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La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et de la sécurité nationale: cas des coupures d'internet en période électorale de décembre 2018


par Isambya Jean-Claude
Université Officielle de Bukavu - Licence en Droit 2019
  

Disponible en mode multipage

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République Démocratique du Congo

UNIVERSITE OFFICIELLE DE BUKAVU

FACULTE DE DROIT

DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC

LA LIMITATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU NOMDE L'ORDRE PUBLIC ET DE LA SECURITE NATIONALE : CAS DES COUPURES D'INTERNETEN PERIODE ELECTORALE DE DECEMBRE 2018

Mémoire présenté pour l'obtention du titre de Licencié en Droit

Par  JEAN-CLAUDE ISAMBYA John

Directeur  : IMANI MAPOLI Marcel, Professeur Associé

Encadreur  : CUBAKA CICURA Charles, Chef des travaux

Année académique : 2018-2019

I

EPIGRAPHE

Les mêmes droits dont les personnes disposent hors ligne doivent être aussi protégés en ligne, en particulier la liberté d'expression, qui est applicable indépendamment des frontières et quel que soit le média que l'on choisisse, conformément aux articles 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

RésolutionA/HRC/32/L.20 du Conseil des droits de l'homme de l'ONU sur la promotion, la protection et l'exercice desdroits de l'homme sur Internet(27 juin 2016).

IN MEMORIAM

A notre défunte mère, VUMILIA MWADJUMA Espérance.

DEDICACE

A Papa Bertin MUKAMBA et Maman Aline MWENEBATENDE, pour avoir cru en nous et surtout, pour leurincommensurable générosité ;

Nous tenons aussi à rendre hommage à notre affidée, Micheline LUHARHI IRAGI, pour tout son amour.

JEAN-CLAUDE ISAMBYA John

REMERCIEMENTS

Nous tenons ici à exprimer notre gratitude envers Dieu tout-puissant grâce à qui nous avons pu réaliser ce labeur ;

Nous exprimons également notre profonde reconnaissance à notre père ITULAMYA WALUMONA KYABASUMBU Gédéon, pour ses inestimables soutiens ;

Nous remercions aussi Papa FATAKI DOMINIQUE, pour toutson appui ;

Nous ne pouvons en aucun cas nous priver de remercier notre Alma mater, qu'est l'Université Officielle de Bukavu qui nous conduit à la perfection et à l'excellence dans nos recherches, et nous prépare adroitement à notre vie professionnelle ;

Particulièrement, nous tenons à coeur et en toute considération à remercier notre Directeur de mémoire, Monsieur le Professeur IMANI MAPOLI Marcel, pour la rigueur et la précision dans la recherche qu'il a suscitées en nous et pour toutes ses vertus en dépit desquelles ce travail parait ;

Nos remerciements s'adressent ensuite à notre Encadreur de mémoire, Monsieur le Chef des travaux CUBAKA CICURA Charles, pour ses conseils toujours précieux et son soutien constant tout au long de ce travail de recherche ;

Nous remercions assidûment nos frères, Thomas FURAHA MWAGALWA, Innocent ITULAMYAZilfried, BYAMUNGU MBILIZI, BANAMUGI Christian, BAHATI Innocent et FATAKI NGOY Espoir ;

Nous tenons également à exprimernotre gratitude à nos soeurs, FURAHA KASHINDI, Rosette BYAMUNGU, LUGOLO Julie, Ghislaine SANGANYI, Margueritte ITULAMYA NGALYA, SANGO PELO, KYEMBE AMOSI Ange, RIZIKI NABAOMBWA Joséphine, BANAMUGI SALIMA, BANAMUGI Liliane et Espérance ITULAMYA ;

Nos derniers remerciements, mais aussi les plus forts vont à nos amis, Félix MUNEPA, Alice ANSIMA, MASUMBUKO Delphin, Christian KAMUNTU MUHIGIRE, KIKALA MANDELA,WAKABEGHO SHULI Jules, SHOKULU AKYULA Bonheur, WILONDJA M'LULEY César et SIVIRI Vianney.

JEAN-CLAUDE ISAMBYA John

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

AGNU  Assemblée Générale des Nations Unies

ANR  Agence Nationale des Renseignements

AR. P.T.C  Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications

Art.  Article

C.  Contre

CADHP  Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

C.E  Conseil d'Etat français

CEDH  Cour européenne des Droits de l'Homme

CIPESA Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa

CSAC  Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication

DEA  Diplôme d'Etudes Approfondies

DG  Directeur Général

DEMIAP  Détection Militaire des activités Anti-Patrie

DUDH  Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Éd.  Edition

EUI  Economist Intelligent Unit

FAI  Fournisseur d'Accès à Internet

IP  Internet Protocol

J.O  Journal Officiel

LGDJ  Librairie générale de droit et de jurisprudence

  Numéro

OCDE  Organisation de Coopération et de Développement Economique

ONU  Organisation des Nations Unies

P.  Page

PIB Produit Intérieur Brut

PIDCP  Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

PUF  Presses Universitaires de France

RCADI  Recueil des Cours de l'Académie de Droit International de La Haye

RDC  République Démocratique du Congo

Rés.  Résolution

RFDC  Revue Française de Droit Constitutionnel

RLDI  Revue Lamy Droit de l'Immatériel

SMS Short Message Service

TIC  Technologies de l'Information et de la Communication

UIT Union internationale des télécommunications

1

0. INTRODUCTION

L'Ordre public et les libertés entretiennent une relation aussi essentielle que périlleuse1(*). Cette relation repose sur le postulat selon lequel les libertés ne sauraient prospérer sans la sauvegarde de l'ordre public qui, lui-même, a pour seul objet de protéger les libertés. L'ordre public freine l'émancipation des libertés, de même que la consécration des libertés restreint les exigences de l'ordre public. Il résulte de cette corrélation une tension, inhérente à l'exercice même des libertés. Le maintien de l'ordre public étant une nécessité pour l'exercice des libertés, il en découle que, dans certaines circonstances, les libertés peuvent être limitées pour sauvegarder l'ordre public.

Ce pouvoir de limitation appartient au législateur dès lors que l'article 122 de notre Constitution dispose que « sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques »2(*).

0.1 PROBLEMATIQUE

La coupure d'Internet est une « interruption intentionnelle d'Internet ou de communications électroniques, les rendant inaccessibles ou effectivement inutilisables, pour une population spécifique ou dans un lieu précis souvent pour exercer un contrôle sur la circulation de l'information »3(*). La coupure d'Internet présente des impacts considérables non seulement sur l'économie du pays mais aussi sur les droits et libertés fondamentaux des citoyens.

Sur le plan économique, la coupure d'Internet affecte l'économie de nombreuses façons, perturbant la productivité et générant des pertes monétaires dans les transactions urgentes. En effet, plusieurs études ont démontré qu'il y a un impact réel des coupures d'Internet sur les produits intérieurs bruts (PIB) des pays. Par exemple, une étude de la Brookings Institution4(*) estime qu'entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2016, les coupures délibérées d'Internet ont coûté au monde entier un total de 2,4 milliards de dollars, avec des pertes maximales encourues par l'Inde (968 millions de dollars). Selon un rapport de l'organisation Collaboration on International ICT Policy for East and SouthernAfrica, CIPESA en sigle, l'Afrique subsaharienne a perdu jusqu'à 237 millions de dollars suite aux coupures d'Internet depuis 20155(*).DELOITTE6(*) estime que même les pays ayant un faible niveau d'accès à Internet sont exposés à un impact moyen du PIB estimé à 6,6 millions de dollars par jour.

En matière des droits de l'homme, comme le souligne Internet Society, « l'accès à Internet ne peut être distingué de l'exercice de la liberté d'expression, d'opinion et du droit de réunion pacifique »7(*).En termes pratiques, les gens dépendent régulièrement d'Internet pour rester en contact avec leur famille et leurs amis, créer des communautés locales d'intérêt, rapporter des informations de nature publique, demander des comptes aux institutions, accéder et partager des connaissances. En tant que telles, les coupures d'Internet, en particulier celles qui désactivent tous les moyens de communication, devraient être considérées comme des violations potentielles des droits de l'homme.

Des coupures d'Internet ont eu lieu lors d'événements majeurs comme les élections et les manifestations de masse, alors que la surveillance active du contenu des messages des citoyens et l'intimidation de ceux qui expriment des opinions contraires aux vues gouvernementales sont également courantes. En RDC, les élections ont souvent été marquées par un accroissement significatif des violations des droits de l'homme et par la restriction de l'espace démocratique8(*). La présente période électorale ne fait malheureusement pas exception à ce constat. La question du calendrier électoral pour les élections à venir a accru les tensions politiques et sociales et s'est accompagnée d'un durcissement de l'autorité face à ses opposants et à toute voix considérée comme dissidente, notamment les défenseurs desdroits humains. En particulier, menaces, arrestations, détentions arbitraires, poursuites judiciaires abusives à l'encontre des défenseurs se sont multipliées depuis janvier 2015, après l'adoption par l'Assemblée nationale le 17 janvier, d'un projet de loi modifiant et complétant la loi électorale. Ce projet posait la condition d'un recensement national avant l'organisation des élections présidentielles et législatives prévues en 2016. Un tel recensement, manifestement impossible à organiser avant les échéances électorales, retardait le processus électoral dans son ensemble et permettait de fait au président de rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat prévu le 19 décembre 2016.

Le lundi 31 décembre 2018 au lendemain des élections générales, présidentielle et législatives, l'accès à Internet a été coupé sur instruction du Gouvernement sur toute l'étendue du territoire de la République démocratique du Congo. Ces perturbations sont intervenues alors que la compilation des résultats des élections générales était en cours dans tout le pays. Les responsables des sociétés de téléphonie (Vodacom RDC, Airtel RDC, Orange RDC, etc.) avaient déclaré sur Jeune Afrique avoir reçu par téléphone une instruction consistant à couper la transmission des images et des vidéos sur Internet et à ralentir les autres services9(*). Les SMS10(*) indiquant ce qui suit atterrissaient dans les téléphones des utilisateurs : « Cher client, sur instruction du gouvernement, nos services Internet sont suspendus pendant une période indéterminée ».

Les droits fondamentaux visent l'ensemble des droits et libertés reconnus aux personnes physiques comme aux personnes morales de droit privé et de droit public en vertu de la Constitution, mais aussi des textes internationaux et protégés tant contre le pouvoir exécutif que contre le pouvoir législatif par le juge constitutionnel ou le juge international11(*).

Par essence conditionnel, le droit à la liberté d'expression et d'information est un droit consacré non seulement par les textes internationaux, tels la Déclaration universelle des droits de l'homme de 194812(*) et le Pacte international des droits civils et politiques13(*), mais aussi par les textes régional14(*) et national15(*) des droits de l'homme.

Le droit à la liberté d'expressionimplique la liberté d'exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l'écrit et l'image, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs. Par liberté d'expression et d'information, il est ainsi consacré un droit de rechercher, d'obtenir et de communiquer les informations et les idées de son choix, sans ingérence et sans considération de frontière16(*).

Par-là, le droit à la liberté d'expression et d'information garantit à chacun une expression et une diffusion libres de ses opinions (liberté d'expression) et protège la recherche d'informations auprès des sources généralement accessibles, ainsi que la réception et la diffusion libres d'informations (liberté d'information)17(*).

Le droit à la liberté d'expression et d'information ne peut être restreint que si les conditions générales en matière de restrictions légitimes des droits fondamentaux sont remplies.Ces conditions générales de restriction des droits fondamentaux doivent être scrupuleusement observées par les pouvoirs publics afin de ne pas tomber dans l'arbitraire et l'abus de pouvoir.

Avec l'essor des technologies de l'information et de la communication, il est aisé de nos jours d'user de ses droits fondamentaux relatifs à la liberté d'expression et d'information sur un espace aussi large avec Internet. L'agence spécialisée des Nations Unies pour les technologies de l'information et de la communication, l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), estime qu'il y avait en 2014 près de 3 milliards d'utilisateurs d'Internet dans le monde, soit 40 % de la population mondiale18(*). Près de la moitié d'entre eux sont inscrits en tant qu'utilisateurs d'un même service privé, Facebook.

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Franck La Rue, a considéré en 2011 que « supprimer l'accès à l'Internet et ce, quelle que soit la justificationfournie, [...] est excessif et constitue une violation » de l'article 19 § 3 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques. Quelques mois plus tard il précisera que « bien quel'accès à Internet ne soit pas encore un droit de l'homme en tant que tel », il est « indispensable non seulement à l'exercice du droit à la liberté d'expression mais aussi à celuid'autres droits, comme le droit à l'éducation, le droit de s'associer librement avec d'autres etle droit de réunion, le droit de participer pleinement à la vie sociale, culturelle et politique etle droit au développement économique ou social »19(*).

Au regard de ce qui précède, nous proposons d'orienter nos réflexions sur ces quelques interrogations :

v Peut-on considérer à l'heure actuelle, l'accès à Internet comme un droit fondamental ?

v L'ingérence de l'Etat congolais du fait d'avoir coupé Internetpendant la période électorale de Décembre 2018 était-elle une violation au droit à la liberté d'expression et d'information ?

0.2 HYPOTHESES

Avoir accès à Internet c'est avoir la possibilité d'être à la fois « client » pour recevoir les données envoyées par les serveurs interconnectés qui forment le réseau mondial, et « serveur » pour envoyer soi-même des données vers d'autres clients. Avoir pleinement accès à Internet nécessite de pouvoir communiquer librement avec l'ensemble des machines elles-mêmes connectées à Internet, qu'il s'agisse des serveurs de grands sites Internet mondialement connus ou du téléphone mobile de son voisin.

Dès lors qu'une restriction empêche de recevoir ou d'envoyer correctement tout ou partie des informations, l'accès à Internet devient vicié, et tous les droits fondamentaux qui dépendent de l'accès à Internet s'en trouvent fragilisés. En effet, que ce soit par la législation et la réglementation qu'il choisit de mettre en oeuvre dans le droit national, ou par des pratiques de ses organes, l'État congolais semblerait parfois être celui qui enfreint directement sa propre obligation de respecter les droits de l'homme sur Internet. On pourrait le voir notamment par la surveillance massive des communications électroniques qui ne respecte pas le principe de proportionnalité des restrictions nécessaires dans une société démocratique, et par des atteintes répétées à la liberté d'expression et d'information.

Pourtant, déjà en 1950, l'Organisation des Nations Unies a réalisé la jointure entre les droits de l'homme et le droit international des télécommunications en adoptant une résolution qui, citant côte à côte l'interdiction du brouillage imposée par la Convention Internationale des Télécommunications et la liberté d'expression affirmée dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, a « condamné les mesures de cette nature en tant que négation du droit de toute personne à être pleinementinformée eu égard aux nouvelles, opinions, et idées, sans considérations de frontières »20(*).

Des controverses persistent sur la nature (source) d'un droit fondamental d'accès à Internet. En effet, certains, en l'occurrence Michaël BARDIN, estiment que l'accès à Internet n'est ni un droit de l'homme ni un droit fondamental en lui-même. Pour cette école, l'Internet n'est et n'existe que comme moyen de concrétisation de la liberté d'expression et de communication. En définitive, le droit d'accès à Internet viendrait prendre sa juste place dans les moyens déjà connus et protégés que sont la presse, la radio ou encore la télévision21(*).

Tel n'est pas l'avis d'autres auteurs, dont LAURE MARINO, qui soutiennent que la liberté de communication et d'expression implique désormais la liberté d'accès à Internet. L'accès à Internet devient ainsi, en lui-même, un droit-liberté, en empruntant par capillarité la nature de son tuteur, la liberté d'expression. Il appert de souligner que la consécration de l'accès à Internet comme droit fondamental découlerait de la méthode d'annexion ; méthode qui aurait permis au Conseil constitutionnel français de décider que la liberté de communication et d'expression impliquait également la liberté d'accès à Internet22(*).

En ce qui nous concerne, estimons-nous que, bien qu'il n'y ait pas encore d'instrument juridique contraignant qui traite spécifiquement du droit fondamental d'accès à Internet, il n'en reste pas moins évident que, ce droit soit inclus dans celui de la liberté d'expression et d'information, tel que prévu par les articles 23 et 24 de notre Constitution, de même que par l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Il est d'une évidence que, définir l'ordre public constitue une tâche épineuse23(*). L'indétermination de la notion d'ordre public proviendrait des réalités diverses auxquelles elle renvoie. De manière générale, « est d'ordre public, ce qui est si important qu'est mise en question l'essence de la société ou de son droit »24(*).

La jurisprudence administrative témoigne de l'élargissement de l'ordre public au cours du XXèmesiècle25(*). En plus de « l'ordre matériel et extérieur »26(*)qui est, d'ores et déjà, hétérogènepuisqu'il comprend la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques mais aussi le bon ordre, l'ordre public vise de nouvelles exigences. Tel est le cas de la moralité publique, avec la reconnaissance de la dignité de la personne humaine comme composante de l'ordre publicet, plus largement, de la protection des individus contre eux-mêmes.

Dans la jurisprudence duConseil constitutionnel français, les considérations d'ordre public seraient d'abord saisies par la catégorie juridique des objectifs de valeur constitutionnelle. Ces objectifs constitueraient des impératifs liés à la vie en société, qui s'imposeraient au législateur et qui visent à mettre en oeuvre les droits et libertés de valeur constitutionnelle. Les impératifs d'ordre public seraient compris dans deux objectifs liés à la préservation de l'ordre public, à savoir : la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions.

A l'exception de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui formellement ne prévoit aucune restriction possible pour le droit à l'information (mais qui en autorise pour le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions, ce qui revient sensiblement au même), et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui n'a pas de portée juridiquement contraignante, tous les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme ouvrent grand la porte aux restrictions à la liberté d'expression et d'information, après avoir affirmé le principe de son respect. Le Pacte international relatif auxdroits civils et politiques permet ainsi aux États de soumettre ces libertés à des restrictions fixées par la loi et nécessaires au respect des droits ou de la réputation d'autrui, ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publique27(*). Ces aménagements du principe ne sont toutefois pas un blanc-seing qui permettrait aux États d'appliquer à volonté d'importantes restrictions au droit de s'exprimer et de s'informer, notamment sur Internet28(*).

Est-il que l'ordre de couper Internetait été reçu par le canal d'un appel téléphonique par les opérateurs des télécommunications de la part du Gouvernement. D'où l'intérêt même de s'interroger sur la valeur juridique d'un coup de fil et sur l'autorité habilitée à donner une telle injonction. En l'espèce, nous estimons que seule la loi entendue stricto sensu pourrait, conformément à l'article 19 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, limiter l'exercice de la liberté d'expression et d'information sur Internet en cette période électorale et comme en tout autre temps.

0.3 ETAT DE LA QUESTION

Diverses études présentant des traits avec notre travail ont été menées par différents auteurs et institutions, en l'occurrence, Guillaume CHAMPEAU, Pauline GERVIER, Marie BASTIANetla Collaboration on International ICT Policy for East and SouthernAfrica, CIPESA, en sigle.

v Guillaume CHAMPEAU :

Dans son mémoire de recherche en master 2 en Droit international et européen des droits fondamentaux, intitulé « Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger », il s'intéresse à la responsabilité qui incombe aux intermédiaires d'Internet (tels les sociétés des télécommunications) dans le non-respect des droits de l'homme. C'est ainsi que, en vertu des Principes de Ruggie, les personnes morales qui proposentleurs services d'intermédiaire sur Internet doivent elles-mêmes veiller à respecter les droits del'homme lorsqu'elles sont en situation de pouvoir leur porter atteinte. C'est d'ailleurs cetteobligation de respect qui occupe le plus la doctrine, légitimement préoccupée par les atteintesportées directement ou indirectement par les intermédiaires de l'internet au droit à la vieprivée et à la protection des données personnelles, à la liberté d'expression, au droit depropriété intellectuelle, ou dans une moindre mesure à la liberté de réunion etd'association29(*).

v Pauline GERVIER :

Dans son ouvrage relatif à « La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public », cette auteure révèle la relation qui existe entre l'ordre public et les libertés fondamentales et met davantage l'accent sur la procédure à suivre pour pouvoir restreindre la portée ou l'exercice des dites libertés afin de sauvegarder l'ordre public. Car, cette relation repose sur le postulat que les libertés ne sauraient prospérer sans la sauvegarde de l'ordre public qui, lui-même, a pour seul objet de protéger les libertés. Leur union implique un équilibre, tenant à ce que l'ordre public encadre l'exercice des libertés seulement lorsque leur protection l'exige30(*).

v Marie BASTIAN :

Dans son article portant sur « La fragmentation d'un droit préexistant ou la fondamentalité par analogie : le cas du droit d'accès à Internet », Marie BASTIAN renseigne quele droit d'accès à Internet intègre aujourd'hui, indirectement, la grande famille des droitsfondamentaux, par un processus d'annexion au droit à la liberté d'expression et de communication. Toutefois, elle reconnait que si l'essentialité du droit d'accès à Internet, et, par conséquent, son universalité, paraissent incontestables et reconnues, c'est bien l'aspect multidimensionnel d'Internet, et en particulier de son accès, qui rend complexe son rattachement à un droit fondamental préexistant, l'enfermant dans un carcan juridique préétabli ne permettant pas de concevoir pleinement les nouveaux enjeux y afférent. Ainsi, l'analogie n'est sans doute pas toujours suffisante et adéquate s'agissant de la dimension virtuelle. Le droit d'accès à Internet doit pouvoir s'appréhender comme un exemple s'inscrivant dans une dynamique normative plus large, au-delà de sa stricte dimension infrastructurelle, à savoir un droit du cyberespace31(*).

v CIPESA :

Dans son rapport publié en 2016 sur l'état des lieux des libertés sur Internet en République démocratique du Congo, cette organisation s'inquiète d'une part de ce que le pays continue à enregistrer des violations croissantes des libertés sur Internet pendant que le nombre d'utilisateurs des TIC augmente et d'autre part, de l'état embryonnaire des lois en matière de communications numériques32(*).

0.4 DELIMITATION DU SUJET

Dans le cadre de ce travail, nos réflexions porteront sur le droit positif congolais et en particulier sur les instruments juridiques et les mécanismes de protection des droits de l'homme aussi bien nationaux qu'internationaux. Qui plus est, nous tenterons d'une part de rechercher les décisions de justice en rapport avec le sujet sous examen et d'autre part, les décisions du Gouvernement enjoignant aux opérateurs de téléphonie de couper l'Internet.

Le présent travail s'étale sur la période électorale de décembre 2018 qu'a connue la République Démocratique du Congo. Cette période a été caractérisée par divers faits susceptibles d'attirer l'attention de nombre des chercheurs. Néanmoins, notre étude se penchera sur l'effectivité de l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information pendant cette période.

0.5 CHOIX ET INTERET DU SUJET

L'intérêt qui est nôtre dans le choix de ce sujet s'étale sur un triple plan, à savoir :

§ Sur le plan pédagogique :

L'étude de ce sujet nous permettra d'approfondir les notions des cours des droits humains : libertés publiques, de droit Constitutionnel, et de droit international public.

§ Sur le plan scientifique :

L'objectif par nous poursuivi dans le cadre de ce travail, est de tenter de prendre part d'un côté à la promotion et à la protection des droits de l'homme sur l'Internet, en l'occurrence le droit à la liberté d'expression et d'information en période des élections, et d'autre part, de contribuer à la lutte contre les violations de ces libertés par l'arbitraire dont useraient les pouvoirs publics.

§ Sur le plan social :

Nous espérons apporter par le biais du présent travail notre contribution dans le cadre de la promotion et de la protection des droits de l'homme par l'usage des nouvelles technologies de l'information et de télécommunication. Qui plus est, nous souhaitons éclairer l'opinion publique sur les modalités de limitation des droits et libertés fondamentaux au nom de l'ordre public en droit positif congolais tout en focalisant les réflexions sur les coupures d'Internet.

0.6 METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE

Dans le souci de rendre cohérent ce travail, diverses méthodes et techniques seront utilisées.

Pour ce qui est des méthodes, nous ferons recours à :

· La méthode juridique (exégétique) :

Cette méthode nous permettra d'analyser et d'interpréter divers textes juridiques relatifs à notre objet d'étude. Ainsi, nous analyserons entre autres textes : la Constitution de notre pays de 2006 telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011, la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l'exercice de la liberté de presse, la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, la loi n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications, la loi organique n° 11/011 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ratifié par la RDC le 1er novembre 1976, la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, etc.

· La méthode sociologique :

Elle nous sera utile dans la confrontation des dispositions légales au vécu quotidien de la société congolaise. Plus concrètement, nous analyserons l'impact des coupures totales d'Internet sur toute l'étendue de la République Démocratique du Congo pendant la période électorale de décembre 2018 sur l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information.

En plus de ces différentes méthodes, nous utiliserons les techniques ci-après :

La technique documentaire :

Cette technique va nous être indispensable dans la recherche et l'exploitation de la doctrine en la matière. Pour ce faire, nous consulterons les ouvrages de droit international des droits de l'homme, de droit constitutionnel, de droit administratif; les thèses de doctorat, les articles et tous autres documents relatifs au sujet de notre travail.

La technique d'interview :

Par le truchement de cette technique, nous espérons nous entretenir avec les responsables de ces trois compagnies de téléphonie mobile et fournisseurs d'accès à Internet de la place : Airtel RDC, Orange RDC et Vodacom RDC. L'intérêt ici étant de nous informer d'un côté de la procédure suivie par ces entreprises avant de couper le réseau Internet, et de l'autre, savoir si l'autorité à l'origine de la décision était compétente pour ce faire.

CHAPITRE I. L'ACCES A INTERNET ET LE DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Avant de nous pencher sur les controverses au tour d'un nouveau droit fondamental, en l'occurrence, celui de l'accès à Internet (section II), il parait nécessaire de nous imprégner des notions générales sur les droits de l'homme (section I).

SECTION I. LES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX DE L'HOMME

La notion de libertés fondamentales ou de libertés publiques ou encore de droits de l'homme, parfois controversée en doctrine, mérite d'abord d'être définie avant que nous jetions une oeillade sur les différentes catégories ou générations des droits de l'homme (§.1). Il est également nécessaire de mettre en exergue les sources sur lesquelles se fondent les libertés fondamentales (§.2).

§.1. NOTIONS ET CATEGORIES DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX

Dans un premier lieu, nous éluciderons les différentes dénominations du concept « droit de l'homme » (I) et dans un second lieu, nous présenterons les catégories ou générations des droits de l'homme (II).

I. NOTIONS

Le respect et la garantie des droits de l'homme et des libertés fondamentales constituent l'un des fondements essentiels des sociétés démocratiques33(*). Universels, ces droits et libertés sont le patrimoine commun de l'humanité ; ils sont aujourd'hui à la charnière des ordres juridiques internes et internationaux. Les expressions utilisées pour désigner cette matière ont évolué ; elles se sont en outre multipliées : libertés publiques, droits de l'homme, droits fondamentaux, libertés fondamentales... Ces expressions, si elles sont connexes, ne sont pas synonymes. Il importe de les distinguer (I.2).

La notion de liberté publique est délicate à appréhender dans la mesure où elle ne fait l'objet d'aucune définition légale. Il conviendra donc de revenir sur la notion de liberté en général (I.1).

I.1. DEFINITION DE LA LIBERTE

La liberté peut se définir d'un point de vue philosophique ou politique. La première définition, d'inspiration philosophique, consiste à définir comme libre celui qui n'a besoin de personne, ni de quoi que ce soit. Cette approche est inutile pour le droit qui vise à régir les rapports sociaux34(*). Il est encore possible de considérer que la liberté est caractérisée par un pouvoir d'autodétermination sur soi-même, une faculté de choisir son comportement personnel (Sartre, Descartes, Malraux...).

Cette définition ontologique est récusée par le courant déterministe au motif que l'Homme ne peut pas être libre à partir du moment où il se trouve dans une société puisqu'il est prédéterminé dans une structure sociale (Comte, Calvin, Hegel). Néanmoins, cette notion d'autodétermination peut être reprise par le juriste pour définir la liberté en société.

D'un point de vue politique, la liberté peut aussi se définir sous l'angle du rapport de l'Homme avec le pouvoir. Il s'agit alors de la liberté comme sphère d'action qui échappe à la contrainte sociale.

Elle peut faire référence à deux libertés distinctes selon Gilles LEBRETON35(*) :

· La liberté participation : elle correspond à la faculté pour le gouverné de devenir gouvernant. Le gouverné échappe alors à la contrainte sociale et devient maître de son destin politique. Cette vision est à l'origine de la pensée de Rousseau dans ce sens où elle aboutit à la démocratie et au pouvoir des gouvernés (droit de vote, droit d'être élu).

· La liberté autonomie : elle donne la faculté d'échapper à la contrainte sociale non pas en participant à la décision mais en délimitant une sphère qui échappe au pouvoir. La liberté résulte alors du fait que le pouvoir ne peut s'immiscer dans la sphère d'autonomie (liberté d'aller et venir, droit à la sûreté).

Ces deux conceptions conduisent à l'opposition entre deux courants : le courant rousseauiste qui ne prône aucune autonomie mais une grande participation (l'individu s'approprie l'État) et à l'opposé, le libéralisme politique qui repose sur la primauté de l'autonomie par rapport au pouvoir (l'individu est adversaire de l'État). Au sein des démocraties libérales, la liberté participation et la liberté autonomie coexistent36(*).

I.2. DISTINCTION ENTRE LIBERTES PUBLIQUES, DROITS DE L'HOMME, DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTES FONDAMENTALES

- Des libertés publiques aux libertés fondamentales

Les libertés prises en charge par l'État ou reconnues par lui sont des libertés publiques37(*). Le mot « public » n'est pas à comprendre comme une opposition au terme « privé ». Il n'est guère concevable d'admettre l'existence des libertés publiques, définies comme n'intéressant que les relations des citoyens avec l'État et des libertés privées qui concerneraient les rapports entre les individus. Toutes les libertés sont des libertés publiques38(*).

Les libertés publiques sont des libertés aménagées dans le cadre de l'État par le pouvoir politique de façon à les rendre effectives. Elles sont « publiques » car elles supposent l'intervention de l'autorité publique.

Selon la définition proposée par G. LEBRETON, sont des libertés publiques « les pouvoirs d'autodétermination qui visent à assurer l'autonomie de la personne humaine, sont reconnus par des normes à valeur au moins législative, et bénéficient d'un régime juridique de protection renforcée même à l'égard des pouvoirs publics »39(*).

Pour certains auteurs, les libertés publiques protègent les individus contre l'État alors que les libertés fondamentales les protégeraient également contre les autres individus. Techniquement, le droit des libertés fondamentales assurerait une protection verticale (contre la puissance publique) et horizontale (contre l'ingérence des autres citoyens) alors que le droit des libertés publiques n'aurait qu'une dimension verticale. J. RIVERO souligne que « ce qui rend publique une liberté quel qu'en soit l'objet, c'est l'intervention du pouvoir pour la reconnaître et l'aménager »40(*).

- Droits de l'homme ou droits fondamentaux ?

La notion de « droits de l'homme » est ancienne et antérieure (en France) à celle de droits fondamentaux41(*). Elle trouve notamment son origine dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Elle a ensuite été choisie, après la deuxième guerre mondiale, pour nommer les deux grands instruments de protection des droits : en 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme ; en 1950, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ces trois textes visent à garantir à l'homme, c'est-à-dire l'individu, des droits universels inhérents à sa qualité de personne humaine. Il s'agit de textes recognitifs, c'est-à-dire qui reconnaissent des droits préexistants à la vie de l'homme en société. Les droits consacrés sont des droits libéraux, essentiellement civils et politiques.

Cette expression de « droits de l'homme » est aujourd'hui contestée par certaines organisations de protection des droits fondamentaux et en particulier par des associations féministes, qui dénoncent le caractère restrictif de cette formule. Elles proposent d'opter, comme c'est le cas en Amérique du Nord, pour l'expression « Droits humains » ou « Droits de la personne ». Ce combat sémantique n'emporte pas l'adhésion, car l'homme est considéré par le juge, comme la « personne humaine » et non comme l'homme, opposé à la femme.

Plus sérieusement, l'intérêt du recours à la notion de « droits fondamentaux », notion d'inspiration germanique, est de couvrir un champ plus vaste que celui de droits de l'homme : tant au regard de son contenu que de ses destinataires. Cette notion désigne non seulement les droits civils et politiques, inspirés de la théorie du droit naturel, mais aussi les droits sociaux et également les droits les plus récents, dits de la troisième génération.

De ce fait, la liste des bénéficiaires des droits fondamentaux est plus large et non fermée ; en jouissent non seulement les individus (nationaux, étrangers, apatrides), mais aussi des groupes sociaux désignés (travailleurs, enfants...) et même des entités n'ayant pas encore la qualité de personne humaine (l'embryon protégé par les droits « bioéthiques » ou les générations à venir, bénéficiaires par ricochet du droit à l'environnement et du principe de précaution).

Selon Louis FAVOREU, les droits fondamentaux visent l'ensemble des droits et libertés reconnus aux personnes physiques comme aux personnes morales de droit privé et de droit public en vertu de la Constitution, mais aussi des textes internationaux et protégés tant contrele pouvoir exécutif que contre le pouvoir législatif par le juge constitutionnel ou le juge international42(*).

En somme, les dénominations sus-évoquées : « libertés publiques », « libertés fondamentales », « droits fondamentaux » et « droits de l'homme » bénéficient d'une protection juridictionnelle équivalente. Bien que la « liberté » se définisse comme un pouvoir d'autodétermination par lequel l'homme choisit lui-même ses comportements. Le « droit » semble requérir une action positive de la part des autorités. Il s'agit d'un droit « à ».

Sur cette base, l'on distinguerait d'un côté les libertés classiques, dont jouissent sans entrave les individus en société, et d'un autre côté, les droits-créances impliquant nécessairement une action de la part de l'Etat. Cette dichotomie, trop marquée, n'est pas convaincante.

Certes, les libertés laissent à l'individu un droit à l'autodétermination, mais il existe, simultanément, un droit à leur respect. De ces libertés, les juges internes et internationaux dégagent des obligations positives, à la charge des autorités étatiques, tenues de garantir leur pleine effectivité. Ainsi, les droits « à », comme le droit à la vie, n'impliquent pas toujours une action positive de l'Etat, mais plutôt une abstention.

C'est pourquoi ces deux notions de droit et liberté sont indissociables. Les expressions « droits et libertés fondamentaux », « libertés fondamentales » ou encore « droits fondamentaux » peuvent être utilisées pour désigner le même ensemble43(*).

En droit positif congolais, le titre II de Constitution consacre les termes « Des Droits humains, des libertés fondamentales, des devoirs du citoyen et de l'Etat ». Et relativement à notre étude, il sied de noter que, en vertu des articles 23 et 24 de la Constitution de notre pays, le droit à la liberté d'expression et le droit à l'information sont aussi bien des « droits humains » que des « libertés fondamentales ».

Il importe alors de voir dans le point qui suit, comment se catégorisent les droits de l'homme au travers des instruments juridiques qui les consacrent.

II. CATEGORIES DES DROITS DE L'HOMME

Personne ne peut présenter une liste définitive des droits de l'homme44(*). D'une part, ceux-ci peuvent être présentés de beaucoup de façons, d'autre part, chaque droit peut être décomposé en plusieurs, et d'autres peuvent être regroupés en un seul. Cependant, il est nécessaire de montrer que les droits de l'homme constituent un ensemble indivisible, c'est-à-dire un système qui, tout en étant inachevé, n'est pas indéfini.

Le principe a été posé lors de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme qui a eu lieu à Vienne en 1993 : « Tous les droits de l'homme sont universels, indissociables,interdépendants et intimement liés. La communauté internationale doit traiter des droits de l'homme globalement, de manière équitable et équilibrée, sur un pied d'égalité et en leur accordant la même importance (...) »45(*).

Le mode de classification retenu par la Charte universelle des droits de l'homme distingue d'une part les droits économiques, sociaux et culturels et de l'autre part, les droits civils et politiques. Il existe aussi un autre mode de classification des droits de l'homme en vogue dans les organisations internationales. De cette classification, il découle trois générations ou catégories des droits de l'homme, à savoir : les droits de la première génération (les droits civils et politiques), les droits de la deuxième génération (droits économiques, sociaux et culturels) et les droits de la troisième génération (droits de solidarité).

Ainsi, peuvent être considérés comme droits de la première génération, les droits civils et politiques suivants : le droit à la vie ; le droit à la dignité et à la sécurité de la personne ; le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et le droit à la liberté d'expression, le droit à l'information ; le droit de n'être ni torturé, ni arrêté arbitrairement; le droit à la liberté de réunion et d'association ; le droit à l'égalité devant la justice ; le droit de vote; le droit à la propriété privée ; le droit à une nationalité.

Il faut noter que cette conception, d'abord essentiellement individualiste des droits, a évolué avec le temps pour finir par inclure également une dimension collective. C'est l'origine des droits économiques, sociaux et culturels ou droits de la deuxième génération.

Cette deuxième catégorie des droits de l'homme apparaît au XIXème siècle. Elle cherche à intégrer l'égalité socio-économique à la liberté. L'intention est de garantir les conditions sociales et culturelles qui permettront à chacun et à chacune de jouir pleinement de tous ses droits. Doivent donc être appelés droits de deuxième génération, les droits économiques, sociaux et culturels ci-après : le droit au bien-être ; le droit au travail et aux conditions d'emploi justes ; le droit à l'éducation ; le droit à la santé; le droit à la syndicalisation et le droit de grève ; le droit à l'alimentation, etc.

La troisième génération des droits de l'homme se développe à partir des années 1970 en réponse à la situation mondiale de notre époque. Certains auteurs l'appellent droits de la solidarité46(*). Ces droits s'infèrent d'une conception planétaire qui tient compte de l'interdépendance mondiale et du besoin d'établir un nouvel ordre politique et économique international. La solidarité est considérée comme un élément nécessaire à la mise en application du respect de ces droits. Etant donné l'état embryonnaire de leur formulation, on ne trouve pas encore de texte universel qui les énonce dans leur ensemble, comme c'est le cas des deux premières générations des droits. Mais on peut citer comme constituant les droits de la troisième génération : le droit à la paix ; le droit à l'autodétermination des peuples ; le droit des minorités ; le droit au développement ; le droit à un environnement sain et à l'utilisation de ses ressources naturelles ; etc.

Il appert d'indiquer dans le paragraphe qui va suivre, les sources sur lesquelles se fondent les droits de l'homme.

§.2. LES SOURCES DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX

Les sources des droits et libertés fondamentaux ne se limitent pas seulement au droit national (B), elles s'étendent aussi au droit international (A).

A. LES SOURCES INTERNATIONALES DES DROITS DE L'HOMME

Nous aborderons ces sources sous deux angles : universel et régional. Au plan universel, nous mettrons plus l'accent relativement à notre objet d'étude, sur la Déclaration universelle des droits de l'homme et sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Au plan régional par contre, nous analyserons les sources des droits de l'homme selon le système juridique de l'Union Africaine.

En effet, la première source juridique du droit international des droits de l'homme se situe dans la Charte des Nations unies, dont le Préambule proclame « la foi des Nations Unies dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine»47(*) et l'article premier qui évoque « le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »48(*) tous deux complétés par l'article 55 du même instrument qui rappelle « le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »49(*).

Mais, c'est la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948, qui incarne la première phase d'un véritable régime, par le truchement d'une liste contingente des droits, ne proposant donc pas de définition avérée de leur substance (1).

La DUDH va servir de fondation à un plus vaste projet, la Charte internationale des droits de l'homme, un amalgame de trois instruments : la DUDH, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (2) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Toujours au plan international, en plus de la Charte internationale des droits de l'homme, mentionnons les quatre conventions du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) fondant le droit international humanitaire, ainsi que de nombreux traités thématiques à vocation universelle, notamment : la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1966, la Convention de 1979 sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990, etc.

Bien que leurs niveaux de développement et de mise en oeuvre soient encore inégaux à ce jour, quelques initiatives régionales en matière des droits de l'homme existent également50(*). En Europe, nous pouvons citer entre autres sources des droits de l'homme : la Convention européenne des droits de l'homme (1950), la Charte sociale européenne (1989) et la Charte des droits fondamentaux (2000). Dans les Amériques, il y a : la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme (1948), la Convention américaine relative aux droits de l'homme (1969) et le Protocole à cette Convention traitant des droits économiques, sociaux et culturels (1988). En Afrique, pouvons-nous énumérer : la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981) (3) et le Protocole à cette Charte relatif au droit des femmes (2003).

Outre ces sources normatives, il y a également la jurisprudence, la coutume internationale, les principes généraux du droit et la doctrine.

1. La Déclaration universelle des droits de l'homme

Juridiquement, la Déclaration universelle n'est qu'une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU, soit un acte dépourvu de caractère obligatoire, à l'inverse d'un traité international qui oblige les Etats qui le ratifient ou y adhèrent51(*). A l'origine du texte, la Commission des droits de l'homme avait souhaité aboutir rapidement à l'adoption d'un document énonçant les droits de l'homme, ce qui, l'avenir devait en adopter la confirmation, eût été impossible pour un instrument contraignant.

Le Préambule de la Déclaration réaffirme le lien entre la protection de la personne humaine et le maintien de la paix, rappelle que les Etats membres « se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et indique qu'une conception commune de ces droits et libertés est de plus haute importance pour remplir cet engagement.

Mais la Déclaration, comme le souligne Patrick WACHSMANN, est un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives.

Déjà cet instrument juridique international prévoit le droit à la liberté d'expression et le droit à l'information, notamment quand il dispose que « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit »52(*).

2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Nous tenons à examiner cet instrument juridique dans le souci d'asseoir la base de la consécration du droit à la liberté d'expression et du droit à l'information.

En effet, le 16 décembre 1966, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies adopte deux pactes dans sa résolution 2200 A (XXI) : le Pacte international sur les droits civils et politiques et le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Ces deux pactes viennent compléter et renforcer la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques revêt un caractère contraignant plus marqué, ce qu'atteste bien son article 2 quand il indique que « Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions du présent Pacte, les arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux droits reconnus dans le présent Pacte qui ne seraient pas déjà en vigueur»53(*). Le pacte s'attache aussi à encadrer la limitation que les libertés qu'il consacre pourront subir lors de circonstances exceptionnelles.

Le Pacte sous examen consacre effectivement les droits civils et politiques. Il s'agit des droits de l'homme considérés comme les « droits libertés ». Ils impliquent généralement une abstention d'intervention des Etats dans les libertés de chaque personne.

Historiquement, les droits civils et politiques ont permis la reconnaissance de l'individu et de ses libertés, notamment par l'exercice de sa citoyenneté et la protection de son intégrité physique54(*).

Il s'agit entre autres du droit à la vie, de la liberté de pensée, la liberté d'expression55(*), l'interdiction de la torture et de l'esclavage, le droit de vote, etc.

3. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples

La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Charte de Banjul) va plus loin. Elle est le premier texte juridiquement contraignant qui institue des droits collectifs tels que le droit à l'autodétermination des peuples, le droit des peuples à disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, le droit au développement économique, social et culturel ainsi que le droit à un environnement propice. La Charte traite également de droits individuels, tels les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples est l'organe prévu dans la Charte pour promouvoir et protéger les droits définis. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a son siège permanent à Arusha, en Tanzanie.

B. SOURCES INTERNES DES DROITS DE L'HOMME

En droit interne congolais, la Constitution est la source principale des droits de l'homme (1). Au côté de la Constitution, il existe également des lois qui consacrent les droits de l'homme, telles : la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l'exercice de la liberté de presse, la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, la loi n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications, la loi organique n° 11/011 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication.

1. La Constitution de 2006

En dehors de l'article 10 sur la nationalité congolaise, l'ensemble des droits de l'homme sont prévus au titre II relatif aux « Droits humains, libertés fondamentales et devoirs du citoyen et de l'Etat ». Ce titre contient 57 articles (soit de l'article 11 à 67). La quantité est donc considérable mais, manifestement, le nouveau constituant tente d'y intégrer l'ensemble des instruments juridiques tant internationaux que régionaux relatifs aux droits de l'homme.

Il faut brièvement préciser que l'actuelle Constitution contient d'énormes avancées en matière des droits de l'homme, notamment la résolution de la question de la parité homme-femme dans la représentation des femmes au sein des institutions nationales, provinciales et locales (article 14), l'élimination des violences sexuelles utilisées comme arme de déstabilisation ou de dislocation de la famille (article 15), l'accès de manière équitable aux médias audiovisuels et écrits d'Etat à tous les courants politiques et sociaux (article 24), la prohibition de l'abandon et la maltraitance des enfants notamment la pédophilie, les abus sexuels ainsi que l'accusation de sorcellerie (article 14), le droit à un environnement sain et propice (article 53), le droit d'être indemnisé ou de recevoir la compensation en cas de pollution ou de destruction résultant d'une activité économique (article 54), le droit de jouir des richesses nationales (article 58) et du patrimoine commun de l'humanité (article 59), la prolongation des droits dont on ne peut déroger même lorsque l'état de siège ou l'état d'urgence aura été proclamé (article 61), etc.

Examinons dans la section qui va suivre les divers questionnements sur l'accès à Internet.

SECTION II. LE DROIT D'ACCES A INTERNET : NOUVELLE PIERRE ANGULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX ?

Le besoin de communiquer est un des caractères fondamentaux de la nature humaine56(*). Mis à part le langage, premier moyen d'expression, l'homme a développé rapidement d'autres techniques telles que l'écriture, la peinture et la sculpture reconnues comme des moyens d'expression ou de transmission de l'information depuis la préhistoire. Dès l'Antiquité, le théâtre fut considéré comme un miroir tendu à la société. Il pouvait avoir un effet cathartique servant d'exutoire aux passions non autorisées par la morale57(*).

Après le développement de l'imprimerie au XVe siècle, les moyens de communication ne cessent d'évoluer. L'invention du télégraphe marque un tournant dans l'histoire en permettant aux gens de communiquer sur de longues distances. Au XIXe siècle, la radio démocratise la diffusion de l'information à grande échelle. Au XXe siècle, il est possible de recevoir une information imagée et instantanée par le biais du cinéma, de la télévision et d'Internet. Nous pouvons également passer des appels depuis quasiment n'importe quel endroit du monde grâce au développement du réseau de téléphonie mobile.

Aujourd'hui, il existe un ensemble de techniques (en dehors des mots écrits ou prononcés à la radio, à la télévision, sur Internet, dans des livres, des journaux) qui nous permettent de diffuser et faire entendre nos opinions. On pense au dessin, à la chanson, mais il y a aussi les gestes, les tags, les vêtements, les tatouages, les manifestations, les grèves... sans oublier les moyens d'expression extrêmes et tragiques que sont les automutilations et les suicides.

Le monde digital permet à de nombreuses personnes d'accéder à l'information dont elles ont besoin pour défier les autorités et les entreprises. De plus en plus de gens ont la chance d'exprimer ce qu'ils voient et sentent, où qu'ils soient et quoi qu'ils vivent.

Le succès des blogs, des Smartphones et des possibilités ultrarapides de diffusion via les médias sociaux a pour conséquence que les nouvelles ne restent plus à diffusion restreinte. Des citoyens prennent eux-mêmes l'initiative de dénoncer des méfaits. Grâce au journalisme citoyen, des images et des informations sont envoyées aux médias internationaux et cela va souvent de pair avec de l'activisme. En réaction, beaucoup d'autorités prennent des mesures pour étouffer les voix critiques et l'activisme en ligne58(*).

Les méthodes de désinformation ont contribué à faire de l'année 2017 la 7ème année consécutive où la liberté sur Internet est globalement sur le déclin, auxquelles on peut ajouter l'augmentation des perturbations des services d'accès à Internet sur mobile ainsi que le nombre croissant d'attaques physiques et techniques contre des défenseurs des droits de l'homme et médias indépendants59(*).

Un nombre record de gouvernements a restreint les services Internet mobiles pour des motifs politiques ou des raisons de sécurité, souvent dans des régions peuplées par des minorités ethniques ou religieuses. Pour la troisième année consécutive, la Chine est le pire détracteur de la liberté en ligne, suivie par la Syrie et l'Éthiopie.

De ce qui précède, nous tenterons de répondre à la fameuse interrogation de savoir si l'on peut s'accorder à affirmer unanimement que l'accès à Internet constitue de nos jours, un droit fondamental au regard, notamment des liens qu'il entretient avec le droit à la liberté d'expression et d'information. Ce sera l'objet d'étude du premier paragraphe de la présente section.Par la suite, nous présenterons dans le deuxième paragraphe, quelques considérations de l'information en ligne dans une société démocratique, l'accent étant mis sur le contexte électoral qu'a connu la République Démocratique du Congo en cette fin de l'année 2018.

§.1. CONTROVERSES SUR UN « DROIT FONDAMENTAL » D'ACCES A INTERNET

Le débat juridique sur la reconnaissance et la protection d'un « droit d'accès à Internet » fait opposer deux courants. Le premier courant soutient que l'accès à Internet est un droit, voire même un droit fondamental, en ce sens que l'on ne peut le dissocier d'une panoplie d'autres droits et libertés fondamentaux, en l'occurrence, le droit à l'information, le droit à la liberté d'expression, la liberté de réunion, etc. (1). Néanmoins, le second courant, tout en réfutant la reconnaissance (l'existence) d'un droit fondamental d'accès à Internet, s'accorde tout de même sur la protection à garantir aux utilisateurs d'Internet(2).

1. ACCES A INTERNET COMME DROIT FONDAMENTAL

C'est par la France que la question de la reconnaissance de l'accès à Internet comme droit fondamental s'est présentée le plus concrètement, au moment où le gouvernement poussait à l'adoption de la loi « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet », dite « loi Hadopi I ». Cette loi prévoyait de confier à une autorité administrative indépendante le pouvoir d'ordonner la suspension de l'accès à Internet d'un abonné accusé de n'avoir pas pris les mesures suffisantes pour empêcher la mise à disposition du public d'oeuvres contrefaites. Par crainte que le modèle français ne fasse tache d'huile, le Parlement européen s'était emparé du sujet pour tenter d'y faire obstacle au nom des droits fondamentaux. Avant l'adoption de la loi française, un amendement aux directives « Paquet Télécom » fut donc adopté en 2008 à une très large majorité60(*) en première lecture, qui imposait qu' :

« aucune restriction ne [puisse] être imposée aux droits et libertés fondamentauxdes utilisateurs finaux [d'Internet] sans décision préalable des autorités judiciaires,notamment conformément à l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Unioneuropéenne concernant la liberté d'expression et d'information, sauf lorsque la sécuritépublique est menacée, auquel cas la décision peut intervenir ultérieurement »61(*).

La France rejeta publiquement l'interprétation selon laquelle l'amendement s'opposait aux sanctions administratives de coupure de l'accès à Internet prévues par son projet de loi Hadopi, mais oeuvrait tout de même en coulisses pour qu'il soit réécrit dans des termes plus permissifs. Un an plus tard lors de l'adoption définitive du Paquet Télécom révisé, le texte fut effectivement édulcoré, mais disposait toujours que :

« les mesures nationales relatives à l'accès desutilisateurs finaux aux services et applications, et à leur utilisation, via les réseaux decommunications électroniques [doivent respecter] les libertés et droits fondamentaux despersonnes physiques, y compris eu égard à la vie privée et au droit à un procès équitable, telqu'il figure à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertés fondamentales »62(*).

Sans aller jusqu'à reconnaître un « droit à » qui générerait une obligation positive de fournir l'accès à Internet, les États ont donc au minimum l'obligation de garantir la liberté d'accéder à Internet en tant que « facilitateur » de l'exercice des droits de l'homme.

Dans sa décision du 10 juin 200963(*), le Conseil constitutionnel français a créé un nouveau droit-liberté : le droit d'accès à Internet. L'accès à Internet devient ainsi, en lui-même, un droit-liberté, en empruntant par capillarité la nature de son tuteur, la liberté d'expression64(*). Certes, le droit d'accès à Internet est donc nécessairement dépendant tant de la liberté d'expression que de l'état technologique.

C'est pourquoi, comme le relève LAURE MARINO dans son commentaire sur la décision du Conseil constitutionnel : « le Conseil tient compte de l'état actuel des moyens de communication et a égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées »65(*). Dans son pouvoir créateur de normes, le Conseil accompagne ainsi l'évolution des modes d'exercice de la liberté d'expression.

Ici, souligne LAURE MARINO, la nouveauté réside notamment dans l'interactivité du média, car l'internaute est aussi bien récepteur qu'émetteur (que l'on songe aux e-mails, aux blogs ou aux réseaux sociaux du web 2.0). L'internaute bénéficie donc du « droit de s'exprimer et de communiquer librement »66(*). De façon inédite, les deux dimensions, active et passive de la liberté d'expression sont ainsi protégées d'un même élan.

A la Cour Européenne des droits de l'homme de souligner dans son arrêt du 1er décembre 2015 que « l'Internet est aujourd'hui devenu l'un des principaux moyens d'exercice par les individus de leur droit à la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées : on y trouve des outils essentiels de participation aux activités et débats relatifs à des questions politiques ou d'intérêt public »67(*). Par ailleurs, en ce qui concerne l'importance des sites Internet dans l'exercice de la liberté d'expression, grâce à leur accessibilité ainsi qu'à leur capacité à conserver et à diffuser de grandes quantités de données, les sites Internet contribuent grandement à améliorer l'accès du public à l'actualité et, de manière générale, à faciliter la communication de l'information. La possibilité pour les individus de s'exprimer sur Internet constitue un outil sans précédent d'exercice de la liberté d'expression.

Plus tard, en juin 2016, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies à travers le Conseil des droits de l'homme a adopté une résolution portant sur la promotion, la protection et l'exercice des droits de l'homme sur Internet. Il y est noté que l'exercice des droits de l'homme sur Internet, en particulier du droit à la liberté d'expression, est une question dont l'intérêt et l'importance vont croissants à mesure que la rapidité de l'évolution technologique permet aux personnes d'utiliser les nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le monde entier.

Qui plus est, le respect de la vie privée en ligne est important pour la réalisation du droit à la liberté d'expression, du droit de ne pas être inquiété pour ses opinions, et du droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques, souligne la Résolution. Ce faisant, le Conseil des droits de l'homme affirme que les mêmes droits dont les personnes disposent hors ligne doivent être aussi protégés en ligne, en particulier la liberté d'expression, qui est applicable indépendamment des frontières et quel que soit le média que l'on choisisse, conformément aux articles 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques68(*).

Au niveau du continent africain, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples réunie en sa 32e session ordinaire à Banjul (Gambie) du 17 au 23 octobre 2002 a procédé à l'adoption de la Résolution CADHP/Rés.62 (XXXII) 02 relative à la Déclaration des principes sur la liberté d'expression en Afrique, qu'elle l'a d'ailleurs recommandée aux Etats africains69(*). Cette Résolution a été révisée en 2016 par la Résolution CADHP/RES.350 (EXT.OS/XX) 2016 lors de la 20e session extraordinaire qui s'était tenue du 9 au 18 juin 2016, à Banjul, en République islamique de Gambie.

Par ailleurs, c'est à travers sa Résolution CADHP/Rés.362 (LIX) 2016 sur le droit à la liberté d'information et d'expression sur Internet en Afrique que la Commission engage les États parties à respecter et à prendre des mesures législatives et autres pour garantir, respecter et protéger le droit des citoyens à la liberté d'information et d'expression par l'accès aux services de l'Internet70(*).

En République Démocratique du Congo, notre pays, cette question est à appréhender avec prudence, parce que, un droit d'accès à Internet n'est consacré par aucun des instruments juridiques nationaux. Il faudra donc vérifier si la RDC ne s'inscrit pas dans le courant que nous allons examiner dans le point qui suit.

2. L'ACCES A INTERNET COMME MOYEN DE CONCRETISATION DES DROITS DE L'HOMME

Internet forme sans doute l'innovation la plus importante de la fin du XXe siècle, du fait de ses incidences sur les mécanismes économiques, mais aussi de ses interférences avec le fonctionnement social. Il est un instrument privilégié pour la défense des droits fondamentaux de la personne humaine. Aujourd'hui, avec Internet et la téléphonie mobile, il est possible de faire connaître instantanément et dans le monde entier, une violation des droits de l'Homme commise en un endroit particulier de la planète. C'est une avancée considérable71(*).

Nul besoin de rappeler ici qu'Internet est un terme utilisé de façon de plus en plus large pour désigner les réseaux et ce qu'ils supportent en termes de services et d'applications, qui recourent au même protocole, IP72(*). Cette réalité est fréquemment désignée également sous le nom de web, ou toile, bien qu'à l'origine cette dernière appellation désigne un ensemble d'applications structurées autour des liens hypertextes, qui ne forment qu'une des applications disponibles sur Internet. Ces différentes appellations caractérisent la révolution apportée par la communication électronique généralisée de données de toute nature sur cet ensemble des réseaux, mondial et géant, mais régi uniquement par le protocole IP.

Par rapport à l'arrêt du Conseil Constitutionnel français évoqué précédemment qui considère l'accès à Internet comme un droit fondamental, Michaël BARDIN s'inscrit en faux en ce que si « les juges, par cette décision confirment bien qu'il est nécessaire de reconnaître l'importance contemporaine du droit d'accès à Internet (...), pour autant, le droit d'accès à Internet n'est ni un droit de l'homme ni un droit fondamental en lui-même »73(*).

Il ajoute également qu'Internet n'est et n'existe que comme moyen de concrétisation de la liberté d'expression et de communication. De surcroît, l'Internet vient prendre sa juste place dans les moyens déjà connus et protégés que sont : la presse, la radio ou encore la télévision.

En s'en tenant aux différentes Résolutions mentionnées ci-haut, que ce soit au sein de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies ou au sein de la Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples, l'on ne s'aviserait pas à affirmer que l'accès à Internet est un droit, voire un droit fondamental, en se fondant sur ces dites Résolutions. La nature d'une Résolution est discutable. En effet, une Résolution est une décision dépourvue de valeur juridique contraignante, elle ne lie donc pas les Etats (exception faite de la Résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU).

Il convient tout de même de distinguer les dimensions physique et virtuelle d'Internet. Concernant la dimension physique d'Internet (infrastructures), l'application de normes préexistantes de droit international demeure un processus logique puisque rattachable à des sujets de droit international (par exemple, le droit international des télécommunications ; le droit de la mer pour les câbles sous-marins ; le droit de l'espace extra-atmosphérique pour les satellites réseau ; le droit de l'environnement ; etc.).

En revanche, au sujet de la dimension immatérielle ou virtuelle d'Internet, le droit international intervient principalement pour assurer la protection des droits fondamentaux des utilisateurs, le plus souvent, mais pas systématiquement, en étendant le champ d'application des textes préexistants, moyennant une interprétation dynamique du texte opérée par certaines juridictions internationales.

En réalité, relève Marie BASTIAN, l'analogie qui puisse être tirée de la liberté d'expression et du droit à l'information « n'est sans doute pas toujours suffisante et adéquate s'agissant de la dimension virtuelle »74(*). La globalisation à la fois économique et technologique crée des lieux de rencontre à l'échelle mondiale où de nouveaux liens unissent sur certains plans mais désunissent et fragmentent sur d'autres. Une menace plane ainsi sur le droit qui revêt dès lors un caractère ambigu et incertain.

En ce qui concerne le droit positif interne congolais, nul texte ne prévoit et ne traite spécifiquement du droit fondamental d'accès à Internet. De même, aucun mécanisme de protection n'est aménagé lorsque l'accès à Internet est vicié, restreint ou bloqué. Or, comme le souligne Louis FAVOREU, un droit fondamental est comme tel lorsqu'il est reconnu aux personnes physiques comme aux personnes morales de droit privé et de droit public en vertu de la Constitution, mais aussi des textes internationaux et protégé tant contre le pouvoir exécutif que contre le pouvoir législatif par le juge constitutionnel ou le juge international75(*).

Cependant, la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications et la loi n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications sont les principales lois ayant une incidence sur les libertés sur Internet en RDC, car elles contiennent diverses dispositions sur la vie privée en ligne, la protection des données et la surveillance, etc.Par exemple, l'article 52 de la loi-cadre sur les Télécommunications prévoit la confidentialité de tout email envoyé au travers des services des télécommunications. Cette confidentialité ne peut être violée que par l'autorité publique, lorsque cela est nécessaire pour l'intérêt public tel que décrit dans la loi. C'est encore la même loi-cadre qui prévoit un contrôle judiciaire dans la conduite de la surveillance des communications. En conséquence, le Procureur général doit nommer un magistrat qui, à son tour, approuve un agent qualifié pour procéder à l'interception. Le magistrat doit détailler les procédures de chaque interception et soumettre le rapport au procureur général. Selon les articles 59 à 60, dans des circonstances exceptionnelles, le Ministre de l'intérieur peut accorder l'autorisation d'interception sur proposition écrite du Ministre de la Défense et du Chef des services de renseignement. Outre la collecte de renseignements sur la sécurité nationale, l'interception peut également être autorisée en vue de protéger les éléments essentiels du potentiel scientifique, économique et culturel de la RDC76(*).

De ce constat, on serait pressé d'affirmer que dans notre droit interne, l'accès à Internet n'est pas un droit fondamental en tant que tel, mais que l'Internetconstitue juste un outil et un espace de concrétisation des droits et libertés fondamentaux. Cette approche permettrait donc d'appuyer l'école de ceux qui réfutent l'existence d'un droit fondamental d'accès à Internet pour deux principales raisons : l'absence de textes (universels, régionaux ou nationaux) juridiquement contraignants qui reconnaissent pareil droit fondamental ; l'absence de mécanismes juridictionnels de protection spécifiquement aménagés quant à ce. Néanmoins, il importe de mentionner que, d'une partle droit d'accès à Internet constitue une sorte de droit fondamental en gestation, en tant qu'annexé à celui de la liberté d'expression et de communication et d'autre part qu'il bénéficie d'une reconnaissance institutionnelle variée faisant ainsi apparaître l'approche territorialisée de son intégration77(*). C'est ainsi que, dans le cas de la République Démocratique du Congo, l'interprétation de l'article 24 de la Constitution dans la phrase : « ... ou tout autre moyen de communication... », permetde déduire que le droit d'accès à Internet est inclus dans celui de la liberté d'expression et d'information ; et que par conséquent,il bénéficie de la même protection que ses pairs qui sont par essence des droits fondamentaux.

Ceci étant, les individus peuvent doncs'attendre au respect de leur droit fondamental d'accéder sans entrave à l'Internet et l'Etat congolais a le devoir de veiller à cela.C'est à ce niveau que se manifeste le bien-fondé de toutes les Résolutions auxquelles nous avons fait allusion précédemment, simplement parce qu'elles tendent à décourager la pratique récurrente des Etats, qui consiste à censurer Internet au moment où celui-ci est un outil à la fois efficace et privilégié pour l'exercice des libertés fondamentales.C'est la raison pour laquelle, l'étude des conditions de limitation des droits de l'homme s'avère importante.

§.2. APERCU SUR L'EXERCICE DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION SUR INTERNET EN RDC

Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) changent rapidement la nature des interactions sociales et politiques à travers le monde. La République démocratique du Congo, le deuxième plus grand pays d'Afrique avec une population de près de 79 millions d'habitants, adopte lentement l'utilisation des TIC, bien que la plupart des lois et législations régissant les communications numériques soient en brouillon78(*). Ce qui est inquiétant, ce que le pays continue également à enregistrer des violations croissantes des libertés sur Internet pendant que le nombre d'utilisateurs des TIC augmente. Il y a cinq principaux opérateurs de télécommunications offrant des services d'appels et des données : Vodacom RDC, Airtel RDC, Orange RDC, Africel RDC et Standard Telecom, dont la plupart d'entre eux fournissent l'accès à la connectivité 3G et 4G également79(*).

Le Congo n'a pas encore créé de fonds pour l'accès universel aux TIC. En 2014, la RDC a lancé la cinquième phase du Projet Backbone Centrafricain (CAB5) avec le soutien de la Banque Mondiale pour accroître la connectivité et faciliter une économie numérique plus inclusive. L'objectif de développement de cette phase du programme CAB5 est d'accroître la portée et l'utilisation géographique de l'infrastructure à large bande régionale et de réduire le prix des services pour permettre un accès plus large aux services TIC.

L'Agence Nationale des Renseignements (ANR) est considérée comme une menace pour la liberté de la presse80(*). Selon l'indice mondial de la liberté de la presse de 2016, le Congo se classait 152ème sur 180 pays81(*). En 2015, 72 attaques documentées contre la liberté de la presse incluaient la détention et le harcèlement de journalistes, entravant la libre circulation de l'information, la fermeture des maisons de presse, la censure de la presse et la coupure de l'Internet. Cette répression des médias a été critiquée par les organes des droits de l'homme.

Par exemple, en Février 2016, la Coalition pour le respect de la constitution, un réseau de 33 organisations congolaises de défense de la démocratie et des droits de l'homme, s'est déclarée préoccupée par les attaques fréquentes contre les médias et les défenseurs des droits humains.

Suite à la répression médiatique, certains journalistes et maisons de presse pratiquent l'autocensure et s'abstiennent souvent de publier des informations qu'ils jugent sensibles. Beaucoup de maisons de presse sont la propriété de politiciens, ce qui nuit également à leur indépendance. Dans certaines circonstances, des acteurs des médias attendent que les médias internationaux publient des articles critiques sur l'action du gouvernement, ainsi, ils les recueillent, les publient et font référence à ces médias internationaux comme source de l'histoire. Relativement, les citoyens et les groupes de défense des droits humains jouissent plus de leur liberté d'expression en ligne (sur Internet) que sur les médias traditionnels. En tant que tel, les journalistes qui pratiquent l'autocensure au sein de leurs organes de presse sur le contenu jugé trop controversé pour être publié, se tournent souvent vers les blogs, les groupes Facebook et WhatsApp pour partager leurs points de vue souvent anonymement. Ceux qui parlent en ligne sous leur véritable identité se gardent bien d'être accusés d'avoir «insulté le président» ou d'avoir «incité les gens à la désobéissance civile».

Les agences gouvernementales qui peuvent «légalement»surveiller les communications des citoyens comprennent l'Agence Nationale de renseignement (ANR), créée en vertu du décret 003-2003, ayant pour mandat de rechercher, de centraliser, d'interpréter, d'utiliser et de diffuser des informations politiques, diplomatiques, stratégiques, culturelles, scientifiques et d'autres informations intéressantes sur la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat; Détection militaire des activités anti-patrie (DEMIAP) qui est le service de renseignement militaire qui a été utilisé pour réprimer l'opposition et le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC) créé en vertu de l'article 212 de la Constitution en charge de la réglementation des médias.

Des coupures d'Internet ont eu lieu lors d'événements majeurs comme les élections et les manifestations de masse, alors que la surveillance active du contenu des messages des citoyens et l'intimidation de ceux qui expriment des opinions contraires aux vues gouvernementales sont également courantes. En RDC, les élections ont souvent été marquées par un accroissement significatif des violations des droits de l'Homme et par la restriction de l'espace démocratique82(*). La présente période électorale ne fait malheureusement pas exception à ce constat. La question du calendrier électoral pour les élections à venir a accru les tensions politiques et sociales et s'est accompagnée d'un durcissement de l'autorité face à ses opposants et à toute voix considérée comme dissidente, notamment les défenseurs des droits humains. En particulier, menaces, arrestations, détentions arbitraires, poursuites judiciaires abusives à l'encontre des défenseurs se sont multipliées depuis janvier 2015, après l'adoption par l'Assemblée nationale le 17 janvier, d'un projet de loi modifiant et complétant la loi électorale. Ce projet posait la condition d'un recensement national avant l'organisation des élections présidentielles et législatives prévues en 2016. Un tel recensement, manifestement impossible à organiser avant les échéances électorales, retardait le processus électoral dans son ensemble et permettait de fait au président de rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat prévu le 19 décembre 2016.

La contestation de cette proposition de loi a entrainé une série de manifestations dans tout le pays, défenseurs, citoyens et opposition politique réclamant l'alternance démocratique. Ces manifestations ont été fréquemment interdites et/ou réprimées de manière excessive par la police, l'armée et les services de renseignements qui ont également multiplié les arrestations de manifestants, d'opposants politiques et de défenseurs pacifiques, marquant ainsi le début d'une restriction alarmante des libertés publiques. L'apaisement espéré suite à la signature de l'accord du 31 décembre 2016 dit de la Saint-Sylvestre, nouvel accord politique pour régir la période de transition jusqu'à la tenue des élections, n'a malheureusement pas eu lieu, en raison notamment de la division entre majorité et opposition s'agissant des arrangements particuliers, visant la mise en oeuvre concrète dudit accord et la gestion de la transition jusqu'à la tenue des élections repoussées à la fin 2017. Après de nombreux achoppements, lesdits arrangements ont finalement été signés le 27 avril 2017 sans la participation d'une frange importante de l'opposition qui accusait la majorité présidentielle d'avoir purement et simplement fait fi de l'accord de la Saint-Sylvestre.

Dans ce contexte très tendu, le rétrécissement de l'espace démocratique et la multiplication des attaques contre les défenseurs, observés dès le début de l'année 2015, se sont poursuivis en 2017. Ainsi, entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2017, le Bureau Conjoint des Nations unies aux Droits de l'Homme en RDC (BCNUDH) a dénombré 1.958 violations des droits de l'Homme en lien avec les restrictions de l'espace démocratique ; dont 596 violations depuis le début de l'année 2017. Les violations les plus rapportées sont les atteintes au droit à la liberté et à la sécurité de la personne et à la liberté d'opinion et d'expression. Les membres de partis politiques, d'organisations de la société civile et les journalistes et autres professionnels des médias comptent parmi les principales victimes de ces violations.

La liberté de la presse et le droit à l'information ont subi des restrictions. Le nombre de visas et d'accréditations délivrés aux correspondants étrangers a considérablement diminué. Au moins un journaliste, belge, a été expulsé du pays, en septembre ; deux autres journalistes, une Française et un Américain, n'ont pas réussi à obtenir la reconduction de leur accréditation, en juin et en août respectivement. Dans au moins 15 cas, des journalistes congolais et étrangers ont été victimes d'intimidations, de harcèlement ainsi que d'arrestation et de détention arbitraires alors qu'ils faisaient leur travail. Très souvent, leur équipement a été confisqué ou ils ont été contraints d'effacer des données qu'ils avaient enregistrées. Le ministre de la Communication a pris en juillet un décret instaurant une nouvelle réglementation qui oblige les correspondants étrangers à obtenir du ministère l'autorisation de voyager hors de la capitale, Kinshasa83(*).

En août, la veille d'une manifestation de deux jours organisée par l'opposition, qui appelait les gens dans tout le pays à rester chez eux pour réclamer la publication d'un calendrier électoral, l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo a ordonné aux entreprises de télécommunication de restreindre considérablement toutes les communications et activités sur les réseaux sociaux.

La période électorale de Décembre 2018 en République Démocratique du Congo n'a pas été sans incidence sur les droits de l'homme. L'accent dans la présente étude est mis sur l'effectivité de l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information.

L'indice de démocratie publié par le service de renseignement de l'Economist Intelligent Unit (EIU), classe comme autoritaires tous les pays africains qui ont coupé Internet cette année (en 2018). La RDC figure aussi sur cette liste.En effet, sur les 22 pays africains où les coupures d'Internet ont été enregistrées au cours des cinq dernières années, 77% disposent de régimes autoritaires, tandis que 23% sont classés comme hybrides. Notons que « autoritaire » est la catégorie sur l'indice de démocratie, suivie par la catégorie « hybride », en référence à des pays qui manifestent certains éléments de la démocratie et de fortes doses d'autoritarisme en même temps84(*).

Les Prédateurs des libertés sur Internet sont également les prédateurs de la liberté de la presse. Les pays qui ont ordonné des coupures d'Internet sont parmi les derniers au Classement mondial de la liberté de la presse en Afrique pour 2018.On peut citer l'Algérie, le Congo-Brazzaville, le Burundi, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, la République Démocratique du Congo, l'Ethiopie, la Guinée équatoriale, le Gabon, la Gambie, le Mali, l'Ouganda et le Zimbabwe.

CHAPITRE II. LES CONDITIONS GENERALES EN MATIERE DE LIMITATION DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION

Les restrictions à accéder à Internet présentent des répercussions non négligeables sur l'exercice des droits de l'homme. C'est justement là que surgit la capillarité du droit à l'information et à la liberté d'expression avec l'accès à Internet. Cette capillarité se justifierait par le souci de rendre effectifs ces dits droits.Dans le cas de la RDC, en cette période électorale, les enjeux étaient majeurs non seulement pour le Gouvernement (veiller à la tranquillité et la sécurité dans la passation des votes), mais également pour les citoyens (accéder à l'information et partager cette information). Il se remarque de ce qui précède une juxtaposition des intérêts.

Alors que, pour le Gouvernement, le bon déroulement de ces élections était synonyme de sacrifier les attentes des citoyens, comme avait déclaré le Ministre LAMBERT MENDE, Porte-parole du Gouvernement lors d'un point de presse85(*), notamment par la prise de certaines mesures comme : la coupure d'Internet, SMS, etc. Les citoyens de leur côté ne s'attendaient qu'à user et jouir pleinement de leurs droits (conséquence de leur autonomie).

Nul besoin de rappeler ici que le droit à l'information et à la liberté d'expression sont des droits conditionnels, et donc sujets à limitation. Ces limitations sont énoncées au paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces dernières feront l'objet d'étude de la deuxième section du présent chapitre.

Tout en prenant en considération les particularités liées aux restrictions imposées à l'accès à Internet, certains mécanismes alternatifs pourront être suggérés en vue de pallier à la pratique récurrente de la coupure totale du réseau Internet.

Mais bien avant cela, dans la première section de ce chapitre, l'accent sera mis sur les obligations qui incombent à l'Etat en matière des droits de l'homme afin de se rendre compte d'une part de l'effectivité de ces droits et d'autre part, des ingérences autorisées ou non de la part de l'Etat congolais.

SECTION I. LUMIERE SUR LES OBLIGATIONS DE L'ETAT EN MATIERE DES DROITS DE L'HOMME : SOUCI DE L'EFFECTIVITE DES DROITS DE L'HOMME

Avant que les obligations de l'Etat en matière des droits de l'homme ne soient mises en éclat dans le second paragraphe (§.2), l'objectif recherché dans le premier paragraphe est sans doute, de se pencher à l'étude de l'effectivité des droits de l'homme (§.1).

§.1. DE L'EFFECTIVITE DES DROITS DE L'HOMME

La notion d'effectivité est complexe86(*). On la trouve, par exemple, souvent utilisée de manière interchangeable avec la notion d'efficacité ou parfois avec la notion économique d'efficience.

L'effectivité désigne la qualité de ce qui est effectif, c'est-à-dire entièrement réalisé ou mis en oeuvre87(*). Par opposition, l'efficacité se réfère au pouvoir ou à la capacité de produire un résultat donné. Ce n'est que si ce résultat est produit, qu'on pourra dire que le comportement qui l'a produit était efficace.

Pour Jean SALMON, l'effectivité est le caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une situation juridique qui correspond à la réalité, d'une compétence qui s'exerce réellement. Elle produit des effets en droit, dans les conditions prévues dans l'ordre juridique international lui-même et joue, en conséquence, un rôle dans des nombreuses institutions de droit international88(*). Enfin, pour reprendre Gérard CORNU, l'effectivité est le caractère d'une règle de droit qui produit l'effet voulu, qui est appliquée réellement89(*).

Un droit de l'homme est donc effectif lorsqu'il est entièrement mis en oeuvre ou réalisé. L'effectivité des droits de l'homme fait ainsi référence à leur réalisation complète. Elle désigne un état de fait, une réalité ou un statut qui peut être décrit.

L'effectivité des droits de l'homme est considérée par certains auteurs comme une condition de leur existence. Ces auteurs peuvent être regroupés dans une mouvance que l'on appelle couramment l'approche des « droits-manifeste »90(*).

Selon cette notion, un droit-manifeste n'est pas un vrai droit auquel correspondraient des obligations, mais un simple manifeste de la pauvreté et du besoin de certaines personnes et constitue, par conséquent, tout au plus une aspiration. Un droit de l'homme n'est qu'un droit-manifeste, selon ces auteurs, lorsqu'il manque d'effectivité. Ce manque d'effectivité ou de réalisation entière du droit peut avoir plusieurs causes dont l'absence d'obligations déterminées ou de destinataire déterminé de ces obligations ou encore l'absence de possibilité de mettre ces obligations en oeuvre. C'est surtout en relation aux droits sociaux que la notion s'est développée : ces droits sont en effet souvent difficiles à mettre en oeuvre, car leurs obligations ou porteurs d'obligations sont indéterminés et leur mise en oeuvre coûteuse.

En bref, le défi des droits-manifeste peut être exprimé comme suit : l'existence des droits de l'homme en tant que droits moraux et légaux dépend de leur pleine réalisation juridique et institutionnelle et donc de leur effectivité.

De ce qui précède, s'agissant de la situation qui a caractérisé notre pays, la RDC, durant la période électorale de fin décembre 2018, en prenant notamment en considération la coupure totale d'Internet et d'autres moyens de communication, tels les SMS, précisément à partir du 31 décembre 2018 jusqu'au 19 janvier 2019, soit 20 jours de « shutdown » numérique, l'on s'aviserait d'affirmer bien évidemment que le droit à la liberté d'expression et le droit à l'information ont été viciés et ce faisant, non effectifs.

Mais, ce manque d'effectivité peut-il être considéré comme constitutif de violation à l'égard de l'Etat congolais ? Indubitablement, cette question conduit à l'examen des obligations qui incombent à l'Etat congolais en matière des droits de l'homme.

§.2 LES OBLIGATIONS DE L'ETAT EN MATIERE DES DROITS DE L'HOMME

Si la vocation des instruments internationaux de protection de la personne humaine est avant tout d'énoncer des droits, cette protection est fonction, outre des mécanismes de garantie mis en place, des obligations incombant aux Etats parties. Il n'est dès lors pas surprenant que les organes internationaux de contrôle portent une attention particulière à leur identification, à leur délimitation et leur portée. On peut même soutenir que cette attention est plus vive dans le domaine des droits de l'homme, eu égard aux principes qui prévalent ici, au premier rang desquels figure le principe d'effectivité91(*). Celui-ci commande en effet d'interpréter les engagements pris dans le sens le plus protecteur de la personne. Il impose aussi, s'agissant des obligations, d'interpréter les conventions pertinentes à la lumière des évolutions sociales. D'où le caractère progressiste de la jurisprudence en la matière.

Chaque droit a un titulaire et un garant ; de même, chaque droit, qui peut être revendiqué par son titulaire, s'accompagne aussi d'une obligation pour le garant. Le titulaire des droits de l'homme est la personne humaine, alors que le garant de ces droits est l'Etat.

Pour définir l'étendue et la portée des engagements des Etats, diverses voies sont empruntées par les organes de contrôle. L'une des plus intéressantes consiste à considérer que chaque droit peut impliquer trois sortes d'obligations : l'obligation de respecter92(*), l'obligation de protéger93(*)et l'obligation de mettre en oeuvre94(*).

En effet, l'obligation de respecter impose aux organes et agents de l'Etat de ne pas commettre eux-mêmes de violation. Mieux encore, elle implique le respect des droits de l'homme par l'Etat. Par respect, on entend l'obligation pour l'Etat de s'abstenir d'interférer de manière injustifiée dans les droits de l'homme. Il s'agit d'une obligation négative et ne requiert aucune action positive de l'Etat. Cela signifie pour l'individu qu'il peut se défendre contre les ingérences dans ses droits commises par l'Etat. Ce droit de défense ou l'obligation de respecter s'y rapportant ne s'applique, en règle générale, pas de manière absolue. Il existe, en effet, dans certains cas, des raisons légitimes à une restriction des droits et libertés fondamentaux par l'Etat. L'étude de ces restrictions, surtout celles qui se rapportent à la liberté d'expression et d'information, sera consacrée à la section qui va suivre.

Le deuxième type d'obligation est celui qui consiste pour l'Etat à protéger les droits de l'homme contre les abus des tiers, qui peuvent être soit des personnes physiques ou morales, soit des acteurs étatiques ou non étatiques, comme les entreprises ou les associations. L'obligation de protéger peut être de nature préventive ou réparatrice. L'Etat est obligé de prendre les précautions nécessaires pour prévenir un risque avéré d'atteinte aux droits de l'homme par un tiers95(*). Et si un droit devait être finalement violé, l'Etat doit veiller à ce qu'une réparation soit obtenue. Bref, l'obligation de protéger, exige de l'Etat qu'il protège les titulaires des droits contre les atteintes émanant des tiers et qu'il en réprime les auteurs.

In fine, le troisième niveau d'obligation de l'Etat consiste à garantir que les droits de l'homme puissent être effectifs en pratique96(*). Cela signifie que l'Etat est obligé de créer les conditions nécessaires à la jouissance réelle d'une garantie des droits de l'homme. Qui plus est, l'Etat doit prendre des mesures pour établir les bases légales, institutionnelles ou procédurales pour une réalisation complète du droit en question. Cette obligation implique un comportement actif de l'Etat et s'adresse le plus souvent au législateur. L'Etat doit, par exemple, mettre au point une législation prévoyant un système scolaire sans lequel le droit à l'éducation n'aurait aucun sens ; selon les cas et le droit en question, l'Etat doit fournir certaines prestations monétaires ou en nature, etc. L'obligation de mettre en oeuvre appelle donc, l'adoption des mesures positives propres à donner pleine concrétisation et plein effet aux droits de l'homme.

Nonobstant la consécration de toutes ces obligations par les instruments juridiques de protection des droits de l'homme et leur respect par l'Etat, certains des droits de l'homme demeurent sujets à limitation. Cependant, ces limitations doivent répondre à des conditions légitimes prévues par les instruments juridiques, à l'instar du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à son article 19 paragraphe 3.

SECTION II. ANALYSE DES CONDITIONS DE LIMITATION SELON L'ARTICLE 19 DU PIDCP

Certains droits sont affectés d'un certain coefficient de relativité97(*). Cette relativité peut tenir à des causes diverses. La première est qu'en toute hypothèse, ces droits peuvent connaitre des dérogations en périodes exceptionnelles. La seconde tient à ce que certains des droits reconnus sont susceptibles, même en période normale, de connaitre des limitations dont les traités qui les prévoient, s'emploient à régler l'ampleur.

Ces limitations expliquent donc l'ingérence del'Etat dans les droits et libertés des citoyens. En ce sens, la Cour européenne des droits de l'homme souligne que, pour être admissible, cette ingérence est subordonnée à une triple condition :

· Elle doit être prévue par la loi ;

· Elle doit viser un but légitime, et

· Elle doit présenter un caractère de nécessité dans une société démocratique.

Dans cette section, nous n'allons pas examiner les conditions consacrées à l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques se rapportant respectivement aux circonstances exceptionnelles, mais plutôt celles de l'article 19 du même Pacte qui s'appliquent en période normale.

L'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques se libelle comme suit98(*) :

« 1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

2. Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

3. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:

a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;

b) À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. »

Il découle de ces dispositions que les restrictions doivent être expressément prévues par la loi (§.1) et qu'elles doivent être nécessaires (§.2). Après avoir démontré l'inefficacité des mesures de coupure totale d'Internet, quelques suggestions pourront être formulées en vue de pallier à la pratique récurrente qui caractérise nombre des Etats en général, et la RDC en particulier (§.3).

§.1 LES RESTRICTIONS DOIVENT ETRE EXPRESSEMENT PREVUES PAR LA LOI

L'exercice des droits de l'homme ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par une loi nationale d'application générale qui est compatible avec le Pacte et en vigueur au moment où la restriction est appliquée. Les lois qui imposent des restrictions à l'exercice des droits de l'homme ne doivent être ni arbitraires ni déraisonnables. Les règles juridiques restreignant l'exercice des droits de l'homme doivent être claires et accessibles à tous. De surcroit, des garanties adéquates et des recours utiles doivent être prévus par la loi contre l'introduction ou l'application, illégale ou abusive de restrictions aux droits de l'homme.

En revanche, des objections restent à éclaircir quant à l'appréhension du terme « loi ». D'où, l'intérêt de passer en revue les différentes conceptions de la loi.

A. Diverses conceptions de la Loi : Lato sensu Versus Stricto sensu

En matière de limitation des droits et libertés fondamentaux, certains militent pour la conception restreinte de la loi, alors que d'autres pour la conception élargie.

- Compétences partagées en matière de limitation : Conséquence de la conception élargie de la loi

La Cour européenne des droits de l'homme a une conception singulièrement extensive de la notion de « loi », qu'elle entend dans son acception matérielle et non formelle. Dans un sens couvert par le droit écrit, la « loi » désigne le texte en vigueur tel que les juridictions compétentes l'ont interprété en ayant égard, au besoin, à des données techniques nouvelles99(*).

Ainsi,pour la Cour européenne des droits de l'homme, la « loi matérielle » est l'ensemble du droit en vigueur, qu'il soit législatif, réglementaire ou jurisprudentiel. Un acte administratif peut ainsi fournir une base légale à une ingérence.

Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme insiste surla qualité de la mesure légale qui, en vertu de sa jurisprudence traditionnelle (arrêt Sunday Times, du 26 avril 1979, § 49 et 50, GACEDH, n° 49)dégage les caractères que doit présenter ladite mesure :

L'accessibilité aux citoyens : ce critère implique que la mesure fasse l'objet de publication, notamment au Journal officiel ;

La précision et la prévisibilité dans ses conséquences :cela suppose que la mesure doive définir avec une précision suffisante les conditions et modalités de la limitation au droit, afin de permettre au citoyen de régler sa conduite et de bénéficier d'une protection adéquate contre l'arbitraire100(*).

C'est dans cette conception que s'inscrivent les deux mesures prises respectivement par l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications en date du 24 décembre 2018 et du Ministère des postes, télécommunications et nouvelles technologies de l'information et de la communication en date du 31 décembre 2018. En revanche, toutes ces deux mesuresn'ont fait l'objet de publication.

Comme l'a mis en évidence Jean RIVERO, la détermination des limites aux droits fondamentaux est liée à la définition de leurs statuts juridiques101(*). Au sens strict, les droits fondamentaux se définissent comme des permissions d'agir, dans la mesure où ils autorisent certains comportements humains, y compris lorsqu'ils sont formulés négativement102(*).

Conformément à l'article 122 de notre Constitution et à chaque disposition relative à un droit ou une liberté, le législateur est habilité à déterminer leurs conditions d'exercice. Il précise les exigences de l'ordre public nécessaires à la vie en société, en les traduisant en règles juridiques. Il revient donc au législateur de définir les permissions garanties aux bénéficiaires, mais aussi les interdictions et les obligations qui s'imposent à eux. Concrétiser l'ordre public implique ainsi, pour le législateur, de déterminer des limites aux droits et libertés garantis.

D'après la définition retenue dans cette étude, les limites désignent des prescriptions juridiques ayant pour objet de restreindre la portée ou l'exercice d'un droit ou d'une liberté garanti103(*). Leur appréhension est indispensable puisque modifier les limites, au gré des exigences de l'ordre public, conduit à redéfinir les conditions d'exercice des droits et libertés.

La question de la délimitation des compétences entre la loi et le règlement se pose depuis le début du XXème siècle104(*). Les incertitudes résident à la fois sur la distinction entre les domaines de la loi et du pouvoir règlementaire d'exécution, qui complète la loi en vertu d'une habilitation législative, mais aussi entre la loi et le pouvoir règlementaire autonome.

Néanmoins, les restrictions apportées aux droits et libertés semblent faire l'unanimité à ce sujet. Dégagé par le Conseil d'État français, l'élément de répartition reposerait sur l'effet juridique de la norme105(*). Dans les arrêts du 19 février 1904, Chambre syndicale des fabricantsconstructeurs de matériels pour chemins de fer et de tramways106(*), puis du 4 mai 1906, Sieur

Babin107(*), le Commissaire du Gouvernement ROMIEU considère que relèvent par leur nature du pouvoir législatif toutes les questions relatives directement ou indirectement aux obligations à imposer aux citoyens par voie d'autorité sans aucun lien contractuel. Il précise que le législateur peut déléguer au pouvoir règlementaire la définition de leur champ d'application et que c'est, en principe, le pouvoir exécutif qui règle l'organisation intérieure des services publics et les conditions de leur fonctionnement qui ne lèsent pas les droits des tiers. Ces indications demeurent précieuses pour comprendre la répartition des compétences en matière de définition des limites aux droits fondamentaux.

Ces arrêts signifient que le législateur détermine le principe de la restriction à l'exercice des droits et libertés et peut confier au pouvoir réglementaire la fixation des modalités d'application. Le législateur dispose donc d'une compétence de principe dans la mise en cause des dispositions constitutionnelles, alors que le pouvoir réglementaire est cantonné à leur mise en oeuvre. Il en découle une répartition en profondeur des compétences, selon l'importance de la question traitée. Il y a donc une compétence partagée dans la définition des limites aux droits et libertés.

Si, face à des circonstances de fait, les exigences de l'ordre public se sont renforcées, elles se sont également complexifiées, rendant nécessaire une réaction immédiate et technique du pouvoir politique. A cet égard, le pouvoir exécutif dispose d'un pouvoir réglementaire indépendant de la loi, lui permettant de déterminer des limites aux droits fondamentaux, alors que la restriction apportée à leur exercice justifierait leur éligibilité au rang législatif.

La justification du pouvoir réglementaire autonome en matière d'ordre public repose sur l'idée que le pouvoir exécutif doit pouvoir réagir face à des circonstances appelant une réponse rapide. Comme le souligne Georges BURDEAU, le pouvoir exécutif est responsable de l'ordre et doit pouvoir empêcher les troubles108(*).

- Pour une conception stricte de la Loi : Assurance contre l'arbitraire des pouvoirs publics

Selon le sens strict du mot « loi », ce mot ne recouvre qu'une partie de la loi entendue au sens large, à savoir les règles confectionnées par le pouvoir législatif au sens constitutionnel du terme. La loi est donc strictement parlant l'oeuvre du pouvoir législatif, c'est-à-dire du Parlement. La Constitution de la RDC dispose à cet égard que « Le pouvoir législatif est exercé par un Parlement composé de deux Chambres: l'Assemblée nationale et le Sénat. Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, le Parlement vote les lois (...) »109(*).

Le domaine de la loi se trouve limité par la Constitution, qui détermine les matières qui sont réservées à la loi. Il est vrai que la loi n'a pas vocation générale à réglementer toute activité en tout secteur. Les matières qui ne sont pas du domaine de la loi sont déférées au domaine réglementaire110(*). Ainsi, la compétence législative s'étend à des matières fort étendues et importantes.

Or, les droits civiques et les garanties fondamentales accordés aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques sont du domaine de la loi entendue stricto sensu111(*).Dans ce sens, la loi parait comme la règle par excellence dans la protection des droits des citoyens.

En ce qui concerne la loi régissant la limitation du droit à la liberté d'expression et d'information sur le web en République démocratique du Congo, cette matière reste à élucider.

B. Pour une clarté de la loi en matière de limitation : Remise en question de l'article 46 de la Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les Télécommunications en RDC

La jointure entre l'Internet et les droits de l'homme, notamment la liberté d'expression et d'information, justifierait bien la protection à accorder aux usagers des services de télécommunications. C'est dans ce sens que certaines dispositions de la loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC ont des incidences avec les activités sur le Net. Et parmi ces dispositions, il y a l'article 46 qui donne à l'Etat le pouvoir d'interdire, soit pour des raisons de sécurité publique ou de la défense du territoire, l'usage de tout ou partie des installations de télécommunications.

Cet article serait la base légale justificative des coupures d'Internet en RDC112(*). A la lecture de l'article 46 de la loi sus-indiquée, qui se libelle de la manière suivante, il y a lieu de faire quelques commentaires :

« Article 46 :

L'Etat peut, soit pour des raisons de sécurité publique ou de la défense du territoire soit dans l'intérêt du service public de télécommunications soit pour tout autre motif, interdire en tout ou partie, et durant le temps qu'il détermine, l'usage des installations de télécommunications.

L'Etat peut également, dans les cas visés au premier alinéa du présent article, réquisitionner ou faire réquisitionner par les fonctionnaires désignés par lui, les installations de télécommunications.

Les personnes desservant habituellement ces installations peuvent être tenues de prêter leurs services à l'autorité compétente si elles en sont requises par celle-ci. »

L'article sous examen parait ambigu pour pouvoir constituer de base à la prise de mesure restreignant la liberté d'expression et d'information sur Internet. Les installations sont des implantations, telles les antennes de réseaux, etc. Or, il est entendu que les États exercent leur souveraineté sur l'installation des infrastructures et déterminent les moyens à mettre en oeuvre aux fins de la télécommunication internationale. Il s'agit donc ici, des règles qui s'appliquent aux matériels. Mais, s'agissant des règles d'utilisation des réseaux, celles-ci fixent le droit des usagers, lesquels usagers sont guidés par trois principes essentiels : la liberté, l'égalité des usagers et la neutralité du traitement des communications113(*).

Ce qui ne semble pas être le cas de l'article 46 de la loi-cadre indiquée ci-haut. Le champ d'application de cet article porte donc sur les implantations des réseaux de télécommunications. Autrement, il s'agit des prérogatives reconnues aux pouvoirs publics, notamment au Gouvernement, d'interdire aux exploitants privés du secteur, l'utilisation de leurs installations pour quelque raison que ce soit.

Relativement à la situation de décembre 2018, rien ne démontre que l'Etat congolais ait assiégé les antennes des sociétés de télécommunications. Loin de là, l'idée d'interpréter les dispositions de cet article comme étant le fondement justifiant la mesure de censure d'Internet en RDC.

Par contre, en droit international des télécommunications, l'article 31 de la Convention internationale des télécommunications de 1959, à laquelle la RDC est partie, dispose d'une part que :

« Les Membres et lesMembres associés se réservent le droit d'arrêter la transmission de tout télégramme privé qui paraîtrait dangereux pour la sûreté de l'Etat ou contraire à ses lois, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, à charge d'aviser immédiatement le bureau d'origine de l'arrêt total du télégramme ou d'une partie quelconque de celui-ci, sauf dans le cas où cette notification paraîtrait dangereuse pour la sûreté de l'Etat. »114(*),

et d'autre part que :

« Les Membres et les Membres associés se réservent aussi le droit de couper toute communication télégraphique ou téléphonique privée qui peut paraître dangereuse pour la sûreté de l'Etat ou contraire à ses lois, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs115(*)».

§.2 LES RESTRICTIONS DOIVENT ETRE NECESSAIRES

Les restrictions à la liberté d'expression et d'information doivent être prises dans l'intérêt de la vie étatique (sécurité nationale), de la vie sociale (ordre public, santé ou moralité publique) ou des droits d'autrui.Plus concrètement, après les reports des dates pour les élections législatives et présidentielle en RDC, c'est finalement en date du 30 décembre 2018 que ces dernières eurent lieu. Sur instruction de l'Autorité de régulation des postes et télécommunications du 24 décembre 2018, les sociétés des télécommunications ont été tenues de restreindre l'accès aux vidéos et images sur les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp, Viber, YouTube et Twitter durant la période électorale116(*). Un peu plus tard, le 31 décembre de la même année, un appel téléphonique a été reçu par les opérateurs des sociétés de télécommunications de la part du Ministre ayant les postes et télécommunications dans ses attributions117(*). L'intérêt ici étant, comme l'a dit Monsieur Emery OKUNDJI, Ministre des postes, télécommunications et nouvelles technologies de l'information et de la communication, de sauvegarder la sécurité nationale et l'ordre public en permettant ainsi, aux congolais et congolaises de célébrer les festivités de fin d'année en toute tranquillité et toute quiétude118(*).

L'autorité de régulation en matière des postes et télécommunications, prévue d'abord par la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications119(*), instituée ensuite, par la loi n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications poursuit entre autres comme missions120(*) :

v veiller au respect des lois, règlements et conventions en matière des postes et télécommunications;

v contribuer à définir et à adapter, conformément aux orientations de la politique gouvernementale, le cadre juridique général dans lequel s'exercent les activités des postes et télécommunications;

v définir les principes d'interconnexion et de tarification des services publics des postes et télécommunications;

v élaborer et gérer le plan national de numérotation;

v s'assurer que les citoyens bénéficient des services fournis à l'aide de nouvelles technologies de l'information et de la communication.

v Etc.

Néanmoins, nous pouvons reprocher à cette mesure de l'Autorité de régulation susvisée ces quelques éléments au regard des prescrits du paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques :

· L'absence de motivation et

· La non indication de la durée de levée de cette mesure.

Le premier élément aurait permis de démontrer la nécessité de prendre une telle mesure, alors que le second permettrait de rassurer les citoyens privés de leur liberté de s'exprimer et d'obtenir des informations sur Internet. Il convient tout de même de mentionner que, relativement à ce dernier grief, Monsieur Emery OKUNDJI, Ministre des postes, télécommunications et nouvelles technologies de l'information et de la communication (PTNTIC) avait déclaré sur le média, notamment à la Radio Okapi, que la mesure relative à la coupure d'Internet et du service des SMS sera levée le Lundi 1er janvier 2019 à partir de 23heures121(*). Chose qui n'a malheureusement pas été faite.

De la lecture de la décision de censure d'Internet émanant de l'Autorité de régulation de poste et télécommunications, il découle que cette décision consisterait en des mesures préventives qui tendent à préserver l'intégrité du processus électoralen cette période. Et pourtant, même après les élections, ladite mesure a subsisté, soit à partir du 24 décembre 2018 (date marquant le début des perturbations du réseau Internet avec notamment la restriction d'accès aux images et vidéos sur les réseaux sociaux), en passant par le 31 décembre 2018 (la date du début de coupure totale d'Internet et des SMS) jusqu'au 20 janvier 2019.

Or, comme l'a dit la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt De BECKER contre Belgique, une mesure de dérogation aux droits fondamentaux constitue une violation si, elle demeure après la disparition des circonstances exceptionnelles pour lesquelles elle a été prise122(*).

I. Au respect des droits ou de la réputation d'autrui

Les droits et les libertés d'autrui qui peuvent avoir pour effet de limitercertains droits reconnus par le Pacte vont au-delà de ceux qui sont reconnus parle Pacte. En cas de conflit entre un droit protégé par le Pacte et un droit qui ne l'estpas, il faut tenir compte du fait que le PIDCP cherche à protéger les droits etlibertés les plus fondamentaux. A cet égard, une importance toute particulièredoit être accordée aux droits auxquels aucune dérogation n'est autorisée aux termesde l'article 4 du Pacte. La possibilité d'apporter des restrictions à un droit de l'homme pour protégerla réputation d'autrui ne doit pas être utilisée pour protéger l'Etat et ses agentscontre l'opinion publique ou la critique.

II. A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques

· La Sécurité nationale : Des principes de Syracuse aux principes de Johannesburg

Pour établir qu'une restriction de la liberté d'expression ou d'information est nécessaire pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale, un gouvernement doit démontrer que123(*):

ü l'expression ou l'information en question constitue une sérieuse menace à un intérêt légitime de sécurité nationale;

ü la restriction imposée est le moyen le moins restrictif de protéger cet intérêt; et

ü la restriction est compatible avec des principes démocratiques.

« La Commission des droits de l'homme attache, on le sait, la plus haute importance à la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et plus particulièrement des dispositions de cet instrument auxquelles aucune dérogation n'est admise » ; c'est par ces mots que commence le Préambule des Principes de Syracuse. Il s'agit en fait, des principes concernant les dispositions du PIDCP qui autorisent des restrictions ou des dérogations. Une restriction qu'un gouvernement tenterait de justifier par des raisons de sécurité nationale n'est pas légitime à moins que son véritable but et son effet démontrable ne soit de protéger l'existence d'un pays ou son intégrité territoriale contre l'usage ou la menace d'usage de la force que cela vienne de l'extérieur, comme par exemple une menace militaire, ou de l'intérieur, telle l'incitation au renversement d'un Gouvernement124(*). En particulier, une restriction qu'un gouvernement tenterait de justifier par des raisons de sécurité nationale n'est pas légitime si son véritable but et son effet démontrable est de protéger des intérêts ne concernant pas la sécurité nationale, comme par exemple de protéger un Gouvernement de l'embarras ou de la découverte de ses fautes, ou pour dissimuler des informations sur le fonctionnement des institutions publiques, ou pour imposer une certaine idéologie, ou pour réprimer des troubles sociaux.

La sécurité nationale ne peut être invoquée pour justifier des mesures restreignant certains droits que lorsqu'il s'agit de mesures prises pour protéger l'existence de la nation, son intégrité territoriale ou son indépendance politique contre l'emploi ou la menace de la force. La sécurité nationale ne peut également pas être invoquée comme un motif pour introduire des restrictions lorsqu'il s'agit de prévenir des menaces de caractère local ou relativement isolées contre la loi et l'ordre. In fine, la sécurité nationale ne peut servir de prétexte pour imposer des restrictions vagues ou arbitraires et elle ne peut être invoquée que lorsqu'il existe des garanties adéquates et des recours utiles contre les abus.

Ainsi, l'expression ne pourra pas être punie comme menaçant la sûreté nationale à moins que le Gouvernement ne puisse prouver que125(*):

l'expression est destinée à provoquer la violence de manière imminente;

qu'elle est susceptible de provoquer une telle violence; et

qu'il y a un lien immédiat et direct entre l'expression et des actes de violence ou de potentiels actes de violence.

De même, un Etat ne peut pas systématiquement refuser l'accès à toute information concernant la sécurité nationale, mais doit préciser dans la loi les catégories précises et étroites d'information qu'il est nécessaire de ne pas divulguer pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale.

· L'ordre public : le fondement constitutionnel de l'ordre public

La question du fondement constitutionnel de l'ordre public divise la doctrine. Si certains auteurs rattachent cette notion à une ou plusieurs dispositions de la Constitution, d'autres soutiennent qu'elle relève d'une certaine « idée du droit ». En droit positif congolais, le concept de l' « ordre public » se trouve dans nombre des textes et notamment dans la Constitution ; néanmoins, il y est dépourvu de toute définition. Dans le cas sous examen, l'ordre public constitue une limitation au droit à la liberté d'expression et d'information aussi bien en droit interne, à travers les articles 23 et 24 de la Constitution, qu'en droit international, à travers le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Comme le relève PIERRE DE MONTALIVET, l'ordre public est une norme permissive, puisque l'ordre public octroie à l'autorité compétente une faculté de limiter126(*). L'expression "ordre public", telle qu'elle est utilisée dans le PIDCP peut être définie comme étant la somme des règles qui assurent le fonctionnement de la société ou l'ensemble des principes fondamentaux sur lesquels repose la société127(*).

La Constitution congolaise fait souvent référence à l'ordre public pour limiter les droits fondamentaux. En effet, l'assise libérale des sociétés démocratiques repose sur l'idée qu'aucun droit ne peut être conçu en termes absolus. Les exigences de la vie en société, et particulièrement celles inhérentes à l'ordre public, impliquent des restrictions à l'exercice des droits fondamentaux nécessaires à la protection même de l'ordre général qui garantit ces droits. Comme le souligne Pierre Bon, l'ordre public « remplit une fonction bien précise, qui est de ne limiter les libertés que lorsque ce dernier l'exige et de ne les limiter que dans l'exacte proportionnalité à laquelle la protection de ce dernier l'exige »128(*). La reconnaissance constitutionnelle de l'ordre public confère une faculté aux autorités compétentes pour restreindre l'exercice des droits et libertés.

Cependant, si le principe de la « liberté limitée » est partagé par la majorité des pays libéraux, les modalités constitutionnelles de limitation peuvent diverger sensiblement d'une Constitution à l'autre. Une différence d'approche est à mettre en relation avec la conception des limites aux droits fondamentaux par l'ordre public. Deux types de relation peuvent être identifiés : la théorie externe, selon laquelle la limite est extérieure au droit, puis la théorie interne, en vertu de laquelle le droit est uniquement envisagé de manière limitée.

En vertu de la théorie externe de la limitation, le droit et la limite sont conçus comme deux objets distincts129(*). Il y a le droiten lui-même, qui n'est pas limité, puis ce qui reste du droit une fois qu'une mesure limitative a été appliquée, à savoir le droit limité. Si cette théorie admet que, dans un État de droit, les droits sont principalement des droits limités, elle insiste sur le fait que ces derniers sont concevables sans limites. La relation de limitation intervient uniquement lorsque le droit doit être concilié avec les libertés d'autrui et des impératifs d'intérêt général. Les limites à l'exercice des droits, énoncés dans un premier temps en termes absolus, sont identifiées et précisées.

La théorie externe de la limitation des droits et libertés est partagée par plusieurs instruments conventionnels de protection des droits de l'homme. La RDC s'inscrit également dans ce sens. La clause spécifique de limitation est contenue dans la disposition consacrant un droit en particulier. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques par exemple énonce le droit garanti puis détermine les limites qui peuvent lui être apportées130(*). Et dans la Constitution congolaise, en prenant les exemples des articles 23 et 24 suivants, la théorie externe de limitation se remarque nettement :

« Article 23

Toute personne a droit à la liberté d'expression.

Ce droit implique la liberté d'exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l'écrit et l'image, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs.

Article 24

Toute personne a droit à l'information.

La liberté de la presse, la liberté d'information et d'émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties sous réserve du respect de l'ordre public, des bonnes moeurs et des droits d'autrui .... »131(*).

Par ailleurs, en vertu de la théorie interne, il n'y aurait pas deux choses, un droit et sa limite, mais seulement une, un droit qui a un certain contenu132(*). L'idée de limitation serait « remplacée » par celle de l'étendue du droit. La limite ferait partie intégrante du droit proclamé. La définition du droit ou de la liberté comprend à la fois ses implications, en termes de facultés d'agir et de champ d'application matérielle, et ses limites. A l'inverse de celle présente au sein de la théorie externe, la relation de limitation relève ici de la définition même du droit fondamental. Cette théorie s'analyse peu dans les constitutions et instruments internationaux de protection des droits de l'homme adoptés après la Seconde guerre mondiale. La volonté de réaffirmer les droits fondamentaux et d'encadrer la faculté de les restreindre y était prégnante.

De plus, les limites aux droits et libertés déterminées par le législateur s'inscrivent dans la durée et ne sont pas « exceptionnelles ». Elles ne constituent pas, formellement, une exception par rapport à un « temps de calme et un droit des périodes dites normales ». Au contraire, elles constituent ce droit « des périodes normales ». Elles sont revêtues d'un caractère permanent et ne sont pas enserrées dans des conditions temporelles et/ou spatiales caractéristiques des régimes d'exception. Les limites n'ont pas vocation à disparaître une fois que les circonstances justifiant leur adoption se dissipent, dans la mesure où elles s'inscrivent dans la durée et sont ancrées dans l'ordre juridique. Les limites modifient le droit commun, à savoir un nombre important de codes et de lois, dans des domaines variés. La limitation des droits fondamentaux s'inscrit donc dans la loi et pénètre l'ensemble de l'ordre juridique.

Bref, que ce soit l'article 46 de la loi-cadre sur les télécommunications en RDC ou la mesure de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications à l'origine de la censure d'Internet pendant la période électorale de fin décembre 2018, rien ne semble légalement prouver la prise d'une telle mesure. Alors que l'article 46 de la loi susmentionnée parait indécis, ce qui constitue une violation du paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; la décision de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications quant à elle souffre de motivation pour pouvoir s'inscrire dans la visée du paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte évoqué ci-haut.

Dans ce cas, les usagers des services de télécommunications peuvent-ils réclamer des dommages et intérêts ? La réponse mérite d'être nuancée selon que l'action est contre l'Etat congolais ou contre les fournisseurs d'accès à Internet, que sont les sociétés de télécommunications.

S'agissant de l'action en réclamation des dommages et intérêts contre l'Etat congolais, elle sera purement et simplement sans fondement dès lors que l'Etat congolais, en vertu de l'article 33 de la Convention internationale sur les télécommunications, « Les Membres et les Membres associés n'acceptent aucune responsabilité à l'égard des usagers des services internationaux de télécommunications, notamment en ce qui concerne les réclamations visant à obtenir des dommages et intérêts. »133(*)

Mais, au sujet de l'action en réclamation contre les fournisseurs d'accès à Internet, notamment les sociétés Africel RDC, Airtel RDC, Orange RDC et Vodacom RDC, les règles de droit commun des obligations seraient applicablesipso facto. Là aussi, il y a de quoi s'inquiéter.

Dans les contrats d'abonnement entre ces sociétés et leurs clients (abonnés), il existe des clauses qui confèrent à ces sociétés le droitde bloquer l'accès aux services de transmission de données, voire de déconnecter les clients qui abuseraient du service Internet pour envoyer des messages qui ne respectent pas les lois et règlements de la RDC. Tel est le cas des articles 3, 6 et 13 des conditions générales d'utilisation du service Internet de la société Airtel RDC134(*).

Dans la pratique, ce genre des clauses pourraient donc permettre à ces sociétés, sur injonction du ministre ayant les postes et télécommunications dans ses attributions ainsi que de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications, de déconnecter une catégorie d'utilisateurs qui s'étaient livrés à divulguer des « fake news » sur les résultats des élections et autres, de nature à troubler l'ordre public.

Malencontreusement, il s'observe que ce sont ces sociétés qui ont le plus à payer des conséquences des coupures d'Internet. Et pourtant, lors de nos entretiens avec les responsables des sociétés Airtel RDC, Orange RDC et Vodacom RDC au niveau provincial (Sud-Kivu), rien n'a semblé présager une attitude de frustration voire de critique hostile envers l'Etat congolais135(*). La justification à cette inertie serait la crainte du retrait de leur licence d'exploitation.

§.3 QUELQUES ALTERNATIVES A PRENDRE EN COMPTE

Par l'illustration des divers cas, Julie OWONO, directrice exécutive de l'ONG Internet sans frontières et chercheuse au Berkman Klein Center de l'Université de Harvard, souligne la vacuité d'une pratique qui se multiplie. Elle fait allusion ici à la coupure d'Internet. En effet, plusieurs pays recourent à des coupures totales ou partielles d'Internet. Par exemple, le Soudan, l'Ethiopie et la Mauritanie où l'Internet n'est pas totalement coupé, mais l'accès aux réseaux sociaux est perturbé en raison des examens de fin d'année. C'est la même situation au Tchad où la population est également privée de réseaux sociaux depuis plus d'un an. Le premier argument qui tend à contrer cette pratique est sous le volet scientifique136(*).

Dans aucun des cas répertoriés à ce jour, le recours à la coupure d'Internet n'a permis de combattre le mal contre lequel il était censé prémunir. Le Sri Lanka par exemple, a coupé Internet pour empêcher d'éventuelles attaques contre les musulmans dans le sillage des attentats terroristes qui ont été perpétrés en avril 2019. Cela n'a absolument pas réglé le problème de l'islamophobie. Même constat avec l'Inde qui a espéré, en coupant Internet, que le Cachemire va cesser de réclamer son indépendance. En Algérie, la coupure d'Internet n'a pas empêché les gens de tricher aux examens. Les informations se partagent d'une manière ou d'une autre ; certains sont prêts à livrer les épreuves pour l'argent. Cela pose d'autres problèmes qui ne sont en rien liés à Internet.

A Julie OWONO de conclure que les coupures d'Internet sont inefficaces, mais aussi coûteuses. Les interruptions sont d'autant plus contre-productives, qu'elles s'inscrivent en totale contradiction avec les discours officiels sur le numérique. D'un côté, l'Union africaine milite pour le développement numérique par le bais de son programme Digital ID, qui promeut la digitalisation des services publics et de l'identité. De l'autre, ses Etats membres coupent Internet tous les quatre matins. Cela atteste de la bêtise et de l'illogisme de certains dirigeants africains137(*).

Les leçons de l'arrêt AHMET YILDIRIM contre Turquie, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme semblent adaptées en termes de suggestion à formuler face à la pratique de coupure totale d'Internet qu'a connue la République Démocratique du Congo en cette fin de l'année 2018. De plus, l'opinion concordante du juge PINTO DE ALBUQUERQUE nous parait bien indiquée.

I. RESUME DE L'ARRET138(*)

Un étudiant turc en doctorat, Monsieur Ahmet YILDIRIM, s'était plaint devant la Cour européenne de la « censure collatérale » dont il était victime lorsque l'accès à son site web hébergé sur « Google Sites » a été bloqué par les autorités turques à la suite de la décision prise par le tribunal d'instance pénal de bloquer l'accès à « Google Sites » en Turquie. L'injonction du tribunal a été prise afin d'empêcher l'accès à un site web spécifique hébergé par Google, dont le contenu était jugé offensant pour la mémoire de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la République turque. En raison de cette injonction, le site web sur lequel monsieur YILDIRIM publie ses travaux académiques a été bloqué par la Présidence de la télécommunication et de l'informatique (PTI), bien qu'il n'ait aucun lien avec le site dont le contenu était prétendument insultant pour la mémoire d'Atatürk. Selon la TIB, le blocage de l'accès à « Google Sites » était l'unique moyen technique de bloquer le site litigieux, dans la mesure où son propriétaire résidait à l'étranger. Les diverses tentatives de monsieur YILDIRIM pour remédier à cette situation et rétablir l'accès à son site web hébergé par « Google Sites » sont restées vaines.

La Cour européenne estime à l'unanimité que la décision prise et confirmée par les autorités turques de bloquer l'accès à « Google Sites » constitue une violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit la liberté d'exprimer, de recevoir et de diffuser des informations et des opinions sans considération de frontière. Elle considère que cette ordonnance de blocage, en l'absence d'un cadre juridique strict, n'est pas prévue par la loi. Même si ce blocage pouvait avoir comme but légitime d'empêcher l'accès à un site offensant pour la mémoire d'Atatürk, cette restriction d'accès ne s'inscrivait pas dans un cadre légal strict délimitant l'interdiction et offrant la garantie d'un contrôle juridictionnel contre d'éventuels abus.

La Cour rappelle qu'une restriction d'accès à une source d'information est compatible avec la

Convention uniquement si un cadre légal strict contenant de telles garanties est en place. L'arrêt précise que les juges auraient dû tenir compte du fait qu'une telle mesure entravait l'accès à une quantité considérable d'informations, ce qui affectait directement les droits des internautes et avait un effet collatéral important.

Il observe par ailleurs que la législation turque a permis à un organe administratif, la PTI, de jouir d'un pouvoir étendu dans le cadre de l'exécution d'une mesure de blocage qui avait été à l'origine décidée pour un site spécifique. En outre, rien dans le dossier ne permet de conclure que « Google Sites » ait été informé qu'il hébergeait un contenu jugé illicite, ni qu'il ait refusé de se conformer à une mesure provisoire concernant un site à l'encontre duquel une procédure pénale avait été engagée. Le tribunal pénal n'a par ailleurs pas cherché à établir un équilibre entre les divers intérêts en présence, en appréciant notamment la nécessité et la proportionnalité d'un blocage total de l'accès à « Google Sites ».

La Cour européenne observe que la législation turque ne comporte à l'évidence aucune obligation pour les juges d'examiner le bien-fondé d'un accès total à « Google Sites ». Il convient de tenir compte du fait qu'une telle mesure, en rendant inaccessible une grande quantité d'informations sur Internet, affecte directement les droits des internautes et a un effet collatéral considérable sur leur droit d'accès à Internet. Comme la mesure en cause a eu des effets arbitraires et que le contrôle juridictionnel du blocage d'accès n'a pas réuni les conditions suffisantes pour éviter les abus, l'ingérence dans les droits de M. Yildirim constitue une violation de l'article 10 de la Convention par les autorités turques.

Par cet arrêt, la Cour européenne des droits de l'homme soutient expressément le droit de tout individu à accéder à Internet, comme dans sa décision rendue contre le blocage total de contenus en ligne, et affirme qu'Internet est devenu aujourd'hui l'un des principaux moyens d'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information.

Toute restriction imposée au fonctionnement des sites web, des blogs et de tout autre système de diffusion de l'information par le biais de l'Internet, de moyens électroniques ou autres, y compris les systèmes d'appui connexes à ces moyens de communication, comme les fournisseurs d'accès à Internet ou les moteurs de recherche, n'est licite que dans la mesure où elle est compatible avec le paragraphe 3 de l'article 19 du PIDCP. Les restrictions licites devraient d'une manière générale viser un contenu spécifique ; les interdictions générales de fonctionnement frappant certains sites et systèmes ne sont pas compatibles avec le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte sus-évoqué. Interdire à un site ou à un système de diffusion de l'information de publier un contenu uniquement au motif qu'il peut être critique à l'égard du gouvernement ou du système politique et social épousé par le gouvernement est tout aussi incompatible avec le paragraphe 3 de l'article 19 susmentionné.

On peut donc déduire de l'ensemble des garanties générales protégeant la liberté d'expression qu'il y a lieu de reconnaître également un droit d'accès sans entraves à Internet.

En ce qui concerne les mesures possibles de restriction en cas de contenus illicites sur Internet, il existe dans les textes des pays européens une grande diversité d'approches et de mesures législatives, qui vont de la suspension individualisée de l'accès à Internet jusqu'à l'interdiction d'accès au site spécifique, en passant par l'effacement du contenu illicite.

Dans les Etats qui ne disposent pas de cadre législatif, général ou spécifique, prévoyant la fermeture des sites et/ou le blocage de l'accès, cette absence n'exclut pas que des mesures de blocage puissent être adoptées par un juge ou appliquées de façon volontaire.

La possibilité de contester une mesure d'interdiction d'accès à Internet est étroitement liée aux garanties générales de protection du droit de recevoir des informations et de s'exprimer. Il en va spécialement ainsi dans le cas de la presse : l'information est un bien périssable et en retarder la publication, même pour une brève période, risque fort de la priver de toute valeur et de tout intérêt.

L'Internet est aujourd'hui devenu l'un des principaux moyens d'exercice par les individus de leur droit à la liberté d'expression et d'information : on y trouve des outils essentiels de participation aux activités et débats relatifs à des questions politiques ou d'intérêt public. Selon la jurisprudence constante de la Cour Européenne des droits de l'homme, pour répondre aux exigences technologiques, le droit interne doit offrir une certaine protection contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par la Convention. Lorsqu'il s'agit de questions touchant aux droits fondamentaux, la loi irait à l'encontre de la prééminence du droit, qui constitue l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique consacrés par la Convention, si le pouvoir d'appréciation accordé à l'exécutif ne connaissait pas de limite. En conséquence, elle doit définir l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir avec une netteté suffisante

Au regard de ce qui précède, les mesures alternatives ci-après pourraient bien se substituer à la pratique récurrente liée aux coupures totales d'Internet :

1. La détermination des catégories de personnes et d'institutions susceptibles de voir leurs publications bloquées, telles que les propriétaires nationaux ou étrangers de contenus, sites ou plates-formes illicites, les utilisateurs de ces sites ou plates-formes ou ceux qui mettent en place des hyperliens vers des sites ou plates-formes illicites et qui en souscrivent au contenu ;

2. La définition des catégories de décisions de blocage, par exemple celles qui visent le blocage de sites, d'adresses IP, de ports, de protocoles réseaux, ou le blocage de types d'utilisation, comme les réseaux sociaux ;

3. La disposition sur le champ d'application territoriale de la décision de blocage, qui peut avoir une portée provinciale ou nationale139(*) ;

4. Une limite à la durée d'une telle décision de blocage;

5. L'indication des intérêts, au sens de ceux qui sont exposés à l'article 19 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui peuvent justifier une mesure de blocage ;

6. L'observation d'un critère de proportionnalité, qui prévoit un juste équilibre entre la liberté d'expression et les intérêts concurrents poursuivis, tout en assurant le respect de l'essence de la liberté d'expression ;

7. Le respect du principe de nécessité, qui permet d'apprécier si l'ingérence dans la liberté d'expression promeut de façon adéquate les intérêts poursuivis et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser ledit besoin social140(*) ;

8. La détermination des autorités compétentes pour émettre une ordonnance de blocage motivée;

9. Une procédure à suivre pour l'émission de cette ordonnance, comprenant l'examen par l'autorité compétente du dossier à l'appui de la demande d'ordonnance et l'audition de la personne ou institution lésée, sauf si cette audition est impossible ou se heurte aux intérêts poursuivis ;

10. La notification de l'ordonnance de blocage et de sa motivation à la personne ou à l'institution lésée ; et

11. Une procédure de recours de nature judiciaire contre l'ordonnance de blocage.

Quoi qu'il en soit, le blocage de l'accès à l'Internet ou à des parties de l'Internet pour des populations entières ou des segments de population entiers n'est en aucun cas justifiable, même au nom de la justice, de l'ordre public ou de la sécurité nationale141(*).

C'est ainsi que, lorsque des circonstances exceptionnelles justifient le blocage d'un contenu illégal, comme ce fut le cas en RDC avec les élections, il s'avère nécessaire d'ajuster les mesures aux contenus illicites et d'éviter de viser des personnes ou des institutions qui ne sont responsables ni de jure ni de facto de la publication illégale ni n'en ont souscrit au contenu.

CONCLUSION

La présente étude a porté sur La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et de la sécurité nationale : cas des coupures d'internet en période électorale de décembre 2018. Il s'est agi de savoir d'une part, si l'accès à Internet constitue un droit fondamental, et d'autre part, si la coupure totale d'Internet durant cette période électorale peut être considérée comme une violation à la liberté d'expression et d'information. Ainsi, quelques hypothèses ont été soulevées.

A la première question de cette recherche, il paraitrait que l'accès à Internet ne soit pas un droit fondamental à part, dès lors que, à l'heure actuelle, que ce soit aux niveaux international, régional ou national, aucun instrument juridique revêtu de force obligatoire ne consacre pareil droit. Néanmoins, l'Internet serait un moyen de communication efficace en vue de la concrétisation d'une panoplie des droits fondamentaux.

Et pour la seconde question de recherche, considérant que l'Internet noue des liens étroits avec la liberté d'expression et d'information, limiter l'accès à cette technologie, comme c'était le cas en République Démocratique du Congo, serait constitutif de violation non pas contre ce « pseudo-droit fondamental d'accès à Internet », mais plutôt contre le droit à l'information et à la liberté d'expression à partir du moment où la procédure de limitation telle que prévue au paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n'a pas été observée.

Dans le but de donner suite à toutes ces interrogations, le présent travail a été scindé en deux chapitres dont chacun s'est consacré à répondre respectivement à chacune des questions de façon méthodique. Alors que le premier chapitre s'est penché aux controverses sur un droit fondamental d'accès à Internet, le second quant à lui s'est voué à l'examen des conditions liées à la limitation du droit à la liberté d'expression et d'information.

En effet, deux courants divergents alimentent le débat juridique sur l'existence d'un droit fondamental d'accès à Internet. L'un, soutenu par LAURE MARINO affirme que l'accès à Internet est bel et bien un droit fondamental à part. Cette affirmation se trouve renforcée par les jurisprudences à la fois du Conseil constitutionnel français dans sa décision se rapportant à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, dite « loi Hadopi I », et de la Cour Européenne des droits de l'homme, notamment dans ses arrêts Ahmet Yildirim c. Turquie du 18 décembre 2012 et Cengiz et autres c. Turquie du 1er décembre 2015. Qui plus est, les différentes résolutions sur la promotion, la protection et l'exercice des droits de l'homme sur Internet émanant aussi bien du Conseil des droits de l'homme que de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples viennent enrichir le postulat que l'accès à Internet pourrait être un droit fondamental du fait de l'analogie qui découle de son tuteur, la liberté d'expression et d'information.

L'autre école s'inscrit en faux s'agissant de l'existence d'un droit fondamental d'accès à Internet. Michaël BARDIN, l'un des tenants de cette école, s'indigne de la décision du Conseil constitutionnel français relative à la « loi Hadopi I ». Pour lui, l'Internet n'est et n'existe que comme moyen de concrétisation de la liberté d'expression et de communication. Partant, l'Internet vient prendre sa juste place dans les moyens déjà connus et protégés que sont la presse, la radio ou encore la télévision. Au sujet des résolutions sus-évoquées, l'absence d'obligations juridiquement contraignantes y découlant à l'égard des Etats, démontre bien que cette matière n'est qu'encore en une phase purement déclarative.

Se focalisant alors au droit positif congolais, cette étude a relevé l'appartenance de la République Démocratique du Congo à la première école, celle qui considère l'accès à Internet comme un droit fondamental par le fait de l'analogie qui découle de l'article 24 de la Constitution.

Après avoir reconnu une protection aux usagers des technologies de l'information et de communication au rang desquelles figure Internet, le second chapitre a consacré son substrat à l'analyse des conditions de limitation du droit à la liberté d'expression et d'information tout en portant une attention particulière à la mesure de censure d'Internet durant la période électorale de fin décembre 2018 en RDC.Ce chapitre s'est focalisé plus sur la procéduresuivie par les autorités publiques pour aboutir à la prise d'une décision de censure d'Internet. L'examen des instruments juridiques qui encadrent cette matière a également été mis en évidence.

Le constat est que, le fondement de la mesure de coupure totale d'Internet en RDC se trouve en droit international des télécommunications, plus précisément à l'article 31 de la convention internationale des télécommunications de 1959 et non pas à l'article 46 de la loi-cadre sur les télécommunications car, étant ambigu. Néanmoins, aucune référence n'a été faite à cet instrument dans la mesure sus-évoquée. En outre, l'absence de publication de ces deux mesures de coupure d'Internet au Journal officiel démontrent à suffisance que les citoyens, utilisateurs du réseau Internet ne pouvaient pas par eux-mêmes savoir ajuster leurs agissements sur le Web.

Il s'est aussi observé que les deux décisions de censure d'Internet prises par le Gouvernement congolais en cette période n'étaient pas proportionnelles à l'intérêt lié à la sauvegarde de la sécurité nationale ou même de l'ordre public car, ces mesures devraient concerner les personnes ou les institutions qui s'étaient livrées àposerdes actes susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale de l'Etat congolais. Ce qui a amené à arguer que ces mesuresétaientincompatibles avec les prescrits du paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par conséquent, constitutives de violation du droit à la liberté d'expression et d'information.

Tout bien considéré, la présente étude a abouti à la démonstration selon laquelle, d'une part, le droit d'accès à Internet intègre aujourd'hui, indirectement, la grande famille des droits fondamentaux, par un processus d'annexion au droit à la liberté d'expression et d'information142(*). Toutefois, son universalité, qui pourrait bien garantir sa reconnaissance et sa protection juridictionnelles, fait défaut. Ce qui fait du droit d'accès à Internet une sorte de droit fondamental en gestation. Conséquemment, l'absence de législation publique internationale en la matière favorise le non-respect du droit d'accès à Internet par nombre des Etats dans le monde143(*).D'autre part, cette étude a démontré queles limitations (restrictions) à l'accès à Internet en République Démocratique Congolors de la période électorale de décembre 2018 sont constitutives de violation aux termes de l'article 19 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, eu égardnon seulement aux liens étroits qu'Internet entretient avec la liberté d'expression et d'informationmais égalementà la protection aménagée pour les droits sus-indiqués dans une société démocratique aux fins de leur effectivité.

Le raisonnement par nous développé dans ce travail relativement à notre objet d'étude n'est pas exhaustif et nous ne prétendons pas l'avoir épuisé dans tout son substrat ; le champ restant ample, la voie demeure ouverte aux chercheurs potentiels qui s'intéresseront d'autres angles.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 : Décision de censure d'Internet

Source : Léopold SALUMU, Responsable marketing, Orange RDC/Sud-Kivu

ANNEXE N° 2 : Guide d'entretien

INTERVIEW

I. PRESENTATION DU CHERCHEUR ET INTERET DE L'INTERVIEW

Nous sommes Jean-Claude ISAMBYA, étudiant en Deuxième année de Licence à la Faculté de Droit, Option Droit Public, à l'Université Officielle de Bukavu. La présente interview s'inscrit dans le cadre de notre mémoire portant sur le sujet intitulé comme suit : La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et de la sécurité nationale : cas des coupures d'internet en période électorale de décembre 2018.La présente interview tend à trouver des réponses aux diverses questions qui ont trait à notre objet d'étude. Ce mémoire sera soutenu en ce mois de Septembre 2019.

II. PRESENTATION DE L'INTERVIEWE

Nom  :

Post-Nom  :

Fonction au sein de l'institution :

Téléphone  :

Dénomination de l'institution :

III. QUESTIONS

1. Votre institution est-elle Fournisseur d'accès à Internet (FAI) ?

OUI NON

2. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste le travail d'un FAI ?

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3. De quel (s) ministère (s) relève votre institution ?

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4. Fin Décembre 2018, Internet et SMS ont été interrompus, de quelle autorité est venue la décision enjoignant votre institution à couper le réseau Internet ?

.............................................................................................................................................................................................................................

Et via quel moyen ?

a) Par Arrêté ministériel b) Par Communiqué c) Par téléphone

d) Autres, à préciser

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5. Pensez-vous que cette mesure de censurer Internet était nécessaire ?

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6. La mesure de censurer Internet et le service des SMS vous a coûté approximativement combien de dollars en termes de manque à gagner ?

........................................................................................................................................................................................................................................................

7. Avez-vous obtenu réparation de toutes ces pertes de la part du Gouvernement congolais ?

OUI NON

Si NON, disposez-vous de recours légal (juridictionnel) pour recouvrer cette réparation ? L'aviez-vous appliqué ?

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8. Pendant et après la période de censure, votre institution a-t-elle fait l'objet des plaintes de la part de vos clients ?

OUI NON

Si OUI :

a) Auprès de quelles juridictions ?

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b) Quelles ont été les issues de ces plaintes ?

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9. Quels autres mécanismes alternatifs suggérez-vous au Gouvernement congolais en lieu et place de la coupure totale d'Internet ?

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Nous vous remercions infiniment de l'inestimable aide que vous nous apportez.

Jean-Claude ISAMBYA, Chercheur.

+243 970295185

jeanclaudejc582@gmail.com

BIBLIOGRAPHIE

I. INSTRUMENTS JURIDIQUES

A. TEXTES NATIONAUX

ü Constitution de la RDC du 18 Février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 Janvier 2011, J.O, Numéro spécial, 52e année, Kinshasa, 5 Février 2011.

ü Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, J.O, Numéro spécial, 25 janvier 2003.

ü Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 Création de l'Autorité de la Poste et des Télécommunications, J.O, Numéro spécial, 25 janvier 2003.

B. TEXTES INTERNATIONAUX

ü Charte de l'Organisation des Nations Unies.

ü Déclaration universelle des droits de l'homme Adoptée et proclamée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948.

ü Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'AGNU dans sa résolution 2200A (XXI) du 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la RDC le 1er novembre 1976.

ü Convention internationale des télécommunications, Genève, 1959.

ü Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

II. PRINCIPALES RESOLUTIONS ET JURISPRUDENCES

A. RESOLUTIONS

v Résolution 424(V) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1950.

v ONU, Conseil économique et social, Principes de Syracuse.

v Assemblée générale des Nations Unies, Conseil des droits de l'homme, Résolution A/HRC/32/L.20 du 27 juin 2016 portant sur la promotion, la protection et l'exercice des droits de l'homme sur Internet.

v Résolution CADHP/Res.62 (XXXII) 02 relative à la Déclaration des principes sur la liberté d'expression en Afrique.

v Résolution CADHP/Rés.362 (LIX) 2016 sur le droit à la liberté d'information et d'expression sur Internet en Afrique.

v Observation générale no 34 du Comité des droits de l'homme CCPR/C/GC/34, au paragraphe 43, Genève, 11 au 29 juillet 2011.

B. JURISPRUDENCES

v Cour Européenne des droits de l'homme, Cengiz et autres c. Turquie, arrêt du 1er décembre 2015.

v Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), Ahmet Yildirim c. Turquie, requête n° 3111/10 du 18 décembre 2012, disponible en pdf sur http://merlin.obs.coe.int/redirect.php?id=16262

v CEDH, Affaire De Becker c. Belgique, Requête n°214/56, Strasbourg, 27 mars 1962.

v Cour Européenne des droits de l'homme, Khurshid Mustafa et Tarzibachi c. Suède, n° 23883/06, §§ 44-50, 16 décembre 2008.

v Cour Européenne des droits de l'homme, Ürper et autres c. Turquie, § 43, 20 octobre 2009.

v Conseil constitutionnel français, Décision n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, AJDA 2009.

v Conseil d'Etat français, 4 mai 1906, Sieur Babin, Rec. Lebon.

v Conseil d'Etat français, 19 février 1904, Chambre syndicale des fabricants constructeurs de matériel pour chemins de fer et de tramways.

III. OUVRAGES GENERAUX ET SPECIFIQUES

A. OUVRAGES GENERAUX

· Dictionnaire universel, 5e éd., Paris, Hachette-Edicef, 2008, 1555 p.

· Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 4e éd., Paris, PUF, 2003, 951 p.

· Maurice HAURIOU, Précis élémentaire de droit administratif, Paris, Sirey, 1933, 549 p.

· Y. MENY et O. DUHAMEL, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, 683 p.

· Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, 1198 p.

· M.-J. REDOR, De l'État légal à l'État de droit : l'évolution des conceptions de la doctrine publiciste française,Paris, Economica, 1992, 389 p.

· Michel VIRALLY, Panorama du droit international contemporain, Cours général de droit internationalpublic, Paris, R.C.A.D.I, 1983, 486 p.

B. OUVRAGES SPECIFIQUES

· Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, 663 p.

· Louis FAVOREU, L'élargissement de la saisine du conseil constitutionnel aux juridictions administratives et judiciaires, Paris, R.F.D.C, 1990, 588 p.

· Charlotte DENIZEAU, Droit des libertés fondamentales, 5e éd., Paris, Vuibert, 2017, 344 p.

· Caroline LACROIX, Protection des droits et libertés fondamentaux, Tome I, Paris, Dalloz, 2016, 321 p.

· Gilles LEBRETON, Libertés publiques et droits de l'Homme, 8e éd., Paris, Sirey Université, 2008, 580 p.

· LOUIS FAVOREU et alii, Droit des libertés fondamentales, 6e éd., Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2012, 728 p.

· Patrick WACHSMANN, Les droits de l'homme, 3e éd., Paris, Dalloz, 1999, 168 p.

· Blaise TCHIKAYA, Droit international des télécommunications, PUF, 1998, 128 p.

· Georges BURDEAU, Les libertés publiques, 4e éd., Paris,L.G.D.J., 1972, 457 p.

· Fréderic SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, 6e éd., PUF, Paris, 2003, p.

· Jean RIVERO et Hugues MOUTOUH, Libertés publiques, 9e éd., Tome I, Paris, PUF, 2003, 288 p.

· Künzli JÖRG etKälin WALTER, The Law of International Human Rights Protection, 1eéd., Oxford, Oxford University Press, 2009, 475 p.

· Jean-François AKANDJI-KOMBE, Les obligations positives en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, Précis sur les droits de l'homme, n° 7, 76 p.

IV. PRINCIPAUX ARTICLES

Franck LATTY, « La diversité des sources du droit de l'Internet », éd. Pedone, 2014.

Marie BASTIAN, « La fragmentation d'un droit préexistant ou la fondamentalité par analogie : le cas du droit d'accès à Internet », Revue des droits de l'homme, 2019, 15 p.

Michaël BARDIN, «Le droit d'accès à Internet : entre «choix de société» et protection des droits existants»,RLDI, 2013, n° 91.

Samantha BESSON, « L'effectivité des droits de l'homme : Du devoir être, du pouvoir être et de l'être en matière de droits de l'homme », 32 p.

Laure MARINO, « Le droit d'accès à Internet, nouveau droit fondamental », Recueil Dalloz, 2009, p. 2045.

Conseil de l'Europe, Liberté d'expression et d'information, https://www.coe.int/fr/web/freedom-expression/freedom-of-epression-and-information

Jean-François LEVESQUE, « Droit international des droits de l'homme », www.operationspaix.net/43-ressources/details/droit-international-des-droits-de-l-homme.html.

Les pactes internationaux de 1966, en ligne sur https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/

Laurent GILLE ET JACQUES-FRANÇOIS MARCHANDISE, La dynamique d'Internet : Prospective 2030, Paris, Etudes 2013, n° 1, 2013.

V. COURS ET MEMOIRES

A. COURS

Ø MAKUDI OUAFAE, « Libertés publiques et droits de l'homme », Cours, 2016, 124 p.

B. MEMOIRES

Ø Guillaume CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit international et européen des droits fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, 91 p.

Ø Pierre-Felix KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO, Du système congolais de promotion et de protection des droits de l'homme : Contribution pour une mise en oeuvre du mécanisme institutionnel spécialisé, Mémoire de DEA en Droit, Université de Lubumbashi, 2011, 278 p.

VI. RAPPORTS ET DISCOURS

A. RAPPORTS

§ Amnesty international, « Liberté d'expression », Dossier pédagogique 2017.

§ CIPESA, « Etat des lieux des libertés sur Internet en RDC », 2016, 20 p.

§ Fournisseur d'accès à Internet (FAI) au Congo, en ligne sur http://www.pagesclaires.com/fr/Activites/Fournisseur-d-acces-Internet-FAI

§ L'ANR : une menace à la liberté des médias de la RDC, disponible sur http://www.dc4mf.org/en/content/anr-threat-dr-congosmedia-freedom

§ RSF-Index 2016 sur la Liberté Mondiale de Presse, sur https://rsf.org/en/news/drc-ranked-152nd-world-press-freedomindex

§ CIPESA, « Dictateurs et restrictions : Cinq dimensions de coupures d'Internet en Afrique », février 2019.

§ ARTICLE 19, Principes de Johannesburg.

B. DISCOURS

§ Bernard KOUCHNER, Réunion `Internet et liberté d'expression', Paris, 8 juillet 2010, 4 p.

VII. WEBOGRAPHIE

1. www.accessnow.org/keepiton/

2. https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/10/intenet-shutdowns-v-3.pdf

3. https://cipesa.org/2017/09/economic-impact-of-Internet-disruptions-in-sub-saharan-africa/

4. www.Internetsociety.org/fr/policybriefs/Internet-shutdowns

5. https://www.jeuneafrique.com/697269//elections-en-rdc-Internet-coupe-au-lendemain-du-scrutin-du-30-decembre

6. https://www.coe.int/fr/web/freedom-expression/freedom-of-epression-and-information

7. www.humanrights.ch/fr/service/droits-humains/liberte-d-039expression/

8. http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-08-681_fr.htm?locale=fr

9. https://mobile.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine-ou-ailleurs-rein-ne-prouve-l-efficacite-des-coupures-dInternet_3506943.html

10. www.rfi.fr/afrique/20190118-rdc-comment-gouvernement-prive-congolais-Internet-mobile

11. https://jambordc.info/lambert-mende-couper-Internet-cest-une-chose-quon-fait-en-periode-electorale-cest-une-fois-tous-les-5-ans/

12. https://www.airtel.cd/termCondition

13. https://www.radiookapi.net/2018/01/01/actualite/politique/rdc-le-gouvernement-annonce-le-deblocage-de-linternet-et-sms

VIII. ANNEXES

F Correspondance de l'AR. P.T.C aux DG des sociétés Airtel RDC, Orange RDC, Vodacom RDC et Africel RDC, Annexe n° 1.

F Guide d'entretien, Annexe n° 2.

TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE I

IN MEMORIAM II

DEDICACE III

REMERCIEMENTS IV

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS V

0. INTRODUCTION 1

0.1 PROBLEMATIQUE 1

0.2 HYPOTHESES 5

0.3 ETAT DE LA QUESTION 7

0.4 DELIMITATION DU SUJET 9

0.5 CHOIX ET INTERET DU SUJET 10

0.6 METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE 10

CHAPITRE I. L'ACCES A INTERNET ET LE DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO 12

SECTION I. LES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX DE L'HOMME 12

§.1. NOTIONS ET CATEGORIES DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX 12

I. NOTIONS 12

I.1. DEFINITION DE LA LIBERTE 13

I.2. DISTINCTION ENTRE LIBERTES PUBLIQUES, DROITS DE L'HOMME, DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTES FONDAMENTALES 14

- Des libertés publiques aux libertés fondamentales 14

- Droits de l'homme ou droits fondamentaux ? 14

II. CATEGORIES DES DROITS DE L'HOMME 16

§.2. LES SOURCES DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX 18

A. LES SOURCES INTERNATIONALES DES DROITS DE L'HOMME 18

1. La Déclaration universelle des droits de l'homme 19

2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques 20

3. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples 21

B. SOURCES INTERNES DES DROITS DE L'HOMME 21

1. La Constitution de 2006 22

SECTION II. LE DROIT D'ACCES A INTERNET : NOUVELLE PIERRE ANGULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX ? 22

§.1. CONTROVERSES SUR UN « DROIT FONDAMENTAL » D'ACCES A INTERNET 24

1. ACCES A INTERNET COMME DROIT FONDAMENTAL 24

2. L'ACCES A INTERNET COMME MOYEN DE CONCRETISATION DES DROITS DE L'HOMME 27

§.2. APERCU SUR L'EXERCICE DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION SUR INTERNET EN RDC 31

CHAPITRE II. LES CONDITIONS GENERALES EN MATIERE DE LIMITATION DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION 36

§.1. DE L'EFFECTIVITE DES DROITS DE L'HOMME 37

§.2 LES OBLIGATIONS DE L'ETAT EN MATIERE DES DROITS DE L'HOMME 38

SECTION II. ANALYSE DES CONDITIONS DE LIMITATION SELON L'ARTICLE 19 DU PIDCP 40

§.1 LES RESTRICTIONS DOIVENT ETRE EXPRESSEMENT PREVUES PAR LA LOI 41

A. Diverses conceptions de la Loi : Lato sensu Versus Stricto sensu 42

- Compétences partagées en matière de limitation : Conséquence de la conception élargie de la loi 42

- Pour une conception stricte de la Loi : Assurance contre l'arbitraire des pouvoirs publics 44

B. Pour une clarté de la loi en matière de limitation : Remise en question de l'article 46 de la Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les Télécommunications en RDC 45

§.2 LES RESTRICTIONS DOIVENT ETRE NECESSAIRES 46

I. Au respect des droits ou de la réputation d'autrui 48

II. A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques 49

? La Sécurité nationale : Des principes de Syracuse aux principes de Johannesburg 49

? L'ordre public : le fondement constitutionnel de l'ordre public 50

§.3 QUELQUES ALTERNATIVES A PRENDRE EN COMPTE 54

CONCLUSION 60

BIBLIOGRAPHIE 68

TABLE DES MATIERES 74

* 1 P. GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 13.

* 2 Constitution de la RDC du 18 Février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 Janvier 2011, J.O, Numéro spécial, 52e année, Kinshasa, 5 Février 2011, Art. 122 § 1.

* 3 www.accessnow.org/keepiton/, consulté le 5/4/2019.

* 4 https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/10/intenet-shutdowns-v-3.pdf, consulté le 5/04/2019.

* 5 https://cipesa.org/2017/09/economic-impact-of-Internet-disruptions-in-sub-saharan-africa/, consulté le 5/04/2019.

* 6 Est un des quatre plus importants cabinets d'audit et de conseil mondiaux.

* 7 Internet Society, Coupures d'Internet, Un exposé sur la politique publique de l'Internet Society, 14 novembre 2017, p. 2, disponible sur www.Internetsociety.org/fr/policybriefs/Internet-shutdowns, consulté le 5/04/2019.

* 8 CIPESA, « Etat des lieux des libertés sur Internet en RDC », 2016, p. 11.

* 9 https://www.jeuneafrique.com/697269//elections-en-rdc-Internet-coupe-au-lendemain-du-scrutin-du-30-decembre/, consulté le 5/04/2019.

* 10 En télécommunication, abréviation de l'anglais signifiant « Short Message Service », c'est-à-dire Service de messages courts ; système de communication sans fil permettant aux usagers d'envoyer et de recevoir des messages alphanumériques à partir de leur téléphone mobile, in Dictionnaire universel, 5e éd., Paris, Hachette-Edicef, 2008, p.1162.

* 11 L. FAVOREU, L'élargissement de la saisine du conseil constitutionnel aux juridictions administratives et judiciaires, Paris, RFDC, 1990, p.588.

* 12 Déclaration universelle des droits de l'homme, Adoptée et proclamée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, Art. 19.

* 13 Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'AGNU dans sa résolution 2200A (XXI) du 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la RDC le 1er novembre 1976, Art 19 § 3.

* 14 Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Art. 9.

* 15Constitution de la RDC, Op. cit., Art. 23 et 24.

* 16Conseil de l'Europe, Liberté d'expression et d'information, disponible en ligne sur https://www.coe.int/fr/web/freedom-expression/freedom-of-epression-and-information, consulté le 14/04/2019.

* 17Humanrights, Liberté d'expression et d'information, disponible sur www.humanrights.ch/fr/service/droits-humains/liberte-d-039expression/, consulté le 14/04/2019.

* 18OCDE, The Role of Internet Intermediaries in Advancing Public Policy Objectives, 2011, p. 20. http://dx.doi.org/10.1787/9789264115644-en, cités par GUILLAUME CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit international et européen des droits fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, p. 7.

* 19F. LA RUE, Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, A/66/290, 10 août 2011, § 61, en ligne sur http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/66/290inGUILLAUME CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit international et européen des droits fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, p. 16.

* 20Résolution 424(V) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1950.

* 21M. BARDIN, «Le droit d'accès à Internet : entre «choix de société» et protection des droits existants»,RLDI, 2013, n° 91.

* 22L. MARINO, « Le droit d'accès à Internet, nouveau droit fondamental », Recueil Dalloz, 2009, p. 1.

* 23P. GERVIER,Op. cit., p. 19.

* 24 Y. MENY et O. DUHAMEL, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 683. Cités par Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 20.

* 25 M. HAURIOU, Précis élémentaire de droit administratif, Paris, Sirey, 1933, p. 549.

* 26 B. BONNET, « L'ordre public en France : de l'ordre matériel et extérieur à l'ordre public immatériel.Tentative de définition d'une notion insaisissable », Cité par Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 25.

* 27Pacte international relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art 19§3.

* 28G. CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit international et européen des droits fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, p. 41.

* 29G. CHAMPEAU, Op. cit., p. 11.

* 30P. GERVIER, Op. cit., p. 13.

* 31M. BASTIAN, « La fragmentation d'un droit préexistant ou la fondamentalité par analogie : le cas du droit d'accès à Internet », Revue des droits de l'homme, 2019, p. 13.

* 32CIPESA, Op. cit., p. 2.

* 33C. DENIZEAU, Droit des libertés fondamentales, 5e éd., Paris, Vuibert, 2017, p. 5.

* 34C. LACROIX, Protection des droits et libertés fondamentaux, Tome I, Paris, Dalloz, 2016, p. 14.

* 35G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l'Homme, 8e éd., Paris, Sirey Université, 2008, p. 14.

* 36C. LACROIX, Op. cit., p. 15.

* 37M. OUAFAE, « Libertés publiques et droits de l'homme », Cours, 2016, p. 3.

* 38Ibidem, p. 2.

* 39G. LEBRETON,Op. cit., p. 15.

* 40J. RIVERO et H. MOUTOUH, Libertés publiques, Tome I, 9e éd., Paris,PUF, 2003, p. 6.

* 41C. DENIZEAU, Op. cit., p. 5.

* 42L. FAVOREU, Op. cit., p. 588.

* 43L. FAVOREU et alii,Droit des libertés fondamentales, 6eéd.,Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2012, p. 70 et s.

* 44P.-F. KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO, Du système congolais de promotion et de protection des droits de l'homme : Contribution pour une mise en oeuvre du mécanisme institutionnel spécialisé, Mémoire de DEA en Droit, Université de Lubumbashi, 2011, p. 61.

* 45Extrait de Déclaration et Programme d'action de Vienne, § 5. Cité par Pierre-Félix KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO, Op. cit., p. 62.

* 46M. VIRALLY, Panorama du droit international contemporain, Cours général de droit internationalpublic, Paris, RCADI, 1983, p. 486.

* 47Préambule de la Charte de l'ONU.

* 48Charte de l'ONU, art. 1 § 3.

* 49Ibidem, art. 55 point C.

* 50J.-F. LEVESQUE, « Droit international des droits de l'homme », www.operationspaix.net/43-ressources/details/droit-international-des-droits-de-l-homme.html, consulté le 12/05/2019.

* 51P. WACHSMANN, Les droits de l'homme,3e éd., Paris, Dalloz, 1999, p. 17.

* 52Déclaration universelle des droits de l'homme,Op. cit., Art. 19.

* 53Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Op. cit., Art. 2 § 2.

* 54Les pactes internationaux de 1966, en ligne sur https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/, consulté le 13/05/2019.

* 55PIDCP, Op. cit., art. 19.

* 56Amnesty international, « Liberté d'expression », Dossier pédagogique 2017, p. 25.

* 57 Amnesty international, Op. cit., p. 25.

* 58Ibidem, p. 27.

* 59La liberté du Net en 2017, « Manipuler les réseaux sociaux pour affaiblir la démocratie : principaux constats », p. 1.

* 60573 voix contre 73.

* 61 http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-08-681_fr.htm?locale=fr, consulté le 10/06/2019.

* 62Art. 1er de la Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques.

* 63Conseil constitutionnel français, Décision n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, AJDA 2009. 1132, obs. S. Brondel.

* 64L. MARINO, Op. cit., p. 2045.

* 65Idem.

* 66Idem.

* 67Cour Européenne des droits de l'homme, Cengiz et autres c. Turquie, arrêt du 1er décembre 2015, §§ 49 et 52.

* 68Assemblée générale des Nations Unies, Conseil des droits de l'homme, Résolution A/HRC/32/L.20 du27 juin 2016 portant sur la promotion, la protection et l'exercice des droits de l'homme sur Internet.

* 69RésolutionCADHP/Res.62 (XXXII) 02 relative à la Déclaration des principes sur la liberté d'expression en Afrique.

* 70Résolution CADHP/Rés.362 (LIX) 2016 sur le droit à la liberté d'information et d'expression sur Internet en Afrique.

* 71B. KOUCHNER, « Réunion `Internet et liberté d'expression' », Discours, Paris, 8 juillet 2010, p. 2

* 72L. GILLE et J.-F. Marchandise, La dynamique d'Internet : Prospective 2030, Paris, Etudes 2013, n° 1,2013 p. 19.

* 73M. BARDIN, Op. cit.,n° 91.

* 74M. BASTIAN, Op. cit., p. 3.

* 75L. FAVOREU, L'élargissement de la saisine du Conseil Constitutionnel aux juridictions administratives et judiciaires, Paris, RFDC, 1990, p. 588.

* 76Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, J.O, Numéro spécial, 25 janvier 2003, Art. 59 à 60.

* 77M. BASTIAN, Op cit., p.5.

* 78CIPESA, Op.cit., p. 5.

* 79Fournisseur d'accès àInternet (FAI) au Congo, en ligne sur http://www.pagesclaires.com/fr/Activites/Fournisseur-d-acces-Internet-FAI, consulté le 13/05/2019.

* 80L'ANR : une menace à la liberté des médias de la RDC, disponible sur http://www.dc4mf.org/en/content/anr-threat-dr-congosmedia-freedom, consulté le 13/05/2019.

* 81RSF-Index 2016 sur la Liberté Mondiale de Presse, sur https://rsf.org/en/news/drc-ranked-152nd-world-press-freedomindex, consulté le 13/05/2019.

* 82CIPESA,Op. cit., p. 11.

* 83CIPESA, Op. cit., p. 18.

* 84CIPESA, « Dictateurs et restrictions : Cinq dimensions de coupures d'Internet en Afrique », février 2019, p. 4.

* 85En ligne sur https://jambordc.info/lambert-mende-couper-Internet-cest-une-chose-quon-fait-en-periode-electorale-cest-une-fois-tous-les-5-ans/, consulté le 21/05/2019.

* 86S. BESSON, « L'effectivité des droits de l'homme : Du devoir être, du pouvoir être et de l'être en matière de droits de l'homme », p 17.

* 87Idem.

* 88J. SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 411.

* 89G. CORNU, Vocabulaire juridique, 4e éd., Paris, PUF, 2003, p. 333.

* 90S. BESSON,Op. cit.,p 17.

* 91J.-F. AKANDJI-KOMBE,Les obligations positives en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, Précis sur les droits de l'homme, n° 7, p. 7.

* 92Pacte international relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art. 2 § 1.

* 93Ibidem., Art. 2 § 3.

* 94Ibidem., Art. 2 § 2.

* 95 K. JÖRG, K. WALTER, The Law of International Human Rights Protection, 1eéd., Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 97.

* 96Idem.

* 97P. WACHSMANN, Op. cit., p. 71.

* 98Pacte international relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art. 19.

* 99F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, 6e éd., Paris, PUF, 2003, p. 205.

* 100Ibidem, p. 206.

* 101 J. RIVERO et H. MOUTOUH, Libertés publiques, 9e éd., Tome I, Paris, PUF, 2003, p. 164.

* 102L. FAVOREU et alii, Droit des libertés fondamentales, 6e éd., Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2012, p. 79.

* 103P. GERVIER,Op. cit.,p. 113.

* 104 M.-J. REDOR, De l'État légal à l'État de droit : l'évolution des conceptions de la doctrine publiciste française,Paris, Economica, 1992, p. 143.

* 105Idem.

* 106C.E., 19 février 1904, Chambre syndicale des fabricants constructeurs de matériel pour chemins de fer etde tramways.

* 107C.E., 4 mai 1906, Sieur Babin, Rec.Lebon.

* 108G. BURDEAU, Les libertés publiques,4e éd., Paris,L.G.D.J., 1972, p. 36.

* 109Constitution de la RDC,Op. cit.,Art. 100.

* 110Ibidem, Art. 128.

* 111Ibidem, Art. 122.

* 112 www.rfi.fr/afrique/20190118-rdc-comment-gouvernement-prive-congolais-Internet-mobile

* 113B. TCHIKAYA, Droit international des télécommunications, PUF, 1998, p. 87.

* 114Convention internationale des télécommunications, Genève, 1959, Art. 31 § 1.

* 115Ibidem, Art. 31 § 2.

* 116Correspondance de l'AR. P.T.C aux DG des sociétés Airtel RDC, Orange RDC, Vodacom RDC et Africel RDC, voir Annexe n° 1.

* 117Renseigne Monsieur Léopold SALUMU, Responsable marketing chez Orange et Représentant ad intérim de la Société Orange RDC en province du Sud-Kivu.

* 118 https://www.radiookapi.net/2018/01/01/actualite/politique/rdc-le-gouvernement-annonce-le-deblocage-de-linternet-et-sms, consulté le 2/01/2019.

* 119Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC,Op. cit.,Art. 5.

* 120Loi-cadre n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant Création de l'Autorité de la Poste et des Télécommunications, J.O, Numéro spécial, 25 janvier 2003, Art. 3.

* 121 https://www.radiookapi.net/2018/01/01/actualite/politique/rdc-le-gouvernement-annonce-le-deblocage-de-linternet-et-sms, consulté le 2/01/2019.

* 122CEDH, Affaire De Becker c. Belgique, Requête n°214/56, Strasbourg, 27 mars 1962.

* 123ARTICLE 19, Principes de Johannesburg, Principe 1.3.

* 124Ibidem, Principe 2.

* 125Ibidem, Principe 6.

* 126P. DE MONTALIVET, Les objectifs de valeur constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2006, p. 61. Cité par Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 47.

* 127ONU, Conseil économique et social, Principes de Syracuse, p. 7.

* 128P. BON, La police municipale, Thèse dactylographiée, Université de Bordeaux I, 1975, p. 226. Cité par Pauline GERVIER, Op. cit., p. 54.

* 129P. GERVIER,Op. cit.,p. 55.

* 130Pacte international relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art. 12, 14, 18, 19, 21 et 22.

* 131Constitution de la RDC du 18 Février 2006,Op. cit.,Art. 23 et 24.

* 132P. GERVIER,Op. cit.,p. 64.

* 133Convention internationale des télécommunications, Op. cit., Art. 33.

* 134 https://www.airtel.cd/termCondition, consulté le 8/08/2019.

* 135Voir le Guide d'Interview et les réponses données pour la Société Orange RDC, Annexe n° 2.

* 136Franceinfo Afrique, « En Afrique ou ailleurs, rien ne prouve l'efficacité des coupures d'Internet », sur https://mobile.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine-ou-ailleurs-rein-ne-prouve-l-efficacite-des-coupures-dInternet_3506943.html, consulté le 10/08/2019.

* 137Idem.

* 138IRIS, Observations juridiques de l'Observatoire Européen de l'Audiovisuel, Résumé de l'Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), affaire Ahmet Yildirim c. Turquie, requête n° 3111/10 du 18 décembre 2012, disponible en pdf sur http://merlin.obs.coe.int/redirect.php?id=16262

* 139Voir l'arrêt de la Cour Européenne des droits de l'homme, Khurshid Mustafa et Tarzibachi c. Suède, n° 23883/06, §§ 44-50, 16 décembre 2008.

* 140Voir l'arrêt de la CEDH, Ürper et autres c. Turquie, § 43, 20 octobre 2009.

* 141Voir l'Observation générale no 34 du Comité des droits de l'homme CCPR/C/GC/34, au paragraphe 43, Genève, 11 au 29 juillet 2011.

* 142 M. BASTIAN, Op. cit., p. 14.

* 143 F. LATTY, « La diversité des sources du droit de l'Internet », éd. A Pedone, 2014.






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