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Les autochtones minoritaires et la dynamique d'urbanisation au Cameroun: l'expérience du département du Mbéré dans la région de l'Adamaoua (Cameroun)


par Sylvester DIGNA DENAM
Université de Ngaoundéré - Master II en Science Politique 2018
  

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PARAGRAPHE I : AVANT 1996

Une étude pertinente de la question de l'urbanisation au Cameroun avant 1996, passe nécessairement par un détour à la loi portant régime foncier de l'État.

En effet, Avant la période coloniale, la gestion foncière était assurée par les chefs de clans ou des chefs de terre, sur une base communautaire. La terre pour chaque communauté appartenait au « premier occupant ». Les hommes s'attachaient fortement à celle-ci, dans la mesure où ils la considéraient comme la mamelle nourricière1 de la communauté, c'est-à-dire la génératrice de tous les moyens de subsistance. La terre était un bien commun, inaliénable et même sacré. Elle se transmettait de génération en génération et il était alors pratiquement impossible de parler de propriété individuelle. Les individus ne pouvaient exercer qu'un droit de jouissance

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Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

pour la satisfaction de leurs besoins de nourriture ou d'habitation. Les modes d'attribution aux membres du clan, de jouissance variaient d'une région à une autre et d'une ethnie à une autre. Mais ce mode de gestion des terres était globalement connu sous la désignation de régime foncier « coutumier » ou « traditionnel ». La notion d'appropriation individuelle a été introduite par la colonisation. Il convient de noter que les régimes coutumiers en Afrique, y compris au Cameroun, sous l'effet conjugué de l'imbrication des sociétés à l'économie de marché, du développement des cultures de rente, de la pression démographique et de l'urbanisation, connaissent des mutations notables vers des formes intermédiaires d'occupation (achats, locations de terre, etc.) à caractère marchand. C'est avec la présence coloniale que la propriété individuelle vit le jour au Cameroun. Le pays a subi dans son histoire trois colonisations : allemande, française et britannique qui ont modelé chacune le paysage foncier de sa zone d'occupation en fonction de ses intérêts. La colonisation allemande, de courte durée, étendit son influence à l'ensemble du Cameroun. C'est elle qui a délimité le plan foncier du territoire du Cameroun145

Après la colonisation, la question foncière fût encadrée par : L'ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier ; L'ordonnance n° 74/2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial ; L'ordonnance n° 74/3 du 6 juillet 1974 relative à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation. Elles sont suivies presque deux ans plus tard par la signature de leurs trois décrets d'application : Décret n° 76 /165 du 27 Avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier Décret n° 76 / 166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national, Décret n° 76 / 167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat. A cela, il faut ajouter la loi N° 76/25 du 14 décembre 1976 portant organisation cadastrale et la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale. Ces lois et ordonnances sont complétées par 16 décrets, 01 arrêté et 17 circulaires et instructions qui encadrent la gestion foncière et domaniale jusqu'au niveau de l'arrondissement, échelon le plus bas de l'organisation administrative. Ce dispositif normatif a donc contribué à l'expulsion progressive des autochtones de leur terre.

PARAGRAPHE II : L'OBSOLESCENCE DU PLAN D'AMENAGEMENT URBAIN DE 1996 A 2004 À L'AVENENEMENT DE LA LOI N°2004/03 DU 21 AVRIL 2004 RÉGISSANT L'URBANISME AU CAMEROUN

La planification urbaine au Cameroun, avant la loi de 2004, était fortement adossée à un ensemble d'instruments normatifs de nature plus ou moins éparse et hétérogène, issus de la période coloniale.

C'est sans doute pour répondre aux exigences de démocratisation et de décentralisation qui ont précédé les revendications et secousses connues au Cameroun dans les années 1990, que la

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Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

145 Cours de Régime Foncier, dispensé par le Professeur KOUAM à l'Université de Ngaoundéré, 2019-2020

réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996146 a vu le jour147 . À cela, il semble opportun de mettre en évidence la part belle accordée aux autochtones dans la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, ainsi que la récente loi portant code général des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun.

Pour le Ministre CLOBERT TCHATAT, la loi n°2004/03 du 21 avril 2004 « vient ainsi combler un vide juridique qui pendant plus de trente ans, a permis aux acteurs urbains et aux citadins d'agir d'une certaine manière ». Ainsi, depuis son accession à l'indépendance, le Cameroun semble avoir pratiqué une planification urbaine centralisée, ensuite il a connu une période de gestion urbaine marquée par l'ajustement. Depuis 2004, le pays est entré dans une phase de planification urbaine décentralisée. Toutefois, ce cadre normatif, en dépit de la loi d'application, ne parviens pas concrètement à s'enliser dans les réalités des communes et structures administratives du pays.

Pour lui, cette situation se justifierait par :

- Une profonde méconnaissance des textes par la majorité des acteurs impliqués dans la

gestion urbaine

- Un déficit avéré de capacité des services techniques communaux à initier ou conduire

l'élaboration des documents de planification urbaine.

- Une trop grande diversité des contenus et des procédures de délivrance des actes

d'urbanisme ainsi que l'absence de l'harmonisation au niveau national des formulaire- types de demande d'actes d'urbanisme148

SECTION II : LE DIAGNOSTIC DE LA CONFIGURATION NORMATIVE DES AUTOCHTONES MINORITAIRES AU CAMEROUN

Cerner la problématique de l' « unité nationale » et du « vivre ensemble » au Cameroun sous le prisme de la place accordée aux autochtones minoritaires dans l'architecture normative camerounaise, constitue une préoccupation majeure. Cette préoccupation est d'autant plus sérieuse que l'objectif du Cameroun à travers le plan stratégique de vision partagée à l'horizon 2035, est de « devenir un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité »149. C'est dans ce contexte qu'Alawadi ZELAO dans le chapitre consacré à l'étude sur Les minorités, la cohésion nationale et les enjeux de la paix sociale au Cameroun, « relève le paradoxe entre l'institutionnalisation de l'existence des minorités dans l'espace national et le problème de l'intégration et de la prise en compte de ces dernières dans les différents secteurs de la vie publique »150

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146 Cette réforme fût induite par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la Constitution du 02 juin 1972

147 NKOU MVONDO Prospère, Le régime foncier camerounais face à l'exigence constitutionnelle de préservation des droits des populations Verfassung und Recht in Übersee / Law and Politics in Africa, Asia and Latin America Vol. 31, No. 3 (3. Quartal 1998), pp. 343370

148 Luc MOUTILA BENI, Doctorant, Géographe spécialisé dans la gestion et l'engineering environnementale, formé par le SIFEE / IEPF / Université Senghor d'Alexandrie, « PLANIFICATION URBAINE AU CAMEROUN : NATURE, ORIGINE ET DEFIS, https://moutilageo.hypotheses.org/17

149 Le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi élaboré en 2010, vise à couvrir les 10 premières années de la vision à long terme à l'horizon 2035

150 Pierre MBOUOMBOUO, L'émergence du Cameroun face aux défis de l'intégration et de la démocratisation, L'Harmattan, 2016, P. 9-10

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

Pour reprendre les termes de Geneviève KOUBI, « la protection des minorités est toujours nationale, même si elle résulte le plus souvent d'une obligation internationale »151

PARAGRAPHE I : L'ETENDU DE LA PROTECTION DES AUTOCHTONES MINORITAIRES AU PLAN NATIONAL

Il s'agit dans cette partie, d'analyser les mesures prises par les autorités du pays au profit de nationaux dont les intérêts particuliers sont ainsi pris en compte dans l'ordre politique et juridique152

Le professeur Léopold Donfack Sonckeng, par exemple, dans sa thèse, réfute sans en proposer une, la définition onusienne, car pour lui, elle « demeure peu opérationnelle en Afrique et en Asie dans la mesure où elle ne permet pas d'identifier clairement les Peuples Autochtones »153 Autrement dit, selon certains critères de l'ONU, il ne fait aucun doute que tous les Africains sont des autochtones en Afrique. C'est pourquoi il met beaucoup d'espoir sur les instruments juridiques Camerounais à élaborer et à mettre en place qui permettront davantage d'apporter plus de précisions sur la notion. A cet effet, il estime qu' « il se pourrait que la loi sur la protection des minorités et la préservation des populations autochtones prévue au préambule de la Constitution de 1996, ainsi que les textes de lois sur la décentralisation régionale également prévus par le constituant soient porteurs de développements nouveaux relativement au droit camerounais des minorités et des populations autochtones en gestation (...)»154.

A- DE L'ENONCIATION DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 18 JANVIER 1996

Selon Alawadi ZELAO, « Si la Constitution admet l'existence des minorités dans l'espace national, il se pose encore la question de leur intégration et de leur prise en compte dans les différents secteurs de la vie publique. La reconnaissance des minorités est un facteur important de la cohésion nationale et de la paix sociale durable. C'est le défi de la coexistence inclusive »155.

Plusieurs années après la signature des accords relatifs aux autochtones, et en dépit des prescriptions normatives des institutions régionales et internationales, la protection des autochtones au Cameroun demeure encore constitutionnelle. L'on se réfère encore à la Constitution pour affirmer l'existence des mécanismes de protection de cette catégorie sociale contrairement à certains pays africains, qui non seulement ont pris la peine d'intégrer les prescriptions normatives régionales et internationales dans leur loi fondamentale, mais surtout dans une loi spécifique. Dès le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996, il est clairement mentionné que : « L'État assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». Cet aperçu démontre toute la suspicion de l'État vis-à-vis de la question des autochtones minoritaires. Lors de l'examen du rapport précédent en sa 47ième session en mai 2010, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, recommandait au Cameroun d'abandonner le projet de

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151 Geneviève KOUBI, De la citoyenneté Op.cit. p. 82

152 Op.cit.

153 Léopold Donfack Sonckeng ; Le droit des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, Thèse de Doctorat en droit, Université de Nantes, 2001, p.19.

154 Idem p. 444-445

155 P.15 Op.cit

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

loi sur les populations marginales et d'adopter plutôt une loi sur les peuples autochtones. Elle secondait ce faisant la recommandation du Comité CERD. Le Cameroun a depuis entrepris une étude visant à dégager les critères d'identification des peuples autochtones. Les organisations signataires soutiennent que cette étude tarde à être complétée. Elles dénoncent aussi le fait que la société civile et les peuples autochtones eux-mêmes ne sont pas consultés adéquatement dans le processus de recherche dans lequel le gouvernement du Cameroun s'est engagé. Elles soutiennent que plus de transparence quant aux démarches entreprises est nécessaire. Elles soutiennent que la participation effective des populations autochtones et des organisations qui défendent leurs droits est une condition sine qua non pour la réussite de ces démarches156.

B- LE PROBLEME DE LA GARANTIE INFRA-CONSTITUTIONNELLE

La loi forestière actuellement en vigueur au Cameroun - Loi n° 94-1 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche (la « Loi forestière de 1994 ») est au centre d'âpres discussions favorables à sa révision. De nombreux groupes communautaires et de la société civile espéraient que la nouvelle loi apporterait une solution aux graves problèmes rencontrés pendant presque deux décennies de mise en oeuvre de la Loi forestière de 1994, en particulier concernant l'absence manifeste de respect et de protection des droits humains des peuples autochtones vivant dans les forêts du Cameroun, à savoir les Baka, les Bakola ou Bagyéli, et les Bedzang (ceux que l'on appelle les « Pygmées »), qui comptent environ 30 000 à 50 000 personnes157.

Malheureusement, l'écart symptomatique de l'exclusion reste maintenu. À la lecture minutieuse de cette loi forestière, les observations suivantes peuvent être ressortir :

le Cameroun n'a pas assuré la participation effective des peuples autochtones et de la forêt dans la rédaction de la nouvelle loi forestière (articles 1 - 3, 9, 13, 14, 16, 17, 19 - 22 et 24) ;

- le projet de loi forestière ne garantit pas la protection adéquate du droit des

peuples autochtones de posséder, utiliser et contrôler leurs terres, territoires et ressources (articles 1 - 3, 14, 16, 17, 19 - 22 et 24) ; C. le projet de loi forestière ne garantit pas les droits des peuples autochtones de participer et de donner leur consentement à la prise de décisions qui concernent leurs terres forestières, leurs territoires et leurs ressources (articles 1 - 3, 9, 13, 14, 16, 17, 19 - 22 et 24) ;

- le projet de loi forestière n'assure pas l'accès à la justice pour les peuples
autochtones affectés par des violations de leurs droits à leurs ressources, terres et territoires forestiers (articles 1 - 3, 7, 13, 14, 16, 17, 19 - 22 et 24).

En outre, la récente loi portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, tente timidement mais assurément, d'accorder aux autochtones des droits spécifiques. Il le fait

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156 Les droits des peuples autochtones au Cameroun Rapport supplémentaire soumis suite au troisième rapport périodique du Cameroun 54ième session ordinaire, Octobre 2013, Banjul, Gambie Présenté à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples collectivement soumis par : Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) Okani Réseau Recherche Actions Concertées Pygmées (RACOPY ) Association pour le développement social et culturel des Mbororo(MBOSCUDA) International Work Group for Indigenous Affairs (IWGIA) Forest Peoples Programme (FPP), p. 7

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

157 Rapport supplémentaire présente à la commission africaine des droits de l'homme et des peuples op.cit., p.11

notamment par l'exigence faite à tout candidat aux postes de Président du Conseil Régional, de Maire de la ville etc. de remplir la condition première de l'autochtonie.

Mais alors, qu'est-ce que l'autochtonie, et que recouvre juridiquement le concept de minorité au Cameroun ?

PARAGRAPHE II : L'INEXISTENCE D'UN CORPUS LEGISLATIF DE CONSÉCRATION DE LA PRIMAUTÉ DU DROIT DES AUTOCHTONES MINORITAIRES

Fort de toutes ces constatations, il ressort que l'absence d'une loi spécifique consacrant la primauté foncière des autochtones au Cameroun, et dans la plupart des États africains, constitue dans une large mesure un handicap sérieux pour cette catégorie sociale surtout, dans un contexte solidement imprimé au sceau irréversible de l'urbanisation.

En dépit des recommandations de la communauté internationale, le Cameroun semble avoir choisi la voie du contournement et de l'imprécision. Serait-ce par crainte de la Constitution des féodalités locales susceptibles de contribuer à l'effritement du sacro-saint principe de souveraineté ou par l'hypothèse de la menace à l'unité nationale et à la cohésion sociale ?

A. L'INTEGRATION DES AUTOCHTONES MINORITAIRES DANS UN CORPUS LEGISLATIF: UN IMPERATIF REPUBLICAIN

Loin de constituer un obstacle au principe d'unitarisme républicain, la reconnaissance interne du statut des autochtones/minorités, mériterait d'être considéré comme un indice de management de la diversité sociologique dans l'unité. Alawadi Z. pense qu' « en regard de la situation actuelle des minorités sus-évoquées, force est d'admettre que leur intégration est encore un horizon qu'une réalité empirique. De fait, dans une société traversée par des courants multiples, il faut oeuvrer à une association étroite de différents segments au risque de provoquer des situations de rupture dans ce que le philosophe Rousseau appelle le « contrat social »158 et le sociologue Farrugia159, le « pacte social » Dans une République, les minorités, en dépit de leurs spécificités et des caractéristiques particulières qui les distinguent, doivent faire partie intégrante de la société. Cette intégration ne doit pas se limiter à une reconnaissance constitutionnelle comme c'est aujourd'hui le cas au Cameroun. En sus de leur implication dans la gestion des affaires publiques, les minorités doivent bénéficier d'un certain nombre de politiques publiques qui peuvent directement porter sur le droit à l'éducation, à la santé, au logement décent, le droit à la propriété foncière ; elles doivent jouir de leurs droits civiques et politiques, de leur conscience religieuse, etc. La gouvernance politique doit désormais s'ajuster à un régime de gestion inclusive de pouvoir160

B. LA DETERMINATION LEGALE DES CONCEPTS D'AUTOCHTONE-MINORITES, UN RAMPART CONTRE LES TRAVERS DE L'IMPRECISION JURIDIQUE

L'énonciation même des concepts d'autochtones/minorités dans la Constitution actuelle au Cameroun ainsi que dans les normes infra-constitutionnelles (CGCTD, loi portant Régime foncier etc.), fait l'objet d'une imprécision extraordinaire. En effet, au sens de la législation

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158 Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social ou Principes du droit politique, Paris, Flammarion, 2001 (1ère édition 1762).

159 Francis Farrugia, Archéologie du pacte social : des fondements éthiques et sociopolitiques de la société moderne, Paris, L'Harmattan, 1994

160 P. 24 Op.cit

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

actuelle, il convient de donner une assise institutionnelle forte au concept dans l'optique d'assurer une plus grande prise en compte des populations autochtones dans l'élaboration des politiques publiques relatives à la gestion et à l'aménagement du territoire. Cette situation est importante, car nonobstant les clarifications plus ou moins sujette à ombrage des Nations Unies dans la déclinaison des notions qui nous intéressent ici, il semble opportun de préciser que chaque Etat possèderait, au regard de ses réalités historiques, sociologiques et culturelles, sa propre définition de ses notions.

SECTION II : LA PROTECTION DES DROITS DES AUTOCHTONES MINORITAIRES EN DROIT INTERNATIONAL DES DROIT DE L'HOMME

Depuis plusieurs décennies déjà, l'on assiste à une irréductible prise en considération des autochtones et minorités dans des instruments de régulation juridique internationaux. Dans le vaste projet de Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international des droits civils et politiques, adopté par l'Assemblée Générale en 1966, stipule en son article 27 que<< les personnes appartenant à des minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue>>. Vivement critiquée au sens de KOUBI161 du fait de son attachement à une conception individualiste et formelle des droits qui n'appellent qu'à une abstention de l'État, l'ONU a adopté en 1992 après environ vingt ans de débats, la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, qui prévoit que les Nations-Unies ont un rôle important à jouer en ce qui concerne la protection des minorités162

PARAGRAPHE I : LES SOURCES INTERNATIONALES DU DROIT DES AUTOCHTONES MINORITAIRES

La protection des autochtones et minorités revêt en droit international, une importance capitale. C'est la raison pour laquelle en plus de la garantie régionale du droit des autochtones et minorités, s'est superposée celle internationale.

A- AU PLAN REGIONAL

En effet, deux textes majeurs adoptés par l'Union Africaine structurent le cadre juridique de promotion et de protection des autochtones et minorités en Afrique. Il s'agit notamment, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) et du Protocole à la Charte africaine relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo).Ratifiée par tous les pays africains. La Charte africaine est entrée en vigueur en octobre 1986. Elle reprend le principe de l'universalité des droits de l'homme tout en tenant compte des vertus, traditions historiques et des valeurs de la civilisation africaine.

B- AU PLAN UNIVERSEL

Dans cette partie, il sied de distinguer les principales sources des autres.

- Les sources principales

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Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

161 Op.cit. p. 85

162 Article 1er du texte suscité

La convention n° 111 de l'OIT sur la discrimination dans l'emploi et la profession, ratifiée par le Cameroun le 13 mai 1988. Elle fournit un cadre important pour promouvoir le droit des hommes et des femmes autochtones à l'égalité et au travail décent dans l'esprit de la convention n° 169 de l'OIT et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

À celle-ci, s'ajoutent la convention n° 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux 163 et la Déclaration des nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Adoptée le 13 septembre 2007 par l'Assemblée générale des Nations Unies, le Cameroun, comme la grande majorité des pays africains, a voté en faveur de l'adoption de ce texte. En tant que déclaration, elle n'a pas la force contraignante d'un traité. Cependant, elle a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, si bien que tous les Etats membres de cette organisation doivent en tenir compte de bonne foi. Le texte établit des règles minimales pour le respect des droits des peuples autochtones, incluant l'autodétermination, le droit à la terre, l'accès aux ressources naturelles sur les terres et territoires traditionnellement occupés ou détenus, et l'assurance de la reconnaissance des États ainsi que de la protection juridique à l'égard de ces terres et territoires164

Les peuples autochtones ont des droits inaliénables et imprescriptibles. Et ce, d'autant plus que Ils ont droit à la restitution des territoires qu'ils les possédaient traditionnellement. L'article 28 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones stipule que : 1. Les peuples autochtones ont droit à réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela n'est pas possible, d'une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres, territoires et ressources qu'ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. 2. Sauf si les peuples concernés en décident librement d'une autre façon, l'indemnisation se fait sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents par leur qualité, leur étendue et leur régime juridique, ou d'une indemnité pécuniaire ou de toute autre réparation approprié.

En 1992, l'Assemblée générale a adopté par consensus la Déclaration des Nations Unies sur les droits des minorités (résolution 47/135). Il s'agit du principal document de référence en la matière. La Déclaration octroie aux personnes appartenant à des minorités:

· Le droit à la protection, par les États, de leur existence et leur identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique (art. 1);

· Le droit de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d'utiliser leur propre langue, en privé et en public (art. 2, par. 1);

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163 En 1989, l'Organisation internationale du travail a adopté de manière tripartite la convention n° 169 qui est à ce jour le principal instrument contraignant de protection des droits des peuples autochtones. Par cette adoption tripartite, elle incarne le consensus auquel sont parvenus les mandants de l'OIT sur les droits des peuples autochtones et sur la responsabilité des gouvernements de protéger ces droits. Elle est à ce jour ratifiée par 22 Etats dont un pays africain : la République Centrafricaine. Au Cameroun, des activités de plaidoyer sont en cours en vue d'amener le Gouvernement à la ratification de cette convention.

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

164 Les peuples autochtones au Cameroun : guide à l'intention des professionnels des médias Bureau international du Travail, équipe d'appui technique de l'OIT au travail décent pour l'Afrique centrale et bureau de pays de l'OIT pour le Cameroun, l'Angola et Sao Tomé-et- principe - Genève: BIT, 2015 p.22

· Le droit de participer pleinement à la vie culturelle, religieuse, sociale, économique et publique (art. 2, par. 2);

· Le droit de prendre une part effective, au niveau national et au niveau régional, aux décisions qui les concernent (art. 2, par. 3);

· Le droit de créer et de gérer leurs propres associations (art. 2, par. 4);

· Le droit d'établir et de maintenir, sans aucune discrimination, des contacts libres et pacifiques avec d'autres membres de leur groupe et avec des personnes appartenant à d'autres minorités, ainsi que des contacts au-delà des frontières (art. 2, par. 5);

· Le droit d'exercer leurs droits, individuellement aussi bien qu'en communauté avec les autres membres de leur groupe, sans aucune discrimination (art. 3). Les États doivent protéger et promouvoir les droits des personnes appartenant à des minorités en prenant des mesures:

· Pour que les personnes appartenant à des minorités puissent exercer intégralement et effectivement tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales, sans aucune discrimination et dans des conditions de pleine égalité devant la loi (art. 4, par. 1);

· Pour créer des conditions propres à permettre aux personnes appartenant à des minorités d'exprimer leurs particularités et de développer leur culture, leur langue, leurs traditions et leurs coutumes (art. 4, par. 2);

· Pour que, dans la mesure du possible, les personnes appartenant à des minorités aient la possibilité d'apprendre leur langue maternelle ou de recevoir une instruction dans leur langue maternelle (art. 4, par. 3);

· Pour encourager la connaissance de l'histoire, des traditions, de la langue et de la culture des minorités qui vivent sur leur territoire et veiller à ce que les personnes appartenant à ces minorités aient la possibilité d'apprendre à connaître la société dans son ensemble (art. 4, par. 4);

· Pour que les personnes appartenant à des minorités puissent participer pleinement au progrès et au développement économiques de leur pays (art. 4, par. 5);

· Pour que les politiques et programmes nationaux et les programmes de coopération et d'assistance entre États soient élaborés et mis en oeuvre compte dûment tenu des intérêts légitimes des minorités (art. 5);

· Pour coopérer avec les autres États sur les questions relatives aux personnes appartenant à des minorités, notamment en échangeant des informations et des données d'expérience afin de promouvoir la compréhension mutuelle et la confiance (art. 6);

· Pour promouvoir le respect des droits énoncés dans la Déclaration (art. 7);

· Pour s'acquitter des obligations et des engagements qu'ils ont assumés au titre des traités ou accords internationaux auxquels ils sont parties. Enfin, les institutions spécialisées et autres organismes des Nations Unies doivent également contribuer à la pleine réalisation des droits et des principes énoncés dans la Déclaration (art. 9). En 2005, le Groupe de travail sur les minorités a adopté un commentaire visant à faciliter l'interprétation et la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les minorités.

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Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, en particulier, son article 27, ont inspiré la teneur de la Déclaration des Nations Unies sur les minorités. Il y est dit que: Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion ou d'employer leur propre langue. Cet article protège le droit des personnes appartenant à des minorités à leur identité nationale, ethnique, religieuse ou linguistique et à la préservation des particularités qu'elles souhaitent conserver et développer. Bien qu'il se réfère aux droits des minorités dans les États où il en existe, son applicabilité n'est pas subordonnée à la reconnaissance officielle d'une minorité par un État. Les États qui ont ratifié le Pacte sont tenus de garantir à toutes les personnes relevant de leur juridiction la jouissance de leurs droits, ce qui peut nécessiter l'adoption de mesures spécifiques pour remédier aux inégalités dont les minorités sont victimes.

Dans son Observation générale no 23 (1994) concernant les droits des minorités, le Comité des droits de l'homme donne une interprétation de l'article 27 qui fait autorité. Il déclare que «cet article consacre un droit qui est conféré à des individus appartenant à des groupes minoritaires et qui est distinct ou complémentaire de tous les autres droits dont ils peuvent déjà jouir, conformément au Pacte, en tant qu'individus, en commun avec toutes les autres personnes». Le droit énoncé à l'article 27 est un droit autonome au sein du Pacte. L'interprétation de sa portée par le Comité des droits de l'homme a eu pour effet d'assurer la reconnaissance de l'existence de groupes différents au sein d'un État et du fait que les décisions concernant cette reconnaissance ne sont pas uniquement la prérogative de l'État concerné et, en outre, que les États doivent parfois prendre des mesures positives «pour protéger l'identité des minorités et les droits des membres des minorités de préserver leur culture et leur langue et de pratiquer leur religion, en commun avec les autres membres de leur groupe».

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels indique expressément au paragraphe 2 de son article 2 que «les États parties au présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation». Dans son Observation générale no 14 (2000), concernant le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels déclare que «les installations, biens et services en matière de santé doivent être physiquement accessibles sans danger pour tous les groupes de la population, en particulier les groupes vulnérables ou marginalisés tels que les minorités ethniques». De plus, «les installations, biens et services en matière de santé doivent être appropriés sur le plan culturel, c'est-à-dire respectueux de la culture des minorités». Les États «sont en particulier liés par l'obligation de respecter le droit à la santé, notamment en s'abstenant de refuser ou d'amoindrir l'égalité d'accès de toutes les personnes, dont [...] les minorités, aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs». L'article premier de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale définit la discrimination comme «toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique». L'article 30 de la Convention relative aux droits de l'enfant

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Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

dispose que «dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d'origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d'avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d'employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe». Les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire, adoptés par l'Assemblée générale dans sa résolution 60/147 du 16 décembre 2005, indiquent que «la restitution devrait, dans la mesure du possible, rétablir la victime dans la situation originale qui existait avant que les violations flagrantes du droit international des droits de l'homme ou les violations graves du droit international humanitaire ne se soient produites. La restitution comprend, selon qu'il convient, la restauration de la liberté, la jouissance des droits de l'homme, de l'identité, de la vie de famille et de la citoyenneté, le retour sur le lieu de résidence et la restitution de l'emploi et des biens». Ce principe peut être interprété d'une manière large comme incluant le droit de recouvrer son statut en tant que personne d'origine autochtone ou personne appartenant à une minorité, en particulier lorsqu'un tel statut est prévu par des lois nationales et qu'il a été perdu à la suite d'un déplacement.

- Les autres instruments internationaux

Plusieurs autres instruments internationaux militent pour une grande protection des droits des autochtones minoritaires. Il s'agit notamment, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, violations du Statut de Rome. La Convention no 111 (1958) de l'Organisation internationale du Travail concernant la discrimination (emploi et profession), La Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998, La Convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel et immatériel de 2003, La Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 etc.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote