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Efficacité et viabilité de l'électrification rurale décentralisée


par Thibault Erard
Université Paris-Sud - Master 2 Gouvernance de Projets de Développement Durable au Sud 2018
  

Disponible en mode multipage

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2017-2018 MME LAPORTE

UNIVERSITE

PARIS

UIl11Islt U

FACULTÉ

JEAN MONNET droRC - tcotwmlc
· Ges!IDn

EFFICACITÉ ET VIABILITÉ

DE L'ELECTRIFICATION

RURALE DÉCENTRALISÉE

DESCRIPTION ET ANALYSE DU RÔLE DE L'ÉLECTRIFICATION RURALE DÉCENTRALISÉE DANS L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE ET LE DEVEL PPEI TIENT ÉCONOMIQUE DES PAYS DU SUD

THIBAULT ERARD - M2 GOUVERNANCE DE PROJETS DE
DEVELOPPEMENT DURABLE AU SUD
STAGE A LA PION DATION ENERGIES
POUR LE MONDE
MAR - JUILLET 2018

L'Université Paris Sud n'entend donner aucune approbation ni improbation dans les
mémoires et/ou rapports de stage des étudiants. Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leur auteur.

Thibault Erard - Efficacité et Viabilité de l'Electrification Rurale Décentralisée Master 2 Gouvernance de Projets de Développement Durable au Sud

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TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES 3

SIGLES ET ABREVIATIONS 5

TABLE DES FIGURES ET ILLUSTRATIONS 6

INTRODUCTION 7

PARTIE 1 : ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE, DE QUOI PARLE-T-ON ? 9

LES EVOLUTIONS 9

HISTORIQUE SUCCINCT 9

BAISSE DES COUTS DE REVIENT 11

DES BESOINS ET CONTRAINTES TOUJOURS D'ACTUALITES 11

UNE REPARTITION DES BESOINS INEGALE 11

DES CONTRAINTES FORTES 13

UNE GAMME DE SOLUTIONS DISPONIBLES 15

LE RACCORDEMENT, SOLUTION HISTORIQUE 15

LES SOLUTIONS DECENTRALISEES 16

PARTIE 2 : LES IMPACTS POSITIFS DE L'ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE 20

DES IMPACTS BIEN CONNUS 21

IMPACTS SUR LA SANTE 21

IMPACTS SUR L'EDUCATION 22

IMPACTS ECONOMIQUES 23

ET D'AUTRES MOINS ETUDIES 26

IMPACTS INSTITUTIONNELS 26

SYNERGIES MULTI-DOMAINES 27

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PARTIE 3 : LIMITES DE L'ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE ET EVOLUTIONS POSSIBLES 29

L'ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE ET SES LIMITES 29

UNE ELECTRIFICATION QUI NE SE CONCENTRE PAS SUR LES PLUS DEFAVORISES 29

DES BIAIS DANS LA MESURE DES IMPACTS 30

LIMITES DANS LES USAGES DOMESTIQUES ET PRODUCTIFS 32

DES MOYENS DE PAIEMENT ET DES TARIFS LONGTEMPS PEU ADAPTES 33

COMMENT LES DEPASSER ? 34

AMELIORATION DE LA METHODOLOGIE D'ETUDE 34

LES ACTIVITES PRODUCTIVES COMME POINT D'ANCRAGE 35

SOUPLESSE DANS LES MOYENS DE PAIEMENT ET LES TARIFS 36

CONCLUSION 38

BIBLIOGRAPHIE 39

RESUME 43

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SIGLES ET ABREVIATIONS

AfDB : African Development Bank

AFME : Agence Française pour la Maîtrise de l'Energie

ABD : Asian Development Bank

CFL : Compact Fluorescent Lamp

CLUB-ER : Club des Agences et Structures nationales africaines en charge de l'Électrification

Rurale

COMES : Commissariat à l'Energie Solaire

ENTSO-E : European Network of Transmission System Operators for Electricity

ER : Electrification Rurale

ErD : Electrification rurale Décentralisée

Fondem : Fondation Energies pour le Monde

IDH : Indice de Développement Humain

IEA : International Energy Agency

kWh : Kilowatt-heure

LED : Light Emitting Diode

Lm : Lumen

ODD : Objectifs de Développement Durable

OI : Organisation Internationale

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OSC : Organisation de la Société Civile

PPP : Partenariat Public-Privé

PV : Photovoltaïque

UNDESA : United Nations Department of Economic and Social Affairs

US$ : Dollard américain

W : Watt

Wc : Watt-crète

WHO : World Health Organisation

ZAE : Zone d'Activité Electrifiée

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TABLE DES FIGURES ET ILLUSTRATIONS

Figure 1 : Taux d'électrification rurale par région géographique. Graphique construit par l'auteur avec les données de la Banque Mondiale de 2014. https://data.worldbank.org/

Figure 2 : Pourcentage de la population sans accès au réseau d'électricité. Données Banque Mondiale de 2012.

Figure 3 : Graphique représentant l'utilisation finale de l'énergie par personne (IEA, 2015) « Other » inclus le charbon, le pétrole, le gaz naturel, l'hydrogène et d'autres sources renouvelables.

Figure 4 : Exemple de pico-dispositif pour l'éclairage et la recharge USB proposé par Greenlight Planet. https://www.greenlightplanet.com/shop/home-60/

Figure 5 : IDH en fonction de la consommation d'électricité. Donnée de la Banque Mondiale de 2014.

Figure 6 : Evolution de la demande en énergie pour l'éclairage en Inde (Kanagawa & Nakata, 2008).

Figure 7 : Mode d'influence des programmes d'électrification rurale (Torero, 2015).

Figure 8 : Exemple d'utilisation de système solaire débloqué avec un code SMS (Big Eye, 2013).

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INTRODUCTION

Lire un livre ou cuisiner après le coucher du soleil, écouter les actualités à la radio ou les regarder à la télévision, recharger son portable chez soi, vivre à proximité d'un centre de soin pouvant conserver des vaccins ou vivre proche d'un commerce disposant d'un réfrigérateur sont autant d'activités et de services basiques facilités ou rendus possibles par l'électricité. Pourtant, près d'un milliard de personnes dans le monde n'y ont toujours pas accès de nos jours et 84% d'entre elles habitent dans une zone rurale (International Energy Agency, 2017). Ces chiffres reflètent un déséquilibre et une injustice dont les origines sont multiples et les solutions connues.

L'électrification rurale décentralisée (ErD) constitue un élément de réponse à cette problématique revenue sur le devant de la scène internationale depuis une dizaine d'années. L'ErD est une solution permettant aux personnes, non desservies par le réseau de distribution national, d'accéder à un service électrique. Ces installations exploitent principalement des sources d'énergies renouvelables pour permettre à des populations défavorisées par leur isolement géographique de profiter de l'électricité. Cet isolement géographique s'accompagne souvent de nombreux désavantages impactant la santé, l'éducation, l'économie et les conditions de vie en général dans ces régions.

L'ErD a parfois été perçue comme une réponse « miracle » à la problématique du développement des populations rurales. Mais au vu des enjeux humains (les conditions de vie de plus d'un milliard de personnes sont concernées), environnementaux (la production d'électricité est source de nombreuses pollutions et dégradations environnementales) et économiques (augmentation potentielle des revenus pour les bénéficiaires, montants des investissements nécessaires, etc.), il est légitime de s'interroger sur le véritable rôle et les réels impacts de cette solution. Plusieurs acteurs, chercheurs ou bailleurs internationaux reprennent ce questionnement. En d'autres termes, l'électrification rurale décentralisée constitue-t-elle vraiment une réponse viable et efficace afin de favoriser l'amélioration des conditions de vie et le développement économique des populations rurales ? Ce mémoire se fixe donc pour objectif de dresser un portrait global et réaliste de l'ErD dans les pays émergents depuis sa création dans les années 80 jusqu'à nos jours.

Ce document se base principalement sur une étude documentaire1 ainsi que sur les observations et expériences acquises lors d'un stage de cinq mois à la Fondation Energies pour le Monde. La littérature est abondante dans le domaine de l'électrification rurale et ses différentes facettes sont largement abordées à travers des rapports et notes de travail de

1 La majorité des écrits cités se rapportent au continent Africain car celui-ci concentre aujourd'hui la plupart des besoins.

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bailleurs nationaux ou internationaux, des notes de réflexion lors de rencontres ou forums mondiaux, des articles de chercheurs, des évaluations de programmes ou de projets d'agence de développement ou d'ONG, etc. Une vaste partie de cette littérature est consacrée à l'analyse des impacts positifs de l'ErD mais il existe aussi de nombreux documents contrebalançant ces conclusions et témoignant d'une véritable conscience des limites et contraintes existantes.

La première partie permet d'introduire l'ErD, elle évoque ses évolutions politiques, institutionnelles et techniques depuis ses débuts afin d`appréhender sa situation actuelle. Elle expose les enjeux soulevés ainsi que les contraintes qui s'appliquent. Enfin elle présente succinctement les solutions techniques répondant à ces enjeux. Dans un deuxième temps, ce document tente d'énumérer les contributions de l'ErD au développement des pays émergents. Des impacts aussi communément admis que la santé, l'éducation et le dynamisme économique sont évoqués mais aussi d'autres moins étudiés. La troisième partie relève les principales critiques rencontrées par les programmes et projets d'ErD (efficacité, évaluation des résultats et solutions techniques privilégiées) afin d'évoquer les évolutions possibles pour les surpasser.

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PARTIE 1 : ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE, DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les évolutions

Historique succinct

L'électrification des pays que l'on nomme aujourd'hui émergents ou en développement a commencé, dès le début du 20ème siècle, par la construction de centres de production et de réseaux de distribution dans les centres industriels et miniers. La production était assurée par des centrales thermiques construite à proximité des sources de charbon ou de pétrole. Il y a donc historiquement une forte corrélation entre l'industrialisation des pays émergents et leur électrification. Cette corrélation s'illustre parfaitement avec l'exemple de l'Afrique du Sud, le pays a très tôt fait évoluer de pair l'offre et la demande (pour l'industrie et les quartiers blancs uniquement) en électricité, en exploitant les réserves abondantes de charbons dont le pays disposait et a pu même profiter, dans les années 1900, d'un tarif de l'électricité inférieur à celui de la Grande-Bretagne. Mais l'Afrique du Sud reste une exception car il faut attendre l'indépendance des autres pays africains pour que les premiers programmes d'extension de réseau voient le jour. La priorité est toujours donnée aux centres industriels mais certains quartiers d'habitation proches de ces centres sont raccordés. C'est le cas notamment au Kenya et en Côte d'Ivoire (Debeugny, Jacquot & De Gromard, 2017) mais ces extensions sont anecdotiques et peu suivies sur le continent.

Les premiers programmes de coopération internationale en matière d'électrification font suite aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Le développement des énergies renouvelables, et particulièrement le solaire, initie la création d'agences nationales de promotion de cette technologie dans les pays du Nord et de mise en oeuvre de programmes internationaux (par exemple le Commissariat à l'Energie Solaire, COMES, créé en 1978 en France). Ces agences financent des programmes ciblés géographiquement (anciennes colonies) et thématiques (télécommunication, santé, etc.). L'objectif était de participer au développement à long terme des pays anciennement colonisés par la construction d'infrastructures permettant d'améliorer les conditions de vie et de limiter la migration urbaine, la déforestation, etc. En Asie, le Bangladesh met en place dès 1975 sa première initiative majeure pour étendre son réseau électrique, le Total Electrification Program, qui s'avèrera très efficace grâce à une implication massive des habitants dans la construction et l'exploitation des opérateurs (Khandker, Barnes & Samad, 2009).

Dans les années 80, de nouveaux programmes innovants sont lancés au Maghreb. Ils initient ce que l'on appelle aujourd'hui l'ErD (Debeugny, Jacquot & De Gromard, 2017) c'est-à-dire la

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prise en compte des usages de l'électricité, complémentarité des solutions de production (PV, diesel, hydraulique), l'introduction des batteries, l'utilisation de lampes basse consommation, etc. Mais ces initiatives sont coûteuses et le manque de données précises pour les évaluer va conduire à leur ralentissement lors des périodes d'ajustement structurel et du New Public Management.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce ralentissement (Bernard, 2010), la crise de la dette des pays du Sud impose de nouvelles conditions de prêts plus exigeantes à ces pays, plusieurs études jettent un doute sur l'efficacité de l'électrification rurale (peu de personnes connectés et surtout des foyers aisés, utilisation toujours massive de biocombustible et donc déforestation, pas de baisse de la migration rurale, etc.). De plus, la synergie électricité-croissance est aussi remise en cause, le modèle « l'électricité entraine la demande » est inversé et l'électrification n'est plus vue comme un facteur déterminant de développement. Jusqu'à la fin des années 2000, la priorité n'est donc plus donnée aux grands programmes de coopération internationale en faveur de l'électrification. C'est pendant cette période que les agences nationales d'électrification seront créées dans les pays du Sud et que les plans nationaux seront lancés. Leur efficacité est relative en Afrique car, si certain pays (notamment au Maghreb) ont pu s'appuyer sur un tissu industriel important pour soutenir l'électrification rurale, d'autre ont souffert des plans d'ajustement structurels (Club-ER, 2010). Le recours au Partenariats Public-Privé (PPP) pour assurer le financement des programmes d'électrification rurale a entrainé la multiplication des structures nationales sans réflexion globale à long terme. Les interventions ponctuelles n'ont pas permis d'atteindre efficacement les zones rurales et ont largement privilégiées les centres urbains et industriels.

Une décennie plus tard, l'électrification rurale redevient une priorité pour plusieurs raisons. D'une part, de nouvelles études mettent en évidence le rôle qu'elle peut avoir dans la réduction de la pauvreté, objectif principal d'organisations internationales telles que l'ONU et la Banque Mondiale. De nouveaux financements lui sont donc réservés et de nombreux programmes voient le jour (évoqués plus bas). D'autre part, un travail est aussi mené pour mieux évaluer les impacts de ce type de programmes par l'ensemble des bailleurs et dans agences de financement. Il semble pertinent de cité la création de divisions spécialisées pour les grands bailleurs2 ainsi que des efforts de normalisation illustré par The Paris Declaration on Aid Effectivness en 2005 et le Partenariat de Busan en 2011. Enfin, les avancées technologiques permettent de considérablement baisser le coût de revient de l'électrification et de l'ErD.

2 Par exemple l'Independent Evaluation Group de la Banque Mondiale et le Network on Development Evaluation de l'OCDE.

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Baisse des coûts de revient

Aujourd'hui, l'ErD devient de plus en plus abordable et cela est particulièrement vrai quand la solution technique choisie est le solaire. La baisse des coûts des panneaux photovoltaïques (PV) et l'augmentation de leur rendement rendent toute une gamme de systèmes, des lampes solaires aux centrales, viables et abordables pour les populations rurales. Le prix au Watt des panneaux PV est passé de 75 US$ en 1976 à seulement 0.61US$ en 2015 (Bloomberg and Lighting Global, 2016). Le prix et l'efficacité des LED pour l'éclairage se sont fortement améliorés : le prix de revient d'une LED qui était de 0.4 US$ par unité en 2012 est aujourd'hui inférieur à 0.1 US$, leur intensité lumineuse a quant à elle augmenté de 166 lm/W en 2012 à 200 lm/W en 2016. L'éclairage domestique et des commerces est donc devenu abordable pour toute une partie de la population avec des solutions de lampes pico-solaires disponibles pour 4 US$. Le stockage de l'électricité a lui aussi profité d'évolutions technologiques rapides et d'une baisse des coûts. Les batteries au plomb ont été remplacées par des batteries lithium-ion plus efficaces et moins chères : de 1000 US$/kWh en 2010 à 350 US$/kWh en 2015. Ces avancées permettent de rendre les modèles économiques plus faciles à équilibrer et de permettre à l'ErD de répondre aux besoins des populations.

Des besoins et contraintes toujours d'actualités

Une répartition des besoins inégale

En 2016, le nombre de personne vivant sans avoir accès à l'électricité était de 1,1 milliard soit 14% de la population mondiale (International Energy Agency, 2017). Ce chiffre cache bien sûr de grandes disparités entre le nord et le sud mais aussi entre les zones rurales et urbaines. Le taux d'électrification est supérieur à 99% dans les pays développés mais atteint seulement 43% en Afrique sub-saharienne. Le continent comptabilise près de la moitié des personnes sans accès à ce service vital et en 2014, 20 pays rassemblaient 80% des personnes n'ayant pas accès à l'électricité (Nations Unies, 2017). Comme expliqué plus haut, les disparités se retrouvent aussi au sein même des pays avec des taux d'électrification plus élevés dans les centres urbains que dans les zones rurales. En Afrique subsaharienne, par exemple, le taux d'électrification rurale est le plus bas du monde avec seulement 25% de la population ayant accès à ce service3 (Figure 1). Dans le monde, les populations rurales représentent 84% des personnes sans accès à l'électricité. Plusieurs facteurs peuvent expliquer que ce chiffre ne diminue que faiblement : une croissance démographique plus élevée dans les zones rurales qu'en ville et plus élevée que le taux de croissance des raccordements, la manque d'usages productifs potentiels (développé plus bas) et la faible capacité d ;e financement des populations.

3 Contre 60% environ en ville.

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Figure 1 : Taux d'électrification rurale par région géographique (Banque Mondiale)

Mais ces indicateurs semblent enfin s'améliorer significativement. Ainsi, le taux d'électrification rurale en Afrique subsaharienne, cité ci-dessus, a plus progressé ces 5 dernières années que depuis 1995. Cette décennie a vu se succéder, avec une relative efficacité, des plans et programmes internationaux ayant pour objectif « d'électrifier » l'ensemble de la planète et notamment l'Afrique qui reste aujourd'hui le continent le moins électrifié (Figure 2).

Figure 2 : Pourcentage de la population sans accès au réseau d'électricité (Données Banque Mondiale de 2012)

Peuvent être cités : le programme Lighting Africa (2007) et Africa Electrification Initiative (2008) tous deux de la Banque Mondiale, le programme des Nation unies Sustainable Energy For All (SE4All) lancé en 2011, l'initiative lancée par le gouvernement de Barack Obama en 2013

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Power Africa, l'Initiative Africaine pour les Energies Renouvelables menée par l'Union Africaine en 2015 mais aussi des projets privés comme celui du chanteur Akon et de l'entreprise Solektra, Akon Lighting Africa, de 2014. Ces programmes s'accompagnent de promesses de fonds (près de 320 milliards pour SE4All) mais les investissements tardent.

D'autre part, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), effectifs jusqu'en 2015, ne comprenaient pas de composantes particulières concernant l'accès à l'énergie. Mais avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés en 2015 par 193 pays, c'est maintenant chose faite. Ces successeurs aux OMD, comptent un volet, parmi les 17, spécialement consacré à l'accès à l'énergie.

Objectif de Développement Durable n°7: Garantir l'accès à un service énergétique
abordable, fiable, durable et moderne pour tous.

Des contraintes fortes

Les quatre dimensions développées par cet objectif (abordable, fiable, durable et moderne) permettent de souligner les principales contraintes dans le domaine de l'accès à l'énergie. L'immense majorité des investissements et programmes ou projets répondant à cet objectif concernent l'accès à l'électricité ou dans une moindre mesure, l'installation de système de cuissons plus efficaces.

La problématique du coût est bien évidemment soulevée car il est primordial d'adapter et d'équilibrer l'offre énergétique à la population. Les programmes et projets participants à cet objectif doivent, dès les premières étapes de conception, évaluer finement les besoins et intégrer les capacités financières des bénéficiaires. Cette étape est trop souvent négligée par les bailleurs et cela met en péril l'équilibre financier du projet et donc sa viabilité. Pour s'assurer de la réponse à leurs besoins, le « business-plan » doit au moins prendre en compte le revenu moyen de la région et la part de ce revenu consacré aux dépenses énergétiques (gasoil, bougie, piles, etc.). Pour proposer une solution financièrement équilibrée, il est aussi important de distinguer les utilisations domestiques et productives afin de répartir équitablement le coût global du projet en établissant une grille de tarif flexible et prenant en compte les éventuelles aides ou subventions de l'Etat4. Qu'ils soient publics ou privé, l'équilibre financier est difficile à atteindre pour les exploitants. Les exploitants privés doivent même aller au-delà et chercher à rentabiliser le service d'électricité.

La deuxième dimension abordée est celle de la fiabilité, de la constance et de la « solidité » du service. Dans les pays développés, en excluant les quelques petites coupures d'électricité dues à des éléments naturels imprévus (inondations, chute de neige, de branches, etc.) ou à

4 La problématique du coût de l'électricité et des tarifs est développée p. 33 et 36.

13

une trop forte demande ponctuelle, le service électrique est assuré 7 jours sur 7 et 24h sur 24 toute l'année. Ce n'est pas le cas dans les pays en développement, où les populations raccordées aux réseaux nationaux subissent régulièrement des coupures d'électricité impactant la vie quotidienne et les activités économiques. Au-delà des incidents naturels et des conflits, les entreprises privées ou les compagnies nationales font face à une croissance de la demande en électricité presque 2 fois supérieure à celle de leurs capacités. Les producteurs d'électricité ont donc recours au délestage soit la coupure de l'alimentation en électricité de quartiers entiers et pour plusieurs heures. Ces coupures atteignent dans certains pays un équivalent de 56 jours par an. Les pertes économiques sont évaluées à près de 2% de PIB (Heuraux, 2011) et de 7 à 13% d'heure de travail par an (Desarnaud, 2016). Pour faire face à ce manque de fiabilité, les entreprises ont recours à des groupes électrogènes d'appoints, couteux et polluant.

La problématique de la durabilité de l'accès à l'énergie nécessiterait à elle seul un mémoire complet. Il est aujourd'hui largement admit que l'utilisation massive de combustibles fossiles fait peser sur notre avenir une menace globale. Les pays en développement sont particulièrement concernés car la croissance rapide de leur économie s'appuie sur un mix énergétique dominé par l'utilisation de charbon et de biomasse (près de 60% de la consommation globale, Europan Commission, 2011), forts émetteurs de gaz à effet de serre. Le mix énergétique doit se recentrer sur l'utilisation de techniques de productions viables sur le long terme et adaptées aux potentiels de chaque pays. La diversité de l'offre technologique actuelle (solaire, hydraulique, éolien, biomasse, géothermie, etc.) permet d'exploiter les potentiels énergétiques de ces pays et de produire de l'électricité dans toutes les régions du globe.

Le dernier enjeu abordé est la modernisation de ce mix énergétique. Cette modernisation passe par (i) un recours massif à l'électricité pour les usages domestiques et économique de l'énergie ; (ii) l'utilisation d'équipements plus efficients.

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Figure 3 : Utilisation finale de l'énergie par personne (IEA, 2015)

L'objectif est de faire bénéficier de l'amélioration des conditions de vie, des gains de rendement et de la diversification des activités qu'offre l'usage de l'électricité au plus grand nombre. Cette transformation est aujourd'hui rendue possible grâce à la baisse des coûts de production de l'électricité permettant l'élargissement des possibilités.

Une gamme de solutions disponibles

Afin de produire et de distribuer l'électricité aux populations, plusieurs solutions techniques existent. Chacune d'entre elles répond à une demande et à un contexte historique, socio-économique, géographique et politique. Dans les pays industrialisés, toute la population à accès à un service d'électricité et sa production est centralisée. En effet, l'écrasante majorité de l'électricité domestique et à usage productif est générée par de grosses infrastructures (centrales thermiques, nucléaires, barrages, parcs solaires, éoliens, etc.) pour alimenter un réseau recouvrant tout le territoire et connecté aux pays voisins (par exemple le European Network of Transmission System Operators for Electricity - ENTSO-E regroupe les 41 gérants de réseaux électrique en Europe et est même connecté avec des pays d'Afrique du Nord). Dans les pays émergents, la centralisation de la production et la mise en réseau nationale et internationale ne sont pas aussi efficace.

Le raccordement, solution historique

Pour effectuer de nouveaux raccordements, la solution historique a longtemps été, à l'instar des pays industrialisés, l'extension du réseau existant. Des milliers de kilomètres de nouvelles lignes hautes, moyennes et basses tensions ont été construites mais cette technique pose aujourd'hui de nombreux problèmes. D'une part, si ces nouveaux raccordements ne s'accompagnent pas d'augmentation des capacités de génération, l'ensemble du réseau n'est plus fiable et cela entraîne des coupures volontaires (délestages) ou non. Le coût de construction et d'entretien étant très élevés, les pays en développement privilégiant cette technique ne sont généralement pas en mesure d'assurer un service fiable à la population

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(Desarnaud, 2016). La clientèle, majoritairement composée de ménages, les compagnies d'électricité des pays peu électrifiés freine les investissements importants car leur pouvoir d'achat et leur niveau de consommation est faible comparée aux entreprises et industries. La santé financière de ces compagnies est donc assez précaire (Heuraux, 2011).

D'autre part, si le raccordement est économiquement viable dans les zones densément peuplées, il demande des investissements bien plus importants dans les périphéries des villes et dans les zones rurales et cela se ressent sur la somme que doivent débourser, dans certains pays, les populations rurales pour être raccordées. Ce coût de raccordement augmente avec l'éloignement par rapport à l'infrastructure de production et alonge fortement l'atteinte d'un taux d'électrification de 100%. Par exemple, il a fallu 20 ans pour que des pays comme la Thailande et la Chine passent d'un taux de 30-40% à 85-90% et de nouveau 20 ans pour atteindre l'accès universel (International Energy Agency, 2017). Ce phénomène s'appelle le dernier kilomètre.

Enfin, ces programmes nationaux sont très long à prévoir et à mettre en oeuvre. Le tracé des lignes et le choix des régions ou villages à desservir sont souvent le résultat de longues négociations politiques sujettes aux changements de gouvernements. A cela s'ajoutent les longues mais indispensables procédures d'évaluations des impacts environnementaux et sociaux5. Au total, il faut compter entre 5 (Heuraux, 2011) et 9 ans (Independant Evaluation Group, 2014) pour que la prise de décision se transforme en réalisation technique. Même si l'immense majorité (97%) des investissements pour l'électrification depuis les années 2000 ont été destiné à l'extension de réseaux (International Energy Agency, 2017), cet ensemble non-exhaustif de limites montre bien qu'il n'est pas possible d'atteindre un taux d'électrification globale de 100% d'ici 2030 uniquement par cette voie. Pour électrifier l'ensemble de la population, il semble donc nécessaire d'envisager un nexus de solutions centralisées et décentralisées.

Les solutions décentralisées

L'ErD se positionne aujourd'hui comme une alternative viable à l'extension de réseau, surtout en zone rurale. Ce terme regroupe plusieurs systèmes adaptés aux besoins domestiques et économiques des foyers ruraux. En 2011, la consommation moyenne d'énergie en Afrique était 35 fois inférieure à celle de l'Union européenne et la consommation d'électricité près de 100 fois inférieure (Europan Commission, 2011), ces chiffres cachent de grandes disparités mais ils sont encore plus importants dans les zones rurales. Cet écart représente un avantage6 car la puissance à produire pour répondre aux besoins des habitants est assez faible et permet

5 Ces dernières années, les procédures d'évaluation bénéficient toute fois d'une nouvelle optimisation

6 Mais aussi un inconvénient, voir p.32

16

une souplesse dans les solutions possibles. Ces nouvelles solutions déconnectées du réseau national sont développées plus bas et classées selon deux grandes catégories et quatre sous-catégories déterminées par le nombre de personnes alimentées, la puissance délivrée et les usages possibles (ces caractéristiques peuvent varier selon les auteurs) :

· Solutions « hors réseau » composées des pico-dispositifs (standalone, pico-solar) et des kits individuels (solar home systems) ;

· Solutions « en réseau » composées des micro-réseaux et des mini-réseaux.

Les pico-dispositifs sont généralement constitués d'un petit panneau PV (moins d'une centaine de Watts), d'une batterie (selon les modèles), d'un contrôleur et d'un ou plusieurs petits équipements électriques (LED, chargeur de téléphone, etc.). Ils constituent le premier échelon de l'électrification et permettent de répondre aux besoins domestiques les plus basiques (éclairage de la maison ou d'un commerce, télécommunication, etc.) mais ne dépasse rarement ces besoins. Ce secteur est extrêmement dynamique avec plusieurs dizaines de millions de dispositifs vendus chaque année en Afrique (Bloomberg and Lighting Global, 2016) et des dizaines d'entreprises sont en concurrence. Son succès peut s`expliquer par la baisse des coûts de la technologie PV7, le développement de nouveaux moyens de paiements tels que le Pay As You Go8 et la facilité et la rapidité de mise en fonctionnement facilitant sa diffusion à grande échelle par des opérateurs privés. Un des autres avantages est l'évolutivité des systèmes, les utilisateurs pouvant ajouter des éléments assez facilement (panneaux PV, batterie, etc.) et ainsi répondre, en fonction de leur revenus et jusqu'à un certain point, à une évolution de leurs besoins. Les pico-dispositifs sont aujourd'hui vendus dans plus 25 pays et près de 15 à 20% des ruraux en sont équipés au Kenya, en Tanzanie et en Ethiopie (Jacquemot, 2017). Ce premier échelon permet de répondre aux besoins les plus basiques mais ne constitue pas, à lui seul, une réponse suffisante à long terme. Certains équipements permettant d'améliorer nettement le quotidien des populations nécessitent des puissances plus élevées.

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7 Les systèmes valent de 10 à 40 US$ environ.

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8 Développé p.36

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Figure 4 : Exemple de pico-dispositif pour l'éclairage et la recharge USB proposé par Greenlight Planet.

A partir de quelque centaines de Watts, les kits individuels s'avèrent des solutions plus adaptées. Ces systèmes se basent sur l'énergie solaire ou, plus rarement, éolienne pour fournir de l'électricité à une maison, une infrastructure publique ou privé (école, dispensaire, petit commerce, antenne relai, etc.). Dans le cas des particuliers, ils permettent d'alimenter de quelques lampes et une radio à un ensemble d'équipements plus complet comprenant une télévision, un réfrigérateur, un ventilateur, des chargeurs de portables, etc. Les infrastructures privées et publiques peuvent profiter de l'éclairage, d'un ordinateur, de ventilateurs, d'un réfrigérateur/congélateur. Dans le cas de la chaîne du froid domestique ou pour les petits commerce, le mini-réseau est parfois couplé à un générateur diesel d'appoint pour compenser les intermittences dans la production d'énergie (cycle jour-nuit, abcence de vent, etc.). Cette hybridation est obligatoire pour les dispensaires et les petits centres de soins. Pour ce genre d'équipements, l'utilisation de batteries est indispensable au vu des utilisations. Ces kits sont de fait plus onéreux (de quelques centaines à quelques milliers de US$) et majoritairement introduits dans le cadre de prgrammes d'éléctrification menés par des agences nationales ou des OI prenant en charge une partie du coût global et proposant des facilités de paiement.

Ces deux types de systèmes (pico et kits individuels) permettent d'améliorer grandement les conditions de vie des populations rurales. En revanche, ils ne permettent pas de soutenir la mise en place d'accès à l'électricité à l'échelle d'un village ou le développement d'activités économiques plus demandeuses en énergie. Les micro-réseaux et mini-réseaux désignent des infrastructures de production et de distribution de l'électricité à plus grande échelles mais toujours déconnéctées du système national.

Si la zone possède les caractéristiques adéquates (source d'énergie, clients potentiels, cadre institutionnel, densité de population, etc.), une électrification par micro-réseau est envisageable. Il s'agit d'une centrale de petite dimension (quelque kilowatt) et généralement solaire, mais il est parfois possible d'utiliser l'énergie hydraulique, couplée à un réseau de distribution permettant de desservir les habitations d'un village. Ce type d'infrastrucure demande une organisation et un investissement plus important pour plusieurs raisons. D'une

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part, le système nécessite l'installation d'une unité de production (surface de panneau PV, turbine, parc éolien, etc.) et d'un parc de batteries plus difficile à entretenir que les systèmes précédants. Ces contraintes techniques entrainent des contraintes organisationnelles, les projets doivent respecter un cadre reglementaire plus lourd, se doter d'un exploitant fiable et investit, assurer une sensibilisation et une implication des populations plus poussées, etc. Les infrastructures peuvent coûter aux alentours d'une centaine de milliers de US$ et sont donc portés par des OSC et des OI mais peu de groupes privés. En effet, l'équilibre financier des mini-réseaux est généralement très précaire et dépend souvent de subventions, de dotations des collectivités territoriales locales ou de partenariats Nord-Sud. Dans certains cas les micro-réseaux peuvent supporter la demande de petites activités économiques peu consommatrices en éléctricité.

Si la zone à élelctrifier dispose d'un tissu économique dynamique et potentiellement plus demandeur en énergie, il s'agira alors d'un mini-réseau ou d'une Zone d'Activité Electrifiée (ZAE). Les mini-réseaux permettent de fournir un accès à l'électricité à environ 2000-5000 personnes. Ils reprennent le principe de fonctionnement d'un micro-réseaux mais à plus grande échelle. La puissance potentiellement délivrée est plus imporant ce qui permet d'envisager la création de véritables pôles économiques avec des activités diversifiées et énergivores (transformation agricole, restauration, commerce de produits frais, menuiserie, ferronerie, cyber-café, atelier de couture, etc.) en plus d'alimenter les foyers. Les investissements représentent plusieurs centaines de milliers de US$ mais les mini-réseaux possèdent un équilibre financier plus stable grâce aux activités économiques. Celles-ci consomment plus d'élécticité que les ménages et permettent d'obtenir cet équilibre plus facilement.

Ce retour à une synergie électrification/développement économique est aujourd'hui bien présent dans l'ensemble des projets. Les organisations internationales favorisent les « usages productifs de l'électricité », en témoignent les nombreux rapports de l'ONU9, la Banque Mondiale10, GIZ11, USAID12, etc. soulignant l'importance de cet aspect pour mieux rentabiliser les projets et démultiplier les impacts de l'électrification sur les conditions de vie des populations.

9 Planning for Improved Energy Access and Productive Uses of Electricity, UNDP, 2015

10 Maximizing the Productive Uses of Electricity to Increase the Impact of Rural Electrification Programs, The World Bank, 2008

11 Promoting Productive Use of Energy in the Framework of Energy Access Programmes, GIZ, 2013

12 Guides for Electric Cooperative Development and Rural Electrification, USAID, 2009

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PARTIE 2 : LES IMPACTS POSITIFS DE L'ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE

Les parties précédentes tentent de dresser un portrait de l'électrification et de ses évolutions jusqu'à nos jours. La partie suivante a pour objectif de regrouper l'ensemble des domaines impactés par l'électrification et particulièrement de l'ErD.

Figure 5 : IDH en fonction de la consommation d'électricité (Banque Mondiale, 2014)

Ce graphique (Figure 3) représentant l'Indice de Développement Humain (IDH) en fonction de la consommation d'électricité (en kWh par personne et par an) met en lumière la corrélation entre l'accès à un service électrique et la satisfaction de besoins basiques représentés par l'IDH (notamment santé et éducation). Même si cet indicateur ne représente pas fidèlement le développement il permet de s'en approcher et le plus intéressant sur ce graphique n'est pas la valeur de l'IDH mais plutôt la forme de la courbe dessinée. Cette courbe logarithmique croît très fortement sur les petites valeurs (de 0 à 5 000 kWh environ) et se stabilise, ou du moins croît avec beaucoup moins d'intensité, après un certain seuil. Cela semble indiquer que « les premiers kWh » sont les plus importants, que l'impact de l'électrification se ressent même avec des installations de faible puissance. Les systèmes décris précédemment permettent de fournir ce service bénéfique dans de multiples domaines.

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Des impacts bien connus

Impacts sur la santé

Les impacts de l'ErD sur la santé des populations rurales se ressentent de multiples manières plus ou moins évidentes. L'exemple de l'électrification des centres de soin est éloquent et facilement compréhensible. En Afrique sub-saharienne, seules 40% des infrastructures de soins ont accès à l'électricité (African Development Bank, 2014) et près de 2/3 des hôpitaux et 3/4 des centres de soins subissent au moins une coupure électrique prolongée par semaine (World Health Organisation and World Bank, 2014). Que ce soit par le raccordement au réseau national ou à l'aide d'une centrale photovoltaïque dédiée couplée à un groupe électrogène, ces infrastructures demandent une puissance électrique conséquente et régulière du fait des nombreuses utilisations de l'électricité. L'accès à un éclairage adapté et fiable permet d'étendre les plages horaires des consultations et opérations, le chauffage améliore le confort des patients et personnels. Toute une gamme de nouveaux matériels peut être convenablement utilisée comme des appareils performants pour la stérilisation des instruments, des réfrigérateurs pour la conservation des médicaments et vaccins. Dans les cliniques africaines, 60% des réfrigérateurs n'ont pas d'alimentation électrique fiable entrainant la perte de près de la moitié des vaccins conservés (United Nations Environment Programme, 2017). Des moyens de télécommunication rapides permettent la mise en réseau de l'infrastructure et une amélioration de sa réactivité, etc. En opérant cette mise à niveau de leurs matériels, cela permet aussi aux infrastructures rurales d'attirer les médecins des villes et donc d'améliorer et diversifier leur service de soin (Cabraal, Barnes, & Agarwal, 2005).

Les bénéfices de l'ErD sur la santé se retrouvent aussi directement dans les foyers électrifiés. 2,8 milliards de personnes utilisent quotidiennement des combustibles fossiles pour s'éclairer, cuire les repas et se chauffer (Torero, 2015). Or, au-delà de l'augmentation des risques d'incendie, l'utilisation de ces biocombustibles (charbon, bois, etc.) pour la cuisson des aliments et de lampe à pétrole ou de bougies pour l'éclairage est une source de pollution intérieure reconnue avec l'émission de substances toxiques et/ou cancérigènes comme le monoxyde de carbone, différents oxydes d'azotes, le dioxyde de souffre et les particules fines (Esther, Greenstone & Hana, 2008).

L'Agence Internationale de L'Energie (IAE) estime que la pollution intérieure tue aujourd'hui près de 2,8 millions de personnes par an. L'introduction de l'électricité permet de considérablement réduire les impacts de cette pollution sur la santé. Par exemple, l'électrification de foyers ruraux au Salvador et en Erythrée a permis une réduction de presque 2/3 des infections respiratoires des hommes adultes (Barron & Torero, 2015) et d'environ 40% chez les enfants de moins de 6 ans (Barron & Torero, 2014) avec une baisse d'environ 60%

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de l'exposition aux particules fines (PM2.5). Une étude de la Banque Asiatique de Développement suggère quant à elle que les habitants des foyers électrifiés ont 13% de chance en moins de souffrir d'irritation des yeux (Asian Development Bank, 2010).

 

Perception du flux lumineux en lumen (lm) selon le type d'éclairage :

Bougie : 12 lm

Lampe à pétrole : 30-80 lm Ampoule incandescente : 5-15 lm/Watt

LED : 30-100 lm/Watt

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Figure 6 : Evolution de la demande en énergie pour l'éclairage en Inde (Kanagawa & Nakata, 2008)

De plus, l'éclairage électrique étant plus efficace que celui fourni par les traditionnelles lampes à pétrole ou bougies (voir encadré ci-contre), les foyers électrifiés peuvent préparer les repas, manger et dormir dans de meilleures conditions grâce à la réduction des risques de piqures d'insectes et la prévention d'invasions de nuisibles (cafards, rats, etc.)

Impacts sur l'éducation

Les impacts de l'électrification rurale sur l'éducation des populations sont aujourd'hui bien connus malgré certaines divergences de la littérature sur les moyens de mesurer ces impacts sur les foyers (voir partie sur les biais de mesure). Comme pour la santé, l'électrification apporte ses bénéfices dans les infrastructures dédiées et dans les foyers.

En 2014, près de 188 millions d'enfants dans le monde fréquentaient une école sans accès à l'électricité et en Afrique sub-saharienne, cela représente environ 90% des enfants (UNDESA, 2014). Les écoles, collèges, lycées et bibliothèques peuvent également étendre leurs horaires d'ouverture et donc proposer des cours du soir permettant aux femmes et hommes travaillants la journée de les suivre. L'accès à un service d'électricité permet aussi d'améliorer le confort des élèves grâce à un système de ventilation ou de chauffage et de disposer d'outils informatiques (ordinateur, imprimante, etc.). Toutes ces améliorations permettent d'attirer des

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professeurs plus qualifiés13, motivés et d'observer une baisse de l'absentéisme, une augmentation des effectifs, de la durée moyenne de scolarité et du taux de réussite aux examens (UNDESA, 2014).

Pour les usages domestiques, l'immense majorité des programmes d'ErD se fixe comme objectif, a minima, de permettre l'alimentation d'une ou plusieurs LED pour l'éclairage des foyers. N'étant plus dépendant de l'éclairage naturel, les enfants ont donc la possibilité d'étudier, lire et faire leurs devoirs même après le coucher du soleil. De plus, l'éclairage des lampes à LED est bien plus confortable pour la lecture que celui des lampes à kérosène. Selon les études, on constate que l'électrification du foyer entraîne un temps de lecture augmenté de 7% (Barron & Torero, 2014) à 25% (Asian Development Bank, 2010) pour les enfants de 6 à 15 ans ou de 7 minutes (World Bank, 2013) à 48 minutes (World Bank, 2002) selon les pays et le type d'électrification (le raccordement au réseau permettant une plus longue utilisation des lampes que l'installation de panneaux solaires individuels). Il est aussi suggéré que le taux de scolarisation augmente avec l'accès à ce nouveau service comme, par exemple, dans des villages ruraux au Vietnam où il a augmenté de 17% pour les garçons et de 15% pour les filles 3 ans après l'électrification du village. Mais les chiffres sont bien plus parlants à long terme car 10 ans après l'électrification, ces taux passent respectivement à 100% et 93% (Khandker S. , Barnes, Samad & Minh, 2009).

La possession d'un poste de télévision et/ou de radio engendre des impacts en demi-teinte. Dans toutes les études abordant cet aspect, quand les revenus et le service d'accès à l'électricité le permettent, une grande majorité des personnes interrogées estiment que la télévision est une bonne source d'informations générales et d'actualités. Il est aussi possible pour les enfants de suivre des programmes éducationnels à distance (par exemple les « teleschool » au Brésil dans les années 90 ou plus récemment, des exercices de mathématiques par SMS au Kenya avec le service MoMaths). Cependant ces études soulignent aussi que la télévision peut avoir un impact négatif sur le temps de travail et de lecture des enfants.

Impacts économiques

Au-delà des impacts indirects que peut avoir l'électrification sur l'économie via un meilleur accès à des services de santé modernes et à l'éducation, il est aussi communément admis que celle-ci est un facteur non-négligeable de développement économique. Les manières dont l'électrification impacte l'économie des foyers, villages, régions et pays électrifiés ne sont pas

13 «Teachers are understandably reluctant to work in deprived areas, which lack basic facilities such as electricity, good housing and health care.» (UNESCO, 2014)

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toutes encore bien connues ou comprises mais il est tout de même possible de dresser un bilan sommaire.

Dans un premier temps et une fois le coût de raccordement acquitté, les programmes d'électrification domestique permettent aux foyers électrifiés de réaliser des économies sur leur facture énergétique. Les ménages ayant acquis des lampes électrique (systèmes pico-solaires) ont réalisé des économies d'environ 2 à 3% au Rwanda et de 2 à 7% au Bangladesh par rapport au lampes à pétrole (Bloomberg and Lighting Global, 2016). Le coût de revient des lampes à pétrole ou des bougies varie selon les régions et les périodes mais il est en moyenne plus élevé que l'éclairage électrique (jusqu'à 100 fois plus onéreux au Bangladesh) (Khandker, Barnes & Samad, 2009). L'éclairage électrique permet aux ménages de poursuivre leurs activités économiques et domestiques après le coucher du soleil (couture, réparation de matériel, entretien de l'habitat, etc.). En Afrique du Sud, l'électrification a permis une augmentation de 3 à 4 % du temps de travail annuel (Dinkelman, 2011) ; dans certains cas, l'électrification augmente la part de temps consacré à des activités génératrices de revenus particulièrement pour les femmes (Chowdhury, 2010). Ce gain de temps et de revenus n'est pas négligeable et engendre des effets positifs sur l'éducation et la santé. En plus de l'éclairage, d'autres économies sont réalisées lors de la recharge des appareils électriques et notamment des portables. Dans les zones rurales des pays en développement, les points d'accès à l'électricité sont rares (il est parfois nécessaire de parcourir plusieurs kilomètres pour pouvoir recharger, moyennant un paiement, son portable) alors que les utilisations faites par les habitants du téléphone portable sont nombreuses et participent au développement économique de ces régions. Il semble important de citer parmi les bénéfices l'amélioration de la communication entres les acteurs économiques (producteurs, acheteurs, grossistes, transporteurs, etc.), l'accès facilité à des informations actualisées (bulletin météorologiques, prix du marché, taux de change, etc.) et aux services bancaires, de micro-crédit et d'assurance. Le téléphone portable permet, dans une certaine mesure, de pallier l'absence de tous ces services dans les zones rurales et de permettre à ses habitants de bénéficier de leurs avantages. Le paiement par mobile est, quant à lui, largement plus développé en Afrique qu'en Europe ou en Amérique du Nord et cette technologie profite bien au développement de l'électrification rurale décentralisée14.

L'électrification des activités est l'autre facteur majeur de développement économique. Elle permet de les diversifier et favorise l'augmentation de la productivité des activités existantes. L'exemple du secteur agricole est significatif car il représente en moyenne près de 20% du PIB dans les pays en développement ainsi que le plus gros secteur en terme d'emplois (dans

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certains pays d'Afrique, 70% de la population travaille dans l'agriculture dont une majorité de femmes, African Development Bank, 2015) mais aussi car il possède un fort potentiel d'amélioration et de modernisation. La modernisation des équipements et la mécanisation permettent de fort gain de production (comme l'installation de pompe pour l'irrigation, de décortiqueuse électrique, etc.) mais aussi de considérablement réduire les pertes une fois les produits récoltés grâce à un stockage et une transformation plus efficace. Ainsi au Vietnam, l'électrification rurale aurait permis une augmentation des revenus agricoles de 30% (Khandker S. , Barnes, Samad & Minh, 2009). En dehors de l'agriculture, l'électrification de communautés rurales semble avoir un impact positif sur d'autres facteurs économiques comme l'employabilité (en hausse de 9% en Afrique du Sud, Dinkelman 2011), le temps de travail salarié annuel, en Inde cette augmentation représenterait près de 17 jours de travail pour les hommes et 6 jours pour les femmes (Van De Walle, Ravallion, Mendiratta, & Koolwal, 2013). Enfin plusieurs études semble relever une amélioration sur des indicateurs plus globaux comme le salaire moyen ou le pouvoir d'achat (O'Dell & al., 2014 ; Khandker, Barnes & Samad, 2009). Cela peut s'expliquer par l'accès à des outils plus performants, l'allongement des horaires d'ouverture grâce à l'éclairage des commerces, des ateliers et des marchés.

L'accès à un service d'électricité permet non seulement de développer des activités existantes mais aussi d'en créer de nouvelles. Dans un premier temps, il s'agit de métiers et activités liées à ce nouveau service : exploitation, maintenance, relation avec les abonnées, etc. Selon la taille et le type d'installations, une dizaine d'emplois peuvent être créés par gigawatt-heure avec l'énergie éolienne et plus de 50 avec le solaire (Appiah, 2012). Ces créations d'emploi s'accompagnent de formations dans des domaines variés (électronique, gestion, comptabilité, management, etc.) profitant à l'ensemble de la population. Comme abordé plus haut, la création d'activités productives accompagnent de plus en plus les projet d'électrification. Ceux-ci permettent la création d'un tissu économique favorable au développement des régions et à la réduction de la pauvreté grâce à de nouveaux services (recharge des téléphones portable, cyber-café, services sociaux, etc.) et commerces (chaîne du froid, couture, transformation agricole, férronerie-soudure, etc.).

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Figure 7 : Mode d'influence des programmes d'électrification rurale (Torero, 2015)

Et d'autres moins étudiés

Les avantages qu'apporte l'ErD ne se résument pas qu'aux aspects évoqués ci-dessus, il existe nombre de conséquences positives plus difficilement mesurables ou moins évidentes qui pourtant participent à l'amélioration des conditions de vie et de développement des communautés électrifiées.

Impacts institutionnels

Un des impacts positifs et indirects de l'ErD est la structuration institutionnelle. Cet impact n'est pas forcément évident ni souvent étudié dans la littérature car il ne se retrouve pas dans tous les projets ni ne bénéficie directement aux populations. Pour assurer la pérennité de l'accès à l'électricité dans les zones rurales des pays en développement, il est indispensable d'avoir recours à un exploitant investi et compétent. L'exploitant est la personne ou l'organisation, privée ou publique, chargée de l'entretien et de la maintenance des installations ainsi que des relations avec les clients ou abonnés. La création ou sélection de cet exploitant est bénéfique car il est souvent nécessaire de regrouper des représentants et notables de différents villages ou communautés pour créer une institution simple mais représentative. Cette mise en commun des préoccupations de développement de la zone crée une dynamique d'échange et de dialogue autour des besoins de la population pouvant résulter sur des actions communes et concertées. Cette dynamique communautaire peut se poursuivre avec le recours au tissu économique local pour les étapes du projet utilisant une main d'oeuvre peu qualifiée et avec, dans certain cas, la construction d'infrastructures de transport (principalement routière) indispensable à l'acheminement des systèmes électriques qui participent au désenclavement de la région.

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Le cas du CGESO dans la commune rurale de Ouonck au Sénégal.

Le CGESO (Comité de Gestion de l'Electrification Solaire à Ouonck) a été créé en 2011 à l'occasion d'un projet d'électrification de la Fondation Energies pour le Monde. Il est composé d'habitants des villages de la commune et sa mission première fut de gérer l'installation et l'exploitation de kits individuels. Ses membres ne possédaient pas de compétences en lien avec l'électrification mais ont été formé durant les différents projets de la Fondation dans la commune pour assurer l'entretien des systèmes, la gestion financière et la relation avec les abonnés. Il exploite aujourd'hui plus de 150 kits et s'est diversifié en assurant aussi l'exploitation de pompe solaire pour les périmètres maraichers alentour.

De plus, la création du rôle d'exploitant, corps de métier inexistant dans la zone avant le projet, est alors l'occasion d'une montée en compétence de ces personnes. L'exploitant doit être formé à divers missions techniques nécessaires au bon fonctionnement des installations électriques mais aussi à des domaines tel que la comptabilité, la gestion financière, la gestion relationnelle avec les clients, etc. Les personnes formées possèdent alors un savoir-faire qui sera utilisé et diffusé à d'autres activités économiques ou communautaires.

Les impacts institutionnels de l'électrification sont donc très structurants et se répercutent dans de nombreux secteurs.

Synergies multi-domaines

Il semble aussi important de citer les projets d'éclairage public et leurs impacts sur la sécurité et la vie communautaire. L'installation de lampadaires (potentiellement solaires) permet de réduire le nombre d'agressions, de vols et ainsi le sentiment global d'insécurité. Ils sont aussi un formidable moyen de développer des activités communautaires telles que des marchés, évènements culturels et fêtes religieuses en permettant à la population de se rassembler après le coucher du soleil.

Une autre conséquence peu évidente attribuée aux programmes d'ErD serait la baisse de la fertilité. En effet, un des liens envisagé serait que l'accès à l'électricité permet aux foyers et notamment aux femmes de mieux s'informer sur les méthodes de contraception, les risques liés à la grossesse, le planning familial, etc. via la radio, la télévision ou Internet. A cela s'ajoute la diffusion de programme qui illustrent d'autres modes de vie et influencent les idéaux familiaux, comme par exemple les « soap opera ». Un rapport de la Banque Asiatique de

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Développement indique que sur 9 pays étudiés15, l'électrification aurait fait baisser le taux de fertilité de 8 d'entre eux avec des baisses allant de 0,04 enfant par femme au Nicaragua à 2 enfants au Sénégal (Asian Development Bank, 2010). En Côte d'Ivoire, une étude semble confirmer ces résultats pour les populations rurales mais relève un effet inverse dans les villes (Peters & Vance, 2011). Ces études ne prouvent pas que l'électrification accélère la transition démographique des pays émergents mais mettent en évidence une corrélation intéressante.

De manière plus générale, la réduction de la fracture énergétique, l'amélioration globale des conditions de vie, des infrastructures de santé, d'éducation, de l'attractivité économique et sociale des espaces ruraux électrifiés permettent de réduire les disparités qui existent avec les agglomérations.

L'ensemble de cette partie se base sur une littérature assez fournie qui semble converger sur la contribution de l'électrification au développement de secteurs variés (institutions, santé, éducation, revenus, etc.). Cependant, toutes les études ne sont pas unanimes et certaines soulignent plusieurs critiques et limites.

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15 Bangladesh, Ghana, Indonésie, Maroc, Népal, Nicaragua, Pérou, Philippines, Sénégal.

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PARTIE 3 : LIMITES DE L'ELECTRIFICATION RURALE

DECENTRALISEE ET EVOLUTIONS POSSIBLES

Malgré les nombreuses contributions de l'ErD au développement des pays émergents, celle-ci ne fait pas l'unanimité. Il existe une partie de la littérature remettant en cause plusieurs aspects de l'ErD. Cette partie tente, dans un premier temps, de rassembler et de mettre en lumière les réserves des chercheurs, ONG et groupes d'évaluation sur les difficultés à atteindre les populations les plus pauvres, le manque de données fiables pour attester des impacts ainsi que les problèmes organisationnels et techniques. Puis dans un deuxième temps, il s'agira de montrer que des solutions méthodologiques, organisationnelles et techniques existent afin de dépasser ces limites.

L'Electrification rurale Décentralisée et ses limites

Une électrification qui ne se concentre pas sur les plus défavorisés

Une des menaces pesant sur le financement de l'ErD est la tendance des grands bailleurs internationaux à s'orienter vers des partenariats public-privé (PPP). Ces partenariats demandent des retours sur investissements plus rapides (Jacquemot, 2017), ce qui favorise les types de programmes plus rentables que l'ErD tels qu'une extension de réseau urbain ou la construction d'une centrale thermique. Les investissements se concentrent donc sur des groupes de population en général plus aisés que les ruraux et qui bénéficient déjà d'un environnement électrifié (infrastructures, commerces, services de bases, etc.). Cette tendance des grands bailleurs internationaux de recourir aux PPP fragilise les financements de l'ErD et ne permet pas de fournir un service électrique fiable et abordable aux populations les plus économiquement et géographiquement défavorisées.

Cet écart d'investissement se retrouve aussi à plus grande échelle avec les choix d'investissement des grands bailleurs. La Banque Mondiale, par exemple, représente à elle seule près de 500 milliards de US$ d'investissement en faveur de l'accès à l'électricité entre 2000 et 2014. Or selon le rapport du Groupe d'Evaluation Indépendant de la Banque Mondiale, 46% des montants investis dans l'électrification ont été destinés à des pays ayant un taux d'électrification déjà élevé voir disposant d'un accès universel (Independant Evaluation Group, 2014). Les pays ayant un faible taux d'électrification n'ont perçu que 22% des montants investis et la part consacrée à l'ErD est minime (de l'ordre de 1%).

Plusieurs raisons peuvent expliquer la frilosité des bailleurs internationaux pour les projets « off-grid » (Power 4 All, 2016) :

o les équipes de ces OI sont habituées aux gros projets d'infrastructures (extension de réseau, mise à niveau d'infrastructures existantes, importants projets

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hydroélectriques et thermique, etc.), les personnes recrutées (ingénieurs et économistes) sont issues d'écoles et formations spécialisées sur ce type de projets

;

o les agences de notation des banques valorisent davantage les gros projets d'infrastructures ;

o les entreprises actives dans ce secteur sont jeunes, ont des capitaux plus faibles (maximum 50 millions de US$) donc moins rassurants ;

o les clients de ces solutions sont moins solvables.

De plus, quand la construction des installations de production d'électricité est terminée, celle-ci n'est pas toujours suivie de raccordements massifs. Ce décalage s'explique souvent par le prix du service et notamment celui du raccordement. Le coût de raccordement est compris entre 50 et 250 euros (Bernard, 2010) selon les programmes et les régions. Même si il ne revient pas en intégralité aux abonnés16, il reste élevé et représente un lourd investissement pouvant atteindre 3 mois de salaires complets (Barron & Torero, 2015) pour les ménages les plus pauvres. En Afrique sub-saharienne, où le pourcentage de la population vivant avec moins de 1,90$ par jour est d'environ 42% en 2013 (World Bank, 2014), il n'est pas rare de constater que les taux de connexion, pourcentage de la population connectée dans les zones où un accès au service est pourtant disponible, sont assez bas (Bernard, 2010). Il en résulte que les foyers raccordés sont souvent les plus riches. Les premiers bénéficiaires des programmes sont les ménages capables de réaliser l'effort financier correspondant au coût du raccordement. Cela remet en cause l'objectif de l'ErD de fournir un service électrique de qualité au plus grand nombre et induit des biais non négligeables dans la mesure des impacts.

Des biais dans la mesure des impacts

L'objectif général de la grande majorité des projets ErD est l'amélioration des conditions de vie des bénéficiaires et le développement économique des régions électrifiées, or ces résultats sont parfois subjectifs (mesure du développement, de la qualité de vie, etc.) et dépendent de multiples variables. Les évaluateurs et chercheurs ne peuvent contrôler toutes ces variables comme dans la recherche médicale et leurs accès est souvent limité (durée de l'évaluation, absence de données, fiabilité, etc.) ce qui rend les évaluations complexes et induit des biais. Toutes les études d'impacts et évaluations de programmes ou de projets en comportent et ceux-ci sont plus ou moins influents, plus ou moins connus et plus ou moins pris en compte.

16 Le reste étant subventionné par l'Etat, des programmes de coopération internationale ou des ONG.

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Dans le cas de l'ErD, les biais sont présents car il est difficile de constituer des échantillons de personnes témoins et donc d'étudier rigoureusement les différences entre ces groupes témoins et les personnes bénéficiaires. Par exemple, si le groupe témoin (foyers non électrifiés) se situe dans le même village que les foyers électrifiés par kits individuels ou par réseau, il est tout à fait envisageable qu'il bénéficie indirectement de l'électrification (nouveaux produits ou services moins onéreux, pouvoir d'achat des clients croissant, amélioration de la sécurité, etc.) et biaisent donc la comparaison. Si le groupe témoin se situe dans un autre village, d'autres externalités entrent en jeu. Il est aussi périlleux de se contenter d'une comparaison avant/après. D'une part, celle-ci ne serait que descriptive et ne permettrait pas d'analyser les résultats et d'autre part, ces résultats ne se manifestent parfois que des années après la mise en service des installations et ne sont donc pas répertoriés. En l'absence de méthode robuste et acceptée par l'ensemble de la communauté de chercheurs et d'évaluateurs, nombre d'études soulignant les effets positifs de l'électrification (santé, éducation, développement économique, etc.) se retrouvent sujets aux critiques et remises en cause par d'autres études ou rapport (Bernard, 2010 ; Van De Walle, Ravallion, Mendiratta & Koolwal, 2013 ; Winther, 2015). En 2008, le Groupe d'Evaluation Indépendant de la Banque Mondiale remettait en cause le nombre d'études fiables en écrivant « la base de données reste faible pour nombre des avantages revendiqués par l'électrification rurale » (Independant Evaluation Group, 2008).

Concernant les impacts sur l'éducation et l'économie, il existe de multiples biais. Certains sont connus et pris en compte depuis longtemps tel que le biais de placement : si la zone électrifiée est proche d'une ville ou d'une région déjà électrifiée, les habitants ont de fortes chances d'avoir des revenus plus élevés que les habitants de zones plus éloignées, ils sont généralement plus dynamiques économiquement et l'électrification leur sera plus profitable, maximisant ses impacts (Cook, 2011). Ce biais de placement influence donc le développement économique par l'achat de nouveau matériel électrique facilité et plus abordable, des clients potentiels plus importants en cas de diversification ou de création d'activités, la présence d'infrastructures de transport, etc. L'accès à une meilleure éducation est, lui, facilité par un nombre d'écoles, collèges et universités plus important, la présence de librairies et bibliothèques, etc. Dès 1975, la Banque Mondiale a pris en compte ce biais en établissant des critères de localisation des projets d'électrification rurale (Bernard, 2010) mais ce n'est pas le cas pour tous les programmes et projets.

Comme indiqué dans la sous-partie précédente, le revenu des foyers influence grandement leur propension à se connecter lors des projets d'électrification, mais il implique aussi d'autres conséquences. Une fois connectés, les foyers les plus riches bénéficient plus de l'électrification et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord et d'un point de vue économique, il a

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été constaté par plusieurs études et chercheurs que le revenu moyen augmentait plus significativement (10% pour les foyers riches contre 2% pour les foyers pauvres aux Philippines ; Cook, 2011) ainsi que le pouvoir d'achat (12% contre 3 % au Bangladesh ; Khandker, Barnes & Samad, 2009). Cela contribue grandement à l'amélioration des conditions de vie et aux possibilités de développement économique. Les évaluations des impacts des programmes d'électrification sur l'éducation diffèrent aussi selon le revenu pré-électrification. Au Bangladesh, l'étude de Khandker, Barnes & Samad (2009) semble indiquer un écart sur le temps de lecture quotidien ainsi que sur le niveau d'étude atteint. Ce biais, quand il n'est pas clairement identifié et pris en compte influence plusieurs indicateurs souvent utilisés lors des évaluation et études et jette donc un doute sur l'exactitude de celle-ci.

Pour les impacts sur la santé, les réserves concernent plus les performances techniques des installations que la mesure et la prise en compte des biais dans l'évaluation.

Limites dans les usages domestiques et productifs

La réduction de l'utilisation de bougies et lampe à pétrole, source de particules nocives, est bien confirmée par la grande majorité des études17 mais des doutes sont émis sur l'efficacité de l'ErD à réduire la pollution des moyens de cuisson et de chauffage. Comme évoqué auparavant, l'ErD ne permet pas de fournir de grandes puissances électriques dans le cas des solutions individuelles et des micro-réseaux.

Dans l'immense majorité des cas, l'électricité ne remplace pas les biocombustibles pour la cuisson des aliments et le chauffage des ménages ruraux18. Cela s'explique par plusieurs facteurs. D'une part, la quantité d'énergie nécessaire pour la cuisson et le chauffage est trop importante pour être alimentée par les systèmes solaires ou éoliens les plus accessibles et répandus : les kits individuels. D'autre part, ces biocombustibles sont accessibles gratuitement ou pour un faible investissement toute l'année, argument particulièrement décisif pour les foyers et région rurales les plus pauvres. Ces éléments limitent l'impact de l'ErD sur la réduction de la pollution intérieure des foyers et ne permet pas de ralentir l'utilisation des biocombustibles.

Ces faibles puissances proposées par les kits individuels limitent aussi grandement le développement d'activités génératrices de revenus pour les foyers électrifiés. Avec ce type de système, il est difficile d'envisager l'utilisation d'équipements électriques gourmands permettant la mécanisation d'activités (moulins électriques, pompes, scies, etc.) existantes et le développement de nouvelles activités (réfrigérateurs, soudeuses, cyber-cafés, etc.).

17 Voir p. 21

18 En Afrique du Sud par exemple, l'électricité ne remplace pas les biocombustibles pour la cuisson dans 90% des cas et dans 99% des cas pour le chauffage (Madubansi & Shackleton, 2006)

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Des moyens de paiement et des tarifs longtemps peu adaptés

La pérennité des projets d'ErD de type micro et mini-réseaux repose sur la viabilité de l'exploitant et le renouvellement des équipements électriques défaillants (panneaux, batteries, petit matériel, etc.). Cela n'est possible que si le nombre d'abonnés est suffisant et si le paiement de la redevance est régulièrement effectué, or une des limites de l'ErD a longtemps résidé dans son système de paiement. Celui-ci était calqué sur les pays occidentaux avec un versement de mensualités. Mais ce système de paiement mensuel par forfait n'est pas le plus adapté au mode de vie des habitants des ruralités des pays émergents. En effet, la majorité des foyers et entrepreneurs sont plus habitués à payer régulièrement de petites sommes pour leur accès à l'énergie que des mensualités non adaptées à leur trésorerie. Sans l'électricité, l'approvisionnement en énergie se fait en fonction du besoin : achat de carburant, bois, charbon, piles, bougies, etc. L'électrification et les systèmes de paiement classiques obligent à changer ce mode de consommation et ce changement n'est pas toujours bien compris ou accepté. De plus, les exploitants sont obligés de se déplacer dans les foyers et entreprises pour collecter les paiements. Ces frais de fonctionnement supplémentaires fragilisent l'équilibre financier des exploitants et la pérennité des projets.

Il est aussi important de souligner l'importance des tarifs de l'électricité. Du point de vue des exploitants, les coûts d'investissement de l'ErD sont élevés et l'équilibre financier est précaire dans ces régions à faible densité de charge (peu de clients et peu de consommation par personne). Si le pays opte pour une tarification nationale homogène basée sur le coût de revient du réseau national d'électricité, le prix payé par les abonnés sera inférieur au prix de revient pour les systèmes décentralisés ruraux, mettant en péril les exploitants (The Africa Electrification Initiative, 2012). Le cadre législatif peut donc, dans certains cas, freiner le développement de l'ErD par un encadrement non adapté des tarifs.

Cette inadéquation entre les habitudes de paiement traditionnelles couplée à une tarification défavorable et une sensibilisation insuffisante en amont des projets sont des facteurs pouvant expliquer les faibles taux de recouvrement pour les services d'électricité et notamment en milieu rural.

Il apparait donc que l'ErD souffre de plusieurs limites et contraintes liées à son évaluation, son fonctionnement, ses régions d'interventions, aux limites technologiques de ses systèmes, etc. Mais celles-ci ne sont pas définitives et il existe des améliorations et évolutions qui, une fois généralisées, permettront de les dépasser.

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Comment les dépasser ?

Amélioration de la méthodologie d'étude

Dans le cadre de l'évaluation de projet de développement, il est impossible de disposer de conditions parfaitement contrôlées mais les études d'impacts et les évaluations de projets ou programmes d'ErD disposent d'outils méthodologiques permettant de contrer une partie des biais évoqués plus haut, ou du moins mieux les prendre en compte. Au vu du nombre de facteurs extérieurs, une simple comparaison avant/après n'est pas envisageable pour les projets d'ErD. Il est possible de recourir à d'autres méthodes dont deux très utilisées : la méthode de la « simple différence » et celle de la « double différence ». Ces deux techniques d'évaluation nécessitent un groupe de contrôle. Il s'agira, avec la méthode de la « simple différence », de comparer sur un ensemble d'indicateurs le groupe de contrôle avec le groupe de population électrifié. C'est une méthode standard qui ne neutralise pas tous les biais. Si les chercheurs ou évaluateurs dispose de temps et de bases de données suffisantes, ils peuvent envisager la méthode de la « double différence », plus fine dans son analyse. En effet, celle-ci reprend le principe de la « simple différence » mais étend la comparaison avec le groupe de contrôle dans le temps. Elle permet donc une mesure de l'évolution plutôt que des résultats finaux.

Deux étapes indispensables de ces méthodes sont sujettes aux critiques et ont été renforcées avec le temps. La première est la définition des indicateurs qui seront utilisés pour la comparaison entre le groupe de contrôle et le groupe électrifié. Ces indicateurs doivent être définis bien en amont du projet et répondre à certaines contraintes (Winther, 2015) : (i) être accessible afin de s'assurer que la récolte des données sera possible (temps de production des données, personne compétente pour la récolte, etc.) ; (ii) correspondre aux objectifs du projet et ne pas se contenter d'illustrer les résultats les plus évidents (exemple : taux de connexion VS usage productif de l'électricité) ; (iii) permettre une évaluation des impacts à long-terme sur des années voire des dizaines d'années (évolution de la consommation, achat progressif d'équipements, utilisation de ces équipements, etc.) et (iv) permettre une différenciation selon le niveau de revenu avant-projet des foyers.

La deuxième étape importante est la définition d'un groupe de contrôle fiable et adapté. Plusieurs techniques peuvent être envisagées afin de créer ce groupe dans les projets et programmes d'électrification (Duflo, 2005) mais elles posent des questions éthiques. Par exemple « l'appariement par score de propension » : il s'agit, dans un premier temps, de collecter le plus de données possibles sur la population étudiée (conditions de vie, économie, santé, démographie, éducation, etc.) puis de créer des paires d'individus, de groupes

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d'individus ou de foyers avec des caractéristiques aussi proches que possible. Un des deux groupes ainsi constitué sera le groupe de contrôle.

Une autre technique est aussi souvent citée car elle permet de contrer de nombreux biais : l'assignation aléatoire. Dans le cas de l'électrification, cette assignation facilite financièrement (peu importe le revenu) l'accès au service électrique par la distribution aléatoire de bons de réduction (ou crédits) sur le coût de raccordement au réseau local (Bernard & Torero, 2011) ou sur l'achat de kits individuels. Ces bons, pour des raisons de transparence et de fiabilité des études, doivent être nominatifs, non échangeables et distribués au vu et au su de tous. Le groupe ainsi désigné se veut représentatif de l'ensemble de la population étudiée et permet d'évaluer l'impact global de l'électrification mais pas de manière individuelle. Comme pour les indicateurs, plusieurs contraintes sont à prévoir (White, 2011). Par exemple, l'assignation aléatoire doit être prévue et acceptée par toutes les parties prenantes dès la préparation du projet et il n'est pas possible de l'appliquer à des projets déjà en cours ou finis car cela induit de nouveaux biais De plus, il faut respecter une taille critique de l'échantillon à étudier car l'assignation aléatoire a pour objectif de fournir une vision globale des impacts. Elle se révèle donc parfois plus coûteuse que des techniques plus classiques (collecte et analyse des données, distribution des bons, suivis, etc.).

Les alternatives ou évolutions évoquées ci-dessus ne permettent pas d'éliminer tous les biais ni d'atteindre des conditions d'évaluation parfaites. Le secteur de l'évaluation des programmes de développement étudie des phénomènes sociaux complexes et ne peut se targuer d'une objectivité absolue ou d'une analyse complète. L'amélioration des méthodes d'évaluation est nécessaire et possible mais elle ne pourra être efficace sans un renforcement des capacités des acteurs locaux. En effet, il est difficile d'envisager des évaluations sans bases de données fiables (institutions nationales spécialisées), connaissances du terrain et suivis rigoureux (bureaux d'études, associations, etc.).

Les activités productives comme point d'ancrage

Le développement d'activités productives peut être vu comme une conséquence de l'électrification d'un village mais c'est aussi un facteur important pour le développement des projets d'électrification et particulièrement en milieu rural. Cette synergie est présente depuis les débuts de l'électrification rurale comme urbaine et se justifie encore aujourd'hui.

Afin de rendre l'électrification aussi utile que possible, il est montré que les nouveaux projets et programme doivent se baser sur une étude fine des besoins de la population mais aussi des activités présentes, en développement ou en projet (Bernard, 2010 ; IFDD, 2015 ; Short, 2015 ; International Energy Agency, 2017). Il s'agit de caractériser au mieux le tissu économique local et d'identifier les filières productives pouvant bénéficier de l'électricité. C'est

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une étape indispensable car ces activités peuvent servir de point d'ancrage à l'exploitant et donc au projet c'est-à-dire être un/des client(s) important(s) et stable(s). Si ces activités sont prises en compte dès la préparation du projet, cela permet d'établir un business plan plus robuste et de faire profiter aux abonnés de tarifs plus abordables.

Dans un rapport de 2015, Tenenbaum, Greacen, Siyambalapitiya & Knickles prennent l'exemple des tours téléphoniques en Inde comme activité productive d'ancrage. 9 000 d'entre elles, situées dans des zones non connectées au réseau national, sont alimentées par un exploitant local. Des systèmes hybrides solaires-éoliens-biogaz produisent de l'électricité pour ces tours mais elle est aussi distribuée aux habitants proches. De cette façon, 150 000 foyers et petits commerces étaient raccordés en 2012.

Lors des périodes d'étude et de sensibilisation, il est important d'informer très tôt les populations des possibilités productives qu'offre l'électricité. Par cette sensibilisation en amont et une aide financière adaptée (crédits, subvention, dons), les habitants pourront anticiper l'arrivée de ce nouveau service et s'équiper en récepteurs électriques pour leur permettre de profiter pleinement de ses avantages.

Souplesse dans les moyens de paiement et les tarifs

Grâce aux avancées technologiques et à la pénétration massive du téléphone portable, même dans les régions les plus reculées du monde, de nouvelles solutions adaptées ont été mises en place pour faciliter le paiement du service électrique. Pour les installations électriques rurales, l'installation de compteurs intelligents connectés et le paiement par mobile permettent, paradoxalement, de se rapprocher des modes traditionnels de consommation avec de faibles montants payés plus fréquemment. Les abonnés peuvent choisir d'acheter une recharge leur donnant droit à une certaine quantité d'énergie et une fois cette quantité épuisée, le système cesse de fonctionner. Le paiement peut aussi se faire a postériori avec un suivi précis de la consommation et la possibilité de recevoir des alertes par SMS en cas de dépassement d'un seuil établi à l'avance.

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Figure 8 : Exemple d'utilisation de système solaire débloqué avec un code SMS (Big Eye, 2013).

Ces méthodes, appelées « Pay As You Go », permettent de payer le service électrique mais ouvrent aussi la voie à l'acquisition des systèmes par les foyers. En effet, les entreprises proposent aux clients de devenir propriétaire des équipements en incluant dans la facture d'électricité le paiement d'un crédit. Ce système est de plus en plus utilisé et certains gouvernements19 s'associent avec des compagnies privées pour le diffuser largement. Les gouvernements peuvent aussi faciliter l'acquisition des systèmes par des subventions pour le raccordement ou l'octroi de crédit à travers leurs compagnies nationales d'électricité. Au Botswana, il a été montré que 80% des personnes raccordées avec un crédit ne l'aurait pas été sans l'aide financière du gouvernement (Prasad, 2008).

Le problème de la tarification est complexe car c'est aussi une question politique. D'une part, il est possible de laisser les exploitants fixer eux-même leurs prix pour assurer la pérennité des systèmes mais cela excluera les foyers les plus pauvres. D'autre part et comme évoqué p. 33, un prix du kWh national met en péril l'équilibre financier des exploitants mais permet au plus grand nombre d'accéder au service électrique. Une des solutions envisagées est alors la subvention d'un tarif rural par l'Etat. Afin d'évaluer le prix hypothétique maximum du kWh dans ces régions, des études (Cook, 2011) proposent de se baser sur les dépenses moyennes des foyers pour l'éclairage et les utilisations possibles de l'électricité (par exemple le diesel nécessaire aux pompes à eau, la recharge des télphones portables, etc.).

« Je vais rendre l'électricité si bon marché que seuls les riches pourront se
payer le luxe d'utiliser des bougies. »

Thomas Edison, prononcée en 1887

19 Notamment au Togo ; International Energy Agency, 2017.

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CONCLUSION

L'électrification rurale décentralisée constitue une alternative à la technique historique de l'extension de réseaux depuis les années 80. Mais son application à grande échelle fut ralentie par plusieurs facteurs aujourd'hui largement dépassés. D'une part, les technologies favorisées par l'ErD, et particulièrement le solaire, sont arrivées à maturité en terme de rendement et de coûts. Il est aussi important de rappeler les innovations permises par la diffusion du téléphone portable ainsi que les opportunités créées (paiement par mobile, Pay As You Go, achat des systèmes, etc.). Ces technologies sont amenées à encore gagner en efficacité dans les années qui viennent mais elles ont permis d'élargir la gamme des solutions possibles et de les adapter à une grande variété de situations.

Cette agilité de l'ErD est indispensable et constitue l'un de ses principaux atouts. L'objectif d'une électrification complète des populations rurales afin d'améliorer leurs conditions de vie et de développement économique, ne se fera pas en une fois. Les pico-dispositifs et les petits kits individuels constituent une première étape, une introduction à l'électricité. Ils permettent de s'éclairer, de recharger son téléphone portable ou d'écouter la radio mais ne sont pas suffisants. Les micro-réseaux représentent une étape importante car ils nécessitent la mise en fonction d'un exploitant motivé et qualifié. Ils ne sont pas envisageables sans une sensibilisation, une concertation, et une étude fine des besoins au sein des communautés et bien en amont des projets et programmes. La mise en place d'une centrale et d'un mini-réseau couplé à un ensemble d'activités productives représentent la forme la plus complète et viable de l'ErD. Comme pour un mini-réseau, son installation n'est pas possible sans une étude approfondie des besoins et des filières déjà présentes. Les activités développées permettent de créer un business-plan robuste et de proposer des tarifs adaptés. Elles sont aussi un élément déterminant afin de maximiser les impacts de l'ErD dans tous les domaines et ainsi améliorer durablement les conditions de vie des populations rurales.

L'électrification rurale décentralisée existe depuis les années 80 et après une remise en cause elle est aujourd'hui revenue sur le devant de la scène internationale. Les contraintes et limites abordées sont loin d'être insurmontables et ne l'empêchent pas de constituer une réponse viable et efficace afin de participer à l'amélioration des conditions de vie et de développement économique des populations rurales.

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RESUME

S'appuyant sur une étude documentaire ainsi que sur les observations et expériences acquises lors d'un stage à la Fondation Energies pour le Monde, ce mémoire tente de dresser un portrait global et réaliste de l'électrification rurale décentralisée (ErD). Après un historique rapide, il aborde les enjeux auxquels l'ErD essaie de répondre ainsi que les limites de la solution classique du raccordement au réseau national. Il présente la gamme de nouvelles solutions rendues accessibles grâce aux évolutions technologiques et discute de leurs limites. Pour comprendre le rôle de l'ErD dans l'amélioration des conditions de vie et le développement économique des populations rurales, les principaux impacts sont listés et discutés ainsi que d'autres moins étudiés. Le point de vue positif de l'ErD est ensuite remis en cause par un ensemble de critiques sur son efficacité, l'évaluation des résultats et les solutions techniques privilégiées. Ce mémoire aborde aussi les évolutions envisagées pour dépasser une partie de ces critiques et ainsi permettre à l'ErD de constituer une opportunité viable de développement.

MOTS CLES : ELECTRICITE, ELECTRIFICATION, RURALE, DECENTRALISATION, DEVELOPPEMENT, ENERGIES, IMPACTS, EVALUATION

Based on a documentary study as well as on the observations and experiences gained during an internship at the Fondation Energies Pour le Monde, this thesis attempts to draw a global and realistic portrait of decentralized rural electrification (ErD). After a brief history, it broaches the issues that the ErD is trying to answer as well as the limits of the traditional solution of the connection to the national network. It presents the range of new solutions made available thanks to the technological evolutions and discusses their limits. To understand the role of the ErD in improving the living conditions and economic development of rural populations, the main impacts are listed and discussed as well as others less studied. The positive view of the ErD is then challenged by a set of criticisms of its effectiveness, the evaluation of results and the preferred technical solutions. This thesis also discusses the evolutions envisaged to overcome some of these criticisms and thus allow the ErD to constitute a viable development opportunity.

KEYWORDS: ELECTRICITY, ELECTRIFICATION, RURAL, DECENTRALIZATION, DEVELOPMENT, ENERGY, IMPACTS, EVALUATION

Thibault Erard - Efficacité et Viabilité de l'Electrification Rurale Décentralisée Master 2 Gouvernance de Projets de Développement Durable au Sud

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld