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Esthétique picaresque et satire sociale dans l'histoire de Gil Blas de Santillane d'Alain-René Lesage et Onitsha de JM-G Le Clézio


par Mathias Steve EKEUH
Université de Douala - Master 2 2017
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

En définitive, la satire sociale accorde un sursis indéniable au picaresque. L'expression de la pérennité de ce genre dans les oeuvres actuelles contribue à poser un regard subversif sur la société. Notre mémoire s'est disposé, tout compte fait, à repenser le picaresque à travers un corpus composé de deux textes romanesques à l'instar de L'histoire de Gil Blas de Santillane d'Alain-René Lesage et Onitsha de Jean-Marie Gustave Le Clézio. De ce fait, notre analyse s'est avéré être centralisée sur le problème du picaresque dans notre corpus. Sur quels ressorts ce genre se fonde-t-il pour représenter la marginalité ? Dans quelles mesures peut-on parler de modalités picaresques ? A partir de quelles données, peut-on affirmer que ce genre réécrire les mentalités d'une civilisation ? Toutefois, quelques hypothèses nous ont permis d'asseoir notre travail en littérature en lui donnant une orientation concrète et définitive. Le picaresque est en effet un genre de nature marxiste représentant la marginalité. Le caractère satirique de son écriture permet au picaresque de s'inscrit dans l'atemporalité et par conséquent, il devient une esthétique permettant de réécrire une civilisation donnée.

Ceci dit, pour marquer la faisabilité des différentes hypothèses citées ci-dessus, nous avons centré prioritairement notre travail sur une double approche théorique. Nous avons d'abord insisté sur la transgénéricité, mis en lumière par Dominique Moncond'huy et Henri Scepi, pour montrer comment le picaresque se pérennise dans l'oeuvre littéraire à travers le phénomène de changement, d'évolution et d'adaptation d'un genre. Ensuite, nous nous sommes également focalisés sur la critique sociologique, plus précisément le structuralisme génétique de Lucien Goldman, pour mettre en relief le fait que nos textes du corpus sont en effet le produit imaginé correspondant à une structure mentale d'un groupe social donné. C'est-à-dire qu'effectivement, ces textes sont en réalité le reflet d'une conscience collective.

Cependant, nous nous sommes permis d'asseoir notre travail sur trois principaux axes au regard des approches théoriques et méthodologiques retenues. Le premier axe s'est attelé à démontrer comment l'écriture du social organise le discours picaresque. À cet effet, l'accent est mis sur l'univers social qui se manifeste dans notre corpus. À travers les différents strates lexicaux et sémantiques exprimant, bien entendu, une coloration affective, voire un reflet de la conscience collective et mettant en relief un ensemble de schèmes transgénériques, les fondamentaux stylistiques et de sémantiques qui agencent nos récits sont à découvert.

Ceci dit, le deuxième axe a insisté sur les différentes modalités du picaresque, tous les éléments qui modèlent sa structure, sa forme. En insistant sur la structuration du récit -

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insistance portée sur son personnage principal - et les formes de satire considérées respectivement comme étant la matière et le langage picaresque, nous avons pu démontrer qu'effectivement les textes de notre corpus s'avèrent mettre en relief un motif picaresque indéniable. Ceci explique sa pérennité dans la littérature française.

De ce qui précède, le troisième axe s'est penché sur le picaresque comme étant l'expression d'une autre histoire des mentalités. Ainsi nous avons voulu insister sur la valeur du picaresque pris comme marqueur d'une civilisation, plus précisément la civilisation française. Par le biais de la satire, nous nous sommes permis de montrer comment le picaresque sert à déconstruire les croyances des peuples. De ce fait, le picaresque se transmue en idéologie et se revendique être l'expression de la liberté du bas peuple. Dans les textes, le bas social est dans une position marginale, subit de ce fait, toutes les décisions de ceux considérés comme la haute classe ou la classe du pouvoir de décision. Ainsi à partir d'un langage commun, celui de faire une critique virulente, les deux textes deviennent le symbole d'une revendication collective puisqu'en fin de compte comme l'affirme Jacques Guilhaumou (2012) les individus sont appelés à se mouvoir et « tiennent en commun des notions propres à mettre en place les pièces d'une infrastructure mentale nécessaire à leur adhésion à l'ordre social » (34). Cette revendication collective se substitue en identité collective puisqu'elle essaye de mettre en exergue l'essence même de l'écriture des deux auteurs. Ici les textes du corpus ont pour dessein premier de dévoiler, à partir d'une structure intertextuelle, la misère sociétale engendrée par la création des classes sociales et les conflits y découlant.

Ceci étant, nous arrivons au résultat de notre travail. Le caractère atemporel du picaresque dans la littérature actuelle s'érige à travers l'expression de la marginalité de son héros. Cette marginalité prend effet à partir d'une modalité majeure qui organise exclusivement son récit ; il s'agit bien entendu de la satire sociale. Celle-ci semble l'arme légitime pour faire une critique acerbe des moeurs dans le picaresque. Cela se confirme, tout compte fait, avec les dires de Maurice Molho (1968) lorsqu'il affirme que :

Si l'on impose au lecteur le personnage d'un picaro, si on l'oblige à voir le monde à travers un regard aussi vil, si, en un mot, on le contraint de partager l'expérience et la pensée d'un être quasiment infrahumain, c'est à seule fin de lui présenter l'humanité - son humanité - sous un éclairage dépréciatif. [...] Le picaro met l'homme en présence de tout ce que sa condition comporte de négatif, afin de dessiller ses yeux et de démasquer les contrevérités faussement rassurantes qui sont l'habitude de la pensée. (XI, XII)

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Au regard de cet extrait, le picaresque s'implante effectivement dans une société de drames, « mal en partie ». cette-dernière représente sa portée idéologique dans la mesure où le picaresque apparaît ainsi comme « une arme de lutte sociale et politique, un débat fondamental sur les phénomènes du racisme, de la dictature et de la guerre » (Bodo, 2005 :22) Par conséquent, le picaresque se revendique une esthétique atemporelle, transgénérique. Dans ce cas, elle est reflet d'une conscience collective traduisant une fois de plus un univers imaginaire. On note donc une sorte une renaissance du picaresque aussi présente chez Lesage et chez Le Clézio ; mais qui tout de même, garde un contact inconscient avec l'archétype espagnol. Ceci dit, Onitsha s'identifie sans prétention à L'histoire de Gil Blas de Santillane. Ayant des similarités génériques visibles, ces ouvrages s'organisent autour d'une même vision du monde. Ces écrivains éprouvent sans doute une sensibilité indéniable face aux injustices orchestrées par la division des classes. Cette sensation couplée et vouée au goût de la critique morale et de la revendication des humanités se transmue sous la plume des écrivains français de génération en génération. Ainsi, Lesage et Le Clézio : deux univers, deux mondes, deux siècles différents, une même soif, se lisent, d'un point de vue générique, l'un dans l'autre. On remarque certainement qu'ici, le picaresque se pérennise dans la littérature française et organise les récits des auteurs de différentes époques.

Au regard de ce qui est dit, on parlera d'abord de « picaricature » pour exprimer une mentalité lié au genre et enfin de « picarisme » car, partant d'une approche à la fois anhistorique et transhistorique, l'esthétique picaresque devient universelle et se revendique être une façon littéraire de concevoir le monde. Son action est mise au service de la société, en ce sens qu'elle doit non seulement arborer le malheur comme étant le lot de l'humanité mais également démontrer comment le picaro survit aux souffrances, aux vives misères, aux injustices orchestrées par les idéologies dominantes. Ceci dit, à partir de ce procès marxiste sur la société, le picaresque se pose doublement, comme une attitude et une écriture de réaction contre toute souffrance, toute injustice : d'où l'expression de sa permanence et de son universalité.

Cependant, à partir des résultats découlant de notre démonstration, nous arrivons à soulever une nouvelle question, celle de savoir si l'esthétique picaresque peut, du fait de sa littérarité, être considérée comme un symbole de liberté et d'espoir pour le bas social.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe