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Les autochtones minoritaires et la dynamique d'urbanisation au Cameroun: l'expérience du département du Mbéré dans la région de l'Adamaoua (Cameroun)


par Sylvester DIGNA DENAM
Université de Ngaoundéré - Master II en Science Politique 2018
  

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A- Autochtone

Considéré comme objet de revendication tantôt applaudi et exalté par les uns47, tantôt vilipendé et réprimandé par les autres48, le concept d'autochtone qui revêt une dimension plurivoque, occupe dans l'analyse politique contemporaine des sociétés africaines postindépendances, une place de choix. Et ce, d'autant plus que l'État en Afrique49 est relativement récent. Indigène (né aux Indes), « natif », ou plus récemment (puisque l'expression triomphe à partir de 1946) 50 , autochtone, le concept s'attache ici au jus sanguinis et non au jus soli. A défaut d'une définition établit, les chercheurs en Sciences sociales, notamment les Anthropologues, ethnologues et historiens à l'entame, ainsi que le droit international, dans l'optique de colmater la brèche définitionnelle, procèdent par une combinaison critériologique d'éléments subjectifs et objectifs d'identification.

Prenant appui sur des études anthropologiques et ethnologiques51 c'est d'abord l'OIT qui a été la première organisation à codifier le statut aussi bien des autochtones que des minorités.

La Convention n°107 du 26 juin 195752 en son article 1(b) et dispose expressément que :

« la présente Convention s'applique b) aux membres des populations tribales et semi-tribales dans les pays indépendants qui sont considérés comme aborigènes du fait qu'elles descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays à l'époque de la conquête ou de la colonisation et qui, quel que soit leur statut juridique, mènent une vie plus conforme aux institutions sociales, économiques et culturelles de cette époque qu'aux institutions propres à la nation à laquelle elles appartiennent »

Bien que les termes « aborigènes », « tribales », ou « semi-tribales » n'aient pas été définis par cet accord, il en découle que l'autochtonie a trait à la descendance, a un groupe social qui existait bien avant toute conquête ou colonisation.

La Convention n°169 de l'OIT du 27 juin 198953, se substituant à celle n°107, distingue alors les « peuples indigènes », i.e. autochtones, des « peuples tribaux » qui seraient des minorités ethniques. Elle identifie en son article 1.b) et 2 les autochtones :

« aux peuples dans les pays indépendants qui, sont considérés comme indigènes du fait qu'ils descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays à l'époque de la conquête ou de la colonisation ou de l'établissement des frontières actuelles de l'Etat, et qui, quel que soit leur statut juridique,

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Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

47 Notamment les groupes autochtones qui réclament des droits et avantages liés à leur statut

48 En référence aux États qui y voient un danger à considérer cette catégorie sociale comme un peuple au regard des droits à l'autodétermination et à celui de disposer d'eux-mêmes reconnus par le droit international

49 J. F-B, l'État en Afrique : La politique du ventre, Fayard, 2006

50 Geneviève Koubi, De la citoyenneté, pp70

51 Charles de Lespinay, « Les concepts d'autochtone (indigenous) et de minorité (minority) », Droit et cultures, 72 | 2016, p. 12-14

52 Convention n°107 de l'OIT du 26 juin 1957, concernant la protection et l'intégration des populations aborigènes et autres populations tribales et semi-tribales dans les pays indépendants, aujourd'hui abrogée

53 Convention n°169 de l'OIT du 27 juin 1989 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants en vigueur

conservent leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques propres ou certaines d'entre elles »

2) le sentiment d'appartenance indigène ou tribal, doit être considéré comme un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la présente convention ».

Ce sont donc des peuples qui sont fortement attachés du point de vue de la trame historique (puisque leur existence précède toute conquête ou colonisation), à leur territoire (leurs ancêtres leurs ayant précédé sur ce territoire), et qui ont conservé totalement ou partiellement, des institutions politiques, économiques, sociales, cultuelles et culturelles auxquelles ils s'identifient. Leurs pratiques revêtent à notre sens, trois caractères : Notoriété, constance, contraignante culturelle, auxquels l'on pourrait adjoindre l'auto-identification.

La Déclaration des Nations-Unies sur le droit des autochtones54 opte pour une caractérisation similaire que le groupe de travail d'expert de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples dans son rapport sur les populations /communautés autochtones55 mentionnent leurs modes de vie différents, leurs culture menacée, ou leur dépendance à la terre.56 .

Toutefois, les communautés identifiées comme peuples autochtones au Cameroun dans certaines aires géographiques du pays, ne résisteraient pas aux cribles des études sociohistoriques, anthropologiques et ethnologiques. Puisque selon l'ONU, les peuples autochtones sont d'une part les éleveurs Mbororos et les chasseurs-cueilleurs ou peuples des forêts57

La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 prévoit laconiquement que « l'État assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi »

Pour Charles De Lespinay, l'autochtone est, « le membre d'une population installé sur un territoire donné avant tous les autres, qui a établi des relations particulières, anciennes et toujours actuelles avec ce territoire et son environnement, et qui a des coutumes et une culture qui lui sont propres »58

L'anthropologue Isabelle Schulte-Tenckhoff 59 pense que « d'une manière générale, le qualificatif autochtone est donc réservé à des populations aujourd'hui non-dominantes du point de vue économique, politique et socioculturel (mais pas nécessairement numérique),

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54 DNUDPA, adoptée en 2007 par l ' Assemblée générale des Nations Unies

55 Avis de la CADHP sur la DNUDPA pp 3-4

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

56 Les peuples autochtones au Cameroun, Guide à l'intention des professionnels des médias : BIT, Équipe d'appui technique de l'OIT au travail décent pour l'Afrique centrale et bureau de pays de l'OIT pour le Cameroun, l'Angola et Sao-Tomé et principe- Genève : BIT, 2015 pp 13

57 Baka, Bakola, Bedzang...

58 Charles de Lespinay, Les concepts d'autochtones (indigenous) et de minorités (minority), Droit et cultures, 72/2016, pp 19

59 La question des peuples autochtones, Bruxelles, Bruyland et Paris, LGDJ (Collection « Axes Savoirs »,1997 pp 78

descendants des habitants originels d'un territoire donné, victime de génocide, de conquête et de colonisation »

Pierre Clastre60 pense que l'autochtone est celui qui n'a pas une tradition d'origine. « Il a toujours été là », sorti du sol (divinités chtonienne) ou descendu du ciel, ou même venu de nulle part

L'autochtonie repose donc sur des « logiques lignagères » comme le souligne le professeur Mouiche61

Le professeur James Mouangue Kobila62, au lendemain de la très controversée affaire de la première promotion des élèves de l'École Normale Supérieure de Maroua, y voyait au regard des statistiques alors exigées par les élites septentrionales du Cameroun, l'expression d'une réalité qui s'impose dans le paysage scientifique camerounais. Pour lui, la question des minorités se pose dans un grand nombre d'Etats, même parfois dans des Etats qui refusent de reconnaître l'existence de leurs minorités, la variété des situations concrètes est telle qu'elle a jusqu'à présent empêché l'adoption de toute définition univoque et devrait inciter à la prudence dans les tentatives de généralisation".

De même qu'il peut exister des minorités non autochtones, certains autochtones peuvent être des minorités.

Tout compte fait, le concept d'autochtone, dans le cadre de ce travail, doit s'entendre comme un groupe de personnes établi de manière permanente sur un territoire donné, et ayant en commun un ensemble d'héritage politique, économique, socioculturel et qui, par ce legs, s'identifie à ce groupe ou communauté.

b-) Minorité

Si le concept d'autochtone, au regard de sa difficulté à se laisser définir était un mal, celui de minorité en serait le pire. Et ce, d'autant plus qu'il touche vraisemblablement non seulement, au nombre, mais également à la notion juridique privative et exonérante, d'incapacité.

Censé a priori être moins nombreux et encore moins mature, puisque dans « l'enfance » et ne possédant qu'un droit résiduel puisque « mineurs » et minoritaire à la fois, le concept de minorité est d'une ambiguïté extraordinaire63 et a généré dans l'histoire de l'humanité des massacres à coloration idéologiques impulsés par des entrepreneurs politiques véreux64

Pour le Dictionnaire des sciences sociales65 une minorité désigne, au sens large, un groupe humain englobé dans une collectivité plus importante. La catégorie de « minorité » est tout à

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60 Clastre (P), Ethnocide in Encyclopaedia universalis...

61 Mouiche Ibrahim, Chefferies traditionnelles, autochtonie et construction d'une sphère publique locale, anthropologue africain, Vol 15, Nos. 1&2, 2008

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

62 James Kobila Mouangue, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun : Entre reconnaissance interne contrastée et consécration universelle réaffirmée " éditions Dianoïa à Paris, 2009

63 Charles de Lespinay, op.cit.

64 Le génocide rwandais de 1994 entre hutu et tutsi et la fuite des arméniens de Turquie pour échapper au génocide de 1915 ou même le cas des Kurdes en Turquie, des Turcs en Allemagne, les Lapons en Suède, les aïnou au Japon etc.

65 Jean-François Fortier, Le Dictionnaire des sciences sociales, éditions Sciences humaines, Paris 2013, p. 223-224

fait relative, toujours susceptible de se déplacer, car elle dépend du contexte et du point de vue emprunté. Ainsi, les Tutsis ont été pendant des décennies une minorité numérique au Rwanda, mais détenaient le pouvoir par rapport à la majorité hutu. Toutes les communautés politiques organisées se trouvent, de près ou de loin, confrontées à la question des minorités. L'enjeu fondamental soulevé par l'existence de minorités est celui du degré d'hétérogénéité culturelle et sociale qu'une nation ou une société peuvent accepter en leur sein. En amont, la notion de minorité renvoie donc à une problématique qui est celle de la construction sociale de l'identité collective et du rapport à l'altérité : quelle image la collectivité se fait-elle d'elle-même ? Comment assure-t-elle une cohésion sociale et culturelle interne ?

Historiquement, le terme « minorités » (employé au pluriel) a pourtant longtemps été utilisé pour désigner plus spécifiquement un peuple (défini en référence à l'ethnie et/ou à la langue ou à la religion) inclus dans un État comportant une nation dominante. Dans les sociétés antérieures à l'État-nation, l'allusion est faite en référence à la question du droit des minorités (notamment à l'autodétermination) et de leur protection juridique.

La convention n°107 (1a) suscitée identifie ce groupe aux membres des populations tribales ou semi-tribales dans les pays indépendants, dont les conditions sociales et économiques correspondent à un stade moins avancé que le stade atteint par les autres secteurs de la communauté nationale et qui sont régies totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leurs sont propres ou par une législation spéciale.66

Celle n°169 du 27 juin 1989 1a), l'assimile aux peuples tribaux dans les pays indépendants qui se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques et, qui sont régis totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leurs sont propres ou par une législation spéciale.67

De Lespinay pour qui, « il ne devrait y avoir en droit, qu'une seule définition du minoritaire, estime qu'il s'agit du « membre d'un groupe non dominant, attaché ou non à un territoire, qui se distingue des groupes environnants par ses spécificités sociales, culturelles et économiques, par la conscience d'une identité spécifique, et qui peut-être régi ou non par des traditions qui lui sont propres »68

Selon le Professeur Ibrahim Mouiche, les minorités sont le plus souvent marginalisées dans les instances de décision politiques et économiques et, subissent des discriminations relatives à leur sol et/ou culture69

Le terme d'autochtone minoritaire employé dans le cadre de ce travail, renvoie donc à un groupe de personnes ayant en commun des traits politiques, économiques, sociaux, et culturels, et qui est établi de manière permanente sur un territoire donné et dont la contribution dans le système sociopolitique, économique et/ou culturel revêt un caractère marginal.

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Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

66 Op.cit.

67 Op.cit.

68 De Lespinay Autochtone et droit foncier en Afrique noire, Le courrier ACP-UE, Dossier sur les peuples autochtones, Janvier-février 1999, n°173 pp 40-42

69 Mouche (I), Chefferies traditionnelles, autochtonie et construction d'une sphère publique locale au Cameroun, L'anthropologue africain vol. 15 1&2, 2008

b-) urbanisation

Phénomène social en pleine effervescence au sein des sociétés politiques contemporaines, l'artificialisation des villes (villages), revêt depuis plusieurs décennies déjà, une dimension « planétaire », et touche aussi bien les États du Nord que ceux du Sud.

Pour Julien Damon70, « l'urbanisation est une dynamique disparate. Elle englobe autant l'étalement urbain pour les classes moyennes ou favorisées que l'augmentation de la densité dans les tours gigantesques ou le développement à d'immenses échelles de taudis ». Cette définition laisse aisément transparaître le dilemme urbain visible dans les zones urbaines. Celle-ci étant appréhendée suivant divers critères selon les pays dont : la densité de la population, la structure de l'agglomération, des repères administratifs. Les Nations Unies, semble privilégier des éléments démographiques et administratifs71

« Le secteur urbain est formé par l'ensemble des chefs-lieux administratifs (province, département, arrondissement, district) auxquels on a ajouté quelques agglomérations abritant une population d'au moins 5.000 habitants et comportant des équipements de caractère urbain (hôpital, gare, collèges).

Une telle définition vise à faciliter les possibilités de comparaison futures en ce sens que bon nombre de localité à fonction administrative, sans être à proprement parler des villes à l'heure actuelle, sont en fait des villes potentielles. Cependant, il est clair qu'une étude précise de l'urbanisation actuelle au Cameroun demanderait à mettre à part un certain nombre de localités à caractère rural marqué et à faible population, comptés dans le secteur urbain.

Le second problème touchant à la définition de la ville concerne la définition géographique de chacune d'elles. Celle-ci a été effectuée lors des opérations cartographiques dans le cadre de la préparation du recensement. Le problème de la délimitation recouvre deux aspects : celui de I `étude de chaque ville confrontée à son espace rural environnant. »72

En clair, le statut d'autochtone minoritaire attribué aux Gbaya dans le cadre de cette étude, augure éloquemment un « retournement du monde »73, un changement brusque et paradoxal de situation. Et ce justifie par trois raisons : D'abord, avec le changement de l'environnement social marqué par le flux des refugies centrafricains, notamment dans certaines zones à Meiganga, Djohong et Ngaoui, Garoua-Boulai ; Kette et Bombe ou le nombre total des réfugies atteint 249 00074 personnes dont 88% issu de l'ethnie Mbororo, en majorité musulmans et de tradition nomade, 12% constitué des Pana, Kako, Yakoma, Gbako, Gbaya et autres75 l'on constate que la population autochtone Gbaya est désormais subsumée par le flop des refugies76 avec plus de 70% constitué des peulhs venus de la République centrafricaine. Ensuite, avec la

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70 On l'urbanisation : bienfaits ou fléau Op.cit.

71 En Islandes, est urbaine une localité de plus de 200 habitants... En Autriche, ce sont les communes de plus de 5 000 habitants. Au Pakistan sont urbaines les zones dotées d'un conseil municipal. D'autres mesures combinent les critères. C'est le cas en France, où la définition des « villes et agglomérations » associe taille de la commune (minimum de 2 000 habitants) et continuité de l'habitat (moins de 200 mètres de séparation entre deux habitations successives). C'est le cas au Botswana, où une agglomération est classée urbaine lorsqu'elle compte au moins 5 000 habitants et lorsque moins de 25 % de l'activité économique relève du secteur agricole.

72Gubry (P) et Tayo (J), Les conséquences démographiques de l'urbanisation au Cameroun, p.130

73 Au sens de Bertrand BADIE et Marie Claude-Smouts,

74 UNHCR 2017

75 Rapport UNHCR ; 2012

76 Dans l'arrondissement de Djohong par exemple, le seul site de Borgop enregistre 11852 personnes réfugiés contre seulement 2119 populations hotes

Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester

sédentarisation77 de ceux-ci, le risque d'une marginalisation susceptible de découler des conflits fonciers et de la congruence des activités économiques (puisque pratiquant désormais les mêmes activités avec les nationaux et même parfois avec des outils plus adaptes, puisque bénéficiant du statut des ONG) apparait comme une menace aux yeux des autochtones. Enfin, l'activation à géométrie variable de l'aide multiforme aux réfugies tout particulièrement78, semble accentuer l'écart des conditions sociales entre les populations autochtones, hôtes et les refugies dans le département du Mbéré, lésant donc de fait cette dernière catégorie sociale. Dans un contexte où la plupart des réfugies refusent délibérément de retourner dans leur pays d'origine, leur reconversion politique sonnerait le glas du « seul » monopole politique encore détenu par les nationaux, et a fortiori les autochtones dans cette zone79.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci