du pays yambassa), les palmiers à huile sont plantés en savane par les paysans dans les bosquets « protégés» par une haie de Ceiba pentandra bouturés serrés (Iyébi Mandjeck, 1985). Cet arbre qui ceinture le bosquet sur tout le périmètre, a le mérite d'être lui-même protégé.

III.2.2.1. Les relevés botaniques

Les relevés ont porté sur un transect de 5 m de large et de 2 660 m de long, soit 13 300 m2 (figures 22 et 23 et photos 14). N'ont été pris en compte que les arbustes et arbres qui se situaient sur l'axe de l'alignement de la haie vive. Par ailleurs, les cacaoyers implantés sous l'ombre des ligneux n'ont pas été pris en compte. Cependant, la présence des peuplements occupant l'environnement immédiat de la haie a été précisée sur une grille millimétrée dans le but de restituer la structure sur une carte. Dans ce but, un enregistrement de points GPS a été fait tous les 100 m. Des points supplémentaires ont été précisés chaque fois que la haie décrivait une courbe.

Signalons cependant que la circonférence des grands Ceiba et de Bombax a juste été estimée. Les grands contreforts de ces individus n'ont pas permis de mesurer les circonférences puisqu'ils s'élèvent généralement à plus de 2 à 3 m en moyenne au dessus du sol. Or par convention, il faut mesurer la circonférence des arbres à hauteur de poitrine à environ 1,30 m. Il aurait fallu un échafaudage pour le faire. Mais compte tenu de nos moyens matériels et financiers, il nous a été impossible de surmonter cette difficulté. On a simplement considéré

85

que ces « géants » avaient des diamètres supérieurs à 100 cm, même si on est convaincu que certains individus dépassent 110 cm de tour de taille au dessus des contreforts.

Figure 21 : Section de mur défensif yambassa (Beauvilain et al, 1985)

Notes: Les hommes aux pieds des arbres donnent l'échelle graphique. La figure révèle que les arbres adoptés sont de véritables « géants» et que les contreforts imbriqués forment un « mur » difficile à escalader.

III.2.2.2. La densité relative des individus et des espèces

La densité relative (Dr) renvoie au critère d'abondance des individus. Par exemple, la densité d'une espèce est le rapport du nombre d'individus de cette espèce sur le nombre total d'individus de toutes les espèces dans l'échantillon. La densité est un indicateur de la compétition entre les espèces dans un peuplement. Elle permet aussi d'apprécier la représentativité d'une espèce par rapport à toutes les autres espèces de l'échantillon.

86

Photo Lemoupa, 2013

Photo 14 : Alignement de Ceiba et de Bombax sur le site de Yambassa

Notes : Certains individus sont morts, mais la ligne végétale (au second plan) est encore bien visible sur les sites. Ici, des cacaoyers (au premier plan) sont implantés de part et d'autre de la haie.

Les relevés du transect de Yambassa donnent un nombre total de 396 individus de diamètree 5 cm à hauteur de poitrine (1,30 m du sol) (tableau 4). Deux espèces sont très abondantes: Ceiba pentandra (linn.) Gaertn. avec 121 individus, soit Dr = 25,1 % de l'échantillon, et Bombax buonopozense représentée par 120 individus, soit une Dr de 24,9 %

87

de l'ensemble des individus. Les deux espèces appartiennent à la famille des Bombacaceae. Les haies vives sont donc dominées équitablement par Ceiba pentandra et Bombax buonopozense (figures 22, 23 et 24).

Les autres espèces abondantes dans les haies appartiennent au genre Ficus avec 58 individus, soit un taux de 14,8 % (tableau). Les espèces appartenant à ce genre sont respectivement Ficus thonningii Forssk. (25 individus), Ficus exasperata Vahl. (8) et Ficus spp (9). Les deux autres genres abondants sont Celtis (C. zenkeri, C. milbraedii, Celtis adolfi-fridericii) (19) et Cola (C. grandifolia, C. lateritia, C. lepidota) (19), soit une Dr de 6,1 % de l'échantillon pour chacun. Les deux genres appartiennent respectivement aux familles des Ulmaceae et des Sterculiaceae. Les autres individus du transect appartiennent à un seul genre.

III.2.2.3. Le critère de dominance des individus et des espèces

Le critère de dominance fait référence à la taille des individus. Celle-ci se base essentiellement sur les classes de diamètres. Une famille représentée par deux espèces, à savoir Ceiba pentandra et Bombax buonopozense domine nettement l'échantillon. Le relevé compte en tout 225 individus de diamètres supérieur à 100 cm parmi lesquels 221 appartiennent aux deux espèces, soit 98,2% de l'échantillon (tableau 6). On compte ainsi 118 pieds de Ceiba pentandra (soit 52,7% des individus de très grandes tailles) alors que Bombax buonopozense, avec 103 individus dans cette classe des géants, représente 45,7% des émergents. Dans cette classe, les autres espèces comme Albizia adianthifolia, Canarium schweinfurtii, Ricinodendron heudelotii et Ficus mucoso complètent la liste des géants, mais sont représentées par un seul individu chacune.

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Figure 22 : La distribution locale de Ceiba et de Bombax sur le transect de Yambassa

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Figure 23 : Distribution des individus et des classes de diamètre sur le transect de Yambassa

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III.2.2.4. Le critère de dominance des familles

Le tableau 5 atteste que dans le relevé, les Bombacaceae composées de Ceiba pentandra et Bombax buonopozense représentent 56,1% des individus. Compte tenu des contreforts très hauts perchés qu'ils disposent, il n'a pas été possible de mesurer la circonférence des fûts. Pour 121 pieds de Ceiba pentandra, seulement 3 individus ont un diamètre compris entre 34 et 75 cm. Par contre, 118 sont de catégorie « hors norme ». La circonférence de ces individus est supérieure à 250 cm au dessus des contreforts qui s'élancent en moyenne entre 3 et 7 m au dessus du sol et s'étalent latéralement sur 4 à 8 m. On n'oublie pas que ce sont justement ces contreforts qui ont suscité leur adoption dans les haies par les populations qui s'en sont servi à l'époque comme murs défensifs dans le contexte de guerres tribales. Bombax buonopozense affiche les mêmes caractéristiques morphologiques sur sa base. Pour 120 individus, 103 sont « hors norme» et seuls 17 individus sur 120 ont une circonférence comprise entre 70 et 240 cm.

Quant aux Moraceae, leur poids total est de 14,6%. Viennent ensuite les Sterculiaceae et les Ulmaceae avec 6,1% chacune. Les autres familles sont représentées à moins de 2% du relevé. La biodiversité n'est pas très élevée, mais on constate qu'au fil des ans, les populations ont privilégié les espèces utiles au détriment de la diversification biologique.

A l'opposé, les jeunes et les très jeunes individus (les juvéniles) dans le relevé appartiennent principalement à la famille des Moraceae. C'est le cas de Ficus thoningii qui compte 17 individus dans la classe de 5 à 9 cm. En dehors de cette espèce, deux autres seulement sont représentées au moins par 2 individus. Il s'agit de Celtis sp avec 4 individus et de Cola lepidota avec 2 individus. Dans la catégorie des jeunes individus (classes de 10 à 19 cm), Ficus thoningii et Celtis sp sont les plus présentes avec respectivement 10 et 4 individus.

91

Figure 24 : La représentation des principales espèces (nombre d'individu supérieur à 2)

Deux faits marquants ressortent du tableau 4 :

- La présence régulière des espèces comme Ficus thoningii dans toutes les classes sauf dans celles des plus de 79 cm. Celtis sp et Dacryodes edulis affichent un comportement semblable. Ces espèces apparaissent comme des espèces de l'avenir puisqu'elles affichent clairement un renouvellement constant.

- Par contre, le fait le plus riche d'enseignement est l'absence totale de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense dans la catégorie des classes de 5 à 19 cm. Même dans les classes juste au dessus, elles sont sous représentées. Entre 20 et 79 cm, on compte seulement 7 individus appartenant à ces deux espèces (2 individus seulement pour Ceiba et 5 pour Bombax). Ce constat laisse penser que les deux espèces sont caractérisées par une très faible capacité de renouvellement. Peut-être parce que le sous bois étant généralement couvert dans le contexte local, les graines de ces deux espèces héliophiles ne trouvent pas de conditions favorables à leur germination. Ou alors, le contexte ayant changé, l'intérêt de la population à l'origine de leur implantation est plutôt porté vers d'autres espèces.

92

Autrement dit, bien que dominatrice en taille et en nombre, Ceiba pentandra et Bombax buonopozense semblent vouées à une disparition à long terme puisqu'elles ne se renouvellent pas spontanément. Par contre, les individus comme Ficus thoningii, Celtis sp, Cola lepidota et Dacryodes edulis semblent être les espèces d'avenir compte tenu de l'importance remarquable de leurs jeunes individus.

Le résultat permet de constater la vieillesse des Bombacaceae et la jeunesse des Moraceae et des Burseraceae. Ceci semble être une conséquence des choix de l'homme. Celui-ci, en opérant des choix en fonction des besoins et des exigences du moment, privilégie certaines espèces au détriment des autres. Lorsqu'il fallait se défendre dans le contexte des guerres, les Bombacaceae ont été privilégiées. Les guerres ayant cessé depuis environ 1 siècle, le privilège semble être accordé aux espèces les plus rentables sur le plan économique et alimentaire. Ainsi Dacryodes edulis qui est un arbre fruitier est constamment renouvelé ou entretenu comme c'est aussi le cas de diverses espèces du genre Cola. Le renouvellement des deux Bombacaceae n'a pas été assuré du fait d'un intérêt porté sur d'autres espèces plus rentables à court terme. Il n'en demeure pas moins vrai que les effets écologiques et économiques à long terme sont visibles sur le site. Par exemple, l'ombrage des Bombacaceae est indispensable aux cacaoyers.

III.2.3. Les données de la structure des haies : l'importance des trouées

On constate, d'après le relevé que les arbres originels des haies que sont Ceiba pentandra et Bombax buonopozense, sont implantées de manière discontinue. Sur le transect, la largeur de ces trouées varie entre 5 et 20 m en moyenne. Les plus importantes sont celles situées de part et d'autre de la route nationale N0 4 (figure 23).

De nombreux individus sont morts, mais n'ont pas été remplacés. Ou plutôt, les trouées ont été colonisées par des espèces plantées par l'homme, à l'instar des cacaoyers, palmiers à huile, safoutiers, manguiers, avocatiers. D'autres trouées sont simplement envahies par des espèces pionnières de la forêt en commençant par les Ficus (Ficus thonnigii, Ficus exasperata, Ficus mucoso). A côté, on rencontre d'autres pionnières comme Albizia adianthifolia. (Tableau 5 et figures 23 et 24).

Aujourd'hui, même en l'absence des guerres qui ont jadis justifié l'adoption des Bombacaceae, le mythe qui veut que l'abattage d'un de ces arbres soit gage de malédiction semble avoir constitué un facteur de préservation. En effet, les témoignages disent que selon les traditions, il est strictement interdit d'abattre un de ces arbres. Dans le cas contraire, des

93

malheurs indescriptibles s'abattraient sur l'auteur et sa famille. De tels mythes sont largement rependus, y compris dans la région des hautes terres de l'ouest, notamment dans les départements du Haut-Nkam et du Noun où seules des personnes dotées de pouvoirs occultes peuvent s'en approcher pour les couper ou pour en extraire quelques substances comme la sève ou l'écorce.

Il semble aussi que les décès des individus constitutifs des haies originelles n'affectent pas à l'heure actuelle les investissements prioritaires des populations. Au contraire, celles-ci semblent s'être adaptées et exploitent les « chablis » pour installer des cacaoyers et des arbres fruitiers. Ils tolèrent en même temps l'installation spontanée des arbres à bois utiles pour leurs bois (Mansonia altissima, Milicia excelsa, Terminalia superba, Pycnanthus angolensis), pour leurs fruits et/ou graines (Canarium schweinfurtii, Cola spp, Ricinodendron heudelotii), pour leur ombrage indispensable aux plants de cacaoyers (Ficus spp, Albizia spp) mais aussi pour leurs vertus médicinales (Rauwolphia vomitoria, Voacanga africana). Pour les autres espèces abondantes comme Celtis sp, Celtis milbraedii et Celtis zenkeri, une explication logique ne nous a pas été fournie au stade actuel des enquêtes. Il existe plusieurs autres espèces tolérées, mais leurs densités restent faibles.

94

Tableau 5 : Relevé du transect de Yambassa

 
 
 
 
 

Classes des diamètres en cm

 
 
 

N° Familles

Espèces

5-9

10-19

20-29

30-39

40-49

50-59

60-79

80-99

> 100

Total

1 Bombacaceae

Ceiba pentandra

 
 

1

1

 
 

1

 

118

121

2 Bombacaceae

Bombax buonopozense

 
 
 

1

2

2

6

6

103

120

3 Mimosaceae

Albzia adianthifolia

 
 
 

1

 
 
 

1

1

3

4 Burseraceae

Canarium schweinfurtii

 
 
 
 
 
 

1

 

1

2

5 Euphorbiaceae

Ricinodendron heudelotii

 
 
 
 
 
 
 

1

1

2

6 Moraceae

Ficus mucoso

 
 
 
 
 
 
 
 

1

1

7 Sterculiaceae

Cola gigantea

 
 

1

 

1

 
 

1

 

3

8 Combretaceae

Terminalia superba

 
 
 
 
 
 
 

1

 

1

9 Moraceae

Ficus thonningii

17

10

9

8

5

2

2

 
 

53

10 Sterculiaceae

Mansonia altissima

 

1

1

1

 
 

1

 
 

4

11 Burseraceae

Dacryodes edulis

 

1

3

1

1

3

1

 
 

10

12 Sterculiaceae

Cola sp

1

1

3

3

7

 

1

 
 

16

13 Moraceae

Milicia excelsa

 

1

 
 
 
 

1

 
 

2

14 Euphorbiaceae

Funtumia elastica

 
 
 
 

1

1

 
 
 

2

15 Apocynaceae

Rauvolfia vomitoria

 
 
 
 

2

 
 
 
 

2

16 Ulmaceae

Celtis sp

4

4

2

4

1

 
 
 
 

15

17 Ulmaceae

Celtis zenkeri

 

1

2

1

1

 
 
 
 

5

18 Moraceae

Ficus exasperata

 
 
 

1

1

 
 
 
 

2

19 Ulmaceae

Celtis milbraedii

 

1

 

3

 
 
 
 
 

4

20 Apocynaceae

Voacanga africana

1

2

 

2

 
 
 
 
 

5

95

 
 
 
 
 
 

Classes de diamètre en cm

 
 
 

Familles

Espèces

5-9

10-19

20-29

30-39

40-49

50-59

60-79

80-

99

> 100

Total

21

Myristicaceae

Pycnanthus angolensis

 

1

2

1

 
 
 
 
 

4

22

Sterculiaceae

Cola lepidota

2

1

1

1

 
 
 
 
 

5

23

Laureaceae

Persea americana

 

1

 

1

 
 
 
 
 

2

24

Rutaceae

Citrus sp

 

1

 

1

 
 
 
 
 

2

25

Bignoniaceae

Spathodea campanulata

 

1

2

 
 
 
 
 
 

3

26

Mimosaceae

Albizia ferruginea

1

 

1

 
 
 
 
 
 

2

27

Cecropiaceae

Myrianthus arboreus

 

1

1

 
 
 
 
 
 

2

28

Moraceae

Ficus sp

1

1

 
 
 
 
 
 
 

2

29

Césalpiniacaee

Cassia javanica

1

 
 
 
 
 
 
 
 

1

30

Palmaceae

Elaeis guineensis

 
 
 
 
 
 
 
 
 

14

Total

30

 

28

29

29

31

22

8

14

10

225

396

96

Tableau 6 : Les familles les plus représentées dans le relevé

Famille

Genres

espèces

Individus

%

Bombacaceae

2

2

222

56,1

Moraceae

2

5

58

14,6

Sterculiaceae

2

4

24

6,1

Ulmaceae

1

3

24

6,1

Burseraceae

2

2

12

3

Euphorbiaceae

2

2

4

1

Mimosaceae

1

2

5

1,2

7

12

20

349

88,1

 

60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00%

0,00%

 
 
 

densite relative en %

 

diversité d'espèces

Familles

Arécaceae Apocynaceae Bignoniaceae Bombacaceae Burseraceae Cecropiaceae Celtidaceae Combretaceae Euphorbiaceae Fabaceae Laureaceae Méliaceae Mimosoideae Moraceae Myristicaceae Rutaceae sapindaceae Sapotaceae sterculiaceae ulmaceae

Source : Relevés de terrain

Figure 25 : Densité relative des principales familles

97

Photo Youta Happi, 2013

Photo15 : Contreforts ailés de Ceiba pentandra

En se développant verticalement et horizontalement, les contreforts de Ceiba pentandra forment des « murs vivants » en s'entremêlant lorsque des individus sont alignés. Ces contreforts très hauts situés rendent impossible la mesure de la circonférence des fûts à 1,30 m du sol.

98

Photo Youta Happi, 2013

Photo 16: Les contreforts arqués de Bombax buonopozense

A maturité, les contreforts de Bombax buonopozense sont généralement moins développés que ceux de Ceiba pentandra. Mais ils s'élancent en hauteur à 3 m en moyenne. Au niveau de l'extension latérale, les contreforts des deux espèces s'étendent en moyenne sur 5 à 6 m.

99

Photo Youta Happi, 2013

Photo 17 : Enchevêtrement des contreforts de Ceiba et Bombax

Sur le transect, les haies conservées témoignent de l'efficacité du rideau de défense à l'époque où tous les arbres étaient en place. Non seulement les contreforts s'interpénétraient, mais en plus, certains troncs se touchaient au point de s'emboiter. A droite, trois arbres sont même soudés les uns aux autres.

Conclusion

Les haies vives survivent aujourd'hui, non plus pour le rôle défensif, puisque les guerres entre voisins ont pris fin au début du 20e siècle à l'occasion de l'administration coloniale allemande. Le rôle de pare feu est aussi devenu obsolète parce que les savanes ont depuis disparu au contact immédiat de l'ensemble des haies. Néanmoins, aux yeux de la population, les haies demeurent un symbole protecteur dans le sens spirituel. Elles survivent aussi pour des raisons objectives car sous leur ombrage, des plants de cacaoyers sont aménagés. En fait, ces plantes sciaphiles ont besoin de l'ombrage des arbres pour assurer leur croissance. C'est

100

donc grâce aux haies que des cacaoyers et des palmeraies ont été aménagés dans la région dans la première moitié du 20e siècle. Parallèlement, leur présence a favorisé indirectement l'implantation des bosquets et l'expansion de la forêt dense humide de part et d'autre de leurs lignes d'implantation. Le chapitre 4 décrit les implications de l'aménagement des haies défensives sur le triple plan social, économique et écologique. Il précise en particulier le rôle de ces boisements dans le contexte défensif, dans le cadre de la mise en valeur agricole et dans la dynamique des contacts forêt-savane sur le site.

101

CHAPITRE IV : LES IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET SOCIO-ECONOMIQUES DES HAIES VIVES

Introduction

Les systèmes défensifs végétaux aménagés pour défendre des villages, des cités et des propriétés ont été décrits dans plusieurs territoires de savanes et de steppes tropicales (Seignobos, 1978 et 1980). Mais partout, ces « murs enceints» élevés uniquement dans les domaines végétaux ouverts sont tombés en désuétude, la colonisation européenne ayant mis fin aux guerres entres des peuples voisins rivaux. Dans l'extrême nord du Cameroun, c'est-à-dire au nord-ouest de la ville de Maroua, les haies ne servent plus aujourd'hui qu'à canaliser le bétail hors des champs. Au centre Cameroun, la conservation des alignements d'arbres a permis non seulement de protéger les plantations de palmiers à huile contre les feux de brousse de savanes, mais ils ont aussi permis d'étendre les champs vivriers et les plantations de cacaoyers. Les haies vives à Ceiba pentandra et Bombax buonopozense ont même créé des conditions écologiques de dissémination et de recrutement d'espèces pionnières de la forêt dense, comme les relevés botaniques l'ont montré.

IV.1. Les impacts écologiques

Sur le plan écologique, les arbres jouent un rôle essentiel dans le domaine de la mosaïque forêt-savane. Non seulement ils servent d'habitat à un grand nombre d'espèces animales et végétales, mais ils remplissent de nombreuses autres fonctions. Grâce à la photosynthèse qui se réalise au niveau des feuilles, ils rejettent de l'oxygène dans l'atmosphère. Les racines des arbres retiennent les sols, ce qui diminue considérablement l'érosion. Les forêts réduisent le ruissellement des eaux de pluies ; elles interceptent l'eau des précipitations et les redistribuent: une partie de l'eau de pluie recueillie au sommet coule le long du tronc des arbres et le reste est diffusé à travers les branches et le feuillage.

IV.1.1. les impacts écologiques de Ceiba pentandra et Bombax buonopozense

Ceiba pentandra et Bombax buonopozense préparent l'invasion de la savane par la forêt en constituant dans un premier temps de boucliers pare feux (figure 26). Du fait de cette barrière naturelles contre la propagation des feux, l'implantation des espèces de la forêt en savane est possible, voire accélérée. Mais au paravent, les populations ont exploité le bouclier pour

102

implanter, dans un premier temps des palmiers à huile (rapport du Major Hans Dominik cité par Beauvilain et al., 1985 et Mekindé, 2004). Plus tard, ces populations ont diversifié les cultures en cultivant des arbres fruitiers exotiques et indigènes, mais aussi en plantant le cacaoyer à partir des années 1930. Ainsi, en pays yambassa, ces deux espèces favorisent l'agroforesterie (figure 28 et photo 18).

Parlant de l'exploitation des espèces forestières, la coupe sélective par définition répond à deux critères : une catégorie précise d'espèces à bois précieux demandée sur le marché et un diamètre minimum d'exploitabilité (DME). Pour optimiser la rentabilité, l'exploitant a pour souci de prélever uniquement les espèces sollicitées par les marchés. De l'autre côté, l'Etat propriétaire de la forêt doit préserver son patrimoine et éviter les critiques des organisations qui militent pour la conservation des écosystèmes forestiers intertropicaux. Bien que le DME ait été fixé de façon à permettre le renouvellement des espèces exploitées dans leur milieu (les arbres étant supposés être sexuellement mûrs avant d'avoir atteint ce seuil), certaines études permettent d'établir des perturbations qui ont des conséquences sur les processus devant assurer la régénération de la diversité génétique, et en particulier les mécanismes reproducteurs (Jennings et al. 2001 cités par Lourmas, 2005). En effet, le prélèvement concerne des individus qui sont supposés être reproducteurs, des individus âgés qui sont souvent considérés comme des réservoirs de la diversité génétique. Leur exploitation est de nature à limiter la reproduction de l'espèce. Même si l'exploitation sélective des forêts se caractérise par le prélèvement des arbres situés au dessus d'un seuil de diamètre (appelé diamètre minimum d'exploitabilité) fixé par espèce et mesuré à 1,30 mètre du sol, elle ne cause pas moins des dégâts sur la forêt. L'exploitation pourrait conduire à la raréfaction des arbres les plus vieux dont certaines ne se régénèrent que très lentement. Elle entraîne aussi une ouverture importante du milieu forestier (ouverture de la canopée) (Lourmas, 2005).

Stade 1 Stade 2

103

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Figure 2 : La reconstitution d l'évolution d shaies défensives su r le tra s c

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104

Ainsi, les espèces des haies sont à l' origine de la diversification des activités des exploitants agricoles, avec constitution d'un patrimoine d'arbres de valeur, sans interrompre le revenu courant des parcelles plantées. Elles jouent un rôle protecteur des arbres pour les cultures intercalaires ou pour les animaux : effet brise-vent, abri du soleil, de la pluie, du vent, fixation des sols, stimulation de la microfaune et de la microflore des sols.

En outre, elles favorisent la récupération par les racines profondes des arbres d'une partie des éléments fertilisants lessivés ou drainés ; nous notons aussi l'enrichissement du sol en matière organique par les litières d'arbres et la mortalité racinaire des arbres.

Une étude menée dans deux sites représentatifs du bassin de production du cacao du sud Cameroun à savoir Ngomedzap à 110 km environ au sud de Yaoundé, capitale politique du Cameroun, en zone de forêt humide à pluviométrie bimodale et Bokito à 150 km au nord de Yaoundé en zone de transition forêt - savane par Bidzanga Nomo et al. en 20095 a permis de caractériser les perceptions des paysans sur la contribution des essences associées à l'amélioration de la fertilité des sols sous cacaoyers pour certaines essences dont les racines sont mieux colonisées par les mycorhizes : Ficus mucoso (53-73%), Ficus exasperata (53%), Ceiba pentandra (60-67%), Ricinodendron heudelotii et Canarium schweinfurthii (47%), Spathodea campanulata (40%), Entrandropragma cylindrica (13-33%), Terminalia superba (33%), Milicia excelsa (20-27%). Les paysans soutiennent que les essences à système racinaire profond améliorent la structure du sol et n'entrent pas en compétition avec d'autres plantes pour l'eau. Ils observent aussi que le sol autour de ces essences garde une humidité relativement élevée par rapport aux autres niches du système. Par contre, ils estiment que les essences à système racinaire superficiel « assèchent » le sol et par conséquent, empêchent le développement normal des cultures associées. La surface foliaire et la surface des feuilles des essences associées, selon les perceptions paysannes, déterminent la biomasse produite, qui une fois décomposée, améliore la fertilité du sol (Bidzanga Nomo, Op.cit.).

Les espèces des haies vives yambassa sont des espèces à potentiel agroforestier. Voacanga africana a l'avantage d'être intégré dans les agroforêts à cacao du Cameroun. Ces espèces favorisent la restauration de la fertilité des sols, apportent de l'ombrage aux cacaoyers proches au même titre que Ceiba pentandra et Bombax buonopozense, jouent un rôle de

5Bidzanga Nomo et al., 2009. Mycotrophie et fertilisation dans les agroforêts et connaissances paysannes des essences fertilitaires dans les agroforêts à base de cacaoyers du sud Cameroun. Cameroon Journal of Experimental Biology 2009 Vol. 05 N° 02, 79-86.

105

brise-vent et constituent des habitats pour faune. Leur exploitation entraîne également une légère modification de la biodiversité floristique.

Photo Youta Happi, 2013

Photo 18 : Au coeur d'un bosquet implanté entre les haies de Ceiba et de Bombax à Yambassa

Lorsque les haies se sont implantées définitivement dans les savanes, les populations ont d'abord aménagé des palmeraies derrière le rideau d'arbres (Beauvilain et al., 1985). Au début du 20e siècle, les agriculteurs ont aussi déployé des plants de cacaoyers aux mêmes emplacements. Plus tard, les savanes ont été éliminées et remplacées par des agroforêts à base de cacaoyers, de palmier à huile et de fruitiers. Ailleurs, tous les espaces non aménagés en champs et plantations sont systématiquement envahis par des bosquets.

IV.1.2. La poursuite de la sélection et de l'introduction des essences utiles IV.1.2.1. L'enrichissement de la biodiversité

Les arbres associés aujourd'hui aux haies vives ont entraîné la dispersion d'autres espèces de plantes. L'enrichissement direct se traduit par la culture des essences à bois précieux et des fruitiers. Les fruitiers en particulier donnent des aliments, non seulement aux hommes, mais

106

aussi aux animaux et aux oiseaux (figure 27). A leur tour, les arbres pionniers qui se sont installés opportunément à l'instar des Ficus, constituent des pôles d'attraction pour de nombreux oiseaux et mammifères comme les chauves souris qui s'y posent pour consommer leurs fruits ou simplement pour nicher. Au passage, leur déjections et fientes qui comportent des graines et semences contribuent à la dissémination d'autres espèces dont ils ont consommés les fruits ailleurs.

IV.1.2.2. Le rôle des espèces auxiliaires des haies vives

Les autres espèces des murs vivants sont en grande partie les espèces forestières qui se sont développées à l'ombre de Ceiba et Bombax. Sur le plan écologique 100% de notre échantillon affirment que ces espèces jouent le rôle d'ombrage, de brise-vent et de création des cacaoyers. D'autres ont des rôles spécifiques. Il s'agit d'espèces à bois précieux (Mansonia altissima ou bété, Triplochiton scleroxylon ou ayous, Milicia excelsa ou iroko, Terminalia superba ou fraké, Pycnanthus angolensis ou ilomba), d'espèces produisant un bon bois de chauffage comme (Ficus spp), d'espèces ayant une valeur rituelle et/ou médicinale (Voacanga africana, Rauwolfia vomitoria), et d'espèces à valeur alimentaire (Dacryodes edulis, Canarium schweinfurtii, Myrianthus arboreus) (figures 27et 28).

Figure 27 : Les services écologiques et économiques rendus par les arbres inclus dans les haies

107


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Ceiba pentandra

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Palmier à huile

 
 

Bombax buenopozen se

 

(Eters guineensis)

 


·

Ficus spp


·

Arbres fruitiers

 


·

Albiaia spp

 

Axe d'alignement

Sources: Relevés


·

Autres espèces de la forêt dense

 

des haies

de terrain

Classe des diamètres

>100cm 70 à 100 40 à 69 20 à 39 5à 19

Figure 28 : La distribution de la biodiversité sur le transect de Yambassa

108

IV.1.3. La contribution à la préservation et à la restauration de la biodiversité

Les haies vives du pays Yambassa sont un véritable facteur de transformation de l'interface forêt-savane dans cette region même si elles restent pour les populations locales un souvenir de leurs ancêtres. Elles favorisent le développement d'un couvert végétal forestier dans cette localité. Au départ, elles ont formé des couloirs de forêts denses longeant les pentes et côtoyant par ci par là les galeries forestières. Puis, derrière le rideau à côté des habitations, des arbres utiles (fruitiers principalement) ont été plantés. La diversification biologique s'est ensuite réalisée à la faveur de dispersions spontanées d'autres espèces pionnières de la forêt comme les Ficus (figures 26, 27, 28 et 29 et photo 18).

A l'échelle de la région, cette évolution s'est traduite par la constitution de bosquets et d'îlots forestiers. La dynamique est alors de type «coalescence de bosquets», avec conversion de la savane en forêt par apparition, croissance et coalescence de bosquets en pleine savane due à l'agroforesterie. Ce scénario se traduit par une afforestation en masse des savanes. Il s'agit d'un scénario beaucoup plus rapide que dans la dynamique du type «déplacement de lisière». Ainsi, les forêts ont de tout temps fourni aux Hommes, aux animaux et aux écosystèmes des biens et services parmi lesquels la protection et l'amélioration de la fertilité (hydrique et minérale) des sols (Akpo, 1993 ; 1998) pour la nutrition des plantes, la réduction de la pauvreté dans le monde rural et la sécurité alimentaire (FAO, 2003) par divers produits forestiers ligneux et non ligneux.

Les haies vives sont à l'origine de l'agroforesterie. La « reforestation» ou « arborisation» à base d'agroforêts comprenant des cultures pérennes remplit des fonctions de production de biens (alimentation, bois énergie, plantes médicinales, produits de vente comme, le cacao et le bois d'oeuvre) et de services environnementaux (maintien de la biodiversité et de la fertilité du sol, contrôle des flux d'eau et de l'érosion, séquestration du carbone, habitats pour la faune) (Aboubacar et al., 2007). Dans le village yambassa, les plantations ont pris la forme de systèmes agroforestiers complexes dénommés « agroforêt ». Une agroforêt se définit comme l'association d'une ou plusieurs cultures pérennes (caféier, cacaoyer, colatier, fruitiers) avec un grand nombre de composants végétaux (arbres, arbustes, lianes, herbacées) aux usages multiples (De Foresta, Michon, 1996 ; 1997). Pour Torquebiau (2007), l'agroforesterie est définie comme un système de gestion durable de la terre qui augmente la production totale, et associe des cultures, des arbres, des plantes forestières parfois avec des animaux d'élevage, simultanément ou en séquence.

109

Photo 19 : Photographie aérienne n° 172 de la mission IGN 016 AEF 1951/1952 au 1/50000

Figure 29 : Photo interprétation de la photographie aérienne IGN n° 172, AEF de 1951

110

Les murs vivants attirent les espèces pionnières de la forêt qui profitent de l'ombrage qu'ils offrent pour se développer. Ils accélèrent la croissance en diamètre des arbres. Ils sont aussi à l' origine de :

· La création de paysages originaux, attractifs, favorables aux activités récréatives. Les parcelles agroforestières représentent un potentiel paysager réellement novateur, porteur de symboles forts et favorables à l'image de marque des agriculteurs dans la société.

· La lutte contre l'effet de serre : constitution de systèmes efficaces pour la séquestration du carbone, par combinaison du maintien du stock organique des sols et superposition d'une strate arborée fixatrice nette de CO2, mais aussi d'azote.

· La protection des sols contre les eaux, en particulier dans les périmètres sensibles (nappes de surface, écoulements hypodermiques, zones sensibles à l'érosion)

· L'augmentation de la biodiversité, notamment par l'abondance des effets de lisières. Cela permet notamment une amélioration cynégétique, en favorisant l'habitat du gibier.

· Accélération de la croissance de la forêt.

Les arbres peuvent aussi constituer un frein à l'érosion dans les zones cultivées. Ces lignes d'arbres ou arbustes autour des champs constituent des brise-vent. La plantation des arbres réduit localement l'intensité du ruissellement des eaux de pluies (Djombaye, 2005).

Dans le contexte actuel où de nombreux pans de forêt dense sont dégradés à l'échelle

planétaire, la haie contribue à préserver ce qui peut encore l'être, notamment grâce à ses

fonctions de remaillage des écosystèmes soumis à une fragmentation croissante. Les réseaux de haies vives forment des corridors écologiques permettant de relier des sites boisés ou systèmes de lisières ou clairières utiles ou nécessaires au déroulement des cycles biologiques de la faune: sites de nourrissage, de repos, de reproduction, etc. la haie est aussi un corridor essentiel pour certains champignons forestiers et pour des plantes forestières (soit par le transfert de leurs fruits ou graines par des animaux circulant dans les haies, soit par un transfert de pollen de certaines espèces ), malgré le caractère « linéaire » de la haie.

Les haies plantées en privilégiant les espèces locales et génétiquement diversifiées participent à la conservation de la diversité génétique. En outre, la biodiversité nécessitant à la fois une intégrité écologique, une certaine hétérogénéité écopaysagère et une complexité des écosystèmes ; la haie différencie des zones plus ou moins abritées des intempéries, et des zones d'ombre et de soleil, plus sèches ou plus fraîches et humides aux sols moins colmatés,

111

etc. Elle offre à un grand nombre d'espèces le minimum de complexité écopaysagère nécessaire à leur survie.

L'agroforesterie joue un rôle important dans la satisfaction de la demande pour les produits du bois. Au Pakistan, environ 90% du bois de chauffage et 46% du bois d'oeuvre sont pourvus par des plantations d'arbres sur des terres agricoles privées. Les cacaoyères sont des écosystèmes agroforestiers multistrates dont la gestion a pendant des décennies été orientée vers la production du cacao en se servant de l'ombrage fourni par les arbres. Ce sont des structures qui imitent la forêt naturelle, végétation climax dans les basses terres humides des tropiques (Norgrove, 1999 ; Sonwa, 2004). La stratification horizontale et verticale des composantes qu'on y retrouve est un facteur important de la durabilité. Les agroforêts cacaoyers du sud Cameroun font de ce fait partie des systèmes durables d'utilisation des terres dans les zones forestières d'Afrique centrale et de l'ouest (Gockowski et Dury, 1999).

L'agroforesterie offre de nombreux avantages, tant pour les producteurs agricoles que pour la société en général. Sans doute, l'agroforesterie par ses multiples fonctions environnementales et économiques, peut aider les secteurs agricole et forestier. L'agroforesterie qui s'inscrit de façon pratique dans le concept du développement durable se révèle un outil concret pour mettre en valeur la multifonctionnalité de l'agriculture. Les pratiques agroforestières peuvent contribuer à la mise en place de « paysages humanisés » dans les régions rurales et elles représentent aussi un volet important de l'approche multiressource de la gestion de la forêt privée. « Cette polyvalence contribue à l'intérêt grandissant que démontrent des acteurs du développement économique régional pour les pratiques agroforestières, lesquelles sont intégrées dans divers projets d'aménagement et de développement» (Baets, 2007).

IV.1.4. L'implantation des agroforêts et des bosquets anthropiques

En milieu de savanes, la mise en valeur agricole conduit dans certains cas à la création des agroforêts et des bosquets. Le processus comporte plusieurs étapes qui varient souvent d'un endroit à un autre selon les espèces de plantes cultivées et selon la durée de l'exploitation:

IV.1.4.1. L'élimination des graminées par les défrichements et la suspension des feux

Elle consiste au défrichement d'une parcelle de savane. Le travail commence par l'installation des champs de cultures vivrières composées de la manière suivante: taro, arachide, maïs, manioc et bananier plantain. Ces plantes sont souvent aménagées en association par deux ou trois en même temps. Dès la première année, les parcelles de savanes cultivées sont protégées des feux de brousse.

112

IV.1.4.2. L'introduction volontaire et spontanée des arbres et des espèces pionnières de la forêt

Une ou deux années après les premières cultures, les agriculteurs introduisent des arbres de manière isolée. Ici et là les espèces varient et on rencontre aussi des manguiers, des avocatiers et des safoutiers. A certains endroits, on trouve des espèces à bois d'oeuvre comme le teck (introduit dans la région au début du 20e siècle par les colonisateurs allemands). Ces arbres sont composés essentiellement de fruitiers au premier rang desquels le palmier à huile. La durée de vie des arbres plantés est élevée du fait de la suspension durables des feux qui seuls empêchent la colonisation spontanée de la savane par la forêt.

IV.1.4.3. L'implantation durable des arbres et des espèces pionnières de la forêt

Une fois la parcelle exploitée par les cultures vivrières, les plants de cacaoyers sont introduits à côté des arbres et de quelques plantes vivrières comme le bananier plantain qui est gardé longtemps dans les champs. La suspension des feux durant plusieurs années successives permet une croissance élevée des espèces pionnières. Celles-ci sont en majorité composées d'espèces héliophiles à croissance rapide et à bois mou comme Ceiba pentandra, Albizia glaberrima, Albizia zygia, Albizia adianthifolia. Le recensement n'est pas exhaustif parce qu'au fil des ans, certaines espèces jugées peu utiles pour diverses raisons sont éliminées systématiquement.

IV.1.4.4. La colonisation de la forêt par élargissement des bosquets d'origine anthropique

Lorsque les jachères de savanes ne sont pas transformées en cacaoyers, elles sont néanmoins envahies en totalité par des espèces d'arbres de la forêt. La différence entre ces bosquets anthropiques qui se mettent en place et les bosquets naturels réside dans la composition floristique. Les bosquets spontanés sont essentiellement composés d'espèces de la forêt dense.

Tableau 7 : Opinion sur le milieu de création des cacaoyères

`

Milieu de création des cacaoyères

Effectifs

pourcentages

Savane

56

93,33

Forêt

4

6,66

Total

60

100%

113

Dans la localité de Yambassa, les cacaoyères sont plus créées en milieu de savane. Ceci contribue à un élargissement du couvert végétal forestier puisqu'ils associent à cette culture les arbres fruitiers et d'autres espèces à bois précieux. Sur 60 paysans interrogés, 56 affirment qu'ils créent les cacaoyères en milieu de savane (Tableau 7).

Photo Lemoupa, 2013

Photo 20 : Implantation d'un bosquet à la suite d'un boisement de teck (Tectona grandis)

Les bosquets anthropiques quant à eux sont en partie composés de fruitiers exotiques tels que les manguiers, les avocatiers et d'espèces indigènes comme le palmier à huile, le safoutier et les colatiers. Les deux types se ressemblent néanmoins par une grande richesse floristique en espèces héliophiles à croissance rapide. Des travaux plus approfondis pourraient permettre d'évaluer les richesses respectives en biodiversité floristique.

Toujours est-il que ces processus d'investissements des parcelles de savanes par les cultures vivrières suivies de longues jachères ou d'aménagements de plantations de cacao ont conduit à une dispersion des bosquets. La répétition de ces procédés dans le temps et dans l'espace a finalement conduit à une nette augmentation des surfaces boisées dans la région depuis le début du 20e siècle (figure 29).

IV.1.5. Les haies vives comme corridors de dissémination d'espèces de la forêt dense

Sur le plan écologique, les haies contribuent nettement au maintien de la biodiversité. La haie est aujourd'hui constituée de strates floristiques qui sont autant de milieux de vie pour une flore et une faune diversifiées. Le maillage de l'espace, même s'il est localisé autour de quelques terroirs, fait office de lien entre différents milieux (forêt galeries dans les bas fonds,

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savanes arbustives sur les versants, savanes herbeuses dans les bas fonds marécageux) et offre des corridors de dispersion importante (figure 30 et 31). En effet, les haies servent de couloirs de circulation pour les animaux et d'étapes de déplacements pour diverses espèces d'oiseaux frugivores. Toute cette faune joue un rôle déterminent dans la dispersion de graines d'espèces forestières. Pour les animaux il s'agit principalement, d'après les enquêtes, des singes et des rongeurs comme les aulacodes, les taupes, les rats des champs, les écureuils et les rats palmistes qui disséminent les graines à travers leurs déjections. Ils les dispersent aussi en les stockant dans leurs terriers. Parmi les oiseaux on recense principalement les chauves souris qui, en se nourrissant notamment des fruits des Ficus et d'autres arbres fruitiers, contribuent à leur dispersion à travers leurs fientes.

Certes, les haies se sont émiettées dans le temps. Les arbres morts n'ont pas été remplacés. Mais de manière globale, le taux de boisement a augmenté dans la zone : d'une part du fait de l'augmentation des boisements anthropiques, mais aussi de la multiplication et de la densification des plantations de cacaoyers et de palmeraies. L'augmentation globale du taux de boisement et même de l'étendue de la forêt offre ainsi plusieurs avantages écologiques sur le site. D'abord parce que la forêt offre plus de services écosystémiques que les savanes : une grande capacité de stockage de carbone et des gaz à effet de serre, une grande richesse en biodiversité floristique et plus d'opportunités de mise en valeur agricole puisqu'on peut implanter en forêt aussi bien des champs de cultures vivrières que des plantations de cacaoyers.

Toutefois, compte tenu de la dégradation partielle, les alignements d'arbres « géants» risquent de disparaître à long termes si les individus morts ou abattus ne sont pas remplacés systématiquement. Les arbres comme Ceiba pentandra et Bombax buonopozense sont après tout des espèces héliophiles à croissance rapide, mais leur durée semble relativement moyenne. Dans la littérature, leur longévité n'est pas précisée, mais la plupart des individus manquants aujourd'hui sont mort de vieillesse, d'après les enquêtes.

Cependant, La superposition des images de 1951 et de 2013 montre une progression nette de la forêt et des agroforêts sur la savane. Sur un territoire de 4553 ha, la savane occupait 3810,6 ha en 1951 soit 83,7% de la zone contre 742,4 ha pour la forêt (16,3%). En 2013 la savane est étendue sur 3022,4 ha, soit 66,4% de la zone. Quant à la forêt, elle occupe 1530,6 ha en 2013, soit 36,6%. Au final, la forêt a plus que doublé sa superficie en s'étendant en savane sur 788,2 ha, soit une progression de 17,31 ha/an.

Figure 30 : La reconstitution de l'implication de l'aménagement des haies vives défensive

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Figure 31 : La dynamique des contacts forêt-savane sur le site de Yambassa entre 1951 et 2013 : l'expansion de la forêt

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IV.2. Les impacts socio-économiques IV.2.1. Les impacts thérapeutiques

Dans le monde, les différentes parties des plantes (feuilles, écorces, racines, fruits, graine, fleurs) ont toujours été utilisées comme médicaments. Les molécules à base de plantes sont considérées comme peu toxiques et doux par rapport aux médicaments pharmaceutiques obtenus à partir de composés chimiques. Les industries pharmaceutiques sont de plus en plus intéressées par l'étude ethnobotanique des plantes. L'Afrique dispose d'une diversité importante de plantes médicinales. Dans le monde tropical en général, et en Afrique en particulier, Ceiba et Bombax possèdent d'importantes vertus médicinales et culinaires.

Au Nigeria, les feuilles, l'écorce, les pousses et les racines sont largement employées. Les herboristes utilisent cette drogue en combinaison avec d'autres plantes locales pour traiter l'hypertension et le diabète. Les biochimistes de ce pays ont montré qu'un extrait d'écorce donné à des rats ayant un diabète (induit artificiellement) réduisait significativement leur niveau de glucose sanguin. Au Cameroun, les enquêtes sur les marchés révèlent une propriété efficace de l'écorce pilée pour le traitement des ulcères d'estomac et de la peau. Sur le site, cette plante est réputée traiter le mal de tête, les vertiges, la constipation, les troubles mentaux, la fièvre et la diarrhée affectant les enfants. En effet, d'après les travaux de Nwagba et al., (2013) des extraits de feuilles de Bombax traiteraient l'ulcère.

Les plantes médicinales constituent des ressources précieuses pour la grande majorité des populations rurales en Afrique où plus de 80% de personnes s'en servent pour assurer les soins de santé (Jiofack et al., 2009, 2010). De plus, les produits forestiers non ligneux ont éveillé un intérêt considérable en Afrique au cours de ces dernières années pour leur contribution à l'économie des ménages et la conservation de la biodiversité végétale (Betti, 2002). Compte tenu de leur apport dans l'usage médicinal, ces plantes se trouvent au centre de plusieurs activités liées aux produits forestiers non ligneux. La diversité de produits émanant des forêts tropicales est sans limite. On estime qu'il existe 150 produits forestiers non ligneux importants pour le commerce international dont la valeur moyenne se situait entre 5 et 10 milliards de dollars USA dans les années 1990 (Apema et al., 2010). Ces estimations ne tiennent pas compte des produits forestiers non ligneux qui sont commercialisés au niveau national et local. La mise en valeur des produits forestiers non ligneux exige la prise en compte de leur sécurité future et celle des forêts qui en fournissent. Au Cameroun, les plantes médicinales sont vendues régulièrement sur les marchés des

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centres urbains en différentes saisons de l'année (Betti, 2002). Ils alimentent le petit commerce de proximité exercé par les deux sexes et apportent un revenu minimum acceptable dans de nombreux ménages.

Les haies vives sont pour les populations un lieu sacré, une zone productrice, non seulement une source de revenus, mais aussi contribuent au ravitaillement en bois de chauffe, bois d'oeuvre et autres produits forestiers non ligneux. Les décoctions issues des racines, feuilles et écorces sont également utilisées à des fins thérapeutiques.

IV.2.2. Les utilités stratégiques et foncières

Par le passé les espèces des haies vives ont servi de barrière et de front d'attaque contre les invasions des ennemis et de délimitation du territoire. Mais aujourd'hui, elles produisent des biens et des services, dont certains d'entre eux sont vendus sur le marché et ont une valeur commerciale directe. Tel est par exemple le cas de l'extension des plantations de cacaoyers (photo 17). Ces espèces sont à l' origine de la diversification des activités des exploitants agricoles: la cueillette du vin de palme, les cultures vivrières et de rente et même la production du bois d'oeuvre sont autant d'activités qui offrent des revenus.

Ainsi, non seulement la mise en culture des lisières n'est pas un facteur de savanisation comme on aurait pu s'y attendre, mais au contraire, elle accélère la progression grâce aux effets conjugués de la suspension des feux de brousse et de l'implantation des arbres par les populations locales. En effet, lorsque les feux sont suspendus, les savanes se couvrent spontanément d'espèces de la forêt grâce à un climat humide. L'accélération de la dynamique forestière par la mise en culture a été localisée dans le sud des savanes baoulé (Côte-d'Ivoire) et dans la région de Béoumi (Nord-Ouest du V, à la latitude de Bouaké) par Aboubacar et al,. (2007). Comme nous l'avons observé en pays yambassa, les études similaires réalisées par Lassailly et Spichiger (1981) dans le centre de la Côte-d'Ivoire révèlent que l'extension des brousses forestières mésophiles est favorisée par la mise en culture de certaines zones privilégiées de savanes. Il s'agit ici des cultures de café et d'ignames.

L'agroforesterie liée à la haie offre de nombreux avantages économiques, il produit des biens et des services, dont certains d'entre eux sont vendus sur le marché et ont une valeur commerciale directe, tandis que d'autres ne sont pas vendus sur le marché, mais ont aussi une valeur économique. D'autres services rendus sont par exemple le bois de chauffage et d'autres produits non ligneux comme les feuilles, graines, fleurs etc. De l'autre coté, les arbres

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constitutifs des agroforêts servent comme les brise-vents. Ils servent aussi à l'amélioration de la fertilité des sols, d'ombrage et de fourrage pour le bétail et embellissent en même temps le paysage. Ils constituent aussi des pôles de conservation de la biodiversité aux échelles locales et régionales.

IV.2.3. Le développement de la cacaoculture

Le développement de la cacaoculture à yambassa se fait généralement à travers les associations de type GIC. Aujourd'hui, le village compte cinq GIC légalisés qui fonctionnent donc quatre appartiennent à une union connu sous le nom UGROPLAY oeuvrant dans le domaine de la cacaoculture. Il s'agit de : GICAMBY, GICPLACY, PAY et GICABOY. On a également un autre GIC hors de l'union connu sous le nom de GICAG.

Les bosquets du pays yambassa ont été mis à profit pour devenir des espaces de cacao culture qui est aujourd'hui la principale source de revenus de la région. La culture des variétés locales de cacao nécessite l'ombrage des arbres. Elles doivent par conséquent être installées en forêt. Autrement dit, pour que des cacaoyers soient cultivés en milieu de savanes, il a fallu au préalable installer des forêts sous formes de bosquets et d'îlots. Sur le site, les enquêtes révèlent que les exploitations sont tenues sur le mode familial. Elles sont petites (de 0,2 à 4 hectares) et souvent anciennes. Mais les agriculteurs yambassa préférant en général chercher un nouvel espace pour installer des jeunes plants plutôt que de renouveler leurs plantations ce qui pose des problèmes fonciers (M. Filipski, 2005).

La création des agroforêts cacaoyers est très souvent associée à la déforestation, surtout en Afrique de l'ouest où le cacaoyer est cultivé sans ombrage (Sonwa, 2004). Bien que dans ces conditions les rendements soient meilleurs, un raccourcissement de la durée de vie des arbres a été mentionné.

Au Cameroun, la pratique agroforestière à base de cacaoyers existe dans le grand bloc forestier du sud du pays. Dans le domaine de la mosaïque forêt-savane, elle est aussi largement rependue, notamment dans les forêts galeries, les îlots et les massifs forestiers. Ce qui est original dans le secteur du confluent Mbam et Sanaga, c'est l'implantation des cacaoyers dans des parcelles de savanes converties en bosquets par les populations.

Lorsque le cacaoyer est installé en forêt naturelle, l'aménagement nécessite au préalable des travaux de défrichements. Ceux-ci sont suivis, au cours de la première année, de la mise en place des cultures vivrières pendant une ou deux saisons de culture, ce qui permet d'améliorer la structure du sol et d'accroître le taux d'infiltration d'eau du sol (Bidzanga, 2005). La

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végétation préexistante à la création des agroforêts cacaoyers joue un rôle primordial car certaines de ces espèces sont conservées pour procurer de l'ombrage aux cacaoyers. Les espèces d'importance socio-économique et/ou spirituelle sont également conservées (Bidzanga, 2005) pendant que d'autres sont laissées sur pieds par manque de matériaux d'abattage appropriés. Quelques unes des espèces couramment conservées sont: l'andok (Irvingia gabonensis), le kome (Coula edulis), le njansang (Ricinodendron heudelotii). Les cacaoculteurs par expérience connaissent les espèces les mieux indiquées pour fournir de l'ombrage aux cacaoyers. Wood et Lass (1987) rapportent que les espèces telles que Terminalia spp., Chlorophora excelsa, Albizia spp., Ficus vogeliana et Entandrophragma spp. sont souhaitables pour jouer ce rôle alors que Piptadeniastrum africanum, Pentaclethra macrophylla, Cola nitida et autres Cola spp. sont rejetées par les planteurs pour la simple raison qu'elles peuvent être attaquées ou servir d'hôtes aux parasites et maladies du cacaoyer.

Photo Lemoupa, 2013

Photo 21: L'alignement de Bombax et de Ceiba sur le transect

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Notes: Au premier plan, des plants de cacaoyers. Au deuxième, l'alignement conservé de Ceiba et de Bombax. Néanmoins, des trouées existent parce que les arbres morts ne sont pas remplacés. Toutefois, le paysage offert est très beau et pourrait valoriser l'écotourisme dans la région.

Conclusion

Les populations de la localité de Yambassa, en concevant un système défensif végétal à base d'alignements de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense, ont mis en place des conditions de recrutement et de dispersion d'espèces pionnières de la forêt dense humide. Les guerres entre voisins terminées, ils ont consolidé les implantations de bosquets et d'îlots forestiers en intégrant, derrière et sous les arbres « défensifs» d'autres arbres utiles. Il s'agit en particulier, pour les espèces exotiques, du manguier (Mangifera indica), de l'avocatier (Persea americana), de l'oranger (Citrus sinensis). Pour les espèces indigènes, il s'agit du palmier à huile (Elaeis guineensis) et d'autres arbres fruitiers comme le safoutier (Dacryodes edulis) communément appelé « prune» en langage local, le « djansan » (Ricinodendron heudelotii) et les colatiers (Cola lepidota, Cola lateritia, Cola spp) et le fruit noir (Canarium schweinfurthii). Ces espèces utiles cohabitent localement avec des espèces de la forêt qui se sont installées spontanément, sans doute disséminées par le vent, les oiseaux et les animaux. Parmi celles-ci, on distingue essentiellement des Moraceae avec en tête Ficus thonningii, suivie de Ficus exasperata, Ficus sur et Ficus spp. On note aussi la présence d'arbre à bois précieux comme Mansonia altissima (Bété), Terminalia superba (fraké) et Milicia excelsa (iroko). Mais le plus évident est l'extension des cacaoyers sous l'ombre de Ceiba et de Bombax, y compris tous les autres. Autrement dit, le développement des agrosystèmes et des agroforêts s'est fait grâce à l'appui des arbres introduits en savanes par les hommes.

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CONCLUSION GENERALE

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L'un des principaux résultats de cette étude tient au fait que contrairement aux analyses de Beauvilain et al (1985) qui affirment que les murs végétaux défensifs des Yambassa sont composés essentiellement de Ceiba pentandra, nos relevés établissent qu'une autre espèce est associée. Il s'agit de Bombax buonopozense qui a une densité relative (Dr) de 24,9% des individus du relevé alors que Ceiba représente 25,1% de la population. Les deux espèces partagent donc équitablement la flore des haies vives. Il convient de préciser que les deux espèces présentent à quelques exceptions près la même morphologie. En plus de partager la même architecture (grand arbre, tronc élancé, branches haut perchées et horizontales, forme du houppier, feuilles composées, caducité des feuilles), leurs bases sont caractérisées par des contreforts élancés et robustes. Toutefois, alors que les pétales de la fleur de Ceiba sont blancs, ceux de Bombax sont rouges. De plus, Ceiba présente à maturité des contreforts ailés pouvant par ailleurs s'élever à 6 m (photo 15) alors que Bombax porte des contreforts arqués ne s'élevant qu'à 3 m tout au plus.

Le choix a été porté sur les deux espèces, non pas pour la qualité de leur bois. En effet, elles développent un bois mou inutilisable dans la construction des oeuvres d'habitations comme les perches, les planches, les lattes ou les chevrons. Bien sûr que ce bois est utilisé traditionnellement pour la fabrication des pirogues. Le bois des deux espèces est utilisé comme bois de bourrage des contreplaqués et est aussi débité pour la confection des emballages. Mais cette attention est réservée aux régions où le choix des essences est très limité. Par ailleurs, leurs vertus médicinales et mystiques sont diverses aussi bien en régions dominées par les savanes qu'en territoires de forêts denses.

En revanche, les deux espèces ont des avantages que nulle autre espèce ne possède:

1) Elles peuvent s'établir en savane: ce sont des plantes héliophiles qui s'adaptent à tous les milieux ouverts de la forêt (chablis, clairières, jeunes jachères de forêt, lisières de forêt, berges des cours d'eau forestiers). Elles s'adaptent aussi en savane à condition que les feux de brousse n'y passent pas au stade de jeunes plants;

2) Elles manifestent une croissance rapide: ce sont des plantes peu exigeantes en termes de qualité des sols. Elles occupent tous types de sols, y compris les sols hydromorphes des bas fonds périodiquement inondés. Certes, elles ne sont pas sollicitées comme le genre Eucalyptus par les programmes de reboisements du fait de leur pauvre valeur en bois d'oeuvre;

3) Les contreforts très développés leur donne un aspect imposant et utilitaire comme système défensif végétal: il est rare, voire impossible de retrouver des

Il ne semble donc pas superflu de penser à estimer dans des recherches futures le bilan carbone de ces investissements. Il s'agit aussi de souligner que dans les régions tropicales,

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contreforts plus développés que ceux des deux espèces dans toutes les forêts denses. Elles ne sont pas certes les seules à constituer de telles bases. D'autres espèces comme Terminalia superba, Triplochiton scleroxylon ou Mansonia altissima développent aussi des extensions latérales sur leur base, mais elles ne sont pas aussi imposantes. De plus, elles mettent beaucoup plus de temps à en former.

Par ailleurs, en implantant des espèces pionnières de la forêt dans les savanes, les habitants ont contribué directement et indirectement à la colonisation de ces savanes par la forêt. D'une part, ils ont contribué directement à l'expansion de la forêt en plantant des arbres dans les savanes. D'autre part, ils ont permis indirectement la colonisation de la savane par la forêt. En effet, en éliminant lentement les graminées sous leur ombrage, les arbres introduits ont créé des conditions de recrutement d'autres espèces de la forêt. Dans un premier temps les espèces pionnières de la forêt sont apparues. Elles se sont par la suite mélangées, non seulement aux arbres fruitiers plantés comme le palmier à huile (Elaeis guineensis), le safoutier (Dacryodes edulis) ou le manguier (Mangifera indica). Les relevés révèlent que d'autres espèces moins plastiques de la forêt se sont elles aussi implantées progressivement, contribuant ainsi à l'enrichissement de la biodiversité. On n'oublie pas non plus que grâce à l'implantation des haies vives, les populations locales ont pu étendre la culture du cacao sous l'ombrage de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense. Bien entendu, les boisements à base de ces espèces semblent aujourd'hui en déclin, mais d'autres arbres plus utiles dans le contexte actuel sont diffusés. D'après les relevés, il s'agit surtout des arbres fruitiers, des arbres à bois précieux comme le teck (Tectona grandis) et des arbres ornementaux comme Cassia javanica.

Au centre Cameroun en général, les conditions de climat humide sont favorables à une extension de la forêt sur les savanes. Mais dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve Sanaga, cette expansion bénéficie en plus des conditions de mise en valeur des sols favorables. Il est donc certain aujourd'hui que les populations ont favorisé une extension de grande ampleur de la forêt dont le point de départ est sans doute l'implantation des systèmes défensifs végétaux. En suspendant les feux de brousses dans les parcelles de savanes occupées par les champs et les habitats, les hommes ont en quelque sorte impulsé une accélération du processus. Les autres formes de boisements comme la création de cacaoyers et d'autres systèmes d'agro forêts ont aussi participé à la colonisation de la forêt.

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l'homme ne participe pas seulement à la déforestation ou à la dégradation de la forêt. Dans certaines régions et dans certaines situations, il parvient au contraire à provoquer une extension de la forêt à base d'espèces indigènes. Autrement dit, certaines populations paysannes participent à la séquestration du CO2 en permettent ainsi une expansion des forêts en territoires de savanes.

Enfin, lorsqu'on évoque le patrimoine culturel et historique du Cameroun, on parle souvent des paysages de bocage des hautes terres de l'ouest ou des terrasses de Mandara dans l'extrême nord. Le paysage agraire des yambassa mérite aussi que l'on s'y attarde en termes de publicité. Le fait est que les « murs vivants », termes employés par Beauvilain et al. (1985), ne sont pas entretenus. Les individus morts ne sont pas remplacés. Pourtant, si ces anciennes haies végétales défensives étaient classées comme patrimoine national, elles attireraient des personnes intéressées par l'écotourisme. Par ailleurs, il convient aussi de mener des études botaniques détaillées sur l'ensemble de la zone pour chiffrer l'extension réelle des haies autour de tous les sites qu'elles entourent.

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29. JAGORET P., MICHEL-DOUNIAS I., MALÉZIEU E., (2011). Long-term dynamics of cocoa agroforest: A case study in central Cameroon. Agroforestry Systems, 81 (3), 267278.

30. KUETE M., (1989). Evolution des paysages et facteurs de répartition actuelle des formations végétales dans le golfe de Bafia (Cameroun). in : Kadomura éd. : Savannization processes in tropical Africa. TAGELAQP/SAPITA 1, Metropol. Univ.17, Tokyo : 169-182

31. LADEJI O., OMEKARAH I., SOLOMON M., (2003). Hypoglycemic properties of aqueous bark extract of Ceiba pentandra in streptozotocin-induced diabetic rats. Journal of Ethnopharmacology, 84 : 139-142.

32. LOUPPE A. (2008). Ressources végétales de l'Afrique tropicale. PROTA, Bois d'oeuvre, vol. 7, 785 p.

33. LETOUZEY R, (1968). Etude phytogéographique du Cameroun. Encyclopédie biologique LXIX, Lechevalier, Paris, 511 p.

34. LETOUZEY R., (1985). Notices et carte phytogéographique du Cameroun au 1/500 000. IRA/Institut de la carte Internationale de la Végétation, Toulouse, Fasc. 1-5, 240 p.

35. MAPONGMETSEM P.M., DUGUMA B., NKONGMENECK B.A., SELEGNY E., (1998). Germination des semences, développement et croissance de quelques essences locales en zone forestière. Tropicultura, 1998-99, 16-17. 4, 176-179

130

36. MARTIN D., (1973). Les horizons supérieurs des sols ferralitiques sous forêt et sous savane du centre Cameroun. Cah. ORSTOM , Sér. Pédol., 11 (2) : 155-179.

37. MARTIN D., (1967). Géomorphologie et sols ferralitiques dans le Centre-Cameroun. Cah. ORSTOM, Sér. Pédol., 5 (2) : 189-219.

38. MEMOLI-AUBRY C., (2009). Le Mbam dans la Seconde Guerre Mondiale : contribution d'une région administrative du Cameroun à l'effort de guerre français. Outremers, tome 96, n°362-363 : 241-266.

39. MILLEVILLE P., (2007). Une agronomie à l'Suvre. Pratiques paysannes dans les campagnes du Sud. Paris, Editions Arguments et Quae, 241 p.

40. SCHWARTZ D., (1997). Forêts et savanes d'Afrique centrale: une histoire Holocène mouvementée. Lettre PIGB-PMRC France, 6 : 14-22.

41. SEIGNOBOS C., (1978). Les systèmes défensifs végétaux pré-coloniaux: paysages de parcs et civilisations agraires (Tchad et Nord-Cameroun). Annales de l'Université du Tchad, N° spécial, 93 p.

42. SEIGNOBOS C., (1980). Des fortifications végétales dans la zone soudano-sahélienne (Tchad et Nord-Cameroun. Cha. ORSTOM, sér. Sci. Hum., vol. XVII, 3-4 : 191-222.

43. SPICHIGER R., LASAILLY V., (1981). « Recherches sur le contact forêt-savane en Côte d'Ivoire: note sur l'évolution de la végétation dans la région de Béoumi (Côte d'Ivoire Centrale) », Candollea, 36, 145-153

44. TCHATAT M., NDOYE O., (2006). Etude des produits forestiers non ligneux d'Afrique centrale : réalités et perspectives. Bois et forêts des tropiques, 288 (2). 39 p.

45. TORQUEBIAU, E., (2007). L'agroforesterie : des arbres et des champs, Paris, L'Harmattan, Coll. « Biologie, écologie, agronomie », 150 p.

46. VALLERIE M., (1973). Contribution à l'étude des sols du Centre-sud Cameroun. TD ORSTOM, 29, Paris, 111 p. et Carte hors texte.

47. WIART C., (2006). Medicinal plants of Asia and the Pacific, CRC Taylor & Francis, 306 p.

48. YOUTA HAPPI J., BONVALLOT J., (1996). « La disparition des savanes au Centre-Cameroun entre 1950 et 1990. » In : Symp. Intern. Dynamique à long terme des écosystèmes forestiers intertropicaux humides, Bondy-Paris, résumé: 199-200.

131

II. Mémoires et thèses

49. ABAH M., (1984). Dynamique des paysages au contact de la forêt et de la savane dans la région d'Obala- Bafia. Thèse Doc. 3e cycle, Univ. de Bordeaux III, 374 p.

50. ABOUBACAR M., (1997). Evolution récente (1994-1997) du couvert végétal ligneux dans un terroir sahélo-soudanien. Le cas du village Guiziga de Gazad (Extrême-nord Cameroun), Mémoire de maîtrise, Univ. de Ngaoundéré.

51. BERNIER LEDUC M., (2007). Évaluation de la faune aviaire des haies brise-vent intégrant des arbustes porteurs de produits forestiers non ligneux. Mémoire de master, Université Laval, 108 p.

52. CAMARA A.A., (2007). Dynamiques régionales et systèmes ruraux en Guinée forestière. Vers la conception d'un observatoire pour le développement, Avignon, Thèse de Doctorat, Université d'Avignon et des pays de Vaucluse, 269 p.

53. CARRIERE, S. M., (1999). « Les orphelins de la forêt » Influence de l'agriculture itinérante sur brûlis des Ntumu et des pratiques agricoles associées sur la dynamique forestière du sud Cameroun. Thèse de Doctorat, Univ. Montpeller II, 448 p.

54. DELARUE J., (2007). Mise au point d'une méthode d'évaluation systémique de l'impact des projets de développement agricole sur le revenu des producteurs. Étude de cas en région Kpèlè (République de Guinée), Paris, Thèse Agro ParisTech, 400 p.

55. DJOMBAYE B., (2005). Normes de construction des biefs, évaluation des effets et estimation d'impacts dans les bas-fonds de Kaélé, province de l'extrême nord Cameroun. Mémoire d'Ingénieur Agronome. Université de Dschang, 100 p.

56. DONFACK P., (1993). Etude de la dynamique de la végétation après abandon de la culture au nord-Cameroun, Thèse Doctorat 3è cycle, UYI, 192 P

57. GAUTIER L., (1993). Contact forêt-savane en Côte-d'Ivoire centrale: rôle de Chromolaena odorata (L) R. King et H. Robinson dans la dynamique de la végétation. Thèse Doc. Univ. de Genève, 260 p.

58. KINI J., 2007. Analyse des déterminants de l'adoption des technologies de conservation des eaux et des sols au Burkina Faso. Mémoire. de DEA, Université de Ouagadougou, 160 p.

59. KUETE M., 1990. Géomorphologie du plateau Sud-Camerounais à l'Ouest du 13° E. Thèse de Doctorat. es Lettres, Université. Yaoundé, 917 p.

132

60. LOURMAS, M., (2005). Impact de l'Exploitation Forestière sur la Démographie et la Dynamique de la Diversité Génétique. Le cas d'une espèce de forêt tropicale humide africaine, le Sapelli (Entandrophragma cylindricum Sprague Sprague). Thèse Doctorat, Université de Monpellier II, 321 p

61. MANIANA J.J, (2010). Inventaire et étude descriptive des arbres à contreforts et à empattements à Kinshasa et ses environs. Mémoire de master en Foresterie, Université de KINSHASA, 145p.

62. MARTIN D., (1966). Etudes pédologiques dans le centre Cameroun : Nanga Eboko à Bertoua. Mém. ORTSTOM, 19, Paris, 90 p.

63. MEKINDE J.P., 2004. le pays yambassa et la pénétration allemande (18891905) Mémoire de maîtrise, Université de Yaoundé I. 162 p.

64. NGANGUE LATTA T.A., (2011).Détermination des caractéristiques physico chimiques et bévaluation des teneurs en polyphénols totaux des fèves de Theobroma cacao de la localité de Mbalmayo. Mémoire de DIPESS II, ENS, Univ. de Yaoundé 1, 81 p.

65. NGOUNOU F.N., (2000). New isoflavones from Ceiba pentandra. Phytochemistry. vol. 54 : 107-110

66. NGUETSOP V. R., (1997), Evolution des environnements de l'Ouest-Cameroun depuis 6 000 ans, d'après l'étude des diatomées actuelles et fossiles dans le lac Ossa. Implications paléoclimatologies. Thèse MNHN, Paris, 277 p.

67. NOUMI E., (2009). Treating Asthma with Medicinal Plants. An ethnomedicinal Case Study from Baré-Bakem, Nkongsamba Region, Cameroon. Syllabus Review 1 : 10-15.

68. SANTOIR R., (1992). Sous l'emprise du cacao: étude diachronique de deux terroirs camerounais. ORSTOM, col A Travers Champs, 191p.

69. SUCHEL J. B., (1988). Les climats du Cameroun. Thèse Doctorat. es Lettres, Univ. Bordeaux III, 3 tomes, 1175 P. et cartes hors texte.

70. VANPEENE BRUHIER, S. (1998). Transformation des paysages et dynamique de la biodiversité végétale. Les écotones, un concept clé pour l'étude des végétations post-culturales. L'exemple de la commune d'Aussois (Savoie), Thèse de Doctorat, CEMAGREF de Grenoble.

71. YAMBENE BOMONO H. (2012). Représentations et dynamiques foncières en zone de contact forêt-savane (pays yambassa) au Cameroun. Thèse de doctorat PhD. Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 289 p.

133

72. YOUTA HAPPI J., (1998). Arbres contre graminées : la lente invasion de la savane par la forêt au centre Cameroun. Thèse de doctorat, Université de Sorbonne Paris IV, 237 p.

73. ZOGNING A., (1979). Le "Golfe de Bafia", études climatiques. Mémoire de Maîtrise, Université de Yaoundé, 185 p.

III. Articles, rapports et revues

74. ABIADINA SAMBA B., (1988). « Aperçu de l'histoire du peuple yambassa ». Article inédit .80p.

75. AZNAR O., PERRIER-CORNET P., (2003). « Les services environnementaux dans les espaces ruraux: une approche par l'économie des services », Économie rurale, No 273274 : 142-157.

76. BEAUVILAIN A., ROUPSARD M. et SEIGNOBOS C., (1985). Les murs vivants du pays Yambassa. Rev. Géog. Cameroun, 5 (1) : 39-46.

77. BIDZANGA NOMO, (2009). Mycotrophie et fertilisation dans les agroforêts et connaissances paysannes des essences fertilitaires dans les agroforêts à base de cacaoyers du sud Cameroun. Cameroon Journal of Experimental Biology. Vol. 05 N° 02, 79-86.

78. CAMARA A. A., (2009). De la forêt naturelle aux agroforêts en Guinée forestière. Cahiers Agricultures, 18 (5), 425-431.

79. CNFCG, (2006). Pourquoi les mosaïques forêt-savane persistent-elles? La lettre du changement global, No 19.

80. FAO, (2001). Global forest resources assessment - main report, Rome, FAO Forestry paper; 140 p.

81. FAO, 2003. Étude prospective du secteur forestier en Afrique. Rapport sous-régional Afrique centrale. Rome, Italie, Fao, 64 p.

82. GUELY K. A., (1993). Installation d'un couvert forestier dans les jachères de savane au Sud-est du Togo. Bois et Forêts des Tropiques, No 235 : 37-48.

83. HELBLING T, ROACHE S., (2011). Les produits alimentaires pourraient rester chers. Banque Mondiale. La nouvelle question agricole (Problèmes économiques), 3022 : 3-6.

84. JOUVE P., (2004). Transition agraire et développement rural. Courier de l'environnement, INRA, n° 52, septembre.

134

85. NWAGBA C., EZUGWU C., EZE C., ANOWI F., EZEO S., NWAKILE C., (2013). Anti-ulcer activity of Bombax buonopozense P. Beauv. Aqueous leaf extract (Fam: Bombacaceae). Journal of Applied Pharmaceutical Science Vol. 3 (02), pp. 139-142

86. VIVIEN, J. ET FAURE, J. J. (1995). Fruitiers sauvages d'Afrique - Espèces du Cameroun. Editions NGUILA-KEROU,\France, 416p.

IV. Sites internet

www.fao.org, consulté le 07 avril 2013

www.hortipedia.com, consulté le 07 avril 2013

http: // www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/biblio/pigbsom.htm, consulté le 05 février 2014 http://cybergeo.revues.org/docannexe/image/25588/img-1.jpg, consulté le 14 mars 2014 www.arpnjournals.com, consulté le 07 avril 2014

135

ANNEXES

i

Annexe 1 : Fiche d'enquête

UNIVERSITE DE YAOUNDE Faculté des Arts, Lettres et Sciences humaines DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE

 

THE II UNIVERSITY OF YAOUNDE II

l Faculty of arts, lletters and Human sciences

DEPARTMENT OF GEOGRAPHY

Les informations que nous allons collecter à travers ce questionnaire sont confidentielles et ne seront exploitées que pour un but académique. Ces questions sont relatives aux systèmes d'agriculture à yambassa.

I. GENERALITES

Date de l'enquête! !.

Numéro de la fiche ! !

II. IDENTIFICATION

1- Sexe:M!___ !. F!___ !.

2- Tranche d'âge : moins de 30ans!____ !. 30-40 ans!____ !. 40-50 ans!____ !. plus de 50 ans!____ !.

1. Quels types de cultures pratiquez-vous dans votre localité? Listez-les :

1&&&&&2&&&& 3&&&&&4&&&&6&&&&.7&&&8&&&&&.9&&&&.10&&&&&

11&&&&12&&&&13&&&&.14&&&&& 15&&&&&16&&&&&&.etc.

2. Quelles sont les techniques utilisées?

2.1. En savane :&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. Ø Quand ?(les étapes)

ØPourquoi?&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

Ø Comment?

2.2. En forêt :&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

Ø Quand? (les étapes)

ØPourquoi ?&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

Ø Comment ?

3. Quels sont les avantages et les inconvénients des parterres?

3.1. avantages&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

3.2. Inconvénients&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

3. 3. Où trouve-t-on les parterres ?

3. 4. Pourquoi ?

4. Utilisez-vous le feu en agriculture?

4.1. Oui

Non

(cochez s la réponse)

4.2.Pourquoi ?

5. Observez-vous les jachères?

5.1. Oui Non

5.2. Sur quelles durées ?&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

5.3. Pourquoi ?

6. Quel est le contexte de création des cacaoyères?

6.1. En savane seulement? Oui Non

6.2. En forêt seulement ? Oui Non

6.3. En savane et en forêt Oui

Non

6.4.Pourquoi ?

7. Quelles sont les utilités (ou services) des arbres qui sont dans les egaga et les cacaoyères? (cochez les réponses)

1.

bois de chauffage 4. Aliments 7. Autres

2. bois d'oeuvre 5. Rituel

3. médicaments 6. Ombrage

8. Comment arrivez-vous à implanter les cacaoyères en savane? 8.1. Comment ?(Les processus ou mécanismes)

8.2. Quand ?(les étapes)

9. Plantez-vous d'autres arbres en savane? oui

non

(cochez la réponse)

9.1. Quellesespèces :&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

9.2. Pourquoi&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

9.3. Est-ce qu'il y'a des exemples visible sur le terrain? (espèces plantées en savane). oui non

(cochez la réponse)

9.4. Est-ce toi qui les a planté ou alors tes parents? moi mes parents (cochez la réponse)

Merci

iv

Annexe 2 : Calendrier de création d'une cacaoyère

Activités Période

JF

 
 

MAMJ

 
 
 

JAS

 
 

OND

 

I-PEPINIERE (année I)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1.1 Choix et aménagement du terrain

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1.2 Remplissage des sachets

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1.3 Confection des planches

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1.4 semis des graines

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1.5 Installation de l'ombrière

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1.6 Entretien pépinière

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

II PLANTATION (Année II)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.1 Choix et délimitation du terrain

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.2 Défrichement

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.3 Abattage/tronçonnage

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.4 Piquetage/trouaison

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.5 Plantation (planting ou transplantation)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.6 Réglage ombrage

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.7 «Tchapia»

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.8 Récolte sanitaire

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.9 Application fongicide

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2.10 Traitement insecticide (MIRIDES)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Source : SODECAO

VIII- OBJECTIFS DE RECHERCHE 26

VIII-1-Objectif principal 26

TABLE DES MATIERES

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

RESUME iii

ABSTRACT iv

LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS v

SOMMAIRE vi

LISTE DES FIGURES vii

LISTE DES TABLEAUX viii

LISTE DES PHOTOS ix

INTRODUCTION GENERALE 1

I. DEFINITION DU SUJET 3

II. DELIMITATION DU SUJET 4

II.1. Délimitation thématique 4

II.2. Délimitation spatiale 4

II.3. Délimitation temporelle 5

III. INTERETS DE L'ETUDE 5

IV-PROBLEMATIQUE 7

V-CONTEXTE SCIENTIFIQUE 8

VI-QUESTIONS DE RECHERCHE 19

VI.1.Question principale de l'étude 19

VI.2. Questions spécifiques 19

VII. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 20

VII.1. Cadre conceptuel 20

VII-2-Cadre theorique 23

VII.2.1.Théorie de la savanisation et de la disparition des forêts liée à l'homme 23 VII.2.2. La théorie de la progression de la forêt sur la savane liée aux conditions

écologiques favorables 24
VII.2.3. La théorie de l'extension des agroforêts sur la savane liée aux cultures

pérennes 24

VII.2.4. Les théories de la dynamique des peuplements végétaux 25

VII.2.4.1. La théorie organiciste de Clements 25

VII.2.4.2. La théorie stochastique de Gleason 25

vi

VIII-2-Objectifs specifiques 26

IX. HYPOTHESES DE RECHERCHE 26

IX-1-Hypothese principale 26

IX.2. Hypotheses specifiques 26

X- METHODOLOGIE DE RECHERCHE 27

X.1. Le materiel de terrain 27

X.2. La collecte des donnees secondaires : la recherche documentaire 28

X.3. La collecte des donnees primaires : les enquetes humaines 28

X.4. Les traitements d'images 29

X.5. Les releves botaniques sur transect 29

PRESENTATION DU MEMOIRE 30

PREMIERE PARTIE: LE CONTEXTE ECOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE LA

MISE EN PLACE DES HAIES VIVES DEFENSIVES 32

CHAPITRE I : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE DU PAYSAGE AGRAIRE

YAMBASSA 33

I.1. UN CLIMAT MARQUE PAR UNE CHALEUR ET UNE HUMIDITE

CONSTANTES 33

I.2. LE RELIEF ET LES SOLS 36

I.2.1. Un relief de plateau peu accidenté 36

I.2.2. Un réseau hydrographique dense dominé par la rivière Ofoué 37

I.3. DES FORMATIONS SUPERFICIELLES PARTAGEES ENTRE LES SOLS

FERRALLITIQUES ET LES SOLS HYDROMORPHES 38

I.3.1. Les sols ferrallitiques. 38

I.3.2. Les sols hydromorphes 39

I .4. UNE VEGETATION DE MOSAÏQUE FORET-SAVANE 42

I.4.1. Les savanes préforestières ou péri forestières 42

I.4.1.1. Les savanes herbeuses 42

I.4.1.2.Les savanes arbustives 44

I.4.2. La forêt dense humide semi décidue 45

I.5. LES AMENAGEMENTS AGRICOLES 46

CHAPITRE II : LE CONTEXTE HISTORIQUE DE L'IMPLANTATION DES HAIES

VIVES DEFENSIVES 51

II.1. L'ORIGINE DU NOM YAMBASSA 51

II.2. L'ORGANISATION POLITIQUE PRECOLONIALE 51

II.3. L'ORGANISATION ECONOMIQUE 52

II.4. LES GUERRES TRIBALES ET L'ORIGINE DES MURS ENCEINTS

DEFENSIFS VEGETAUX 53

II.5.

CHAPITRE IV : LES IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET SOCIO-

ECONOMIQUES DES HAIES VIVES 101

LES IMPLICATIONS DE LA COLONISATION ALLEMANDE 57

II.5.1. La stabilisation de la région 57

II.5.2. Le bouleversement des institutions politiques traditionnelles 58

II.4.3. L'exploration et l'ouverture de la région et l'imposition de l'impôt 58

II.5.4. La désorganisation de l'économie traditionnelle 58

II.5.5. Le prélèvement de la main d'oeuvre forcée 59

II.5.6. La diffusion de la culture du cacao 60

II.6. LES ROLES ORIGINELS DES HAIES 61

II.7. L'EVOLUTION ET LA DISTRIBUTION DE LA POPULATION 61

DEUXIEME PARTIE: DISTRIBUTION ET IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET

SOCIO-ECONOMIQUES DE CEIBA ET BOMBAX 64

CHAPITRE III: LA DISTRIBUTION REGIONALE ET LOCALE DE CEIBA

PENTANDRA ET DE BOMBAX BUONOPOZENSE 65
III.1. LA DISTRIBUTION REGIONALE DE CEIBA PENTANDRA ET BOMBAX

BUONOPOZENSE 65

III .1.1. Ecologie et description de Ceiba 65

III.1.1.1. Ecologie 65

III.1.1.2. Description 66

III.1.1.3. Usages et utilités 69

III.1.2.Ecologie et description de Bombax 70

III.1.2.1. Ecologie 70

III.1.2.2. Description 71

III.1.2.3. Usages et utilités 72

III.1.3. la diffusion anthropique des deux especes 72

III.1.4. La distribution regionale des murs vegetaux defensif 74

III.1.4.1. Les murs enceints végétaux autour des villages: exemple du site de

Yambassa 77

III.1.4.2. Les lignes entourant les autres groupements d'habitations 78

III.1.4.3. Les lignes entourant les concessions 78

III.2. LA DISTRIBUTION LOCALE SUR TRANSECTS ET PLACETTES 81

III.2.1. Les exemples de « murs defensifs vegetaux » précoloniaux des steppes du

nord 81

III.2.2. Les héritages du système défensif végétal yambassa 84

III.2.2.1. Les relevés botaniques 84

III.2.2.2. La densité relative des individus et des espèces 85

III.2.2.3. Le critère de dominance des individus et des espèces 87

III.2.2.4. Le critère de dominance des familles 90

III.2.3. Les données de la structure des haies : l'importance des trouées 92

IV.1. LES IMPACTS ECOLOGIQUES 101

IV.1.1. Les impacts écologiques de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense

105

IV.1.2. La poursuite de la sélection et de l'introduction des essences utiles 105

IV.1.2.1. L'enrichissement de la biodiversité 105

IV.1.2.2. Le rôle des espèces auxiliaires des haies vives 106

V.1.3. La contribution à la préservation et à la restauration de la biodiversité 108

V.1.4. L'implantation des agroforêts et des bosquets anthropiques 111
V.1.4.1. L'élimination des graminées par les défrichements et la suspension des

feux 111
V.1.4.2. L'introduction volontaire et spontanée des arbres et des espèces

pionnières de la forêt 112
V.1.4.3. L'implantation durable des arbres et des espèces pionnières de la forêt

112
V.1.5. Les haies vives comme corridors de dissémination d'espèces de la forêt

dense 113

IV.2. LES IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES 117

V.2.1.Les impacts thérapeutiques 117

V.2.2. Les utilités stratégiques et foncières 118

V.2.3. Le développement de la cacaoculture 119

CONCLUSION GENERALE 122

BIBLIOGRAPHIE 126

ANNEXES 135






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld