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La revitalisation des langues autochtones du Canada grace au spectacle vivant


par Marlene Viardot
Université de Bordeaux - Master 1 d'Anthropologie sociale et culturelle 2020
  

Disponible en mode multipage

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Collège des Sciences Humaines et Sociales
Faculté d'Anthropologie sociale - Ethnologie

LA REVITALISATION DES LANGUES AUTOCHTONES
DU CANADA GRACE AU SPECTACLE VIVANT

Mémoire de recherche présenté en vue de l'obtention de l'UE9 de la
première année de Master

par Marlène Viardot

Sous la direction de Sophie Chave-Dartoen et Nathaniel Gernez

2019-2020

Remerciements

Je tiens à remercier tous et toutes les professeur.es de l'Université de Bordeaux, qui m'ont acceptée en Master alors que ni mon sujet ni sa zone géographique ne sont étudiées dans la faculté d'Anthropologie Sociale et Culturelle. Je n'y croyais pas !

Merci à eux et à elles de m'avoir fait découvrir cette matière tout au long de l'année, cela s'est révélé aussi passionnant que je l'avais imaginé.

En cette étrange année marquée par la pandémie de covid-19, je les remercie également pour leur compréhension et leur soutien face aux difficultés rencontrées dans l'organisation du travail universitaire.

A mon directeur M. Nathaniel Gernez et ma directrice Mme Sophie Chave-Dartoen, pour leurs encouragements constants, leur bienveillance et leur encadrement, plein de bons conseils sensés et compréhensifs, merci beaucoup. Être accompagnée par vous deux dans ce travail fut un plaisir.

En parlant de professeur.es, je remercie aussi celles et ceux qui m'ont enseigné les Sciences du Langage, en Licence à l'Université de Strasbourg. Je n'en serai pas là sans vous.

Je remercie mes ami.es, et mon partenaire, qui m'ont écoutée leur parler d'ethnolinguistique avec enthousiasme, sans montrer de lassitude face à mes intarissables discours sur la sauvegarde des langues et sur les peuples autochtones. Je les remercie de m'avoir fait rire dans les moments où j'avais besoin de souffler, avec leurs vidéos d'animaux incroyables, leurs images humoristiques absurdes et leurs Gifs improbables. Vous contribuez à mon équilibre mental !

Je remercie ma fille, qui fait de ma vie une toute autre aventure que celle qui m'aurait mené au fond des réserves indiennes, et qui j'espère m'y accompagnera un jour prochain.

Je remercie son père, sans qui je n'aurais pas pu faire ces études.

Ma famille reçoit elle aussi mes pensées de gratitude, pour leurs conseils, leur intérêt pour mon travail et leur soutien matériel.

Enfin, je remercie par-delà le temps toutes les personnes qui ont fait des recherches sur la linguistique amérindienne. Ces auteurs du XXème siècle auraient-ils pu imaginer qu'une petite étudiante calée au fond de son canapé, lirait avec passion leur travail, numérisé en PDF, 140 ans après leur publication ?

AVANT-PROPOS

Note sur la terminologie des peuples autochtones

Pendant des siècles, les premiers habitants de l'Amérique du Nord ont été définis en grande partie par d'autres, à commencer par Christophe Colomb, qui a utilisé à tort le terme Indiens pour désigner les divers peuples établis dans les Amériques. Aujourd'hui, les attitudes à l'égard des premiers peuples du Canada évoluent, et il convient d'utiliser les bons termes si l'on veut entretenir des relations positives et respectueuses avec les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Ainsi, même s'il est utilisé couramment, surtout dans les médias, le nom propre Autochtone devrait être évité. Le mot peut cependant être employé comme adjectif. Ainsi, on parlera des "peuples autochtones" plutôt que des "Autochtones".

Cependant il importe également de signaler que, si le terme "indigenous" est utilisé plus régulièrement en anglais, ce n'est pas le cas pour son équivalent français, "indigène", qui comporte encore une connotation négative. Cette réalité se reflète dans le fait que le nom du Ministère demeure "Affaires autochtones et Développement du Nord Canada" en français.

Par respect pour les Peuples Premiers, nous n'utiliserons donc pas le terme "Autochtones" comme nom, ni "Indigènes" pour la raison sémantique du français citée précédemment. Nous parlerons donc de "peuples/nations/personnes autochtones" en tant qu'adjectif, sauf dans les cas où nous citons des textes officiels (par exemple dans la Commission de Vérité et de Réconciliation ou les rapports statistiques) ou des ouvrages (par exemple celui de Desbiens & Hirt, Les Autochtones au Canada : espaces et peuples en mutation.).

Notes sur l'utilisation de l'écriture inclusive :

Je souhaite rédiger en écriture inclusive. Je tiens de manière générale à inclure tous les genres, et c'est aussi un engagement féministe de ma part.

À mon sens l'écriture française actuelle permet de pérenniser la domination masculine, et par écho la binarité des genres. La solution actuelle au problème posé pas la langue française exclusive est l'écriture inclusive.

Les mots en écriture inclusive comporteront une barre oblique ou un point entre la terminaison du masculin et celle du féminin, pour les noms et les adjectifs, comme spectateur/trices, chercheur/se.s, tou.te.s, etc.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

I. LA REVITALISATION DES LANGUES AUTOCHTONES 3

A. QU'EST-CE QU'UNE LANGUE AUTOCHTONES EN DANGER ? 3

1. Qu'est-ce qu'une langue autochtone ? 3

2. Qu'appelle-t-on une langue en danger ? 5

3. Mesures de protection mises en place 17

B. LE CONCEPT DE REVITALISATION 22

1. Revitalisation des langues : définition 22

2. Des exemples de renaissance réussie 24

CONCLUSION 26

II. LE CANADA ET SON RAPPORT AUX PEUPLES ET LANGUES

AUTOCHTONES 26

A. 630 PREMIERES NATIONS ET PRES DE 90 LANGUES 27

1. Trois catégories de peuples autochtones 27

2. 10 familles de langues, 88 langues 29

B. LES LANGUES AUTOCHTONES, DU DECLIN A LA RENAISSANCE 34

1. L'influence des écrasantes politiques d'assimilation sur les langues autochtones 35

2. Le tournant des années 1970 36

3. L'urbanisation des peuples autochtones 40

4. Quelques grands textes de droit concernant les langues autochtones 41

5. Situation linguistique aujourd'hui 42

6. Des améliorations, et encore un long chemin à parcourir 46

CONCLUSION 48

III. SPECTACLES EN LANGUES NATIVES ET IMPACT 48

A. UN LIEN DIFFICILE A ETABLIR 49

B. L'ART VIVANT AUTOCHTONE A LA PERIODE ACTUELLE 50

1. La musique en langue autochtone 51

2. Les pow wows 53

3. Les festivals de contes 54

4. Le théâtre 55

CONCLUSION 58

CONCLUSION GENERALE 58

BIBLIOGRAPHIE 60

TABLE DES ANNEXES 67

TABLE DES ILLUSTRATIONS XI

TABLE DES MATIÈRES 80

1

Introduction

Ce mémoire s'intéresse aux langues autochtones du Canada et à leur revitalisation au moyen du spectacle vivant.

L'origine de ce sujet remonte à loin : les domaines de l'histoire des Amérindien.nes d'Amérique et de la sauvegarde des langues rares me passionnent depuis longtemps. C'est en 2008, dans une revue d'orientation sur les études post-bac, que j'ai découvert le métier d'ethnolinguiste : ces gens qui partaient enregistrer les voix, filmer les cultures, créer des dictionnaires des langues autochtones menacées.

Mes intérêts pour les langues, ceux pour l'ethnologie et mes idéaux de justice pouvaient donc se combiner, compris-je à ce moment-là. Et ils n'en furent que renforcés par la suite, lors de ma licence de Sciences du Langage, puis de ce Master d'Anthropologie sociale et culturelle.

J'ai constaté au cours de mes formations que le sujet de la disparition des langues autochtones, et leur revitalisation, bénéficiait déjà d'un large traitement : manifestations de la part des Natifs (manifestation pour les droits des Aborigènes à Sydney en Australie en 1988 ; crise d'Oka au Canada en 1990 ; résistance contre le projet de barrage de Belo Monte au Brésil de 2011 à 2015 ; manifestation des femmes autochtones du Brésil en 2019, pour n'en citer que quelques-unes), cours de langues, création d'associations, émissions de radio, de télé...

Réfléchissant à l'angle que je pourrais prendre pour approcher le thème, avec l'aide de mon directeur et ma directrice de mémoire, M. Gernez et Mme Chave-Dartoen, j'ai songé aux spectacles en occitan ou en alsacien auxquels j'avais pu assister : j'ai alors transposé cela sur les langues autochtones, et cela m'a amenée à me demander si ces représentations d'art vivant avaient un impact sur la revitalisation de ces langues.

Ce sujet-là précisément n'est que très peu traité par la littérature. Les langues rares le sont, leur revitalisation aussi, et l'anthropologie de la performance est également fournie. Mais je n'ai trouvé aucun ouvrage traitant de ces trois éléments ensemble lors de mes recherches.

Pour autant, utiliser le spectacle vivant pour faire passer un message politique est courant. Les populations utilisent le théâtre, le chant, la danse, pour exprimer leur mécontentement, leur besoin de justice, pour dénoncer. L'art est utilisé pour dénoncer.

Pour les groupes minoritaires, présenter cela dans leur propre langue, ou juste utiliser leur langue pour des créations artistiques, est une revendication de plus dans leur désir de reconnaissance et de justice.

J'ai voulu donc explorer ici la problématique suivante :

Dans quelle mesure le spectacle vivant -- théâtre, concert, danse, contes, festivals -- en langues autochtones du Canada impacte-t-il la revitalisation de ces langues ? Cela donne-t-il envie aux gens de les apprendre et de les transmettre, de s'y intéresser ?

La démarche de recherche que nous avons utilisé pour ce travail est une analyse documentaire. Nous avions prévu un terrain au Canada, lors de l'été 2020, d'une durée d'environ 2 à 3 mois, afin de réaliser des entrevues en face-à-face ; la pandémie de covid-19 nous a contrainte à reporter ce projet à une date ultérieure.

D'ailleurs, nous tenons à souligner l'impact que le confinement engendré par cette pandémie a eu sur notre travail : la fermeture des bibliothèques nous a privé de l'accès à certains ouvrages, celle des salles de spectacle, musées, centres de formations artistiques, écoles, nous a empêché de réaliser des entretiens téléphoniques.

Le seul que nous ayons pu réaliser s'est tenu en janvier 20201. Notre interlocuteur a été la seule personne qui a répondu positivement à notre demande d'entretien, les autres étant restées sans réponse ou déclinées. C'est pour cela que nous aurions aimé avoir la possibilité de contacter plus de personnes après cette date.

Ce mémoire s'appuie donc, en plus de cet entretien, sur des documents textes, audios et vidéos.

Après avoir défini les notions de langues autochtones du Canada et précisé le concept de revitalisation, nous étudierons la situation du Canada, les langues et peuples autochtones qui y vivent et comment ils y vivent. Nous réunirons ces éléments dans une troisième partie, où nous verrons quels types de spectacles vivants existent au Canada, et s'ils contribuent à la revitalisation des langues autochtones - ou pas.

2

1 Voir annexe 7.

3

I. La revitalisation des langues autochtones

A. QU'EST-CE QU'UNE LANGUE AUTOCHTONES EN DANGER ?

1. QU'EST-CE QU'UNE LANGUE AUTOCHTONE ?

Nous allons étudier le territoire canadien, aussi voyons quelle définition donne le Thésaurus du gouvernement du Québec de "langue autochtone" :

"langue qui existe depuis plusieurs générations, mais qui, sur un territoire donné, n'est plus parlée que par un groupe restreint de locuteurs/trices, généralement âgé/es, et qui n'est souvent plus la langue maternelle de la nouvelle génération.".

Pour comparer, voyons quelle définition donne l'anthropologie du mot "autochtone" : C. de Lespinay écrit que "l'autochtone est un premier occupant qui n'a pas le souvenir d'une migration antérieure à son installation sur les terres qu'il occupe actuellement." (de Lespinay 2016). C'est celui "qui a toujours été là". Ainsi, en Amérique, on qualifie d'autochtone une personne appartenant à l'une des ethnies qui occupaient déjà le continent avant l'arrivée des Européens.

Or, la colonisation par les Européens a eu pour conséquence de rendre les personnes autochtones minoritaires sur leur territoire d'origines : elles font désormais partie de ce qu'on appelle les minorités ethniques.

Cette terminologie laisse donc entendre qu'il y a un groupe majoritaire. Et, comme précise C. de Lespinay, elle indique également un rapport de domination entre les deux. Selon lui, cette étymologie touche aux notions de nombre et d'enfance ou d'incapacité :

« Les "minoritaires" sont censés être 1) moins nombreux, 2) moins "civilisés" puisque "dans l'enfance" par rapport à la culture majoritaire, 3) avec moins de droits que les autres puisque "mineurs" et minoritaires à la fois.2 »

La culture majoritaire quant à elle est considérée comme adulte (civilisée) et dispose seule de la capacité d'administrer les deux groupes, imposant leurs lois aux ethnies minoritaires

2 Charles de Lespnay, "Les conceptis d'autochtone (indigenous) et de minorité (minority)", 2016

4

"immatures".

La question du nombre est traître : un groupe culturel dominant peut comporter moins de membres que le groupe qu'il domine. Le premier n'en reste pas moins majoritaire et le second minoritaire.

Nous pouvons donc repréciser la définition : une "minorité" ethnique est une population "non dominante", a contrario dominée, et dépendante d'une autre population même si elle est majoritaire en nombre.

Nous avons donc deux définitions, une pour le terme "autochtone", et une pour celui de "minorité" :

· autochtone : le membre d'une population installée sur un territoire donné avant tous les autres, qui a établi des relations particulières, anciennes et toujours actuelles avec ce territoire et son environnement, et qui a des coutumes et une culture qui lui sont propres.

· "minoritaire" : le membre d'un groupe non dominant, attaché ou non à un territoire, qui se distingue des groupes environnants par ses spécificités sociales, culturelles et économiques, par la conscience d'une identité spécifique, et qui peut être régi ou non par des traditions qui lui sont propres.

Comme nous l'avons vu, les deux qualificatifs se fondent aujourd'hui, recouvrant les mêmes réalités sociales.

Ainsi, l'anthropologue Isabelle Schulte-Tenckhoff écrit : « D'une manière générale, le qualificatif d'autochtone est donc réservé à des populations aujourd'hui non dominantes du point de vue économique, politique et socioculturel (mais pas nécessairement numérique), descendant des habitants originels d'un territoire donné, victimes de génocide, de conquête et de colonisation.3 »

Dans ce mémoire, "langue autochtone" aura donc pour signification la langue parlée par les personnes d'origine autochtone vivant sur le territoire appelé aujourd'hui Canada.

3 Isabelle Schulte-Tenckhoff, La question des peuples autochtones, Bruxelles, Bruylant et Paris, LGDJ (Collection « Axes Savoir »), 1997, p. 179-184.

5

2. QU'APPELLE-T-ON UNE LANGUE EN DANGER ?

Il existerait aujourd'hui dans le monde au moins 7000 langues, sachant qu'il est difficile de distinguer langue et dialecte. L'immense majorité de la population ne parle qu'un infime pourcentage de ces langues : 97% de la population mondiale parle 4 % des langues du monde et, inversement, 96 % des langues du monde sont parlées par 3 % de la population mondiale (Bernard 1996 : 142).

a) Les facteurs de la mise en danger d'une langue

Une langue est en danger lorsque ses locuteurs/trices cessent de la pratiquer, la réservent à des domaines de plus en plus restreints, et qu'elle ne se transmet plus de génération en génération, donc quand il n'y a plus de nouveaux/elles locuteurs/trices, adultes ou enfants.

Les facteurs de mise en danger sont variés : cela peut être des forces externes, comme une domination militaire, économique, religieuse, culturelle ou éducative ; ou des forces internes, comme la perception négative qu'une communauté a de sa propre langue.

Mais les deux sont liées : les pressions extérieures engendrent souvent des pressions intérieures, et ce cumul entraîne l'arrêt de la transmission des traditions linguistiques et culturelles.

Dans les pays où la colonisation a eu lieu, c'est à cause d'elle et des politiques et lois discriminatoires qui en ont découlé que les langues autochtones sont menacées.

Dans les pays européens, les langues minoritaires en danger le sont pour des raisons d'unification des territoires, mais au final les comportements sont les mêmes : assimilation ou encouragement par l'État, lutte des locuteurs/trices pour la sauvegarde et l'enseignement ou abandon.

La plupart des peuples autochtones sont socialement défavorisés, et cette situation les poussent à penser que c'est à cause de leur culture, et qu'il ne vaut donc pas la peine de la sauvegarder. Ils préfèrent y renoncer, culture dans l'espoir de vaincre la discrimination, d'accroître leurs revenus, d'acquérir une plus grande mobilité ou de se faire une place sur les marchés mondiaux. Ces idées, engendrées par la culture dominante menaçante, sont encouragées par celle-ci même, lorsqu'elle pratique une politique d'assimilation.

b) Critères de vitalité des langues selon l'UNESCO

L'UNESCO est l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture. Elle cherche à instaurer la paix par la coopération internationale, depuis sa création en 1945.

Promouvoir la diversité linguistique fait partie de son oeuvre. Elle protège ainsi le patrimoine linguistique et culturel de l'humanité, et en particulier celui des populations autochtones et des minorités, surtout depuis les années 80.

L'UNESCO a édité en 2003 un rapport qui établit une liste de 9 critères pour évaluer le degré de vitalité d'une langue.

Cette classification par cet organisme de référence me paraît importante pour bien saisir le sujet. Ces domaines sont à prendre en compte ensemble, et non pas séparément.

1. la transmission intergénérationnelle

2. le nombre absolu de locuteurs/trices.

3. Le taux de locuteurs/trices sur l'ensemble de la population

4. L'utilisation de la langue dans les différents domaines publics et privés

5. La réaction face aux nouveaux domaines et médias

6. Les matériels d'apprentissage et d'enseignement des langues

7. Les attitudes et politiques linguistiques au niveau du gouvernement et des institutions

8. L'attitude des membres de la communauté vis-à-vis de leur propre langue

9. Le type et la qualité de la documentation

Fig. 1 : UNESCO La vitalité et le danger de disparition des langues

6

Facteur 1 : Transmission de la langue d'une génération à l'autre

Fishman, un des pionniers de la revitalisation linguistique, indique que l'indice le plus couramment utilisé pour évaluer la vitalité d'une langue est de savoir si elle se transmet d'une génération à l'autre (Fishman 1991). L'UNESCO définit une échelle à 6 niveaux de mesure de la vitalité d'une langue, allant de "sûre" à "morte" (UNESCO 2003 : 10) :

Sûre (5) : La langue est parlée par toutes les générations. Sa transmission est ininterrompue d'une génération à l'autre.

Stable et pourtant menacée (5-) : Dans la plupart des cas, la langue est parlée par toutes les générations qui ne cessent de la transmettre, bien que le plurilinguisme dans la langue maternelle et une ou plusieurs langues dominantes ait usurpé certains domaines de communication importants. Il faut dire que le plurilinguisme ne constitue pas forcément à lui seul une menace pour les langues.

Précaire (4) : Dans la plupart des cas, les ménages et les enfants d'une communauté donnée parlent leur langue maternelle en première langue, mais cela peut se limiter à des domaines spécifiques (par exemple, à la maison où les enfants dialoguent avec leurs parents et leurs grands-parents).

En danger (3) : La langue n'est plus enseignée aux enfants comme langue maternelle à la maison. Les plus jeunes locuteurs/trices appartiennent donc à la génération parentale. Dans ce cas, les parents continuent de s'adresser à leurs enfants dans leur langue, mais en général leurs enfants ne leur répondent pas dans cette langue.

Sérieusement en danger (2) : La langue est seulement parlée par les grands-parents et les générations plus âgées ; certes, les parents arrivent encore à comprendre cette langue, mais ne l'emploient plus avec leurs enfants ni entre eux.

Moribond (1) : Les dernier/es locuteurs/trices sont de la génération des arrière-grands-parents et la langue n'est pas pratiquée dans la vie de tous les jours. Les anciens, qui n'en ont qu'un souvenir partiel, ne la parlent pas régulièrement d'autant qu'il reste peu de gens avec qui ils peuvent dialoguer.

Morte (0) : Personne ne parle plus la langue ni ne s'en souvient.

7

Facteur 2 : Nombre absolu de locuteurs/trices

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Plus ce nombre est petit, plus la langue est en danger. Une population peu nombreuse est forcément plus vulnérable à la décimation face aux maladies, aux guerres ou aux catastrophes naturelles par exemple. Un petit groupe linguistique peut aussi s'intégrer plus facilement à un groupe plus grand, en abandonnant sa langue et sa culture.

Facteur 3 : Taux de locuteurs/trices sur l'ensemble de la population Reprenons l'échelle précédente :

Sûre (5) : toute la population parle la langue

Précaire (4) : Presque toute la population parle la langue En danger (3) : La majorité de la population parle la langue Sérieusement en danger (2) : Une minorité parle la langue Moribond (1) : Un très petit nombre de personnes parlent la langue Morte (0) : Plus personne ne parle la langue.

Facteur 4 : Utilisation de la langue dans les différents domaines publics et privés

La transmission d'une langue est influencée par des facteurs tels que le lieu, les personnes avec qui l'on communique, ou les sujets abordés. Selon l'échelle établie :

Usage universel (5) : La langue est utilisée dans tous les domaines et pour toutes les fonctions.

Parité multilingue (4) : Situation de diglossie : répartition fonctionnelle des langues dans des contextes de communication différents où la langue non dominante est employée de manière informelle et dans le milieu familial, ou pour des pratiques religieuses traditionnelles ou des commerces de proximité ; alors que la langue dominante est réservée aux domaines officiel et public.

Domaines en déclin (3) : La langue ancestrale est utilisée en famille et investie de nombreuses fonctions, mais la langue dominante commence à pénétrer dans le domaine familial.

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Domaines limités (2) : La langue se pratique dans des domaines sociaux limités et pour plusieurs fonctions : lieux de sociabilité, festivals et cérémonies où les anciens ont l'occasion de se retrouver, lieu de résidence des personnes âgées de la famille. La majeure partie de la population comprend la langue mais ne la parle pas.

Domaines extrêmement limités (1) : La langue est réservée à des domaines très restreints et très peu de fonctions (par exemple rites lors de célébrations.).

Morte (0) : L'usage de la langue a disparu dans tous les domaines

Facteur 5 : Réaction face aux nouveaux domaines et médias

Si une langue n'arrive pas à attraper le train du progrès en s'exprimant via les medias de masse, où règne déjà la langue dominante, son degré de danger est important. Il faut aussi qu'elle soit présente dans l'enseignement et dans l'emploi, et de manière plus importante que seulement une heure par semaine ou réservée à un seul type de profession.

Là encore il y a un classement de 5 (La langue est utilisée dans tous les nouveaux domaines) à 0 (La langue n'est utilisée dans aucun nouveau domaine.), allant de Dynamique (5), Solide/active (4), Réceptive (3), Adaptable (2), Minimale (1), à Inactive (0).

Facteur 6 : Matériels d'apprentissage et d'enseignement des langues

Il est essentiel pour le maintien d'une langue que l'éducation se fasse dans cette langue, pas seulement qu'on l'y enseigne. Il faut pour cela passer par l'écrit, et certaines communautés à tradition orale s'y refusent. D'autres y voient une source de fierté. En général, cependant, cela est directement lié au développement économique et social. L'UNESCO distingue 6 niveaux :

5 : Orthographe établie, grammaires, dictionnaires, textes littéraires de tout style : fiction, médias, éducation, administratif.

4 : Matériels écrits et, à l'école, les enfants apprennent à lire et écrire dans la langue, mais elle n'est pas utilisée dans l'administration.

3 : Matériels écrits pouvant être utilisés à l'école ; pas de presse écrite qui pourrait encourager l'alphabétisation.

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2 : Matériels écrits mais utiles seulement pour une minorité ; pour les autres, ils ont éventuellement une valeur symbolique. L'alphabétisation dans la langue n'est pas au programme scolaire.

1 : Il existe une orthographe et un faible nombre de textes, en cours de réalisation. 0 : Aucune orthographe.

Facteur 7 : Attitudes et politiques linguistiques au niveau du gouvernement et des institutions - usage et statut officiels

La politique linguistique d'un État a un rôle majeur dans la sauvegarde et l'encouragement des langues minoritaires, ou au contraire de leur abandon. Souvent, la langue dominante se proclame comme meilleure que la langue non-dominante, ou même comme symbole fédérateur de l'État. Et quand plusieurs grandes communautés linguistiques se disputent le même territoire, elles peuvent elles-mêmes adopter des attitudes linguistiques conflictuelles. Cela porte à croire que la multiplicité des langues est source de division et représente un danger pour l'unité nationale. La politique linguistique peut alors intervenir et limiter les pratiques. Mais que l'État désigne une seule langue officielle et néglige les autres, ou choisisse d'officialiser toutes les langues en usage sur son territoire, son action a toujours une incidence importante sur l'attitude linguistique de la communauté même.

Voici les échelons de la politique linguistique :

Soutien égalitaire (5) : Toutes les langues du pays sont valorisées et protégées par la loi.

Soutien différencié (4) : Les langues minoritaires sont essentiellement protégées dans le domaine privé. L'usage de la langue dominée est prestigieux (par exemple, lors des cérémonies).

Assimilation passive (3) : Le gouvernement central est indifférent à l'usage des langues minoritaires, du moment que la langue dominante est celle de l'interaction dans la sphère publique. La langue du groupe dominant devient, par le fait même, la langue officielle. Les langues minoritaires ne jouissent pas d'un grand prestige.

Assimilation active (2) : Le gouvernement encourage l'assimilation à la langue dominante, notamment par l'enseignement de et dans la langue dominante. Les langues minoritaires ne bénéficient d'aucune protection.

11

Assimilation forcée (1) : Le gouvernement soutient explicitement la langue dominante (statut officiel), alors que les langues minoritaires ne sont ni reconnues, ni soutenues.

Interdiction (0) : L'usage des langues minoritaires est strictement interdit dans tous les domaines. Il est parfois toléré dans la vie privée.

Facteur 8 : Attitude des membres de la communauté vis-à-vis de leur propre langue

Les membres d'une communauté dont la langue est dominée peuvent avoir différents comportements par rapport à celle-ci : ils peuvent choisir de la valoriser et la promouvoir, être indifférents ou bien en avoir honte, la trouver nuisante socialement et économiquement. Logiquement, l'attitude positive est primordiale pour la stabilité d'une langue à longue échéance.

Les différents degrés de cette échelle sont :

5 : L'ensemble de la communauté est attaché à sa langue et souhaite sa promotion. 4 : La majorité du groupe est favorable au maintien de la langue.

3 : Beaucoup de membres de la communauté est favorable au maintien de la langue, beaucoup d'autres y sont indifférents, certains souhaitent l'abandon (transfert linguistique).

2 : Seulement quelques membres sont favorables au maintien de la langue, d'autres sont indifférents ou favorables au transfert.

1 : Seul un petit nombre est favorable au maintien de la langue ; la majorité du groupe est indifférente ou favorable au transfert.

0 : Personne ne se sent concerné par la disparition de la langue, tous préfèrent la langue dominante.

Lorsqu'une politique linguistique assimilatrice est en place, les membres de la communauté de la langue dominée sont souvent mis face à un choix binaire : "soit vous vous accrochez à votre langue maternelle et à votre identité, mais vous ne trouvez pas de travail, soit vous y renoncez et vous aurez de meilleures chances dans la vie.". Ce dilemme est trompeur, car ces locuteurs/trices pratiquent également la langue dominée, et cela est un avantage. Les membres du groupe minoritaire sont poussés à abandonner leur langue, par mésinformation ou manque

12

d'alternatives. Mais il arrive également qu'ils résistent à la domination linguistique, et cet activisme prend une des trois formes suivantes :

· Renouveau de la langue : pour des langues qui étaient hors d'usage (hébreu pour Israël, gaélique pour l'Irlande.).

· Défense de la langue : présence accrue de la langue minoritaire pour résister à la langue dominante, perçue comme menaçante (gallois.).

· Maintien de la langue : la langue dominée est stable et soutenue, dans un Etat où existent à la fois le plurilinguisme et la langue dominante (où celle-ci fait office de lingua franca) (maori en Nouvelle-Zélande.). (UNESCO 2003 : 15)

Facteur 9 : Type et qualité de la documentation

Les documents écrits comprennent les grammaires de la langue non dominante, des documents audiovisuels, dont certains annotés de l'expression orale dans son occurrence naturelle de la littérature régulière et de toutes sortes. Les 6 niveaux sont les suivants :

Excellente (5) : Grammaires et dictionnaires complets, textes intégraux, nombreux documents audiovisuels annotés d'excellente qualité.

Bonne (4) : Au moins une bonne grammaire, quelques dictionnaires et des textes, de la littérature et de la presse quotidienne ; les documents audiovisuels annotés sont convenables et de bonne qualité.

Assez bonne (3) : Une bonne grammaire, quelques dictionnaires et des textes, mais pas de presse quotidienne ; la qualité ou le niveau d'annotation des documents audiovisuels est variable.

Fragmentaire (2) : Quelques règles grammaticales, un lexique et des textes utiles dans le cadre d'une recherche linguistique limitée, mais leur couverture est insuffisante. Il peut y avoir des enregistrements son/image de qualité variable, avec ou sans aucune annotation.

Insuffisante (1) : Il n'existe que quelques règles grammaticales, un vocabulaire restreint et des textes fragmentaires. Les documents audiovisuels sont inexistants, inexploitables ou totalement dépourvus d'annotations.

Inexistante (0) : Aucun support.

13

Le rapport de l'UNESCO rappelle bien que c'est l'ensemble de ces neuf facteurs (six mesurant la vitalité linguistique, deux renseignant sur l'attitude vis-à-vis d'une langue et un concernant l'urgence de la documentation) qui permet de faire le bilan de la situation sociolinguistique des langues.

c) Etapes du processus d'érosion d'une langue

Une langue en voie d'extinction qu'il est impossible de sauver, va disparaître.

Le linguiste C. Hagège a dans son livre Halte à la mort des langues (2002) définit trois types de disparition d'une langue (Hagège 2002 : 93). Nous allons les présenter dans tout ce paragraphe :

- transformation : ce n'est pas vraiment une mort de la langue, c'est plutôt quand elle évolue tellement qu'elle se transforme en une autre - comme le latin qui a donné plusieurs langues romanes par exemple.

- substitution : c'est lorsqu'une langue extérieure remplace la langue d'origine, après une période de coexistence. Elles fusionnent, ne laissant dans la langue nouvelle que quelques rares mots et structures de la langue d'origine, dans une faible minorité d'emplois.

- et extinction : une langue est éteinte quand elle n'a plus de locuteurs/trices de naissance. Cela peut arriver sur le territoire d'origine de la langue, ou lors d'immigration, les jeunes apprenant la langue du pays et ne pratiquant plus celle de leurs parents.

Quel que soit le type de disparition, le processus n'est pas immédiat (à moins de catastrophe naturelle, d'épidémie ou de génocide - le tsunami de 2004 a ainsi presque anéanti le mentawai, parlé dans les Îles Mentawai en Indonésie.).

Il y a plusieurs étapes :

1. défaut de transmission : les parents transmettent de moins en moins à leurs enfants leur langue maternelle.

2. bilinguisme inégalitaire : deux langues, où l'une est dans une position plus forte, du fait de son statut social ou de sa large diffusion nationale ou internationale. C'est là qu'a lieu le défaut de transmission cité ci-dessus : la communication entre locuteurs/trices âgé.es et jeunes devient de plus en plus imparfaite.

3.

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apparition de "sous-usagers" : c'est la conséquence du point précédent. Ce sont les personnes pour lesquelles l'usage de la langue d'origine de leur communauté devient de plus en plus incertain. C'est le cas des familles d'immigrés récents, qui ont une pratique fautive de la langue du pays d'accueil, sans avoir conservé une compétence complète dans leur propre langue.

4. altération de la langue dominée, déni de la légitimité : la langue d'origine est méprisée, et par les locuteurs/trices de la langue dominante, et par les sous-usagers qui souhaitent atteindre le prestige social que celle-ci apporte.

5. invasion par l'emprunt : toutes les langues font des emprunts, essentiellement lexicaux. Ce n'est pas en soi une cause de l'extinction des langues. En revanche, c'est un signe alarmant lorsqu'il envahit le "noyau dur" du langage : la grammaire et la phonologie. Ainsi, l'alternance des codes (insertion dans un discours en une langue, des mots ou des expressions d'une autre langue - "cette fête a l'air fun, let's go !"), la perte des traits récessifs (traits distinctifs, comme par exemple le "é" et le "è" en français), la réduction de registres de styles, sont à surveiller s'ils font une intrusion trop importante dans la langue.

Le dernier stade est celui des "vieillards muets" : les personnes dont cette langue était la langue maternelle, mais qui ne peuvent plus l'utiliser, car plus personne autour d'eux ne la parle.

d) Quelques exemples de langues en danger dans le monde

Comme nous l'avons vu, il existe différents degrés de vulnérabilité d'une langue. Le linguiste et sociolinguiste Jacques Leclerc, fondateur du site «L'aménagement linguistique dans le Monde» qui présente les situations et politiques linguistiques de 390 États ou territoires répartis dans 195 pays du monde, a établi sa propre échelle, et donne des exemples à chaque degré.

Nous présentons cette échelle car elle peut paraître moins abstraite que celle de l'UNESCO (Leclerc 2019).

" 1. La protection assurée : les petites langues qui ne présentent "aucun danger de disparition" sont celles qui bénéficient du statut de langue officielle dans leur pays et de frontières linguistiques imperméables. Pour l'Europe, il s'agit du norvégien, du suédois, de l'islandais, du danois, du finnois, du suédois à Åland (Finlande), du slovaque (Slovaquie), du tchèque

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(République tchèque), du slovène (Slovénie), du hongrois (Hongrie), etc. Ailleurs dans le monde, on peut citer le kinyarwanda (Rwanda), le kirundi (Burundi), le somali (Somalie), le tigrinya (Érythrée), l'arménien (Arménie), le géorgien (Géorgie), l'hébreu (Israël), le laotien (Laos), le dzonkha (Bhoutan), etc.

2. La protection presque assurée : les langues dont la protection est presque assurée sont des idiomes bien établis, disposant d'une reconnaissance régionale et d'un statut juridique, et comptant au moins un million de locuteurs/trices. C'est le cas du catalan en Catalogne (Espagne), du français au Québec (Canada), de l'espagnol à Porto Rico, du créole en Haïti, du tamoul au Tamil Nadu (Inde), du sindhi dans la province de Sindh (Pakistan), etc.

3. Les langues "à danger limité" : les langues "à danger limité" disposent d'un nombre relativement restreint de locuteurs/trices, moins d'un million, et d'un statut assez enviable. On place dans cette catégorie les petites langues jouissant de conditions géographiques favorables : le féroïen aux îles Féroé, le groenlandais au Groenland, le basque au Pays basque, le frison aux Pays-Bas, le français en Acadie (Nouveau-Brunswick), les germanophones de Belgique et d'Italie (Bolzano), l'anglais au Québec, etc.

4. Les langues "à danger notable" : ce sont des langues comptant un assez grand nombre de locuteurs/trices, mais dont le statut demeure très faible, sinon inexistant : le sarde et le frioulan en Italie, l'occitan et le breton en France, le gallois au pays de Galles (Royaume-Uni), le français en Ontario, l'espagnol aux États-Unis, le maori en Nouvelle-Zélande, l'ibo, le yorouba et le peul au Nigeria, etc.

5. Les langues en grand danger : les langues en grand danger sont celles qui, bien que disposant d'une reconnaissance juridique formelle, ne sont appuyées que par un nombre très restreint de locuteurs/trices. C'est le cas de l'irlandais en Irlande, du romanche en Suisse, de l'aranais au val d'Aran (Catalogne-Espagne), du français au val d'Aoste (Italie) et au Manitoba (et Canada anglais en général), de l'hawaïen à Hawaï, du kiribati au Kiribati, du samoan aux Samoa occidentales, du chamorro à l'île de Guam, du tongau à Tonga, du tuvaluan à Tuvalu, etc. Ajoutons dans cette liste les langues de la plupart des petites minorités bénéficiant d'une république autonome dans la fédération de Russie : l'ossète en Ossétie du Nord, l'adyghéen en Adyghe, le tcherkesse en Karatchaevo-Tcherkessie, le kabardien en Kabardino-Balkarie, le tchétchène en Tchétchénie, l'ingouche en Ingouchie, etc.

6. Les langues en voie d'extinction : les langues en voie d'extinction sont très peu parlées et n'ont pu acquérir aucun statut officiel. C'est le lapon dans les pays scandinaves, l'écossais et

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l'irlandais au Royaume-Uni, le français dans certaines provinces anglaises (Terre-Neuve, Saskatchewan, Colombie-Britannique, Alberta), etc. On pourrait mentionner des centaines de petites langues parlées par les peuples autochtones d'Amérique, d'Océanie, d'Asie (Indonésie, Philippines, Inde, Birmanie, etc.) et d'Afrique. "

Avec la mondialisation et la domination linguistique et culturelle d'un nombre réduit de langues, la lutte pour la survie de celles qui sont en danger est aggravée. Calvet (Calvet 2017) parle de «marché aux langues» : les individus, selon les lieux, selon leurs besoins, selon les politiques autorisées, parlent de plus en plus certaines langues, et de moins en moins d'autres. Ils délaissent celles qui leur paraissent le moins utile, et pratiquent celles qui leur semblent les plus profitables. Ainsi le «marché aux langues» n'est pas le même à Dakar, à Hong-Kong, à Barcelone ou à São Paulo. Et certains langages subsistent, d'autres sont florissants, d'autres risquent de disparaître de ce marché.

e) Pourquoi s'en préoccuper ?

Bien que certains ne soient pas de cet avis4, la sauvegarde des langues est importante. Chaque langue reflète une vision du monde unique avec ses systèmes de valeurs, sa philosophie et ses caractéristiques culturelles propres. L'extinction d'une langue a pour résultat la perte irrémédiable du savoir culturel unique qu'elle a représenté pendant des siècles, notamment de connaissances historiques, spirituelles et environnementales qui peuvent être indispensables à la survie non seulement de ses locuteurs/trices, mais aussi d'innombrables autres personnes. Pour les communautés de locuteurs/trices, les langues sont les créations et les vecteurs de la tradition. Elles étayent l'identité culturelle et sont une composante essentielle du patrimoine du groupe.

Citons le poète evenki5 Alitet Nemtushkin :

«Si j'oublie ma langue natale

Et les chansons que mon peuple chante

4 Miller, un chroniqueur américain du National Review, estime que tout comme les êtres humains, les langages sont mortels, et que la disparition de 15 mots de vocabulaire d'un dialecte aborigène d'Australie pour désigner le type de larve comestible n'est pas une grande perte, puisque la majorité de l'humanité préférerait manger un Big Mac plutôt que des vers (Miller 2002).

5 Une petite langue de Chine parlée par 19000 locuteurs/trices, en Mongolie-Intérieure, dans la province du Heilongjiang et au Xianjiang.

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À quoi me servent mes yeux et mes oreilles ? À quoi me sert ma bouche ?

Si j'oublie l'odeur de la terre Et ne lui suis pas utile

À quoi me servent mes mains ? Pourquoi vis-je dans le monde ?

Comment puis-je croire à l'idée insensée Que ma langue est faible et pauvre Si les derniers mots de ma mère

Ont été en evenki ?

3. MESURES DE PROTECTION MISES EN PLACE

Au niveau mondial, la question des langues minoritaires est gérée principalement par l'ONU (le Forum des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités) et par l'UNESCO (la Section des langues et du multilinguisme).

a) L'UNESCO : un des piliers de la défense et de la sauvegarde des langues en danger.

La protection de la diversité linguistique par l'UNESCO prend de multiples formes, de la publication de textes normatifs à l'édition de dictionnaires.

Citons parmi ses actions :

- La création d'un Atlas des langues en danger dans le monde : l'objectif était de susciter une prise de conscience de la part des autorités, des communautés de locuteurs/trices et du public en général à propos des langues menacées et de la nécessité de sauvegarder la diversité linguistique mondiale.

La première édition est sortie en 1996 : elle répertoriait 600 langues, et a provoqué un vif intérêt académique et journalistique. C'est devenu un ouvrage de référence. La deuxième édition est parue en 2001 : reflétant l'augmentation de l'intérêt et de la recherche porté au sujet, il contient cette fois 800 langues. La troisième et dernière

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édition date de 2010 : cette fois, il catalogue environ 2500 langues, un nombre proche de celui généralement accepté de 3000 langues en danger dans le monde.

Il existe également une version en ligne, depuis 2009 : c'est un site interactif, avec donc les possibilités de laisser des commentaires ou de proposer de rajouter une langue à la liste. Cette version recense 2464 langues, et fournit les informations suivantes sur la langue : nom, niveau de vitalité (vulnérable - en danger - sérieusement en danger - en situation critique - éteinte), pays où elle est parlée, nombre de locuteurs/trices, projets qui y sont reliés, sources, codes de langue ISO 639-3.

L'Atlas est le fruit de la collaboration internationale de plus de 30 linguistes du monde entier.

- La création de la Journée Internationale de la langue maternelle : créée en novembre 1999, célébrée depuis 2000, cette journée a pour but de promouvoir les langues de la planète, chaque 21 février. Le thème change chaque année (par exemple, pour 2020, il s'agissait de "langues sans frontières", les langues transfrontalières.).

Cet évènement a été instauré pour que soit reconnue l'importance de toutes les langues et qu'émerge une mobilisation en faveur du multilinguisme.

- La promotion régulière de la diversité linguistique à travers des textes normatifs :

A. la Déclaration Universelle sur diversité culturelle de 2001 : elle contient la mise en place d'un Plan d'action qui appelle les États membres à prendre les mesures pour :

a) Sauvegarder le patrimoine linguistique de l'humanité et soutenir l'expression, la création et la diffusion dans le plus grand nombre possible de langues ;

b) Encourager la diversité linguistique à tous les niveaux de l'éducation, et stimuler l'apprentissage du plurilinguisme dès le plus jeune âge ;

c) Et promouvoir la diversité linguistique sur les supports numériques

o la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003 : elle reconnaît le rôle essentiel du langage dans l'expression et la transmission du patrimoine vivant. Dans le domaine des traditions et expressions orales, la langue n'est pas seulement un vecteur, elle constitue l'essence même de ce patrimoine immatériel.

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o la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions

culturelles de 2005 : elle affirme dans son préambule que la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle. Elle propose d'adopter des dispositions relatives à la langue utilisée dans le cadre d'activités, biens et services culturels.

- Enfin, dernièrement, la proclamation de 2019 telle que l'Année Internationale des Langues Autochtones par l'Assemblée Générale des Nations Unies, en rapport avec les droits des peuples autochtones. 900 évènements liés aux langues autochtones ont été organisés, par 77 pays. Entre autres : des projets artistiques (comme des playlists de chansons en langues autochtones), des expositions, des spectacles, des publications de dictionnaires, une semaine spéciale littérature jeunesse, des réunions d'experts nationaux et internationaux et la création d'une page sur Facebook aussi. Tout cela afin d'attirer l'attention sur les risque critiques auxquels les langues autochtones et les peuples qui les parlent sont confronté.es, et leur importance pour le développement durable, et la consolidation de la paix. La visée : une amélioration concrète de la vie des peuples autochtones.

Il y a également l'article 13 de la Déclaration Universelle des Droits des Peuples Autochtones des Nations Unies (commencée en 1993, adoptée en 2007), qui stipule que ces peuples ont le droit de revivifier, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur langue, leurs traditions orales, leur système d'écriture et leur littérature. Il prévoit en outre que les États prennent des mesures efficaces pour protéger ce droit en fournissant, si nécessaire, des services d'interprétation dans les procédures politiques, juridiques et administratives. Les articles 14 et 16 stipulent que les peuples autochtones ont le droit d'établir leurs propres systèmes scolaires et médias dans leur propre langue et d'accéder à l'enseignement dans leur propre langue.

b) Droits linguistiques des peuples autochtones et minoritaires

Outre la protection de ces organismes, d'autres textes législatifs protégeant les minorités linguistiques et culturelles existent de par le monde. Ils sont tous assez récents - les plus vieux ont une trentaine d'années -, marque de l'intérêt moderne pour le sujet.

La plupart de ces textes concernent les langues européennes ou américaines. Il n'y a que peu de textes pour les langues africaines, asiatiques, ou océaniennes.

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Ainsi, la première loi pour la sauvegarde des langues aborigènes en Australie est très récente : elle date de 2017, il s'agit de la Aboriginal Languages Bill.

Pour l'Europe, un texte majeur est la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : c'est un traité européen du Conseil de l'Europe, adopté en 1992, destiné à protéger et favoriser les langues historiques régionales et les langues des minorités en Europe. Les États n'ont pas l'obligation de la signer, et en effet en 2017, 25 États l'ont signée et ratifiée, 8 États l'ont signée sans la ratifier, et 14 États ne l'ont ni signée, ni ratifiée.

Quant au continent américain, citons la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada : de nombreux articles concernent les langues autochtones, réclamant une protection du droit de les utiliser, notamment dans l'enseignement ; des fonds pour leur revitalisation ; leur promotion générale - par exemple en autorisant ces langues à être parlées à la radio. Nous y reviendrons dans un paragraphe suivant.

c) L'action des ONG

Des ONG oeuvrent pour sauver les langues, comme :

? l'Endangered Language Fund, qui finance des projets de revitalisation : création de programmes radio autochtones dans le Dakota du Sud, enregistrement du dernier historien vivant de la langue shor de Sibérie de l'Ouest, ou tout simplement création de documents d'enseignement de langues en danger.

? Terralingua, une ONG américaine travaillant sur la protection de la biodiversité et la diversité linguistique

? SIL International (Summer Institute of Linguistics), ONG qui gère entre autres le portail Ethnologue - base de données sur les langues du monde

? The Endangered Languages Documentation Project (ELDP)

? Maaya, réseau international de promotion de la diversité linguistique basé à Genève

d) De nombreux projets

Il existe des grands projets autour de la défense des langues, comme le programme de recherches Sorosoro, lancé en 2008 (arrêté en 2012 mais toujours disponible sur le net avec de très riches ressources sur la diversité linguistique mondiale) ; ou the Endangered Languages

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Project, un projet de l'Alliance for the Linguistic Diversity : un site collaboratif qui réunit des informations sur les langues en danger.

Et bien entendu de nombreux projets scolaires, étudiants et enseignants se montent chaque année autour de cette thématique.

e) Propres initiatives des peuples

Lorsque les peuples ont une vision positive de leur langue, et que l'État ne les en empêche pas de manière trop forte, il arrive qu'ils parviennent à réinsuffler de la vitalité à leur langue.

Par exemple par l'enseignement : les peuples autochtones d'Hawaï ont promu un enseignement en langue hawaïenne dans les écoles publiques, où les programmes ont été entièrement dispensés en langue hawaïenne, afin de revitaliser leur langue. Et ainsi, celle-ci, qui était sur le point de disparaître dans les années 80 (moins de 50 enfants locuteurs/trices d'hawaïen en 1987), possède aujourd'hui 15% d'enfants autochtones locuteurs/trices - c'est-à-dire 250 enfants autochtones par classe d'âge sur 1750 qui sont parfaits locuteurs/trices - contre 0,1% en 1987.

Avec les technologies de l'information et de la communication, il est également aisé pour les minorités de diffuser leurs langues : fleurissent des chansons en langues autochtones par des canaux de musique en ligne, des applications pour smartphones, des vidéos de vocabulaire sur YouTube6.

Pour finir citons l'initiative originale de Christine Schreyer, professeure d'anthropologie linguistique, et Louise Gordon, directrice au ministère des Terres et des Ressources pour la Première Nation Tlingit de Taku River : elles ont eu l'idée de créer un jeu de société pour la réappropriation de la langue tlingit par la Première Nation Tlingit de la Taku River.

Le jeu fait appel aux noms de lieux, aux histoires qui s'y rattachent et aux ressources qui sont utilisées par le peuple tlingit et intègre des informations sur le territoire traditionnel des Tlingits (Schreyer & Gordon 2007).

6 Comme cette adolescente, Emma Stevens, qui a reprit la chanson "Blackbird" des Beatles en micmac.

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B. LE CONCEPT DE REVITALISATION

1. REVITALISATION DES LANGUES : DEFINITION

Ce terme de "revitalisation" a été ainsi traduit de l'anglais depuis les travaux de Fishman, linguiste étatsunien (1926-2015). Cet auteur est un des pionniers de la revitalisation linguistique. Il a commencé à en parler en 1960, dans son cours de sociolinguistique/sociologie du langage, à l'Université de Pennsylvanie, et a inspiré une grande partie sinon tou.tes les auteur.es qui ont traité la question par la suite.

Il est parti des termes "language shift", traduit en français par "substitution linguistique", ou "assimilation linguistique", reprenant l'expression de Weinreich (1968 [1953] : 68-69 et 106110) pour parler d'un éventuel cas de changement linguistique chez des individus bilingues. Puis il y a ajouté le verbe "renverser", "reversing" dans son ouvrage Reversing Language Shift : Theoretical and Empirical Foundations of Assistance to Threatened Languages (1991), et c'est cette expression qui va être traduite par "revitalisation".

Dans cet ouvrage, l'auteur donne un schéma conceptuel de la revitalisation langagière en 8 stades : en voici la version traduite en français par Marisa Cavalli (2005: 41), qui a effectué une synthèse des grilles de 1991 et 2001 (date à laquelle Fishman a publié un nouveau volume sur le thème de la sauvegarde des langues à l'aube du nouveau siècle) ; elle est à lire de bas en haut

:

Stade 1

Quelques emplois de la langue minoritaire sont disponibles dans l'enseignement supérieur, dans le travail, dans le gouvernement central et dans les médias nationaux.

Stade 2

Les services administratifs de base et les moyens de communication sont disponibles dans la langue minoritaire.

Stade 3

La langue minoritaire est utilisée dans certains domaines du travail moins spécialisé et à l'extérieur de la communauté, ce qui implique l'interaction avec les locuteurs/trices de la langue majoritaire.

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Stade 4

 

4a. Des cours sont dispensés dans la langue minoritaire au niveau de l'école de base dans les écoles publiques sous le contrôle du groupe majoritaire.

4b. Des écoles en langue minoritaire existent et sont sous le contrôle du groupe minoritaire.

Inversion de l'assimilation linguistique visant à dépasser la diglossie, après l'avoir atteinte.

Stade 5

L'écrit (littéracie) en langue minoritaire est utilisé à la maison, à l'école, dans la communauté. Il est nécessaire de soutenir les mouvements en faveur de la littéracie dans la langue minoritaire, sans compter sur un soutien gouvernemental. C'est le stade qui, étant focalisé sur la littéracie, a affaire, en partie, avec le domaine éducationnel, mais s'appuie uniquement sur les moyens et la volonté de la communauté linguistique.

Stade 6

La langue de la minorité est transmise d'une génération à une autre et est parlée dans une communauté démographiquement concentrée. Il est alors nécessaire de soutenir la langue d'un point de vue institutionnel pour assurer sa continuité entre les générations. C'est le stade où une langue est en attente d'une transmission intergénérationnelle par les jeunes à l'intérieur de leurs familles et à l'intérieur de communautés suffisamment consistantes.

Stade 7

La langue minoritaire est utilisée par la génération la plus ancienne, socialement intégrée et active au niveau ethnolinguistique mais qui n'est plus en âge d'avoir des enfants. Il est alors nécessaire de diffuser la langue auprès de la génération la plus jeune. C'est le stade d'une langue parlée par des locuteurs/trices âgé/es et en attente d'être réapprise par les jeunes.

Stade 8

La langue minoritaire n'est parlée que par de rares locuteurs/trices âgé/es et socialement isolé/es. Il faut alors, récupérer la langue à travers leurs discours et leurs mémoires et l'enseigner à des adultes dispersés démographiquement. C'est le stade d'une langue en voie de disparition qui doit être reconstruite et réapprise.

Inversion de l'assimilation linguistique visant à atteindre la diglossie

D'autres échelles ont été réalisées (Bauman, 1980, 6 stades ; UNESCO, 2003, 6 stades ; Lewis and Simons, 2010, 13 stades.). Nous avons retenu celle-ci car elle est connue et pratique.

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Pour tenter de donner une définition concise de la revitalisation, c'est une reconnaissance par un groupe de sa langue d'origine, après son abandon par les générations précédentes.

Que le groupe en arrive à cette volonté de changement, de retour à un stade antérieur où la langue était encore largement pratiquée, marque un changement dans les mentalités, et notamment une nouvelle conception de sa propre identité, plus positive.

D'ailleurs, comme le précisent Landry, Deveau et Allard (Landry, Deveau et Allard 2006 : 37) la revitalisation ethnolangagière est un concept qui indique une prise en charge de sa destinée par le groupe. Plus que maintenir sa langue et sa culture dans un état fragilisé, il s'agit là de réellement se réapproprier des caractéristiques linguistiques et culturelles et des ressources perçues comme étant légitimement siennes.

2. DES EXEMPLES DE RENAISSANCE REUSSIE

Beaucoup de langues en danger sont soutenues, mais souvent, malgré toutes les actions des locaux, des linguistes, des États, il est très difficile d'inverser la tendance du déclin.

Dans de rares cas néanmoins, les efforts payent : voici deux exemples de langues revitalisées, en fait les deux seuls connus.

Ces langages sont stables dans des domaines sociaux et quotidiens, comme la mobilité sociale, l'économie, la technologie et la culture moderne jeune.

a) L'hébreu

C'est certainement le meilleur exemple d'une langue réactivée. Jusqu'au début du XXème siècle, aucun enfant n'avait l'hébreu comme langue maternelle. Elle n'était utilisée que sous sa forme écrite, dans des contextes religieux. En 1890, le Hebrew Language Council a été créé pour inventer les mots nécessaires à une utilisation quotidienne de la langue. Elle s'est ainsi répandue petit à petit, et le phénomène s'est accéléré après 1905, au fur et à mesure que les Juifs fuyaient l'Europe pour s'installer en Palestine.

Aujourd'hui, grâce à un enseignement intense sur plusieurs générations, elle est maintenant "vernacularisée" comme le dit Fishman, modernisée et restandardisée (Fishman 1991 : 291),. Langue officielle d'Israël, elle compte 9 millions de locuteurs/trices.

b) Le gaélique

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Cette langue celtique connaît une renaissance depuis les années 1970.

Le gaélique irlandais est principalement parlé dans le Gaeltacht (prononcer [guel-taukt]) sur la côté ouest de l'Irlande. Bien que langue minoritaire, c'est la première langue officielle de la République d'Irlande, l'anglais ne venant qu'en seconde place. Cet idiome avait été fortement atteint par la Grande Famine de 1845-1850, qui a entraîné de nombreux décès et une immigration importante. Néanmoins, il est toujours resté le symbole de l'indépendance du territoire irlandais, ardemment défendue. Le peuple n'a donc pas perdu la fierté qu'il apportait à sa langue.

Aujourd'hui l'école peut se faire en irlandais de la maternelle à la primaire - néanmoins le secondaire est souvent bilingue, et à l'université les cours se donnent en anglais.

Il existe plusieurs radios en gaélique, dont une, RTÉ Radió na Gaeltachta, qui émet sur tout le territoire irlandais. Il y a une chaîne télé publique en irlandais et une chaîne satellite pour enfants. Les panneaux routiers ainsi que les plaques de rues sont bilingues, et la population y tient beaucoup.

Le gaélique écossais7 est lui aussi remonté en puissance, grâce à de nombreuses initiatives locales portant sur la culture (pièces de théâtre, films, festivals, radios, chaînes de télé) et l'éducation (garderies, écoles, création du centre universitaire du Sabhal Mòr Ostaig sur l'île de Skye, à partir d'une initiative privée : depuis la fin des années 1990, il est possible de suivre un cursus entièrement dispensé en gaélique, dans toutes les matières, de la maternelle à l'université.). Le gaélique est ainsi sorti du cercle privé pour s'introduire dans la vie publique. Il a aussi réussi à prendre le tournant de la technologie : ainsi, il est bien présent sur le web : plusieurs logiciel open source ont été traduits, comme le moteur de recherche Opera, Firefox et Thunderbird (la messagerie de Mozilla). Wikipedia a aussi sa version gaélique, Uicipeid et Google a une interface en gaélique depuis 2001. Sur Facebook et Twitter, qui ne sont pas traduites, le gaélique est très présent, et partagé avec les locuteurs/trices de l'irlandais.

Du fait de l'immigration, il existe des communautés gaélophones au Canada, et en Nouvelle-Écosse notamment où elle est très vivace : le gaélique écossais y est enseigné dans certaines petites écoles (avec le français et le micmac, les trois langues les plus présentes sur ce territoire.) et transmis entre générations. Toute la région est favorable à cette langue, et elle trouve un grand appui chez les jeunes : ils et elles sont conscient.es que leurs grands-parents n'ont pas eu autant d'opportunités de la pratiquer, et ils et elles sont très actif.ves dans les activités culturelles

7 À ne pas confondre avec le scots, autre langue d'Écosse, d'origine germanique.

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et artistiques (associations, danse (square dance), chant ("chant à fouler" : bien que le foulage soit une activité qui n'existe plus, les ouvriers et ouvrières ayant été remplacé.es par des machines, cette pratique reste célébrée aujourd'hui lors des festivals culturels).). Les jeunes espèrent appuyer encore la tendance et avoir la possibilité de travailler dans cette langue plus tard.

CONCLUSION

Dans cette partie, nous avons introduit les concepts traités dans ce mémoire : qu'est-ce qu'une langue native, qu'est-ce qu'une langue en danger, où trouve-t-on ces langues dans le monde. Nous avons exploré la notion de revitalisation d'une langue, développant ces différentes étapes et constatant que ces théories marchaient en pratique, grâce aux exemples de l'hébreu et du gaélique.

Après ce tour du monde global, concentrons notre sujet sur la zone géographique qui nous intéresse : le territoire canadien.

II. Le Canada et son rapport aux peuples et langues autochtones

Les premiers contacts dont nous ayons trace entre Européens et peuples autochtones de ce qu'on appelle aujourd'hui le Canada et l'Amérique du Nord, datent de la toute fin du XVème siècle. C'étaient des navigateurs italiens qui recherchaient un passage maritime pour le commerce.

A partir de ce moment-là, les colons d'Europe n'ont cessé d'affluer, et des relations de commerce se sont établies avec les Indigènes (fourrures, cuivre, pierres, ivoire de morse.). Des missionnaires sont arrivés également. Au début de la période coloniale, des relations d'interdépendance se sont formées entre Européens et Indigènes, l'intérêt pour cette culture autre étant mutuel des deux côtés. Afin de réaliser leurs missions de troc pour les uns, d'évangélisation pour les autres, les Européens adoptent les techniques de survie des locaux et surtout apprennent leurs langues.

Par la suite, les relations sont vite devenues conflictuelles entre tribus et colons, mais cela n'a pas empêché un grand intérêt pour les cultures amérindiennes de la part des Européens : ils en ramènent des carnets, des dessins, et ce qui nous intéresse : des notes sur le langage. Par exemple, le Jésuite Jean de Brébeuf, qui vécut 15 ans parmi les Hurons, a fait des descriptions

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ethnographiques et linguistiques remarquables de cette tribu, relevant avec admiration l'éloquence et le lyrisme de cette langue.

L'actuel Canada est une fédération de 10 provinces et de trois territoires. Voici une carte du territoire actuel ci-dessous. Voyons comment les Peuples Premiers et leurs langues s'y répartissent :

Fig. 2 :Carte politique du Canada en français, tirée de l'Atlas du Canada en ligne.

A. 630 PREMIERES NATIONS ET PRES DE 90 LANGUES

1. TROIS CATEGORIES DE PEUPLES AUTOCHTONES

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Le Canada compte une population de 37,5 millions de personnes, dont plus d'un million et demi se définissent comme Autochtones (4,9% de la population du pays), répartis inégalement dans toutes les provinces du Canada.

La loi Constitutionnelle de 1982 distingue trois catégories de peuples autochtones : les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

a) Les Premières Nations

Ce sont les peuples autochtones canadiens qui ne sont ni des Inuits ni des Métis. Ils représentent 63,5% de la population autochtone du pays. Les termes "Indiens" ou "Amérindiens" sont également utilisés, mais comportent une connotation négative.

Un "Indien inscrit" dans le Registre des Indiens, le répertoire officiel, bénéficie de certains droits et avantages auxquels n'ont pas droit les "Indiens non-inscrits" ni les Métis, notamment des mesures d'aide au logement dans les réserves, des services d'éducation et une exemption des impôts fédéral et provincial ou territorial dans certaines situations. Le Registre des Indiens contient les noms et les informations d'état civil de tous les Indiens inscrits.

Les membres des Premières Nations se répartissent en 50 groupes linguistiques et 617 communautés.

De nos jours, la majorité vivent en milieu urbain et non pas sur une réserve.

b) Les Métis

Ce sont les individus ayant déclaré être des Métis, sans avoir indiqué faire partie ni des Premières Nations ni des Inuits.

Ce sont les descendant.es des Européens et des Amérindiens, né.es de mariages anciens entre des femmes cries, ojibwées et saulteuses avec des Canadiens français et anglais.

Sa langue traditionnelle est le métchif, un créole développé à partir du français et du cri. De nos jours, les Métis parlent principalement l'anglais, mais le français est encore présent. Le métchif a malheureusement presque disparu, même si une volonté de le faire revivre existe. Ils et elles représentent 32,3 % de la population autochtone du pays.

c) Les Inuits

Cette catégorie comprend les individus ayant indiqué être des Inuits, sans avoir indiqué faire partie des Premières Nations ou des Indiens de l'Amérique du Nord, ni des Métis.

Ils vivent dans les régions arctiques de l'Amérique du Nord. En 1999, le territoire fédéral du

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Nunavut a été créé, terme signifiant "notre terre" en inuktitut, la langue principale des Inuits, les rendant de nouveau maîtres de leurs terres ancestrales. Ils représentent 4,2 % de la population autochtone du pays.

Voici une carte de la proportion des Peuples Premiers par province/territoire, toutes catégories confondues :

Fig 3 : proportion des Peuples Premiers par province/territoire L'aménagement linguistique dans le monde

2. 10 FAMILLES DE LANGUES, 88 LANGUES

Les premiers travaux linguistiques sur la classification des langues d'Amérique du Nord sont dus à Powell (1892), qui les classait en 58 familles, chacune regroupant de nombreux groupes.

En 1929, Sapir reprit cette liste, la retravailla, pour donner au final un classement des langues en 6 familles comprenant les langues parlées sur ce territoire.

Nous pouvons comparer leurs études sur les cartes ci-dessous :

La classification de Powell :

Fig. 4 : Thèse de Powell : 58 langages indiens basiques.

The Map Archive. Powell's Thesis : 58 Basic Indian Languages.

30

La classification de Sapir :

31

Fig. 5 : Thèse de Sapir : 6 langages indiens basiques.

The Map Archive. Sapir's Thesis : Six Basic Indian Languages.

Ces travaux étant d'une remarquable précision, ils ont servi de base pour la classification actuelle des langues du continent américain.

Sur le territoire canadien, le dernier recensement (2016) dénombre 86 langues autochtones, classées en 10 familles. Parmi celles-ci, 36 étaient parlées par au moins 500 locuteurs/trices8. Ces langues sont très diverses dans leurs structures et leur phonétique, laquelle peut aller d'un petit nombre de sons distincts à un grand nombre d'entre eux. Par exemple, la langue cayuga (famille iroquoienne) compte très peu de sons différents, avec ses dix consonnes et ses six voyelles. À l'autre extrême, la langue dénée witsuwit'en comporte 35 consonnes et

8 cf annexe 1

32

6 voyelles, ou la langue oowekyala (famille wakashane), 45 consonnes, 4 voyelles neutres, 3 voyelles glottales et 3 voyelles ouvertes.

Les langues officielles du Canada ne sont que l'anglais et le français, mais au Nunavut et aux Territoires du Nord-Ouest certaines langues autochtones sont reconnues comme officielles. Et leur importance est également de plus en plus reconnue dans les autres États.

Nous présenterons ici les principales langues parlées9 - la liste complète se trouve sur le site de l'Encyclopédie Canadienne'0.

1. Algonquien

Cri

Ojibwé

Innu/montagnais

Mi'kmaq

Blackfoot

Métchif (créole cri-français)

2. Eskaléoute

Inuktitut

3. Déné (athapaskan)

Déné

tli?cho? yatìi (flanc de chien)

Esclave du Sud

Dakelh (porteur)

Tlingit

4. Iroquoien

Mohawk

5. Sioux

Stoney

Dakota

6. Salishan

 

9 Voir en annexe 3 le tableau détaillé des langues, le pourcentage de personnes les parlant et les zones où elles sont parlées.

'0 Rice, K. (2020) Langues autochtones au Canada, l'Encyclopédie Canadienne.

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Secwepemctsin (Shuswap)

 

Halkomelem

7. Tsimshianique

Gitksan

Nisga'a

8. Wakashan

Kwakiutl (kwak'wala)

Nootka (nuu-chah-nulth)

9. Haïda

10. Kutenai

 

Le haïda et le kutenai sont des isolats linguistiques : des langues qui n'ont pas de filiation avec d'autres langues vivantes. Certaines le deviennent lorsque toutes les langues auxquelles elles sont reliées s'éteignent ; d'autres le sont depuis que leur existence est documentée.

Les langues autochtones qui ont le plus de locuteurs/trices sont le cri, l'inuktitut et l'ojibwé, à la fois en langue maternelle et en langue parlée à la maison (donc apprise en tant que langue seconde - c'est d'ailleurs le cas pour la majorité des personnes déclarant parler une langue autochtone aujourd'hui, il est rare que ce soit leur langue maternelle.).

Pour avoir une meilleure idée du foisonnement de ces langues, voici une image datant de 2020 extraite de la carte interactive créée par Native Land, une ONG fondée et dirigée par des Autochtones11 :

11 L'existence d'une telle carte montre que l'intérêt porté aux langues autochtones par les personnes natives elles-mêmes est très vivace. Comme préconisé par le facteur 5 de l'échelle de la vitalité des langues de l'UNESCO (cf I.A.), les langues amérindiennes sont présentes sur les canaux technologiques, ce qui est une marque de présence et de volonté de reconnaissance forte de la part de la communauté des locuteurs/trices.

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Fig. 6 : les langues autochtones du Canada.

Aboriginal languages accross Canada, 2020 ( Native-Land.ca)

Comme on peut le voir, les aires linguistiques sont extrêmement nombreuses, se chevauchent et sont particulièrement prolifiques sur la côte Ouest. Cette concentration des familles de langues dans la région nord-ouest du Pacifique suggère que l'Ouest canadien soit une vieille région linguistique à la source de migrations successives de locuteurs/trices vers le Sud et vers l'Est, une hypothèse que confirment les recherches archéologiques et ethnologiques.

Les communautés de locuteurs/trices sont donc légion, mais comptent peu de membres. Toutes les langues autochtones actuellement parlées au Canada sont classées dans l'un des quatre niveaux de danger de l'UNESCO - mais les choses évoluent, lentement mais sûrement.

B. LES LANGUES AUTOCHTONES, DU DECLIN A LA RENAISSANCE

A cause des politiques coloniales, les langues autochtones du Canada sont menacées d'extinction. Des lois très restrictives, visant l'assimilation des peuples autochtones, ont interdit l'usage de ces langues maternelles, menant à leur abandon forcé.

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1. L'INFLUENCE DES ECRASANTES POLITIQUES D'ASSIMILATION SUR LES LANGUES AUTOCHTONES

a) Les réserves

Les premières réserves indiennes ont été crées en 1850 (Kitigan Zibi, Pessamit, Mashteuiatsh). Le but est à la fois de contrôler les populations autochtones, considérées comme des "sauvages", en les amenant à se sédentariser, et d'accéder plus facilement aux ressources minières de leurs territoires.

b) la Loi sur les Indiens

À la suite du déclin du commerce des fourrures en 1820 et à la fin du conflit militaire entre les Américains et les Britanniques, la Couronne britannique n'a plus besoin objectivement de maintenir de bonnes relations et des alliances avec les Premières Nations. Au contraire, elle convoite maintenant leurs territoires à des fins économiques et de colonisation.

Ainsi, en 1876 est votée la Loi sur les Indiens : elle définit ce qu'est un "Indien", leur prévoit certains droits et incapacités et indique que les Indiens sont placés sous la protection de l'État. L'objectif est ouvertement clair : éradiquer la culture des Premières Nations et promouvoir l'assimilation de leurs membres dans la société canadienne. Le droit à l'éducation de leurs enfants selon leurs propres cultures et traditions, leurs pratiques religieuses, cérémonies traditionnelles, costumes, danses, langues sont interdites au fur et à mesure des modifications de cette loi toujours plus restrictive.

Pour devenir majeur, l'Indien pouvait s'émanciper de son statut d'Indien : en se mariant avec un non-Autochtone12 pour les femmes, ou en obtenant des diplômes pour les hommes. Ils devenaient alors citoyen canadien, sans autre distinction. C'était bien le but recherché par le gouvernement fédéral, qui voulait faire voir dans ce statut d'Indien quelque chose de temporaire, à modifier, pour accéder à la pleine maturité en embrassant la culture occidentale.

c) les pensionnats

Un des éléments les plus traumatisants et les plus destructeurs pour les cultures et les langues autochtones a été les pensionnats. Ils avaient pour but de christianiser et d'éduquer à

12 Par rapport à l'utilisation du terme "Autochtone" en tant que nom ici, nous citons la Loi sur les Indiens (cf Avant-propos).

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l'occidentale les membres des Peuples Premiers, et ce dès l'enfance. Le premier a ouvert en 1831, le dernier a fermé en 1996. Au total, il y a eu environ 130 pensionnats indiens au Canada sur ces 165 ans. Les enfants y étaient envoyé.es obligatoirement, tout signe de leur culture d'origine était effacé dès leur arrivée et ils n'avaient pas l'autorisation de parler leur langue maternelle, seulement l'anglais ou le français. Les conditions de vie étaient horribles (abus physiques psychologiques et sexuels) et beaucoup y perdirent la vie (au moins 150 000 enfants y furent envoyés, et au moins 6000 y moururent suite aux mauvais traitements - les données étant incomplètes et les chiffres étant sûrement plus élevés.).

Bien entendu on peut imaginer l'effet dévastateur que de telles pratiques ont pu avoir sur la transmission de la langue et sur la perception de celles-ci par leurs locuteurs/trices : abandon forcé ou "volontaire" du fait de la vision négative de la langue, due au mépris dont elle faisait l'objet, refus de transmettre sa culture et sa langue par peur de l'exclusion, et par conséquent fort déclin de la langue.

2. LE TOURNANT DES ANNEES 1970

Écartons-nous un instant des considérations purement linguistiques pour embrasser une vision plus générale de la vie des peuples autochtones.

a) Livre Blanc et Livre Rouge

En 1969, le gouvernement fédéral a présenté le Livre Blanc, dont les intentions premières étaient louables : il s'agissait d'éliminer le statut juridique distinct des Autochtones13, qui les place dans une position de pupille face à l'État. Cette situation de tutelle devait être éliminée, en abrogeant la Loi sur les Indiens et supprimant donc le statut d' "Indien"14. L'idée était de placer tous les individus du pays sur un même pied d'égalité.

Ce changement de cap a toutefois été loin de correspondre à la vision des principaux concernés. La réaction des Peuples Premiers a été quasi-unanime : ils ont considéré cette perte de droits collectifs comme une autre facette de l'assimilation. En miroir au Livre Blanc, ils expriment

13 Même raison que note précédente.

14 cf II.B.1.b

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donc leur position dans le Livre Rouge : ce document a reconnu que le statut d' "Indien", malgré ses désavantages, constitue une assise essentielle au maintien de l'identité culturelle. Il a en outre soutenu que les bases législatives et constitutionnelles de ce statut, et les droits qui en découlent, devraient être maintenus jusqu'à ce que les Peuples Premiers désirent les négocier eux-mêmes.

Par le Livre Rouge, les Peuples Premiers ont enfin réussi à se faire une place dans la place politique canadienne ; depuis, ils y ont joué un rôle déterminant.

b) Le Mouvement de prise en charge

C'est suite à cet épisode que les Premières Nations et les Inuits décident de reprendre en main leur destin et d'améliorer leur situation en lançant en 1972 le Mouvement de prise en charge dans un secteur capital pour la survie des Premiers Peuples : celui de l'éducation. Le mot d'ordre était sans ambiguïté : l'éducation indienne par les Indiens. Cela s'inscrit dans le projet d'amérindianisation des écoles, lancé par le Ministère des Affaires indiennes du Canada. Rapidement, le Mouvement de prise en charge allait s'étendre à d'autres secteurs d'activités, santé, services sociaux, développement économique, services policiers, etc. Par exemple, les agents de police dans les communautés autochtones sont d'origine autochtone, ou la co-gestion des ressources naturelles (les savoirs autochtones en matière de gestion des eaux et des forêts sont reconnus.).

Les efforts ont été centrés sur l'idée que les peuples autochtones eux-mêmes doivent répondre aux besoins de leurs communautés et assurer leur protection afin qu'elles ne soient pas victimes de discrimination légale.

Ainsi, le régime des pensionnats indiens à pris fin en 1969. Au milieu des années 1970, le Ministère des Affaires Indiennes et du Nord Canada assurait l'administration d'une trentaine d'écoles primaires dans les communautés autochtones.

c) La standardisation de l'écriture autochtone

Les langues autochtones sont de tradition orale. Avant l'arrivée des Européens, il n'existait pas de système d'écriture. En 1840, le missionnaire James Evans conçoit le premier système d'écriture pour rendre les langues autochtones : un alphabet syllabique, pour le cri. Les caractères syllabiques sont des symboles qui représentent une combinaison de consonnes et de

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voyelles. Dans les années 1870, un autre missionnaire, Edmund Peck, adapte le syllabaire cri à l'inuktitut15.

Cet alphabet est appelé syllabaire autochtone canadien (car il existe d'autres syllabaires dans le monde, comme le syllabaire yi ou le syllabaire suméro-akkadien). Il est utilisé aujourd'hui chez les Cris, les Naskapis et les Inuits.

Fig.7 : version originale du script de syllabaire cri de J. Evans, 1841.

D'autres chercheurs ont étudié les langues amérindiennes, et en ont rendu une description très fine dans des ouvrages remarquablement numérisés ou bien conservés16 : citons entre autres le travail de Jean-André Cuoq (1821-1898), prêtre, missionnaire, linguiste, philologue et auteur, qui a publié de nombreux travaux sur les langues iroquoises (ojibwé) et

15 Voir annexes.

16 Notons ici la présence, dans la réserve de la Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux, d'un manuscrit original de F. Boas sur la langue iroquoise, datant de 1909, dont les pages jaunies par le temps n'altèrent en rien la qualité de lecture et l'émotion du toucher et de l'intellect.

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algonquines (mohawk). Tl les signait "N.O.", des noms qu'on lui avait donné dans ces langues : "Nij-Kwenatc-anibic" en algonquin, signfiant "second Bellefeuille" en mémoire d'un missionnaire vénéré, et "Orakwanentakon" en iroquois, "étoile fixe" sans doute en raison de la fixité de son oeil gauche qu'un accident de jeunesse avait endommagé.

Bien sûr nous ne pourrions pas parler des langues autochtones d'Amérique du Nord sans parler de Boas, qui a donné dans ses "Handbook[s] of American Indian Languages" des descriptions complètes de nombreuses langues (tlingit, haida, tsmimshian, kwakiutl...), des caractéristiques phonétiques aux catégories grammaticales.

Mais dans ces exemples l'alphabet latin est utilisé pour rendre compte des mots décrits dans les langues autochtones, et pas seulement pour les donner à comprendre au lecteur : il n'y a pas d'autres écritures que celle utilisant l'alphabet latin pour les transcrire.

Tl y a donc coexistence de ces deux types d'alphabets pour écrire les langues autochtones. Cela peut mener à des conflits linguistiques : par exemple, les Cris des Prairies utilisent l'alphabet latin, alors que ceux du Québec et du nord de l'Ontario utilisent le syllabique. Tl s'agit ici de continuums de dialectes souvent mutuellement intelligibles à l'oral, mais que l'utilisation de systèmes d'écriture radicalement différents rend inintelligibles à l'écrit. Compte tenu des faibles effectifs des populations autochtones, les profondes divisions engendrées par ces conventions divergentes d'écriture sont regrettables, car elles les privent d'une force importante. Le problème paraît toutefois insoluble puisque les groupes qui utilisent le syllabique y sont profondément attachés, car ils y voient le reflet de leur spécificité culturelle. En dépit de son introduction relativement récente (au siècle dernier), le syllabique est en effet devenu l'emblème de la langue, de la culture et partie intégrante de l'héritage culturel. Tl n'est pas rare qu'un système d'écriture distinct soit maintenu, ou mis sur pied, dans le but précis de maintenir une identité distincte (Fishman 1977).

Une autre source de discorde est la variété des prononciations :

« En français, par exemple, on ne se demande pas si "monsieur" va s'écrire avec ou sans «r». Or, c'est le genre de débat qui peut avoir lieu dans une communauté autochtone. Chacun veut que sa propre prononciation soit reflétée dans la langue écrite. Aussi, ce qui se passe quand il n'y a pas de langue écrite, c'est que la langue se fractionne en dialectes. »

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Lynn Drapeau, spécialiste de la langue innue17.

L'écriture, tant syllabique que latine, a été standardisée par une décision de l'assemblée générale d'Inuit Tapirisat du Canada en 1976. Leurs caractères sont unifiés par des tables de caractères Unicode, ce qui signifie qu'on peut les utiliser sur toutes sortes de plate-formes informatiques.

3. L'URBANISATION DES PEUPLES AUTOCHTONES

À partir des années 1980, le taux de population autochtone vivant en métropole a fait un bond en avant. De nos jours, plus de la moitié des membres de ces communautés vivent en région urbaine, et c'est un phénomène qui est en augmentation. C'est Winnipeg ("win nipee", "eaux boueuses" en cri) qui compte le plus grand nombre de personnes autochtones, 10 % des résidents de la ville. Cette population se compose majoritairement de Métis, ensuite des membres des Premières nations et des Inuits. Ces derniers sont moins présents dans l'espace urbain que les autres, mais ils restent visibles grâce à leurs associations et institutions culturelles.18

La présence autochtone en ville grandissante donne naissance à de nouvelles institutions et devient un espace public propice à la prise de parole ainsi qu'à des mobilisations citoyennes autochtones.

Une base pour ces réseaux entre communautés sont les Centres d'Amitié Autochtones (CAA) : créés, à l'origine, en 1950, pour offrir du soutien aux individus, soit lors d'un séjour limité soit lors d'un déménagement plus permanent en ville, les CAA ont grandement élargi leur palette de services, développant des programmes en éducation, santé, emploi, logement, petite enfance, soutien aux familles, transmission de la culture, et donc cours de langues pour enfants et adultes. Il en existe aujourd'hui 119 sur dans tout le pays19. Dans certaines villes, les services proposés sont même disponibles directement en langue autochtone (comme le CAA de Maniwaki, où l'offre est disponible en anglais, en français et en algonquin20).

17 in Drapeau, L. (2014) Grammaire de la langue innue, Québec, Presses de l'Université du Québec.

18 Ces données sont issues de l'article du magazine Géo par S. Desurmont.

19 Source : site internet du Regroupement des Centres d'Amitié Autochtones du Québec

20 Idem.

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Le fait que les membres des Peuples Premiers soient ainsi présents dans la ville, permet à des nouveaux liens de se tisser : entre les communautés autochtones, entre les différentes communautés des Premières Nations (à Montréal, le CAA propose des cours d'atikamek, d'anishnabe, de cri, de huron, d'innu, d'inktitut et de mohawk - ce qui signifie que des membres de chacune de ces bandes vivent là.). Des ponts se construisent de plus en plus fréquemment entre ces deux milieux de vie longtemps perçus et étudiés comme opposés, voire incompatibles.

4. QUELQUES GRANDS TEXTES DE DROIT CONCERNANT LES LANGUES AUTOCHTONES

Depuis le début de la période de prise en charge, de nombreuses lois et de nombreux traités ont été discuté.es et signé.es. Bien qu'il y ait encore une grande quantité de problématiques à régler, ces textes vont dans la direction d'une amélioration des relations, pour résoudre le casse-tête de l'imbrication juste et harmonieuse des coutumes et des institutions politiques autochtones et allochtones.

J'en présenterai ici quelques-un.es, parlant de la langue :

- Loi sur la radiodiffusion (1991) : prévoit que "le système canadien de radiodiffusion devrait offrir une programmation qui reflète les cultures autochtones du Canada, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens". Dans les faits, cela se traduit par un crédit d'impôt pour encourager la représentation culturelle des peuples autochtones dans la programmation canadienne ; par l'octroi de licences pour des stations de radio autochtones ; par la création du Aboriginal Peoples Television Network (ATPN), premier réseau de télévision public créé par et pour les peuples autochtones.

- Loi sur le Nunavut (1999) : le territoire est créé de manière officielle le 1er avril. Il hérite de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, où en plus de l'anglais et du français, neuf langues autochtones sont officielles : le chipewyan, le cri, l'esclave du Nord, l'esclave du Sud, le gwich'in, l'inuinnaqtun, l'inuktitut, l'inuvialuktun et le tåîchô (les personnes autochtones représentant plus de 48% de la population totale.). Ainsi, au Nunavut, l'inuinnagtun et l'inuktitut, les deux langues autochtones principales, deviennent officielles. Leurs locuteurs/trices, les Inuits, composent 85% de la population du Nunavut

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- Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut (2002) : les Inuits ont le droit d'utiliser leur langue maternelle, l'inuktitut, pour gérer les questions portant sur l'accès aux terres, à l'indemnisation des titulaires de droits de surface pour l'utilisation du sable et du gravier, ainsi que les demandes d'indemnisation pour perte de ressources fauniques.

- Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2008) : Adoptée par le Canada en 2010, elle stipule que "les peuples autochtones ont le droit de revitaliser, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leurs langues, leurs traditions orales, leurs philosophies, leurs systèmes d'écriture et leurs littératures, et de désigner et conserver leur propre nom pour les communautés, les lieux et les personnes." (article 13.1). L'article 14.1 stipule que "les peuples autochtones ont le droit d'établir et de contrôler leurs systèmes éducatifs et leurs institutions dispensant un enseignement dans leur propre langue, d'une manière appropriée à leurs méthodes culturelles d'enseignement et d'apprentissage.".

- Loi sur les langues autochtones (2019) : vise à protéger et à revitaliser les langues autochtones au Canada. Elle indique que les documents administratifs doivent être traduits dans une langue autochtone, que des services d'interprétation soient offerts afin de faciliter l'usage de ces langues ; qu'il y aura aussi un Bureau du commissaire aux langues autochtones ; qu'il faut soutenir les peuples autochtones dans leurs efforts visant à se réapproprier les langues autochtones et à les revitaliser, les maintenir et les renforcer.

Cependant, attention, cette loi ne crée aucun droit linguistique. Elle n'élève pas les langues autochtones au statut privilégié des langues officielles du Canada. Néanmoins, elle établit les balises juridiques pouvant éventuellement y mener.

5. SITUATION LINGUISTIQUE AUJOURD'HUI

a) Les langues autochtones enseignées à l'école

Comme nous l'avons vu, les peuples autochtones ont pu gérer leur éducation eux-mêmes à partir des années 1970. Cela s'est fait graduellement (rappelons que le dernier pensionnait a fermé en 1996), mais le phénomène tend à prendre de l'ampleur. Dans toutes les réserves il y a désormais des écoles primaires et secondaires.

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Notons aussi la création de l'Institution Kiuna, de niveau collégial21, en 2011. Située dans la communauté abénaquise d'Odanak (une réserve proche de Montréal), elle propose des services éducatifs culturellement adaptés, qui tiennent compte de l'Histoire, des valeurs culturelles et des traditions propres aux nations autochtones. Institution bilingue, elle n'est pas réservée qu'aux seul.es membres autochtones car la sensibilisation des non-Autochtones22 est une de ses préoccupations (Lepage 2019).

Les langues autochtones à l'école, c'est réintroduire de la continuité là où elle avait été abolie : continuité entre la maison et l'école, continuité entre les ancêtres et les enfants.

Cependant, la pression sociale et économique reste forte : les langues amérindiennes ne jouissant d'aucune reconnaissance officielle spécifique dans la Constitution canadienne (à part aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, et encore il ne s'agit pas de toutes celles qui y sont parlées), certains comportements pouvant être considérés comme contradictoires apparaissent :

« J'ai même vu des parents envoyer leurs enfants à l'école en innu, mais leur parler en français à la maison, pour s'assurer qu'ils n'ont pas de retard. Les gens sont coincés. Ils veulent que leurs enfants réussissent à l'école et dans la vie, en français ou en anglais, et ils veulent aussi qu'ils connaissent leur langue. Mais ils voient cela comme s'il fallait choisir entre l'un ou l'autre, alors que la plupart des linguistes vont dire qu'on peut avoir beaucoup de succès en étant bilingue ».

Lynn Drapeau, spécialiste de la langue innue23.

b) La formation à l'enseignement en langue autochtone

Avec le Mouvement de prise en charge, la priorité étant de fermer les horribles pensionnats, l'ouverture d'écoles gérées par les Peuples Premiers s'est accompagnée de la

21 Ce niveau n'existe pas en France : l'accès à l'enseignement collégial se fait normalement après l'obtention d'un diplôme d'études secondaires, alors que l'élève a typiquement 17 ou 18 ans. Un diplôme d'études collégiales (DÉC) peut être préuniversitaire (2 ans, prépare aux études universitaires) ou technique (3 ans, prépare au marché du travail).

22 Par rapport à l'utilisation du terme "Autochtone" en tant que nom ici, nous citons ici le site internet de l'Institution Kiuna (cf Avant-propos).

23 in Drapeau, L. (2014) Grammaire de la langue innue, Québec, Presses de l'Université du Québec.

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formation d'enseignant.es : ainsi l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a décerné entre 1975 et 2003, 579 diplômes, des certificats en sciences de l'éducation ou en technolinguistique autochtone et, pour près de la moitié, des baccalauréats en éducation pré-scolaire et en enseignement primaire.

Citons également l'exemple de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) : située dans la province du Québec, dans une région où la nature a une place importante (beaucoup de forêts et de cours d'eaux), l'UQAT a mis en place un Service Premières Nations composé d'une équipe dédiée au soutien des étudiant.es autochtones, à l'écoute de leurs besoins particuliers que ce soit sur les plans scolaire, personnel ou culturel. En 2016, l'UQAT s'est dotée d'une École d'études autochtones qui offre des programmes de 1er et de 2e cycles ainsi que des sphères de recherches développées en étroite collaboration avec le milieu autochtone. Alors que certains programmes d'études s'adressent spécifiquement à une clientèle autochtone, d'autres, tel le Certificat en études autochtones, sont offerts à toute personne intéressée à mieux connaitre les réalités des Premiers Peuples24.

Dans de nombreuses universités existent des Certificats en langue autochtone et alphabétisation des autochtones, leadership pédagogique pour les Premières Nations et les Inuits, certificat en formation de conseillers pédagogiques et des Premières Nations, etc.

En 2016, l'Université McGill de Montréal a innové en proposant un baccalauréat en enseignement entièrement dispensé au sein d'une communauté des Premières Nations : 18 étudiant.es ont suivi cette formation sur le territoire même de la communauté micmaque de Listuguj en Gaspésie. C'est une première au Canada.

c) Résultats de ces efforts

Statistique Canada a effectué en 2011 une enquête nationale auprès des ménages (4,5 millions de ménages, soit un tiers de tous les ménages) à travers le pays, afin d'estimer les rapports que les Autochtones entretiennent avec leurs langues d'origine25.

D'après cette enquête, il ressort qu'environ un Autochtone sur six peut soutenir une conversation

24 Nous avions d'ailleurs postulé à cette formation, offerte également à distance dans son intégralité. Nous avions été acceptée ; le coût néanmoins avait été un frein : il est de plus de 4400$ l'année pour un.e étudiant.e français.e ou belge, en comparaison avec 1600$ pour un.e étudiant.e québecois.e.

25 Tous les chiffres de ce paragraphe sont issus de ce Rapport de Statistique Canada "Les peuples autochtones et la langue - enquête nationale auprès des ménages."

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dans une langue autochtone. La plus forte proportion des trois groupes autochtones ayant déclaré cela a été observée chez les Inuits (63,7% d'entre eux, comparé à 22,4% parmi les Premières Nations et 2,5% chez les Métis.).

- Langue autochtone comme langue maternelle :

De plus, 14,5% de la population autochtone a déclaré une langue autochtone comme langue maternelle, définie comme la première langue apprise à la maison dans l'enfance et encore comprise par le ou la répondant/e au moment de l'enquête.

Et sans forcément que la langue autochtone soit langue maternelle, 14% ont déclaré parler une langue autochtone à la maison.

- Populations autochtones et langues officielles :

En 2011, et nous supposons que cette estimation a peu évolué depuis, la grande majorité (99,2%) des Autochtones ont déclaré pouvoir soutenir une conversation en anglais ou en français. Ce qui revient à calculer que moins de 1% de cette population ne pouvait parler un niveau compréhensible dans les langues officielles du Canada. Là encore, c'est une plus forte proportion d'Inuits qui a déclaré ne pas les connaître suffisamment pour soutenir une conversation : 8,5%.

Parmi les personnes ayant déclaré pouvoir parler l'anglais ou le français, 49,8% ont déclaré que le français était leur seule langue maternelle, et 41,4% l'anglais comme seule langue maternelle. 5,9% avait une langue autochtone comme seule langue maternelle.

- Langue autochtone comme langue seconde :

Les Autochtones étaient plus nombreux à avoir déclaré pouvoir soutenir une conversation dans une langue autochtone qu'à avoir une langue autochtone comme langue maternelle. Cela suppose donc que certains Autochtones ont acquis une langue autochtone comme langue seconde26 : parmi les 240 815 Autochtones qui ont déclaré pouvoir soutenir une conversation dans une langue autochtone, 188 540 ou 78,3 % ont déclaré cette même langue comme leur langue maternelle. Les autres 52 275, ou 21,7 % ont déclaré une langue différente, tel l'anglais ou le français, comme langue maternelle. C'est cette proportion (composé à 35,3% de Métis,

26 En 2011, 240 815 Autochtones ont déclaré qu'ils pouvaient soutenir une conversation dans une langue autochtone, tandis que 202 495 Autochtones ont déclaré avoir une langue autochtone comme langue maternelle.

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23,1% de Première Nations et 10,2% d'Inuits) qui a acquis une langue autochtone en langue seconde.

- Les non-Autochtones apprennent aussi :

D'après l'ENM de 2011, 4 305 non-Autochtones ont déclaré connaître une langue autochtone. La plupart d'entre eux (80,5 %) ne l'ont pas déclarée comme langue maternelle et l'ont donc acquise comme langue seconde.

- Les Autochtones oublient moins leur langue :

Moins d'un Autochtone sur dix ayant déclaré une langue maternelle autochtone a perdu sa capacité de soutenir une conversation dans cette langue : parmi tous les Autochtones ayant déclaré une langue autochtone comme langue maternelle, seuls 6,9% ne pouvaient plus soutenir une conversation dans cette langue, même s'ils la comprenaient encore (12% pour les Métis, 7,6 % pour les Premières Nations et 2,5 % pour les Inuits)

6. DES AMELIORATIONS, ET ENCORE UN LONG CHEMIN A PARCOURIR

Les communautés autochtones sont soumises à de fortes discriminations et à un racisme systémique. Elles représentent la part de la population qui est la plus incarcérée, pour laquelle le taux de chômage est exceptionnellement élevé, tout comme celui de suicides - et notamment chez les jeunes. D'autres problèmes sociaux sont importants, comme l'insalubrité des logements, le décrochage scolaire, les non-enquêtes sur les disparitions des personnes d'origine autochtone, ou l'insécurité des quartiers autochtones dans les zones urbaines.

La différence avec avant, c'est que désormais leurs voix se font entendre, et elles sont de plus en plus nombreuses, et de plus en plus écoutées.

Si la Loi sur les Indiens demeure en vigueur au Canada, les revendications territoriales autochtones et les ententes continuent de se multiplier dans le but de réinstaurer l'autonomie des Premières nations. Il reste bien sûr beaucoup à faire, on ne se débarrasse pas de siècles de colonisation en un clin d'oeil, mais le simple fait que soient de plus en plus dénoncées les injustices permet de faire avancer les choses.

Notons que c'est en 1960 que tous les Indiens ont eu le droit de vote au fédéral, et en 1969 au Québec, sans perdre leur statut d'Indien.

La loi constitutionnelle de 1982 quant à elle, en plus de créer les trois catégories de peuples

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autochtones, leur accordent une protection de leurs droits, ancestraux (une avancée remarquable qui prouve que le gouvernement reconnaît la place des Peuples Premiers) ou issus de traités. La Charte canadienne des droits et libertés, contenue dans cette loi, est modifiée en 1985 : elle supprime notamment les discriminations envers les femmes et autorises les bandes27 à déterminer elles-mêmes la listes de leurs membres.

La gestion de leurs territoires avait été une grande source de conflits pour les Premières Nations : la Loi sur les Indiens de 1876 ne respectait pas l'utilisation traditionnelle de la terre (elle soumettait la gestion des terres au surintendant des affaires indiennes, qui pouvait notamment diviser les terres en parcelles et demander aux Autochtones d'obtenir des titres individuels.). En 1999, la loi sur la gestion des terres des premières nations permet aux bandes de recevoir la gestion des terres sur leur réserve.

Les initiatives de la part des communautés se multiplient, tout comme celles du gouvernement. Un pas important a été la création de la Commission de Vérité et de Réconciliation, en 2008, pour analyser les séquelles des pensionnats indiens, permettre une reconnaissance de l'injustice et des torts causés aux Autochtones, et enclencher le processus de compensation et de guérison.

Dans ce cadre, le Premier Ministre Harper a prononcé en juin 2008 les excuses officielles du gouvernement, pour les mauvais traitements subis dans les pensionnats. Des compensations financières s'élevaient à 10 000$ pour chaque ancien.nes pensionnaires pour leur première année, plus 3000$ de plus par année. Ces personnes sont appelées "les survivant.es".

On pourrait trouver que ces repentirs viennent bien tard, le dernier pensionnat ayant fermé en 1996. Mais "mieux vaut tard que jamais", et ces mots marquent la reconnaissance par le gouvernement de la souffrance passée. Un fort élément thérapeutique.

De plus, même si la plupart des anciens pensionnaires étaient décédé.es à l'heure des excuses (rappelons que le premier pensionnat fut ouvert en 1831), leur énonciation note qu'elles valent aussi pour leurs descendant.es : puisque l'impact des pensionnats indiens touche non seulement ceux et celles qui y ont vécu mais aussi leurs enfants, les processus de guérison doivent se poursuivre à travers les générations.

La Commission de Vérité et de Réconciliation, dont le rapport final est paru en 2015, a pour titre "Honorer la vérité, réconcilier pour l'avenir". Il a conclu au "génocide culturel" des

27 Une bande est "un regroupement d'Indiens membres de la même communauté".

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Autochtones par les pensionnats. 94 recommandations y sont énoncées28, allant des enquêtes nationales sur les disparitions de femmes et filles autochtones jusqu'à l'augmentation du financement de CBC/Radio Canada pour les programmes autochtones, en passant par l'amélioration de l'accès des Autochtones aux études post-secondaires et à la réduction du nombre d'enfants autochtones dans les familles d'accueil.

CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons vu qui sont les peuples autochtones du territoire appelé Canada, et quelles sont leurs langues. Nous avons analysé la politique coloniale assimilationniste mise en place depuis l'arrivée des premiers Européens au XVème siècle, jusqu'à la fin du XXème siècle. Face à ces récurrentes interdictions de pratiquer leur culture, de réduction de territoire, de discrimination, de mépris, la résilience des Peuples Premiers du Canada est ce qui ressort : de nos jours, ils se battent pacifiquement pour faire reconnaître leurs droits et leur place. Les injustices sont nombreuses à réparer, et les mesures prises par les gouvernements récents laissent penser que le Canada a désormais choisi de respecter les aspirations culturelles et politiques des Premières nations, des Inuits et des Métis.

Les efforts de revitalisation pour les langues autochtones du Canada sont vifs et prennent de multiples formes : outre l'éducation, nous avons vu que des cours sont dispensés, qu'il y a une reconnaissance plus grande de la part des autorités gouvernementales, que les initiatives locales telles que créer des panneaux en langue autochtone se multiplient29 ; que surtout les communautés de locuteurs/trices veulent faire vivre leur langue, par tous les moyens.

Voyons donc à présent si l'un de ces moyens est efficace dans la revitalisation, et si oui comment : le spectacle vivant.

III. Spectacles en langues natives et impact

28 Les "appels à l'action".

29 Voir annexe 6.

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Malgré les persécutions, les cultures autochtones se sont battues pour leur survie, et elles reviennent petit à petit sur le devant de la scène au fur et à mesure que les gouvernements reconnaissent la place des Amérindiens.

Ainsi, les pratiques artistiques autochtones du Québec vivent depuis le début des années 2000 une véritable ébullition. Que ce soit en littérature, en arts visuels ou en cinéma, les créateurs/trices des Premières Nations opèrent une prise de parole au sein de l'espace public et créatif, démontrant le dynamisme de leurs cultures, de même que leur singularité.

Nous centrons notre recherche sur les formes de pratiques artistiques appelées "spectacle vivant". Voici ici la définition qu'en donne la loi française :

" Le vocable "spectacle vivant" désigne l'ensemble des spectacles "produits ou diffusés par des personnes qui, en vue de la représentation en public d'une oeuvre de l'esprit, s'assurent la présence physique d'au moins un artiste du spectacle". La danse, la musique, le théâtre, dans toute la diversité de leurs formes (opéra, musique de variété, chorales, fanfares, cirque, arts de la rue, conte, marionnettes...), appartiennent au spectacle vivant, par opposition au spectacle enregistré (cinéma-audiovisuel).30 "

A. UN LIEN DIFFICILE A ETABLIR

Comme nous l'avions précisé en introduction, nous n'avons pas trouvé de littérature portant sur la revitalisation des langues autochtones par le biais du spectacle vivant. Nous comptions donc sur les entretiens téléphoniques pour explorer l'existence de ce lien - entretiens qui n'ont donc pas pu avoir lieu en raison de la pandémie.

Car lors de nos recherches, nous avons constaté que la création artistique en langue autochtone existe, et est pleine de vigueur : des théâtres proposant des pièces et des cours en langues autochtones, des artistes musicaux de tous styles et de toutes les Nations, des festivals petits et grands.

Rappelons ici que notre objectif est de savoir si toutes ces manifestations ont une influence sur le degré de revitalisation des langues pratiquées, c'est-à-dire savoir si elles sont davantage

30 Source : site du Ministère de la Culture.

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transmises de génération en génération, apprises en tant que langue seconde et donc si le nombre de locuteurs/trices augmente.

Car bien sûr que performer est une manière de revendiquer sa place, d'affirmer sa culture et de demander à se faire reconnaître, ou d'asseoir une reconnaissance. Utiliser une langue d'origine rajoute une dimension politique forte, sachant à quel point elles ont été réprimées par le passé. Nous citerons ici J. Beaupré :

« Les pratiques artistiques autochtones contemporaines ne constituent pas un sujet politiquement neutre. Elles ne portent pas toutes à un même degré un message à caractère politique, mais la simple mention du travail des créateurs[/trices] autochtones démontre que les Amérindiens n'ont pas "disparu", qu'ils existent toujours, au présent. Évoquer ces oeuvres contribue à l'entreprise, poursuivie par nombre d'artistes eux-mêmes, consistant à prouver que leurs cultures ne doivent pas être reléguées à un passé lointain, une fable, celle du Nouveau Monde. »

(Beaupré 2015)

L'aspect politique de revendication n'est donc bien entendu pas à renier. Mais qu'en est-il de l'impact linguistique ?

Voyons quels types d'arts vivants peut-on trouver aujourd'hui sur le territoire canadien.

B. L'ART VIVANT AUTOCHTONE A LA PERIODE ACTUELLE

Comme l'ont rapporté les premiers voyageurs, missionnaires, colonisateurs puis anthropologues, le chant et la danse avaient une importance sérieuse pour les populations autochtones.

Boas commença à recueillir des chansons des Amérindiens de la Côte ouest pendant les années 188031, et ses premières publications inspirèrent une génération de collecteurs, dont entre autres Marius Barbeau (1883-1969) : considéré comme le fondateur de l'anthropologie canadienne et québécoise, il a été l'un des plus importants collectionneurs de la mémoire collective québécoise et des Premières Nations du Canada. Il a enregistré sur environ 300032

31 Dont "Chinook songs", JAF, 1888, p. 220-226; "Kwakiutl songs and dances", JAF, 1888, p. 49-64.

32 Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

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cylindres de cire33 des chants et des contes folkloriques, à partir de 1911.

Nous savons ainsi grâce à lui qu'il existait des chants pour les visiteurs importants, des chants de guerre, ou des rituels de guérisons où un guérisseur portait un masque (appelé "faux-visage") : il représentait un médecin ou un esprit de l'autre monde, qui venait pour chasser la maladie. Ces rituels étaient également accompagnés de chants spéciaux34.

Les chants étaient donc principalement cérémoniels.

1. LA MUSIQUE EN LANGUE AUTOCHTONE

Pour comprendre un peu l'évolution de ce domaine, il faut savoir que pendant la période d'évangélisation, beaucoup de traditions musicales autochtones ont disparues. Les nations ont perdu l'utilisation de leurs instruments traditionnels (l'utilisation du tambour traditionnel, le Teweikan, était interdite.).

Pendant longtemps on n'a plus entendu de musique d'origine autochtone. Ce n'est que récemment que les Peuples Premiers font réentendre leur voix, en mêlant leur passé à la culture dominante occidentale. Ils créent de nouveaux sons tout en préservant les racines.

À partir des années 1950, des auteur.es-compositeurs/trices-interprètes en langue autochtone font leur apparition dans le milieu musical public. Les morceaux ne sont pas des chants traditionnels : cela commence par de la country, puis est suivi par de la pop (par l'influence d'Elvis), chanté.es en atikamekw, en langue abénakise, en innu, en mohawk... Certains jeunes vont même jusqu'à traduire les paroles des "hits" du moment dans leur langue, pour en faire des reprises version autochtone. De cette période citons René Weizineau - reconnu parmi les siens comme le premier auteur-compositeur-interprète country en langue atikamekw - ; Alanis O'Bomsawin, artiste engagée et militante ; Émile Grégoire, surnommé "l'Elvis innu" ; le groupe The Mighty Mohawks : Indian Showband (ils reprenaient aussi les

33 L'ancêtre du disque. Les deux principales utilisations du cylindre étaient l'enregistrement de musique et la prise de notes.

Le cylindre de cire avait un avantage marqué sur les disques plats : un cylindre pouvait être effacé et réenregistré plusieurs fois. Bien que la commercialisation des cylindres ait cessé vers 1929, leur utilisation en tant que support d'enregistrement a continué au moins jusqu'aux années 1940.

34 Source : archives de Radio Canada, extrait de l'émission télévisée Votre choix du 26 sept. 1964 : Interview de M. Barbeau par les animatrices Nicole Germain et Ludmilla Chiriaeff. Il est impressionnant de voir ce vieux monsieur octogénaire entonner ces chants, de mémoire.

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tubes d'Elvis - dont Jailhouse Rock habillés en prisonniers, mais coiffés de chevelures style mohawk).

Au fur et à mesure du temps, les artistes musicaux autochtones se sont emparé de tous les genres pour chanter dans leurs langue : folk, rock, gospel...

Et petit à petit, les formes traditionnelles de leurs musiques montent dans la sphère musicale publique.

Ainsi, dans les années 2000, les aînés du Nunavik ont décidé collectivement que les chants de gorge inuit étaient réservés aux Inuits : eux seuls peuvent apprendre et transmettre cette pratique et surtout, donner des spectacles et produire des enregistrements.

Aujourd'hui le chant de gorge traditionnel inuit est principalement pratiqué au Nunavik (Nord du Québec) et sur l'Île de Baffin au Nunavut.

Un groupe important pour les membres des Premières Nations est Kashtin : fondé en 1984 par Vollant and McKenzie, ce mot qui signifie "tornade" en innu, mais qui peut également faire référence au terme d'argot "cashing in", "encaisser" en français, en réponse aux traditionnalistes qui critiquaient le duo pour leur approche commerciale de la musique innue. Le groupe a commencé à tourner dans les festivals et les bars, et leur succès a été confirmé avec leur premier album en 1989, deux fois disque de platine, avec plus de 150 000 exemplaires vendus dans les 6 mois suivant sa sortie. Le morceau "E uassiuian", "Mon enfance", est devenu un hit, et s'est très bien vendue en France.

Leur popularité continuant de grandir, la musique de Kashtin devint la voix de la Crise d'Oka35, un conflit opposant les Mohawks au gouvernement québecois puis canadien : ils protestaient contre l'agrandissement du golf de la ville d'Oka prévu sur un cimetière mohawk. Le conflit dura de mars à septembre 1990, et nécessita l'intervention de l'armée. Plusieurs stations de radio ont banni la musique du groupe pendant cette période, mais leurs chansons sont restées comme symbole de la fierté culturelle.36

Des récompenses existent, incluant des prix pour les productions artistiques autochtones:

35 Voir documentaire d'O'Bomsawin, "Kanehsatake, 270 ans de résistance."

36 Sources : Harris, C. (2016) Heartbeat, Warble, and the Electric Powwow : American Indian Music. University of Oklahoma Press,

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- les Juno Awards possèdent depuis 1994 une catégorie "Juno Award for Indigenous Music Album of the Year"37 ;

- et les Canadian Aboriginal Music Awards, prix créés en 1999 pour reconnaître, honorer et célébrer la création musicale autochtone au Canada, comportent des catégories telles que le prix de la Sauvegarde de la Tradition, le prix du Meilleur album de pièces de tambour à mains, ou le prix du meilleur album de flûte traditionnelle - des preuves indéniables de la reconnaissance de la culture musicale particulière des communautés autochtones sur le territoire.

Enfin, citons l'existence de la plateforme d'écoute musicale Nikamowin, qui permet de découvrir tant les artistes que les cultures autochtones du Canada. On y trouve un classement par genre musical (alternatif, blues, chants de gorge, grunge, jazz, métal, traditionnel, électro...), par nation/territoire (anishnabe, atikamekw, cree, dené, huron-wendat, naskapi, kanien'kehá:ka, wolastoqiyik...), et par langue (anglais, français, inuktitut, mig'maq, iiyiyuu ayimuun...).

2. LES POW WOWS

Le pow wow est un grand rassemblement traditionnel organisé par les Amérindien.nes pour célébrer leur identité et où plusieurs Nations se rencontrent pour festoyer, faire des compétitions entre elles et honorer leurs aîné.es. Cette fête convoque la musique, les danses, les habillements traditionnels, les aliments et les objets d'artisanat autochtone.

De 1886 à 1951, les pow-wows, comme toutes les autres cérémonies traditionnelles autochtones, ont été interdits par le gouvernement canadien.

La tradition a cependant ressurgi dans les années 1960 et s'est tranquillement étendue à toute l'Amérique du Nord dans les dernières décennies. Il y a maintenant des pow-wows dans toutes les provinces canadiennes, du début du printemps à la fin de l'automne. Et ces fêtes se déroulent tant dans les communautés autochtones que dans les villes.

Donc, même si pour un regard extérieur le pow wow représente l'image d'Épinal de culture traditionnelle, il faut garder en tête que cette forme de rassemblement date de moins d'un siècle. Hobsbawm et Ranger (Hobsbawm & Ranger 1983) analysent cela comme un cas d' "invention de tradition", répondant aux nouvelles nécessités de la vie dans les réserves et des

37 Les artistes autochtones ne sont pas restreint.es à cette seule catégorie ; ainsi certain.es préfèrent ne pas soumettre leur musique dans celle-ci, préférant être classé.es dans les catégories plus générales.

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nationalismes amérindiens naissant durant le XXème siècle (Marienstras 1980) : les communautés autochtones ont constaté l'intérêt des touristes pour ces manifestations, et ont décidé d'en faire une vitrine. Ce qui était et demeure en premier lieu un événement social, festif et cérémoniel est donc devenu aussi un spectacle, par le simple fait de la présence et du regard de spectateurs. Pour exister comme entités politiques, les Premières Nations (certaines d'entre elles, en tout cas) semblent désormais miser sur la visibilité et l'opinion publique autant que sur la reconnaissance formelle du gouvernement (Maligne 2010).

Les non-Autochtones sont donc acceptés comme pouvant prendre part à ce spectacle - ils et elles doivent cependant rester respectueux.ses38. La piste de danse, circulaire et nettement limitée, est ainsi en général réservée aux danseur.se.s en compétition (par catégories de sexe, d'âge et de types de danse), ou à celles et ceux effectuant des démonstrations (comme la "danse des cerceaux"), mais à certains moments elle est accessible au public, lors des danses dites "intertribales". A d'autres moments, il est demandé au public d'éteindre leurs caméras et de ne pas prendre de photos, comme pour le rite destiné à ramasser une plume tombée de la tenue d'un danseur ("retrieve the Feather").

Il existe aujourd'hui plus d'une centaine de pow wows sur le territoire canadien.

3. LES FESTIVALS DE CONTES

Comme nous l'avons vu, les peuples autochtones du Canada étaient de tradition orale. Les histoires contées avaient donc une place capitale39.

Cet héritage est transmis aujourd'hui grâce aux festivals de contes, en plus des pow wow où il existe une transmission également.

Nous n'avons trouvé que deux occurrences de ce type de manifestations - les deux se déroulant dans la province de Québec, mais à 1000 km d'intervalle :

- Le Festival de contes et légendes Atalukan, depuis 2010

- Le Festival du conte et de la légende de l'Innucadie, depuis 2006.

38 Radio-Canada a d'ailleurs publié un article contenant un paragraphe " Petit guide d'éthique pour les non-Autochtones".

39 Récoltés principalement par M. Barbeau.

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Lors de ces évènements, la plupart des contes sont racontés en français, et quelques légendes en langue autochtones.

4. LE THEATRE

Notre sujet nous a poussée à savoir s'il existait des pièces de théâtre en langues autochtones.

Contrairement aux chants ou aux contes, le théâtre (tel qu'on l'entend au sens occidental) ne fait pas partie du répertoire traditionnel habituel des peuples autochtones du Canada.

Cet aspect, couplé à la situation linguistique appauvrie des communautés autochtones du fait des politiques d'assimilation précédemment étudiées, a pour conséquence qu'il n'existe pas d'oeuvres théâtrales en langues amérindiennes, qui se produisent en tous cas sur les scènes des théâtres officiels.

Ce qui est appelé "théâtre autochtone" désigne les productions réalisées par et/ou avec des personnes d'origine autochtone, et surtout traitant des problématiques culturelles particulières relatives à ces communautés. Les titres de certaines pièces seront en langue autochtone, quelques mots dans la pièce, mais ce ne sera pas la langue majoritaire utilisée pour l'oeuvre.

K. Grajewski dresse une liste de ce théâtre autochtone pour la partie anglophone du pays : des dramaturges d'origine autochtones ont commencé à produire des pièces, à partir des années 1970, en anglais.

En 1974, l'Association for Native Development in the Performing and Visual Arts (ANDPVA) fonde la Native Theatre School (maintenant le Centre for Indigenous Theatre), qui dispense des cours intensifs permettant aux jeunes talents d'apprendre leur art avec les meilleurs professeurs de diction, de gestuelle et de déclamation et qui prône l'étude des traditions culturelles et des formes de spectacles propres aux Amérindien.nes.. La quasi-totalité des comédiens autochtones du Canada étudient à cette école de théâtre.

En 1982, la troupe Native Earth Performing Arts est fondée à Toronto : elle présente des créations traitant des problématiques liées aux communautés autochtones, et remporte un franc succès.

En 1984, la troupe De-Ba-Jeh-Muh-Jig, de l'île Manitoulin dans le nord de l'Ontario, est la première est toujours aujourd'hui la seule compagnie théâtrale oeuvrant dans une réserve.

La troupe inuite Nakai Theatre met l'accent sur les expériences des habitants du Grand-Nord produit des pièces qui abordent les sujets de l'itinérance, de la pauvreté, de la discrimination et de l'appropriation culturelle.

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À Saskatoon, le Gordon Tootoosis Nîkânîwin Theatre (anciennement la Saskatchewan Native Theatre Company), fondé en 1999 offre des programmes qui encouragent les jeunes à s'impliquer dans le milieu artistique, ainsi que des programmes de formation professionnelle et de coproduction.

À Edmonton, l'Alberta Aboriginal Arts est cofondée en 2009 par deux Métis d'Edmonton, Ryan Cunningham et Christine Sokaymoh Frederick, afin de développer les traditions autochtones dans les milieux artistiques. Ils organisent un Rubaboo Arts Festival annuel (rubaboo est un mot métchif désignant un ragoût cuisiné sur la ligne de trappe), une célébration du théâtre et de la culture autochtones. (Grajewski 2017)

Du côté francophone, le théâtre Ondinnok a été fondé en 1985 : c'est la première compagnie de théâtre francophone amérindien au Canada (15 ans après le premier théâtre anglophone autochtone). Les créations qui y ont lieu "explorent et questionnent la complexité d'être amérindien.ne au temps de la modernité et de l'urbanité". Il a lui aussi mis sur pied à partir de 2004 un programme de formation intensive en théâtre pour les Autochtones40.

Bien que toutes les pièces réalisées par les théâtres et les compagnies citées ci-dessus ne soient pas parlées en langues autochtones, nous avons trouvé qu'elles avaient de l'importance : en effet, l'intensité de cette production théâtrale et les sujets traités marquent sans aucun doute l'émergence de nouvelles pratiques d'énonciation et d'affirmation identitaires au sein des communautés autochtones. Voici l'analyse que fait François Paré du théâtre autochtone contemporain :

« Le théâtre autochtone s'élabore désormais comme un ensemble de réalisations dramatiques, axées sur la récupération des pratiques et mythes ancestraux et toujours accompagnées d'un discours méthodologique visant à instruire les spectateurs et les chercheurs non autochtones sur la manière de lire et d'interpréter l'expérience théâtrale et, au-delà du seul spectacle, l'histoire même des peuples autochtones. [...] Ces textes d'accompagnement visent à la fois à dénoncer, souvent de façon virulente, les structures coloniales contre lesquelles les sociétés

40 Par rapport à l'utilisation du terme "Autochtone" en tant que nom ici, nous reprenons ici les termes employés sur le site internet du théâtre (cf Avant-propos).

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autochtones d'Amérique continuent de lutter et à proposer une lecture thérapeutique et émancipatrice de la représentation scénique. »

(Paré 2013)

Comme nous l'avons indiqué plus au début de ce paragraphe, le théâtre occidental ne fait pas partie des arts autochtones. Et donc, pour la majorité des dramaturges, comédien.nes et danseur.ses autochtones de la fin des années 1980, les structures du théâtre à la manière européenne, où le texte et le metteur en scène dominent, reproduisent les conditions mêmes de l'oppression coloniale dont les peuples autochtones continuent d'être les victimes.

Présenter des oeuvres permettant de présenter sur scène, à un public, les perspectives autochtones, est certes un pas en avant, mais ne suffit pas si elles restent dans le cadre classique du théâtre. C'est cela qu'a souhaité instaurer Yves Sioui-Durand, le fondateur d'Ondinnok, en créant un parcours nomade, représentatif des cultures autochtones.

Ainsi, nous pouvons déduire que, si nos recherches ont conclu à l'inexistence de pièces intégralement jouées en langue amérindienne sur les scènes de théâtres publics et urbains, ce n'est pas par manque d'envie de la part des communautés autochtones, ni par absence totale de structures, d'artistes, de moyens : c'est bien par limitation linguistique.

C'est donc avec admiration pour la résilience et la détermination de ces peuples que la dernière étape de notre recherche sur le théâtre autochtone s'est achevée en apprenant que, pour la toute première fois, en septembre 2019, le Centre National des Arts (CNA) d'Ottawa a lancé sa toute première saison de Théâtre autochtone en langues autochtones : intitulée "Nos histoires guérissent", ce projet artistique met en valeur des spectacles dans une dizaine de langues autochtones, en plus du français et de l'anglais. Bien que cette programmation s'adresse à un auditoire autochtone, en traitant de sujets qui les touchent très directement (comme les disparitions des femmes et des filles autochtones sur lesquelles aucune enquête ne sont ouvertes, les ravageuses conséquences des pensionnats comme le suicide ou l'alcoolisme, ou les enlèvements d'enfants autochtones par les services sociaux pour des adoptions forcées), un public plus large est également visé. Le directeur artistique du Théâtre autochtone du CNA, Kevin Loring, pense que tous les publics viendront41.

41 Article en ligne de Radio Canada du 04/09/2019.

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CONCLUSION

Nous venons de faire un tour d'horizon des différents types d'arts vivants autochtones au Canada. Nous avions choisi de voir ceux qui utilisent la parole afin d'estimer le degré d'utilisation des langues d'autochtones dans ces arts : chant, contes, théâtre.

Il ressort de nos observations qu'au fur et à mesure du temps, depuis les années 1950, le nombre d'artistes autochtones ne fait qu'augmenter. Dans le domaine de la musique notamment, les jeunes investissent de plus en plus cet espace42, grâce à leur maîtrise et leur habitude des technologies informatiques.

Corollairement, la variété et le nombre de langues utilisées pour leurs performances artistiques augmentent également, menant à une plus large représentation de cette frange de la population canadienne, à la fois dans le domaine des arts mais aussi dans leurs revendications politiques43.

Conclusion générale

Cette analyse documentaire a expliqué les concepts de langues en danger, de leur nécessaire sauvegarde, et des moyens à employer pour y parvenir. Les premiers à se pencher sur la question furent les linguistes, qui tirèrent la sonnette d'alarme, pour que puissent intervenir des entités ayant le pouvoir de modifier la situation : c'est ainsi que la liste des 9 critères de vitalité d'une langue de l'UNESCO est parue en 2003, et son Atlas des langues en danger en 2009. L'importance de cet organisme pèse suffisamment pour que les États soient contraints à l'action, sous peine d'être pointés du doigt par la communauté internationale.

Nous avons ensuite précisé notre zone géographique en se concentrant sur le territoire de l'actuel Canada, où de nombreux langages risquent de disparaître. Cela est dû aux politiques coloniales d'assimilation de la part des Européens, qui ont voulu "tuer l'Indien" en le forçant à abandonner ses coutumes traditionnelles, ses langues, ses pratiques, ses vêtements, ses lieux. Les premiers colons avaient débarqués en 1497, et ce n'est qu'à partir des années 1970 que le gouvernement canadien a commencé à redonner un peu de droits aux Peuples Premiers. Depuis, la tendance

42 Et la population autochtone est plus jeune que le reste de la population canadienne, en raison de ses taux de fécondité supérieurs et de son espérance de vie plus courte : presque 50% de la population autochtone totale est âgée de 24 ans ou moins, contre 30% pour les non-Autochtones (source : Statistique Canada).

43 Des pièces de théâtre comme nous avons vu, et des chanteur.ses comme le jeune rappeur Tarrak qui

dénonce le mal-être de la jeunesse groënlandaise, ou la star de la pop Buffy Sainte-Marie, très engagée

pour les droits des Amérindien.nes.

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est ascendante et les textes de lois vont vers plus d'acceptation, de reconnaissance des torts, de respect. Beaucoup reste cependant à faire, les populations autochtones souffrant de tous les maux touchant les minorités ethniques méprisées (taux de chômage important, taux de suicide important, décrochage scolaire, logements insalubres, difficultés de mobilité, racisme, discrimination, etc.). Elles font néanmoins preuve d'une grande force et d'une grande résilience, en multipliant les initiatives locales, dénonçant pacifiquement les torts qui leur sont faits, et revitalisant leurs cultures.

C'est ce que la troisième partie de ce mémoire a montré : les cultures autochtones sont très vivaces. Un grand travail de mémoire est fait, à la fois pour que le passé récent des deux derniers siècles où l'assimilation a été extrêmement dure avec les pensionnats (1831-1996), et à la fois pour que les traditions perdues soient retrouvées - notamment les instruments de musique, les chants et les danses traditionnelles, longtemps interdites.

Par les grands rassemblements, ouverts à tous, comme les pow wows ou les festivals, les communautés autochtones de tout le pays arrivent à se faire une place. Leurs langues trouvent des voix de plus en plus entendues par le biais de la musique, depuis les années 1950, et la croissance du nombre d'artistes étant exponentielle depuis.

Et les spectacles vivants en langue autochtone, comme des pièces de théâtre, de marionnettes, d'humour même, sont encore très rares dans la large sphère publique, si nous n'avons pas pu prouver avec ce travail qu'ils encouragent plus la population à apprendre ces langues, et bien contribuent à leur maintien et à la continuité des cultures dans le temps et dans l'espace.

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Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965

Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, 2007

Déclaration universelle des droits de l'Homme, 1948

Déclaration universelle des Nations Unies des droits des peuples autochtones, 1993

Loi constitutionnelle de 1982, 1982

Loi sur la gestion des terres des premières nations, 1999

Loi sur la radiodiffusion, 1991

Loi sur le Nunavut, 1999

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Loi sur les Indiens, 1876

Loi sur les langues autochtones, 2019

Loi sur les langues officielles, LRTN-O, 1988

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Rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015

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VIDÉOGRAPHIE

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Archives de Radio-Canada (2019, 26 fév.) "Marius Barbeau, gardien de mémoires". https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1155248/marius-barbeau-anthropologie-langues-autochtones-contes-chansons-histoire-archives

Kashtin - E uassiuian [Chanson]. Disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=29rkkj8vPMY

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https://www.onf.ca/film/kanehsatake 270 ans resistance/

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Whelan, J. (2013) Canadian Aboriginal Music Awards, l'Encyclopédie Canadienne. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/canadian-aboriginal-music-awards

ANNEXES

Table des annexes

1. Toute première carte de la classification des langues amérindiennes par Powell (1877) ..i

2. Infographie des 36 langues parlées par au moins 500 locuteurs/trices ii

3. Tableau des langues autochtones avec taux de populations les parlant et zones

géographiques iii

4. Syllabaires autochtones canadiens .v

5. Panneau trilingue français algonquin anglais vi

6. Revitaliser le mohawk, une pancarte à la fois vii

7. Interview du leader du groupe de musique traditionnelle Young Spirit viii

8. Pow wow de Montréal 2017 x

1. Toute première carte de la classification des langues amérindiennes par Powell (1877)

II

2. Infographie des 36 langues parlées par au moins 500 locuteurs/trices

III

3. Tableau de la Population d'identité autochtone pouvant parler une langue autochtone, selon la famille linguistique, les principales langues au sein de ces familles, et les principales concentrations provinciales et territoriales, Canada, 2016

Familles linguistiques autochtones et langues principales

 

Principales concentrations provinciales et

territoriales

Population Tableau 1

 

Note 1

 

Langues algonquiennes

175 825

Manitoba (21,7 %), Québec (21,2 %), Ontario (17,2 %), Alberta (16,7 %), Saskatchewan (16,0 %)

 

96 575

Saskatchewan (27,8 %), Alberta (24,0 %), Manitoba (21,6 %), Québec (18,0 %)

Cri Tableau 1 Note 2

 
 

Ojibwé

28 130

Ontario (56,6 %), Manitoba (34,1 %)

Oji-cri

15 585

Manitoba (51,6 %), Ontario (48,2 %)

Montagnais (innu)

11 360

Québec (86,0 %)

Mi'kmaq

8 870

Nouvelle-Écosse (61,9 %), Nouveau-Brunswick (24,6 %)

Atikamekw

6 600

Québec (99,9 %)

Pied-noir

5 565

Alberta (98,7 %)

Langues inuites

42 065

Nunavut (64,1 %), Québec (29,4 %)

Inuktitut

39 770

Nunavut (65,0 %), Québec (30,8 %)

Langues athabascanes

23 455

Saskatchewan (38,7 %), Territoires du Nord-Ouest (22,9 %), Colombie-Britannique

(18,4 %)

Déné

13 005

Saskatchewan (69,7 %), Alberta (15,3 %)

Langues salishennes

5 620

Colombie-Britannique (98,8 %)

Shuswap (secwepemctsin)

1 290

Colombie-Britannique (98,4 %)

Langues siouennes

5 400

Alberta (74,9 %), Manitoba (14,2 %)

Stoney

3 665

Alberta (99,3 %)

iv

Langues iroquoiennes

2 715

Ontario (68,9 %), Québec (26,9 %)

Mohawk

2 350

Ontario (66,6 %), Québec (28,9 %)

Langues tsimshennes

2 695

Colombie-Britannique (98,1 %)

Gitxsan (gitksan)

1 285

Colombie-Britannique (98,1 %)

Langues wakashanes

1 445

Colombie-Britannique (98,6 %)

Kwakiutl (kwak'wala)

585

Colombie-Britannique (98,3 %)

Mitchif

1 170

Saskatchewan (41,9 %), Manitoba (17,5 %)

Haïda

445

Colombie-Britannique (98,9 %)

Tlingit

255

Yukon (76,5%), Colombie-Britannique

 
 

(21,6 %)

Kutenai

170

Colombie-Britannique (100,0 %)

Total des locuteurs/trices de langues autochtones

260 550

Québec (19,3 %), Manitoba (15,5 %), Saskatchewan (14,5 %), Alberta (13,8 %),

Ontario (12,7 %)

Note 1

Le nombre de locuteurs/trices d'une famille linguistique ne correspond pas au nombre

total pour la famille parce que seules les langues principales sont affichées. Les langues

principales sont les 10 langues comptant le plus grand nombre de locuteurs/trices. Si une

famille linguistique ne comporte pas de langue comprise dans les 10 principales, on

indique la langue de la famille la plus parlée.

 

Retour à la référence de note 1referrer

 

Note 2

 

Les langues cries comprennent les catégories suivantes : cri non déclaré ailleurs (ce qui

renvoie à ceux qui ont déclaré « cri »), cri des plaines, cri des bois, cri des marais, cri du

Nord-Est, cri de Moose, cri du Sud-Est. Pour obtenir les chiffres pour ces sept catégories

de langues particulières, voir le no 98-400-X2016159

au catalogue.

Retour à la référence de note 2referrer

 

Note : « Identité autochtone » désigne les personnes s'identifiant

aux peuples autochtones du Canada. Il s'agit

des personnes qui sont Premières Nations (Indiens de l'Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit) et/ou les

personnes qui sont des Indiens inscrits ou des traités (aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada) et/ou les

personnes membres d'une Première Nation ou d'une bande indienne.

Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2016.

V

4. Syllabaires autochtones canadiens

Inscription en langue crie du dialecte des plaines se trouvant dans le parc La Fourche à Winnipeg au Manitoba.

Panneau de stop à Iqaluit écrit en inuktitut et en anglais. Le texte de la photo de droite, ??bbrt?, se translittère en nuqqarit.

vi

5. Panneau trilingue français anglais algonquin, Réserve faunique La Vérendrye au Québec

"Manàdjitòdan kakina kegòn netàwigig kakina e-dashiyag" signifie littéralement "Soyez doux avec toutes choses de la nature pour chacun."

6. Des pancartes en mohawk44

VII

En 2018, Callie Karihwiióstha Montour, une citoyenne de Kahnawake, a conçu des panneaux signalétiques en Kanien'kéha, la langue mohawk.

« Gardez votre chien en laisse », « Veuillez recycler », « Attention aux enfants »... La jeune femme de 29 ans, qui a appris le mohawk à l'âge adulte, a eu cette idée dans le but d'exposer les jeunes au mohawk, dans une collectivité où la langue a longtemps été en déclin.

« Je me suis dit : "s'ils reconnaissent au moins le pictogramme des pancartes en anglais ou même en français, ils vont savoir ce que ça signifie en kanien'kéha" ».

44 Tiré de l'article de Villeneuve, J.-F. (2018, 13 juin) Revitaliser le mohawk, une pancarte à la fois. Radio-Canada.

VIII

7. Interview du leader du groupe de musique traditionnelle Young Spirit

Interview de Jacob, leader du groupe de musique traditionnelle Young Spirit.

Interview téléphonique du 02/01/2020.

Young Spirits est un groupe de musique cree (prononcer «cri»), formé à Frog Lake, en Alberta, en 2001. Leur musique consiste en un groupe de chanteurs formant un cercle et frappant des tambours à l'unison. C'est là une forme traditionnelle de musique sacrée, qu'ils ont contemporanisé. En 2018, le groupe a reçu une récompense aux Grammy Awards pour leur album Mewasinsational - Cree Round Dance Songs.

Bonjour Jacob, et tout d'abord merci d'avoir accepté de répondre à mes questions. Commençons par vos représentations : où les tenez-vous ?

- Dans les festivals : ceux de musique, des festivals privés, des pow-wows, des Cercles de Danseurs, partout aux Etats-Unis et au Canada.

- Quel est votre public ?

- Un public très varié vient à ce genre de rassemblements. Il n'y a pas seulement des personnes faisant partie des Peuples Premiers ; en fait n'importe qui qui s'intéresse à ça, à l'originalité de la musique, à la musique des Natifs, à leur langue. Dans ces chants on parle beaucoup du lien à la terre, et beaucoup de gens peuvent se projeter dans cela.

- Pensez-vous que chanter dans votre langue a un impact sur les jeunes qui vous entendent ?

- Ah oui, clairement. Les jeunes générations sont déconnectées de leur langue native, elles ne parlent qu'anglais. Avec ce genre de musique Première, la langue autochtone est promue. Et les jeunes ont l'envie de l'apprendre, grâce à la musique.

- A votre avis, quelle est l'importance de la Commission de Vérité et de Réconciliation du Canada ?

- C'est juste un début. La porte est à peine entr'ouverte. Mais c'est un pas en avant, un bon pas en avant. Mais la population a du mal avec cette transition, et il y en aura toujours pour être contre. Il y a encore beaucoup de discrimination, et il reste encore beaucoup à faire.

ix

- Et bien merci beaucoup, ç'a été très enrichissant de vous écouter, et normalement je devrais venir au Canada cet été pour poursuivre mes recherches, si je passe par l'Alberta je ne manquerai pas de vous contacter.

- Oh oui je vous en prie, venez donc ! Nous serions heureux de vous accueillir, nous vous ferions rencontrer des aînés, ça serait sûrement encore mieux pour vous de leur parler en personne, et nous pourrions aller dans des pow-wows !

- Ce serait génial ! Au plaisir de se voir cet été alors !

- Au plaisir oui ! A bientôt.

X

8. Pow wow de Montréal 2017

xi

Table des illustrations

Fig. 1 : 9 critères de classification de la vitalité des langues par l'UNESCO, 2003 Fig.2 : Carte du Canada

Fig.3 : Carte de la proportion des Autochtones par province/territoire Fig.4 : Carte de la classification des langues amérindiennes par Powell, 1892 Fig.5 : Carte de la classification des langues amérindiennes par Sapir, 1929 Fig.6 : Carte des langues amérindiennes actuelles, 2020

Fig.7 : Version originale du script du syllabaire du cri par Evans, 1841

80

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 2

AVANT-PROPOS 3

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 1

I. LA REVITALISATION DES LANGUES AUTOCHTONES 3

A. QU'EST-CE QU'UNE LANGUE AUTOCHTONES EN DANGER ? 3

1. Qu'est-ce qu'une langue autochtone ? 3

2. Qu'appelle-t-on une langue en danger ? 5

a) Les facteurs de la mise en danger d'une langue 5

b) Critères de vitalité des langues selon l'UNESCO 5

c) Etapes du processus d'érosion d'une langue 13

d) Quelques exemples de langues en danger dans le monde 14

e) Pourquoi s'en préoccuper ? 16

3. Mesures de protection mises en place 17

a) L'UNESCO : un pilier de la défense et de la sauvegarde des langues en danger. 17

b) Droits linguistiques des peuples autochtones et minoritaires 19

c) L'action des ONG 20

d) De nombreux projets 20

e) Propres initiatives des peuples 21

B. LE CONCEPT DE REVITALISATION 22

1. Revitalisation des langues : définition 22

2. Des exemples de renaissance réussie 24

a) L'hébreu 24

b) Le gaélique 24

CONCLUSION 26

II. LE CANADA ET SON RAPPORT AUX PEUPLES ET LANGUES

AUTOCHTONES 26

A. 630 PREMIERES NATIONS ET PRES DE 90 LANGUES 27

1. Trois catégories de peuples autochtones 27

a)

81

Les Premières Nations 28

b) Les Métis 28

c) Les Inuits 28

2. 10 familles de langues, 88 langues 29

B. LES LANGUES AUTOCHTONES, DU DECLIN A LA RENAISSANCE 34

1. L'influence des écrasantes politiques d'assimilation sur les langues

autochtones 35

a) Les réserves 35

b) la Loi sur les Indiens 35

c) les pensionnats 35

2. Le tournant des années 1970 36

a) Livre Blanc et Livre Rouge 36

b) Le Mouvement de prise en charge 37

c) La standardisation de l'écriture autochtone 37

3. L'urbanisation des peuples autochtones 40

4. Quelques grands textes de droit concernant les langues autochtones 41

5. Situation linguistique aujourd'hui 42

a) Les langues autochtones enseignées à l'école 42

b) La formation à l'enseignement en langue autochtone 43

c) Résultats de ces efforts 44

6. Des améliorations, et encore un long chemin à parcourir 46

CONCLUSION 48

III. SPECTACLES EN LANGUES NATIVES ET IMPACT 48

A. UN LIEN DIFFICILE A ETABLIR 49

B. L'ART VIVANT AUTOCHTONE A LA PERIODE ACTUELLE 50

1. La musique en langue autochtone 51

2. Les pow wows 53

3. Les festivals de contes 54

4. Le théâtre 55

CONCLUSION 58

CONCLUSION GENERALE 58

BIBLIOGRAPHIE 60

82

TABLE DES ANNEXES 67

1. TOUTE PREMIERE CARTE DE LA CLASSIFICATION DES LANGUES AMERINDIENNES PAR

POWELL (1877) I

2. INFOGRAPHIE DES 36 LANGUES PARLEES PAR AU MOINS 500 LOCUTEURS/TRICES II

3. TABLEAU DE LA POPULATION D'IDENTITE AUTOCHTONE POUVANT PARLER UNE LANGUE AUTOCHTONE, SELON LA FAMILLE LINGUISTIQUE, LES PRINCIPALES LANGUES AU SEIN DE CES FAMILLES, ET LES PRINCIPALES CONCENTRATIONS PROVINCIALES ET TERRITORIALES,

CANADA, 2016 III

4. SYLLABAIRES AUTOCHTONES CANADIENS V

5. PANNEAU TRILINGUE FRANÇAIS ANGLAIS ALGONQUIN, RESERVE FAUNIQUE LA

VERENDRYE AU QUEBEC VI

6. DES PANCARTES EN MOHAWK VII

7. INTERVIEW DU LEADER DU GROUPE DE MUSIQUE TRADITIONNELLE YOUNG SPIRIT VIII

8. POW WOW DE MONTREAL 2017 X

TABLE DES ILLUSTRATIONS XI

Fig. 1 : 9 critères de classification de la vitalité des langues par l'UNESCO, 2003 Fig.2 : Carte du Canada

Fig.3 : Carte de la proportion des Autochtones par province/territoire Fig.4 : Carte de la classification des langues amérindiennes par Powell, 1892 Fig.5 : Carte de la classification des langues amérindiennes par Sapir, 1929 Fig.6 : Carte des langues amérindiennes actuelles, 2020

Fig.7 : Version originale du script du syllabaire du cri par Evans, 1841 Fig. 8 : Pow wow de Montréal 2017

TABLE DES MATIÈRES 80






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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King