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Vers une compréhension de la mobilité résidentielle au regard de l'étalement de l'aire métropolitaine de Port-au-prince : le cas de Canaan de 2010 à  2020


par Wilguens Pharius
Université d'État d'Haïti  - Diplôme en sciences sociales  2021
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ D'ETA56 T D'HAITI

ECOLE NORMALE SUPERIEURE

Département des Sciences Sociales/Géographie

Promotion : 2014-2019

Vers une compréhensionde la mobilité résidentielle au regard de l'étalement de l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010 à 2020

Mémoireréalisé par Wilguens PHARIUS

En vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Normales en Sciences Sociales/Géographie

Sous la direction du professeur Mibsam JEANNIS

Port-au-Prince, mai2021

Photo de couverture : PETTER, Anne-Marie et al. 2018. « Une nouvelle ville en cinq ans : le cas de Canaan, Haïti ». In UQAM. 2018. Perspectives de développement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, horizon 2030. Port-au-Prince. 2018, pp.193-226.

DEDICACE

Ce mémoireest dédié à mon père Saveny PHARIUS et ma mère Josette Jean-Brune PHARIUS  pour les sacrifices consentis tout au long de mes formations scolaire et universitaire.

Je dédie également ce travail à la mémoire de nos deux (2) camarades de promotion :Oriol Pierre DERIVAL et Ripert ALSAINT.

A la mémoire deGregory SAINT-HILAIRE, assassiné le 2 octobre 2020 dans l'enceinte de l'Ecole Normale Supérieure par les agents de l'USGPN.

A la mémoire de nos chers professeurs Pierre Jorès MERAT, Roger PETIT-FRERE, Michel HECTOR et Achille DEJEAN.

REMERCIEMENTS

Ce modeste travail de fin d'étude n'aurait pas été possible sans l'apport conscient ou inconscient d'un grand nombre de personnes. Il est de mon devoir de les remercier.

Remerciement à notre Dieu, le tout puissant.

À mes parents, qui ont toujours pris très ausérieux mon éducation et ma formation intellectuelle.

Mes remerciements s'adressent spécialement au professeur Mibsam JEANNIS, mon directeur de recherche, qui a toujours été disposé etdisponible à faire une lecture scientifique des différentes versions préliminairesde ce travail de recherche. Ses conseils, ses supports, sesencouragements répétitifs, son sens d'abnégation et son soutien inconditionnel, mais aussipour m'avoir procuré toutes les documentations de sa bibliothèqueprivée jugées utiles au mémoire.

Aux professeurs de l'ENS, spécialement ceux du départementdes Sciences sociales de m'avoir donné une bonne formation académiquependant mes quatre années d'étude.

Au professeur et chercheur suisse Patrick RERAT, qui, dès que je l'avais contacté,a partagéavec moi ses travaux.

J'adresse des vifs remerciements à Robenson MERESTIL et Hefna LORAQUE que je considère comme faisant partie de ma famille. Avec eux, j'ai réalisé la majorité des travaux en groupe depuis la premièreannée jusqu'à la fin de l'étude. Ils ont fait preuve d'un dynamisme et d'un esprit d'équipe remarquable.

À ma soeur Wedelène PHARIUS pour son encouragement.

À mes tantes, mon oncle et mes cousines : Alicienne et Velina, Fleuranord, Cherley et Maïkapour ne citer que ceux-là pour leur support inconditionnel.

Aux familles PHARIUS et JEAN-BRUNE.

Remerciement à ma compagne Vierge Carmelle MARCELIN pour son support inconditionnel tout au long de la rédaction du travail.

Je tiens à remercier Nesly THEODOREqui m'aaidéà identifier les personnes informatrices.

À mes camarades de promotion avec qui j'ai eu de fructueuses discussions académiques qui m'ont aidéà progresser intellectuellement. Je parle ici deRicardo JOSEPH, Asmadio DIORO, Bernadel GEORGES,Grégory ALEXIS, Jaude OMEUS, Gregory JOSEPHpour ne citer que ces derniers.

Un remerciement spécial à ses amis que je considèrecomme ma deuxième famille,qui m'ont encouragé dans la réalisation du travail. Il s'agit de Daniel LAMOUR, Albertini SUPREME, Ralph Yventz ETIENNE, Lizardo SAINT-LUC, Hérode FAUSTIN et Franceska MENTOR.

À mes anciens collègues de l'ENS et de la FASCH.

À tous ceux et toutes celles qui m'ont toujours soutenu et encouragétout au long de mon parcours.

Enfin, j'adresse mes sincères remerciements à tous les participants à l'enquête qui ont mis leur temps à ma disponibilité. Sans leur accord et leur disponibilité, le travail n'aurait pas pu êtreréalisé.

Résumé

Au cours des dernièresdécennies, les périphéries des villes sont devenues le réceptacle des populations. Dans la littérature scientifique, on parle de périurbanisation quand ce processus participe au brouillage des limites entre l'urbain et le rural, ou plus largement d'étalement urbain. Il s'agit d'une nouvelle modalité épousant l'urbanisation dans un contexte de capitalisme mondialisé. La mobilité résidentielle constitue lemécanisme central de ces mutations urbaines. D'où étudier la problématique de la mobilité résidentielle, c'est-à-dire tenternotamment de répondreà la question générale « pourquoi les gens changent-ils de domicile ? », à ce titre, paraît capital.

Dans le cadre de ce mémoire de géographie, une analyse des motivations résidentiellesdes habitantsde Canaan(2010-2020), nouvelle périphérie de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, ainsi que du cadre de vie de cette population urbaine est proposée.Cetteétude part du postulat que« les individus et les ménages disposent au cours de leur vie d'un minimum de liberté d'action et de lucidité dans leurs pratiques résidentielles ». Ainsi, ressort-il de notre propos que s'installer à Canaan relève de la mobilité résidentielle sous contrainte pour certains, conséquence du séisme du 12 janvier2010. Le choix résidentiel à Canaan est aussi motivépar la déclaration d'utilité publique de la zone, et découlepar ailleurs des« préférencesrévélées ou de fait »liées au coût des parcelles de terrain, au type d'habitat, à la question du statut d'occupation et à son contexte résidentiel marqué par une relative tranquillité. Cette investigation scientifique permet également de comprendre quel'agglomération de Canaan s'est constituée en dehors de toute règle d'urbanisme. Il s'agit d'un lieu « sans » : sans eau, sans route, sans électricité, sans Etat, etc.

Mots -clés:mobilité résidentielle, habitat/logement,étalement urbain, Canaan, aire métropolitaine de Port-au-Prince, choix résidentiel, motivation résidentielle, cadre de vie, Haïti, périphérie.

Abstract

In recent decades, the outskirts cities have become the receptacle for populations. In the scientific literature, we speak of suburbanization when this process contributes to blurring the boundaries between urban and rural, or more broadly of urban sprawl. . This is a new modality embracing urbanization in a context of globalization of urbanization in a context of globalization. Residential mobility, that is to say, in particular to try to answer the general question ``why do people change homes?'', as such, seems essentials.

As part of this geography thesis, an analysis of the residential motivations of the inhabitantsof Canaan (2010-2020), new periphery of the metropolitan area of Port-au-Prince, as well as the living environment of this urban population is proposed. This thesis is based on the premise that ``individuals and households have a minimum of freedom of action and lucidity in their residential practices over the course of their lives''. Thus, it emerges from our remarks that settling in Canaan involves residential mobility under constraint for some, consequence of the earthquake of January 12, 2010. The choice of residential in Canaan is also motivated by the declaration of public utility of he area, and also stems from the preferences revelead like to the cost of the plots of land, to the question of occupancy status and to the residential context of Canaan marked by relative tranquility. The scientific investigation also makes it possible to understand that the agglomeration of Canaan was constituted without any planning rules. It is a place ``without'': without water, without road, without electricity, without electricity, without state, etc.

Keywords :residential mobility, urban sprawl, housing, Canaan, metropolitan area of Port-au-Prince, residential choice, residential motivation, living environment, periphery, Haiti.

Rezime

Pandan dènye deseni sa yo, se periferi vil yo ki sitou ap resevwa moun. Nan literati syantifik la, lè pwosesis sa patisipe nan bwouye limit ant vil ak riral, yo rele sa periibanizasyon oubyen yo itilize yon konsèp pi jeneral ki se etalman iben.Se yon nouvo fòm ibanizasyon an pran nan yon moman kote mondyalizasyon an ap domine. Se pou saetidye pwoblematik mobilite rezidansyèl la, sa vle di konprann poukisa moun yo ap demenaje a, parèt enpòtan.

Nan kad memwa jewografi sa, n ap analize motivasyon rezidansyèl moun ki rete Kanaran yo (2010-2020), epi tou n ap chèche konprann kad de vi popilasyon sa tou. Etid sa chita sou postila ki fè konnen endividi yo ak menaj yo pandan lavi yo gen yon minimòm lisidite ak libète pou yo aji nan pratik rezidansyèl yo. Nan kad travay la nou reyalize chwa lokalizasyon rezidansyèl nan Kanaran an se rezilta yon sitiyasyon kontrent ki lye ak tranbleman de tè 12 janvye 2010 a. Li se konsekans arete ki deklare itilite piblik zòn nan, epitou se preferans moun yo pou pri moso tè yo, tip abita a, kesyon estati okipasyon an ak kontèks rezidansyèl trakilite nan Kanaran. Envestigasyon syantifik sa tou pèmet nou konprann Kanaran konstui an deyò tout règ ibanis. Se yon kote « san » : san dlo, san wout, san Leta, elt.

Mo kle yo : mobilite rezidansyèl, abita/lojman, etalman iben, Kanaran, zòn metwopolitèn Pòtoprens, chwa rezidansyèl, motivasyon rezidansyèl, kad de vi, Ayiti, periferi.

LISTE DES ACCRONYMES ET DES ABREVIATIONS

CIAT : Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire

ENS : Ecole Normale Supérieure

FASCH : Faculté des Sciences Humaine

HDS : Haïti Data Services

IHSI  : Institut Haïtien de Statistique et d'informatique

LAQUE : Laboratoire de Qualité de l'Eau et de l'Environnement (de l'UniQ)

OCB : Organisation communautaire de Base

OIM : Organisation Internationale pour les Migrations

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ONU-Habitat: Organisation des Nations Unies pour l'Habitat

OPS : Organisation Panaméricaine de la Santé

RGPH :  Recensement General de la Population et de l'Habitat

SIDA : Syndrome d'ImmunoDéficience Acquise

UCLBP : Unité de Construction de Logements et des Bâtiments Publics

UEH : Université d'Etat d'Haïti

UQAM : Université de Québec à Montréal

URAU : Unité de Recherche en Architecture et Urbanisme

LISTES DES FIGURES

Figure 1. Les nouveaux quartiers au nord de Port-au-Prince après le séisme du 12 janvier 2010

Figure 2. La superficie de la zone habitée de Canaan en 2020

Figure 3.Localisation de Canaan en périphérie de l'airemétropolitaine de Port-au-Prince

Figure 4. Lotissement à Canaan

Figure 5. Banque de Borlette (lotterie)

Figure 6. Vue aérienne du port Lafiteau

Figure 7. Vente d'eau potable dans un habitat individuel

Figure 8. La route principale de Canaan 3

Figure 9. Décharge à ciel ouvert

Figure 10. Habitat précaire

Figure 11.L'église catholique de la paroisse Sainte Famille domine le paysage à Canaan.

Tableau 1. Tableau présentant les enquêtés et la date des entretiens

TABLE DES MATIERES

DEDICACE iii

REMERCIEMENTS iv

Résumé vi

Abstract vii

Rezime viii

LISTE DES ACCRONYMES ET DES ABREVIATIONS ix

LISTES DES FIGURES x

TABLE DES MATIERES xi

Introduction 14

Chapitre I. PROBLEMATIQUE 17

1.1. Définition du problème 18

1.2. Questions de recherche 23

1.2.1. Question principale de recherche 23

1.2.2. Question secondaire 23

1.3. Hypothèses du travail 24

1.4. Objectifs du travail 24

1.5. Etat de la question 24

1.6. Justification du travail 30

Chapitre II. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 32

2.1. La mobilité résidentielle 33

2.1.1. Le sens du concept 33

2.1.2. Les approches liées à la mobilité résidentielle 34

2.1.2.1. Les perspectives déterministes et humanistes 34

2.1.2.2. Les perspectives macro- et micro-analytiques 34

2.1.2.2.1. L'approche néo-classique 34

2.1.2.2.2. L'approche behavioriste 35

2.1.2.2.3. L'approche institutionnelle 35

2.1.2.2.4. L'approche structuraliste 35

2.1.2.2.5. L'approche humaniste 36

2.1.3. Aspirations et comportements de mobilité 36

2.2. Le concept de choix résidentiel 37

2.2.1. Profil 38

2.2.2. Trajectoires 38

2.2.3. Motivations résidentielles 39

2.3. Le concept de migration 40

2.3.1. Le concept de migration et ses variantes 40

2.3.2. Quelques éléments sur la migration en Haïti 41

2.4. Qu'est-ce que l'étalement urbain ? 43

2.5. Le logement et l'habitat 44

2.6. Vers une tentative de délimitation de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince 46

2.7. Vers le choix d'un modèle explicatif 47

Chapitre III. Cadre méthodologique 49

3.1. L'analyse documentaire 50

3.2. L'observation 50

3.3. L'entretien semi-directif 51

3.4. Mise en garde méthodologique 53

3.5. Délimitation temporelle de l'étude et limite du travail 53

Chapitre IV. Brève présentation de Canaan 54

4.1. Evolution spatio-temporelle de Canaan 55

4.2. Le territoire de Canaan : accessibilité et description géophysique 57

4.3. Données démographiques 60

4.4. La question foncière et le mode d'occupation du sol 60

4.5. Activités économiques 62

Chapitre V. RESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATIONS DES DONNEES 66

5.1. Le choix résidentiel des habitants de Canaan : motivations 68

5.1. 1. La publication de l'arrêté du 22 mars 2010 68

5.1.2. L'endommagement ou la destruction de son logement 69

5.1.3. Le statut d'occupation 70

5.1.4. Le coût des parcelles de terrains 72

5.1.5. Le type d'habitat 73

5.1.6. La tranquillité 75

5.2. Le cadre de vie de l'agglomération de Canaan 76

5.2.1. Réseau, Service et organisation territoriale 77

5.2.2. La situation environnementale 80

5.2.3. Qualité de l'habitat 83

5.2.4. Sécurité 85

Conclusion 87

Références bibliographiques 90

Annexe I 95

Annexe II 96

Annexe III 98

Annexe IV 99

Annexe V 100

Introduction

Pourquoi les gens déménagent-ils ? Comment choisissent-ils leur logement et le lieu de résidence ? Ces questions sont capitales pour comprendre la dynamique des villes contemporaines. Les mouvements résidentiels sont en effet un moteur majeur qui façonne les tissus urbains. Ils sont au coeur des processus tels la gentrification et l'étalement urbain. Des chercheurs comme Florin et Semmoud (2010 :2)explicitent et précisent que la mobilité résidentielle està l'origine des dynamiques quasi synchrones, à savoir la métropolisation, le desserrement voire l'étalement urbain.

La mobilité résidentielle, objet d'étude entre autres de la géographie des mobilités constitue l'une des quatre formes principales de mobilité spatiale aucôtéde la mobilité quotidienne, de la migration et du voyage. La géographie des mobilités visent àrépondre à la question «  pourquoi les gens se déplacent-ils ? ».

Depuis trois décennies, le desserrement des grandes agglomérations urbaines et leur expansion spatiale sur les espaces environnant se sont imposés comme un processus planétaire : c'est l'étalement urbain. On parle de périurbanisation1(*) plus précisément quand cette croissance spatiale se fait aux dépens des espaces ruraux environnants (Guibert et Jean, 2011).

L'explosion des mobilités, l'intensification des circulations matérielles et immatérielles et le processus d'urbanisation planétaireaccélérée depuis un demi-siècle dans un contexte de capitalisme mondialisé, constituent les principales causes de ce phénomène.Si l'on veut paraphraser, on pourrait dire que l'accroissement des surfaces urbaniséesrésulte de la mobilité résidentielle, c'est-à-dire dudéplacement des individus ou des ménagesimpliquantl'installation sous un toit, dans un domicile.

Au Nord, la périurbanisation tout en étant moins forte dans les années 1970 en île de France en France, continue d'alimenter la densification et l'expansion des aires métropolitaines. A Mexico au Sud,où la périurbanisation est ancienne (1960), le taux d'accroissement annuel des zones périurbaines est de 2,5% à la fin des années 1990 contre 1,28% pour l'agglomération. Dans d'autres pays du Sud, à la mêmepériode, la croissance des espaces périurbains est bien plus rapide : de l'ordre de 10% autour de Chennay et de New Delhi en Inde ; de 8% à Chia, au nord de Bogota en Colombie (Guibert et Jean, 2011).

Les villes haïtiennes n'échappent pas au phénomène de l'étalement urbain ou de lapériurbanisation. La littérature scientifiqueévoque en ce sens la zone ouest vers Gressier et Léogâne, la zone sud-est dans les communes de Kenscoff, la zone nord dans la commune de Croix des bouquets de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince avec Canaan, notre terrain d'étude.

Depuis 2010, Canaan s'étend et participe à l'agrandissement de la tâche urbaine de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. C'est un cas particuliercontrairement aux autres périphéries de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, en raison de la rapidité de son urbanisation et le contexte dans lequel il s'est émergé, un contexte post-catastrophe. Ce territoire reçoit près de 250 000 habitants en cinq ans selon l'UCLBP. Presque tous les nouveaux arrivants viennent de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince.

Ainsi, pour réaliser cette étude, en plus de la partie introductive constituée par la présente, ce travail comporte cinq chapitres répartis comme suit :

Le premier chapitre définit le problème, présente nosquestions de recherche, les objectifs de l'étude et les justifications du travail, Celui-ci présente également les travaux antérieurs réalisés en rapport avec la thématique de recherche.

Le deuxième traite du cadre théorico-conceptuel dans lequel nous situons notre recherche, et fera la lumière autour des concepts clés du travail.

Le troisième chapitre est consacré à la présentation du cadre méthodologique, lequel vise à définir la méthode de recherche, les techniques utilisées pour la collecte des données.

Le quatrième chapitre procède à une brèveprésentationdu terrain d'étude : Canaan.

Le cinquième chapitre est consacréau cadre empirique c'est-à-dire la présentation, l'analyse et l'interprétation des données recueillies.

Enfin, la conclusion.

CHAPITRE I

LES ELEMENTS DE LA PROBLEMATIQUE

1.1. Définition du problème

À toi et à ta race après toi, je donnerai le pays où tu séjournes, tout le pays de Canaan, en possession à perpétuité, et je serai votre Dieu3(*).

(Genèse 17, 8)

Le constat de l'étalement de l'agglomération de Port-au-Prince a été fait par les acteurs urbains et les chercheurs. La mobilitérésidentielledéfinie comme le déplacement par lequel un ménage change durablement de logement en raison, notamment, de facteurs professionnels, familiaux, sociaux ou environnementaux (Da Cunha et al.,2007), constitue le moteur principal de ce phénomène qui transforme morphologiquement cette ville.

Au cours des dernièresdécennies, on est en phase àdes mutations territorialesliéesà la mondialisation. Dans les pays du Nord comme dans les pays du Sud4(*) de nombreuses agglomérations urbainesévolue en mégalopoles ou « villes tentaculaires ». Cette réalité traduit le processus de métropolisation, qui renvoie à l'insertion de la ville dans la mondialisation (Bourdeau-Lepage, 2011, cité par Darbouze et al. 2018 : 44).La métropolisation est la forme contemporaine d'un processus d'urbanisation séculaire qui a d'abord vidé les campagnes de leurspopulations et qui tend aujourd'hui à réduire le poids relatif des villes petites et moyennes pour former de nouveaux ensembles territoriaux (Da Cunha et al. 2007 :33). Mondialisation rime avec mondialisation : il ne s'agit pas d'un slogan mais d'une réalité.Le processus de métropolisation est animée par une triple dynamique en relations les unes aux autres, selon Bahr (2010, cité par Darbouze et al. 2018). Il s'agit de la concentration de richesses et d'emplois comme dynamique économique, une dynamique de ségrégation spatiale et de concentration des catégories donnant à la ville son pouvoir symbolique et une dynamique spatiale d'étalement urbain et d'enchevêtrement des populations et des activités.

Dans le cas de l'agglomération de Port-au-Prince, s'intégrant dans la mondialisation, elle accueille vers les années 1960 et 1970 l'industrie de la sous-traitance, des parcs industriels y sont construits ainsi que des nouveaux équipements (port, aéroport...). L'implantation de ces équipementsattire de plus en plus de ruraux (Lucien, 2018) :l'agglomération de Port-au-Prince est renforcée, et est au coeur des mouvements résidentiels sur le territoire national, c'est le lieu d'accueil privilégié des migrants internes.James Darbouze et al. (2018) affirme que « la métropolisation de la capitale haïtienne renforce un certain nombre d'enjeu d'aménagement et d'urbanisme, notamment la gouvernance, les inégalitéssociospatiales et l'équité en matière d'habitat et d'accès aux infrastructures et services ».

D'après Georges Eddy Lucien (2018), les jalons de cette dynamique territoriale demétropolisation de l'agglomération de Port-au-Princeont été poséspendant l'occupationaméricaine de 1915. Il a de démontrer, non sans argument, que Port-au-Prince a été le lieu de prédilectionsous les auspices des occupants entre 1915-1934 d'un ensemble de transformations (politique, économique et sociales qui tout en lerenforçant, sèment les graines de ses dysfonctionnements contemporains (Lucien, 2013).

Grace à un ensemble de transformations réalisées, marquées par des logiques de centralisation par les occupants à Port-au-Prince, celui-ci est renforcé au regard du système urbain national. En effet, tout est misé sur la capitale au détriment de la province, car c'est elle qui attire plus que toute autre partie du pays l'attention des Américains. Les investissements affectés au département de l'Ouest, dont la majeure partie est réalisée dans la capitale, s'élevaient entre 1921 et 1930 à près de 70% des budgets totaux (Lucien, 2018 : 64). Ces privilèges budgétaires et fiscaux accordés à Port-au-Prince et à son port, par rapport au réseau urbain haïtien et la suppression de l'autonomie budgétaire des communes et des régions, favorisent à ce que la capitale émerge progressivement en tant qu'une structure macrocéphale. Georges Eddy Lucien (2018 : 64) ajoute en ce sens que : « cette attraction accroît le déséquilibre avec le reste du pays et nourrit un mouvement migratoire interne ». La croissance de la capitale résultant de l'arrivée massive des migrants et d'un accroissement naturel significatif de la population urbaine, génère l'étalement de la ville et des dysfonctionnements urbains majeurs. 50% des équipements hospitaliers, 2/3 des banques, 3/4 de l'enseignement supérieur se retrouvaient dans la trame urbaine de Port-au-Prince en 2012 (Théodat, 2012 :6).

Entre 1950 et 2012, le taux de croissance annuel lié à la croissance et l'expansion spatiale de Port-au-Prince était de 4,8% (Tamru et Milian, 2018 : 5). Bezounesh Tamru et Johann Milian (2018 :5) ajoutent qu'en 2015, le territoire urbain de Port-au-Prince était d'une superficie de plus de 40 000 ha alors qu'en 1915, soit exactement un siècle avant, celui-ci se mesurait à 700 ha: Port-au-Prince s'avance au Nord vers Cabaret et dans la plaine du Cul de sac et vers le Sud jusqu'à Léogâne.L'aire métropolitaine de Port-au-Prince concentre environ 4 millions d'habitants en 2018 (Lizzarralde et al. :150, 2018), c'est-à-dire 55% de la population urbaine du pays (Théodat, 2018 :5). Cette croissance de la population de l'agglomération port-au-princienne s'explique d'aprèsJean Marie Théodat (2012), d'un côté parl'exode rural :la capitale haïtiennereçoit entre 75 000 et 100000 migrants par année. Et de l'autre côté, le croît démographique des faubourgs(Cité soleil, Cité de l'Eternel, Carrefour, etc.), qui s'apparentent àcelui des populations rurales.

L'expansion récente de l'agglomération urbaine de Port-au-Prince concerne principalementtrois zones :la zone ouest dans les communes de Gressier et de Léogâne, lazone sud dans les communes de Pétion-Ville et de Kenscoff et la zone nord dans les communes de Croix-des-Bouquets, de Thomazeau, deGanthier et de Cabaret. Ce sont les « nouvelles périphéries ».L'étalement de l'agglomération ou l'étalementrésidentiel est surtout marqué par l'habitat individuel, le lotissement et l'autoconstruction dans un contexte de déni total des règles d'urbanisme.

Le séisme du 12 janvier 2010 fut un tournant dans la croissance spatiale de la ville et en même temps participe à fragiliser davantage le tissu urbain5(*). Celui-ci a causé la mort de 220 000 personnes environ (Etienne, 2019). Le nombre de sans-abris était de 1.3 millions. 105 000 logements ont été détruit et 208 000 endommagés. Le manque en matière de logement est exacerbé : d'ailleurs avant le séisme la demande de logement s'estimait à 200 000/an (Tamru et Milian, 2018, citant PNUD). Fritz Pierre Joseph (2014 : 120) parle d'un déficit d'un million de logements en 2009. Après la date du 12 janvier 2010, les camps de déplacés fusaient partout dans la capitale. Le séisme a intensifié les mouvements résidentiels sur le territoire national. Certains ménages sinistrés partaient s'installer dans la périphérie de Port-au-Prince. Cela participait à une redistribution de la population.

L'apparition de Canaanviseàrépondre au prime abord le déficit de logement après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.Canaan était un camp d'hébergement. Il allaitêtredéclaré d'utilité publique vers la mêmeannée, soit en mars 2010 par l'administration Preval-Bellerive. En 2015, selon l'UCLBP, cette nouvelle zone urbaine située à 18 kilomètres du site historique de Port-au-Prince comptait 250 000 habitants, selon l'UCLBP. Ces citadins occupent ce territoire sans aucune planification de l'Etat et en toute illégalité.Ce territoire urbain est confrontéà ce qu'appelle Bezounesh Tamru et Johann Milian (2018 :9), une «  urbanité vulnérable ». Le site support du bâti de ces nouveaux arrivants se trouve trèsexposé face aux phénomènes naturels.

En fait, la population de Canaan n'est pas exempte de ce que soutient Gonzalo Lizzaralde et al. (2018 :150) pour l'ensemble de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince :

Certains citoyens trouventune solution résidentielle faisant appel au secteur informel du foncier, de l'immobilier, du crédit et de la construction. Instinct de survie et résilience conduisent la population à relever elle-même les principaux défis posés par l'habitat. Phénomène omniprésent, l'informalité de ce fait s'enchevêtre aujourd'hui dans le tissu urbain de la métropole, souvent dans les interstices laissés par une géographie inhospitalière. Il en résulte une trame urbaine disloquée et fragmentée, révélant un déséquilibre de densités, et de grandes disparités économiques et sociales.

Les mouvementsrésidentielsintéressent peu les décideurs politiques. De fait, les politiques publiques liées au logement et à l'urbanisme sont quasi inexistantes. Les actionsde l'UCLBP comme organisme étatique se versant dans le domaine de la construction de logement publiquene se font pas sentir. C'est l'anarchie urbanistique.

Pourtant, la croissancedémographique de Canaan ne cesse d'accélérer. Les nouveaux cananéens arrivent au jour le jour. Canaan n'est plus un lieu d'hébergement : celui-ci est habité (Pierre, 2013). Il reçoit des nouveaux arrivants venant de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince aussi bien que des migrants externes, alors que ce dernierreste géo-administrativement non reconnu et isolé des services et sourcesd'emploi de la capitale.

Alors,qu'est-ce qui favorise les mouvementsrésidentiels vers le site de Canaan ? Quels sont les facteurs qui influencent l'attractivité de Canaan pour ces nouveaux arrivants ?Quelles sont les motivations qui sous-tendent le choix de résiderà Canaan? Pour quel lieu, quel cadre de vie, quel type de logement, d'habitat déménagent-ils ? Canaan répond-il à leur aspiration ? Comment l'espace du quotidien des Cananéens s'est évolué de 2010 à 2020 ?

1.2. Questions de recherche

Sans passer par quatre chemins, nous tenons à préciser nos questions de recherche, lesquelles nous guideront tout au long du travail.

1.2.1. Question principale de recherche

Nous formulons notre question principale de recherche comme suit :Quelles sont les motivations résidentiellesdes habitantsde Canaanentre 2010 à 2020 au regard de l'étalement de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince?

1.2.2. Question secondaire

La présenteétude vise égalementàrépondreà la question secondaire suivante : Quel est le cadre de vie des habitants de Canaan entre 2010 à 2020?

1.3. Hypothèses du travail

Par rapport à nos questions de recherche, nous avons formulé des hypothèses. Par rapport àla première question principale de recherche, notrehypothèse est :la décision gouvernementale du 22 mars 2010 et la volonté de devenir propriétaire d'une parcelle de terrain ont jouéun certain rôle dans le choix résidentiel à Canaan entre 2010 à 2020.

Au regard de la seconde question, nous formulons notre hypothèse ainsi : Le cadre de vie des habitants de Canaan est un lieu « sans » : sans Etat, sans électricité, sans routes, sans eau, etc.

1.4. Objectifs du travail

Dans le cadre de notre étude, nous nous fixons comme objectifs de déterminer les motivations résidentielles des habitants de Canaan entre 2010 et 2020 et pour ensuite mettre en évidence le cadre de vie de ces habitants.

1.5. Etat de la question

Afin de réaliser ce travail, on ne saurait s'échapper à la consultation de quelques-uns des travaux déjà réalisés se rapportant à notre étude. La problématique de la mobilitérésidentielle en Haïtise trouve être un champ d'étude peu exploré voire inexploré à notre connaissance.Donc, nous n'avons pas été en contactavec des études ayant mis en relationla question de la mobilitérésidentielle et l'étalement urbain. Néanmoins, maintes investigations scientifiques ont étéréalisées dans l'objectif de mettre en lumière la question de l'habitat/logement dans l'espace haïtien dont l'étalement urbain demeure l'une des caractéristiques6(*), oules transformationsà l'oeuvre au sein du tissu urbain de Port-au-Prince. L'accent sera mis sur ces thèmes dans cette revue de littérature.

Cela étant, nous avons été en contact avecdes mémoires, articles scientifiques, revue scientifique et des rapports scientifiques se rapportant à ces thématiques.

En effet, Kensy Bien-aimé (2016) dans une étude réalisée sur la question du logement et le cadre de vie des personnes déplacées à Delmas 31 avance que bien avant le tremblement de terre du 12 janvier 2010, la question du logement restaitproblématique, elle s'est empirée après. Kensy Bien-aimésoutientaussique cette catastrophe a engendré de profond bouleversement lié à la répartition géographique de la population dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince.

Analysant la situation post-catastrophe, l'auteur constate six (6) ans après, l'existence de plusieurs camps dans la capitale haïtienne. Cet état de fait témoigne de l'absence de politique sociale et de logement de l'Etat haïtien ainsi que de l'aide des institutions de bienfaisance privées. Ces gens-là vivent dans la crasse la plus abjecte, dans une promiscuité répugnante. Face à la pluie, ils ne sont pas protègés.

Bonny Don Pierre (2008) amené une investigation scientifique sur les qualités de l'habitat et les conditions du logement en Haïti. Ce dernier faisant un constat historique avance que l'implantation des équipements industriels dans la capitale vers les années 60 a provoqué l'exode massif des ruraux vers Port-au-Prince en quête de revenus et de pouvoir de consommation. C'était le pôle d'attraction de la population rurale. En 1970, la situation commence à se détériorer en raison de l'impréparation de l'Etat : la bidonvilisation commence à prendre pieds dans l'espace urbain de Port-au-Prince. Pour le chercheur, l'étalement de l'urbanisation dans les périphéries de la capitale qui suit cette période est tributaire de l'inadéquation des emplois disponibles dans la capitale face à la croissance de la population urbaine active.

L'espace urbain de Port-au-Prince abrite à lui seul 350 bidonvilles, dans lesquels se logent plus que 1.5 millions de personnes. Pour comprendre cette situation, Bonny aborde la question en considérant l'aspect lié à la précarité des conditions économiques des gens. Cela dit, il a porté un regard sur la problématique de la pauvreté afin de mettre en lumière la situation de l'habitat et les conditions de logement en Haïti. En outre, l'institution étatique est tenue pour responsable de par son inertie marqué par son incapacité à mettre en oeuvre une politique de planification spatiale, laquelle serait en adéquation au besoin de la population en matière d'habitat.

Le LAQUE et l'URAU (2000) ont produit une analyse sur la situation de l'Habitat en Haïti. Le logement en effet demeure un besoin fondamental. Un logement indécent peut entacher entre autres la santé mentale et physique de son occupant. En effet le logement idéal permet d'exprimer son identité. Celui-ci sert de lien physique avec sa communauté et sa culture. Toutefois, dans certains cas, certains logements à l'échelle mondiale ne constituent pas une protection pour ses occupants contre les risques liés à l'environnement.

Par ailleurs, le rapport considère la question du logement en Haïti dans une perspective socio-économique et culturelle des communautés. Citant l'OPS/OMS (1998), le document du LAQUE et de l'URAU soutient qu'au cours de la décennie 1990-2000, la croissance urbaine résultante de l'exode rural agit conséquemment sur le logement. Cela dit, l'explosion démographique s'est réalisée sur un territoire exigu engendre la dégradation des conditions du logement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. La promiscuité dans les bidonvilles favorise la transmission des maladies par voies respiratoires comme la grippe, la tuberculose, la méningite, les infections cutanées et dans une certaine mesure les maladies sexuellement transmissible (IST), notamment le SIDA.

Les résidents des quartiers précaires du pays se trouvent très exposés aux risques naturels à force de construire sur les bassins versants, dans le lit des rivières, et dans des zones protégées des sources : en plus de la localisation du logement, cela est dû aux types des matériaux utilisés. Le rapport considère que l'amélioration des conditions générales de logement aurait une influence positive sur l'espérance de vie de la population, sur le développement des enfants et sur la productivité de la population active.

Fritz Pierre Joseph (2014) dans un article scientifique publié dans les Cahiers du CEPODEa réaliséune étude sur l'implication de la construction non-assistée sur la qualité de l'habitat et le niveau de vie de la population en prenant l'exemple de Canaan. L'auteur inscrit l'existence de la localité de Canaan dans un processus d'étalementaccélérée de Port-au-Prince. En outre,les ONGs et l'Etat par leur non-assistance sont mis en cause afin d'expliquer la situation de vulnérabilité et de précaritédu bâti sur ce territoire. D'après Joseph, il s'agit depuis 2010 de la création d'une nouvelle zone de pauvreté. Dans son travail, le chercheur a porté son intérêt précisément sur la situation de l'habitat àCanaan etla perception des habitants sur l'évolution de leurniveau de vie depuis leur installation dans cette nouvelle périphérie.

Le travail de Joseph a révélé que les habitants de Canaan végétaient dans des conditions infrahumaines peu importe qu'ils perçoivent ou non que leur condition de vie s'est améliorée. Trois (3) ans après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 rien à changer en ce qui concerne l'état des conditions.

Johan Milian et Bezunesh Tamru (2018) ont élaboré un article, s'appuyant sur les travaux de chercheurs issus des sciences sociales et de l'environnement, lequel s'interroge sur la croissance urbaine de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui correspond à un territoirevulnérable.La capitale haïtienne comme d'autres villes du pays se trouve très exposée face aux aléas naturels. L'environnement de l'espace urbain souffre d'insalubrité. Il s'agit, en effet d'une précarité socio-spatiale, conséquence d'une urbanisation non contrôlée. Malgré les conséquences du tremblement de terre de 2010, les quartiers précaires se densifient pour la plus belle.

Par ailleurs, les géographes ont brièvement passé en revue l'évolution de la dynamique spatiale de Port-au-Prince en mettant en lumière l'évolution de son aménagement et la question de la construction de logement. L'évolution macrocéphale de Port-au-Prince prend chair avec l'occupation américaine de 1915 et reste tributaire des mesures centralisatrices des occupants. Ainsi à Port-au-Prince sont concentré les équipements supérieurs tels les universités, banques ou hôpitaux. Vers 1948 plus de la moitié de la population urbaine résidant à Port-au-Prince sont des allochtones. Un an plus tard, la ville est rénovée à l'occasion de son bicentenaire. Sous l'administration de Paul Eugène Magloire et pendant la dictature, l'appareil étatique s'est montré intéresser à la question de la production de logement publique pour les ouvriers. Néanmoins, ces réalisations profitaient le plus souvent aux partisans de ces différents pouvoirs. Elles n'étaient pas en adéquation avec la demande réelle de logement dans la capitale, qui souffrait d'un exode rural accru. Avant le tremblement de terre, la demande de logement était à environ 200 000 par an (citant Onu-Habitat). Entre 1950 et 2012 la croissance et l'expansion qui se produit à Port-au-Prince s'est illustrée par un taux de croissance annuel de 4.5%. Port-au-Prince s'étale dans tous les sens. Elle dépasse 40 000 ha en 2015 alors qu'en 1915 Port-au-Prince disposait d'une superficie de 700 ha. On construisait n' importe où et n'importe comment sans aucun contrôle de l'Etat. De la sorte, selon les auteurs la croissance urbaine de Port-au-Prince s'accompagne d'une certaine « fabrique de vulnérabilité ». Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 de « nouvelles périphéries » se sont émergées. Et la question de logement reste un problème chronique.

Pierre James (2013), dans son mémoire de master intitulé Canaan au lendemain du séisme de 2010 de hébergé à habitant : un espace perçu et un espace vécu s'était interrogé suivant une approche de géographie par le bas sur « les représentations des habitants de Canaan de leur nouvel espace et les relations qu'ils tissent entre eux dans la production du territoire de Canaan comme un espace vécu en 2012 ».

L'auteur prend en compte dans son travail le rôle de l'acteur local qui participe à la production du territoire. Ainsi, part-il du constat que la catastrophe dont illustre le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a fragilisé davantage le territoire national de par ses problèmesà la fois d'origine naturelle et politico-sociale : Canaan résultede cette catastrophe.

Deux ans après le séisme, Canaan est trèsconvoité. L'auteur nous dit que leur installation sur ce site a été favorisé particulièrement par la publication de l'arrêté du 22 mars 2010 déclarant la zone d'utilité publique. Il compte en 2012à peu près de 200 000 habitants et est devenu le théâtre de conflits d'usage malgré l'absence des services sociaux de base sur ce territoire.

Alors, ressort-il du travail de recherche de Pierre que les Cananéens dont la majorité sont issus des zones défavorisées et ayant vécu dans des conditions socioéconomiques très précaires, considèrent Canaan comme étant un « espace incomplet ». Habitant le site, disposant de peu d'outils, ils vivent au jour le jour, développent des stratégies : construisent des maisons, fondent des familles, sont artisans, commerçants,  envoient leurs enfants à l'école, assistent aux cérémonies religieuses, se querellent et gèrent leurs conflits, souffrent de la chaleur, de la maladie et souvent de la faim. Ils ne sont pas des victimes impuissantes. Ces derniers mettent en oeuvre des solutions et posent quotidiennement des actions de solidarité dans une mouvance de proximité voire de promiscuité. Néanmoins, d'après James Pierre, ils sollicitent de la part de l'État : l'installation des services sociaux de base (électricité, eau potable, loisir, éducation etc.), la mise en place des emplois, un cimetière entre autres.

Vosh DATHUS (2013) dans son mémoire de master II en géographie a voulu apporter sa contribution sur la problématique du foncier et de l'habitat à Canaan. En effet, en Haïti, la terre est source de conflit, c'est l'un des plus grands enjeux économiques depuis la périoderévolutionnaire (1791-1804). Dans tous les recoins du pays, on recense depuis plus de deux siècles des actes de violence relatifs à la question foncière. La terre est mêmegénératrice de litiges entre personnes issues de même lignage.

Apres le tremblement de terre du 12 janvier 2010 surgit le quartier de Canaan au nord de la capitale haïtienne. L'auteur avance que ce site est approprié par les gens venant surtout de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince.N'importe qui enclot une portion de terre et s'autoproclame propriétaire en se passant des conditions indiquées par la loi pour devenir propriétaire de terre  (Dathus, 2013 : 23). L'arrêté du 22 mars 2010 àcôté des impacts duséisme sur le logementa été l'autre déclic favorisant l'afflux massif de nouveaux arrivants à Canaan.

Ainsi tout le long de son travail, Dathus a voulu mettre en lumière les stratégiesdéveloppées par ces gens-là pour accéder aux terres de Canaan, mais aussi les formes et les logiques d'occupation du sol sur ce territoire.

Les résultats de son étude font remarquer que la volonté d'accéderà la propriétéfoncière est le mobile principal attirant les gens à Canaan. Les gens (75%) viennent à Canaan parce qu'elles veulent accéder à une parcelle de terre. L'auteur nous dit qu'aprèsavoir occupé une portion de terre, généralement, on la clôturait dans le but de la protéger jalousementmême si on ne dispose d'aucun titre de propriété : il s'agit d'une fabrication de la propriété par le bas.

Selon Dathus, Canaan est un quartier en trois (3) dimensions en fonction des formes et des logiques d'occupation du sol :c'est un quartier de refuge car celui-ci constitue une « forteresse » dans l'éventualité des répliques sismiques imminentes ; c'est un quartier pionnier dans la mesure où les habitants de Canaan en 2013 sont les premiers àexpérimenter la vie dans la zone ; c'est aussi un quartier durable au sens oùdes fortes sommes sont investies dans l'autocontruction. Laquelle offre la possibilité d'extension en hauteur.

1.6. Justification du travail

A l'instar de tout travail scientifique, le présent mémoire se fonde sur des motivations. Celles-ci relèvent de trois (3) niveaux : académique, scientifique et personnelle.

· Académique : Notre travail trouve son sens académique dans le fait que celui-ci s'inscrit dans le cadre de l'élaboration de notre mémoire de sortie, en vue de l'obtention du diplôme de fin d'Etudes Normales de Géographie à l'Ecole Normale Supérieure de l'Université d'Etat d'Haïti.

· Scientifique : Au cours de ces dernières décennies, la géographie a connu de grandes avancées. Entre autres, la discipline se veut davantage au-devant de la scène dans la résolution des problèmes auxquels sont confrontées nos sociétés. Par la recherche de la vérité, la géographie s'inscrit dans une perspective générale de recherche du bien commun (Mercier, 1988).

Jacques Sheibling (1994) avance que : « la géographie savante cherche à expliquer la structure et le fonctionnement du territoire ».  D'où celle-ci élabore des connaissances en décrivant et en expliquant certains phénomènes. Cela dit, cette discipline faisant partie intégrante des sciences sociales, cherche à intelligibiliser les phénomènes sociaux dans leur spatialité. Elle a toute son importance dans une société comme la nôtre. En ce sens, avec la croissance urbaine accélérée de la ville de Port-au Prince, nous estimons primordial de réfléchir sur la question de mobilité résidentielle. Des travaux se sont penchés sur la problématique de l'habitatsur notre terrain d'étude, le mode d'occupation, ou la situation socio-économique ou précisément sur les modes d'accès au foncier et les formes d'occupation du sol dans un contexte post-catastrophe à Canaan dans le cas du mémoire de master II de Vosh Dathus (2013), d'autres sur les représentations que font les habitants de Canaan de leur nouvel espace et les relations qu'ils tissent entre eux dans la production du territoire de Canaan comme un espace vécu en 2012, celuide Pierre James (2013). Toutefois, une approche par la mobilité résidentielle nous paraît cruciale dans une tentative de compréhension de l'étalement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince dans sa zone nord. Autrement dit, nous voulons tenter de mettre en cause la mobilitérésidentielle par rapport au processus d'étalement résidentiel dans la capitale haïtienne. A ce titre, ce mémoire se propose modestement comme une étude exploratoire.

· Personnelle : Le choix du sujet n'est pas anodin. Des motivations personnelles sont à la base de notre recherche. Le sujet commence par nous porter à coeur le dernier trimestre de l'année 2019. En fait, cette période était marquée par des turbulences politiques.Il s'agissait de ces mouvements de révolte contre le pouvoir de Jovenel Moise, dénommé « peyi lòk »7(*). Pendant plusieurs semaines, la violence régnait dans nos plus grands centres urbains comme Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves, Saint-Marc et les axes routiers reliant ces grandes villes du pays étaientbloquées. Cela ne facilitait pas le déplacement de la population et des marchandises. La route nationale numéro un (1) au niveau de Canaan, précisément à Canaan 70 illustrait cette situation. Des groupes armés occupaient la route presque quotidiennement pendant la période. Des gens témoignaient qu'elles sont victimes de viol et de vol. D'autre évoquaient le pillage de leurs marchandises.Or il s'agit d'une voie dont nous empruntonstrès souvent, car nous sommes originaires des Gonaïves à une centaine dekilomètres de la capitale. Curieux, dès ce moment le désir de circonscrire notre travail de recherche de fin d'étude de premier cycle dans la zone de Canaan nous habitait.

CHAPITRE II

CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE

II. Cadre conceptuel et théorique

Dans ce chapitre, nous allons définir et faire une analyse des concepts clés du travail identifiés dans le libellé de notre sujet d'étude et dans nos objectifs de recherche, puis définir un référentiel théorique.

2.1. La mobilité résidentielle

2.1.1. Le sens du concept

La mobilité résidentielle est l'une des quatre formes principales de mobilité spatiale à côté de la mobilité quotidienne, de la migration et du voyage. Selon Patrick Rérat (2016), elle s'inscrit dans la longue durée (en comparaison aux formes réversibles que sont la mobilité quotidienne et le voyage). Il s'agit d'un déplacement qui se fait sur une « courte distance ». Ainsi, ne remet-elle le plus souvent pas en question l'organisation de la vie quotidienne (en termes d'emploi, de lieu fréquenté pour les achats et les loisirs, de lien social, etc.)

Quant à la migration, elle nécessite une longue distance - à travers des frontières nationales (migrations internationales8(*)) mais aussi entre les régions d'un pays (migrations internes ou interrégionales) provoquant une redéfinition des espaces de la vie quotidienne (Rérat, 2016). Aussi, exige-t-elle différentes décisions qui relèvent de la mobilité résidentielle (processus de décision du quartier de résidence, du type de logement). En ce sens, nous devons admettre la dimension résidentielle de la migration : c'est une composante de la mobilité résidentielle. Voyons à présent les différentes approches se rapportant à la problématique de mobilité résidentielle.

2.1.2. Les approches liées à la mobilité résidentielle

En effet, dans cette partie nous envisageons de mettre en lumière les approches se portant sur la question de la mobilité résidentielle.

2.1.2.1. Les perspectives déterministes et humanistes

Pour les premières, les individus n'ont pas un rôle déterminant. Elles soutiennent que leurs déplacements constituent des réponses inévitables étant donné l'environnement qui englobent et dépassent ces mêmes individus. Quant aux secondes, elles postulent que les acteurs disposent d'une certaine latitude dans leur choix et prennent consciemment une décision, laquelle n'est pas forcément rationnelle d'un point de vue économique. Paul Boyle (1998) s'inscrit dans ces deux perspectives(Rérat, 2016).

2.1.2.2. Les perspectives macro- et micro-analytiques

Si les approches macro-analytiques considèrent les phénomènes résidentiels agrégés et étudient le contexte dans lequel ils s'insèrent (caractéristiques physiques et socio-économiques des entités spatiales considérées par exemple), celles dites micro-analytiques mettent l'accent sur les individus et étudient les processus de décision, les motivations et aspirations résidentielles, etc. Cinq grandes approches structurent ce champ de recherche :

2.1.2.2.1. L'approche néo-classique

Elle considère l'individu comme économiquement rationnel. Pour Cébula Richard (1979, cité par Rérat, 2016), celui-ci maximise son utilité en fonction des différentiels de salaire, d'aménités, et de coûts et bénéfices des politiques des collectivités locales.

2.1.2.2.2. L'approche behavioriste

Developpée notamment par Martin Cadwaller (1992), celle-ci met l'accent sur l'importance des mécanismes socio-psychologiques dans la décision de déménager. Dans cette optique, les individus sont prêts à tolérer un degré d'inconfort mais, une fois un certain niveau de stress franchi, ils cherchent à déménager dans un endroit leur procurant une meilleure qualité de vie. Ils choisissent entre un nombre limité d'alternatives en fonction d'un seuil minimum de satisfaction. Selon Rérat (2016), l'approche behavioriste s'intéresse à l'environnement subjectif, c'est-à-dire tel qu'il est perçu, et entend identifier des régularités dans les comportements notamment par des enquêtes par questionnaires.

2.1.2.2.3. L'approche institutionnelle

Elle n'a pas le statut de théorie établie. En effet,avec Knox Paul et Pinch Steven (2000) elle porte son intérêt aux rôles des managers et des institutions sans pour autant proposer une grille d'interprétation. Rérat (2016) argue que cette approche « examine les logiques d'actions et les valeurs des intermédiaires présents sur le marché immobilier (constructeurs, agents immobilier, collectivités locales, institutions financières, etc.). Ces acteurs ont en commun l'exercice d'une fonction faisant le lien entre les ressources disponibles (biens immobiliers, terrains, capitaux) et liens potentiels. Ils structurent ainsi l'offre de logements et son accès et peuvent jouer un rôle clé dans les processus de concentration de groupes de population dans certains quartiers ».

2.1.2.2.4. L'approche structuraliste

Ce point de vuede Smith Neil (1996) par exemple, insiste sur les contraintes sociales pesant sur les comportements des individus et limitent leur marge de manoeuvre. En fait, il appréhende les phénomènes résidentiels suivant un angle structurel (caractéristiques économiques et matérielles d'une société, cadre politique, relations conflictuelles entre classes, etc.). (Néo-) marxiste,ces théories ont constitué un recours pour certains auteurs afin de de scruter les phénomènes résidentiels au regard de l'organisation du mode de production capitalistes.

2.1.2.2.5. L'approche humaniste

Il s'agit d'un courant au sein de la géographie humaine au cours des années 1970 mettant l'accent sur l'action. La méthode qualitative occupe une place importante au sein de cette approche. Ainsi la description et l'analyse d'expérience individuelles et de caractéristiques telles que les croyances, les sentiments, les valeurs, les émotions des individus ou leur attachement à un contexte territorial (Christie et al. 2008, cité par Rérat, 2016).

2.1.3. Aspirations et comportements de mobilité

Antonio Da Cunha et al. (2007 : 19) a réalisé une importante étude en terrain du Nord dans laquelle ils s'étaient interrogés sur les aspirations et comportement de mobilité. Il importe pour nous de relater ses propos :

La notion d'aspiration désigne généralement un désir activé et orienté vers un but, une finalité, un objet. Les aspirations sont socialement construites. Elles constituent des images ou des représentations d'un objet qui ont pour support des valeurs individuelles ou collectives. La notion d'aspiration résidentielle va bien au-delà de la demande de logement qui reste un concept économique exprimant un besoin solvable et englobe un ensemble d'attributs physiques et sociaux de l'habitat. Les aspirations à l'origine des comportements de mobilité résidentielle concernent autant les caractéristiques du logement que celles de l'environnement du logement. À des fins analytiques, nous pouvons classer les aspirations résidentielles en quatre groupes principaux. Celles relatives :

· au logement : elles concernent les désirs de confort, d'intimité de la vie familiale, de possibilité d'appropriation de l'espace et d'expression d'une personnalité ou d'un statut social ; au-delà du placement financier, la volonté d'accession à la propriété peut être envisagée comme un moyen de réaliser ces aspirations en ce sens que le statut de propriétaire procure actuellement l'usage totale d'un espace et permet une plus grande autonomie et une plus forte sécurité résidentielle ;

· à la qualité de l'environnement social, c'est-à-dire à la conservation ou au développement d'échanges, de relations sociales positives, de contacts gratifiants avec le voisinage ;

· à la qualité du cadre de vie : les aspirations à la communication apparaissentsouvent à travers la demande d'équipements communs et d'espaces publicsde qualité ; l'accessibilité aux équipements de proximité et aux transports estun élément important de la satisfaction résidentielle ; la situation dulogement par rapport aux équipements et services de toutes sortes définit lepotentiel socio-économique d'une résidence ;

· à la qualité de l'environnement naturel : elle peut être évaluée par la somme desinfluences positives ou négatives procurées par la résidence (bruits, pollutionatmosphérique, proximité de la nature, etc.) ; elle semble jouer un rôleimportant dans le phénomène de dispersion de l'habitat.

Dans notre étude, l'une des questions de recherche se focalise sur le cadre de vie des habitants de Canaan. Nous nous ne limitons pas aux considérations d'Antonio Da Cunha et al. (2007) en rapport au cadre de vie. Cela dit, nous avons pris en compte dans le cadre de vie : les caractéristiques de l'environnement, de l'espace bâti, des aménagements et des équipements urbains (univ-lyon2.fr, 2021). En fait, le cadre de vie se réfère à l'espace du quotidien des habitants.

2.2. Le concept de choix résidentiel

Nous adoptons la définition de Frankauser et Ansel (2016, cité par Houssemand et al., 2018 : 2 ) selon laquelle le choix résidentiel c'est la décision d'un individu9(*) d'habiter ici ou ailleurs. Il n'est pas sans importance si nous reprenons les propos de Catherine Bonvalet et Françoise Dureau (2000 :1) qui soutiennent que « les individus disposent au cours de leur vie d'un minimum de liberté d'action et de lucidité dans leur pratiques résidentielles. Les stratégies résidentielles déployées par les habitantstémoignent de leurs choix en matière de logement (Bonvalet et Dureau, 2000),selon leur capacité à mobiliser des ressources économiques et sociales mais aussiselon leurs trajectoires individuelles et leurs aspirations en termes de moded'installation. Jean-Yves Authier et al. (Cité par Rérat, 2016) est encore plus explicite en apportant cette précision selon laquelle « le choix résidentiel apparait [...] comme étant socialement constitué, l'individu décidant en fonction des habitudes, normes et valeurs qu'il a intériorisées.

Pierre Rérat (2016) a approfondi la question en ce sens.Il importe de le citer :

Le choix résidentiel dépend des besoins et préférence des ménages dans le cadre d'une gamme limitée d'options définies par les opportunités et contraintes du marché immobilier (disponibilité des logements dans un contexte résidentiel donné, niveau des prix, etc.) et par les ressources et restrictions liées aux ménages eux-mêmes. Ces dernières peuvent être de nature objective (revenu ou fortune disponible, localisation des lieux de travail, etc.) mais également subjective (les schèmes de la perception et de l'action induits par l'appartenance à une classe sociale, un genre, etc.

L'une des dimensions de la notion de choixrésidentiel nous intéresse en particulier, elle constitue l'un des aspects dont nous comptons étudier sur notre terrain de recherche. N'empêche qu'on passera en revue les deux autres dimensions du choix résidentiel.

2.2.1. Profil

La propension à déménager de chaque individu est différente selon ses caractéristiques. Rérat (2016) soutient qu'elle est généralement supérieure à la moyenne chez les jeunes adultes, les célibataires et les divorcés (par rapport aux personnes mariées ou veuves), les personnes vivant seules et des couples non mariés (par rapport aux couples mariés en particulier avec enfants), les locataires (par rapport au propriétaire) et les personnes hautement qualifiées.

L'attractivité d'un contexte résidentiel est variable. En d'autres termes, chaque contexte territorial se caractérise par un potentiel d'accueil spécifique plus ou moins attractif pour certaines catégories de la population. L'âge peut avoir des implications dans la migration des individuspar exemple. Maureen Gurtner (2013 : 18, citant Rérat,2010 :50-51) avance que d'autres caractéristiques liées au profil comme la taille du ménage, les évènements,le cycle de vie, les changements de composition et de taille des familles influent sur la mobilité résidentielle.Le statut socio-économique et l'origine nationale, le type de ménage permettent également d'expliquer la mobilité résidentielle.

2.2.2. Trajectoires

Etudier les trajectoires permet de replacer le choix résidentiel dans le parcours ou l'histoire de vie, car une suite de positions résidentielles n'est pas le fait du hasard mais s'enchaine selon un ordre intelligible (Heinz et al., 2009 cité par Maureen, 2013 :19).

La question de trajectoires prend en compte le type de domicile, la trajectoire géographique, la trajectoire résidentielle, l'aire de prospection ainsi que les projets résidentiels. Pour le type de domicile, s'agit-il d'un domicile principal, secondaire ou autre. La trajectoire géographique signifie la localisation des différents domiciles que l'individu a connus au cours de sa vie. Quant à la trajectoire résidentielle, elle fait référence à toutes les autres caractéristiques des logements occupés par un individu ainsi que leur succession. L'aire de prospection est l'ensemble des localisations résidentielles qui, par rapport au domicile actuel,paraissent acceptables ou désirables et les projets résidentiels envisagés pour l'avenir.

2.2.3. Motivations résidentielles

En effet, les motivations résidentielles constituent des préférences révélées ou de fait. Le géographe Pierre Rérat (2012) évoque deux logiques relatives aux motivations : la logique de valorisation ou de distinction et la logique pragmatique. Par rapport à la première logique la vie urbaine est mise en valeur, alors que la seconde insiste sur les aspects utilitaires et pratiques de la vie en ville.

Etudier les motivations résidentielles des individus ou des ménages permet de comprendre les décisions, les préférences spatiales des individus en ce qui a trait au choix résidentiel. Comme motifs de déménagement, les ménages peuvent se trouver dans une réalité de perte de logement (fin de bail, etc.). Le déménagement peut être lié à un changement dans la structure du ménage (création ou dissolution) ou dans la taille du ménage (réduction ou croissance) ou encore dans la vie professionnelle. L'individu ou le ménage cherche surtout à améliorer sa situation résidentielle et sa qualité de vie.

Voilà ce que dit Gurtner Maureen (2001 :20) :

Dans leurs décisions de déménager, les ménages tiennent compte d'une multiplicité de facteurs. Il y a trois types de mouvements : premièrement, les mouvements forcés, provoqués par la perte du logement (fin de bail, etc.). Deuxièmement, les mouvements induits par un changement dans la structure du ménage (création ou dissolution) ou dans la taille du ménage (réduction ou croissance) ou encore dans la vie professionnelle : nouvel emploi, début d'une formation, etc.). Mais, de plus en plus, des nouvelles formes de mobilités réversibles comme la birésidentialité ou la pendularité à longue distance permettent de réduire l'importance de ces changements et de contourner un mouvement résidentiel. Finalement, il y a les mouvements d'ajustement, lorsque le ménage cherche à améliorer sa situation résidentielle et sa qualité de vie. Trois catégories de raisons peuvent mener à un tel ajustement : les caractéristiques du logement (taille, agencement, coût, statut d'occupation), les caractéristiques du quartier (services, cadre de vie, tranquillité, composition sociale) et l'accessibilité par rapport au lieu de travail, aux commerces, aux établissements scolaires, à la famille et aux amis. La qualité, subjective et objective, d'un quartier affecte la décision de mobilité des couples, par exemple le fait de vivre dans un quartier qu'un des deux conjoints apprécie réduit la probabilité d'un déménagement et cela d'autant plus si c'est la femme qui l'apprécie.

2.3. Le concept de migration

Lamigration est l'une des dimensions de la mobilité des populations ou de la mobilité spatiale. Elle se définit par un déplacement de lieu de résidence assorti d'un déplacement de portée variable dans l'espacepour une durée de six mois au moins (Dorvilier, 2012). La migration est couramment caractérisée comme temporaire ou définitive, elle peut être contrainte, lorsque le migrant ne dispose d'aucuneliberté dans l'acte de migrer, ou à l'inverse non contrainte (Saint-Julien, 2020). La migration implique parfois une « longue distance ».

2.3.1. Le concept de migration et ses variantes

On différenciecommunément les migrations internes, qui se déploient sur un même territoire national des migrations internationales.

Les migrations internes sont pour une grande part faite de déplacements de population qui, d'un bout à l'autre d'un territoire national obéissent largement à des règlescommunes de redistribution géographique du peuplement. Elles peuvent aussi relever, mais plus exceptionnellement, de déplacementcontraints. Ces migrations internes sont largement articulées sur les grandes étapes du cycle de vie : études, recherche du premier emploi, nouvel emploi, migration professionnelle, mise en couple et rupture de couple, adaptation du logement à l'évolution des revenus, et à la taille des familles, retraite, etc.

Ces mouvements se déploientà des échelonstrès variés en fonction des différentielsgéographiques valorisés : de déplacements sur une courte distance liée par exemple à la saisie d'une opportunité sur le marché local du logement, à des déplacements plus longs en relations le plus souvent avec des oppositions inter ou infra régionales : il s'agit par exemple de départs de campagnes plus ou moins surpeuplés en direction de régions industrielles et/ou urbaines attractives, (mouvements dits d'exode rural) ou à l'inverse, d'abandons de zones de peuplement dense pour la recherche de cadres de vie plus proches de la nature ( mouvement dits de périurbanisation) ou encore de mouvements de jeunes générations qui, misant sur les potentiels culturels et économiques des métropoles, sont enclines àprivilégier un mode de vie métropolitain (Saint-Julien,2020). Ce type de migration peut s'apparenter à la mobilité résidentielle.

Les migrations internationales correspondent en général, aux portées migratoires les plus longues et recèlent en outre un contingent de déplacement contraint. Les migrations internationales peuvent aussi concerner une distance relativement courte dans le cas où les deux Etats partagent une mêmefrontière.

Au demeurant, nous concédons que certaine situation de mobilité résidentielle peuvent s'apparenter à des migrations internes, voire des migrations internationales. Les questions de « longue distance » ou de « courte distance » ne sont pas définies. Sur combien de kilomètrespeut-on parler de « courte distance »  ou encore sur combien de kilomètre doit-on migrer pour par parler de longue distance ?

2.3.2. Quelques éléments sur la migration en Haïti

Loin de nous l'idée, dans cette section de retracer l'histoire migratoire en Haïti. Nous voulons plutôt mettre l'accent sur les migrations internes, lesquelles peuvent nous amener à mieux comprendre l'implication de ces mouvements résidentielles dans le processus d'étalement de l'agglomération port-au-princienne.

En effet, la question migratoire a été véritablement posée en Haïti peu après l'occupation étasunienne de 1915 (Noël, 2012), même s'il faut noter que la guerre d'indépendance (1791-1803) a occasionné la migration d'un nombre important de colons-planteurs accompagnés de leurs esclaves à talents (Dorvilier, 2012). Le processus de remembrement des grands domaines situés dans les grandes plaines du pays a conduit à la fermeture de nombreuses petites entreprises agricoles et familiales desquelles vivaient bon nombre de paysans sans terre. Cette situation a fabriquéun prolétariat rural d'un genre nouveau. En conséquence, un nombre croissant de paysans, dépossédés ou éjectés de leurs anciennes activités et de leur terre, ont été contraints de se rendre massivement en terres étrangères - vers la République Dominicaine et Cubaàl'époque (Casimir: 2006, cité par Noel, 2012 :5)10(*).

À partir de la deuxième moitié du XXe siècle, timidement, mais selon un rythme croissant, l'exode vers les villes haïtiennes est enclenché, ce qui fait que cette période marque le début d'un long processus d'urbanisation dans le pays. Toutes les villes principales haïtiennes sont concernées par l'ampleur de cette réalité. Certaines servent de relais ; les ruraux s'y établissent pour atteindre d'autres villes. D'autres sont de véritables pôles d'attraction, comme les grands centres régionaux et Port-au-Prince (Noel, 2012 :10)

Richener Noël (2012, citant Samuel, 1978) a mis l'accent sur le contexte où l'espace rural devient repoussant, lequel ayant favorisé la migration des ruraux vers les villeshaïtiennes, particulièrement vers Port-au-Prince. Il avance que :

L'exode rural se situe donc dans ce contexte des changements internes caractérisés par une nouvelle dynamique des paysans, qui ne veulent plus supporter la même exclusion historique et les effets négatifs de la société à deux vitesses, la dichotomie ville-campagne. D'ailleurs, pour beaucoup de familles rurales le fait de s'adonner uniquement à la culture de la terre constitue une raison pour rester dans la pauvreté. La migration rurale s'inscrit dans ce mouvement de quête de mieux-être et de début d'un citoyen-paysan plus actif et même « militant », car pendant longtemps ils n'ont pas été considérés comme des ayants-droit par l'État et les élites urbaines. Les gens sont intelligents et savent comment et à quel moment réagir à une situation donnée. La migration constitue ainsi une stratégie individuelle et familiale.

Il s'ensuit (Noël, 2012 : 7) :

Sur le plan économique sévit dans les milieux ruraux une très nette décroissance. Ce constat a été fait dès le XIXe siècle, mais la situation allait s'aggraver à partir des années 50. La dépravation environnementale dont l'érosion des sols, l'augmentation de la population qui engendre la diminution de l'espace moyen cultivable par paysan (moins d'un hectare en moyenne par habitant vers la fin du XXe siècle), l'archaïsme des techniques et des moyens de productions agricoles, les problèmes fonciers, les mauvais choix ou le déficit en matière de politiques agricoles sont parmi les causes de cette paupérisation. L'agriculture de type extensif caractérisée par la jachère ne peut aucunement assurer un niveau de vie décent au cultivateur et à sa famille.

Au demeurant, le choix de sediriger vers Port-au-Prince massivement s'explique par la métropolisation. Ce que nous avons tenté d'expliciter dans le cadre de notre problématique.

En outre, dans le cadre d'une enquêteréalisée par la Croix-Rouge américaine sur la migration dans l'airemétropolitaine de Port-au-Prince11(*)auprès de 2500 ménages en septembre 2010,on peut remarquer qu'un peu plus d'un tiers de la population a déclaréêtre né dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. En enlevant les natifs de l'Aire Métropolitaine, les départements les plus représentés parmi les immigrants dans la population de l'AireMétropolitaine sont dans l'ordre : le Sud (22.9%), le reste de l'Ouest(15.9%), le Sud-Est (12.7%), la Grand-Anse (12.6%), etc.

2.4. Qu'est-ce que l'étalement urbain ?

Sans conteste les villes grandissent, s'étendent et s'étalent à l'échelle planétaire (Veron, 2008, cite par Bakour et Bahouni, 2015 : 4). Toutefois il existe une multiplicité de termes pour qualifier la croissance spatiale des tissus urbains, rendant la tâche encore plus compliquée. On parle de suburbanisation, d'étalement urbain etc. D'après Pumain et al., (2006, cité par Bakour et Bahouni, 2015 : 4), l'étalement urbain est « le processus d'accroissement important des zones urbanisées en périphéries des villes, qui s'accompagne généralement d'un desserrement de la population et des activités urbaines». Cette définition semble être résumée par celle de Zaninetti (2007, cité par Bakour et Bahouni, 2015 : 4), qui appréhende l'étalement urbain comme l'extension de l'emprise territoriale des villes. En d'autres termes, c'est l'urbanisation qui déborde sur les périphéries. Par ailleurs l'envergure de l'étalement est liée aux forces endogènes et exogènes qui agissent directement ou indirectement sur le développement de la ville en changeant son affectation et sa taille. Ces forces sont nombreuses et agissent selon des mécanismes variables et des échelles spatiotemporelles différentes (Bakour et Bahoumi, 2015 :4). Quant aux traits de l'étalement urbain, Bakour et Bahouni soutient que :

D'autres caractéristiques-clés apparaissent dans la littérature sur l'étalement urbain, telles que la baisse de densité, l'émergence de nouvelles polarités, le développement de nouvelles formes résidentielles, les problèmes liés à l'automobile, etc. (Galster et al., 2001 ; Torrens, 2008). L'étude de l'ensemble de ces caractéristiques reste indispensable pour diagnostiquer et comprendre le phénomène de l'étalement urbain. Toutefois, la complexité des approches et les spécificités du contexte géographique, politique et démo-économique de chaque ville rendent complexe la maîtrise de l'ensemble des contours de ce concept.

L'étalement urbain se manifeste à l'échelle mondiale et son envergure est sans précédent dans l'histoire urbaine (Antoni et Youssoufi, 2007 :3).

2.5. Le logement et l'habitat

Les termes de logement, résidence, habitat, habitation, maison, foyer, logis, décrivent presque la même réalité avec certaines nuances. Certains traduisent l'objectivité et d'autres la subjectivité, certains la matérialité et d'autres l'immatérialité. De ces termes se distinguent de façon claire les notions de logement et d'habitat.

D'après Trouillard (2011 :1), l'habitat est au logement ce que le territoire est à l'espace. Le logement est un concept plus concret. Il peut être un bâtiment, une partie d'un bâtiment, une « construction provisoire », des « habitations de fortune » présentant telles ou telles caractéristiques précises, bien situées et délimitées dans l'espace - ce qui donne toute sa particularité à la marchandise-logement, par définition « immobile » - et susceptible d'accueillir un ménage en son sein. Ce qui le distingue d'ores et déjà du bureau ou de tout autre espace de travail : le logement a pour finalité première de loger, même si, bien entendu, un logement peut à la fois faire office de lieu d'habitation et de lieu de travail ; en outre, il existe des logements qui, pour diverses raisons peuvent rester vacants.

Il faut dire qu'un logement peut être appréhendé en absence de toute présence humaine, alors il n'en est pas de même du concept d'habitat qui, de son coté, suppose impérativement des habitants. En ce sens, il n'est pas sans importance si nous transcrivons cette affirmation de Paul Vassart (2006 : 4) dans sa tentative d'établir la différence entre les verbes se loger et habiter dérivant respectivement de logement et d'habitat :

Il faut distinguer se loger, avoir un toit et habiter. Le verbe habiter est riche de sens et il ne peut se limiter à l'action d'être logé. D'un côté, c'est la question du logement, de l'abri, « avoir un toit », et de l'autre celle de la relation, de l'action qui définit l'habitant. C'est cette particularité que nous voulons interroger : l'homme habite lorsqu'il réussit à s'orienter et à s'identifier à sa demeure, ou plus simplement lorsqu'il expérimente la signification d'un milieu. Habiter, c'est ce qui caractérise l'humain, alors que l'animal s'abrite.

Il s'ensuit en citant Fisher (2007) : « habiter implique que les espaces où la vie se déroule soient des lieux au vrai sens du mot, des lieux de mémoire, d'ancrage symbolique et dotés d'uncaractère qui les distingue. Vu de la sorte, l'habiter devient alors un « art du lieu ».

Au demeurant, il importe de considérer l'éclaircissement de Jean-Baptiste (2014 : 82) :

Le logement n'est pas l'habitat comme le rappelle N. Haumont. Mais le lien où le rapport entre se loger et le mode d'appropriation de l'espace reste indissociable. Ainsi il convient de s'interroger sur « l'espace habité » et l' « espace de l'habitat » et leur nécessaire articulation. En reprenant la problématique du « cadre de vie » précédemment évoquée, la notion d'habitat est comprise par ces auteurs comme traduisant l'insertion « du logement dans un environnement géographique, social, culturel ». Elle serait au confluent d'une approche individuelle, qui part de l'habitation, du logement, et d'une approche collective ou communautaire, qui part de l'unité de voisinage ou du quartier ». Le logement serait en quelque sorte en suivant cette ligne de pensée « une composante essentielle » de l'habitat avec deux fonctions majeures :

· D'insertion en procurantun toit et une adresse ;

· De promotion économique, en permettant la constitution d'un patrimoine à entretenir, à valoriser.

2.6. Vers une tentative de délimitation de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince

Région métropolitaine, aire métropolitaine et zone métropolitaine désignant le territoire de la ville métropole et sa périphérie sont des termes difficiles à saisir de manière claire notamment dans leur délimitation. Dans le cas de l'agglomération urbaine de Port-au-Prince, n'importe qui peut accuser des difficultés à la délimiter. Jean Goulet et al. (2018: 294) a abondé en ce sens :

Le visiteur qui débarque à Port-au-Prince ne fait pas de différence entre la commune elle-même, définie par ses frontières institutionnelles, et l'espace urbanisé qui s'exprime par une occupation continue et ininterrompue de bâtiments et aménagements urbains (trame urbaine sans discontinuité). Même parmi les résidents de longue date du grand Port-au-Prince, bien peu savent à quel moment ou à quel endroit précis dans leur parcours quotidien ou occasionnel, ils franchissent les frontières de Delmas pour entrer dans Pétion-Ville, par exemple. Les frontières ne sont que politico-administratives et n'intéressent, finalement, que les institutions qui sont confinées à l'intérieur de celles-ci par leurs mandats. Il existe toutefois des frontières identitaires propres aux centaines de quartiers dans les communes de l'aire métropolitaine, frontières qui sont bien connues de la part des populations qui y résident.

Dans cette partie, nous espérons clarifier le sens de la notion d'aire métropolitaine de Port-au-Prince - le terme dont nous avons retenu - et l'étendue qu'elle couvre dans le cadre de ce travail.

En effet, en raison de l'expansion accélérée de la tâche urbaine de Port-au-Prince marquée par un bâti non discontinu dont les racines historiques remontent à 1915, la définition de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince correspondant au huit communes12(*) de l'arrondissement de Port-au-Prince perdent son sens. De Léogâne à l'ouest jusqu'à Croix des Bouquets, Thomazeau, Cabaret vers le nord-est se développeactuellement à un rythme accéléré un territoire urbain dense de plus en plus étendu, àdominante d'habitat résidentiel informel sans étage dans un contexte de grandevulnérabilité environnementale : naturelle et anthropique (Paul. 2016). Son expansion récente concerne trois (3) zones qui font face à de graves problèmes d'étalement urbain rapide et non planifiés par les pouvoirs publics :

- La zone nord-est : dans l'arrondissement de Croix-des-Bouquets: les communes de Croix-des Bouquets, de Thomazeau et de Ganthier et dans l'arrondissement d'Arcahaie, la commune de Cabaret.

- La zone ouest : dans l'arrondissement de Port-au-Prince, la commune de Gressier etdans l'arrondissement de Léogâne, la commune de Léogâne.

- La zone sud : dans l'arrondissement de Port-au-Prince, les communes de Pétion-Ville etKenscoff.

Ainsi, notre définition de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince s'inspire des travaux de Jean Goulet et al. Elle prend en compte la force des liens économiques et l'extension de la zone d'influence du grand Port-au-Prince. Alors l'aire métropolitaine de Port-au-Prince déborde très largement les limites des huit communes traditionnelles de l'arrondissement de Port-au Prince que sont Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas, Cité-Soleil, Tabarre, Carrefour, Gressier, Kenscoff. Plus encore, elle s'étend depuis Léogâne à l'ouest jusqu'aux limites de la commune de Cabaret à l'est. Elle comprend à ce titre des communes telles Croix-des-Bouquets, Ganthier et Léogâne (Goulet et al. 2018 : 294-319). A ce titre, le territoire de Canaan fait partie de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince et de ses nouvelles périphéries.

2.7. Vers le choix d'un modèle explicatif

A l'évidence, le modèle choisi doit être conforme à notre intention de recherche, c'est-à-dire celui-ci doit être à même d'objectiver la mobilité résidentielle des habitants de Canaan entre 2010 et 2020. Un tel modèle doit nous permettre de rendre compte des motivations résidentielles des Cananéens, et le cadre de vie subséquent à leur installation sur ce territoire.

Les différentes considérations des deux grandes approches de la mobilité résidentielle ne suffisent pas pour expliquer le phénomène étudié. Les perspectives déterministes et humanistes : la première d'une part banalisent le rôle des individus et avance que leurs déménagements constituent des réponses inévitables étant donné l'environnement ou les structures qui englobent et dépassent ces mêmes individus ; quant aux approches humanistes, elles considèrent que les acteurs prennent consciemment leur décision - mais n'est pas forcément rationnelle d'un point de vue économique - et disposent d'une certaine latitude dans leur choix. Elles ne nous semblent pas adapter à notre objet d'étude. Quant aux perspectives macro- et micro-analytiques, loin de nous l'idée d'étudier les mouvements résidentiels de par le contexte dans lequel ils s'insèrent (caractéristiques physiques et socio-économiques de l'entité spatiale) ou de prendre en compte le processus de décision dans ces différents aspects.

Cela dit, nous partons du postulat selon lequel « les individus et les ménages disposent au cours de leur vie d'un minimumde liberté d'action et de lucidité dans leurs pratiques résidentielles ».C'est-à-dire le choix résidentiel peut en même temps liéà des contraintes et des aspirations du ménage. Nous réfutons l'idée que les choix résidentiels se font uniquement selon une rationalité purement économique. D'autres logiques sont à l'oeuvre lors des mouvements résidentiels. Il s'agit de la thèse développée par Catherine Bonvalet et Françoise Dureau (2000 :1) et repris par Patrick Rérat (2016).

Chapitre III

Cadre méthodologique

III. Cadre méthodologique

N'importe quel travail portant le chapeau scientifique doit se réaliser suivant une procédure méthodologique. Hervé Gumuchian et Claude Marois (2000) soutient d'ailleurs que toute recherche scientifique classique obéit à un effort rigoureux, progressif et systématique d'éclaircissement d'une situation, d'un fait ou d'un ensemble de faits à l'aide d'outils et de technique spécifiques. Ainsi, un ensemble d'opération intellectuelle permettant de démontrer et de vérifier ce que l'on cherche a été mise en oeuvre : l'analyse documentaire, l'observation, l'interview.

3.1. L'analyse documentaire

Nous avons procédé à l'analyse documentaire dans le cadre de notre investigation empirique. Appelédépouillement d'archives par certains auteurs, l'analyse documentaire se réfère, pour reprendre De Ketele et Rogiers (1991 :31), à « tout document sélectionné selon une stratégie bien précise et traité comme une donnée de la recherche, au même titre que les discours recueillis par l'interview ou les comportements recueillis par l'observation[...] ». En guise de précision, nous avons réalisé l'analyse documentaire à partir d'une étude de plus de 300 pages de l'UQAM dont un bon nombre de chercheurs ont participéà son élaboration. :Perspectives de développement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, horizon 2030.

3.2. L'observation

L'observation est une étape essentielle dans toute recherche en géographie. En plus de l'interview, nous l'avons utilisé également comme instrument de collecte des données. Il s'agit d'une considération attentive des faits, afin de mieux les connaitre (Del Bayle : 1989, cité par Gumuchian et Marois). Quivy et Campenhoudt (2011 :160) distingue deux (2) types d'observation. Elle peut être directe ou indirecte. Alors que lors de l'observation indirecte, l'observateur collecte les informations par le truchement du sujet observé, l'observation directe est celle où le chercheur procède directement lui-même au recueil des informations, sans s'adresser aux sujets concernés.

Nous avons précisément effectué l'observation directe dans le cadre de ce travail. Celle-ci est définie de la façon suivante par Henri Peretz (2004 : 14) : « l'observation directe consiste àêtre le témoin des comportements sociaux d'individus ou de groupes dans les lieux mêmes de leurs activités ou de leursrésidences sans en modifier le déroulement ordinaire ». Cette définition n'est pas différente de celle de Gordon Mace (1998). Ce dernier affirme que « l'observation directe consiste, pour un chercheur, à observer directement son objet d'étudeoù le milieu dans lequel le phénomène se produit afin d'en extraire les renseignements pertinents à sa recherche » (Mace,1988 : 82).

Plus spécifiquement, nous avons observé à la fois les axes routiers, l'environnement urbain, les équipements urbains, la qualité du bâti sur le territoire de Canaan et la réaction des Cananéens par rapport à notre sujet de recherche.

3.3. L'entretien semi-directif

Quivy et Campenhoudt (2001 :138) soutient que l'entretien semi-directif est le plus utilisé en recherche en sciences sociales. On parle de semi-directif parce qu'il est entièrement ouvert et canalisé par un grand nombre de questions précises. En effet, le chercheur dispose d'une série de question-guide relativement ouverte permettant d'obtenir des informations auprès de l'interviewé. En laissant parler ce dernier, l'enquêteur s'efforcera de simplement recadrer l'entretien sur les objectifs à chaque fois qu'il s'en écarte et de reformuler les questions visées afin qu'on puisse obtenir des informations riches et nuancées.Cette méthode est pertinente lors des recherches concernant des préférences spatiales. D'où notre choix ! Dans le cadre de notre enquête, notre grille d'entretien s'adressera à des informateurs-clés, susceptibles de nous fournir des informations pertinentes. Paraphrasant Sylvain Giroux et Ginette Tremblay (2002 :95), il nous importe de faire remarquer que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe d'interviewer tous les éléments de la population cible. Nous sommes dans l'obligation de sélectionner une fraction de la population, c'est-à-dire un échantillon.

Il existe deux (2) grands types d'échantillonnage : échantillonnage probabiliste et échantillonnage non probabiliste. Selon Jean-Pierre Beau (2009 ::270), « par techniques d'échantillonnage probabilistes, on entend toutes celles qui impliquent un véritable tirage au hasard, c'est-à-dire qui donne à chaque élément de la population une chance connue et non nulle d'être choisi ». En d'autres termes, il s'agit d'une technique d'échantillonnageoù les éléments sont sélectionnés au hasard par un procédé appliquéà l'ensemble de la population cible (Giroux et Tremblay, 2002 :96). Dans cette catégorie, on peut citer l'échantillonnagealéatoire simple, l'échantillonnagesystématique, l'échantillonnage stratifié, etc. Par contre, parler d'échantillonnage non probabiliste c'est se référer à une technique d'échantillonnage ou tous les éléments de la population cible n'ont pas une chance connue, égale et non nulle de faire partie de l'échantillon constitué (Giroux et Tremblay, 2002 : 97). Parmi les techniques d'échantillonnage non probabiliste on peut retenir l'échantillonnage volontaire, l'échantillonnageà l'aveuglette, l'échantillonnage au jugé, etc.

En ce qui nous concerne, nous avons utilisé la technique d'échantillonnage au jugé pour sélectionner nos enquêtés dans le cadre de la collecte des données parce qu'elle est mieux adaptéeà notre objectif de recherche dans la mesure où il nous a permis de ne choisir que des personnes concernées effectivement par l'enquête. Selon Giroux et Tremblay (2002 : 97), l'échantillonnageau jugé est une technique d'échantillonnagenon probabiliste où les éléments sont sélectionnés par le chercheur lui-même, car ils lui semblent typiques du groupe auxquels ils appartiennent.

Nous avons interviewé dix (10) acteurs locaux, habitants de Canaan:

· Deux Cananéens, membres d'une association du nom de CODE 15oeuvrant dans l'assainissement notamment à Canaan.

· Cinq chefs de ménagespropriétaires, dont leur dernier logement se localisait dans l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince.

· Un chef de ménage locataire, dont le dernier logement se localisait dans l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince.

· Deux chefs de ménagen'ayant pashabitél'Aire métropolitaine de Port-au-Prince avant d'emménager à Canaan.

Nous avons fait ce dernierchoix en raison du manque de clarté dans la distinction entre mobilité résidentielle et migration.Si la mobilité résidentielledésigne le plus souvent le changement de lieu de résidence d'un ménage à l'intérieur d'un bassin de vie ou d'une région, la migration également implique différentesdécisions qui relèvent de lamobilité résidentielle (processus de sélection de la commune ou du quartier de résidence, du type d'habitat, etc.).

Dans le cadre de cette investigation scientifique, nous avons utilisé la méthode qualitative. Celle-ci entend contribuer à la compréhension de la mobilité résidentielle. La méthode qualitative porte son attention au sens des actions posées par les individus.

Pour conclure cette partie, il importe de mentionner Montigeau (2008 : 93) : « l'échantillon d'une recherche poursuivant des objectifs de nature qualitative peut être relativement petit, car l'objectif n'est pas de rendre compte d'une population mais de recueillir de l'information pertinente pour mieux comprendre le phénomène ».

Les entretiens ont été enregistrés afin de mener une discussion sans interruption par la prise de note.

3.4. Mise en garde méthodologique

En fait, les entrevues ont été menées en créole haïtien. Tenant compte des subtilités linguistiques et sémantiques inhérentes à toutes opérations de traduction, certaines expressions peuvent perdre leur sens lors de nos entrevues.

3.5. Délimitationtemporelle de l'étude et limite du travail

Notre travail se propose de comprendre la mobilité résidentielle participant à la constitution de l'agglomération de Canaan, périphérie de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. 2010 marque le début de l'occupation du territoire de Canaan, c'est-à-dire l'existence de cette zone urbaine s'étant sur Onze (11) ans.Et 2020 c'est l'année de l'entame de notre travail de recherche. Nous espéronsétudier l'évolution tout au long de ces années les motivations résidentielles des habitants et leur cadre de vie.

CHAPITRE IV

Brève présentation de Canaan

IV. Brève présentation de Canaan

Dans ce chapitre, nous nous proposons de présenter le lieu de circonscription de notre étudesuivant certains aspects.

4.1. Evolution spatio-temporelle de Canaan

Canaan est situé à l'extrême nord et à 18 kilomètres du site historique de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. Dans le temps, cette localité était un lieu de pèlerinage et de prièrepour des chrétiens (Joseph, 2014 :130). Dans les années 40, le sol de cette zone permettait de cultiver le sisal et la canne à sucre. Par le décret du 17 mars 1971, elle fut déclarée d'utilité publique et réservéeà l'aménagement d'une aire touristique, sans pour autant être matérialisé. D'amples firmes ont eu la velléité d'y lancer des projets d'aménagement habitationnel et industriel vers la fin des années 90. Immédiatement après le séisme du 12 janvier 2010, cette zone permettait de répondreau problème des sans-abris car 105 000 logements ont été totalement détruits et 208 000 engommagés (Etienne, 2018 :21). Au soir du séisme du 12 janvier 2010, la population de la Plaine du Cul de sac s'est déplacée vers les hauteurs de cette zone par crainte d'un tsunami. Elle a été déclarée d'utilité publique par l'arrêté du 22 mars 2010.

Délimiter le territoire de Canaan est une tâche ardue. Ses limites sont relativement floues. Entre 2010 à 2015, avant l'arrivée d'une coalition de bailleurs et d'ONG et le découpage plus fin en quartiers, le territoire de Canaan comptait cinq (5) zones officieuses qui s'étirent d'est en ouest. Il s'agit d'Onaville, Corail, Cesselesse, Jérusalem, Canaan et Saint-Christophe. L'arrêtéprésidentiel de décembre 2012 contribuait àréduirel'empreinte de la zone d'utilité publique. Elle concerne àprésent que 3 des 5 zones, et une partie d'Onaville et de Saint-Christophe. Son territoire couvre à présent une superficie de 33 kilomètres carré environ (Lizzaralde, 2018). Celui-ci s'étend d'est en ouest sur 12 km le long et au nord des axes routiers RN3 et RN1. Une limite naturelle borne le site de Canaan au nord : il s'agit de la chaine des Matheux (Pierre, 2013). Au sud-est, la route nationale numéro constitue la limite, à l'ouest c'est la baie de Port-au-Prince

Figure 1. Les nouveaux quartiers au nord de Port-au-Prince après le Séisme du 12 janvier 2010

Source : Michelet Clerveau, 2016

Cette carte de 2016 donne une idée de l'évolution de la tâche urbaine de 2004 à 2016 au nord de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. On peut tout a fait remarquer dans la zone nord du site de Canaan la chaine des Matheux. La période allant de 2010 à 2013 est celle, où la tache urbaine s'est étendue considérablement. Cette situation est liée principalement au séisme 12 janvier 2010, à cette décision gouvernementale déclarant la zone d'utilité publique.

.

4.2. Le territoire de Canaan :accessibilité et description géophysique

Nous rappelons que le site de Canaan se retrouve au nord de Port-au-Prince au-delà de la Plaine du Cul de Sac entre 18° latitude nord et 72° longitude ouest. Une part essentielle du territoire de Canaan est partagée par la commune de Croix des Bouquets. Il est aussi à cheval également sur la commune de Thomazeau et celle de Cabaret. En ce qui a trait à la constitution géologique, il convient de relater les propos de Pierre James (2013 : 25) :

Les sols de la zone de Canaan proviennent de sédiments calcaires et d'alluvions. Ce substratum est le résultat des différents versants qui terminent leurs courses dans les parties basses des montagnes. Les carbonates de calcium(CaCO3) sont en quantité considérable, ce qui nous permet d'avancer sans exagération aucune que, c'est cette karstification intense qui augmente le niveau de la sécheresse et de l'aridité très marquées de la zone ; sans négliger la guerre menées par les habitants contre la pauvre couverture végétale de la zone pour pallier le problème foncier qui est un délicat cas sur le site de Canaan depuis sa gestation. Les pratiques culturales dans la zone ne sont pas, en effet, de nature à maintenir la fertilité des sols, qualité essentielle pour la production. L'usage abusif de la terre sans apport de matières organiques et chimiques, contribue à une réduction considérable de sa capacité à produire des récoltes abondantes et à rentabiliser les investissements. Des exploitations des carrières situées en montagne provoquent également dans la zone l'érosion accélérée des bassins versants et modifient la morphologie des sols. Cela entraine une déstabilisation des pentes, la création de porte faux et le déplacement des terres sous les gisements d'arbres de la zone. L'exploitation de grandes surfaces nues provoque des régimes torrentiels qui réduisent l'infiltration d'eau vers les nappes. La plupart des versants, sont entièrement déboisés et mis en construction et en culture ; ils deviennent donc sujets à une érosion vigoureuse qui s'intensifie en quotidienneté et de manière générale et généralisée. Ce qui entraine incontestablement une perte considérable en terre et une production exponentielle de sédiments. Sans faire de conclusion précipitée, le « pays » de Canaan c'est une zone très vulnérable aux différents risques naturels et anthropiques.

Cette zone semi désertique en raison du climat sec et sa couverture végétaletrèsdispersée est confrontéeà trois risques environnementaux naturels majeurs. Ce sont les risques liésà l'irrégularité des débits d'eau de surface et un manque de disponibilité d'eau de qualité, les risques sismiques et les risques d'éboulement et de déferlement des résidus friables.

Figure 2.- Localisation de Canaan en périphérie de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince

Source : Carte de Open street Map adaptée par Petter et al., 2018

Cette carte montre la localisation du site d'étude au regard de l'aire métropolitaine. Elle se rapproche davantage du site historique de la commune de Cabaret.

4.3. Données démographiques

Selon l'UCLBP, le territoire presqu'inhabité de Canaan avant 2010 compte une population de 250 00 personnes en 2015.La zone de peuplement de Canaan s'étend actuellement d'Onaville jusqu'aux confins du village pécheurs au nord et même au-delà. Une enquêtede 2016 de la Croix-Rouge réaliséeauprès de 1 847 ménagesestime que 94% des Cananéens proviennent des huit communes de l'arrondissement de Port-au-Prince et de des zones urbanise de la Croix des Bouquets qui compose l'aire métropolitaine de Port-au-Prince.Parmi les 6% de migrants externes, certains viennent d'aussi loin que le Cap-Haitien, les iles de la Gonâve et de la Tortue et de Saint-Domingue en République Dominicaine (Peter et al., 2018 : 200).

Cette enquête(2016) de la Croix-Rouge fait mention de la plus ancienne population (3 à 6 ans) qui est de l'ordre de 36% ; les pionniers (plus de 6 ans) sont estimés àprès de 13% ; les derniers venus sont de 28% (moins de 6 mois).

La croissance annuelle de la population de Canaan est de 6%. Selon Onu-habitat elle peut avoisiner446 6000 vers 2035 (2016, cité par Petter et al. 2018 : 2010).

Figure 3. La superficie de la zone habitée de Canaan en 2018

Source: open street map ; Univ munich, 2018

4.4. La question foncière et le mode d'occupation du sol

A Canaan, le foncier n'est pas régularisé. La pression foncière y est omniprésente et grandissante.La disponibilité d'une concession publique et la présence de l'aide humanitaire ont agi comme un aimant pour des milliers de personnes fuyant à l'origine camps surpeuplés et bidonvilles de la capitale en quête de meilleuresconditions de vie et de propriété terrienne. Elles ont été suivies d'une vague de spéculateursfonciers flairant la valorisation du sol.Deux (2) formes de conquête du territoire se sont succédé dans le temps. Anne Marie Petter (2018 : 205) a pris bien soin de les présenter et nous les rapportons :

D'abord l'invasion ou le squat par des individus venus seuls ou en groupes de voisinage s'appropriant des parcelles d'une taille conséquente aux besoins de chacun de leur ménage. Pour éviter le vol du terrain, les familles sécurisaient la parcelle à l'aide d'une enceinte de pierre ou avec des clôtures rudimentaires, mais le plus important était d'ériger rapidement un abri et d'occuper physiquement la propriété. Ont ensuite suivi les invasions dites « pirates ». Avant même l'arrêté officiel déclarant la zone d'utilité publique, ceux qui eurent la chance d'avoir des « entrées » au Palais National et vent de cet arrêté se sont approprié de vastes territoires seuls ou regroupés en organisations communautaires.

Ils ont tracé routes et parcellaire, celui-ci vendu entre 2 500 et 5 000 gourdes (35,80 € à 71,60 actuels) dépendamment de la zone, et ce parfois plusieurs fois si les parcelles n'étaient pas sécurisées et occupées rapidement.

Vosh Dathus (2013) a évoqué par rapport au mode d'accès au foncier à Canaan une fabrication de la propriété par le bas.

Par ailleurs, l'auto-construction et le lotissementprédominent comme mode d'occupation du territoire. Les habitations sont localisées dans des parcelles généralement plus grandes que celles des quartiers précaires de l'airemétropolitaine de Port-au-Prince. Les parcelles ne sont pas systématiquementcontiguës. Il en résulte un espace résidentiel dispersé en contraste avec lamajorité des espaces urbanisés de l'aire métropolitaine (Paul, 2018).A distance, Canaan est semblable à une vaste étendue de terre non définie, chargé de constructions manifestement anarchiques. En vertu de nos séances d'observations réalisées dans la zone nous avons vu que quelque soit le numéro de Canaan considéré (1, 2, 3, 4, 5, 6) on observe des maisons construites, en bois (chèltè), en bloc, de toitures en tôle, et en béton armé, l'ensemble sont des maisons individuelles. On observe également des logements constitués uniquement de tôle dans les hauteurs,particulièrement dans la zone de Bellevue qui ne porte pas bien son nom.

En poursuivant les observations, à mesure qu'on se rapproche, Canaan se présente comme une agglomération en pleine expansion.

Figure 4.- Lotissement à Canaan

Source : Wilguens PHARIUS/18-03-2021

A Canaan, les terrains sont morcelés en plusieurs parcelles. Le lotissement est une opération foncière, impliquant le plus souvent l'habitat individuel. Celui-ci prédomine à l'échelle mondiale dans les contextes marqués par l'étalement urbain.

4.5. Activitéséconomiques

A Canaan, il est à remarquer depuis son urbanisation accélérée le développement d'une économie locale de produits et services de subsistance. Se côtoient marchés, petits commerces de produits variés commedes boissons gazeuses et alcoolisées, (boutiques de pèpè (fripe), des points de vente de clairins artisanales, deskiosques d'eau et de loto, des banques de borlettes (lotterie), des bric à brac (maisons d'affaires), des quincaillerie,salons de beauté, restaurants et même des hôtels, aux vives couleurs haïtiennes traditionnelles.

Figure 5. Banque de borlette (lotterie)

Source : Wilguens Pharius/8-3-2021

Pour répondre à ses besoins, on est aussi chauffeur de moto taxi. Mais le plus important moteur économique de la zone est la vigoureuse industrie de la construction qui s'y active sans relâche encore aujourd'hui.Mais aussi, il y a le port Lafiteauà quelquesmètres de Canaan qui peut disposer d'un fort pouvoir d'attraction.

Figure 6.- Vue aérienne du port Lafiteau Global

Source : Haïti Press Network

Inauguré en 2015 il s'agit du seul port susceptible d'accueillir les grands navires Panamax du Canal de Panama. Les Panamax - pour Panama maximum - désignent les cargos de très grandes dimensions qui puissent franchir le canal du Panama en pleine charge. Ce sont des navires de 294 mètres de longueur et de 32 mètres de largeur. Les Panamax peuvent transporter 12 à 13 containers de front. Le port Lafiteau s'étend sur 12,5 mètres de tirant d'eau et devra atteindre jusqu'à 900 mètres de poste d'amarrage à la fin du projet. Il s'agit du port le plus profond d'Haïti. Le projet a prévuégalement un quai de 260 000 mètres carrés. Les promoteurs ont projeté d'y investir un montant d'environ 65 millions de dollars américains. A nos jours, les retombées positives de ce port sur la zone tardent à se montrer.

CHAPITRE V

PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATIONS DES DONNEES

V. Présentation, analyse et interprétations des données

Ce chapitre constitue la dernièreétape de la présenteétude. Il est consacréà la présentation, l'analyse et l'interprétation des matériaux empiriques recueillis à partir de l'analyse documentaire, des entrevues semi dirigées et de l'observation directe.

Rappelons qu'en guise de fil conducteur théorique nous avons considéré l'approche de Catherine Bonvalet et Françoise Dureau (2000), reprisepar Patrick Rérat (2016) selon laquelle« les individus et les ménages disposent au cours de leur vie d'un minimum de liberté d'action et de lucidité dans leurs pratiques résidentielles ». A ce titre, nous nous sommes amenéesà s'interroger sur les motivations résidentielles ayant conduit au choix de localisation résidentiel à Canaan pour ensuite s'intéresser au cadre de vie des Cananéens.

Tableau 1. Tableau présentant les enquêtés etla date des entretiens

No

sexe

Condition matrimoniale

Niveau d'étude

Profession

Année d'emménagement à Canaan

Appartenance organisationnelle

Date de réalisation de l'entretien

1

F

Mariée

Primaire

Commerçante

2010

Aucune

06/03/2021

2

M

Célibataire

Secondaire

Photographe

2016

Code 15

06/03/2021

3

M

Célibataire

Universitaire

Plombier, chauffeur

2016

Code 15

06/03/2021

4

F

Célibataire

Aucun

Commerçante

2010

Aucune

06/03/2021

5

F

concubinage

Secondaire

Commerçante

2020

Aucune

06/03/2021

6

F

concubinage

Secondaire

Commerçante

2011

Aucune

06/03/2021

7

M

Marié

Secondaire

Chauffeur, électricien

2019

Aucune

06/03/2021

8

M

concubinage

Secondaire

Chauffeur

2018

Aucune

06/03/2021

9

F

concubinage

Secondaire

commerçante

2013

Aucune

06/03/2021

10

M

Marié

Secondaire

Policier

2011

Aucune

06/03/2021

Source : entretiens réalisés par Wilguens PHARIUS

5.1. Le choix résidentiel des habitants de Canaan : motivations

Les motivations relativesà l'emménagement à Canaan des habitants seront considérées dans cette section. Il importe de rappeler que les motivations résidentielles, contrairement aux aspirations qui sont des préférencesdéclarées n'étant pas toujours réalisées, celles-ci sont des préférencesrévélées ou de faits. Elles permettent de prendre en compte les décisions, les pratiques et les actes des individus (Rérat, 2016).

5.1. 1. La publication de l'arrêté du 22 mars 2010

Il ne fait aucun doute et nous l'avons précisé tout au long du travail que le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a détruit et endommagé des milliers de logements dans l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince.Dès les premières minutes après le séisme, des gens venantde l'Aire métropolitaine,particulièrement dans les zones environnantes pouroccuperles hauteurs du site de Canaan dans le but de se mettre à l'abri des répliques sismiques ou d'un éventuel tsunami à Canaan. Cependant l'arrêtédu 22 mars 2010déclarant d'utilité publique les propriétés s'étendant de l'angle de rivière Bretelle à la route nationale numéro 1 en passant par Bon-Repos et Corail-Cesselesse formant un polygone avec la zone communément appelée Cocombre a été le declic ayant favorisé l'arrivéemassive de nouveaux hébergés/habitants à Canaan. Pierre James (2013) avance quela publication de l'arrêté déclarant d'utilité publique la zone joue un certain rôle dans la perception des habitants de cet espace, mais également dans l'arrivée en masse des habitants sur le site de Canaan.

100% de nos enquêtés ont mis l'accent sur le fait que leur établissementdéfinitif à Canaan est fondamentalementliéeà cette décision gouvernementale. Ceux dont leur installation succède à l'arrêté,mobilise cedernier comme une motivation à part entière.

L'enquêténuméro6 affirme ce qui suit :

M te vini egakteman nan lane 2011. M te fè plizyè mwa anba tant nan Santo.Se pa mwen ki te mèt kay kote m te rete avan an ki te nan Santo 15. Se te yon bòfrè m ki te pale m de bò isit la (Kanaran) epi ki mennen m apre sa. Se achte mwen achte tè a apre m fin fè tout demach mwen yo. Li te di m gouvènman an te bay tè nan zòn nan epi konsa ak yon ti grapday nou te gen tè a13(*).se pouvwa Preval la ki bay tè sa yo, epi nou te achte

Le répondantnuméro 7 abonde dans le même sens :

. Se te mari m ki te mete m okouran de moso tè prezidan Prevalt ap bay nan Kanaran epi mwen menm ak li te antann nou pou nou vin rete isit la apre nou te fin reyalize yon bann demach. Apre tranbleman an prèske nou te oblije jwenn yon kote pou nou rete, se te yo gwo desizyon li te ye pou nou. Sinon alèkile nou pa konn kote nou t ap ye14(*).

Nul besoin de relater les propos des répondants 4 et 10 s'établissantrespectivement à Canaan en 2010 et 2011. Ils affirment tous l'implication de la publication gouvernementale de mars 2010.

Toutefois en décembre 2012, un arrêté a réduit la zone concernée par la déclaration d'utilité publique, bon nombre de Cananéens se retrouvent en situation d'insécuritéfoncière.

5.1.2. L'endommagement ou la destruction de son logement

Par rapport aux milliers de logements détruits et endommagés dans l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince, l'emménagement à Canaan pour plus d'un paraît un mouvement résidentiel forcé, liée à la perte de celui-ci. Cette réalité est particulièrement celle des Cananéens s'étantétabliimmédiatementaprès le cataclysme. D'autres habitants ayant perdu leur logement ont passé plusieurs années avant de venir habiter à Canaan.Apres avoir disposé de leur propriété, ils l'ont clôturé, occuper de matériaux de construction, ou jeter les premièrespierres de la construction du logement,faisant valoir ainsi que cette parcelle en question s'est déjà appropriée.

L'enquêté numéro 1 affirme que :

Apre 12 janvye 2010 m vin rete Kanaran apre kay kote m te ye a te kraze. M te vini egakteman nan lane 2010. Se achte mwen achte tè a apre m fin fè tout demach mwen yo15(*).

Le répondant numéro 7 abonde dans le même sens :

Lè tranbleman de tè a m te rete Fontamara 27, m te pèdi kay mwen. M te lokatè nan kay mwen te ye a. Kay kote nou te ye a kraze plat atè. Apre plizyè mwa nou te fè anba tant, nou pa t gen mwayen pou nou te al lwe lòt kay16(*).

Par ailleurs la mise en évidence des facteurs ayant motivé l'installation des habitants à Canaan exige principalement la prise en compte de l'étude urbaine sur la zone de Canaan dans le cadre du rapport sur les perspectives de développement de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince de l'UQAM.

Darbouze et al. (2018 :53) ayant participé dans la production du rapport a titre de chercheur avance à la suite de Jean Pierre :

Aujourd'hui à la suite du séisme de 2010, le problème du logement est le problème majeur auquel la société doit se confronter..... [...] « le logement est sansaucun doute le secteur le plus touché par le séisme compte tenu du fait que les dommages totaux pour la Région Métropolitaine de Port-au-Prince s'élèvent à 2,3 milliards dedollars. Ce chiffre comprend la valeur de la destruction d'unités de logements de différentstypes et qualités, la valeur des maisons partiellement endommagées et les biens desménages » (Grand-Pierre, 2010).

Nul besoin de relater les propos des répondants 4 et 10 s'établissant respectivement à Canaan en 2010 et 2011. Ils affirment tous l'implication de la publication gouvernementale de mars 2010, mais aussi la perte de leur logement lors du séisme dans leur emménagement à Canaan.

5.1.3. La propriété foncière

Le choix qui semble souvent gouverner lesdécisionsrésidentielles des Cananéens est celui de la propriété foncière. Vouloirdevenir propriétaire est un mobile expliquant l'étalement résidentiel de Canaan.9 sur 10 de nos répondants l'ont mentionné. L'enquêté numéro 4 affirme dans cet ordre d'idée que :

Kote m ye la se mwen ki pwopriyetè l. M pa nan afème kay, ni mwen pa nan kwen kay moun.

Tèt mwen frèt paske mwen pa nan peye ni chèche kay chak lane. Kote m te ye avan se nan lweyay mwen te ye. Lè w nan lwe kay se yon bagay ki difisil pou ou. Si gen lòt lokatè nan kay, ka gen gen bouch louvri chak jou. M se yon moun Bondye fè gras paske gen moun ki bezwen sòti nan lweyay ki pa gen lajan. Lè m te tande gen tè nan ba pri isit la, m te kontan. Se te yon bèl bagay pou mwen. Se sa kif è m vini la. Se gras ak Metelus ki se lidè nan zòn nan depi lè Kanaran t ap fenk koumanse ki fè mwen ka pwopriyetè jounen jodi a. Mesye Metelus se yon bon moun. 17(*)

Devenir propriétaire de son logement, c'est l'horizon des aspirations du chef deménage, l'aboutissement d'une carrièrerésidentielle. C'est un signe d'ascension : la trajectoire résidentielle qui aboutit à une accession à la propriété est considérée comme ascendante.

L'enquêté numéro 8 affirme ce qui suit :

Kote m te rete avan 12 janvye a se te bitasyon lafanmi, se pa mwen ki te mèt li. Sa vle di m pa t ka fè sa m vle ladan. Akòz mi yo te fann lè goudougoudou a mwen ak fanmi m te blije kite l pou n al lwe lè nou te kite tant lan imedyatman apre 12 janvye. An 2015 nou achte ti moso tè sa.Li rele nou chè mèt chè mètrès. M pa nan plede mache rete nan afème kay moun ankò. Lè m te fin konn sa, m pa t wè kilè pou l jou pou m vin Kanaran pou m vin regle koze a18(*).

Par ailleurs, la propriétépermet aussi de ne plus payer de loyers, de ne pas être obligé deconstamment déménager « à la cloche de bois » ou suite à uneexpulsion.

Etre propriétaire permet de dissiper la crainte d'être renvoyédans le monde rural, c'est l'ancrage urbain, la garantie derester citadin qui sejoue à travers la propriété. Cette dernière pour eux demeure la condition sine qua none pour rester en ville, car c'est en ville qu'il gagne leur vie.

L'enquêténuméro 1 qui vient de Basen Mayan, un territoire rural non loin de la ville des Gonaïvesaffirme ceci :

Avan 2010 m te ret isit Pòtoprens pou kò m paske m t ap debwouye m, pitit mwen yo te ret andeyò, lè tranbleman tè a te pase a nan zòn kote m te lwe kay la anpil te kraze. M pa t anvi tounen al ret la ankò. Anplis m te swete rete nan Pòtoprens paske fòk pitit mwen yo te vin jwenn mwen pou yo vin nan inivèsite. Epi vin jwenn mwen te gen chans jwenn ti tè sa mwen gen la kounya. Yon òganizasyon yo rele Techo te retire nou anba tant pou l te ban nou ti chèltè sa. Lè nou te fenk vini, prèske tout moun nan zòn se te nan ti abri pwovizwa nou te ye. Apre sa sa k ka demele yo demele yo pou yo konstwi an blòk. Mwen menm m pa p lontan koumanse konstwi. M vin la se paske se sèl la yo t ap bay tè apre tranbleman an. Se yon bagay m t ap chèche nan syèl19(*). M te priye pou sa.

On peut dire de la sorte que la propriété apporte la sécurité présente et à venir pour son ménage et pour les membres de la famille étendue. Devenir propriétaire de son logement par extension, signifie pouvoir partager la parcelle, construire un étage, réserver un logement pour les enfants plus tard.

On doit noter que rares sont les personnes en situation de location dans la zone urbaine de Canaan. Nous concédons que certaines personnes peuvent renoncer volontairement à la propriété. La location peut être un choix. Elle peut être vécue comme une étape transitoire.Dans le cadre du travail, on n'a interviewé qu'une seule personne locataire. Elle affirme que son statut est passager. En fait, elle habitait avec ses parents jusqu'à ce qu'on lui mit à la porte après avoir eu des différends avec eux. Sans domicile, elle s'est obligée de louer une chambre. Emménager à Canaan n'a pas été son choix.

5.1.4. Le coût des parcelles de terrains

La question du faible coût des parcelles de terrain est évoquée pour justifier le choix résidentiel à Canaan. Lors de l'amorce de l'urbanisation de Canaan, c'est-à-dire vers 2010,certains habitants se sont approprié le territoire sans verser aucune somme aux autorités compétentes. Mais c'est quasi impossible à présent. De 2010 à 2020, le prix d'une parcelle de terrain a augmenté. Mais cette zone urbaine par rapport aux nouvelles périphéries disposent des terrains relativement « à bon marché » de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince.

Voilà ce qu'affirme l'enquêténuméro 5 : « Tè yo pa chè nan Kanaran. Se 4 000 goud m te achte pa m nan. Sèl la ou ka jwenn tè nan pri sa nan Pòtoprens. Jodi a tè yo vin pi chè isit la. A lepòk si m pa t jwenn tè sa m t ap toujou nan lweyay oubyen m t ap devan pòt kay moun »20(*).

L'enquêténuméro 2 dans le même sens soutient que : « se paske tè yo pa chè Kanaran ki fè nan 10 an ka gen tout moun sa yo nan zòn nan. Mwen se yon vye malerèz, kote m t ap jwenn kòb si se pa Kanaran mezanmi »21(*).

5.1.5. Le type d'habitat

Il n'est pas sans importanceégalement si nous rappelons que le lotissement et la maison individuelleprédominentà Canaan comme mode d'occupation de l'espace.Le contexte résidentiel a aussi motivé les habitants de Canaan de s'établir dans la zone.

L'enquêténuméro 6 affirme que :

Avan ou te rete nan yon kay, ou pataje twalèt, douch, kizin ak lakou si genyen ak plizyè moun. Sa konn lakòz derapaj pou nenpòt ti bagay. Isit la pa gen bagay konsa pyès. Gen kote ou rete menm vire ou pa ka vire tèlman kay la piti. Sa te fè m te vin ret isit la malgre tout pwoblèm yo22(*).

Par rapport au type d'habitat dominé par la maison individuelle, celle-ci permet de développer son petit commerce. Egalement disposer de son logement où l'on soit propriétaire à Canaan oùl'habitat est relativement dispersé permet également de réaliser l'élevage - on n'a pas besoin de grandes enclosures. Il s'agit d'une grande opportunité. Celui-là participe aux choix résidentiels.

L'enquêténuméro 9 affirme ceci :

M te trè kontan vin rete la paske lè nou te rete Dèlma 32 nou pa t menm ka gade yon ti poul, paske depi l ta twalèt nan kay vwazin nan w ap gen pwoblèm ak li. M pa kache w pitit mwen, m se moun andeyò, m te toujou gade tibèt mwen men moun Pòtoprens se moun eklere, yo toujou sou rans. Lè m vin la, premye bagay m di tèt, m ap ka gade janm vle ti bèt mwen. Isit la, nou gen poul nou, nou menm gen kabrit san gwo pwoblèm, menm si kèk yo konn rantre nan lakou moun yo.23(*).

L'enquêténuméro 7 abonde dans le même sens, mais en d'autres termes :

Se gras Bondye si jodi a nou gen kay nou menm si l pan yon gwo bilding, menm si nou pa kòfò se yon gras. Isit la nou ka fè eskandal nou vle nan ti bout kay nou an, nou p ap deranje ankenn moun paske nou ret kole kole menm si sa ka chanje nan 5 an ankò. Menm si desizyon an te difisil paske bò isit la se te yon dezè m te di tèt m ap vin ret bò isit la. Rezon : pa t gen anpil bizis, m te vin ak kòmès mwen kòm entelijan24(*).

Figure 7. Vente d'eau potable dans un habitat individuel

Source : Wilguens Pharius/ 9-03-2021

Cette photo montre qu'en plus de se loger, l'habitat peut disposer d'autres fonctions à Canaan, comme celle de la vente d'eau, permettant du coup de générer des revenus.

5.1.6. La tranquillité

Au cours de nos séances d'observations nous n'avons pas, en effet, parcouru toute la zone urbaine de Canaan. Mais certains de nos répondants ont affirmé que les quartiers de Canaan 37, 70 et Canaan 50 sont les principaux quartiers insécures de la nouvelle périphérie. Certains ontvanté le relatif « climat de paix » dont jouit Canaan, lequel « climat de paix » les ayant motivés à s'installer dans la zone.

Le répondantnuméro 10 avance de la sorte que ce qui suit:

Yonn nan rezon ki fè m vin rete nan zòn nan se paske isit lalatè frèt. Se pa kote w ap tande bal menm janm ak anba lavi l Pòtoprens. Lè peyi a cho menm kawoutchou ou p ap tande k ap boule isit la. Lè te gen mouvman peyi lòk la yon peta pa t tire, se jouk nan pi ba nan Kanaran 50 ak 70 ou tande te gen bagay sa yo. Li difisil pou jwenn yon moun nan zòn nan di yo fouye l oubyen rale zam sou li25(*).

L'enquêténuméro 6 a été quant à lui enthousiaste dans sa réponse à cette question :

Jan mwen di w deja kay sa kote mwen ye la se mwen ki mèt li, menm pa toujou ladan. Mwen gen yon lòt mwen lwe Kafou fèy paske biznis mwen se laba a li ye. M pase plis tan m Kafou fèy pase la. Se yon ti bò frè m ki nan kay lè m pa la.Lè peyi a cho,fanmi an oblijye vin refijye isit la. Paske lè w la ou kè pòpòz. Si se pa nan radyo ou p ap konn nan nivo peyi a cho. Se pou rezon sa m vin rete la26(*).

Cette assertion de notre répondantnous amène àévoquer la question de multiresidentialité,à Canaan pour certains ménages. Leur domicile à Canaan est en fait une résidence secondaire. Canaan est comme un territoire permettant d'échapper aux turbulences politiques de la capitale haïtienne. Toutefois, les tensions foncières y sont récurrentes.

L'analyse des donnéesprécédentes nous a permis de déterminer les motivations ayant guidé le choix résidentiel de nos répondants à Canaan.Elles laissent entrevoir qu'il s'agit d'un mouvement résidentiel forcé en raison du cataclysme, motivé par la publication de l'arrêté du 22 mars 2010 et la question d'accès à la propriété foncièremais également aux préférences révélées de ces citadins, qui sont en fait des logiques de valorisation du contexte résidentiel de cette zone urbaine, et en même temps des logiques pragmatiques.

5.2. Le cadre de vie de l'agglomération de Canaan

Il convient de rappeler que cette section devra nous permettre d'atteindre notre second objectif. Il est opportun de rappeler également que le cadre de vie permet l'étude de l'espace du quotidien des Cananéens. Il est question de dévoiler les caractéristiques de l'environnement, de l'espace bâti, des aménagements et des équipements urbains. Ce cadre de vie n'est pas évidemment le même dans l'ensemble du tissu urbain de Port-au-Prince. Nous n'allons pas prendre en compte ces différents aspects dans l'ordre précité ou suivant les mêmes formulations.

5.2.1. Réseau etService

D'après le site spécialiséHypergeo (2004), un réseau est un ensemble d'élémentsmatériels, (infrastructures) et immatériels(électromagnétiqueou informationnels), assurant la mise en relation de différents lieux d'un territoire et des entités qui les occupent.En plus de cet aspect nous ferons le point ici sur les équipements urbains implantés dans la zone et l'accessibilité des services.

Dans le cadre de nos séances d'observation nous avons pu remarquer que les routes à Canaan sont poussiéreuses. Conjointement, à l'augmentation des habitations, on constate le développement sous le contrôle de « solidarités locales », notamment le Konbit27(*) d'un réseau relativement dense de rue et de routes en terre battue. Un seul axe routier est asphalté, il s'agit de la route principale de Canaan 3, reliant entre autres la route nationale numéro 1 et l'axe principale conduisant entre autres au département du centre. Des canalisations sont à remarquer mais ne suffisent pas au quartier.

Figure 8. La route principale de Canaan 3

Source : Wilguens Pharius

Comme on peut le remarquer sur cette photo, cette route construite récemment ne dispose pas de canalisations. Elle n'a pas été finalisée et commence par être dégradée.

D'après nos répondants, l'électricité constitue l'un des problèmes auxquels fait face Canaan. Si dans certains secteurs, on trouve un réseau électrique par branchement illégal. Certains interviewés expliquent qu'ils ont dépensées une « fortune » pour avoir l'électricité, sans pour autant en bénéficier. Le répondantnuméro 6 nous a relaté un projet mis sur pied par une OCB dont il veut taire le nom, celui-ci devant permettre à une partie de Canaan 3 de se procurer de sonpropre groupe électrogène que les habitants financeront eux-mêmes. Le projet était tombéà l'eau alors qu'ils donné leur argent pour le projet. Une telle initiative constitue une réponseà l'irresponsabilité de l'Etat. L'un de nos interviewés a mentionné l'existence d'un annexe de la mairie de la Croix de Bouquets, qui n'interviennent que dans le domaine foncier.

Des enquêtés notent aussi les problèmesliés à la communication par téléphone ou de l'utilisation de l'internet. A l'intérieur du logement, la communication est très difficile, l'internet monte à 2G. Nous avons observé dans certains ménages, qu'on s'était obligé de sortir de l'intérieur du logement afin de mieux communiquer.

Nos interviewés nous ont signalés par ailleurs de l'existence de deux équipements sanitaires, qui sont les plus proches de la zone et qui desservent les Cananéens.L'un se trouvant sur la route nationale numéro 1, à l'entrée de Canaan 3 et l'autre à l'intérieur de la trame urbaine. Des équipements de loisirs sont aussi à relever, comme les places publiques, mais aussi un centre sportif, le plus grand de l'airemétropolitaine de Port-au-Prince. Il s'agit du centre Olympique de l'espoir se localisant à l'angle de l'axe route 9 et la route nationale numéro 1.

Aussi, l'accélération de la croissance démographique, les autorités étatiques n'ont pas su faciliter l'accès à d'autres services élémentaires. Il importe pour nous de souligner avec Paul et al., (2018 : 236) que Canaan incarne « un tissu urbain relativement étenduet complexe mais privé, en dépit des nombreuses réalisations partielles en cours,d'importants services de base à la population, en particulier en ce qui a trait à la disponibilitéd'eau pour les besoins quotidiens de la population et le traitement des eaux usées et desdéchets ». D'après le rapport sur les perspectives de développement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, Horizon 2030, la population identifie la question de l'accès à l'eau comme un problème majeur. Aucun des ménages ont l'eau courante privée ou accès à une source publique à Canaan.

Des initiatives ont été prises mais sans pour autant se matérialiser. Le répondantnuméro 8 a confié que :

Sa fè bon tan depi te gen yon pwojè pou mete yon sitèn sou pye nan zòn nan. Se te inisyativ DINEPA men jiskaprezan anyen pa fèt. Pèsonn pa konn sa ki pase. Se rete nou rete nou pa tande anyen28(*).

A la question comment sont abordés les problèmes de disponibilité et d'utilisation d'eau dans ce milieu marqué à la fois par des conditions climatiques semi-désertiques, par une croissancedémographique très rapide, la pauvreté généralisée, l'aménagement rudimentaire deshabitats résidentiels et la dégradation de l'environnement qui lui est associée? Voilà ce que dit le rapport (Bodson et al., 2018 :239)sur le champ de l'urbain dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince:

À Canaan, les ressources hydriques de qualité facilement accessibles font systématiquement défaut. Les pluies y sont relativement peu fréquentes et s'écoulent rapidement en surface de façon torrentielle. Les premières couches d'eau souterraine sont, par leur composition, impropres à la consommation alimentaire. L'eau de qualité semble cependant disponible à plus grande profondeur dans la bordure de Canaan plus proche de la plaine du Cul de Sac, mais une prospection systématique est nécessaire conjointement à une évaluation des coûts d'exploitation, des démarches considérées actuellement comme hors de portée en termes de coûts. En l'absence d'implication des pouvoirs publics, la mise à la disposition d'eau pour la population de Canaan relève de l'initiative privée.

On comprend que dans ces circonstances, les Cananéens ont dû s'adapter et développer leurs propres stratégies d'appropriation de l'espace et de survie dans un territoireplutôt hostile.

Les habitants de Canaan ont fait preuve d'une grande inventivité en termes d'aménagement de leur territoire. Ils ont aménagé des infrastructures et des équipements collectifs, notamment un réseau de 600 kilomètres de voirie (CRA, 2017, cité par Peter et al. 2018 : 206). Le territoire de Canaan siège également des places publiques arborées et impluviums collectifs (Petersen, 2016, cité par Petter et al. 2018 : 206). On dénombre plus de 200 écoles et autant de lieux de cultes prives (ONU-habitat, 2016, cité par Peter et al., 2018 : 2016). Dans certains secteurs on peut remarquer un réseau électrique par branchement illégal. Quant aux routes, elles ont été construites au moyen de Konbit, c'est-à-dire en conjuguant leurs forces comme c'est le cas dans l'espace rural haïtien.

Des groupes associatifs se constituent en « autorité politique » officieuse. Il s'agit des Organisations Communautaires de base (OCB). Elle gèrent lucrativement l'aménagement et l'appropriation du territoire (Noel, 2012, Peter et al., 2018 : 209) : ceci sont au nombre de 200 en 2016 selon ONU-habitat. Ces dernières assurent aussi la gestion des enjeux d'ordre collectif plus louables comme les problèmes sociaux, l'aménagement des routes, l'assainissement, la santé et le reboisement.

5.2.2. La situation environnementale

La fragilité du territoire prédomine à Canaan. 600 kilomètres de voirie sont en terres battues et se trouve dans un état de dégradation grave. Cette situation est liée à l'impact des eaux de ruissèlement. Ceci n'est pas sans conséquence sur la circulation des biens et des personnes. Le territoire de Canaan en bonne partie désertique, à très faible couvert végétal, sec et chaud, le sol peu fertile comme nous l'avons évoqué précédemment est menacé d'érosion, d'inondation et de glissement de terrain. En fait, Canaan se trouve très exposé aux risques naturels et anthropiques.

Comme acteurs participant à la production de leur territoire, ils ont trouvé des solutions. Ils ont développé des stratégies afin de transformer positivement leur environnement. Anne Marie Peter et al. (2018 :207) relate ainsi :

Une autre particularité fort positive pour l'environnement est le reboisement et reverdissement des parcelles tant privées que publiques qui s'opèrent à Canaan, (Noël, 2012; Corbet, 2012; nos observations et entretiens), transformant ce paysage autrefois inhospitalier en un plus accueillant et durable. Au vu de la quasi-totale déforestation dont souffre le pays, une telle initiative, aujourd'hui toujours soutenue en partie grâce à l'appui de la Croix-Rouge Américaine, est remarquable.

Canaan constitue aujourd'hui un milieu épidémiologiquement très vulnérable où l'absence de collecte collective des déchetssolides, de drainage des eaux usées domestiques et la consommation d'eau de qualité nongarantie favorisent la circulation de germes pathogènes et constituent des facteurs derisques pour la santé de la population et la qualité de l'environnement (Paul et al., 2018 : 236).

Les contraintes liées à l'environnement ne sont pas les seuls facteurs pouvant expliquer cette réalité mais il y a également la précarité économique, leur condition d'installation (mode d'occupation des parcelles, qualité du logement, manque d'infrastructures).

Figure 9. Décharge à ciel ouvert à Canaan

Source : Wilguens Pharius/ 09-03-2021

A Canaan, les artères écologiques susceptibles de drainer les eaux de pluie notamment servent de dépotoirs. Cette décharge à ciel ouvert longe la route nationale numéro 1.

5.2.3. Qualité de l'habitat

D'après Anne Marie Petter et al. (2018 :197), Canaan représente une ville non planifiée quasiment auto-construite par sa population, en dehors de toute intervention de l'Etat. En effet, l'investissement collectif privé en termes de logement à Canaan est immense. Pourtant,Canaan fait face à la précarité du bâti. Ceci traduit les limites de l'Etat n'étant pas à même de palier le problème de l'exclusion sociale et du marché dans l'offre immobilière pour les plus pauvres.

Canaan entant que zone périphérique, présente une hétérogénéité très marquée en ce qui concerne la typologie d'habitat existant dans la zone. A Canaan, il y a une mixité entre l'agriculture et la construction qui retient l'attention de l'espace occupé. Il y a une répartition désordonnée des maisons, des surfaces perdues par des cultures deviennent de plus en plus considérables. Au pays de Canaan, l'habitat est caractérisé par son aspect à la fois disparate et dense dans certains tronçons et un mélange de culture et de construction sur d'autres. (Pierre, 2013 : 29)

Les habitats résidentiels de cette population  sont constitués de toitures sont en tôle, en bloc ou en béton. Les parois sont en béton, bloc de ciment, pierre ou toiles; certains sont en bois ou en planche; d'autres sont en tôle, linoléum ou contreplaqué. Les parquets sont aménagés en dur (béton, ciment avec ou sans glacis, macadam, de rares fois avec céramique); certains sont en planche ou en contreplaqué, mais d'autres sont en terre battue et en recouvrement non défini.Par ailleurs, l'espace intérieur des maisons est généralement découpé en un nombre très restreint de pièces.

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Figure 10. Type d'habitat à Canaan

Source : Wilguens Pharius/9-03-2021

Dans la première photo, on peut remarquer la question de durabilité dans la construction du bâti à Canaan. Certaines maisons sont construites à la verticale afin de réaliser l'économie de leur parcelle de terrain mais également afin de signifier leur installation définitive sur le site. Quant à la deuxième, elle illustre ces abris provisoires qui existent encore partout sur le territoire de Canaan.

5.2.4. Sécurité

Précédemment, nous avons évoqué la tranquillité comme motivation ayant guidé le choix résidentiel de certains Cananéens.

En fait, enmatière de sécurité, Canaan se distingue de certains quartiers de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. Dans le cadre de nos observations, on constateque la plupart des logements ne sont pas clôturés. Clôturer son habitat en Haïti est une décision visant entre autres à se déroberà l'insécurité. Cela peut résulter pour certains à la pauvretééconomique ou qu'ils ne l'ont pas défini comme priorité, pour d'autres. C'est le cas d'un de nos répondants ayant affirmé que dresser un mur afin délimiter sa propriété n'est pas sa priorité. Le plus important pour lui a été réalisé : c'était de disposer d'un espace où se loger sur leur parcelle de terre. Certains habitants ont toutefois utilisé des arbres afin délimiter leur propriété, d'autres ont dressée des murs en blocs. Par ailleurs, Canaan est doté d'un seul et unique poste de police situé en périphérie du site sur la route nationale numéro 1. Les policiers sont logés dans l'inconfort d'un containeur.

Le répondantnuméro 3 vantant Canaan corrobore en ce sens :« Yonn nan pwoblèm nou pa gen la, se pwoblèm ensekirite, bò isit la ou mèt kite zafè atè li p ap gen anyen ». « M pa konn pou yon lòt kot men se pa la »29(*).

Toutefois,si les individus se sentent à l'abri d'acte de banditisme, l'insécuritéfoncière y est présente comme nous l'avons précédemment signalé. Certaines personnes ayant acheté leurs parcelles de terrain voient celle-ci occuper par une autre personne. Les lopins de terres peuvent être vendus à plusieurs reprises. L'Etat ne participe pas à régulariser la question.Les Cananéens sont aussi exposés physiquement auxrisques sanitaire et environnemental de la zone.

Ce tableau de l'espace du quotidien des Cananéens est la partie émergée de l'iceberg. Celui-ci sous-entend« des interactions, des rapports de pouvoir et de domination qui cache des aspects d'inégalité, des rapports sociaux, qui cachent des dynamiques territoriales complexes » (Pierre, 2013 : 57).

Conclusion

Nous nous sommes proposé dans le cadre de ce modeste travail de fin d'étude du premier cycle universitaire d'étudier la mobilité résidentielle et l'étalement urbain. Plus spécifiquement, nous avons choisi de mettre l'accent sur la mobilitérésidentielle comme élément moteur de l'étalement urbain. Il s'agit de considérer le choix de localisation résidentielledes habitants de Canaan, ce derniers'illustrant comme l'une des nouvelles périphéries de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. Cette nouvelle périphérierésultant d'une urbanisation non planifiée, se constituedans un contexte post-catastrophe, celle du 12 janvier 2010. Cela dit, nous avons formulé notre sujet comme suit : Vers une compréhension de la mobilité résidentielleau regard de l'étalement de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010 à 2020.

A ce titre, nous avons soulevé deux (2) questions de recherche : une principale et l'autre secondaire. La question principale a été formulée de la façon suivante : Quelles sont les motivations résidentielles des habitants de Canaan entre 2010 à 2020 au regard de l'étalement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince?En guise de question secondaire, nous avons retenu : quel est le cadre de vie des habitants de Canaan entre 2010 à 2020?

Nous avons par ailleurs formulé des réponsesanticipées à ces questions de recherche.Pour la question principale de recherche, notre hypothèseétait : la décision publique du 22 mars 2010 et la volonté de devenir propriétaire d'une parcelle de terrain ont joué un certain rôle dans le choix résidentiel à Canaan entre 2010 à 2020.

Au regard de la seconde question, nous avons retenu comme hypothèse : Le cadre de vie des habitants de Canaan est un lieu « sans » : sans Etat, sans électricité, sans routes, sans eau, etc.Nous nous sommes fixés aussi des objectifs de recherche. Ils ont été exprimés en ces termes :déterminer les motivations résidentielles des habitants de Canaan entre 2010 et 2020 et ensuite mettre en évidence le cadre de vie de ces habitants au cours de la même période.

La poursuite de ces objectifs n'a pas été une entreprise naïve. Elle a, en effet, été guidée par une trame théorique. Cet énoncé théorique fait valoir que «  les individus et les ménages disposent au cours de leur vie d'un minimum de liberté d'action et de lucidité dans leurs pratiques résidentielles ».Cet énoncéthéorique est soutenu par Catherine Bonvalet et Françoise Dureau (2000) et repris par Patrick Rérat (2016).

En vue d'atteindre les objectifs poursuivis dans cette recherche, il nous a été impérieux d'avoir recours à l'investigation empirique. A ce titre, nous avons mobilisé trois (3) techniques complémentaires : l'analyse documentaire, l'observation directe ainsi que l'entrevue semi-dirigée.

D'abord, pour l'analyse documentaire, nous avons utilisé comme matériaux empiriques, un rapport dont l'UQAM est l'auteur. Il s'intitule Perspective de développement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, Horizon 2030. Une vingtaine de chercheurs ont participé dans la production de cet immense document scientifique réalisé dans le champ de l'urbain. Des thématiques ont été étudiées ayant pour terrain Canaan. Ensuite, l'observation directe s'est portée notamment sur le cadre de vie des habitants. Enfin, nous avons interviewé (10) dix Cananéens. Celles-ci comprennentdes membres de la population et des « leaders communautaires » se regroupant autour d'une structure dénomméeCode 15, se chargeant entre autres de la nomination des rues et d'autres initiatives porteuses de changements positifs à Canaan.

L'analyse et l'interprétation des données de l'enquête ont confirmé nos hypothèses, c'est-à-dire nos objectifs ont été atteints. Toutefois, en plus des motivations résidentiellesliéesàla propriétéfoncière et la publication de l'arrêté du 22 mars 2010 déclarant d'utilité publique la zone, d'autres ont été révélées. Ellesrévèlent que la mobilité résidentielleaboutissant à l'emménagement à Canaan demeure un choix sous contrainteslié à la perte ou l'endommagement de son logement lors du séisme de 2010. S'installer à Canaan est aussi motivé par des logiques de valorisation considérant son contexte résidentiel marqué par le lotissement,le faible coût des parcelles de terrain et une relative tranquillité. Ainsi, continue de s'étaler le plus grand centre urbain du pays.

L'étude a également mis en évidencele cadre de vie lié à l'étalementrésidentiel dont illustre Canaan.Elle a mis l'accent sur les dysfonctionnements auxquels est confrontée cette nouvelle périphérie de l'aire métropolitaine. Canaan s'étend et se développe sans aucun plan urbanistique de l'Etat. Le décor est planté pour que Canaan sombre dans la bidonvilisation et tout ce que cette dernière charrie. Il s'agit d'un lieu « sans » pour répéter Jean-Marie Théodat (2018) : sans eau, sans route, sans électricité, sans Etat.

Pour finir, une importante précision s'impose afin d'éviter des malentendus sur la portée de ce présent travail. Celui-ci est une étude de cas. Celle-ci ne prétend pas à la représentativité statistique. A ce titre, les résultats obtenus à partir de cette étuderéalisée sur Canaan ne sont pas extrapolables à d'autres périphéries. Plus encore, l'analyse des données recueillies à partir de cette enquête relative notamment aux motivations résidentielles ne sont pas généralisables à l'ensemble de la population de Canaan, parce que « le cas n'est pas un échantillonreprésentatif qui permettrait de tirer des conclusions globales » (Roy, 2009 : 208). Mais peut-être utile pour d'autres recherches sur le sujet : lequel projet nous tient à coeur.

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Annexe I

Université d'Etat d'Haïti

Ecole Normale Supérieure

Département des Sciences Sociales/géographie

Mémoire de recherche

Sujet :Vers une compréhension de la mobilité résidentielle au regard de l'étalement de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010 à 2020.

Guide d'entretienpour les deux (2) membres de la structure CODE 15

1. Ki sa ki te motive w vin rete Kanaran ?

2. Kijan eta wout yo ye nan Kanaran?

3. Kijan moun Kanaran fè pou jwenn kèk sèvis Leta bay?

4. Ki biwo Leta ki pi pre a? kote l ye?

5. Eske gen plas piblik? Si wi, èske nou ka frekante nenpòt lè ?

6. Konbyen legliz ki gen Kanaran ?

7. Eske gen inivesite Kanaran? Si pa genyen, sa ki pi pre a kote l ye ?

8. Kijan koze sekirite a ye ?

9. Ki lopital ki pi pre a ? kote l ye? Lè moun Kanaran malad. Nan ki lopital yo souvan ale?

10. Kijan nou wè anviwonnman an nan Kanaran ?

11. Kijan nou wè lavi nou nan zòn nan?

Annexe II

Université d'Etat d'Haïti

Ecole Normale Supérieure

Département des Sciences Sociales/Géographie

Guide d'entretien pour les chefs de ménages.

Sujet de recherche : Vers une compréhension de la mobilité résidentielleau regard de l'étalement de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010 à 2020

Enfòmasyon sosyodemografik

Sèks:

Maskilen : Feminen :

Tranch laj : a) 14-25 an b) 25 ou plis

Kondisyon matrimonyal:

a) Selibatè b) marye c) plase d)divòse e) separe f)vèf

Eske w gen pitit? Si wi, konbyen ..........

Ki nivo etid ou ? a) primè b)segondè c)inivèsitè

Eske w g on fòmasyon pwofesyonèl?

a) Wi b) non

Si wi, ki fòmasyon? ......................

Apatenans òganizasyonèl : ............

Depi kilè w ap viv Kanaran ? .............

1. Ki rezon ki motive w vin abite isit la?

2. Ki kote w te abite avan ?

3. Eske w te lokatè oubyen pwopriyetè avan w te vin rete la ?

4. Eske l te difisil pou pran desizyon pou vin ret isit la ?

5. Eske w se pwopriyetè oubyen lokatè ?

6. Kisa manm koup la ap regle kòm aktivite pou rantre lajan ?

7. Ki mwayen nou (manm menaj la) itilize pou nou deplase chak jou?

8. Kijan nou wè zòn Kanaran an?

9. Kijan nou wè anviwonnman nou rete a?

10. Ki avantaj nou jwenn nan vin ret nan zòn nan ?

11. Kijan chwa pou vin ret bò isit la te fèt ?

12. Eske nou satisfè de jan n ap viv nan Kanaran?

13. Kijan nou òganize lavi nou ?

14. Eske nou toujou gen rapò ak rès vil Pòtoprens lan ?

Annexe III

Université d'Etat d'Haïti

Ecole Normale Supérieure

Département des Sciences Sociales/Géographie

Guide d'observation sur l'organisation territoriale de de Canaan

Sujet de recherche : Vers une compréhension de la mobilité résidentielle au regard de l'étalementde l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince: le cas de Canaan (2010-2020)

Paramètres à observer :

v Les axes routiers

v L'environnement urbain

v Les équipements urbains

v L'environnementdu bâti

v La réaction des habitants de Canaan par rapportà notre sujet de recherche

v Le mode d'occupation du territoire

Annexe IV

Fòmilè konsantman

Bonjou,

Mwen rele Wilguens PHARIUS. Mwen se etidyan Lekòl Nòmal Siperyè nan Inivèsite Leta a. Mwen rete pou m bay memwa nan lekòl la pou m fini ak nivo lisans lan. M ap fè memwa mwen an sou chwa moun Kanaran fè pou yo vin rete isit la. Pwofesè ki direktè memwa an rele Mibsam JEANNIS.

Entevyou sa a mwen pral fè ak ou a ap konfidansyèl. Se vre m ap anrejestre sa ou pral di m yo men mwen p ap mete non ou nan tèks mwen pral ekri a, epi se nan memwa a sèlman m ap sèvi ak enfòmasyon ou ban mwen yo.

Mwen disponib pou m reponn nenpòt kesyon ou genyen ki konsenè patisipasyon ou nan rechèch mwen an.

Si ou aksepte bay entèvyou pou rechèch la, ekri non ou pi ba epi siyen :

Non :..................................................................................

Siyati :.................................................................................

Dat :....................................................................................

Siyati ou pwouve ou konprann epi aksepte konsiy yo konsènan rechèch la. Ou ka deside pa aksepte ankò nenpòt moman ou vle pandan rechèch la ap dewoule.

Si ou ta renmen gen yon egzanplè nan memwa sa lè li fini, ekri imel ou anba a :

Imel :....................................................................................

Annexe V

------------------------------FIN-------------------------------

* 12 Initié dans les années 1920 aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe, ce phénomène prend de l'ampleur dans les années 1970 dans les pays du Nord avant de gagner, selon les temporalités variables, les pays du Sud. Voir Guibert et Jean, 2011 : 46.

* 3. Le site tire son nom directementd'une église baptisée Canaan, se trouvant sur la cime de l'une de ses mornes, où réunissait bon nombre de fidèle bien avant qu'il soit urbanisé. Ce nom vient de la bible, le livre sacré des Chrétiens. Dans le livre de Genèse, premier texte de la Bible, il est fait mention de ce lieu comme terre promise aux peuples d'Israël. Le site dont fait référence la bible se localise le long de la rive orientale de la mer de Méditerranée. Il s'agit d'un territoire ou le lait et le miel coule en abondance selon la Bible. Canaan en ce sens représente un nouvel espace de vie, cette « terre promise » et conquise pour les sinistrés qui s'y installait immédiatement après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

* 4Selon le site spécialisé Géoconfluence (2018) la métropolisation désigne le mouvement de concentration de populations, d'activités, de valeur dans des ensembles urbains de grande taille. Comme processus, il doit son ampleur et son originalité à la concentration spatiale des fonctions stratégiques du nouveau système productif. Le mode d'inscription du processus de métropolisation peut varier suivant que l'on soit au Nord ou au Sud. En l'inscrivant dans les réseaux de l'économie mondiale, la métropolisation modifie l'ancrage local, régional ou national d'une ville. Il est question d'un processus multiscalaire : à l'échelle mondiale, il tend à renforcer les hiérarchies urbaines en faveur des grandes villes ; à l'échelle métropolitaine, on assiste à des dynamiques sociales et spatiales différenciées de fragmentation et de ségrégation. L'on doit noter que l'emploi du terme a été imparti au prime abord au pays du Nord. En d'autres termes, le concept a été élaboré a propos des terrains du Nord. N'a-t-il pas son applicabilité aux terrains du Sud, voire de Port-au-Prince. Selon Guy di Méo (2010, cité par Darbouze et al. 2018) les grandes agglomérations du Sud présentent cependant des caractéristiques spécifiques d'une « métropolisation paradoxale » qui se manifestent par l'accroissement des inégalités, la ségrégation socio-spatiale, mais aussi l'innovation. En Asie, en Afrique ou en Amérique latine ou dans les Caraïbes, certains pays voient leur territoire se disloquer et se fragmenter en micro-espaces apparemment déconnectés les uns aux autres. Devant leur poids grandissant à la mondialisation, ces métropoles du Sud sont insérées dans des réseaux de villes, parfois régionaux mais souvent dominés sur le plan économique par le Nord.

On parle du couple métropolisation-bidonvilisation pour expliquer la non-linéarité du développement au Sud. Ces disparités sociales et spatiales sont liées au fait que la ville ne peut pas fournir du travail et un logement a tout le monde. Les «  sans » des métropoles n'ont pas le choix que la débrouille pour leur survie. Elle prend chair entre autres dans l'auto-construction de logement et l'économie populaire.

* 5Cet état dégradation de la trame urbaine de la capitale est la conséquence d'un manque de souci spatial d'ensemble car bien des initiatives urbanistiques ont été mise en branle mais sans aucune viabilité (Tamru et Milian, 2018 :12). La loi du 19 mai 1963 obligeant toutes les communes de plus de 2 000 habitants à l'élaboration d'un projet d'aménagement, d'embellissent et d'extension ou la création de la direction de l'aménagement du territoire et de la protection de l'environnement dans les années 70, la loi de 1982 mettant l'emphase sur les régions sont entre autres mesures visant à mettre en oeuvre une certaine planification urbaine mais sans véritable matérialisation. Il existe aussi une structure devant s'occuper de la question du logement en l'occurrence l'Unité de Construction de Logements et de Bâtiments Publics depuis 2012, toutefois les résultats tardent à venir.

* 6GonazaloLizzarlde et al (2018 :150) avance que « cinq phénomènes connexes caractérisent aujourd'hui l'habitat dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince (ZMPAP) : un étalement urbain accentué, un processus accélérée de bidonvilisation de la périphérie, une densification et dégradation rapides des quartiers centraux, une vulnérabilité significative face aux risques environnementaux, et un important déficit quantitatif et qualitatif de logements causé - entre autres - par une pression démographique sans précédent ». 

* 7Les rues sont coupées. La circulation des personnes et des marchandises se révèle difficile.

* 8 Les migrations internationales - c'est-à-dire entre Etats - ne se font pas forcément sur des distances longues. C'est le cas notamment des pays partageant la même frontière comme Haïti et la République Dominicaine. Dans ce cas, on peut parler de mobilité résidentielle transfrontalière (Rérat, 2016).

* 9Le processus de décision dans le cadre du choix résidentiel peut résulter aussi de l'arbitrage de plusieurs individus membres du ménage concernés par le déménagement.

* 10Ces deux pays possédaient déjà des mises en place agro-industrielles capitalistes qui nécessitaient de la main-d'oeuvre haïtienne à bon marché pour répondre à leurs besoins en denrées). Cette migration porte le nom de la « traite verte », parce qu'elle a rapport à la saison de la récolte de la canne. Les jeunes sont les plus concernées par cette migration saisonnière massive ayant bouleversé énormément la vie rurale en Haïti.

* 11 L'aire métropolitaine de Port-au-Prince dans le cadre de cette enquête fait référence aux communes de l'arrondissement de Port-au-Prince que sont Port-au-Prince, Pétion Ville, Carrefour, Delmas, Cité Soleil et de Tabarre. Elle ne correspond pas à la délimitation dont nous avons adopté.

* 12 Il s'agit de la définition traditionnelle et institutionnelle de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince (Goulet et al.,2018 :319). Les huit communes sont Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas, Cité-Soleil, Tabarre, Carrefour, Gressier, Kenscoff. Elle est institutionnelle dans la mesure où la constitution de 1987 a prévu l'arrondissement comme une division administrative.

* 13On s'est installé à Canaan une année après le séisme, c'est-à-dire en 2011. Apres le séisme mon beau-frère m'a mis au courant des terrains disponible à Canaan suivant la décision du gouvernement en place et j'ai acheté cette parcelle.

* 14Mon mari m'a mis au courant de la décision de l'administration de Préval de permettre aux gens ayant perdu leur logement, de donner les terres de Canaan. Ainsi, nous avons entrepris les démarches qu'il fallait après plusieurs mois sous les tentes. C'est la plus grande décision de l'administration de Préval.

* 15On s'est installé à Canaan immédiatement après le séisme, c'est-à-dire en 2010. Le lieu où je me logeais à Santo 15 n'était pas ma propriété et s'était effondré. Apres avoir réalisé toutes les démarches j'ai acheté cette parcelle de terrain.

* 16Lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010, nous avons disposé d'un logement loué à Fontamara 27 qui s'est totalement effondré. Ainsi, nous avons entrepris les démarches qu'il fallait après plusieurs mois sous les tentes.

* 17 Là où ma famille et moi habitent est notre propriété privée. Aujourd'hui, c'est une chance de disposer de notre propre maison. Peu de gens ont cette chance. C'est Metellus, un leader de la communauté qui nous a donné cette parcelle afin que nous puissions nous abriter après le séisme. Metellus est un homme généreux.

* 18 La maison que j'occupais avant le 12 janvier 2010 n'était pas la mienne. Elle appartenait à mes parents. Les secousses du séisme du 12 janvier ont contribué à la fissurer. J'étais obliger de la laisser pour affermer par ci par là un logement jusqu'à 2015. A partir de cette année, je ne suis plus un errant qui part en quête de maisons a louer.

* 19 Avant le tremblement de terre j'habitais déjà à Port-au-Prince. Les maisons les plus proches de mon domicile se sont pour l'essentiel effondrées. Je ne voulais pas y retourner. Cependant, je ne devrais pas retourner à Basen mayan mais plutôt recevoir mes enfants qui étaient sur le point de boucler leur parcours scolaire. Canaan m'a donné cette opportunité, ainsi que l'ONG dominicaine TECHO qui a construit cette petite pour nous.

* 20 Les parcelles de terrains ne sont pas si chères à Canaan. La mienne je l'ai obtenue à 4 000 gourdes. Dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, seulement à Canaan quelqu'un pouvait voir cette chance. Si je n'avais pas acheté ce terrain aujourd'hui j'aurais pu être en situation de location ou chez un proche.

* 21 Si aujourd'hui Canaan est très populeux, c'est en raison du prix des terrains. Moi, je suis quelqu'un de très modeste, où deviendrai-je propriétaire si ce n'est à Canaan.

* 22Avant, on pouvait habiter une maison dans laquelle on partageait la cuisine et la toilette avec d'autres gens. Cela est source d'ennui parfois. A présent, ce n'est plus le cas, quoiqu'on n'habite pas une maison assez confortable, on dispose de notre propre cuisine, et également notre propre toilette. Notre actuel domicile est beaucoup plus aéré.

* 23J'étais heureux de venir habiter ici. Quand nous étions à Delmas 32, nous n'avions pas pu pratiquer l'élevage, pour ne pas être une pierre d'achoppement pour les gens de notre entourage, mais ici on élève des chèvres,

* 24Grace à Dieu, aujourd'hui, on dispose de notre propre domicile, quoiqu'elle ne soit pas assez confortable. On peut crier autant qu'on peut sans pour autant déranger nos voisins immédiats.

* 25 Nous habitons un quartier très sécure. Des cas isolés de banditisme sont à recense seulement à Canaan 50 et Canaan 70. Lors des événements de peyi lòk, on n'a même pas eu des pneus enflammées à Cannan . Les Cananéens sont des gens très pacifiques.

* 26 Comme je viens de vous le dire, je suis le propriétaire de cette maison. Mais je suis rarement présent ici, j'habite à Carrefour-feuilles où je gère mon entreprise, c'est mon beau-frère qui vit ici et qui la garde pour nous. Quand le centre-ville s'échauffe, on vient se réfugier ici, car à Canaan on peut avoir la sérénité d'esprit.

* 27 Selon Gérard Barthelemy (1989 : 24) le Konbit fait partie des mécanismes internes de l'autorégulation au sein du milieu paysan. Il incarne une forme de gestion non salariale du travail et constitue avec l'escouade, l'avanjou une structure collective de travail. C'est une stratégie d'entraide, de solidarité et se réalise sous forme d'échange à base de réciprocité le plus souvent.

Cette stratégie permet d'exploiter les parcelles de terres en milieu rural ou. Il sert aussi à l'assainissement. En milieu urbain, les populations songent à l'utiliser en absence de l'Etat.

* 28 Il y avait une initiative visant construire une citerne d'eau dans la zone grâce à la DINEPA. Mais jusqu'à présent rien n'a été fait.

* 29 A Canaan, le problème de l'insécurité ne se pose pas. Je ne sais pas pour un autre endroit, mais pour ici non.






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon