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Crise d'histoire dans le roman "canicule glaciale" d'Amin Zaoui approche sémiologique et sociocritique


par Nabil Kerkar
Université 20 août Skikda Algérie - Master 2 2021
  

Disponible en mode multipage

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République Algérienne démocratique et populaire

ÊíÈÚÔáÇ ÊíØÇÑÞãíÏáÇ ÊíÑÆÇÓÌáÇ ÊíÑìåãÌáÇ

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique

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Université du 20 Aout 1955 Skikda

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Faculté des lettres et langues

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Filière Français

La crise d'Histoire dans le roman Canicule glaciale de Amin Zaoui :

une approche sémiologique et sociocritique.

Mémoire en vue de l'obtention du diplôme de master en Littérature et civilisation

Candidats Encadreur

Kerkar Nabil Dr. Bakouche Abdellah
Guergour Hamza

Président du jury A. Benkhalef

Examinateur S. Boumalit

Encadreur A. Bakouche

Année universitaire: 2020/2021

Remerciement

Nous profitons de ce petit passage pour adresser nos sincères remerciements à notre professeur et encadreur Dr. A. Bakouche qui a consacré un peu de son temps précieux pour nous diriger et corriger nos erreurs mais surtout nous fournir la documentation nécessaire pour la réalisation de notre mémoire.

Nous adressons également nos sincères remerciements à nos

enseignants qui n'ont jamais manqué l'occasion pour nous donner de valeureux conseils pendant notre cursus universitaire.

Nous n'oublions pas nos chers parents pour le soutien, avant tout, moral mais aussi matériel qu'ils nous donnés pour accomplir nos études.

Résumé :

Ce mémoire met à contribution deux approches théoriques ; la sémiologie et la Sociocritique, afin de faire ressortir les aspects de la crise dans l'Histoire de l'l'Algérie. Toute discipline scientifique est susceptible de la notion d'objectivité sauf que la matière historique est cible de toutes les manipulations et instrumentalisations. Les deux approches citées nous ont permis d'analyser les personnages et l'organisation socio-politique de l'Algérie avant et après l'indépendance.

Mots clés : sémiologie, sociocritique, crise, Histoire, société, Algérie.

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Abstract:

This thesis makes use of two approaches; semiology and sociocriticism, in order to bring out the aspects of the crisis in the History of Algeria. Any scientific discipline is susceptible to the notion of objectivity except that historical material is the target of all manipulations and instrumentations. The two approaches cited allowed us to analyze the characters and the socio-political organization of Algeria before and after independence.

Keywords : semiology, sociocriticism, crisis, History, society, Algeria.

Table des matières

Introduction ..01
Partie théorique : chapitre 1 : Littérature et Histoire

1. Aperçu historique

04

2. Définition de l'histoire

..05

2.1. Encyclopédie Universalis

..05

2.2. Définition philosophique .

05

3. Entre historien et romancier

.06

4. Rôle de l'histoire dans le récit

.06

4.1. Rôle idéologique

06

4.2. Rôle politique

.07

4.3. Rôle didactique

07

5. Histoire et idéologie

..07

Chapitre 2 : Interpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

 

Francophone

1. Introduction

09

2. Thème d'Histoire dans les pays du Maghreb

10

2.1. La Tunisie

10

2.2. Le Maroc

.11

2.3. L'Algérie

.12

Chapitre 3 : La crise d'Histoire en Algérie

 

1. Introduction

15

2. Définition de crise

..15

2.1. Crise d'Histoire

15

2.2. Transformations sociales

16

2.3. Transformations Idéologiques

16

La partie pratique

 

1. Introduction

17

2. Présentation du roman

19

Chapitre 1 : étude sémiologique

 

1.1. La titrologie

.21

1.2. L'incipit

21

1.2.1. La fonction d'informer

.21

1.2.2. La fonction d'intéresser

22

1.2.3. Nouer le contrat de lecture

.22

2. La sémiologie des personnages

..23

2.1. L'être du personnage

24

2.1.1. Augustin Girer

..24

2.1.2. Afulay Rochdi

26

2.1.3. Levy Al N'qaoua

..27

2.2. Le faire des personnages

.29

2.2.1. Commentaire sur le faire des personnages

31

2.3. L'importance hiérarchique

33

Chapitre 2 : étude sociocritique

2.1. Définition

.34

2.2. Concepts de bases

36

2.2.1. Le sociogramme

36

2.2.2. Le sociolecte

..36

2.2.3. L'idéologie dominante

..37

2.2.4. L'intertextualité

.37

2.2.5. Le stéréotype

.38

2.3. Analyse sociocritique du roman

38

2.3.1. L'explicite

..38

2.3.2. L'implicite

..44

2.3.3. L'oblique

46

La conclusion générale

48

La bibliographie

49

1

Introduction générale

Introduction :

A travers son long parcours, la littérature maghrébine francophone, et algérienne en particulier, a fait écho aux moindres soubresauts historiques, politiques, et sociaux de son pays et l'écrivain était à l'avant-garde des aspirations du peuple.

Cette littérature maghrébine était toujours animée par l'esprit de la contestation depuis son émergence, et particulièrement durant la colonisation française du Maghreb et jusqu'à aujourd'hui.

C'était Nedjma (1956) de Kateb Yacine, au début, qui a enclenché cette vague d'intellectuels contestataires, puis d'autres sont venus tels Mouloud Feraoun, Mohammed Dib et autres.

Apres l'indépendance, l'Algérie a connu une autre génération d'écrivains qui a suivi, de prés, les grands bouleversements qui ont secoué le pays, à savoir les changements socio-politiques et économiques aussitôt devenus la source d'inspiration et un débat pour l'élite cultivée : de nouvelles thématiques sont apparues tels le féminisme et la propagande socialiste.

A partir des années quatre-vingt (80's), une troisième génération d'écrivains ont pris la relève avec l'avènement de la société de consommation et la liberté sociale et politique, mais également l'apparition du fanatisme religieux qui commence à menacer de plus en plus la démocratie naissante.

Rachid Mimouni, Tahar Djaout, Amin Zaoui et autres écriventdésormais dans « l'urgence du réel », dans la nécessité du devoir et de la révolte pour ainsi lutter contre toutes les formes d'injustice et de violence, ils se sont impliqués directement dans la critique sociale et politique en en faisant une description audacieuse et pertinente, chose qui n'a pas été acceptée par les fanatismes et par le pouvoir politique et a couté la vie à de nombreux écrivains et journalistes.

Amin Zaoui écrit depuis les années quatre-vingt et continue toujours à nous exposer en détail les maux et les non-dits de la société, armé d'un esprit libre et critique il se positionne dans l'opposition à la montée fulgurante des conservatismes et des idéologiesdominatrices et violentes. Sa trajectoire intellectuelle est riche. Actuellement, ilest professeur à l'université d'Alger, il est producteur de beaucoup d'ouvrages, romans et articles de presse, il est très actif aussi sur les réseaux sociaux. Né en 1956, il a dirigé notamment la Bibliothèque Nationale d'Algérie (al-Hàmma) entre 2003 et 2008, comme écrivain bilingue, il est connu pour ses nombreux romans tels ; le serpent à plumes (1998), festin de mensonge (2007), le dernier juif de

2

Introduction générale

tamentit (2012), le miel de la sieste (2014), l'enfant de l'oeuf (2017) et récemment Canicule glaciale (2020). Ce dernier roman est une suite de la littérature de dénonciation, il relate l'histoire enchevêtrée de trois amis militaires qui se sont retrouvés par hasard dans une caserne d'Oran dans l'ouest algérien et ce durant la colonisation française, l'auteur donne la parole à chacun d'eux pour narrer son récit, les trois amis sont de religions différentes, mais ils composeront une harmonie et mèneront une action héroïque ensemble : curieusement leur problèmeréside dans le fait que la colonisation les a unis mais l'indépendance les a désunis !! C'est étrange la réalité réservée à l'Algérie après la libération, le rêve d'un pays pluriel et universel est brisé, selon l'auteur, le pouvoir impose sa version et son orientation des faits historiques, en un mot, il instrumentalise l'histoire. Ce déni du passé et de l'identité authentique de l'Algérie est vu, par Amin Zaoui, comme source de toutes les crises qui menacent notre existence collective. La problématique qui va nous intéresser est : quels sont les éléments socio-historiques utilisés dans le roman pour signifier l'existence d'une crise multiformes en Algérie ? Comment l'auteur a utilisé les procédés romanesques pour transcrire le réel à la fiction ? Y a-t-il une idéologie mise au premier plan par l'auteur et à laquelle incombe la responsabilité d'une éventuelle crise d'histoire ?

A travers le récit, le romancier a choisi la ville d'Oran comme cadre spatiale, cette dernière est décrite comme une ville cosmopolite où toutes les langues se parlent et se comprennent ainsi que toutes lesconfessions y sont pratiquées librement. Parce que l'auteur croit dans ce cosmopolitisme, il nous met dans son cadre idéal et dans sa vision des choses, plutôt ouverte et généreuse, mais les transformations ultérieures sont venues pour contrecarrer cette belle cohabitation. Concrètement, l'indépendance est venue et l'extrémisme est venu avec elle. Du coup de source de joie inspiratrice, la société post-indépendante devient un terrain complexe incitant à la rechercher des origines de la crise. Le choix des noms des personnages est un indice que l'on ne peut négliger car il renvoie à un passé qui entre dans la sédimentation de notre identité, on peut y repérer une réponse à nos interrogations actuelles, surtout que le malaise identitaire est souvent évoqué comme source de troubles.

Faire une mise au point de ces thèmes majeurs passe nécessairement par faire la même chose desthèmes mineurs ; quel axes a été le plus décisif dans l'engagement révolutionnaire des personnages ? Quel rôle la religion a-t-elle joué dans cet engagement ? Y a-t-il d'autres motifs qu'idéologiques dans le processus de radicalisation d'Afulay ?

Le choix du roman est dicté par une actualité ainsi que par le thème qu'il traite qui est lié spécialement aux dérives du monde actuel qui bascule dans l'intolérance et toutes formes de

3

Introduction générale

violence, ce qui nécessite un retour aux valeurs humanistes du vivre-ensemble et le rejet de tous les fanatismes.

Pour aborder tous ces points, notre étude du roman se fera en deux parties ; d'abord théorique puis pratique, la partie théorique se divisera en trois chapitres ; 1. La littérature et l'histoire qui met, brièvement, la relation entre le roman précisément et l'Histoire ou comment la littérature traite l'Histoire ; 2. Interpellation de l'histoire dans le roman maghrébin francophone, sachant que l'Histoire était toujours une thématique préférée des écrivains maghrébins ; 3. Crise d'Histoire enAlgérie, donner une définition bien précise de la notion de « crise ». La partie pratique s'articulera sur deux approches chacune rédigée en un chapitre : l'étude sémiologique dans le premier chapitre se basera spécialement sur la sémiologie des personnages selon la méthode de Philippe Hamon. Nous décèlerons la dimension historique au niveau des noms et dénominations.Dans l'étude sociocritique on examinera minutieusement le hors-texte et la sémiosis sociale et surtout le discours social et l'idéologie dominante dans le récit.

4

La partie théorique

4

Chapitre I littérature et Histoire

Chapitre I Littérature et Histoire

1. Aperçu historique :

La littérature, tous genres confondus, a toujours puisé dans l'histoire pour y trouver un cadre, un décor bref un contexte dans lequel est situé un récit, une trame narrative ou une piècethéâtrale. Des personnages historiques et des évènements du passé ont souvent constitué une matière d'écriture et de création, ainsi que les diverses péripéties et des contradictions, conflits et guerres.

De ce fait la littérature peut s'identifier à l'histoire dans de nombreux concepts ce qui amena les Goncourt à écriredans leur journal « l'Histoire est un roman qui a été, le roman de l'histoire qui aurait pu être » plus récemment Paul Veyne disait : « les historiens racontent des évènements vrais qui ont l'homme pour acteur, l'histoire est un roman vrai », pour cette raison justement est né le roman historique qui est un genre narratif dont la matière historique est l'élémentdéclencheur avec une dimension d'ampleur.

Au XVIIe siècle le roman « La princesse de Clèves » de Madame de La Fayette parut assorti d'une intrigue qui se déroulait à la cour d'Henri II. Prenons aussi la tragédie de Racine « Britannicus » qui puise dans l'histoire romaine.

Mais c'est au XIXe siècle que l'histoire a vraiment fait l'objet de littérature et surtout sous la forme du roman à cause des bouleversements majeurs et la rapidité des évènements survenus à l'instar des guerres de Napoléon Ier.

Toujours dans son livre le roman historique, Isabelle Durand-Le Guerne considère qu'après la révolution française : « le XIXe siècle est bien celui des bouleversements : les régimes politiques se succèdent avec rapidité (Empire, Restauration, Monarchie de juillet, république de 1848, second Empire donnant à voir à chacun la fragilité des structures politiques et sociales »1. Mais selon l'autrice toujours, c'est Walter Scott qui, en 1814, a publié Waverly, et a créé le roman historique, elle cite : « cette apparition se trouve de fait liée à une nouvelle conception de l'histoire (...) c'est en effet avec la révolution française que la perception de l'histoire et donc de sa place en littérature va changer »2

1Isabelle Durand-Le Guerne, le roman historique, Armand Colin, Paris, 2008, p : 6 2Ibid. p : 3

5

6

7

Chapitre I littérature et Histoire

Apres Walter Scott, ce sont les écrivainsromantiques qui ont le plus emprunté à l'histoire leur thèmes et matières de créationlittéraire, citons Victor Hugo dans son roman quatre-vingt-treize.

Zola dans sa fresque les Rougon-macquart, Balzac, dans la comédie humaine, note dans l'avant-propos : « la société française allait être l'historien, je ne devraisêtre que le secrétaire » outre les français il y a aussi des écrivains russes, allemands, italiens...etc. qui se sont intéressés à l'histoire dans leurs oeuvres.

Le XXe siècle aussi était riche d'évènements et de crises notamment à propos des deux Guerres mondiales et la révolution algérienne qui ont beaucoup marqué la littérature mondiale, nombreux sont les écrivains qui ont placé la réflexion sur l'écriture de l'histoire, ainsi que dans leur préoccupation artistique, on peut citer : Michelet, Paul Veyne, Paul Ricoeur...

Dans ces tractations et polémiques, pourquoi le romancier puise-t-il dans l'élément historique ? Quel est le rôle joué par l'histoire dans le genre romanesque ? On commence par d'abord par définir la notion de l'histoire.

2. Définition de l'histoire :

2.1. Encyclopédie Universalis :

L'Encyclopédie Universalis définit ainsi l'histoire : « Le mot histoire désigne aussi bien ce qui est arrivé que de ce qui arrivé ; l'histoire est donc soit une suite d'évènements soit le récit de cette suite d'évènements. Ceux-ci sont réellement arrivés : l'histoire est récit d'évènements vrais, par opposition au roman, par exemple, par cette norme de vérité l'histoire, comme discipline, s'apparente à la science ,
· elle est une activité de connaissance »3

2.2. Définition philosophique :

Pour cette définition, nous avons consulté le dictionnaire de philosophie4 : « transformation dans le temps des sociétés humaines ,
· succession des états par lesquels passe une réalité (individu, pays
,...) »

3 Encyclopédie Universalis, Tome 11, p : 464

4 N. Barraquin, Anne Baudart, Dictionnaire de philosophie, p : 252

Chapitre I littérature et Histoire

Dans notre travail nous allons nousintéresser au terme Histoire avec h majuscule qui renvoie au type de discours historique produit par les historiens au sein de la discipline appelé « Histoire ».

3. Entre historien et romancier :

A.Zaoui fait du contexte de la colonisation un référent historique, il interpelle cette Histoire et met ses moments conflictuels sous les projecteurs de la critique, cependant Amin Zaoui « l'écrivain » ne se prend pas pour un « historien » et il n'en fait pas son souci : mais il considère autrement le parcours narratif de « Afulay » qui a rejoint les groupes armées durant la décennie noire aprèsson rôled'ancien maquisard pendant la guerre de libération nationale qui défendait le peuple contre l'oppression coloniale, ici le romancier est en train de « juger » l'histoire, pourquoi en est-on arrivé là ? C'est cette question cruciale et significative qui occupe la pensée de notre écrivain, donc il y a un jugement de valeurs et des marques de subjectivité à travers une trame narrative et fictionnelle, c'est moins la volonté d'approcher « la vérité » que de livrer sa « vérité » qui ne saurait être que « subjective » alors loin de l'objectivité nécessaire pour le travail de l'historien.

Le romancier juge encore l'Histoire imposée par le pouvoir politique depuis 1962, qui néglige et fait fi d'une partie fondamentale dans la construction d'un patrimoine collectif de la nation algérienne, ce patrimoine confisqué faisait réagir l'écrivain Smail Goumeziane, il rapporte que l'élite algérienne dominante prétend que l'Histoire de l'Algérie commence avec l'arrivée des Arabes au VIIIe siècle alors que :« Gilbert Meynier n'hésite pas à faire de ce territoire, hérité depuis plus de deux mille années, un berceau de l'humanité »5

4. Rôle de l'histoire dans le récit : 4.1. Rôle idéologique :

Le romancier, dans la littérature particulièrement, essaie souvent de faire passer une idée, un message idéologique à travers le discours historique tenu dans le récit « le recours au passé permet en effet de tenir un discours sur le présent tout en écartant les foudres de la censure »6. Au contraire de l'historien, qui ne peut pas fuir le positionnement tenu par le pouvoir politique, et sous peine de finir en prison ou exposer sa vie au danger, le romancier peut contourner l'interdit en usant du coté polysémique du langage et de la littérature.

5Smail Goumeziane, Algérie une histoire en héritage, Edif 2000/Non-lieu p : 33 6I. Durand- Le Guerne, le roman historique, P : 8

Chapitre I littérature et Histoire

A.Zaoui fait le constat de l'échec de la construction d'un Etat moderne après l'indépendance à travers l'enchainement d'éléments narratifs qui influencent le sort tragique du personnage juif du roman nommé « Levy » dans son roman, et dont les ossements finirent par être transférés vers un cimetière non musulman et ce sur l'injonction de son ami d'arme « Afulay » « c'est un grand péché ( ...) d'enterrer les ossements d'un Levy dans le cimetière des martyrs »7. Tous ces éléments nous éclairent sur la définition d'une identité nationale algérienne restreinte et par conséquent exclusive de l' « autre ». Une telle conception exclusive était de nature à nourrir très tôt une crise sociale et idéologique assez profonde.

4.2. Rôle politique :

L'engagement politique s'infiltre souvent au travers d'un discours émaillé d'Histoire et d'évènements historiques importants.

Parlant d'un drame de Musset « Lorenzaccio », isabelle Durand-Le Guerne dit : «la dimension politique y est essentielle, avec de nombreuses scènes de rue où le peuple s'exprime et stigmatise la tyrannie des Médicis »8, l'élément politique est souvent introduit dans le récit romanesque comme complément ou accompagnateur du fait historique.

4.3. Rôle didactique :

Le narrateur est amené à maintes fois à commenter et à prendre position sur les évènements qu'il décrits, ainsi il juge et soumet le lecteur parallèlement à sa lecture. Dans le roman en question Canicule glaciale, A.Zaoui écrit : « ce décret de 1870 avait créé un clivage de la population autochtone algérienne, entre juifs et musulmans (...) au même titre que les musulmans. »9. L'auteur s'est focalisé sur l'aspect didactique du décret de Crémieux de 1870.

5. Histoire et idéologie :

C'est un point de conflit envisagé par l'historien et le littéraire qui doivent affronter les tentatives de manipulation de l'héritage historique de la part de la classe dominante après avoir été annexé au patrimoine matériel de l'Etat : cela a facilité sa falsification : « (...) cependant, en Algérie, ce processus traduit aussi un autre glissement, autrement, plus fondamental celui de la

7 Amin Zaoui, Canicule Glaciale, Ed ; Dalimen, 2020 ; p ; 223 8Ibid, p : 10

9 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 212

Chapitre I littérature et Histoire

monopolisation ou de la privatisation du patrimoine publique, en particulier, de la réalité historique par un groupe au pouvoir »10

Malgré cette apparente subjectivité de la science de l'Histoire il n'en demeure pas moins qu'elle présente des aspects objectifs notamment après l'introduction de la théorie positiviste d'Auguste Comte quant à l'étude des documents historiques.

Le philosophe français Paul Ricoeur, dans son ouvrage Histoire et vérité, n'a cessé de s'interroger sur cette relation entre l'Histoire et l'objectivité : « Nous attendons de l'histoire une certaine objectivité, l'objectivité qui lui convient c'est de là que nous devons partir et non de l'autre terme.»11

8

10SmailGoumeziane, Algérie, une histoire en héritage, Edif 2000/Non-lieu, p : 33 11 Paul Ricoeur, Histoire et vérité, (3eme) éd ; Seuil, 1990, p : 35

9

10

11

Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

francophone

Chapitre 2 : Interpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

francophone.

1. Introduction :

D'après certains historiens (dont Charles André Julien), tout au long de leur Histoire, les pays du Maghreb ou l'Afrique du Nord, ont toujours été le théâtre de guerres et de conflits, de conquêtes et résistances, entre tribus indigènes et conquérantsétrangers mais aussi entre tribus elles-mêmes dans des guerres fratricides. Ces faits historiques « de violence », traduisant des antagonismes sociaux assez significatifs,n'ontguère laissé les historiens et les hommes de lettresindifférents du fait de son impact et de son implication directe dans le présent de ces peuples, soit comme héritage passé tumultueux ou comme une actualité instable.

Pour comprendre ce présent on doit nécessairement se référer sans cesse au passé, à commencer par l'antiquité berbère de l'Algérie et du Maroc, et l'antiquité romaine pour le cas du Tunisie (Cité de Carthage), en passant parles chevauchées des armées arabes qui ont islamisé toute l'Afrique du Nord et enfin l'occupation française. Toutes ces étapes sont considérées comme des « sédiments »12 qui construisent ou participent aux fondements du patrimoine historique et la mémoire commune des peuples de l'Afrique du nord, oublier les moindre composantes de cette histoire, c'est d'encourir une falsification et une altération de cette héritage patrimoniale. Les romanciers ne cessent d'interpeller cette histoire pour en tirer des leçons et corriger certaines dérives qui l'ont dénaturée.

Pourquoi ce désir incessant de revisiter des évènements a priori déjà oubliés ?

Le roman postcolonial, qui est classé dans la postmodernité, exige d'abord la reconnaissance de la diversité, une hybridité identitaire et un statut tout différent de celui tracé par l'ancien colonisateur car ce dernier travaillait dans l'anéantissement de l'identité réelle et de persuader les colonisés de leur sous-développement perpétuel. Le roman postcoloniale voudrait la confirmation du Soi, et ce Soi s'étend sur plusieurs millénaires à travers les trois pays, les écrivains font appel à ce passé lointain pour rappeler au colonisateur et aux générations contemporaines que l'on n'est pas né hier.

12Sédiments un terme utilisé par Goumeziane pour désigner les couches qui entrent dans la construction de l'identité.

Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

francophone

2. Thème d'Histoire dans les pays du Maghreb : 2.1. La Tunisie :

LaTunisie a une spécificité historique différente de celle de l'Algérie et du Maroc, elle n'a pas cette ancrage dans la composante berbère encore vivace et qui fait encore polémique dans les deux pays, et y fait un thème littéraire. Dans le cas échéant les romanciers tunisiens essaient de de ressusciter « Carthage afin de puiser dans les mythes anciens des leçons valables pour aujourd'hui (...) les romanciers tunisiens remontent encore plus loin dans le temps et trouvent dans le tragique destin de Carthage un thème romanesque qui se prête à des lectures multiples »13

Le roman de Abdelaziz Belkhodja Cendres de Carthage(1993) y fait le parallèle entre la destruction totale de la cité antique et l'écrasement de l'Iraq et sont mis en perspective pour mettre en évidence le cynisme de la politique américaine.

Dans un article paru le 12 mars 2003, dans jeune afrique, l'historien célèbre M. Talbi, sous le titre « Delenda Bagdado », reprenant l'expression célèbre de l'émissaire romain Caton devant le Senat : « Delenda est Carthago » qui signifie littéralement « Carthage doit être détruite », dans une similitude étrange avec l'émissaireaméricainqui ordonna la destruction de Baghdâd.

La romancière Alia Mabrouk nous livre un roman d'un aspect archéologique de l'ère romaine où les propriétaires terriens de la région de DOUGGA refusent de livrer leur blé aux maitres de l'empire romain, le roman s'appelle DOUGGA (1993)

Fawzi Mellah dans Elissa, la reine vagabonde (1988) évoque le mythe entourant la fondation de Carthage. A travers cette fable historique F.Melleh veut rendre justice à Elissala fondatrice de Carthage « dont le nom a été effacé et dont la trace n'existe nulle part contrairement aux noms d'Amilcar ou d'Hannibal »14, soit une fiction historique au service du patrimoine collectif tunisien.

Albert Memmi, le très connu intellectuel tunisien, ne cesse de rappeler dans tous ses écrits ses origines juives malgré sa naissance en Tunisie, le pays qu'il aime et ne peut le quitter. Dans son roman le pharaon(1988) il défend la place des judéo-berbères au Maghreb et spécialement dans son pays, l'auteur ne cesse de s'interroger sur le sort réservé à la composante juive après l'indépendance dans un pays se réclamant déjà de l'islam et de la nation arabe.

13Sabiha Bouguerra, Histoire de la littérature du Maghreb, ellipses, 2010, p : 154 14Ibid., p : 158

Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

francophone

L'exploration de l'Histoire chez cette élite intellectuelle montre le désarroi et le malheur du personnage qui affronte un présent confus et amer. Interpeler l'Histoire c'est essayer de donner un sens au présent face aux falsificateurs.

2.2. Le Maroc :

La revue marocaine Souffles créée en 1966 a joué un rôle majeur dans le débatidéologique et linguistique du roman marocain après l'indépendance d'un peuple longtemps marginalisé. Des écrivains comme Abdellatif Laabi, Tahar Benjelloun, M.Khair-Eddine ont joué un grand rôle dans la vulgarisation de cette littérature francophone qui essaie de traduire le passé biculturel des auteurs (culture occidentale et marocaine). La génération de l'après Souffles a adopté une écriture de « démantèlement »15 qui abandonnent les canevas traditionnelles du récit(interaction des genres et des formes propres aux deux traditions culturelles).

Driss Chraïbi, l'éminent romancier touche presque à tous les problèmes d'actualité c'est-à-dire qui touche directement à la vie quotidienne du marocain, sans oublier l'Histoire qui rappelle la réalité du Maroc des années 50's et 60's, mais soumise au service de la fiction.

Dans Naissance de l'aube (1986), il soutient : « si l'islam n'y est en rien contesté, la présenceberbère et la lutte des habitants de la montagne pour la préservation de leur eau et de leur patrimoine culturel, en particulier de leur langue, sont à bien des égards reconnues et soutenus »16. Dans le livre Histoire de la littérature au Maghreb susmentionné, Sabiha Bouguerra elle explique : « si le romancier marocain (Chraïbi, NDLR) explore le passé de l'islam et de son avancée victorieuse a travers l'Afrique du nord (...) que pour épouser la cause de la minorité berbère et défendre ou plutôt célébrer son maintien au Maroc malgré les vicissitudes de l'histoire »17

Donc à l'instar des écrivains algériens actuels, les Marocains insistent sur le volet de l'Histoire qui se déploie depuis l'antiquité berbère à titre d'enrichissement de l'identité qui risque d'être effacée, mais face à cette prise de conscience, Chraïbi amène son personnage à renier l'islam et revenir aux sources qui le rendentpaïen comme il était à l'origine, mais dans son ouvrage L'homme du livre (1996), il rend hommage au prophète de l'islam, Mohammed QSSSL, il y reconstitue dans une fiction narrative, le déroulement de la journée précédant la révélation.

15Ibid., p : 144

16 Charles Bonn, littérature maghrébine d'expression française, EDICEF, 1996, p : 147

17 Sabiha Bouguerra, Histoire de la littérature au Maghreb, p ; 170

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Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

francophone

2.3. L'Algérie :

La littérature algérienne francophone était toujours à l'avant-garde par rapport aux pays du Maghreb avec une certaine ressemblance dans le contexte social et surtout historique. Les romanciers algériens ont cette spécificité d'êtrepréoccupés et tournés vers la guerre de libération nationale à cause des blessures profondes et les traumatismes subis au fond de la conscience commune de tout le peuple.Ce cadre historique a donc marqué la majorité des oeuvres littéraires avant et à la postindépendance.

Dans les années 1950, une floraison de littérature militante a accompagné la lutte de libérationce qui en a fait, ce que M. Lacheraf qualifiait de « littérature de combat », éclairant l'opinion occidentale et surtout les français sur les souffrances et les privations dont pâtissaient les indigènes.

La colline oubliée, premier roman du grand écrivain Mouloud Mammeri sorti en 1952, retrace la misère à laquelle était réduit un petit village Tasga en kabylie, un village qui vit à l'ombre et coupé du reste du monde, cette situation catastrophique a été déjà soulevée par Albert Camus en 1939 dans un reportage pour Alger républicain. Le récit de M.Mammeri tire déjà la sonnette d'alarme et prédit le 1 novembre 1954 d'une manière prophétique et géniale, cette alarme était adressée au pouvoir colonial. Au demeurant, ce roman a été critiqué par Md Cherif Sahli, du fait de son éloignement de la dimension nationale algérienne et sa limitation dans la région de Kabylie.

Mouloud Feraoun, dans les chemins qui montent (1957), dénonce le mépris des colons envers les indigènes et avertit l'administration coloniale. L'histoire se passe pendant l'époque coloniale en Algérie, c'est une quête d'amour impossible entre, Dahbia et Mokrane, deux trahis par leur différence culturelle et sociale, elle estchrétienne, lui, il est un non-croyant, l'histoire se termine par le suicide délibéré du jeune homme en se laissant tué par son cousin, quant à Dahbia, elle s'est mariée au président. Un conflit de moeurs et de cultures toujours en relation problématique avec la France coloniale, mais également, terre d'immigration.

L'oeuvre majeure de Kateb Yacine Nedjma(1956) ne peut que refléter cette réalité historique du colonialisme oppressif français, ainsi le récit est fortement marqué par les évènements du 8 mai 1945. A travers la métaphore de Nedjma, il pose l'identité séculaire de l'Algérie, certes métissée, car plusieurs fois violée mais elle est toujours vierge.

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Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

francophone

L'engagement de Mohammed Dib pour la cause nationale se voit clairement dans sa trilogie La grande maison, L'incendie, Le métier à tisser, sortis respectivement en 1952, 1954 et 1957. La liste d'intellectuels algériens est très longue passant par Malek Haddad, Khaled Bentobal....etc.

Apres la joie et l'euphorie de l'indépendance, une nouvelle période a commencé, pour les écrivains, une période de déceptions et de désillusions ;désormais on fait la critique des combattants d'hier, devenus des gouverneurs d'aujourd'hui. Cette nouvelle génération ne fait plus de crédits au nouveaux maitres face aux dérapages, dérives et promesses non tenues, la nouvelle élitealgérienne est en quête de dignité et d'égalité mais aussi en quête d'identité « ouverte ». Cette littérature présente aussi des aspects historiques du fait de son attachement aux personnages et aux évènements.

Boudjedra dans Le démantèlement (1982) et Rachid Mimouni dans Le fleuve détourné (1984) refusent de larmoyer sur les exploits des ancêtres héroïques et pointent directement le doigt accusateur sur les nouveauxtenants du pouvoir. Cela s'est traduit par le refusdes codes littérairesétablis et l'anticonformisme à travers des formes éclatées qui suggèrent le désenchantementdécoulant de l'état de stagnation du pays dans tous les domaines. Aussi cela a-t-il eu pour effets le déchirement idéologique et identitaire, choses qui se ressentent même aujourd'hui.

Dans le roman de Rachid Mimouni L'honneur de la tribu (1989) l'auteur y met en cause cette Algérie qui est gérée par le népotisme et la mentalité tribale, des nouveaux maitres qui font le beau et le mauvais temps laissant un sentiment d'amertume comme le confirme Mimouni lui-même. Le roman prend pour contexte historique les années qui ont suivi directement l'indépendance, un moment de grands changement dans la structure sociale de la sociétéalgérienne, commençant par la formation des cités bidonvilles autour des villes et finissant par l'apparition des maux qui fleurissent tel le crime, la drogue et la prostitution...etc. L'auteur ne cite pas des personnages historique, mais fait allusion à leur politique et à leur gouvernance qui ont engendré la catastrophe.

Zaoui, qui fait partie de ces écrivains iconoclastes, ne cesse de rappeler les réalités historique et identitaires de l'Algérie plurielle dans tous ses romans, comme Canicule glaciale objet de notre recherche, il y interpelle l'antiquité berbère à travers ses personnages Saint Augustin et Apulée de Madaure (Afulay en tamazight), un passé glorieux de la Numidie, l'histoire originelle de l'Algérie, ensuite l'auteur nous transporte dans le contexte de la guerre de

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Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la littérature maghrébine

francophone

libération pour nous montrer la composante plurielle des déclencheurs de la révolution, il y plaide pour une sorte de cohésion communautaire mais cette cohésion s'est vite éclipséeaprès l'indépendance pour des causes idéologiques et identitaires.

Le passé antique de l'Algérie a été aussi évoqué par Rachid Boudjedra dans La prise de Gibraltar (1987) Tarek le personnage principal nous fait état d'un passage de l'historien Ibn Khaldoun relatant la prise du rocher du détroit, futur Djebel Tarek ou Gibraltar par Tarik Ibn Ziad. C'est une réflexion sur l'histoire de la Numidie qui résistait auxconquêtes romaines mais aussi les conquêtesislamiques de l'Andalousie. Ce recours éternelau passé aide à surmonter le présent désespérant et morne, c'est comme un refuge où l'on se sent en sécurité.

Chapitre III La crise d'Histoire en Algérie

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Chapitre III La crise d'Histoire en Algérie

Chapitre 3 : La crise d'Histoire en Algérie

1. Introduction :

Lorsqu'on lit un roman comme Canicule glaciale d'Amin Zaoui on saisit facilement l'aspect de la crise qui touche les fondements de la nation algériennepost indépendante à travers un combattant qui voulait libérer son peuple du joug du colonialisme mais qui finit par se transformer enextrémiste qui dirige son arme contre son propre peuple.

Le fait révélateur est l'histoire du juif qui est tombé au champ de combat mais dont les ossements seront refusés d'être enterrés parmi les martyres musulmans, une crise profonde transparait à travers cette succession de faits.

Comment aborder cette crise d'Histoire profonde en Algérie ?

2. Définition de crise :

Dans le sens familier d'après Larousse : « moment très difficile dans la vie de quelqu'un, d'un groupe, dans le déroulement d'une activité ...etc. Période, situation marquée par un trouble profond »18

Mais si on aborde le terme Crise d'un point de vue philosophique on y relève : « phase de l'évolution du réel, des idées...etc. caractérisée par un déséquilibre, un aspect critique dans le processus d'évaluation, le déséquilibre annonce une transformation »19

2.1. Crise d'Histoire :

Prenons la définition philosophique de Crise pour l'appliquer sur la cours de l'Histoire en Algérie avant et après l'indépendance et la décennie noire 1990-2000, on devine facilement le déséquilibre et l'aspect critique dans l'évolution qui ont annoncé les grandes transformations les plus inattendues, transformations sociales et idéologiques profondes ; on voit l'avènement des problèmes économiques et sociaux ce qui a engendré le fanatisme et l'intolérance après une Algérie plurielle et joyeuse. Un autre aspect de la crise d'Histoire est l'instrumentalisation et les déformations auxquelles est soumis le fait historique, ce qui met cette discipline scientifique dans une crise énorme ; à quel point l'Histoire peut-il être objective ?

18 https://www.larousse.fr/ cosulté le 13/03/2021

19N. Baraquin, dictionnaire de philosophie, Armand colin, 2011, P : 126

2.2. Transformations sociales :

Le système tribal qui régissait l'Algérie depuis l'antiquité a été disloqué et percuté de plein fouet par la colonisation française comme l'a indiqué le sociologue Pierre Bourdieu, dans son livre, La sociologie de l'Algérie : « ainsi les grandes lois foncières essentiellement le Cantonnement, le Senatus Consulte de 1863 et la loi Warnier de 1873 ont été conçues par leurs promoteurs même comme instruments de désagrégation des structures fondamentales de l'économie et de la société »20

Après l'indépendance, l'Algérie dépendait entièrement du pétrole et l'économie de la rente ce qui a conduit à l'appauvrissement d'une large couche de la société notamment après le choc pétrolier de 1986 et l'ouverture de l'économie de marché des années 90's.

2.3. Transformations Idéologiques :

Ces transformations sont les plus marquantes de notre société actuelle, car elles ont défiguré l'image de l'islam de nos ancêtres, qui était tolérante et mystique, ce fondamentalisme a été causé essentiellement par l'importation d'une idéologie moyen-orientale qui n'est pas conforme à nos moeurs et habitudes. On connait bien les aboutissements de cette déculturation avec des milliers de morts dans une tragédie dont les conséquences resteront à jamais ancrées dans la conscience collective des algériens, c'est une crise d'Histoire et d'existence car cette terre est connue par sa diversité culturelle et linguistique et sa dimension méditerranéennedepuis ses origines. D'autre part, il y a une autre opinion qui rejette cette accusation et dit que les courants religieux, à leur naissance, ont agi par réaction aux idées communistes qui voulaient anéantir toute forme de religiosité dans la société,étant donné qu'ilsconsidéraient la religion comme l'opium des peuples et que c'est de leur droit de défendre un principe reconnu de l'identité de la nation. Ce conflit idéologique a mis toute la société en ébullition et s'est manifesté par des affrontements entre étudiants au niveau des campus universitaires.

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20 Pierre Bourdieu, La sociologie de l'Algérie, Ed que sais-je, 1960, p : 94

La partie pratique

Partie pratique Introduction

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1. Introduction :

L'écrivain Amin Zaoui est un professeur à l'université d'Alger en littérature moderne, de ce fait, naturellement, il est amené à faire des réflexions sur les réalités de son pays et nous faire état des soucis qui occupent l'imagination collective de son public. Le roman en question Canicule glaciale vient bouleverser les certitudes et jeter un pavé dans ce vaste océan de contradictions, de dénégations et de falsifications du passé de l'Algérie. Cet état de choses a engendré un malaise profond qui déchire la société, on le voit d'ailleurs dans les manières de s'habiller, de manger, de se comporter, mais surtout dans le domaine du religieux sachant que l'Afrique du Nord était connue depuis la nuit des temps par sa religiosité tolérante et l'attitude de ses oulémas ouverts et mystiques. Or désormais ce n'est plus le cas. A.Zaoui affirme : « nous n'avons pas su ni comment faire survivre notre passé ni comment l'enterrer, nous vivons une sorte de tragédie humaine à l'algérienne »21

C'est en esprit contestataire agitant tout intellectuel soucieux de l'avenir des générations que Zaoui a écrit Canicule glaciale qui rend hommage à toutes les composantes de la société algérienne sans exception et sans déni de quiconque, dans l'entretien précédent il répond : « l'identité algérienne souffre des mensonges de l'histoire et des falsificateurs de notre passé ancestral »22

Notre intérêt porte sur le côté occulté de l'Histoire de l'Algérie notamment les composantes juives, chrétienne ou les communistes, qui ont sacrifié leurs âmes, leurs biens et leurs familles pour que ce pays retrouve sa liberté et sa dignité.

Notre plan commencera avec le chapitre premier par l' « étude sémiologique » des personnages principaux selon l'approche de Philippe Hamon « pour un statut sémiologique du personnage »(1972) dans le but d'en faire ressortir particulièrement la sémiologie du nom, du portrait et le faire des trois protagonistes dans le récit (Afulay,Augustin, Lévy) correspondant aux trois champs proposés par Ph.Hamon et qui sont : l'être ( nom, dénominations, portrait ), le faire ( rôles thématiques et actantiels ) et enfin l'importance hiérarchique. Les résultats de cette analyse vont nous éclairer sur la valeur morale et idéologique des personnages cités. Ensuite on passera au programme narratif du théoricien Greimas qui comporte quatre phases ; manipulation, compétence, performance et sanction ; « l'objectif de Greimas, en mettant en évidence la structure commune à tous les récits, était d'éclairer sur la notion de sens »23puis il ajoute : « il

21www.algerieculture.com consulté le 11/01/2021

22 Ibid.

23 Vincent Jouve, La poétique du roman, Armand colin, P : 54

Partie pratique Introduction

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est possible d'analyser l' « effet-valeur » d'un roman, la façon dont ce dernier véhicule une idéologie et la transmet au lecteur »24

Notre roman a un effet-valeur qui est la liberté, la dignité et le combat contre la colonisation. Mais la crise réside justement dans cette indépendance confisquée et cette joie volée après le départ des colons, c'est la « sanction » finale qui suit la « manipulation » initiale. On aura àdémontrer ce qui a manipulé le sujet à l'acquisition du pouvoir-faire et du savoir-faire nécessaires à l'accomplissement de l'action (les trois acteurs à regagner le maquis) débouchant ensuite sur la sanction qui consiste à l'évaluation et l'interprétation morale (échec ou succès de l'indépendance). Enfin, pour la réalisation de notre recherche, nous comptons mettre à contribution les théories, analyses à l'appui de Vincent Jouve la poétique du roman qui est un précieux support de vulgarisation qui aide beaucoup les étudiants.

Le deuxième chapitre de notre partie pratique inclura une approche sociocritique du corpus, nous rendons compte de l'état du social et de l'histoire avant et après l'indépendance en s'inspirant des travaux de Claude Duchet, et autres théoriciens de la sociocritique, nous viserons surtout le dit et le non-dit derrière les mots et expressions. Dans cette perspective, l'ouvrage le discours social de Marc Angenot nous sera beaucoup utile.

En prenant deux orientations, nous entreprenons une approche syncrétique qui associe deux théories distinctes mais complémentaires à savoir la sémiologie et la sociocritique, nous espérons ainsi pouvoir relever certaines vicissitudes de l'Histoire officielle qui est toujours, malheureusement, inculquée aux enfants dans les écoles de l'Etat, soit une histoire qui est totalement mutilée, une identité ancestrale et millénaire qui a été mise sous le boisseau pour des motifs idéologiques.L'histoire en Algérie souffre de beaucoup d'incohérences et de falsifications, choses que les intellectuels essaient de corriger par le moyen de la littérature qui échappe un peu au diktat de la censure officielle. Dans un entretien avec l'universitaire, feu M. Bennoune paru dans le livre les intellectuels algériens, élaboré par N. Hocine :Bennoune y répond sans ambages : « l'Histoire de notre pays a été de tous les temps instrumentalisée à des fins politiques et politiciennes (...) en somme, je pense que l'histoire de notre pays, telle qu'elle est enseignée dans notre école, reflètetrès mal la dimension culturelle et civilisationnelle de cette nation. »25, Bennoune met le doigt sur la plaie, il accuse le système éducatif des carences constatées dans la construction identitaire de l'écolier et dans sa connaissance de la vraie histoire de son pays.

24 Ibid.

25 Nouara Hocine, Les intellectuels algériens, Dahleb-ENAG, 2005, P : 205

Partie pratique Introduction

2. Présentation du roman :

Le roman d'Amin Zaoui Canicule glaciale est un roman polyphonique où succèdent trois narrateurs en alternance, « Augustin Girer » le premier qui commence à narrer, puis « Afulay » et enfin « Lévy », le roman est écrit d'une façon fragmentaire (en fragments ou épisodes), sur le motif de ce choix l'auteur s'explique : «Canicule glaciale est un roman écrit selon une construction et un découpage cinématographique (...) dans cette approche esthétique, il y a beaucoup d'économie de langage »26, d'ailleurs ce choix n'est pas nouveau chez l'écrivain puisque son roman l'enfant de l'oeuf (2018) est construit selon lamêmeesthétique.

Le roman est fait à partir d'une intrigue simple que l'on peut schématiser de la manière suivante :

radicalisation

médecin

martyr

Afulay

Augustin

Lévy

Indépendance

1962

Début de la

Révolution 1954

19

Il y a trois personnages qui progressent dans le récit en parallèle jusqu'à la date du déclenchement de la guerre de libération où ils participent à une action commune, puis après l'indépendance leur destins divergent.

Les trois principaux protagonistes sont de confessions différentes, Augustin Girer (chrétien), Afulay (musulman autochtone) et Lévy (juif de Tlemcen), ils se rencontrent à la caserne d'Oran à la veille de la guerre de libération, chacun prend la parole et raconte son histoire jusqu'à son arrivée à la caserne et nous emmène dans un monde diffèrent de l'autre.

Augustin, médecin et portraitiste, vient de la Normandie, « les études de médecine occupaient tout mon temps »27 il est toujours à la quête de son père « l'homme soleil » qu'il n'a jamais vu, il essaie souvent de le reconstituer dans ses dessins, ne supportant plus les ébats amoureux de sa mère il quitte la maison pour étudier la médecine à Paris puis finira en Algérie pour accomplir le service militaire qu'il désertera pour rejoindre le maquis et continuera dans ce chemin jusqu'à l'indépendance.

26www.algerieculture.com entretien avec Amin Zaoui consulté le 11/01/2021 27 Amin Zaoui, Canicule Glaciale, Ed ; Dalimen, 2020, p ; 73

Partie pratique Introduction

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Afulay fils de Daoued Rochdi et de Rokia bent Abraham il est kabyle « Afulay est le nom d'un autochtone, fils de ce pays »28 , il mène une enfance difficile dans une famille où la jalousie de sa mère et la trahison du père le poussent à quitter son village natal pour la maison de sa tante, mais après la déception amoureuse avec Sandrine il sèche les cours et regagne la caserne d'Oran pour se venger du Caïd Ramdane Laouej et du père de Sandrine, il mène une vie de combattant durant la guerre, mais après l'indépendance il s'est métamorphosé en terroriste.

Quant à Levy Al N'qaoua, le juif de Tlemcen, « je m'appelle Levy Al Nqaoua, je suis né à Hénaya (...) la ville historique de Tlemcen »29 il vit dans une famille mélomane dont la situation a été complétement bouleversée après la mort de sa mère et le climat de tristesse qui qui a rendu le père de plus en plus mélancolique ; ce dernier, seul il consacra son temps à la machine à coudre. Apres un certain temps le père a conduit Levy à la caserne d'Ain Sefra où il sera promu capitaine ;après la mort de son cheval Guibour il a plongé dans une dépression nerveuse brutale, mais il sera sauvé par sa future femme Nicole. Sa position de capitaine a aidé ses collègues à déserter l'armée française pour rejoindre l'armée de libération.

A côté des personnages principaux nous avons des personnages secondaires qui jouent un rôle plus ou moins important dans le sort de l'intrigue, on cite : le couple Gomez (Antonio et sa femme Izilda), les parents de Afulay (Daoued Rochdi et Rokia bent abraham), la mère d'Augustin (Jannina) et ses grands-parents (Nicolas et Irena), le père de Levy et sa tante Rena.

28 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 39

29 Ibib, p ; 118

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22

Chapitre I Etude sémiologique

Chapitre 1 : Etude sémiologique

Avant d'entamer l'étudesémiologique des personnages, nous avons jugé judicieux, pour la compréhension de l'ensemble de notre travail, de faire une analyse du titre et de l'incipit.

1.1. La titrologie :

Le titre remplit essentiellement la fonction d'information et d'identification, il nya pas de livre sans titre, c'est ici que commence « la relation du lecteur au texte »30

Selon G. Genette31, il existe deux types de titre à savoir :

? Le titre thématique : qui désigne le contenu du texte, il peut être de plusieurs sortes : les titres littéraux, les titres métonymiques, les titres métaphoriques et les titres antiphrastiques.

? Le titre rhématique : qui désigne la forme du texte.

Le titre du roman, objet de notre travail Canicule glaciale, est de type thématique/métaphorique, il contient une figure de style qui est l'oxymore qui consiste à allier deux mots de sens contradictoire. En effet « canicule » désigne une période de grande chaleur, « glaciale » est un adjectif du mot glace grand froid, donc un titre formé de deux mots contradictoires qui suggèrent un récit plein d'oppositions et de contrastes mais qui forment, plus ou moins, un ensemble cohérent à l'image de la nation algérienne qui est très riche dans sa diversité culturelle, il peut suggérer un paradoxe d'histoire entre avant l'indépendance et aprèsl'indépendance.

1.2. L'incipit :

L'incipit est parmi les éléments paratextuels qu'il importe d'analyser, car c'est un élément qui accomplit le contrat de lecture et précise la nature du roman ; ce sont les premières lignes du récit « l'incipit remplit précisément trois fonctions ; il informe, intéresse et propose un pacte de lecture »32

1.2.1. La fonction d'informer :

Répondre aux questions ; qui ? Où ? Quand ? Dans l'incipit de notre roman l'auteur enseigne le lecteur sur les personnages, le lieu et l'époque de l'action.

30 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, Paris, 2006, p : 13

31 Ibid., p : 14

32 Op.cit. p: 19

Chapitre I Etude sémiologique

? Les personnages sont : Afulay, Levy et Augustin : « je regarde les yeux d'Afulay ou hadj Mohammed (...) un déserteur courageux qui a choisi son camp comme Hadj Levy et moi »33

? Le lieu une caserne à Oran : « mon ancien compagnon de caserne à Oran »34

? L'époque d'action : à la veille et pendant la guerre : « mon frère de maquis, pendant plus de quatre ans »35

1.2.2. La fonction d'intéresser :

« Intéresser consiste à susciter la curiosité du lecteur, à le prendre au piège du récit »36, intéresser, c'est aussi laisser prévoirun conflit et annoncerune thématique. Dans notre incipit, l'écrivain annonce la thématique de la guerre ; caserne, maquis, déserteur..., la thématique de la femme « maison de tolérance », « je pense à cette belle jeune femme » « Aicha » « Léa », la thématique de religion « elle lit des versets coraniques » « psalmodies ».

Mais ce qui tient plus l'attention du lecteur est le commencement du récit par la fin du roman ou la situation finale, à la manière des films policiers, de sorte que la page 10 et la page 132 sont identiques, c'est la scène d'égorgement d'Augustin par son ami Afulay ou Hadj Mohammed. Ensuite, l'auteur commence le récit en utilisant la rétrospection, une méthode qui consiste à narrer l'évolution chronologique d'un fait du passé jusqu'à son aboutissement, ce que G. Genette appelle « analepse »37, cet inversement de situation laisse le lecteur sur sa faim pour connaitre la réponse à la question ; pourquoi on en est arrivé là ? Et c'est le but de l'auteur pour focaliser le regard du lecteur sur cette étape de la décennie noire.

1.2.3. Nouer le contrat de lecture :

L'auteur informe le lecteur sur le type de texte et comment il doit le lire. Amin Zaoui cite dans le premier paragraphe du roman : « sa vie se déroule devant ses yeux comme les images d'un film en mode speed », le roman est fragmenté en épisodes à la manière cinématographique, une lecture simple et rapide avec économie de langage comme nous l'avons vu dans l'introduction.

33 Amin Zaoui, Canicule glaciale, p ; 10

34 Ibid, p ; 10

35 Ibid, p; 10

36 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, Paris, 2006, p : 20 37Gérard Genette, Figure 3, Ed seuil, 1972, P : 90

Chapitre I Etude sémiologique

2. La sémiologie des personnages :

Philippe Hamon a voulu revaloriser la notion de « personnage » en évitant la vision traditionnelle qui consistait à le limiter à son « faire », le personnage est un acteur mais il a aussi un nom et un portrait, c'est-à-dire un être.

En ce sens, l'approche de Ph. Hamon consiste àconsidérer le personnage comme un signe linguistique qui a un signifiant et un signifié, cette étude a à voir avec la linguistique de F. de Saussure et sa théorie du signe linguistique : « en tant qu'unité d'un système, le personnage peut en une première approche, se définir comme une sorte de morphème doublement articulé, manifesté par un signifiant discontinu, à un signifié discontinu »38

? Le signifiant : le personnage est représenté dans le texte par un pronom ; je, me, il, se ..., ou par un nom propre ou une dénomination ; jean, julien ...

? Le signifié : le prénom du personnage a un sens voulu par l'auteur, Philippe Hamon précise : « ainsi, le prénom (...) est déjà porteur d'information sur le sexe du personnage (...) voire sa nationalité »39

Ph. Hamon propose de retenir trois champs pour l'analyse ; l'être (nom, dénomination, portrait), le faire (rôle et fonction), l'importance hiérarchique (statut et valeur) selon le schéma suivant :

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38 Ph. Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, in littérature N'6, 1972, p : 96

39 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, Paris, 2006, p : 63

Chapitre I Etude sémiologique

Le personnage

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L'être Le faire l'importance hiérarchique

- le nom - Les rôles thématiques - La distribution

- les dénominations - les rôles actanciels - L'autonomie

- le portrait :

- le psychologique

- le biographique

- le corps

L'analyse se portera principalement sur les personnages principaux ; Augustin, Afulay, Levy.

2.1. L'être du personnage :

2.1.1. Augustin Girer :

Il est le premier qui commence à raconter son histoire, il est médecin et continue d'exercer cemétiermêmeaprès l'indépendance, on peut le considérer comme un témoin sur le sort de ses deux amis (Levy et Afulay) puisque c'est lui aussi qui termine la narration.

? Le nom :

Le nom propre est l'outil le plus efficace de l'effet du réel, le personnage s'identifie à son nom. Le prénom « Augustin » vient du latin « Augustinus » dont il tire son histoire Augustin est dérivé d'un ancien prénom : Augustinus. Ce dernier puise lui-même son origine d'un terme latin qui signifie « vénérable » ; « le prénom Augustin est apparu dès la fin du 1ersiècle dans le monde latin et s'est rapidement propagé à travers l'Europe, c'est notamment grâce à Saint Augustin,

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Chapitre I Etude sémiologique

évêque d'Hippone au IVe siècle, considéré comme l'un des plus grands théologiens chrétiens de tous les temps »40

Dans le récit, lorsque le nom propre existe on pourra s'interroger sur sa motivation, le prénom cité ci-dessus a une consonance religieuse grâce au grand théologien chrétien, fils de Souk-Ahras, « Augustin d'Hippone ou Saint Augustin », il est né dans la Numidie, ancienne appellation de l'Algérie et de l'Afrique du nord, en 354 et mort en 430 à Hippone (actuelle Annaba), il est l'un des quatrepères de l'église occidentale, donc ce nom est un indice qui reflète une personnalité historique très connue dans l'histoire de l'humanité et ce choix n'est jamais fortuit. Sans aucun doute, ce choix vise à donner une dimension chrétienne et plurielle à l'histoire de notre pays, c'est également mettre l'accent sur les interactions et diverses échanges entre le nord et le sud du bassin méditerranéen, ces échanges n'ont jamais cessé et ne cesseront pas, de ce fait nous sommes condamnés à vivre ensemble malgré nos divergences. « Augustin Girer » n'a pas d'autres désignations dans le récit.

? Le portrait :

Concernant le portrait d'Augustin, on n'abordera que le côté psychologique et le cote biographique puisque l'habit et le corps ne sont pas signalés.

- Le psychologique :

Selon la définition de V. Jouve, la psychologie du personnage est fondée sur les modalités, « le lien du personnage au pouvoir, au savoir, au vouloir et au devoir qui donne l'illusion d'une vie intérieure »41.

Tout au long du récit, Augustin est possédé par l'image de son père qu'iln'a jamais vu, il essaie de le dessiner d'après la description de sa mère, il ressent profondément cet absence du père et la place vide dans le lit de sa mère, c'est cette quête du père « l'homme soleil » qui le dote d'une intériorité profonde puisque « il veut plus qu'il ne peut », d'autre part il sait des choses sur les relations amoureuses de sa mère, « il sait plus qu'il ne doit », il devait quitter la maison pour ne pas tuer sa mère. La personnalité d'Augustin est complexe, car elle passe de l'adoration à la haine soudaine. En tant que médecin, il est accablé de devoirs ; durant la révolution il devait assister les moudjahidines et après l'indépendance il devait rester au pays pour aider la

40www.madame.lefigaro.fr consulté le 18/04/2021

41Vincent Jouve, La poétique du roman, Armand Colin, p : 38

Chapitre I Etude sémiologique

population. L'intérêt du portrait psychologique d'Augustin c'est qu'il pourrait susciter l'admiration du lecteur.

- le biographique :

En l'absence du père « l'homme soleil », l'éducation d'Augustin est confiée à ses grands-parents, son grand-père Nicolas et sa grand-mère Irena. L'action révolutionnaire (l'engagement au cote des opprimés) d'Augustin pourrait êtreinterprétée par le penchant communiste de son grand-père, cela tient del'hérédité. Nicolas lisait beaucoup le journal l'Humanité et adorait Marx, Engels et Lénine.

2.1.2. Afulay Rochdi :

Le deuxième personnage qui raconte représente l'algérienindigène, le berbère natif de cette terre. ? Le nom :

Afulay est le nom que lui a donné Izilda, la femme d'Antonio Gomez ; pour sa scolarisation, c'est le nom amazigh d' « Apulée », le premier romancier du monde qui a écrit son chef d'oeuvreL'âne d'or.« Apulée de Madaure » est né vers 125 à Madaure actuel M'daourouch à Souk-Ahras. A l'instar du nom Augustin, le nom « Afulay » s'enracine dans l'histoire antique de l'Algérie, l'antique Numidie berbère.Afulay a d'autres désignations dans le roman comme « kenzi », « chitane » mais surtout le surnom « Hadj Mohammed Afulay », après l'indépendance, qui a une connotation idéologique.

? Le portrait :

- La psychologie :

Il parait que Afulay est quelqu'un de sans ambitions et de caractère naïf, mais sa connaissance (le savoir) des exactions du Caïd Ramdane et le mépris du père de Sandrine envers lui, le dotent d'une volonté (le vouloir) de rejoindre l'armée pour porter le pistolet et se venger, donc « il ne veut que ce qu'il peut et il ne sait que ce qu'il doit ». Afulay aimait Sandrine mais a été choqué par l'attitude méprisant de son père « hier soir, après la projection du film, mon père m'a confié que les arabes et les berbère ont des queues d'âne qui poussent sur leur derrière »42. Il ne pouvait supporter l'humiliation, il intériorise ce sentiment « tout le monde savait que j'étais

42 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 167

Chapitre I Etude sémiologique

un âne avec une queue excepté moi »43. Il quitte la maison et l'école surtout après avoir vu son père en train de trahir sa mère avec Izilda Gomez.

- La biographie :

Le portrait biographique faisant référence au passé ou à l'hérédité du personnage sert à conforter le vraisemblable psychologique. Afulay est kabyle autochtone, il est l'indigène et fils d'indigène, objet de mépris du Caïd Ramdane et du colonel, le père de Sandrine. Sa déception amoureuse l'a marqué dans la profondeur « ...cette image apocalyptique, Sandrine me hantait, je tentais de l'effacer (...) son image collait »44, cet état de fait le pousse à la violence « je rêvais d'un jour où je posséderais un pistolet ou une kalachnikov »45. Dans la société kabyle, on donnait beaucoup d'importance aux valeurs et à la dignité et c'est pour cela qu'il n'a accepté de voir son père entre les bras d'Izilda, cette image a bouleversé son été d'âme : « j'ai senti une douleur dans le ventre et un frémissement dans les genoux »46

- Le physique :

Le physique d'Afulay est signalé une seule fois : « enfant, j'étais fragile, chétif et pieux »47, toute cette enfance difficile est reflétée dans son corps faible. L'habit n'est pas cité parce que l'auteur focalise le regard sur la psychologie en relation avec le côté identitaire.

2.1.3. Levy Al N'qaoua :

Levy est un personnage primordial dans le récit, il représente la communauté juive en Algérie qui a souvent été objet de toutes les accusations et du racisme. Comment l'auteur rend-t-il hommage à cette composante indéniable dans l'histoire algérienne ?

? Le nom :

Levy est un prénomhébraïque en provenance de l'hébreu « Lewi » qui signifie « reclus » quelqu'un qui vit en réclusion. Le nom Al N'qaoua renvoie au grand rabbin Ephraïm Al N'qaoua ce grand théologien qui est arrivé à Tlemcen en 1392 et est devenu la figure emblématique de la communauté juive de l'Afrique du nord durant presque tout le XVe siècle, Tlemcen était appelée « Jérusalem de l'Afrique du nord », à cause de l'épanouissement économique et spirituel de

43 Ibid, p ; 115

44 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 175

45 Ibid, p ; 152

46 Ibid, p ; 173

47 Ibid, p ; 138

Chapitre I Etude sémiologique

toutes les confessions qui coexistaient dans la paix et le respect mutuel, les juifs, notamment, formaient une communauté considérable à côté des chrétiens et musulmans, ce vivre-ensemble s'est poursuivi jusqu'à l'indépendance date de leur départ massif d'Algérie, et ce malgré l'appel lancé par le FLN durant la révolution et les assurances données qu'ils auront tous leurs droits comme citoyens algériens après la victoire sur la colonisation. Levy n'apas d'autres désignations dans le récit.

? Le portrait :

- La psychologie :

Levy parait un personnage timide et reclus comme son nom l'indique, il se suffit de décrire c qu'il voit en utilisant les verbes de sensation ; aimer, sentir.... La mort de sa mère a totalement chamboulé la quiétude qui régnait à la maison, son père est devenu de plus en plus solitaire et finit par quitter la maison définitivement, après avoir emmené Levy à la caserne d'Ain Sefra pour le faire engager dans l'armée. Il était profondément touché par la mort de son cheval « Guibour ». Après le déclenchement de la guerre de libération, Levy voyait que c'est de son « devoir » de déserter et derépondre à l'appel lancé par le FLN : « nous aussi il faut que nous regagnions le maquis »48, une action paraissait peu probable du capitaine Levy mais c'était de son « pouvoir » « il ne veut que ce qu'il peut », sa fonction de capitaine lui facilite la tâche d'accomplir l'action « le savoir » « il ne sait que ce qu'il doit ».

- La biographie :

L'amour de la mère est enraciné dans l'âme des juifs, elle a une place sacrée dans la famille, elle est le pilier dans la construction de l'unité familiale juive,ceci explique qu'on voit cetteatmosphère de tristesse qui a envahi la maison après la mort de Rachel, ensuite Levy a transposé cet amour de la mère à son cheval « Guibour » dont il ahérité l'adoration de son père qui était un éleveur de chevaux, on sent que Levy est d'une âme sensible et généreusehéritée de sa famille qui aimait l'art et la musique, il était aussi d'une grande spiritualité chose qui l'incite à choisir le coté des opprimés dans la lutte anticoloniale : « nous sommes du côté du mal, nous sommes avec le diable ! C'est maintenant qu'il faut changer de camp » (p : 202).

L'intrigue du récit se concentre dans le rôle actantiel de Levy puisque c'est lui le plus gradé parmi ses amis, aussi lui-même qui a concrétisé sur le terrain l'idée de déserter l'armée

48 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 220

Chapitre I Etude sémiologique

française. Il n'y a pas d'indications sur le physique et les vêtements de Levy puisque l'auteur s'est focalisé sur les actions

2.2. Le faire des personnages :

Nous remarquons que dans ce roman il y a un brouillage presque complet des repères habituels du récit, l'intrigue est un peu floue. Il parait que l'auteur est trop influencé par les romanciers du nouveau roman. Pour analyser le « faire » des personnages, Philippe Hamon retient deux notions fondamentales ; rôles thématiques et rôles actantiels.

? Les rôles thématiques :

Cela consiste à relever des axes préférentiels dans lesquels s'opposent les personnages, ces thèmes généraux sont identifiables grâces aux critères suivants :

- la fréquence(les actions les plus fréquentes)

- la fonctionnalité (les actions les plus déterminantes)

« Ces ressemblances et ces différences se mettent en place par rapport à un certain nombre d'axes sémantiques distinctifs, caractérisés par leur récurrence, et auxquels renvoient, ou ne renvoient pas, les personnages, par exemple (...) la beauté, la richesse, la jeunesse... »49

L'intrigue du roman Canicule glaciale présente trois axes préférentiels : la politique, la religion et l'origine géographique.

Sur le plan politique, le capitaine Levy s'est montré engagé et convaincu de la lutte armée contre le « camp du mal »50, Afulay aussi, par souci de vengeance et Augustin, puisqu'il est médecin et humaniste, il est en faveur des opprimés.

Sur le plan religieux, les deux personnages (Augustin et Levy) s'opposent à Afulay qui se mettra sur la voie de la radicalisation religieuse et refusera que l'on enterre Levy dans le cimetière musulman pourtant il (Levy) est tombé martyr sur le champ de combat pour la liberté de l'Algérie. Afulay finit par égorger son ami Augustin par motivation toujours religieuse ; « du sang »51

49Ph. Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, p : 99

50 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 202

51 Ibid, p ; 233

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Chapitre I Etude sémiologique

Sur le plan géographique : la mention d'autochtone est citée à l'égard d'Afulay et de Levy qui se différencient d'Augustin qui, lui, vient de la France. On peut résumer ces constatations dans un tableau :

Axes retenus

Personnages

Politique (engagé)

Religion (musulman)

Origine

géographique (autochtone)

Levy

+

-

+

Afulay

+

+

+

Augustin

+

-

-

Commentaire du tableau :

On remarque que le plan politique a réuni les trois personnages dans un même volet « engagé » servant l'objectif d'accomplir l'action centrale du récit, vient ensuite le plan géographique qui définit Levy et Afulay comme autochtones, ces deux critères étaient plus décisifs que le plan religieux qui n'était un motif commun dans le déclenchement de la guerre de libération. En effet la révolution algérienne était hétérogène.

? Les rôles actantiels :

« Quel est le programme narratif du personnage étudié (programme détectable à travers son devoir, son pouvoir, son vouloir et son savoir) ? »52. Interrogation de V. Jouve et dont la réponse explicite tout un chapelet de compétences.

On voit que Levy, de par son statut de militaire (le savoir), est de son (devoir) de déserter les forces du mal qui sont les forces coloniales et pour réaliser cet objectif il en a les moyens et la capacité d'agir (le pouvoir) tant il est capitaine (responsable).

Afulay et Augustin jouent le rôle d'adjuvants tant ils ne s'opposent pas et même encouragent l'action de Levy en prenant la fuite avec lui et emportant les armes avec eux. Mais le rôle actantiel d'Afulay se nuancera après l'indépendance à cause de son (savoir) erroné qui le mènera à se voir obligé (devoir) d'appliquer une idée religieuse extrémiste et fausse et

52 V. Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, p : 61

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Chapitre I Etude sémiologique

dangereuse même car il termine son parcours par devenir un égorgeur. Cela rappelle les tragiques moments de la décennie noire où la société a été infectée par des idéologies fondamentalistes intolérantes.

2.2.1. Commentaire sur le faire des personnages :

A travers les rôles thématiques et actanciels on peut connaitre la valeur et la signification des personnages. Dans la page 209 le FLN a fait appel aux israélites d'Algérie les exhortant à choisir leur camp, Levy le juif d'Algérie a été du côté de la révolution et il est tombé comme martyre dans le champ d'honneur, Augustin, l'européen, qui a sympathisé et participé à la guerre contre son pays la France et resté fidèle à ses principes mêmeaprès l'indépendance ; il continuera d'assister la population médicalement dans des moments très difficiles de l'après-guerre. Afulay, l'algérien autochtone a totalement changé d'idéologie et devenu inconnaissable aux yeux de son ami de combat Augustin. Le rôle d'Afulay peut symboliser le système politique algérien qui a chassé les frères de combat (départ massif des juifs et des colons juste après 5 juillet 1962), le nouveau pouvoir était ingrat,maisil faut quand même dire que leur départ était volontaire et par peur de représailles. L'Algérie a renié ensuite sa diversité culturelle et linguistique ce qui a entrainé des conflits idéologiques interminables, ce qui laisse supposer un échec dans la construction d'un nouveau pays basé sur la modernité. Le modèle sémiotique de Greimas nous éclaire plus :

32

Chapitre I Etude sémiologique

1 2

Manipulation

 

Compétence

Transmission du vouloir/faire et Acquisition du savoir/faire

devoir/faire l'origine de l'action et du pouvoir/faire

Programme narratif

3

Performance

4

Sanction

Accomplissement de l'action clôture de l'action

Evaluation et interprétation

1. Manipulation : Levy transmet le (vouloir/faire) de l'intention de rejoindre la révolution et le (devoir/faire), il faut quitter la force du mal.

2. Compétence : Augustin et Levy (médecin et capitaine) ont le savoir/faire et le pouvoir/faire pour agir.

3. Performance : les héros ont quitté la caserne par la nuit, ont aidé la révolution jusqu'à l'indépendance.

4. Sanction : succès de la révolution mais échec de l'indépendance car tous les sacrifices de Levy et d'Augustin ont été reniés.

33

Chapitre I Etude sémiologique

Le schéma sémiotique de Greimas consolide nos résultats trouvés dans les rôles actantiels et thématiques des personnages du roman.

2.3. L'importance hiérarchique :

Ce volet qui a rapport au personnage/héros est brouillé par l'auteur, car, en appliquant les critères d'héroïsme dePhilippe Hamon, qui sont ; la qualification, la distribution, l'autonomieet la fonctionnalité, on pourrait déduire que chaque critère peut s'appliquer aux trois personnages au même temps, de ce fait il n'y a pas d'hiérarchie, mais il n'en demeure que Levy joue un rôle un peu plus important en proposant l'action de déserter l'armée à ses amis.

Chapitre II Etude sociocritique

34

Chapitre 2 : Etude sociocritique 2.1. Définition :

Après avoir conduit dans le chapitre précédent une analyse sémiologique assez exhaustive des personnages, il nous est aisé maintenant d'aborder le côté social et historique ou la sociocritique du roman, car nous l'avons vu, tous les acteurs principaux du récit entretiennent des rapports connotatifs et sont sujets aux diverses interprétationsidéologiques, sociologiques...

L'approche sociocritique qui se veut comme un « entre-deux » pour reprendre l'expression de Claude Duchet dans son texte fondateur Pour une approche sociocritique, il nous donne une première approximation : « un entre-deux parait ouvert, pour elle et non par elle, entre la sociologie de la création, à laquelle le nom de Lucien Goldman demeure attaché, et la sociologie de la lecture (...) dont se préoccupentégalement des sociologues de la production littéraire »53, cet « entre-deux » est nommé « le texte » par Claude Duchet, ainsi il définit la sociocritique comme : « une sociologie des textes, un mode de lecture du texte »54, donc la sociocritique met l'accent sur la socialité du texte, elle analyse le statut du social dans le texte et non le statut social du texte, sa procédure va du texte vers le « hors-texte » c'est-à-dire le sémiosis social : « l'oeuvre n'est lue, ne prend figure, n'est écrite qu'au travers d'habitudes mentales, de traditions culturelles, de pratiques différenciées de la langue qui sont les conditions de la lecture »55.

Pour l'autre sociocritique Pierre Zima, il rapproche les études des sociologues allemands de l'école de francfort (Adorno, Horkheimer, Habermas, Schmidt) de celles de Roland Barthes, Goldman et Greimas de l'école pratique de France, Pierre Zima aboutit, à travers cette collaboration philosophique, sociologique et sémiotique, à définir la sociocritique comme : « une théorie critique de la société qui ne s'oriente pas seulement vers le texte littéraire, mais tient compte de tous les discours qui coexistent et interagissent dans le cadre d'une formation sociale»56. Cette définition résume le discours social développé par Marc Angenot de l'école de Montréal dans sa contribution le discours social ; problématique d'ensemble, il le définit comme suit : « le discours social : tout ce qui se dit, tout ce qui s'écrit dans un état de société donné (tout ce qui s'imprime, tout ce qui se parle aujourd'hui dans les media électronique), tout ce qui

53 Claude Duchet, pour une sociocritique ou variations sur un incipit, In Littérature n°1, 1971, p : 6

54 Ibid. p : 6

55 Ibid. p : 8

56 Pierre Zima, texte et société, Ed ; Harmattan, 2011, p : 86

Chapitre II Etude sociocritique

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se narre et s'argumente ; le narrable et l'argumentable dans une société donnée »57, il le relie à l'idéologie et lui donne une autre définition : « ensemble de la matière idéologique propre à une société donnée à un moment donné de son développement »58.Régine Robin l'a développé ainsi : « il s'agit de regarder lesidéologèmesrécurrents qui traversent toutes les zones du discours sociale : le discours médicale, le discours juridique, le discours de la scène politique parlementaire, le discours journalistique, le critique littéraire... »59.

La littérature est constituée essentiellement de divers discours sociaux ou d'aspects discursifs, on ne peut jamais occulter le référent social dans le texte littéraire : « la littérature est une pratique langagière qui s'investit d'un contenu social »60, c'est à partir du texte qu'on doit retrouver le hors-texte.

»61

A travers ces définitions, nous devons faire la différence entre la sociocritique et la sociologie de la littérature, cette dernière : « cherche à mettre en valeur les rapports de causalité et d'effet de retour entre la société, les structures économiques du marché, la dynamique sociale et l'oeuvre, le produit, le texte (...)

Le social et l'histoire vont de pair dans leur appartenance à l'objet d'étude de la sociocritique, car l'histoire est un élément produit par la société : « l'histoire est un produit social »62, la sociocritique doit s'interroger sur le dit et le non-dit de l'histoire contenu dans le texte, sur l'explicite et l'implicite, les traces des pressions culturelles, on peut se demander, par exemple, pourquoi un tel contexte historique a été omis dans un roman quelconque ? Il s'interroger aussi sur le discours marginal d'un personnage ou le discours dominant qui marque le récit (sociolecte et stéréotype).

Globalement la sociocritique est définie par Popôvic : « analyser, comprendre, expliquer, évaluer ce sont les quatre temps d'une herméneutique, c'est pourquoi la sociocritique- qui s'appellerait tout aussi bien socio-sémiotique- peut se définir de manière concise comme une herméneutique sociale des textes »63, c'est une interprétation plus centrée sur le caractère social du texte en puisant toujours dans les traditions, habitus et cultures de la société.

57 Marc Angenot, le discours social problématique d'ensemble, 1984, p : 20

58 Ibid. p : 20

59 Régine Robin, de la sociologie de la littérature à la sociologie de l'écriture, In ; Littérature, n°70, 1988, p : 105

60 Yasmina Abbes. Kara, recherche sémiotique, n°2, 2006, p : 27

61 Régine Robin, de la sociologie de la littérature à la sociologie de l'écriture, p : 99

62 Thomas Kuhn, revue de la recherche scientifique, n°1, 2003, p : 7

63 Pierre Popovic, la sociocritique, définition, histoire, concepts, voies d'avenir, 2011, p : 17

Chapitre II Etude sociocritique

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2.2. Concepts de bases : 2.2.1. Le sociogramme :

Pour aborder la sémantique historique, on lui rattache ce que Claude Duchet appelle le sociogramme, car ils sont liés l'un à l'autre, il le définit comme : « ensemble flou, instable, conflictuel de représentations partielles, centrés autour d'un noyau, en interaction les unes avec les autres »64, ce noyau est au coeur du sociogramme, il contient un oxymore autour duquel gravitent des oppositions multiples, par exemple « pauvre mais honnête » est au coeur du sociogramme du pauvre au 19esiècle, mais Hugo pousse l'oxymore à sa limite et devient « forçat mais juste » c'est une opposition mais qui a sa valeur dans le roman, on peut relever plusieurs oxymores tel ville/cité, révolution/guerre ...

Le terme sociogramme est utilisé par C. Duchet pour remplacer celui de reflet idéologie qui jadis évoquait la domination et l'univocité, son but était d'exprimer la nature entre littérature et réalité sociale, quant à la sémantique historique, elleétudie : « le devenir en longue durée de la signification des mots et leur circulation dans la parole publique »65

Ces définitions appellent, pour être comprises, les notions d'information, d'indice et de valeur qui sont impliqués directement dans la texualisation ou la mise en texte, c'est-à-dire la transformation par l'écriture des indices en valeurs, cela a pour effet de transformer le domaine des idéologies et l'univers des discours et le réelsémitisé (indice) en unités qui prennent une charge sémantique discrète qui se différencient les unes des autres (valeur). Notons que valeur devrait être pris au sens saussurien.

2.2.2. Le sociolecte :

Pierre Zima donne le nom de sociolecte et le définit : « comme langage collectif et comme système modélisant secondaire, dont le répertoire lexical, pertinences et taxinomies rendent possible la production d'un certain type de discours que l'on reconnait sur les plans lexical et sémantique »66, en d'autres termes le sociolecte est un type de discours et un conglomérat de langages spécifique à une collectivité déterminée en interaction dynamique, ces sociolectes permettent à chaque groupe de se définir et de critiquer explicitement ou implicitement les autres groupes, un sociolecte humaniste, religieux, révolutionnaire, idéologique...

64 Claude duchet cité par R. Robin op.cit. p : 106

65 Pierre Popovic, la sociocritique, définition, histoire, concepts, voies d'avenir, p : 17

66 P. Zima, texte et société, Harmattan, p : 90

Chapitre II Etude sociocritique

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Dans une autre définition P. Zima clarifie : « un sociolecte peut ainsi être défini comme un langage collectif marqué par un lexique, une sémantique et un faire taxinomique particulier qui peuvent engendrer des parcours narratifs ou discours plus ou moins cohérent »67, le sociolecte entre dans le fond de la discipline sociolinguistique à laquelle l'écrivain se confronte continuellement, il est défini par opposition à idiolecte qui est l'utilisation individuelle d'un certain langage. Dans notre travail, nous traitons le sociolecte en tant que parler spécifique qui indique sur une idéologie manifeste dans le texte.

2.2.3. L'idéologie dominante :

La classe dominante impose sa domination à travers un langage diffusé via les outils de socialisation comme les media, les lieux de culte, l'université...etc. C'est une sorte d'hégémonie discursive, on peut la définir comme : « la doctrine, directement liée à des enjeux politiques par laquelle la fraction de classe la plus proche du contrôle des appareils d'Etat justifie sa domination »68. L'écrivain peut adopter cette idéologie dans son écriture ou il peut carrément la contredire dans le cas où il veut corriger ou contester certaines réalités historiques masquées et faussées oudans le cas où il défend les intérêts des groupes dominés étant donné que ces derniers subissent les aspects négatifs de l'hégémonie discursive tels les tabous, les interdits, et la censure.

La proposition marxiste nous résume cet état des faits : « des idées dominantes d'une époque sont des idées de la classe dominante »69

2.2.4. L'intertextualité :

L'approche sociocritique traite l'immanence du texte mais s'intéresse aussi à son entour (le hors-texte parlé ou écrit ; le texte entre en relation dialogique ou intertextuelle avec les autres textes, le concept d'intertextualité introduit par Julia Kristeva qui se réclame de la théorie dialogique du langage développé par le groupe de M. Bakhtine. Selon eux : « le texte littéraire ou non littéraire n'est pas une monade : (...) il entre en dialogue. Un tel dialogue peut prendre la forme d'un pastiche, d'une parodie, d'une polémique ouverte ou latente ou d'une critique »70, naturellement, l'écrivain, avant tout, est un grand lecteur, quelqu'un qui est imprégné, sans le vouloir, des traces des écrits des autres, le chercheur doit chercher ces interactions.

67 P. Zima cité par Popovic op.cit. p : 21

68 M. Angenot, le discours social problématique d'ensemble, p : 29

69 Ibid. p : 31

70 Pierre Zima, texte et société, Harmattan, p : 76-77

Chapitre II Etude sociocritique

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2.2.5. Le stéréotype :

Il y a une grande présence du stéréotype dans la littérature contemporaine. Les idéesreçues, les clichés façonnent notre vision du monde ; c'est une représentation figée, vraie ou fausse, sur l'autre, on préjugeait le citoyen indigène de « paresseux » et le juif de « avare » ....La thématisassions de la pensée stéréotypie pourrait se faire en substituant le stéréotype à la personne concerné dans le récit.

Dans son analyse du stéréotype, Henri Boyer le définit comme : « une sorte de représentation que la notoriété, la fréquence, la simplicité ont imposé comme évidence à l'ensemble de la communauté (...) il s'agit donc d'une structure sociocognitive figée »71. Généralement les groupes sociaux utilisent le stéréotype à des fins dévalorisantes à l'autre. C'est une idée qui n'a, bien sûr, aucun fondement logique, mais le public aime les raccourcis et les jugements aléatoires.

2.3. Analyse sociocritique du roman :

En guise de simplification, Vincent Jouve a établi un plan d'analyse qui se résume en trois champs à savoir : l'explicite, l'implicite et l'oblique.

2.3.1. L'explicite :

Dans ce champ on doit s'interroger essentiellement sur les références historiques qui parsèment la surface du roman, le référent social, le dit et le non-dit (le tu) du roman.

? Le dit du roman :

? Les structures sociales :

Le roman Canicule glaciale est directement impliqué dans l'Histoire de l'Algérie colonisée et l'Algérie indépendante, il existe deux grandes étapes représentées par les actions des personnages qui ont un point commun symbolique à savoir la caserne d'Oran où ils se sont rencontrés pour accomplir une action commune ; dans la première étape d'avant-indépendance est surtout marquée par la relation amicale de la famille d'Afulay avec le couple de colons « Gomez », mais conflictuelle teintée de haine et de mépris avec le père de Sandrine « le colonel Christophe Bigard ».la question posée est ; y a-t-il des bon colons et de mauvais colons ?

71 Henri Boyer, stéréotype, emblème, mythe, ENS-Editions, 2008, p : 5

Chapitre II Etude sociocritique

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La France a encouragé les migrants européens de diverses nationalitésà s'installer en Algérie et d'accaparer les terres agricoles et moderniserle secteur économique qui était archaïque jusque-là : « entre les années 1830 et 1880, l'Etat s'efforce d'installer des colons sur les terres qu'il accapare, achète ou libère. Il s'agit d'une petite colonisation (...) les premiers colons se consacrent surtout à la culture des céréales.»72. Cette politique de colonisation était surtout bénéfique pour l'Etat français et pour ses citoyens, au contraire de l'indigène qui était vu comme un paresseux, qui ne travaille pas, qui passe toute sa journée dans le jeu de carte et boire le thé et café à l'image du père d'Afulay « Daoud Rochdi » il est dépeint dans le roman : « recroquevillé sur lui-même, le regard pensif, englouti dans sa carapace »73 , mais après l'arrivée du couple Gomez sa vie a changé « depuis l'installation des Gomez dans notre village Hab L'Mlouk, mon père a décidé de quitter l'ombre »74 , ce changement étrange et soudain s'explique par le besoin du travail de l'indigène et la nécessité de sortir de sa marginalisation et de son état d'aliénation. Souvent l'autochtone travaillait comme « khammès » ou métayer chez le colon. Le sociologue français P. Bourdieu a réalisé une étude sociologique sur la sociétéalgérienne durant la colonisation où il décortique profondément ce statut de l'indigène : « le khammès est lié au patron qui dicte les clauses et s'assure seul contre le risque ; il abdique liberté et initiative et ne reçoit qu'une très faible part de la récolte (1/5)»75. Cette situation s'assimile à une sorte de servage visible et apparente, mais cela n'empêche pas que de bonnes relations naissent de ce contrat de travail, des intérêts communs consolident cette coopération. La politique de répression était sévèrement menée par l'armée française, elle est représentée par la figure du colonel « Christophe Bigard » à travers son caractère rustre et méprisant envers Afulay, il insinuait que les indigènes ont « un queue par le derrière », c'est une image stéréotypée qui a marqué le parcours narratif d'Afulay et l'a nourri de rancune et de volonté de vengeance du colonel, l'armée coloniale imposait une violence inouïe à l'égard des populations autochtones notamment durant les insurrections qui se déclenchaient çà et là sporadiquement dont les évènements du 8 mai 1945 en est le plus bel exemple. Bourdieu nous en donne une belle analyse : « à mesure que la colonisation s'implante et s'installe la sociétéalgérienne se désagrège, donnant au colon une justification supplémentaire pour éviter et mépriser »76, cette distanciation entre indigènes et françaissème les premières semences de la révolte générale des autochtones contre la colonisation. Dans sa volonté absolue de domination, l'armée coloniale a créé une nouvelle entité qui s'appelait « caïd », historiquement connue comme intermédiaire entre l'administration

72 Pierre Bourdieu, la sociologie de l'Algérie, Que sais-je ?, p : 95

73 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 14

74 Ibid, p ; 21

75 Pierre Bourdieu, Op.cit. p ; 59

76 Ibid. p : 99

Chapitre II Etude sociocritique

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coloniale et la population locale, cette position des « caïds » était généralement mal utilisée pour imposer des injustices et extorquer les biens des groupes dominés. Ce fait colonial est présenté par A. Zaoui dans le portrait du caïd Ramdane Laouedj : « un village où les habitants sont à la merci du caïd Ramdane Laouedj, boiteux, violeur et voleur »77, c'est l'image type d'un agent indigène mis au service des classes dominantes européennes. Soit un double mépris auquel est exposé l'autochtone, d'abord par l'administration coloniale puis par ses agents de l'autorité française qui étaient les « caïds ». Ces derniers usent et abusent de leur pouvoir dans le sens d'exactions, cette situation de plus en plus insupportable a engendré les premiers indices de l'explosion révolutionnaire.

? Oran, cadre d'une vie idéale :

En imaginant un cadre de vie idéale en accord avec ses pensées de tolérance et de vivre-ensemble, l'écrivain a perçu Oran une cité féconde, très significative en terme de coexistence, une ville méditerranéenne accueillant toutes sortes de confessions, car il y a la joie, la musique et les belles femmes européennes et arabes, les lieux du culte se côtoient sans aucun problème, toutes les langues y sont parlées et comprises. Naturellement, Oran était toujours aimée à cause de la sympathie de ses habitants, les différents conquérants qu'elle a connus (espagnoles, français, ottomans) l'ont donné un caractère cosmopolite, mais surtout à cause des écrivains illuminés qui y passaient souvent leur vacance ou en profitaient dans le cadre de leur travail à l'image d'Albert Camus. A. Zaoui fait l'éloge d'Oran en disant : « dans cette ville ouverte cohabitent les musulmans, les juifs, les chrétiens et les autres »78 et dans un autre passage il dit : « très vite, le sentiment d'appartenir à cette ville bleue a germé dans les tréfonds de ma mémoire »79.

La deuxième étape représentée dans la fiction de Zaoui réfère à l'après indépendance qui est caractérisée par deux thèmes majeures ; le coup de force de 1962 et la décennie noire.

? Le coup de force de l'été 1962 :

C'est une escale très cruciale dans l'histoire de l'Algérie, qui a basculé dans des moments de doute juste après le départ de la puissance coloniale après 132 ans d'occupation. Les combattants de la liberté étaient placés devant le fait accompli et ils devaient construire leur pays comme ils l'avaient tant rêvé et espéré. Malheureusement les évènements qui ont suivi le

77 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 16

78 Ibid, p ; 86

79 Ibid, p ; 90

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cessez-le-feu, le 19 mars 1962,étaient des plus désolantset ont mis le nouvel Etat dans une crise dont les effet pervers se ressentent jusqu'à nos jours, et pour cause les conflits internes entre les frères d'hier se sont déclenchés avec violence ; « les jours de l'indépendance courent, se suivent à toute vitesse, les nouvelles de violence et de guéguerre déclarées entre les frères d'hier »80, ainsi l'espoir de bâtir un pays moderne se dissipe peu à peu : « les camarades de la révolution, se propagent, elles nous attristent. L'espoir de construire un pays moderne, démocratique et pluriel sombre dans la haine et le clanisme »81, la fraternité d'hier a laissé place aux luttes intestines. Cet été 1962 était le théâtre d'affrontements entre l'armée des frontières et l'armée de l'intérieur, une lutte fratricide autour de l'accession au pouvoir. L'historien Charles Robert Ageron auteur du livre Histoire de l'Algérie contemporaine nous rapporte des faits : « Des fusillades meurtrières opposèrent à Alger même les partisans des deux camps ; des accrochages sanglants eurent lieu dans divers secteurs (...) Alger fut démilitarisé ce qui permit aux forces de Boumediene.d'entrer sans coup férir dans la ville le 10 septembre assurantainsi la victoire définitive de M. Ben Bella »82. Ainsi est née une crise historique, le premier coup d'Etat, selon l'auteur, contre la légitimité a instauré la suspicion au sommet du pouvoir. Smail Goumeziane nous relate sa version des faits : « le 9 septembre, l'armée des frontières baptisée ANP (armée nationale populaire) commandée par le colonel Boumediene qui avait tout organisé, entra dans la capitale »83. Cette période d'anarchie et de règlements de compte a vu l'exode massif des Européens et juifs et même les harkis ou les musulmans pro-françaisaprès que leur vie s'est avérée en danger. La primauté du civil sur le militaire n'est plus valable puisque l'Assemblée nationale constituante, qui proclama la naissance de la République algérienne démocratique et populaire, « n'y figurait aucun membre du dernier G.P.R.A ; en revanche, cinq militaires, dont le colonel Boumediene, occupaient les postes-clés »84, cette situation avait des conséquences sur le plan politique mais surtout idéologique car les nouveaux maitres du pays sont majoritairement inspirés du nationalisme arabe nassérienlui-même proche des frères musulmans d'Egypte de l'époque. Cette contiguïté idéologique s'affirmera par le choix du Parti unique comme système de gouvernance, ce parti-pris pour la force militaire entrainera l'exclusion de toute opinion opposante, la censure et autres formes de dictature. A ce climat d'incertitudes s'ajoutent le taux de chômage élevé qui dépassait : « deux millions de chômeurs et 2 600 000 personnes sans ressources »85, ces difficultés sociales sont entrainées par le manque de cadres administratifs et

80 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 214

81 Ibid, p ; 214

82 Ch. Robert Ageron, histoire de l'Algérie contemporaine, Ed ; que sais-je, 1964, p : 116

83 S. Goumeziane, Algérie l'histoire en héritage, p : 330

84 Ch. Robert Ageron, Histoire de l'Algérie contemporaine, Que sais-je ?, p : 117

85 Ibid. P : 119

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techniques qui pouvaient gérer les secteurs en faillite après le départ des colons. Une autre politique appliquée par les dirigeants avait approfondi les déchirures entre les population est celle de l'arabisation ; par souci de conquérir une indépendance totale, la révolution avait voulu tout arabiser sans tenir des conséquences néfastes comme l'a montré Smail Goumeziane : « Taleb El Ibrahimi créa des sections en langue arabe au côté des sections en langue française plutôt que d'arabiser progressivement module par module, il fut ainsi à l'origine du clivage artificiel entre « arabophones » et « francophones »86, et de poursuivre, toujours selon ses analyses : « à partir de là, le ver de l'islamisme politique entrait dans la pomme »87. Amin Zaoui cite dans le roman : « le pouvoir vient au secours des islamistes »88 En effet, les arabophones ont l'habitude de traiter les francophones de traitres et de fils de la France, les francophones à leur tour ripostent par qualifier leurs adversaires de bédouins, d'arriérés et d'obscurantistes. Ce clivage est visible surtout chez les intellectuels, avec l'arrivée des parties politiques aux années 80's les choses se sont aggravées, les insultes sur la télévision sont devenues un menu quotidien.

? L'extrémisme religieux :

Par suite d'accumulation de crises, de conflits et d'échecs économiques et éducatifs, mais surtout suite au clivage linguistique entre arabophones et francophones que le fondamentalisme religieux est apparu, encouragé par l'arrivée massive des enseignants orientaux dans le cadre de la politique d'arabisation. Dans le récit d'Amin Zaoui, il fait endosser la responsabilité de cette radicalisation idéologique sur le régime politique qui a tendu, selon lui, la main aux extrémistes religieux pour contrecarrer les courants démocratiques et avant-gardistes dans les campus universitaires : « le pouvoir du colonel Boumediene cherche un allié saisonnier, il vient au secours des islamistes afin d'écraser les forces politiques de la gauche »89. Amin Zaoui decrit le profil de l'extrémiste : « une barbe indisciplinée, sauvage »90 , La suite de ces dérapages est catastrophique sur les pays et le future des jeunes générations dont la majorité ira s'exiler pour fuir la mort durant la « décennie noire » ou « rouge » sanglante où le pays était sur le point de s'écrouler sous les coups du terrorisme islamiste.

? Le « tu » du roman :

? Le discours de la famille :

86 S. Goumeziane, Algérie Histoire en héritage, P : 374

87 Ibid. P : 374

88 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 216

89 Ibid, p ; 216

90 Ibid, p ; 218

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L'auteur a certes mis au premier plan les raisons idéologiques qui ont mené Afulay à la radicalisation, mais d'aprèsnotre analyse de son parcours narratif que nous avons fait dans la partie sémiologique le personnage (narrateur) a vécu une enfance difficile, ayant un père fainéant qui menait une vie monotone avant l'arrivée du couple Gomez qui allait tout changerpour lui. Ce père, irresponsable, était entré dans une relation amoureuse avec Izilda sous les yeux de son fils et de sa femme qui est devenue folle de rage et de jalousie. Face à cette situation compliquée, Afulay décide de quitter la maison et l'école définitivement : « abandonner définitivement les bancs de l'école »91. Il y a aussi sa volonté de vengeance de Ramdane Laouedj le caïd qui réprimait le village. Donc le récit met en évidence une enfance perturbée et difficile de l'enfant autochtone à l'opposé de ses deux collègues Augustin et Levy. Dans le processus de radicalisation, le discours de la famille joue un rôle essentiel dans l'équilibre psychologique du radicalisé, un rôle négligé par l'auteur.

? Le facteur économique :

Le discours économique a été négligé dans la formation d'un extrémiste, la force des groupes terroristes tient dans sa capacité de récupération des marginaux sociaux en leur promettant le paradis dans l'au-delà, mais surtout en aliénant ici-bas avec la promesse de l'argent et une belle situation pour le « candidat au martyr » et pour sa famille. La plupart des extrémistes viennent des couches sociales défavorisées et pauvres, chose négligée par l'auteur.

? La problématique identitaire :

Dans la composition plurielle de l'identité algérienne il existe des berbères, des chrétiens, et des juifs, mais aussi les arabes qui se sont implantés notamment après les conquêtes consécutives de l'Afrique du nord. En lisant le roman d'Amin Zaoui on découvre l'identité juive et chrétienne aisément, à l'inverse il y a une confusion quand il s'agit de l'identité arabe et berbère, l'écrivain assimile les deux composantes à l'instar de l'Arabe tué par meursault dans L'étrangerd'Albert Camus, or il faut distinguer entre Arabe et Berbère. M. Arkoun, repris par notre professeur Abdellah Bakouche dans sa contribution sous le titre M. Arkoun et le Maghreb pluriel : pour une approche scientifique,constatait que contrairement à la conception islamiste réductrice de l'identité maghrébine à deux dimensions, arabe et islamique : « M. Arkoun postule l'existence de trois cultures au moins, correspondant à trois langues qu'il conviendrait de déterminer par des enquêtes sociologiques (...) à savoir le berbère (...) la langue arabe (...)

91 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 117

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enfin le français que l'auteur qualifie de langue des super-élites »92. Notre identité est multiple, africaine avec une dimension méditerranéenne, dans ce sens M. Arkoun invite à : « explorer la dimension méditerranéenne de la personnalité maghrébine (...) pour ainsi restaurer la solidarité des Maghrébins avec le monde méditerranéen »93

2.3.2. L'implicite :

Dans ce volet on procèdera à identifier les rapports textuels du roman ainsi que l'idéologie dominante, l'homologie du processus historique avec le récit romanesque.

? L'intertextualité :

Nous avons vu dans l'analyse sémiologique que l'auteur avait brouillé les normes classiques du roman en vertu d'une imitation des écrivains du nouveau roman, ce brouillage qui caractérisait le nouveau roman est un signe de l'inquiétude qui régnait dans les années 50's et 60's en France, A. Zaoui s'en est inspiré pour contester l'ordre social. Nous pouvons suggérer aussi l'existence d'une analogie thématique entre notre roman et celui de Rachid Mimouni le fleuve détourné (1984) dans la mesure où le fleuve qui a été détourné de son cours a fait allusion à l'indépendance qui a été dévié de ses principes initiales à savoir la diversité culturelle, le partage des biens, la dignité et l'égalité des chances entre citoyens,

Le fleuve détourné raconte l'histoire d'un maquisard qui a été porté disparu dans le maquis, mais à la surprise générale il a réapparuaprès de longues années du cessez-le-feu et là il sera témoin de l'Algérie indépendante où la corruption, le vol, le népotisme et toutes sortes de maux y régnaient.

Il y a aussi une grande ressemblance entre Canicule glaciale et lepremier homme (1994) d'Albert Camusdont le thème de la quête du père occupe une place essentielle, dans les deux romans le héros cherche désespérément à restituer l'image du père qu'il n'a jamais vu ou connu. Amin Zaoui a imité en pastichant ces deux ouvrages précités en en empruntant le thème principal.

? La grande Histoire et histoire du récit :

Il y a une homologie apparente entre le temps du récitet la grande Histoire dans la mesure où les personnages, Augustin, Levy Al N'qaoua et Afulay, évoquaient directement des grandes

92 A. Bakouche, M. Arkoun et le Maghreb pluriel : pour une approche scientifique, In ; Insaniyat n°43 ; 2009, P : 70

93 Ibid. P : 71

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figures historiques de l'Afrique du nord et de l'Algérie en particulier, c'est un message implicite voulu par l'auteur pour signifier l'existence d'une diversité culturelle, ethnique et linguistique depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours que le pouvoir politique a voulu effacer et escamoter.

M. Arkoun toujours repris par Dr. A. Bakouche a livré une analyse pertinente : « parmi les obstacles épistémologiques qui ne cessent de retarder l'avènement d'une ère de « réévaluation/critique » (...) l'auteur met en cause les dérives vers un islam militant et un arabisme abstrait et intolérant accentués après les indépendances »94

L'auteur du roman évoque la vie idéale de l'Andalousie à travers l'image d'Averroès, le grand philosophe qui se situe dans le confluent de la pensée orientale et occidentale, sachant que c'est lui qui a introduit l'interprétation de la philosophie d'Aristote à l'occident : « je suis l'arrière-petit fils d'Averroès commentateur d'Aristote »95

? L'idéologie dominante :

Selon une expression marxiste, une idée dominante n'est que l'effet d'une classe dominante. Durant l'occupation l'idéologie dominante fut celle de la colonisation, cette dernière imposait des lois coercitives et légiférait pour le besoin de sa survie, elle censure et punit. En contrepartie le discours marginal est porté par les indigènesqui revendiquent leur autonomie par rapport à la classe dominante. Après l'indépendance c'est le nouveau régime politique qui impose sa domination et son hégémonie langagière en employant les média, l'université, les lieux du culte ...etc. Cette idéologie issue de l'alliance entre nationalisme et islamisme dominait toutes les sphères, les persécutions des opposants et des minorités linguistiques en sont les conséquences. Cette idéologie est représentée dans les paroles d'Afulay après sa radicalisation : « c'est un juif, c'est haram de lire la fatiha sur son âme »96

? La polyphonie : (voix dialogiques)

C'est Michail Bakhtine (1895-1975) qui a jeté les bases de la théorie dialogique, cette notion désigne : « l'existence et la concurrence de plusieurs voix dans un texte où s'expriment les points de vue idéologiques ou sociaux divergents, voire incompatibles »97

Pour Bakhtine « le langage est un medium social et tous les mots portent les traces, intentions et accentuations des énonciateurs qui les ont employés auparavant »98.

94 Ibid. P : 72

95 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 54

96 Ibid, p ; 221

97 A. Viala, P. Aron, le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002, P : 181

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Dans la proposition de Levy où il y dit : « nous aussi, il faut que nous regagnions le maquis »99, il y a un discours dialogique là-dedans puisque cette phrase est une réponse à une voix intérieure, une voix dans l'esprit de locuteur, comme s'il répond à cette injonction intérieure : « vous devez agir, vous devez faire quelque chose », cette voix interne est celle de la communauté, du groupe social auquel il appartient. Ce discours dialogique est révélégrâce à la théorie du dialogisme de Bakhtine. De la même manière on découvre cette voix tierce dans l'expression : « moi aussi un indigène, ould l'blad, fils du bled »100, Levy utilisait un discours implicite en se référant à un stéréotype doxique qui déniait aux juifs d'Algérie le statut autochtone, les considérant comme étrangers. Levy essayait de convaincre son interlocuteur que, lui aussi,il a le droit de défendre son pays.

2.3.3. L'oblique :

Dans ce volet de sociocritique, on fera l'analyse du stéréotype et du sociolecte.

? Le stéréotype :

Comme nous l'avons déjà défini, le stéréotype est une idée reçue sur l'autre, cette idée est révélatrice sur certains traits de l'idéologie. Dans sa discussion avec Afulay, Sandrine a utilisé un stéréotype révélateur : « est-ce que toi aussi, à l'image de tous autres Arabes, tu as une queue comme celle d'un singe ou d'un âne »101, or le fait qu'un Arabe est imaginé comme ayant une queue cela entretien un stéréotype dévalorisant qui exprime l'idéologie raciste des colonialistes qui mettent les indigènes et les animaux à égalité, dans le même sac. Par ailleurs, la dénomination « Mohammed » attribuée à Afulay ainsi qu'à Duval, le religieux français, est un stéréotype collé au dos des hommes arabes en les appelant tous par ce nom et les femmes par le nom « fatma ». Les autochtones également utilisent la dénomination « roumi » pour designer l'européen ou le chrétien particulièrement.

Chaque groupe social portait des préjugés sur l'autre, ce qui a fait naitre ce grand fossé qui séparait les deux communautés autochtone et européenne.

98 Ibid. p : 182

99 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 202

100 Ibid, p ; 177

101 Ibid, p ; 114

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? Le sociolecte :

Etant donné que le roman est essentiellement chargé de faits historiques, naturellement, les personnages emploient le sociolecte qui a trait à l'histoire tel le sociolecte révolutionnaire utilisé par Levy dans la caserne. Le sociolecte idéologique est utilisé par Augustin dans son exposé sur le passé de ses grands-parents notamment son grand-père qui lisait souvent L'Humanité l'organe de presse des communistes français il disait : « il n'y a pas de guerre juste. Toutes les guerres sont sales »102 . Afulay après sa radicalisation utilisait le sociolecte religieux pour défendre sa nouvelle idéologie : « c'est un grand péché intolerable et impardonnable d'enterrer les ossements d'un Levy dans le cimetiere des martyrs (...) il est juif, il est sale »103

En appliquant une lecture sociocritique à ce roman nous avons pu identifier le hors-texte sur lequel est bâti la fiction du roman et les différents groupes sociaux qui forment la communauté indigène ainsi que la communauté européenne en Algérie, également les différents discours qui occupaient l'imaginaire de la société du roman, mais le plus essentiel dans cette analyse est l'identification de la source de toutes les crises de l'Algérie actuelle et qui réside, selon l'avis de l'auteur, dans le coup de force de l'été 1962.

102 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 61

103 Ibid, p ; 223

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Conclusion générale

Conclusion générale :

Notre étude du roman d'Amin Zaoui nous a permis de donner un sens à la crise multidimensionnelle qui secoue l'Algérie depuis 1962 et plus particulièrement la crise de l'Histoire dans son acception générale qui demeure une quête continue vers l'« objectivité ». L'Histoire est abordée comme crise lorsque la matière historique est sujette aux déformations et aux manipulations par les représentants de l'idéologie dominante.

A travers notre approche sémiologique, nous avons pu démontrer que les noms des personnages reflètent un pan de l'Histoire oubliée voire inconnue de la majorité du peuple, ce déni de notre passé commun a créé une déchirure entre les différentes composantes culturelles et linguistiques existantes et a conduit, par conséquent, à l'échec de l'instauration d'un Etat moderne qui englobe et protège tous ses membres et leur garantit la justice et l'égalité. Cet échec est démontré aussi dans la phase « sanction » du schéma de Greimas.

En prolongement du précédent chapitre, l'approche sociocritique nous a permis d'éclaircir premièrement ;les transformations sociales survenues en Algérie avant la guerre et après l'indépendance en en faisant une relation thématique entre le texte et le hors-texte, deuxièmement ; les discours qui émergent sur la surface du roman notamment le discours politique et révolutionnaire puis le discours religieux sans oublier de faire le point sur l'idéologie dominante qui a caractérisé l'Algérie indépendante avec l'instauration du Parti unique comme système de gouvernance.

Le roman Canicule glaciale peut être considéré comme un support ou un document contre l'amnésie générale et la négation préméditée de l'Histoire officielle de l'Algérie et plus précisément l'Histoire de la guerre de libération où un grand chantier reste à explorer par de futures recherches ; c'est un plaidoyer pour un climat de liberté et d'égalité entre toutes ses composantes, à restaurer, sinon à restaurer. L'Algérie a été libérée par tous ses fils de toutes les confessions et mêmes des européens y ont pris part, par conséquent ils devraient tous vivre ensemble à pied d'égalité et sans différence aucune.

Nous ne pouvons pas terminer notre travail sans signaler les difficultés rencontrées au cours de nos recherches à cause de la situation exceptionnelle de la pandémie COVID 19, mais surtout à cause de l'interruption momentanée des cours ce qui a réduit au maximum les séances avec nos enseignants. Nous signalons que nous avons imprimé plusieurs ouvrage à cause du manque de références au niveau de la bibliothèque.

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La bibliographie

La bibliographie

- Smail Goumeziane, « Algérie, une Histoire en héritage », Non-lieu, Paris, 2011

- Abdellah Bakouche, « M. Arkoun et le Maghreb pluriel : pour une approche

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- www.Algérieculture.com entretien avec Amin Zaoui le 11/01/2021






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe