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L'etat-actionnaire dans une société issue de l'OHADA. Cas de Congo Airways société anonyme avec conseil d'administration


par Anthony NTENDELE BIKELA
ISC - Liège - MBA 2021
  

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2.1.2.2.2. La supervision au niveau international

La base de la supervision au niveau international est conventionnelle. Le processus est conduit suivant des procédés diplomatiques. Les autres Etats ou l'OACI mènent des inspections ponctuelles sur les capacités des instruments de réciprocité désignés par les Etats contractants et desservant le territoire à répondre aux engagements et, souvent, en prenant des informations sur les rapports d'incidents provenant des organes de la circulation aérienne.

Outre les dispositions du droit interne organisant ce contrôle, notamment les articles 22, 76, 92 et 105 de la loi n°10/014 du 31 décembre 2010 relative à l'aviation civile et celles pertinentes du statut de l'AAC, le fondement du contrôle international est constitué par les articles 33 et 87 de la convention de Chicago et c'est sur cette même base que l'OACI a mené le programme USOAP32(*).

Il s'avère que vis-à-vis des Etats parties à un BASA ou à un accord multilatéral des services aériens, la mise en oeuvre du contrôle doit respecter les dispositions contractuelles, notamment celles inhérentes au délai de notification des recommandations de sécurité ou de la suspension d'une exploitation, pour autant que l'accord ait prévu telles dispositions, au risque d'exposer la responsabilité soit diplomatique ou civile de l'Etat du chef des pratiques anti-concurrentielles. A ce sujet, FRUHLING & GODFROID (2000, p. 553) rappellentl'affaire ayant opposé le Royaume de Belgique avec la compagnie nationale yougoslave (JAT), qui s'est vue imposé un embargo empêchant la desserte du BASA ; et,NAVEAU, & al. (2006, p. 197)rappellent à leur tour qu'il a été jugé que « dans la cause, appelant plutôt en application l'accord aérien bilatéral de 1957 entre le Royaume de Belgique et la Yougoslavie, la Cour d'Appel de Bruxelles avait décidé que la compagnie concernée, qui demandait la levée de l'embargo aérien frappant les compagnies serbes, puisait des droits subjectifs dans le BASA et, partant, que cette compagnie était en principe fondée à demander réparation du dommage causé par la faute commise par l'Etat belge s'il était démontré qu'il lui avait retiré son autorisation en violation de ses engagements internationaux ».

Dans la vérification de l'effectivité et de l'efficience de la fonction de supervision nationale de la sécurité aérienne, l'OACI table, dans le cadre du programme USOAP, sur huit éléments de référence, dits « éléments cruciaux » de tout système étatique de l'aviation civile.

Ces éléments sont : l'existence dans le système d'une loi ou d'un texte juridique de basequi organise le fonctionnement du système de l'aviation civile compatible avec l'environnement et la complexité des activités aéronautiques dans l'Etat conformément aux dispositions de la Convention de Chicago (élément crucial n° 1) ; l'existence des règlements d'exploitation spécifiquesdont l'application assure au minimum le respect des prescriptions de la législation de base et prévoyant des procédures d'exploitation des équipements et des infrastructures en conformité avec les SARPs de l'OACI (élément crucial n°2) ; le système national d'aviation civile et fonctions de supervision de la sécuritécaractérisé par l'établissement d'une autorité nationale de l'aviation civile et/ou d'autres autorités autonomes ou services gouvernementaux appropriés disposant de pleins pouvoirs pour administrer, contrôler et superviser toutes les activités de l'aviation civile dans l'Etat (élément crucial n°3) ; qualifications et formation du personnel techniquedont la preuve se traduit par l'établissement des conditions minimales de connaissance et d'expérience du personnel technique assurant les fonctions de supervision de la sécurité et fourniture de la formation nécessaire au maintien ou au renforcement des compétences (élément crucial n° 4) ; indications techniques, outils et informations essentielles pour la sécurité comportant la fourniture d'indications techniques (processus et procédures), d'outillage (moyens et équipements) et de renseignements critiques pour la sécurité au personnel afin de lui permettre de s'acquitter de ses fonctions de supervision de la sécurité conformément aux exigences établies et d'une manière normalisée. Ceci englobe la fourniture à l'industrie du transport aérien, par l'autorité de supervision, d'indications techniques sur l'application des instructions et règlements pertinents (élément crucial n°5) ; obligations en matière de délivrance de licences, de certification, d'autorisation et d'approbationqui passent par la mise en place du processus et des procédures visant à ce que le personnel et les organismes assurant une activité aéronautique remplissent les conditions établies avant d'exercer les privilèges d'une licence, d'un brevet, d'un certificat, d'un permis, d'une autorisation ou d'une approbation permettant d'assurer l'activité en question (élément crucial n° 6) ; obligations en matière de surveillancequi nécessitent la mise en place de processus permettant de s'assurer de façon proactive par le biais d'un système de gestion de la sécurité que la communauté nationale de l'aviation civile continue à fonctionner au niveau de compétence et de sécurité minimum exigé (élément crucial n° 7)et la résolution des problèmes de sécuritéqui consiste à la mise en place de processus visant à remédier aux carences constatées qui ont des incidences sur la sécurité de l'aviation, qui peuvent être inhérentes ou non au système et ont été constatées par l'autorité deréglementation ou de supervision ou d'autres organismes appropriés (élément crucial n°8).

Il importe de signaler que les organes communautaires de l'UE ont fait, par le passé, une application dérobée des résultats des audits USOAP en imposant des restrictions d'exploitation sur l'espace territorial de la communauté par les aéronefs des compagnies aériennes des pays tiers reprises dans les annexes aux règlements du Conseil et de la Commission de 200633(*), malheureusement la RDC s'y trouve.

Normalement, les objectifs de la mise en place des audits USOAP consistaient à dégager au sein des Etats membres des écarts de la pratique par rapport aux SARPS de l'OACI. Les constatations des écarts et les plans d'actions correctives devant guider l'assistance technique internationale aux fins de remédier aux carences sur la sécurité de l'aviation civile internationale. Ces objectifs ont donc été détournés pour écarter en oeuvre de ces procédures, l'autorité compétente veille à faire inspecter les aéronefs de manière rigoureuse dans les cas bien définis.

Il va de soi que le contrôle international concerne plus les Etats et, indirectement les compagnies aériennes, dont Congo Airways, or les Etats élaborent les règlementations applicables auxdites compagnies en conformité avec les conventions internationales.

En cas d'inobservation des clauses conventionnelles internationales, les compagnies désignées ou les Etats peuvent actionner des mécanismes juridictionnels pour faire constater les violations des textes.

De ce qui précède, il appert nettement que le domaine d'exploitation de l'activité de Congo Airways est fortement règlementé. L'Etat y est de manière très permanente et y exerce une influence certaine. Il est en même temps régulateur et opérateur (à travers Congo Airways) et se croit seul propriétaire de la société au détriment de tous les autres actionnaires.

Originellement, nul ne pourrait contester le fait que Congo Airways soit une propriété de l'Etat. De même, celle-ci ayant acquis la personnalité juridique, il serait choquant juridiquement, qu'elle ne soit pas elle-même « maître » de son patrimoine.

Il apparaît que l'Etat, devenu entrepreneur se trouve englobé dans l'exercice du droit de propriété. Comme le soutenait le Doyen RIPERT (1951, p. 268), s'il fabrique, c'est parce qu'il a le jus utendi; s'il s'empare des produits, c'est parce qu'il a le jus fruendi; s'il vend les produits et l'entreprise publique elle-même, c'est parce qu'il a le jus abutendi.

Par contre, dans l'entreprise publique unipersonnelle, en effet, l'Etat prend seul les décisions qu'il juge idoines pour le fonctionnement de celle-ci ; il exerce ainsi sur son bien l'usus, l'abusus et le fructus en s'emparant des dividendes ; il ala maitrise de l'entreprise. L'Etat a donc un droit qui lui donne la possession privative de l'entreprise dont il est propriétaire. Dans cette logique, le droit administratif peut avoir à s'appliquer aux relations entre l'Etat et l'entreprise publique.

Aussi, il faut dire que le lien de propriété entre l'Etat actionnaire et son entreprise, ne doit pas se comprendre comme la notion classique de propriété, car en droit des sociétés, l'actionnaire jouit de sa propriété privée sur sa société commerciale dans le respect strict des dispositions de l'AUSCGIE. C'est pourquoi, il faut assouplir la teneur des règles privatistes de propriété pour ce qui concerne l'Etat actionnaire dans l'exercice de ses fonctions d'actionnaire afin que l'on puisse lui appliquer les règles de droit administratif qui sont incontournables du fait de la nature particulière de l'Etat propriétaire.

Quant à Congo Airways, personne morale autonome et sujet de droit, elle demeure propriétaire autant des biens que d'organes sociales qui sont également sa raison d'être et qui justifie, en tant qu'objet de son activité, sa soumission aux dispositions de l'AUSCGIE. L'on ne doit donc pas, par extrapolation, étendre la validité du principe juridique de la propriété de l'entreprise publique à l'Etat au-delà de celle-ci, car elle ne constitue qu'un contenant qui diffère de son contenu constitué des éléments disparates ayant chacun un statut juridique régi par l'AUDCG et l'AUSCGIE.

Il peut paraître étonnant que l'on soutienne que Congo Airways est la propriété de l'Etat et que les biens de celle-ci ne lui appartiennent pas. Cependant, en droit des sociétés commerciales cette séparation est de rigueur surtout que c'est une société anonyme.

En effet, « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Cet énoncé de l'article 544 du Code Civil français montre que la propriété est absolue ; il n'en demeure pas moins que son exercice en droit des sociétés commerciales n'est pas discrétionnaire et que l'intérêt social qui sous-tend l'existence même de l'entreprise commerciale, ne peut pas être méprisé par l'Etat actionnaire. Il s'ensuit donc que l'absolutisme édicté par le Code civil français dans l'exercice du droit de propriété est un principe dépassé en droit des sociétés commerciales.

L'AUSCGIE en consacrant la personnalité juridique de Congo Airways dès que celle-ci est immatriculée au RCCM, ce dernier lui donne automatiquement la possibilité de vivre indépendamment de tout aléa extérieur, surtout de toute influence hiérarchique émanant d'un actionnaire qui qu'il soit. De droit, elle ne peut plus être considérée comme une personnalité fictive ; elle est devenue un procédé technique destiné à assurer la séparation de son patrimoine social du patrimoine de l'Etat. Dès lors, Congo Airways, personne morale de droit privé, est propriétaire des biens qui composent son patrimoine et qu'elle exploite comme tout propriétaire pourrait le faire. Par comparaison, l'on peut dire que Congo Airways est devenue « un être créé à l'image de l'homme avec une personnalité semblable à celle reconnue aux individus » (RIPERT, 1951, p. 73). A ce titre, elle doit être gérée conformément aux dispositions de l'AUSCGIE conçues pour elle ; alors que l'Etat (actionnaire), dans ses relations juridiques, est régi par le droit administratif. Il en découle donc que l'entreprise publique constitue à nos jours, une propriété ou un patrimoine « affecté » dont l'Etat actionnaire ne peut plus disposer des biens selon son bon vouloir, car ayant renoncé à son droit au profit de l'entreprise publique incarnée par les organes d'administration et de direction qui, eux aussi, ont besoin de liberté pour accomplir la mission qui leur a confiée. Cette liberté ne peut s'accomplir que dans le respect des dispositions de l'AUSCGIE. D'où la nécessaire soumission de toute action touchant aux biens de l'entreprise publique à l'AUSCGIE. Par exemple, l'Etat ne peut plus vendre un immeuble apporté pour la constitution de l'entreprise publique qu'en suivant la procédure imposée par l'AUSCGIE. S'il doit le vendre, l'Etat doit donc être autorisé expressément par les dirigeants sociaux de l'entreprise publique sous le contrôle du commissaire aux comptes, après une évaluation faite par un commissaire aux apports34(*). En tout état de cause, l'entreprise publique et ses biens sont soumis à une procédure qui sort de celle qu'aurait à suivre un propriétaire au sens du Code civil.

En somme, l'incarnation de la puissance publique de l'Etat actionnaire, soumise à un droit particulier, laisse ambigu le régime juridique de Congo Airways ; surtout quand l'on sait que, comme une sentence ou un décret inattaquable, l'AUSCGIE contraint Congo Airways à se comporter comme les autres sociétés commerciales. Ni l'ouverture d'application des textes internes faite par l'article 916 de l'AUSCGIE, ni l'exercice d'une activité commerciale règlementée au sens de l'article 21 de l'AUSCGIE ainsi que l'adoption d'une forme juridique prévue par le même Acte uniforme ne suffisent pas en eux seuls à régler le problème du droit applicable à Congo Airways, moins encore de justifier l'influence de l'Etat sur cette société.

Il aurait sans doute été préférable, pour écarter les difficultés d'application de l'Acte Uniforme, soit d'exclure Congo Airways du champ d'application de l'Acte Uniforme, soit d'y inclure des règles spécifiques de droit administratif la régissant(OHADA, s.d., p. 1). Cette dernière hypothèse semble plausible car, comme l'a écrit CHEROT (2002, p. 495), « s'il y a un écueil à absolument éviter lorsqu'on étudie les entreprises publiques, c'est de considérer qu'elles constituent une modalité appelée à disparaître et dont il ne serait plus nécessaire par conséquent, de s'occuper sérieusement dans l'avenir ». Or nous l'avons noté, le droit administratif est un droit applicable à l'Etat et difficile d'accès, en ce sens qu'il est un droit jurisprudentiel avec des solutions éparses dont la codification des règles souhaitée est presqu'impossible. L'Etat étant devenu « commerçant », dans l'espace OHADA, et l'Acte Uniforme n'écartant pas systématiquement la possibilité d'application des législations nationales à l'entreprise publique, l'on doit aller progressivement par des aménagements, vers un droit des sociétés commerciales environné d'autres disciplines juridiques.

Pour une vue générale de la question et des débats que ce foisonnement des législations au sein de la société suscite et du fait de son appartenance à l'Etat, l'on est conduit à mener une discussion sur les figures de l'influence de l'Etat au sein de Congo Airways.

* 32 La base conventionnelle d'adoption et de mise en oeuvre du programme USOAP est constituée par les articles 44 points d) et i), 54 point i) et 55 point e) de la Convention de Chicago.

* 33Il s'agit de la liste noire des compagnies aériennes des pays tiers qui est l'oeuvre d'un certain nombre des règlements pris par le Parlement, le Conseil et la Commission de la CE (communauté européenne) en 2006.

* 34Nous avons fait une lecture combinée des articles 159 et 547 de l'AUSCGIE.

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