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Comité de lutte contre la répression au Maroc. Analyse d'une association centrée en Belgique 1972-1995.

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par ZIAD EL BAROUDI
Université Libre de Bruxelles - Master en Histoire 2015
  

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b.3.4 Les relations entre les CLCRM en Europe: coordinations et bilans d'activités 1977-1983.

Depuis la première coordination proposée par le Comité de Paris le 17 octobre 1977, les comités, bien qu'autonomes les uns par rapport aux autres, doivent proposer une méthode de synchronisation de leurs travaux une fois par an244. Lors de cette première coordination, le Comité de Paris a proposé le déroulement de la réunion extraordinaire, entre le samedi 15 et le dimanche 16 octobre, en vue d'échanger les informations sur les activités des comités, les informations sur le Maroc avec un compte rendu des relations avec les organisations marocaines (entendons les associations des Droits de l'Homme au Maroc, mais surtout les mouvements associatifs marocains en Europe plus impliqués dans la lutte contre la répression au Maroc). Les coordinations étaient au début, et suivant la disponibilité des membres des CLCRM, tantôt annuelles, tantôt semestrielles voire même trimestrielles. Lors des coordinations, les CLCRM formaient pour l'occasion l'Association des Comités de Lutte contre la Répression au Maroc. Suite à cette première réunion de coordination, les comités ont décidé que chaque projet devait être suivi d'une commission de travail. Selon la disponibilité des membres des différents comités, une confirmation devait être faite par lettre. De la deuxième coordination du 5 février 1978 à la coordination du 17-18 mars 1979, cinq CLCRM venus de France et de Belgique ont dénoncé auprès de l'opinion publique l'intervention du Gouvernement Giscard aux côtés du régime marocain, dans sa politique de répression, d'impérialisme au Maroc et dans toute l'Afrique245.

Nous avions vu aussi que les CCRM ont marqué leur solidarité par la participation d'une mission juridique d'envergure pour les grévistes de la faim arrêtés depuis octobre 1977. En ce sens, les CCRM soutenaient l'initiative des grévistes qui maintenaient leur action vis-à-vis du régime en réclamant un statut écrit pour les détenus politiques. C'était mettre Hassan II* au pied du mur, car s'il acceptait d'octroyer le statut de détenus politiques, ce serait tacitement reconnaître le délit d'opinion. Or, selon le monarque, il n'existait pas de détenu d'opinion mais seulement des hors-la-loi: « Pour ce qui est des prisonniers politiques, il n'y en a pas chez nous. Il y a des prisonniers d'éthique. (...) Un homme qui sort de la loi n'est plus un prisonnier politique. (...) Mais ceux-là ne sont pas des prisonniers, ils sont des hors-la-loi246.»

244 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan de la coordination du 15 au 17 octobre 1977.

245 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilans de la coordination des CLCRM daté du 14 octobre 1979.

246 Interview d'Hassan II sur Europe 1 du 21 novembre 1976.

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Organigramme des CLCRM en Europe247

Amsterdam

Dusseldörf

Toulouse

Bruxelles

Besançon

Lausanne

Limoges

Amiens

Angers

Marseille

Aix-En-Provence

Liège

Lillle

Dijon

Lyon

Nice

Les CLCRM d'Europe se contactaient par lettre, mais prévenaient directement Paris dès lors qu'ils voulaient publier des informations. Durant l e s bilans des coordinations, chaque comité était tenu d'envoyer un rapport à Paris. Les informations sur les activités varient selon chaque comité. Ainsi, nous pouvons retracer la trajectoire de plusieurs comités en Europe suivant leurs activités. Bien que le Comité de Paris représente le comité central, la Belgique, les Pays-Bas, la RFA structuraient leur CCRM autour d'un Comité intermédiaire avec Paris. L'abondante correspondance entre les comités permet de dégager cinq comités intermédiaires entre Paris et les sections locales : Charleroi, Nîmes, Rouen, Grenoble et Avignon.

247CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°406, Les CLCRM : Listes et organigrammes : Les sections des CLCRM en Europe. Organigramme daté de 1980.

80

A partir de 1982, chaque comité en Europe se dotera d'un numéro de téléphone d'urgence qui devait strictement rester confidentiel.

Entre décembre 1978 et février 1979, le Comité de Dijon248 a tenu régulièrement à organiser le dépôt de la presse du comité dans deux librairies dijonnaises. Ce comité a participé au Collectif SOS-REFOULEMENT local et est rentré en contact avec l'Association des Marocains de France (AMF) pour décider des axes de travail entre les deux associations. Étroitement lié aussi à l'UNEM, le Comité de Dijon a organisé le 12 décembre 1978 une soirée de projection-débat sur l'oppression de la femme au Maghreb. Une centaine de personnes y ont participé, dont quelques femmes immigrées qui prirent la parole. En janvier 1979, le Comité de Dijon a marqué sa solidarité avec l'UNEM, dans laquelle un meeting fut organisé pour exiger la légalité effective de l'UNEM et de ses responsables militants.

Cette solidarité s'est concrétisée par le lancement d'une campagne pour la libération des détenus politiques via l'envoi de 150 lettres à des sympathisants et personnalités de la région. Le mois suivant, le CCRM de Dijon s'est joint au Comité contre la Répression en Amérique Latine et à l'Association Médicale Franco-Palestinienne dans le cadre d'un colloque intitulé « 10 jours contre l'impérialisme ». Durant tout le colloque, se sont tenues une table de presse et l'exposition d'une série de panneaux sur le travail des petites filles dans les fabriques de tapis, sur l'exploitation touristique et les implantations d'entreprises françaises au Maroc. S'en sont suivies une projection d'un film sur la lutte du peuple sahraoui et la tenue d'un débat sur le rôle du gouvernement français dans la région, puis l'organisation d'une soirée ayant pour thème « la Coopération au Maroc ». Ces derniers événements ont constitué les deux interventions spécifiques du Comité dijonnais. Des enseignants et des étudiants marocains ont débattu sur les implications aux niveaux culturels et techniques et sur la finalité réelle de la coopération.

A Besançon249, le Comité a participé à la création d'un comité de défense des étudiants étrangers : dix étudiants étrangers - dont six marocains - étaient menacés d'expulsion après le refus de leur inscription en faculté. Le CCRM de Besançon a informé Paris et a soutenu l'inscription de ces 6 étudiants marocains au Centre Linguistique Appliqué. Le CCRM de Besançon s'investissait dans l'organisation d'un travail en rapport avec l'enfance immigrée, dont les enfants des ouvriers marocains. Le Comité de Besançon a participé à un débat sur la répression que subissent les travailleurs marocains sur une Radio libre locale.

Le Comité d'Angers a tenu, pour sa part, une réunion toutes les trois semaines. Durant ces réunions

tenues avec la section locale de l'UNEM, il eut quelques nouveaux participants et chaque membre versa une cotisation de 10 FF250. Durant le mois de novembre 1978, les membres du CCRM d' Angers ont exposé des panneaux sur la « situation actuelle au Maroc » dans les restaurants universitaires. En décembre, le Comité a organisé le premier anniversaire de la mort de Saïda Menebehi*et a proposé une table ronde sur

248 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Dijon entre fin 1978 et début 1979.

249 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Besançon entre novembre 1978 et février 1979.

250 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM d'Angers entre novembre 1978 et janvier 1979.

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la situation des femmes au Maroc. Entre temps, un étudiant marocain nouvellement arrivé mais inscrit tardivement en droit s'est vu refuser sa carte de séjour. Le Comité et l'UNEM ont été à l'initiative d'un collectif local contre l'expulsion regroupant les organisations étudiantes, humanitaires, syndicales et politiques. Une délégation au rectorat conduite par le vice-président du bureau des Etudiants de l'Université d'Angers a obtenu une dérogation permettant à l'étudiant marocain d'avoir sa carte de séjour. Le 24 janvier 1979, le Comité a distribué publiquement des tracts et une pétition pour la libération des détenus politiques en particulier celle des responsables et militants de l'UNEM. Parallèlement, le CCRM d'Angers déplore des pratiques « peu démocratiques » au sein de l'UNEM. Le Comité signale aussi la lenteur des informations diffusées par les bulletins du Comité de Paris.

A Lausanne, le Comité Suisse contre la Répression au Maroc s'est constitué dès le 15 avril 1978251. Ce Comité constitue une caisse de résonnance supplémentaire pour les CLCRM de France, de Belgique et des Pays-Bas. Malgré une faible présence marocaine en Suisse, le Comité lausannois est surtout composé de professeurs d'université et de citoyens suisses. Ces derniers proviennent de Lausanne même, Genève, Neuchâtel et Zürich. Appuyé par des avocats, le CCRM de Lausanne se consacrera à dénoncer la répression politique au Maroc, à informer sur les revendications populaires au Maroc et à saisir les organisations internationales siégeant à Genève. Le Comité de Lausanne était en étroite relation avec le Comité de Grenoble. Il participera activement à la coordination des CLCRM de Strasbourg en 1985 comme nous le verrons plus loin.

D'octobre 1978 à mars 1979, le Comité lillois a mené une campagne en faveur du Comité de Défense des Etudiants Etrangers252. Ce comité avait décidé de bloquer les inscriptions à l'Université de Lille pour protester contre les arrêtés d'expulsion. Le CCRM de Lille a aussi dressé une commission qui étudie les conditions de vie et de recrutement des mineurs marocains travaillant dans les charbonnages du Nord. Des contacts réguliers se maintiennent avec la section lilloise de l'UNEM et ce dernier prend 10 abonnements au bulletin du Comité. Contrairement à Angers, les membres du CCRM de Lille ne parvenaient pas à se réunir régulièrement. Le Comité rapportait, accessoirement, une anecdote selon laquelle la chienne d'Hassan II* malade avait été transportée par avion à Nice pour y être opérée. L'animal était escorté d'un colonel...

Durant la troisième coordination des CLCRM qui s'est tenue les 25 et 26 octobre 1980 à Charleroi253, le Comité carolorégien a participé avec Paris, Lille et Dijon à une collecte avec le soutien supplémentaire d'une organisation néerlandaise « la Campagne épiscopale de Carême ». La recette était déposée sur un compte ouvert depuis 1976, et destinée uniquement à la solidarité financière à l'égard des prisonniers et de leurs familles. A cette occasion, les sommes reçues sont destinées : aux bibliothèques des

251 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lausanne daté du 19 avril 1978.

252 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lilles d'octobre 1978 à mars 1979.

253 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Rapport de la coordination de l'ASCLCRM des 25 et 26 octobre 1980.

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prisonniers politiques, pour un montant de 11.500 florins, soit 24.381 FF. La coordination des Comités a demandé à l'AMDH (censurée au Maroc) de fixer l'inventaire des besoins en revues, ouvrages, matériel

pédagogique, appareils audio-visuels et cours par correspondance, destinés aux prisonniers politiques et à leurs familles, pour un montant de 33.000 florins, soit 69.381 FF. La coordination des CLCRM a décidé d'envoyer 100 FF par mois, pendant douze mois à 50 prisonniers que les CLCRM estimaient être les plus démunis.

Entre septembre 1981 et janvier 1982, le Comité lillois a organisé, en association avec l'UNEM, la Ligue des Droits de l'Homme et le Collectif Français-Immigrés de Villeneuve-d'Ascq, une conférence sur la situation économique, sociale et politique au Maroc. Cette conférence à laquelle ont assisté près de 110 personnes a été suivie de l'envoi de cartes postales au Consulat du Maroc pour réclamer la libération des détenus politiques254. Par ailleurs, une manifestation organisée par l'UNEM le 16 décembre 1981 a abouti à l'occupation des locaux du Consulat pendant trois heures. Cette manifestation faisait suite à l'occupation de l'ambassade du Maroc par une septantaine d'étudiants de l'UNEM, laquelle eut lieu à Bruxelles le 6 mars 1980255.

A Grenoble256, le CCRM a présenté aux représentants du comité de Paris ses actions pour l'année 1978 jusqu'au mois de juin 1979. Parmi les activités accomplies, le CCRM grenoblois a participé à un meeting de soutien aux insurgés de Gafsa (ville située au Sud de la Tunisie). Le Comité a participé à une table de presse sur le campus universitaire, aux distributions d'un tract dénonçant le caractère « gaussé » d'une exposition sur le Haut Atlas au Musée de la ville. Le Comité de Grenoble s'est associé au Comité de Dijon à propos d'un colloque sur l'impérialisme, au cours duquel le CCRM grenoblois a présenté un exposé sur l'impérialisme exercé par la France sur les pays du Tiers-Monde. Néanmoins, le Comité a cherché à créer le débat lors d'une conférence à propos du poète militant Abdellatif Laâbi*. Ce débat devait permettre une confrontation entre les Marocains toutes tendances politiques confondues, mais ne fut pas un succès. Alors que le Comité cherchait à réunir les différents points de vue des Marocains, il signalait un ralentissement voire une cassure du travail à cause de la majorité des partisans communistes du PPS, de l'UNEM et de l'USFP à propos de l'affaire du Sahara, d'une part, et, d'autre part, à cause des sympathisants d'Ilal Amam et du 23 Mars qui n'auraient pas encouragé la bonne marche du débat. Ailleurs qu'à Bruxelles aussi, les tensions entre les différentes tendances politiques marocaines étaient perceptibles ; en outre, le CCRM de Grenoble redoutait fortement les membres « passagers » en son sein et doublait sa vigilance à l'égard des auditeurs marocains.

254 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lille entre septembre 1981 et janvier 1982.

255 Le Drapeau rouge du 7 mars 1980.

256 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Grenoble des 17 et 18 mars 1979.

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En mars 1981, le CCRM de Rouen participe à la réalisation de la BD de « Rahal » en organisant une collecte de fonds257. Cette collecte devait aussi permettre, quatre mois plus tard, l'impression d'une brochure intitulée « Casablanca juin 1981 » en collaboration avec Paris. Déjà, deux ans plus tôt, le Comité de Rouen a émis le constat suivant : « le travail doit se développer avec la participation du plus grand nombre de Marocains258». En outre, le Comité de Rouen a participé activement au moussem qu'organisent les associations des travailleurs marocains en Europe en mai 1981.

Un appel à une coordination des CLCRM pour le 28 et 29 mars 1981.
Appel proposé par le Comité de Rouen259

257 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Compte-rendu de la coordination des CLCRM passée à Rouen les 28 et 29 mars 1981.

258 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Rouen en mars 1979.

259 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Appel d'une coordination proposé par le CLCRM de Rouen daté du 11 février 1981.

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Retour sur le Comité de Dijon. En effet, alors que le colloque sur l'impérialisme avait été un succès, le CCRM dijonnais a pris connaissance du fait qu'une Foire Gastronomique allait se tenir dans la ville260. Au même moment éclatait les émeutes à Casablanca et le Comité n'a pas manqué d'envoyer un télégramme au ministre des Affaires Extérieures Claude Cheysson261. Cette foire était organisée par les instances officielles marocaines, et, par deux fois, a été annulée. La première avait eu lieu à Caen et la seconde à Rouen. Ces deux villes disposaient d'une section locale du CCRM, mais l'ambassadeur marocain cherchait à avoir le soutien de la mairie et des commerçants locaux pour l'organisation de la foire. Qui plus est, l'ambassadeur cherchait à jumeler la ville avec Meknès. Alerté, le CCRM dijonnais a lancé un appel qui fut rejoint entre autres par : l'AMF, Artisans du Monde, Libre Pensée, le Parti Communiste Français (PCF), le Parti Socialiste Français, le Parti Socialiste Unifié (PSU), l'UNEM et le Club Solidarité Carnot. Ce collectif a organisé derechef un meeting auquel participèrent un membre d'une délégation de l'Internationale Socialiste au Maroc et Christine Jouvin Daure-Serfaty*. Le bilan de ce meeting sensibilisa le public et la Foire Gastronomique ne put se tenir.

A Brest262, le Comité a participé entre avril et septembre 1982 à la présentation d'un montage d'une interview d'Hassan II*. Le CCRM a organisé une soirée avec projection du film « l'Attentat » et essayait de tenir une table de presse hebdomadaire régulière.

Le Comité strasbourgeois a tenu un programme d'activités intense entre janvier et juin 1982263. Du 14 au 25 janvier, le Comité a distribué un dépliant intitulé « le Maroc touristique » à l'occasion de la projection du film « L'envoûtement du Sud marocain ». Le 1er février, le Comité organise une rencontre avec l'Association Catholique pour l'Abolition de la Torture (ACAT) et envoie un communiqué à trois journaux alsaciens264 dénonçant la visite d'Hassan II* en France. Le 12 février, le Comité organise une soirée culturelle où sont invités des chanteurs marocains et turcs. Le 23 février, le Comité fut convié à exposer la situation du Maroc dans le cadre de la semaine panafricaine qui traitait du thème des Droits de l'Homme en Afrique. Le 2 mars, le Comité a participé à un meeting avec des représentants de l'USFP à propos de l'arrestation du secrétaire général du parti Abderrahim Bouabid*. Une table de vente a été aménagée et le CCRM a fait une intervention sur les derniers évènements en rapport avec la répression. Du 4 avril au 22 juin, le Comité a organisé un concert pour le groupe marocain Nass El Ghiwane265 et a distribué des tracts avec la section locale de l'UNEM. Le CCRM a exposé plusieurs panneaux et a procuré des informations dans le cadre d'une interview donnée à une étudiante en journalisme à l'Institut

260 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Communiqué : Foire gastronomique de Dijon - Une action unitaire réussie du 21 novembre 1981.

261 Claude Cheysson (1920-2012) fut un haut fonctionnaire et homme politique français. Il a été commissaire européen chargé des relations avec les pays en voie de développement (1973-1981) et ministre des Relations extérieures (1981-1984).

262 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Brest daté de 1982-1983.

263 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Strasbourg daté du 22 juin 1982.

264 Ces journaux sont : Les Dernières Nouvelles d'Alsace, Le Nouvel Alsacien, L'Alsace.

265 Nass El Ghiwane fut l'un des groupes musicaux les plus importants au Maroc. Ce groupe musicale est né à la fin des années 1960 et puisait dans les répertoires populaires avec un intérêt de l'actualité sociale et politique marocaine.

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Universitaire Technologique de la ville sur la situation politique au Maroc. Enfin, une fois par semaine, un membre du Comité a diffusé sur Radio Bienvenue (radio libre de Strasbourg) les dernières informations en rapport avec la répression au Maroc.

A Amsterdam, le Comité local et le KMAN étaient intimement liés. Entre le 21 juin 1980 et le 6 janvier 1982266, les deux associations ont fait des communiqués de presse concernant les événements de Casablanca. Le 25 juin, le Comité a organisé une manifestation de protestation devant l'ambassade marocaine à La Haye et a remis à l'ambassadeur une pétition appuyée par la Fédération des Syndicats Hollandais (FNV) et les Syndicats Nationaux Chrétiens (CNV). Trois jours plus tard, une nouvelle manifestation a été organisée et a réuni 900 personnes. Fort de ce succès, le CCRM d'Amsterdam a réuni plusieurs représentants des organisations syndicales, politiques et ecclésiastiques de tout le pays. Au niveau local, le CCRM d'Amsterdam collabore avec la section locale du KMAN d'Eindhoven et l'association humanitaire Emmaüs. Ensemble, ils dénoncent les activités des Amicales à Maastricht, notamment l'agression au couteau commise par leur président et ses collaborateurs à l'égard de certains militants du KMAN. Les organisations syndicales néerlandaises proches du CCRM d'Amsterdam, ont organisé à Rotterdam une soirée suivie d'une table ronde avec des représentants d'Amnesty International.

Les CLCRM en Europe cherchent le plus possible à investir l'espace public, s'agissant de la répression politique au Maroc. Cet investissement se caractérise par des distributions publiques de tracts, ainsi que par une implication dans l'enceinte universitaire où, d'une part, les CLCRM défendent les droits des étudiants étrangers et, d'autre part, ils sensibilisent les étudiants du campus sur la vie politique au Maroc sous une perspective d'une solidarité internationale. Par ailleurs, les CLCRM distribuent leur bulletin d'information dans des librairies et travaillent à gagner l'opinion publique en leur faveur par des interventions radiophoniques sur la répression politique au Maroc. L'examen de ces premières coordinations permet d'affirmer que les CLCRM ont parfois maille à partir avec les problèmes internes des mouvements associatifs marocains.

La coordination des CLCRM organisée à Rouen établissait une meilleure disposition des travaux des sections locales, dressait les premières recettes et harmonisait le plus possible le fonctionnement entre les CLCRM. A l'issue des activités portées par les CLCRM en Europe, une nouvelle association née des CLCRM voyait le jour en France durant les deux premières coordinations européennes267: l'Association des Parents et Amis des Disparus au Maroc (APADM). Cette association va compléter le travail des CLCRM en dressant des listes des victimes collatérales de la répression au Maroc, tout en centralisant davantage les listes des détenus dressées par les CLCRM. Ainsi, l'APADM publiait un premier communiqué daté d'août 1983. Ce communiqué fut signé par 97 détenus politiques de la prison centrale de Kénitra. Ces détenus du groupe « 83 » étaient pour la plupart des juges, des avocats, des journalistes dont certains appartenaient à l'USFP et l'AMDH. Ce communiqué : « appelle l'ensemble des

266 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des activités du KMAN et du CLCRM d'Amsterdam du 7 janvier 1982.

267 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°378, APADM - Communiqués : Communiqué de l'APADM du 15 mai 1983.

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organisations démocratiques et l'opinion publique humanitaire à exprimer sa solidarité et son soutien à ces familles pour obtenir des éclaircissements sur le sort réservé à leurs enfants disparus depuis plus de six mois et obtenir leur délivrance des lieux de détention secrète, à savoir les griffes de la répression et des contraintes inhumaines268. »

Pendant la coordination des 24 et 25 octobre 1982 qui s'est déroulée à Paris269, le comité central a

demandé à chaque comité actif de lui fournir une liste de personnes susceptibles de s'abonner. Le Comité de Paris signale la condamnation de 21 détenus en janvier 1982. Une libération est signalée, celle d'Hakima Nagi (détenue alors enceinte) contrairement au détenu Seghir qui aurait dû sortir avec un groupe de détenus de la prison de Meknès mais qui a finalement été transféré à la prison de Kénitra. Par contre, au pénitencier de Settat, les lycéens déclenchent une grève de la faim. Le CLCRM de Paris prend connaissance, entre temps, d'un voyage du Président François Mitterrand* au Maroc270. Les informations sur les détenus filtrent au compte- goutte271. La date du voyage est encore imprécise et laisse espérer une campagne de libération des détenus politiques. Paris propose plusieurs actions parmi lesquelles : une demande d'entrevue d'une délégation des avocats qui sont allés au Maroc dans le cadre des deux missions juridiques organisées en 1979 et 1981, le lancement d'une pétition, que chaque comité enverrait le plus rapidement possible à l'Elysée et à l'Ambassadeur du Maroc en France. La priorité, pour cette pétition, sera de rechercher des signatures de personnes connues.

Le 22 mai 1982272, le Comité de Paris prend conscience des problèmes de communication existant entre les différentes sections des CLCRM dans le reste de l'Europe. Paris envisage, dès lors, d'adresser une « Lettre du Comité de Paris aux autres comités » chaque mois avec l'envoi du bulletin d'information. La circulation des informations se fait alors par trois moyens : par l'utilisation exceptionnelle d'un numéro de téléphone en utilisant l'organigramme « d'urgence » que le Comité lillois a envoyé à chaque comité et qui permet ainsi une liaison rapide ; ensuite, par l'utilisation plus habituelle du répondeur-enregistreur. Ce système permet de recevoir les dernières nouvelles sur la répression au Maroc, de connaître les activités des comités et d'enregistrer les messages relevés deux fois par jour. Le troisième moyen réside dans les informations échangées entre les différents comités qui complètent le service répondeur-enregistreur.

Depuis 1979, les comités de Lille, Paris, Dijon, Rouen, Caen et Angers ont suivi les grandes lignes de la politique marocaine en observant : les accords de Paix intervenus le 5 août 1979, entre la Mauritanie et le POLISARIO, la visite d'une commission sénatoriale américaine dans les territoires occupés par le Maroc au Sahara occidental et le bilan politique de la gauche marocaine où le PPS est de plus en plus isolé devant l'USFP qui se présente comme la seule alternative gouvernementale au Maroc. Quant à

268 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°378, APADM - Communiqués : Communiqué des 97 détenus politiques de la prison centrale de Kénitra daté d'août 1983.

269 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Pétition proposé par le CLCRM de Paris lors de la coordination de Paris des 24 et 25 octobre 1982.

270 Idem

271 Cette situation empêcha le CCRM de Bruxelles de pouvoir publier son bulletin d'information.

272 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Proposition de Paris aux sections locales des CLCRM d'amélioration de la communication des informations datée du 22 mai 1982.

87

l'UNEM, elle tenait son XVIe Congrès entre le 31 août et le 5 septembre 1979 et peinait à se relever des troubles internes. Ainsi, les CLCRM et quelques partis de la gauche marocaine (USFP, Ilal Amam, 23 Mars et l'UNEM) ont convenu de maintenir la collaboration mutuelle là où les comités représentent un lieu de rencontre entre toutes les organisations marocaines. Les CLCRM ne font pas d'exclusivité dans leur soutien aux organisations politiques marocaines d'opposition. Les comités maintiennent la nécessité d'élargir le soutien à la lutte du peuple marocain, à toutes les forces progressistes dans le monde, et le besoin d'une alliance de toutes les forces marocaines d'opposition contre la répression.

Les différents bilans des CLCRM envoyés à Paris ont permis une synthèse des travaux des comités reprise dans une commission interne aux CLCRM. Cette commission établit les conditions pour être agréé CLCRM. Les conditions sont les suivantes273:

- Avoir accepté la plateforme des CLCRM ; - Avoir engagé des activités localement ;

- Avoir reçu la visite ou la caution morale d'un CLCRM déjà existant ;

- Verser une cotisation annuelle d'un
minimum de 100 Frs ;

- Chaque membre doit verser une cotisation au comité local d'un montant à définir par chaque comité.

Les conditions d'adhésion aux CLCRM exigent, en plus, un maintien des activités locales, un versement de la cotisation et une présence au moins à une coordination dans l'année. Les conditions de participation à une coordination établissent qu'un membre doit faire partie d'un comité reconnu et que, s'il vient pour la première fois à une coordination, le membre doit être mandaté par écrit par son comité. La participation à une première coordination se fait à titre d'observateur ; par la suite, la participation est plénière.

La commission du travail était suivie d'une commission matérielle. Cette commission faisait état de la vente de la BD de « Rahal », des bulletins d'information et des tirages des brochures. Au début de l'année 1983, les comités de Bruxelles, de Charleroi, de Lille, de Rouen, d'Amsterdam et de Paris ont rendu compte de leur recette274:

Bruxelles 24648

Charleroi 9148

273 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°402, ASCLCRM - Communiqués : Synthèse du travail des CLCRM. La commission de fonctionnement datée de 1982-1983.

274 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°402, ASCLCRM - Communiqués : Synthèse du travail des CLCRM. La commission matérielle datée de 1982-1983.

Lille

3542

Rouen

1473

Hollande

7457

Paris

7000

Total 53268 Fr

88

Cette recette va servir, en partie, à financer la mission médicale Brutsaert partie de Belgique au Maroc durant le mois de septembre 1984.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand