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Alzheimer, La musique un instrument de communication infirmier ?

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par Claire DESMET
Institut de formation en soins infirmiers Saint quentin en yvelines -  2016
  

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1.3 Question de départ

A l'issue de mes recherches et des échanges avec mes pairs j'ai donc décidé de cibler le stade sévère de la maladie qui pose une plus grande problématique : À ce stade, la personne est incapable de communiquer verbalement, de prendre soin d'elle-même. L'objectif des soins est de continuer à soutenir la personne, lui assurer la meilleure qualité de vie possible. Par ailleurs je supprime le mot « relation » en gardant « communication » car lorsque nous sommes en communication avec quelqu'un, nous sommes aussi d'une façon en relation avec cette personne. Je retiens donc la question de départ suivante :

«En quoi la musique peut-elle être un instrument infirmier favorisant la communication et le bien être avec les patients atteints de la maladie d'Alzheimer de stade sévère en institution ? »

Universcience.fr Alzheimer, la musique freine la maladie

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2 Cadre conceptuel

2.1 La maladie d'Alzheimer

2.1.1 Représentation, image de la société aujourd'hui

Les représentations de la maladie d'Alzheimer sont souvent négatives :

« Images de déchéance, de dépossession de soi, de renoncement à la vie... La maladie d'Alzheimer semble cristalliser toutes les peurs liées au vieillissement et à la démence. L'irréversibilité du processus de destruction accentue son caractère dramatique. Au-delà même de la perte de la mémoire, des capacités de compréhension et d'expression, c'est la perte d'identité qui est source d'angoisse, la peur de devenir étranger à soi-même et à ceux que nous aimons. Ces représentations effrayantes ne facilitent pas la reconnaissance de son statut par le « malade d'Alzheimer »5

Si je devais donner une définition de ma représentation de la maladie d'Alzheimer, j'évoquerai une pathologie incurable de la personne âgée principalement et entrainant la perte de la plupart des capacités fonctionnelles cognitives où la mémoire est déficiente, la temporalité confuse, la communication altérée. Ma perception des patients atteints de cette maladie est donc assez négative.

Selon Suzanne OGAY auteur et musicothérapeute, « l'image de la personne dite démente que véhicule la conception paradigmatique scientifique médicale s'est imposé dans notre culture par son caractère d'aliéné, de détérioré, d'insensé et, par glissement d'exclu. L'anormalité de son statut la rejeté dans le monde des déviants »6.

En confrontant ma représentation de la maladie d'Alzheimer avec ces propos, je constate que ma propre définition rentre bien dans ce contexte. La société actuelle semble avoir une vision assez pessimiste des capacités de ces malades. Mais sont-ils vraiment des « causes perdues » ? Je comprends l'intérêt qu'ont actuellement les chercheurs à s'interroger sur les effets bénéfiques de la musique sur la maladie d'Alzheimer compte tenu des représentations que l'on peut avoir. Ma question de départ m'aidera ainsi à y réfléchir. Moi-même j'ai été surprise lors de mon stage de constater que les patients Alzheimer de stade sévère étaient encore capables de mobiliser des capacités d'apprentissage. Peut-être faut-il avant tout mieux se

5 Représentations de la maladie d'Alzheimer. », Études 12/2009 (Tome 411), p. 661-668 disponible sur www.cairn.info/revue-etudes-2009-12-page-661.htm.

6 OGAY Suzanne « Alzheimer communiquer grâce à la musicothérapie » 1996

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renseigner sur ce qu'est la maladie d'Alzheimer. Qu'est ce qui n'est pas « abimé » ? Quelles sont les capacités restantes ?

Suzanne OGAY explique que « la science a tendance à se focaliser sur la maladie, le cognitif où les déficits ont un ton négatif. Elle laisse de côté le sujet avec sa vie affective ». Or PLOTON dit que « s'il est un être affectif intuitif et sensitif, c'est bien le sujet réputé dément, qui n'est peut-être que cela »7. C'est pourquoi j'aborderai la maladie d'Alzheimer avec une approche scientifique mais tout en prenant en compte l'être affectif et les émotions du dément.

2.1.2 Qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ?

2.1.2.1 Point de vue médical

La connaissance de la maladie d'Alzheimer m'aidera à répondre à ma question de départ. Un peu d'histoire : la maladie d'Alzheimer a été décrite pour la première fois en 1907 par Aloïs ALZHEIMER neuropsychiatre Allemand. Intrigué par les symptômes d'une patiente, il décide de réaliser une autopsie qui révèle la présence de lésions particulières qui deviendront par la suite la signature de la maladie : les dégénérescences fibrillaires et les plaques séniles.

Le célèbre médecin Michel CIMES connu pour ses émissions scientifiques de télé, décrit dans le livre « la maladie d'Alzheimer »8, les caractéristiques de cette maladie. Il s'agit d'une maladie cérébrale qui détériore progressivement les facultés intellectuelles et les capacités d'adaptation. Les scientifiques ne connaissent pas l'origine exacte mais plusieurs facteurs semblent en cause, notamment une prédisposition génétique ou encore un appauvrissement vasculaire réduisant le débit en oxygène entrainant de l'athérosclérose mais aussi un appauvrissement métabolique : le cerveau perd sa capacité à capter le glucose dont il se nourrit. Les traitements actuels reposent sur la prise en charge des symptômes et une adaptation à l'environnement. Si ces traitements ralentissent l'évolution de la maladie, ils ne permettent en aucun cas de guérir. Deux types de lésions sont distingués :

La plaque sénile ou amyloïde est une accumulation de certaines molécules, les peptides bêta-amyloïdes entrainant la mort de neurones.

7 PLOTON.L « La personne âgée son accompagnement médical et psychologique et la question de la démence » Lyon 1990

8 CYMES Michel et CARRERE Marina « La maladie d'Alzheimer » Paris 2007

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La dégénérescence fibrillaire : La protéine Tau dans les neurones permettant la stabilité des axones, est normale mais des groupements phosphates en surnombre sont greffés sur elle. Cette protéine hyper phosphorylée ne remplit plus sa fonction et s'accumule dans la cellule. Ces lésions s'accompagnent toujours d'une perte neuronale importante. La première zone touchée est celle de l'hippocampe, une zone profonde du cerveau qui est très impliquée dans la mémorisation des évènements nouveaux. C'est cela qui explique que les troubles de mémoire concernant l'acquisition des informations soient touchés en premier. L'acétylcholine, un neuromédiateur dysfonctionne et perturbe le système de la mémoire. De là le déficit va toucher peu à peu les zones frontales, celles qui sont responsables des comportements élaborés : personnalité, caractère, créativité et les opérations dites "cognitives" comme l'organisation, la planification, la stratégie, l'organisation et l'anticipation.

Cela entraine des répercussions sur la vie quotidienne. Les taches familières sont de plus en plus difficiles à effectuer. Cuisiner, s'habiller, tenir une fourchette devient compliquer. Il arrive que les malades se perdent car il existe des problèmes d'orientation spatiaux temporels. Comme les malades perdent leurs facultés intellectuelles, une désorganisation et une confusion mentale s'accompagnants d'hallucinations peuvent survenir. On peut observer aussi de rapides changements d'humeur passants de la colère à la joie, du calme aux pleurs sans raison apparente. On note parfois un véritable changement de personnalité : les patients deviennent apathique, méfiants, peureux ou manifestent des comportements inhabituels. Cette maladie s'accompagne de trouble du langage : aphasie. Au début le malade cherche ses mots, ses phrases sont difficiles à comprendre. Il participe de moins en moins aux conversations, ne saisit pas bien ce que son entourage lui dit. Puis le discours devient incohérent.

Arcturius.org.4choses à savoir pour ne pas avoir la maladie d'Alzheimer.25sept2015

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Bien entendu la maladie d'Alzheimer n'est pas homogène, les symptômes prennent diverses formes. La maladie évolue progressivement, les scientifiques ont identifié différents stades : LE STADE LEGER : Déficits légers : pertes de mémoire, difficultés à communiquer, changements d'humeurs et de comportement. Les personnes à ce stade n'ont besoin que de très peu d'aide. Elles comprennent les changements qui se produisent et peuvent parler de leur expérience de la maladie. Elles peuvent aider à planifier et à orienter leurs soins futurs.

LE STADE MODERE : La mémoire, les facultés cognitives et fonctionnelles continuent de se détériorer, bien que de nombreuses personnes conservent une certaine conscience de leur état. Les personnes à ce stade ont besoin d'aide avec de nombreuses tâches quotidiennes, comme magasiner, faire le ménage, s'habiller, prendre un bain et faire la toilette. Ce stade marque une augmentation des soins à donner et nécessite de l'aide et du soutien.

LE STADE SEVERE : « stade avancé » ou « stade grave ». La personne finit par devenir incapable de communiquer verbalement ou de prendre soin d'elle-même. Les soins sont nécessaires 24 heures par jour. L'objectif des soins est de continuer à soutenir la personne pour lui assurer la meilleure qualité de vie possible. C'est ce stade qui est mis en exergue dans ma question de départ. Je comprends que ce sont principalement les patients Alzheimer à ce stade de la maladie qui ont d'importantes difficultés de communication.

LA FIN DE VIE : les symptômes s'aggravent. A l'approche de la mort les soins se concentrent sur son confort en tenant compte des besoins physiques, affectifs et spirituels de la personne, le soutien fourni à ce stade étant axé sur la qualité de vie et le confort.

2.1.2.2 Un véritable problème de Santé publique

La société s'interroge fortement sur cette maladie. L'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé nous propose même sa propre définition : C'est « une affection neuro dégénérative du système nerveux central caractérisé par une détérioration durable et progressive des fonctions cognitives et des lésions neuro pathologiques spécifiques »9

Cette affection pose un véritable problème de santé. En effet, il s'agit de la démence la plus fréquente. Elle représente 75% des démences. Dans le monde près de 25 millions de personnes sont atteintes. Seule la moitié des malades est diagnostiquée et un quart seulement bénéficie d'un traitement. La fréquence de la maladie d'Alzheimer augmente avec l'âge. Elle concerne 5% des personnes de plus de 65 ans et 25% des plus de 80ans. 72% des personnes

9 Pancrazi M.P., Métais P. Diagnostic de démence de type Alzheimer chez un sujet âgé. La Revue de Gériatrie, 2003 Paris disponible sur http://www.saging.com/mise au point/la-maladie-dalzheimer

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en maisons de retraite sont atteintes de cette maladie. On dénombre 165000 nouveaux cas par an. Avec le vieillissement de la population cela devient un véritable défi de santé publique. Accompagner un proche atteint d'Alzheimer représente une charge extrêmement lourde pour l'entourage. Il doit lui consacrer plusieurs heures par jour. La prise en charge passe par une montagne de démarche administrative pour obtenir des aides financières et trouver du personnel à domicile. Elle représente un coût pour la société comme pour les familles. On l'estime à environ 10 milliard d'euros par an. Le coût pour la société comporte les consultations, les médicaments, les hospitalisations et les soins infirmiers. Ces derniers représentent la part la plus importante.

Mes recherches me prouvent que cette maladie représente un problème de santé important et un coût pour la société. Ma question de recherche suppose une réflexion autour d'une amélioration des points essentiels de cette maladie qui sont la communication et le bien être.

Des recherches en épidémiologie

Les chercheurs ont évoqués des hypothèses sur les facteurs de risque. Elle touche davantage les femmes que les hommes : 3 femmes pour 1 homme. Les oestrogènes seraient susceptibles de réduire les risques de la maladie : les femmes qui suivent un traitement substitutif de la ménopause à base d'oestrogènes seraient moins touchées par cette démence que les autres. D'après les scientifiques les personnes de niveau socioculturel élevé seraient en partie protégées contre la maladie d'Alzheimer. Leur cerveau aurait appris à mobiliser de nombreuses aires cérébrales et à développer des connections neuronales. Une étude épidémiologique PAQUID a démontré que des activités de loisirs comme le jardinage font travailler le cerveau en l'obligeant à planifier, ce qui protège de la démence.10 Ces études en épidémiologie m'indiquent ainsi pour ma question de recherche que des facteurs tels que le niveau socio culturel ou des activités comme le jardinage aideraient le cerveau à se protéger de la maladie d'Alzheimer. Peut-être qu'il en est de même pour la musique ?

Des actions

Face à ce triple défi scientifique, médical et social, le Président de la République a lancé le 1er février 2008 le plan Alzheimer 2008-2012. Centré sur la personne malade et sa famille, il a

10 La ménopause PAQUID étude du vieillissement cérébral article et dossier en santé publique 1997

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pour objectif de « fournir un effort sans précédent sur la recherche, de favoriser un diagnostic plus précoce et de mieux prendre en charge les malades et leurs aidants. »11

En 2008 la Haute Autorité de Santé présente dans ces recommandations et bonnes pratiques la « musicothérapie comme un élément thérapeutique non médicamenteux important dans la prise en charge. »12 Cela m'aide à répondre à ma question de départ car je comprends que la musique est recommandée en tant qu'élément thérapeutique par la HAS. J'apprends qu'elle apporte un mieux-être et permet de conserver un lien social. Elle aiderait à préserver plus longtemps les fonctions cognitives, à prolonger l'autonomie, à augmenter l'espérance de vie. Cette stimulation sensorielle s'inscrit dans le cadre d'un projet de soins, d'établissement.

2.1.2.3 Une prise en charge globale

Aucun médicament ne permet de guérir la maladie d'Alzheimer, ni même de stopper l'évolution. Cette recherche me permet de cibler le « non médicamenteux » dans ma question. Selon l'ANAES (Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé), la prise en charge non médicamenteuse de la maladie d'Alzheimer n'améliore pas le déclin cognitif des patients. Les seuls bénéfices concerneraient les interactions sociales, la communication et les troubles du comportement.13 On distingue plusieurs approches avec pour chacune différents type de stimulus : Par la stimulation psycho cognitive (rééducation de la mémoire et du langage : orthophonie, rééducation des compétences fonctionnelles : ergothérapie, psychanalyse, relaxation : musique, massage, activités diverses : conversation, lecture, dessin). Par la stimulation du comportement (psychothérapie comportementales). Par la stimulation sensorielle (musique, chant, massage). Par la stimulation de l'activité motrice (danse, promenades, gymnastique, kinésithérapie). Et enfin par l'aménagement des lieux de vie. Pour faire le lien avec ma question de recherche, je constate que la musique fait bien partie de la prise en charge globale de la maladie d'Alzheimer. Ici la musique est recommandée dans le cadre d'une stimulation cognitive ou sensorielle.

Certains médicaments peuvent ralentir l'évolution mais leur efficacité est contestée. Il s'agit des inhibiteurs de l'acétylcholinérase et la mémantine (Ebixa). Il existe des alternatives

11 http://www.plan-alzheimer.gouv.fr/

12 HAS La lettre d'information de la Haute Autorité de Santé n°31 avril-juin 2012

13 HAS Amélioration de la qualité des soins disponible sur http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-02/1.6 alternatives non medicamenteuses - aide memoire ami alzheimer.pdf

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comme la vitamine E : grâce à ses propriétés antioxydants, elle aurait un effet bénéfique en prévenant la mort cellulaire. Les oestrogènes ont aussi fait l'objet de plusieurs études. Afin d'agir sur les symptômes et diminuer l'anxiété, l'agressivité, la dépression, les troubles du sommeil ou les hallucinations, des médicaments peuvent être prescrits mais sont responsables d'effets secondaires importants. On peut citer les anxiolytiques, les antidépresseurs, les antis épileptiques. Les recherches au niveau médicamenteux me confirment que l'on peut seulement par cette voie, ralentir la maladie et qu'il existe de nombreux effets secondaires. Ainsi dans ma question de recherche, je propose un élément judicieux non médicamenteux. En outre est-il « bien » de vouloir stopper les symptômes grâce aux médicaments? Ces symptômes, ne sont-ils pas une partie de l'identité des patients, ou un mode de défense ?

2.1.2.4 Question d'éthique

Il s'agit d'une question difficile à répondre puisque dans l'éthique il n'y a pas de réponse exacte. Pour répondre à cette question d'éthique je vais donc m'appuyer sur l'avis de professionnels qui ont abordés ce sujet, notamment le psychanalyste FREUD.

En psychanalyse le symptôme ne constitue pas le signe d'une maladie mais l'expression d'un conflit inconscient. Pour FREUD « Le symptôme est l'expression du refoulé, il est représentatif d'un mode de défense. Il ne doit pas constituer un obstacle mais une voie ou il sera l'occasion de la relation »14

Selon Marion PERUCHON, psychologue et psychothérapeute « les hallucinations mnésiques qui ont comme fonction la recherche de la satisfaction à travers la voie hallucinatoire, permettent la reviviscence des éléments positifs d'une vie pour l'adoucir, pour apaiser un contexte présent de perte »15. Elle précise que dans l'hallucination mnésique s'ajoute parfois de faux souvenirs ou des fabulations lorsque l'imagination peut encore être florissante.

Suzanne OGAY explique que les « hallucinations mnésiques maintiennent chez l'âgé l'identité, compensent l'angoisse, les affects douloureux, les surcharges d'agressivité. Elles peuvent être auto-thérapeutiques : il s'agit donc de les respecter »16

Je comprends ici qu'il ne faut pas toujours vouloir stopper les symptômes car ces derniers font partit d'un mode de défense que nous serions amenés en tant que soignant à respecter.

14 FREUD Sigmund Cinq leçons de psychanalyse 1909

15 PERUCHON Marion Le déclin de la vie psychique 1994

16 OGAY Suzanne Alzheimer communiquer grâce à la musicothérapie 1996

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Cette recherche est intéressante car dans ma question de recherche, j'évoque la musique et donc je ne cherche pas à stopper les symptômes de la maladie avec cet outil. Alors qu'est-ce que la musique peut apporter si elle ne cherche pas à stopper les symptômes ? En quoi peut-elle améliorer la communication, le bien être ? Mes recherches sur les origines de la maladie d'Alzheimer m'aideront à répondre à cette question.

2.1.2.5 Des origines psychologiques de la démence ?

Selon l'auteur et psychiatre Jean MAISONDIEU, la démence pourrait avoir une origine psychologique et être « une volonté d'effacement de l'image de soi »17 et selon l'auteur J.P BADIN, elle pourrait être « une fuite par rapport à une réalité insupportable d'une finitude dans un monde où la vieillesse n'a pas sa place »18. Cette image est confrontée aux modèles de « jeunesse, beauté, performance, rentabilité » que les sociétés capitalistes nous ont fournis. La personne âgée est amenée à subir des pertes importantes (conjoint, amis, travail, rôle de parent, altération de la santé) et Charlotte HERFRAY, psychanalyste, docteur en psychologie et en sciences de l'éducation, se demande si « certains états de démence chez les vieilles personnes ne seraient-ils pas des signes de leur impossibilité à faire ces deuils »19

Selon Erik. ERIKSON, psychanalyste « les différentes étapes d'une vie humaine (scolarité, puberté, modifications socio-professionnelles, maladie, naissances, deuils, retraite) exigent chaque fois de l'individu des ressources d'adaptation importantes »20. Ces évènements secouent notre identité au risque de la perdre. Pour Suzanne OGAY les personnes âgées qui n'arrivent pas à faire ces deuils, ne peuvent se faire une nouvelle image de soi acceptable. Elles passent d'une crise à l'autre entravant l'expression du moi causant anxiété, stress pouvant aggraver un état pré démentiel. La démence pourrait ainsi avoir une origine psychologique. La « théorie des émotions » chez le dément met en valeur cette hypothèse. Elle explique la difficulté du traitement de l'information émotionnelle chez le dément :

La Théorie des émotions

Selon Bernard RIME, docteur en psychologie, chez l'Homme, « l'activité somato-motrice submerge et supplante celle du système cognitivo-conceptuel. De la sorte l'essentiel de l'expérience de la situation émotionnelle demeure, chez le sujet, sous forme d'information

17 MAISONDIEU Jean Le crépuscule de la raison Centurion Paris 1989

18 BADIN J-P Vivre avec les personnes atteintes de démence Centurion Paris 1989

19 HERFRAY Charlotte La vieillesse une interprétation psychanalytique EPI Paris 1988

20 ERIKSON Erik Adolescence et crise la quête de l'identité Flammarion 1972 Paris

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dense, diffuse, inarticulée »21. Il doit se faire un traitement de l'information de la part du sujet. Or nous savons que chez le sujet dément, le contrôle cognitif de structuration des émotions dysfonctionne. Cela va entrainer un flux émotionnel abondant engendrant du stress.

Selon Paul FRAISSE, psychologue et Jean PIAGET psychologue et biologiste, « si les stress se multiplient, la résistance cède et le sujet arrive à un état d'épuisement qui constitue une véritable maladie de l'adaptation et, à ce stade, apparaissent des atteintes organiques »22. Ils donnent l'exemple du syndrome de Selye où le stress est à l'origine d'une forte irritation des fibres sympathiques exagérant la production de médiateurs chimiques. Les cellules étant mal nourries, elles éliminent moins les déchets et des substances toxiques apparaissent provoquant des lésions intestinales, cardiaques, pulmonaires et même cérébrales.

Ainsi nous avons vu selon ces auteurs, l'hypothèse d'une origine psychologique de la démence. En effet des difficultés d'ordre plutôt psychologiques entraineraient un surplus d'émotions impossible à traité par le cerveau, favorisant le stress puis faire des atteintes organiques et aggraver un état pré démentiel.

Dès lors, mes recherches me permettent de me demander s'il ne serait pas judicieux d'aider le dément à exprimer ce surplus d'émotions ? Cela m'aiderait à répondre à ma question de recherche en faisant un lien entre « émotions » et « musique ».

Selon Naomi FEIL, gérontologue, dans son ouvrage « Validation » basée sur une attitude respectueuse envers le dément, elle explique que « Les émotions qui ont été contenues avec succès pendant toute l'existence, gagnent en intensité quand elles sont enfermées en nous »23. Nous pouvons donc penser que le dément aurait un besoin d'exprimer ces émotions intenses. Bernard RIME évoque dans l'ouvrage « le partage des émotions » le besoin d'évacuer les émotions. Le partage aurait un effet libératoire, comme si un trop-plein d'émotions devait se déverser. Pour lui, « le partage des émotions exprimerait le besoin chez l'individu de trouver un support social, qui vient compenser la déstabilisation psychologique produite par les événements qui perturbent notre quotidien. » « Partager ses émotions, c'est l'occasion de se réintégrer dans une communauté d'appartenance, avec ses valeurs et ses liens. »24

21 RIME Bernard le partage social des émotions Neuchâtel 1989

22 FRAISSE P et PIAGET J Traité de psychologie expérimental Vol 5 Paris 1975

23 FEIL Naomi Validation Pradel Paris 1994

24 RIME Bernard Le partage social des émotions Neuchâtel 1989

20

2.1.3 L'expression des émotions

2.1.3.1 Du besoin d'expression des émotions...

Nous avons vu que le sujet dément aurait un surplus d'émotion et donc un besoin de les

exprimer librement. Ainsi nous pouvons supposer que les différents comportements tel que l'apathie, l'agressivité ou encore l'angoisse peuvent s'interpréter comme des mécanismes de défenses, une volonté de se faire comprendre, de partager ses émotions. D'ailleurs dans l'apathie, d'après S.OGAY, « l'apparente indifférence affective du patient doit être reconnue comme le témoin de sa souffrance inexprimable et son comportement insolite anarchique à nos yeux peut s'interpréter comme une démonstration active de se faire comprendre. »25

Selon T. KITWOOD, professeur de psychologie « Il y a une sorte de hausse des expériences émotionnelles à fleur de peau, chez le dément. Privés des ressources de certaines défenses acquises, les déments retrouveraient des comportements instinctifs ; des émotions peuvent jaillir, hors de toute protections, de ces défenses acquises »26. Puisque les émotions en abondance ne peuvent être analysées par le cerveau, les déments auraient donc des comportements instinctifs auxquels il faudrait donner du sens.

2.1.3.2 ...à la compétence infirmière

D'après l'arrêté du 31 juillet 2009 le référentiel des compétences infirmières établis par le

ministère de la santé, une des compétences de l'infirmière est de savoir « Communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins. » Cela m'aide à répondre à ma question de recherche car je comprends que les soins relationnels relèvent du rôle propre de l'infirmier. Jusqu'à présent j'ai appris que les expressions des émotions du dément sont une façon de communiquer et que la recherche d'une communication dans un contexte de soin, fait partie des compétences infirmières. D'après ce référentiel, l'infirmier doit être capable de :

« Accueillir et écouter une personne en situation de demande de santé ou de soin en prenant en compte son histoire de vie et son contexte »

« Instaurer et maintenir une communication verbale et non verbale avec les personnes en tenant compte des altérations de communication »

« Rechercher et instaurer un climat de confiance avec la personne soignée et son entourage en vue d'une alliance thérapeutique »

25 OGAY Suzanne Alzheimer communiquer grâce à la musicothérapie Paris 1996

26 KITWOOD T Brain Mind and Dementia n°9 1989

21

« Identifier les besoins spécifiques de relation et de communication en situation de détresse, de fin de vie, de deuil, de déni, de refus, conflit et agressivité »

On s'aperçoit ici que l'infirmière est amenée à analyser les besoins spécifiques de communication nécessaires aux patients en tenant compte des altérations de communication et instaurer un climat propice aux échanges en s'adaptant à l'histoire de la personne.

Cependant chez les personnes Alzheimer, cela relève d'une difficulté supplémentaire puisque nous avons vu précédemment que chez ces derniers des troubles sévères de la communication s'installaient. De plus les autres symptômes de la maladie majorent la difficulté de communication avec ces patients (confusion, désorganisation, mémoire altérée, agitation etc.)

Selon le même référentiel, la compétence 7 exprime que l'infirmière doit être capable d'« Analyser la qualité des soins et améliorer sa pratique professionnelles »27. Elle doit pouvoir identifier les mesures de réajustements de sa pratique et confronter celle- ci à celle de ses pairs ou d'autres professionnels. Que peut-elle faire pour améliorer sa pratique professionnelle lors d'une difficulté de communication avec les déments ? La musique serait un élément de médiation. Il suffit de voir le musicothérapeute entrer en relation avec les patients pour se rendre compte de l'influence de la musique.

Suzanne OGAY explique que le rôle de la musicothérapie est de donner du sens aux conduites et réactions émotionnelles, de les décrypter, de les valider en les prenant en compte, d'accepter la « réalité » du patient et l'encourager à s'exprimer en lui offrant des moyens. Mais quels sont les effets de la musique sur le cerveau ? L'infirmière peut-elle apprendre du musicothérapeute et se servir de la musique pour favoriser la communication ?

MYTF1 News.La musique, un atout contre les signes du vieillissement.14Fev.2014

27 Diplôme d'Etat d'infirmier Référentiel des compétences arrêté du

22

2.2 Les effets de la musique sur le cerveau 2.2.1 Approche historique de la musique

Les anciens déjà utilisaient la musique et le son pour guérir. J'apprends dans mes recherches qu'il y a déjà bien longtemps, la musique est liée à une science.

PYTHAGORE, philosophe et mathématicien né en 580 avant J.C, fut celui qui relia le nombre à la musique, qui lança l'idée que le fait que deux sons joués ensemble donnant une impression harmonieuse, pouvait s'expliquer mathématiquement. Musique et nombre étaient intimement liés. Dans la Grèce antique, les médecins grecs se référaient à la gamme pythagoricienne pour la classification des différents pouls.

Les indiens d'Amérique jouaient de la flûte en bois de bouleau pour soigner les rhumatismes, et en Ellébore pour les maladies nerveuses28. Ces recherches m'aident à répondre à ma question car je constate que la musique était déjà liée aux soins.

En Chine ancienne, le chef de l'orchestre impérial était un médecin, compositeur d'oeuvres thérapeutiques. Dès la plus haute antiquité les chinois ont utilisés la voie taoïste des six sons29 pour améliorer la condition physique et la santé mentale. Les six sons permettent de transformer les émotions négatives en énergie vitale, d'harmoniser les organes vitaux, de régénérer les énergies en transmutant la tristesse en dynamisme, la peur en courage, la colère en compassion, la haine en amour, l'inquiétude en confiance et la douleur en plaisir. Cette recherche me montre que la musique était utilisée pour transformer les émotions.

Grâce à mes recherches précédentes sur la maladie d'Alzheimer, je connais les émotions caractéristiques du dément et le besoin de les exprimer. Cette recherche sur l'histoire de la musique m'aide à répondre à ma question car je peux m'y appuyer pour supposer que la musique est un outil bénéfique, transformant les émotions négatives en énergies vitales.

Enfin, Edith LECOURT, psychologue clinicienne, psychanalyste et musicothérapeute explique que « dans l'antiquité, dans la bible, David guérit le roi Saül de ses crises d'angoisse en jouant de la lyre »30. Je découvre ainsi par mes recherches que certains instruments de musique pourraient guérir des symptômes comme l'angoisse. C'est intéressant à retenir car l'angoisse est, comme nous l'avons vu, un symptôme de la maladie d'Alzheimer

28 http://www.inrees.com/articles/se-soigner-avec-la-musique-et-le-son/

29 http://www.gojisite.com/html/sons.php

30 LECOURT Edith Découvrir la musicothérapie

23

2.2.2 Les neurones miroirs

Giacomo RIZZOLATTI explique par sa découverte des « neurones miroirs »31 pourquoi lorsqu'on entend une musique qui nous plait on va danser, chanter. En 1996, ce neurologue découvre que des neurones placés dans le cortex moteur, activés quand le macaque exécute une action, sont également activés chez un autre macaque qui observe, sans effectuer l'action. Les caractéristiques principales des neurones miroirs « est de s'activer aussi bien lorsque le singe effectue une action spécifique ou lorsqu'il observe un autre individu en train d'exécuter la même action. Ainsi un tel neurone s'active quand le singe saisit un objet donné, ou lorsqu'il voit l'expérimentateur saisir le même objet.»32.

Cela explique d'une certaine façon le processus d'empathie : Cette découverte des neurones miroirs explique pourquoi quand nous observons l'émotion chez autrui, nous ressentons cette même émotion. Il a été remarqué quand nous observions un visage souriant, nous avions des micro-crispations de la bouche, comme une amorce de sourire. De même, quand nous observons un visage coléreux, des micro-crispations des sourcils sont détectées par les appareils de mesure. Nous ressentons ce que nous voyons, nous l'exprimons : nous sommes empathiques. De la même manière, il explique que la musique a le même rôle. Une personne qui écoute de la musique qui lui provoque du plaisir, va exprimer ce plaisir, en chantant, en dansant. Au contraire, l'écoute d'une musique triste peut provoquer de la tristesse, des larmes. Ainsi la découverte des neurones miroirs dans mes recherches m'aide pour ma question de départ car je comprends que les émotions que dégagent la musique, entrent d'une certaine façon en miroirs avec celui ou celle qui écoute. Cela permettrait donc de faire ressortir les émotions du dément par le biais d'une musique et ainsi d'entrer en communication.

2.2.3 Le Circuit de la récompense

Mes recherches sur le circuit de la récompense m'aident à répondre à ma question de départ car celui-ci met en évidence un lien entre musique et bien être au niveau du cerveau :

Le « circuit de la récompense »33 a été découvert en 1854 par deux américains qui ont eu l'idée de descendre dans différentes régions du cerveau de rats des électrodes. Dans sa cage quand le rat appui sur la pédale reliées aux électrodes, des décharges électriques sont envoyés dans son cerveau. Selon les différentes régions testées avec les électrodes, les chercheurs

31 http://www.academie-sciences.fr/pdf/membre/s121206 rizzolatti.pdf

32 http://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/neurones-miroirs-i-une-decouverte-48805

33 http://www.universcience.tv/video-le-circuit-de-la-recompense-4591.html

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remarquent que le rat n'appuie jamais une nouvelle fois sur la pédale quand il reçoit une décharge non plaisante. Ils se sont aperçus que lorsque les électrodes étaient placées dans l'hypothalamus et l'aire tegmentale ventral, le rat ne cessait d'appuyer sur la pédale. On a compris que ces zones étaient liées à la libération de dopamine, hormone associée au plaisir. Puis des scientifiques ont étudié de très près les réactions de notre cerveau lorsque nous écoutons de la musique qui nous plaît. Résultat : le circuit de la récompense, qui est à l'origine de toutes les dépendances, est impliqué dans notre réponse à la musique. Le plaisir que nous procure la musique entraîne la libération dans le cerveau de dopamine.

Lorsque nous effectuons des activités nécessaires à notre survie et à la reproduction de l'espèce, nous connaissons en général un plaisir intense, associé à la libération dans le cerveau de la fameuse dopamine. C'est le cas pour le sexe, la nourriture, le fait de recevoir de l'argent, ou d'avoir une émotion esthétique par exemple. Par ailleurs, certaines drogues psychoactives tel que les opiacées, l'héroïne ou l'opium notamment vont agir sur ce système de la récompense, entrainant artificiellement ce même plaisir intense. La recherche a donc maintenant prouvé que la musique active elle aussi le circuit de la dopamine. Ce qui explique que nous puissions ressentir après avoir écouté certains morceaux une véritable euphorie et que nous pouvons aussi avoir envie d'écouter un morceau au point d'en ressentir un "manque". Ainsi proposer de la musique aux patients Alzheimer pourrait être source de bien-être.

2.2.4 Le pouvoir de la musique

« L'architecture, c'est de la musique figée ». Johann WOLFGANG VON GOETHE.

Ce romancier, dramaturge, poète, théoricien de l'art et homme d'État allemand, utilise cette métaphore pour illustrer les effets de la musique. Nous pourrions imaginer qu'elle sculpte le sable comme le cerveau. En effet le sable est en mouvement, comme le cerveau il prend des formes, il réagit lorsqu'un son lui est présenté. Le cerveau comme l'architecture, est très structuré, il est figé. Il réagit par des connections entre les régions, se met en mouvement lors de perception de la musique. Il serait intéressant de m'interroger sur les différents pouvoirs de la musique pour répondre à ma question de recherche. Nous avons vu jusqu'ici que la musique avait un pouvoir de guérison selon les cultures, les époques et qu'elle pouvait même façonner le cerveau et être facteur de plaisir. La suite de mes recherches met en évidence d'autres pouvoirs intéressants pour ma question de départ.

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2.2.4.1 Un pouvoir politique

Edith LECOURT34 nous parle du pouvoir politique de la musique. Dans les années 1830, musicalement c'est la période des orphéons, ces fanfares populaires. Ce mouvement s'inscrivait dans un contexte qui donnait à la musique une fonction politique précise. La musique se trouvait être le modèle pour la nation toute entière, chaque citoyen se devait d'appartenir à un groupe musical, chorale ou orphéon et de participer aux grandes fêtes de la musique. Un répertoire précis était créé pour soutenir ce grand élan patriotique.

Pour illustrer le pouvoir politique de la musique, Edith LECOURT évoque également la période du nazisme. « L'entrainement de la jeunesse hitlérienne et celui des armées, ne pouvait se priver de ce grand levier de la musique contrôlée, de son extrême efficacité. On alla même jusqu'à la faire pavoiser au sein de certains camps d'extermination pour la publicité du Führer. Les états totalitaires ont tous su comment utiliser la musique pour s'assurer de la domination du peuple. Et toutes les armées ont besoin d'elle pour motiver les troupes à des taches éprouvantes ». Cette recherche m'apporte un élément intéressant pour répondre à ma question : la musique peut avoir un effet motivateur. Pour le patient Alzheimer, ne serait-il pas ainsi un moyen de motivation, de revitalisation, et donc de bien-être ?

Dans le film « Meurtre mystérieux à Manhattan »35, Woody ALLEN qui promet à son épouse d'assister à un opéra de WAGNER, sort bien avant la fin et il a cette réplique culte « Si j'écoute trop Wagner j'ai envie d'envahir la Pologne ». La musique comme celle de Wagner utilisée à des fins antisémitismes peut nous donner une impression de puissance. Cette impression serait intéressante à explorer avec le patient Alzheimer pour améliorer le bien-être.

2.2.4.2 Un pouvoir d'induction d'humeur

Il nous est déjà arrivé à chacun d'entre nous de pleurer en écoutant une musique triste ou d'avoir le sourire et de l'énergie en écoutant une musique joyeuse, dansante avec du rythme. La musique aurait un pouvoir d'induction de l'humeur. Lors d'une étude, des expérimentateurs ont proposé à des sujets de choisir parmi différents morceaux de musique, celui qui leur paraissait le plus efficace pour induire une humeur dépressive et un

34 LECOURT Edith Découvrir la musicothérapie

35 WOODY Allen Meurtre mystérieux à Manhattan Comédie Policier 1993 Amérique

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ralentissement psychomoteur. Son efficacité a été plus grande que celle d'autres méthodes d'induction, puisque 87 à 100 % des sujets présentaient ensuite une humeur dépressive36. Cela m'aide à répondre à ma question car je comprends que la musique pourrait être utilisée chez le patient Alzheimer pour lui induire une humeur et faire face à ses émotions négatives.

2.2.4.3 Un pouvoir d'identité

« Quand j'entends parler quelqu'un, au travers de la mélodie, du mot, je vois bien plus profondément dans son âme » (JANOS JANACEK, JENUFA)

Cette citation de ce grand compositeur tchèque met en valeur la mélodie qui laisse transmettre des informations autre que le simple discours. En effet dans la mélodie, on a des informations sur l'intonation. D'après Edith LECOURT, « la mélodie devance la parole, c'est-à-dire qu'elle permet d'exprimer des affects, des embryons de représentation, de pensée »37. En effet il est plus facile de contrôler ce qu'on dit plutôt que comment on va le dire. La façon dont on va le dire représente notre identité, notre inconscient, une façon propre de s'exprimer car il est difficile de moduler notre voix comme nous voudrions. Elle est très personnelle et laisse échapper une part de notre être profond avec nos affects. Lorsqu'on écoute sa voix enregistrée, on est parfois surpris de s'entendre. La voix en dit beaucoup sur nous. Le timbre de voix sera très différent selon les individus. De même l'intensité de la voix peut nous faire communiquer par exemple de la colère lors d'un niveau élevé ou de la timidité lors d'un niveau bas. L'intonation avec ses variations de hauteur dans la voix peut nous faire communiquer l'étonnement par exemple avec un petit cri de surprise. Enfin le débit concernant le nombre de mot à la minute peut nous faire communiquer un état d'anxiété. J'en déduis qu'au travers de la mélodie fredonnée par le patient Alzheimer et l'infirmier, il y a une transmission d'information sur leur identité. C'est un mode de communication non verbal.

Selon BOULELOUP Philippe, musicien directeur de l'association « musique et santé », « la musique a un rôle dans l'Humanisation, elle réveille et maintient la dimension humaine, je m'adresse à vous, vous vous adressez à moi, vous répondez, participez, vous êtes présents ».38

36 Pignatellio M /Camp C / Rasar L / Musical mood induction, an alternative of the Velten techniques, in Journal of Abnormal Psychology, 1986, no 95 p295-297

37 LECOURT Edith Découvrir la musicothérapie

38 BOUTELOUP.Philippe. Les Concertos d'Alzheimer.concerto 7 : ce qui est important c'est la justesse de l'intention

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2.2.4.4 Un pouvoir de susciter des comportements

Dans son expérience en gériatrie39 Yolande. MOYNE-LARPIN, docteur en musicologie, a

retenu dans la musicothérapie réceptive, des types de musiques avec une orientation précise. Il s'agit de susciter des images, d'amorcer un dialogue grâce à une musique descriptive ; d'éveiller la curiosité ou l'intérêt de l'auditeur par une musique insolite ; de favoriser le retour au passé par un opéra populaire ou de musique légère ; d'obtenir des réponses motrices à l'aide de folklore par exemple ; d'inviter au repos par une musique mélodique et bienfaisante. Cette recherche apporte des réponses à ma question car il serait intéressant pour l'infirmier, de cette façon, d'utiliser la musique pour susciter des comportements chez le patient Alzheimer.

2.2.5 Effet neuro-plasticité du cerveau

La musique est une activité qui peut agir sur notre cerveau, en modifiant sa structure et son fonctionnement. Que ce soit en production ou en perception, des effets sur la plasticité cérébrale ont été observés. La pratique répétée de musique « optimise les circuits neuronaux en modifiant le nombre de neurones impliqués, le degré de synchronisation temporelle et le nombre et la force des connexions synaptiques excitatrices et inhibitrices »40.

Il a été observé chez des musiciens ayant une longue pratique, une quantité de substance grise dans la région de l'aire auditive primaire (partie antérieure du gyrus de Heschl) plus importante que chez les non-musiciens41. De plus, une asymétrie du gyrus de Heschl a pu être constatée : les cerveaux de musiciens professionnels, de musiciens amateurs et de non musiciens ont été comparés. Le volume total du gyrus de Heschl était 14% plus important dans l'hémisphère droit des musiciens professionnels. Après des séances de musicothérapie, des études ont mis en évidence le développement des fibres, des connexions neuronales. Lors de la conférence à radio France, Pierre LEMARQUIS neurologue, parle de « dialogue cérébral »42 pour expliquer ces connexions. Dans mes recherches j'apprends que cette augmentation de la substance grise serait à l'origine d'une augmentation des fonctions cérébrales comme le langage. Je peux en déduire qu'une personne qui écoute de la musique régulièrement verrait ses fonctions cérébrales augmenter. Il serait donc pertinent de faire

39 MOINE-LARPIN Y Musique pour renaitre EPI Paris 1988

40 Habib & Besson, revue de neuropsychologie 2008

41 LECHEVALIER Bernard EUSTACHE Francis VIADER Fausto Traité de neuropsychologie clinique, Neurosciences cognitives et cliniques de l'adulte, ouvrage réalisé avec le soutien de l'INSERM

42 P.LEMARQUIS. Sérénade pour un cerveau musicien.2009

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écouter de la musique aux patients Alzheimer. Ainsi cette recherche m'apporte des informations sur des effets bénéfiques de la musique sur les connexions neuronales. Faire de la musique aiderait donc à préserver ces connexions et nous pouvons supposer qu'il en est de même chez les patients Alzheimer. Cette recherche est intéressante et m'aide à répondre à ma question de départ en m'apportant des éléments scientifiques sur les effets de la musique sur le cerveau.

2.2.6 Effets cognitifs de l'apprentissage musical

Selon une étude menée par Glenn SCHELLENBERG de l'université de Toronto au Canada et rendue publique en 200443, les enfants qui suivent des leçons de musique ont de meilleurs résultats à des tests d'intelligence. Pour son enquête, ce professeur du département de psychologie a sélectionné environ 150 enfants avant leur entrée en primaire.

« On a publié une petite annonce dans le journal pour offrir des cours d'art gratuitement à des jeunes de six ans. Ils pouvaient suivre des leçons de clavier, de voix, d'art dramatique ou pas de leçons du tout avec promesses de cours pour l'année suivante »44 Quatre groupes d'enfants se sont ainsi formés. Ils ont fait un test de QI avant et après l'expérience. En conclusion les élèves qui ont suivi les cours de musique ont vu leur résultat au test de QI augmenter de 7 points alors que les autres l'ont vu grimper de 4 points. Les performances scolaires sont donc meilleures en pratiquant la musique.

2.2.7 Et sur le cerveau Alzheimer ?

Comment la musique agit-elle sur le cerveau Alzheimer ? C'est une question actuellement en cours de réflexion. Les « Allegros d'Alzheimer » sont des films réalisés par l'Institut National de la Santé et de la Recherche où des chercheurs nous livrent leurs connaissances de l'influence de la musique sur le cerveau Alzheimer.

D'après Hervé Platel, professeur de neuropsychologie, les chercheurs étaient restés jusqu'à présent sur l'idée que les patients Alzheimer à un stade sévère de la maladie, n'étaient plus capables d'apprendre quoi que ce soit de nouveau. Puis ils ont étudié la question lors d'atelier de chants nouveaux, et ils se sont rendu compte que les patients mémorisaient les paroles de ces chants et étaient même capable de les restituer spontanément. Cela a été un choc pour les

43DESAUTELS Michel PERETZ Isabelle Radio Canada Disponible sur http://ici.radio-canada.ca/radio/desautels/08092004/39348.shtml Entretien du 8 septembre 2004

44 RABOURDIN Caroline Enfant et musique : les leçons de musique amélioreraient le QI TF1 News Article 2010

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chercheurs qui ont alors essayé d'en savoir davantage. Ils en ont alors déduit l'existence d'un mécanisme d'apprentissage inconscient qui se produit avec une claire dissociation chez ses patients entre une capacité qui demeure intact à mémoriser des mélodies alors que la capacité de mémoriser un texte est complètement effondrée. Les chercheurs ont donc cherchés à expliquer ce mécanisme dissociatif. C'est en réalisant des études de neuro-imagerie, qu'ils se sont aperçu que la mémoire de la musique engageait beaucoup plus largement le cerveau tant dans l'hémisphère droit que dans l'hémisphère gauche. La différence la plus marquante en termes de densité de neurone s'est trouvée dans la région de l'hippocampe. C'est intrigant car la région de l'hippocampe concerne la mémoire. Les chercheurs émettent ainsi l'hypothèse : « peut-être que quand on est musicien âgé et qu'on a continué une pratique musical, on a préservé son hippocampe des effets négatifs du vieillissement cérébral. Est-ce que cet effet sur le vieillissement cérébral peut aussi être intéressant à considérer comme un facteur de préservation du démarrage d'une maladie neurodégénérative ?».

Selon Bruno Dubois, professeur de neurologie et directeur de l'institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer, il existe des lésions neuronales bien identifiées mais également des régions du cerveau bien intactes. Ce que les scientifiques cherchent à faire aujourd'hui consistent à stimuler ces régions toujours opérantes pour essayer de compenser les déficits. La décharge émotionnelle que permet la musique, va activer le fonctionnement cognitif que ce soit pour la mémoire ou pour la participation de la personne malade dans son environnement.

Selon Bernard Lechevalier, professeur de neurologie, neuropsychologue, chercheur à l'Inserm, et membre de l'Académie nationale de médecine, la musique apporte une vitalité interne, c'est une richesse extraordinaire d'avoir un langage interne musical en nous. Il pense que la musique provoquant une hypertrophie de certaine région de cerveau (comme l'hippocampe) peut prévenir des troubles de la mémoire. En effet il explique que les aires qui captent la musique ne sont pas les mêmes que celles qui captent le langage. C'est important de comprendre cela car ce qui est atteint dans la maladie d'Alzheimer est la région du langage.

Joël Menard, néphrologue, professeur de santé publique et ancien directeur général de la santé, a donné une place à la musique dans le plan Alzheimer. Il explique que les patients peuvent encore avoir accès à des plaisirs auditifs de la construction musicale. Le plan essaye

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d'introduire la musique à la fois pour que les gens continuent à avoir des fonctions cérébrales qu'ils avaient autrefois et qu'ils peuvent encore avoir et pour espérer que les améliorations de leur qualité de vie vont se produire par une utilisation judicieuse d'un entrainement musical.

Selon Séverine Samson, professeur de psychologie cognitive et de neuropsychologie, l'art musical a le pouvoir d'enrichir le quotidien des personnes âgées Alzheimer. Elle a réalisé des ateliers musicaux auprès de personnes Alzheimer et témoigne : « Jusqu'ici les résultats obtenus sont très encourageants pour l'efficacité de la musique surtout dans le sens où elle modifie beaucoup l'humeur ». La musique serait pour elle un « complément thérapeutique ».

D'après Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive et directeur du laboratoire d'étude de l'apprentissage et du développement à l'université de Bourgogne « on a de bonnes raison de penser que la musique a façonnée le cerveau de l'homme au cours de l'évolution et c'est la raison pour laquelle la musique pourrait avoir un intérêt dans des pathologies sévères du type atteinte cérébrales tel que la maladie d'Alzheimer ». Ce que l'on cherche dans le cas de cette maladie c'est comment on peut utiliser ce pouvoir de la musique le mieux possible pour freiner l'apparition des symptômes invalidants pour le sujet. On peut avec la musique proposer des activités de stimulation cognitives qui sont différentes de celles qui existent habituellement, qui présentent des avantages parce qu'elles permettent de sortir les patients Alzheimer de l'apathie qui est caractéristique de cette maladie et la musique a un effet revitalisant qui permet de faire un travail en profondeur de stimulation cognitive. Les chercheurs espèrent que ce travail de stimulation va avoir un impact non pas sur les réseaux atteints par la maladie mais surtout sur les réseaux qui sont encore intacts et qui vont pouvoir réorganiser leur structure et vont pouvoir développer une plasticité pour pouvoir compenser les fonctions cognitives qui sont détériorées par la progression de la maladie. Les chercheurs pensent que lorsqu'il y a une atteinte cérébrale, le cerveau relance automatiquement par réflexe, une plasticité. Ce reflexe existe chez les personnes âgées. Dans le cas de la maladie d'Alzheimer on espère qu'il existe encore mais on est certain que s'il existe, il faut beaucoup stimuler le cerveau pour que ce réflexe se mette en oeuvre. La musique est une des activités qui a des avantages pour stimuler ce réflexe de plasticité en réponse à la progression de la dégénérescence. De cette façon-là on n'espère pas arrêter la maladie mais on espère doter la personne de meilleures stratégies pour lutter contre elle.

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Ainsi nous avons vu les effets de la musique sur le cerveau. Elle était déjà utilisée à des fins thérapeutiques depuis longtemps. Les recherches des neurologues et scientifiques ont pu mettre en évidence l'existence d'un circuit de la récompense et de neurones miroirs qui seraient intéressant à explorer avec le patient Alzheimer afin d'améliorer le bien-être et la communication. La musique a bel et bien des pouvoirs divers. Elle influe sur notre cerveau comme si elle le sculptait, elle influe sur notre identité, notre humeur et nos comportements. Elle aurait aussi des vertus dans la plasticité cérébrale en développant les connections neuronales et améliorant les performances cognitives. Ces recherches semblent ainsi montrer que la musique a tout son intérêt chez le patient Alzheimer. De plus, chez ces patients Alzheimer la musique aurait également un pouvoir sur la mémoire, elle permettrait de préserver les capacités d'apprentissage de chants nouveaux et améliorerait les comportements notamment l'apathie, très caractéristique de la maladie.

Dès lors, peut-elle être utilisée par l'infirmier comme un outil de médiation ? En quoi pourrait-elle améliorer le bien-être, la communication avec un patient Alzheimer ?

2.3 La musique un outil de médiation infirmier

Admr.com. service à la personne. Equipe mobile Alzheimer

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2.3.1 Favorisant le bien être

2.3.1.1 Les bienfaits de la musicothérapie réceptive

La musique pourrait-elle être un outil de médiation infirmier favorisant le bien être des patients ? Peut-être faut-il avant tout comprendre ce qu'est le bien être ? Mes recherches m'aident à y répondre : « le bien être est un état qui comprend non seulement des aspects physiologiques (absence de douleur) mais également sociaux (être en relation avec ceux que l'on aime), psychologiques (se sentir considéré), culturels (écouter, regarder des oeuvres) »45. La musicothérapie est « l'utilisation de la musique dans un but de thérapie psychique »46

Dans la musicothérapie réceptive (où l'on fait écouter de la musique aux patient), les patients sont en situation de réception de la musique, ils écoutent, frappent des mains, se balancent.

Selon P. FRAISSE, psychologue, ancien président de l'Union Internationale de Psychologie Scientifique « l'activité de balancement a pour effet de fournir une excitation ; on sait aujourd'hui qu'il y a en tout être un besoin d'excitation qui engendre une impression de bien-être. Le rythme maintient l'excitation, l'ordonne, en prolonge les effets » « les sensations sont la principale source d'excitation de l'individu isolé du monde extérieur »47. Je comprends ainsi qu'au travers du rythme de la musique, un effet de bien être serait produit.

D'après Suzanne OGAY la signification psychologique des balancements chez les personnes âgées serait subordonnée à des facteurs relationnels d'insatisfaction. Le balancement est ainsi source de satisfaction, ayant des effets compensateurs, dont les résonances sont affectives. Cette information est utile pour ma question de départ. En effet je retiens ici que les balancements chez les déments sont source de satisfaction. Ainsi la musique, qui peut, comme nous l'avons vu, entrainer le patient dans le rythme serait donc source de satisfaction.

Selon Suzanne OGAY « la stimulation sonore vibratoire sollicite le système archaïque ; elle retentit sur le système émotionnel, et devient source de détente. Le son et la vibration entrent dans le champ de la sensation ; ils pénètrent le corps physique et le font réagir ; avant d'être analyser par le cerveau »48. En effet elle explique que « les stimuli musicaux sont transmis

45 INSTITUT GINESTE-MARESCOTTI. Philosophie de l'humanitude : l'humanitude, de la naissance à la mort.Site www.igm-formation.net

46 Dictionnaire de la langue française LAROUSSE

47 FRAISSE P Psychologie du rythme PUF Paris 1974

48 OGAY Suzanne Alzheimer communiquer grâce à la musicothérapie

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dans le système nerveux central et réceptionnés au niveau sous cortical, dans le thalamus, siège des émotions et des sensations avant de passer au cortex cérébral ». Cela m'aide pour ma question de départ car ici S.Ogay met en évidence l'effet de la musique sur la détente.

Willems EDGAR, auteur, artiste belge, musicien autodidacte et pédagogue de la musique raconte que « La mélodie provoque les réactions affectives les plus diverses, les plus subtiles »49. C'est ici un autre élément important pour répondre à ma question de recherche. En effet je comprends que la mélodie dans la musique a aussi son rôle à jouer en provoquant chez le patient Alzheimer des réactions affectives et ainsi contribuer à son bien-être.

Suzanne OGAY ajoute que « la mélodie fait émerger par l'audition musicale, des souvenirs qui subsistent parce que fortement teintés sur le plan des affects. Ces résurgences, agréables ou désagréables, vont provoquer des sentiments et des émotions qui trouveront leur voie d'expression bénéfique dans le registre verbal ou corporel »50. C'est intéressant de constater que ces sentiments provoqués par la musique vont très vite donner lieu à leurs expressions.

Selon COSNIER.J, « les balancements rythmiques agissent à titre de décharge de tension dans le stress »51. Souvent dans les EPHAD j'ai observé le personnel soignants, infirmiers, aides-soignants, animateurs, qui stimulent les déments à frapper dans leurs mains et parfois même ce sont les patients qui d'eux même vont balancer leur tête ou frapper du pied au rythme de la musique. Ceci permettrait-il aux patients de se décharger du stress ? Suzanne OGAY nous fait part des bienfaits du rythme dans la musique « le rythme peut exprimer des émotions, des sentiments, et dès lors libérer des tensions intérieures, de l'angoisse, des décharges pulsionnelles et de l'agressivité ainsi que de la joie et de l'allégresse ». Le rythme « apporte par sa régularité des sentiments d'équilibre, de sécurité et de calme, et peut combattre l'angoisse ». Il semblerait ainsi que le rythme favorise le bien-être en chassant l'angoisse et favorisant la sécurité, l'équilibre que les déments recherchent.

Selon S. HALPERN et L. SAVARY, « l'acte physique qui consiste à frapper un même schéma rythmique ou chanter une même note, pendant un moment, serait à l'origine d'une

49 WILLIEMS E Les bases psychologiques de l'éducation de la musique ED Pro Musica Fribourg 1978

50 OGAY Suzanne Alzheimer, communiquer grâce à la musicothérapie

51 COSNIER J. Psychologie des émotions et des sentiments Retz Paris 1994

34

production cérébrale d'endorphine. Cela permet souvent de libérer des énergies qui étaient bloquées au niveau du corps et de l'esprit ».52

2.3.1.2 Les bienfaits de la musicothérapie active

La musicothérapie « active » regroupe toutes les formes d'expression musicale et corporelle,

tous les instruments et tous les gestes ayant pour but l'expression de soi. Suivant les besoins du patient, les exercices se concentrent plutôt sur le rythme, la mélodie, le chant ou le mouvement. Aucune compétence musicale n'est exigée, l'objectif étant l'expression de la créativité des patients. Il s'agit de s'exprimer, de se soulager non verbalement. On voit ainsi des personnes, complètement inhibées d'ordinaire et refusant le contact, tenter de se faire entendre à travers le son de maracas ou de cymbales. L'esthétique sonore n'a aucune importance dans cette forme de thérapie. Elle peut se pratiquer seul ou en groupe.

Faire faire de la musique aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer va créer des sensations physiologiques

 

Le toucher des instruments et
l'effet de nouveauté, susciter la
curiosité
Ladepeche.fr La
musicothérapie pour soigner
les malades
Alzheimer.28/02/2009

La musicothérapie active a aussi une influence physiologique. Sur le plan psychomoteur, par exemple, la pratique d'instruments rythmiques comme les percussions peut contribuer à la rééducation de la coordination des mouvements. De plus selon Oliver Sacks53, la musicothérapie active a aussi des bienfaits sur l'apprentissage et la mémorisation de morceaux de musique en participant à la rééducation de la mémoire. Il démontre la récupération des facultés cognitives en décrivant le cas d'un jeune homme, qui, suite à une attaque, avait développé une aphasie d'expression virulente (incapacité d'émettre des paroles liée à des troubles cérébraux) et était incapable de prononcer des mots. Il arrivait cependant et étonnamment, à chanter. Après avoir suivi pendant deux mois, une musicothérapie lors de laquelle il chantait essentiellement, il arrivait à répondre brièvement, mais correctement, à des questions simples. Ceci montre bien à quel point la musique, suivant l'utilisation qu'on en fait, peut recréer des connexions cérébrales et nerveuses qu'on pensait défaites.

52 HALPERN S et SAVARY L. Guérir par les sons p133 ED Reuille Genève 1985

53 SACKS Oliver.Musicophilia, la musique le cerveau et nous.Seuil.15 janvier 2009.472pages.Collection Coul.Idee

Ainsi ces recherches me permettent de mieux comprendre pourquoi faire faire de la musique aux patients Alzheimer améliore le bien être que ce soit par l'apprentissage de chant, par le toucher des instruments, par l'expression de sentiments refoulés, par le développement de leur créativité ou encore pour maintenir la coordination des mouvements.

2.3.1.3 Un bienêtre majoré à plusieurs

Il est fréquent de voir des ateliers musicaux en groupe dans les EHPAD. Y-a-t-il un intérêt particulier ? Mes recherches à ce sujet m'aident à répondre à ma question de départ car je découvre selon Suzanne OGAY que la satisfaction engendrée par la répétition cadencée de mouvements se renforce dans l'expérience rythmique à plusieurs personnes ce qui donne à celle-ci un caractère social et augmente les répercussions affectives. Dans ce sens, la musique peut ainsi avoir un effet bénéfique sur le bien-être. Elle explique que les jeux corporels à plusieurs (taper des mains etc.), entrainés par le rythme de la musique, stimule la personne, lui permettant de communiquer son plaisir de l'instant hors de la parole, dans l'ici et maintenant.

35

CARRE.Alain.www.centre-europeen-musical.com MAZET.Jean.Michel.Le.petit.bleu.Alzheimer.Ladepeche.fr.2013

2.3.2 Favorisant la communication

Suzanne OGAY explique que « si le langage verbal est confus, le langage corporel se manifestant par ses gestes et mimiques est une tentative de communication et d'expression qui a une signification en relation avec les besoins dont il s'agit de décoder le message pouvant être accessible à un processus thérapeutique ». Elle donne l'exemple de l'agressivité, des syndromes confusionnels qui sont des expressions de l'angoisse du patient. Les cris, l'agitation et la déambulation représentent une décharge motrice instinctuelle.

36

WAN.MUNIRAH The Many Emotions of Alzheimer's patients.Designtaxi.com.2014

A ce stade de mes recherches je me demande si ces signes parfois difficiles à comprendre et à entendre que l'on retrouve souvent chez les personnes Alzheimer, seraient ainsi une tentative de communication pour exprimer leurs besoins ?

D'après Suzanne OGAY « le fondement du travail thérapeutique de la musicothérapie est de favoriser au maximum l'ouverture physique, de façon à laisser circuler l'émotion pour la libérer et la canaliser par la voie non verbale, en ouvrant des canaux de communication ». Grace à ces recherches, je vois ici que la musique permet de mener une communication non verbale. Avec ses compétences, je comprends que l'infirmière pourrait être en mesure de favoriser cette communication recherchée par la voie non verbale : la musique.

Selon Suzanne OGAY « la musicothérapie est une forme de psychothérapie à médiation introduisant la musique comme moyen d'expression, de communication. Le rôle du thérapeute est d'apporter l'élément relationnel sans lequel aucun travail de thérapie n'est possible. L'interaction ainsi créée entre patient et musicothérapeute permet l'utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique ». Ici l'importance du soignant dans la thérapie est mise en exergue. L'outil musical utilisé est une médiation entre le patient Alzheimer et le soignant pour transmettre les échanges afin d'entrer en communication.

Selon la théorie psychanalytique de FREUD, la dynamique du processus musico-thérapeutique utilise les énergies créées par le fonctionnement énergétique du psychisme humain allant de l'inconscient au conscient. Nous constatons qu'une énergie provenant du psychisme du patient et du soignant va être utilisée pour diriger cette communication vers la conscience des émotions des deux acteurs.

Selon BENENZON, psychiatre psychanalyste, musicien et compositeur, ces énergies sont dirigées vers la communication en direction de l'autre, ce sont les « canaux de communication ». C'est l'utilisation des gestes et du son à des fins relationnelles.

37

2.3.2.1 Corps et instruments à percussion rythmique

Selon Michel. PERSONNE, docteur d'Etat en sciences humaines « lorsque le sujet âgé souffre de ne pas pouvoir communiquer avec ceux qui l'entourent et que la parole est insuffisante, le corps devient l'élément indispensable à la compréhension de la personne âgée. Le corps est le véhicule de la spontanéité »54 Cette citation peut nous référer à la maladie d'Alzheimer où le langage comme non l'avons vu est défaillant. Ainsi le malade cherche un autre moyen pour s'exprimer. A ce stade de mes recherches je me demande si au travers du corps et de la musique le malade va pouvoir s'exprimer.

Un peu d'histoire

Mes recherches dans l'histoire de la musique m'aident à y répondre. Le corps fut le premier instrument de percussion, se battre les fesses, le ventre, les cuisses ou taper des mains. Ces expressions corporelles issues des folklores ont une origine lointaine, les danses, les mouvements rituels étaient déjà associés à la confrontation avec la souffrance, les maladies, la mort, dans une finalité à visée thérapeutique. D'après S.OGAY « le corps exprime une partie de soi-même à autrui, ce « corps objet » dévoile ce « corps sujet ». Par sa morphologie, ses attitudes, ses mimiques, son regard, sa gestuelle et sa voix, il est perçu intuitivement par l'autre et va déclencher l'empathie ». Ainsi ces recherches m'aident à répondre à ma question de départ car je constate qu'au travers de l'expression des mimiques et du corps en réponse à l'écoute de musique, une communication peut s'établir. De l'empathie, des émotions surgissent. De plus lorsque le corps est engagé, c'est aussi une partie de soi que l'on dévoile à autrui et donc un rapprochement se fait entre les communicants.

Le silence

« La musique c'est le silence écouté »55. En musicothérapie le silence est considéré et à sa place parmi les objets sonores, comme l'instrument de musique, la voix. Cette recherche me permet de faire un rapprochement avec les compétences de l'infirmière. Celle-ci sait écouter le malade, gérer les temps de silence. Elle sait les identifier, les analyser et les respecter.

2.3.2.2 La voix et timbre

Le timbre peut provoquer le stress ou au contraire une impression de sécurité. Les personnes âgées ne supportent pas les sons aigus tandis que les fréquences basses sont bien tolérées.

54 Personne.M Le corps du malade âgé, pathologie de la vieillesse et relation de soin. Privat. Toulouse.1994

55 DE WILLIENCOURT.Dominique.violloncelliste. Les concertos d'Alzheimer. Série. DVD. Concerto 2

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Cette recherche me permet de comprendre qu'il faut savoir adapter notre voix lorsque l'on parle avec les déments ou bien adapter la musique avec la voix qui correspond le mieux.

Selon Eric SCHERER, philosophe, « la voix est un très bon indicateur affectif »56. En effet la voix parlée ne leur sera accessible que par son intonation, son débit, son volume et son timbre qu'elle véhicule à travers le discours qui n'a plus vraiment de sens pour eux.

D'après Suzanne OGAY « La voix a des effets thérapeutiques allant de l'influence sédative et anxiolytique jusqu'à son action stimulante et équilibrante ». Ces recherches m'aident à répondre à ma question car je constate que la voix chantée est accessible aux Alzheimer. De plus il faut la privilégier puisque qu'elle est un indicateur affectif qui favoriserait la communication. Enfin la voix pourrait produire des effets anxiolytiques et sédatifs intéressants pour améliorer le bien-être des patients. Ces propos peuvent nous renvoyer au « Chant des sirènes ». Dans la tradition par le récit de l'Odyssée, les Sirènes étaient des divinités de la mer, figurés en oiseaux à tête humaine elles charmaient les marins de leurs chants mélodieux, irrésistibles et les entrainaient vers la mort. D'autre part nous pouvons évoquer Orphée, héros de la mythologie grecque qui réussit par sa musique enchanteresse à endormir Cerbère le chien à trois têtes gardien des Enfers. Enfin nous pouvons faire référence à la Lorelei qui, dans la mythologie germanique désigne le nom d'une nymphe qui attire les navigateurs du Rhin jusqu'à leur perdition par ses chants, comme les sirènes de la mythologie grecque ancienne.

Selon Suzanne OGAY « véhicule direct de l'affectivité, la voie chantée est un instrument privilégié permettant l'extériorisation naturelle et spontanée de sentiments conscients ou inconscients ». De cette façon je comprends que la voix, la mélodie fredonnées par les patients Alzheimer seraient des instruments qui permettraient d'extérioriser les émotions, cela apporte des réponses à ma question de recherche. Suzanne OGAY explique que « siffler un air connu et entrainant, alerte aussi une personne confuse jusqu'à lui donner envie de faire de même ». « La voie chantée charme par sa propre mélodie. Le sujet dément y est très sensible, et prête attention aux sentiments qui lui sont transmis par ce canal, puisque seul le langage de l'affectivité le touche, le saisit, l'émeut ».

56 E.SCHERER Le partage social des émotions. Neuchatel.1989

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2.4 Quelle place à l'infirmier pour un bon processus thérapeutique ?

2.4.1 L'attitude

2.4.1.1 L'empathie

Selon Suzanne OGAY une attitude empathique est primordiale pour le musicothérapeute. L'infirmier qui souhaite utiliser la musique pour favoriser la communication et le bien être chez le patient Alzheimer doit ainsi développer cette attitude nécessaire.

Carl ROGERS, psychologue humaniste et psychothérapeute, nous donne sa définition de l'empathie : « On éprouve une compréhension exacte, « empathique » du monde de son client comme s'il était le vôtre, mais sans jamais oublier la qualité de « comme si ». Sentir les colères, les peurs et les confusions du client comme si elles étaient votre, et cependant sans que votre propre colère, peur ou confusion ne retentissent sur elles. »57

Ainsi ces recherches m'indiquent pour ma question de départ que l'empathie est un élément important à ne pas négliger pour une communication avec un patient dément. L'infirmière a les compétences nécessaires pour entrer en communication, elle sait faire preuve d'empathie. Elle a son rôle à jouer pour renforcer un bon processus thérapeutique. Selon R. BRIGHT « la relation thérapeutique, selon le degré d'empathie entre le patient et le thérapeute, est déterminante pour le succès final ou la faillite d'un travail de réhabilitation »58

2.4.1.2 Le principe de la relation d'aide, d'Humanitude

Dans mes recherches j'apprends qu'il est nécessaire que l'infirmier se base sur le principe de la relation d'aide afin d'entrer en communication avec le dément. Carl ROGERS recommande quelques attitudes à développer pour la relation d'aide : « la congruence permet au thérapeute de penser ce qu'il a dit, d'être ce qu'il est, et non pas un rôle ou une façade. L'acceptation consiste à porter attention au patient avec un authentique intérêt, en le considérant comme une personne indépendante, et qui a le droit d'avoir ses propres sentiments. Dans l'attitude empathique, le thérapeute tente de saisir ce que le patient éprouve dans son monde intérieur, et de la percevoir de l'intérieur. Dans le climat de permissivité, le patient réalise que ses sentiments, quels qu'ils soient, sont acceptables, et qu'il peut les exprimer librement parce que le thérapeute n'est porteur d'aucune attitude morale, de jugement ou de correction. »

57 ROGERS Carl Le développement de la personne. 1991

58 Bright.R Music in Geriatric, a second look.Australia.1991

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Dans mes recherches je comprends que le rôle du thérapeute est très important puisqu'il renforce l'effet bénéfique sur la communication, le bien être. Ces recherches m'aident à répondre à ma question car elles m'apportent des renseignements, des conseils sur les attitudes nécessaires à adopter par l'infirmière.

Suzanne OGAY m'apprend aussi que « Le toucher est aussi présent dans la relation thérapeutique. Ce sens, où la distance physique s'annule, permet d'activer et de renforcer les phénomènes émotionnels ». Le toucher est donc un outil pour renforcer l'expression des émotions et ainsi favoriser la communication par un rapprochement, améliorer le bien-être.

MONTAGUE A. auteur, anthropologue dans son ouvrage nous fait part qu'« il suffit d'observer les réactions qu'une caresse, une étreinte, une petite tape amicale ou une poignée de main peut susciter chez la personne âgée, pour se rendre compte du rôle vital que joue pour elles ce genre d'expériences »59

Mes recherches me font découvrir ce qu'est l'Humanitude. Cela m'aide à répondre à ma question de recherche dans le sens où je comprends qu'il s'agit d'un principe à adopter pour optimiser la communication avec les personnes âgées. Il est intéressant pour l'infirmière d'utiliser ce principe tout en utilisant la musique. La « Philosophie de l'Humanitude »60 m'apporte des conditions essentielles dans la manière dont on va s'y prendre pour aborder la personne Alzheimer. Je retiens essentiellement des mots clefs comme un regard axial (face à la personne pour qu'elle ne se sente pas regardée de travers), horizontal (à la hauteur de la personne pour qu'elle ne se sente pas regardée de haut) long (un regard qui dure non fuyant pour que la personne se sente en confiance) et proche (près de la personne pour qu'elle ne se sente pas regarder de loin) ; une parole fréquente, mélodieuse, douce ; un toucher professionnel (remplacer la saisie en « pince » par la prise en « berceau »), progressif (il intervient après un premier contact par le regard ou la parole, la voix), permanent ( maintenir la permanence du toucher est souvent facteur d'apaisement), pacifiant (pour être un facteur d'apaisement, le toucher sera : vaste, c'est-à-dire portant sur de grande partie du corps, doux, pour ne pas appuyer et blesser, lent car cela augmenterai la force et caressant. Je constate qu'il ne faut jamais d'approche surprise. Il est impératif de se faire entendre par la personne, d'établir le contact visuel avec elle avant d'entrer en contact avec son corps par le toucher.

59 MONTAGUE.A La peau et le toucher. Seuil.Paris.1979

60 INSTITUT GI NESTE-MARESCOTTI (IGM).Philosophie de l'Humanitude : l'Humanitude, de la naissance à la mort. Site www.igm-formation.net

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Je constate également dans mes recherches que chaque personne possède sa manière propre de vivre dans l'espace (son « chez soi », son milieu privé, organisé à sa façon) et dans le temps (son rythme, ses horaires), manières qui font partie de son identité, de son équilibre. Un prendre soin qui ne respecterai pas le « chez soi » et le rythme de la personne serait dépersonnalisant et uniformisant. Ainsi ces recherches m'apportent des indices sur la manière dont peut s'y prendre l'infirmière pour entrer en communication par la musique.

2.4.1.3 Au rythme du patient

Suzanne OGAY explique que dans les séances de musicothérapie qu'elle fait, les balancements engagent dans un premier temps les mouvements des bras avant celui du tronc qui implique une amplitude plus étendue, une certaine résistance, de type oppositionnel est à redouter, la personne étant sur la défensive, replier sur elle-même, crispée, manquant de souplesse. Elle ajoute qu'il est nécessaire d'avoir une attitude empathique afin de suggérer des mouvements sans rien imposer pour créer le désir. Je retrouve ici l'attitude empathique dont avait parlé Carl Rogers, à prendre en compte. En outre, j'apprends une nouvelle information qui m'aide pour ma question : l'infirmier peut en effet utiliser la musique comme un outil de communication, de bien être mais il est nécessaire de s'adapter au rythme du patient.

2.4.1.4 L'effet miroir, résonnance

Dans la suite de mes recherches je découvre un autre élément intéressant pour l'infirmière à mettre en pratique afin d'optimiser la communication avec le dément. Il s'agit du processus d'échoisation. Selon COSNIER.J « le fait de mettre le corps en résonnance avec celui d'autrui ou avec la situation ambiante, dans ses aspects dynamiques, induit les affects qui constituent un déterminant majeur de l'interprétation d'autrui et de la situation. Chaque partenaire s'identifie corporellement à l'autre au cours de l'interaction par un processus d'échoisation, une activité en miroir qui se développe chez les partenaires d'une interaction. L'echoisation est à la base de l'empathie »61. Chez le dément il s'agit d'une échoisation dite « archaïque » car la présence du système cognitif est inexistante. Comme chez le bébé, l'empathie d'affect est à l'état « d'être semblable » « mimétisme affectif » « faire pareil ».

61 COSNIER.J Psychologie des émotions et des sentiments.Retz.Paris.1994

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Selon MAISONNEUVE, « les similitudes répondent à un besoin de sécurité »62. A la base de la stabilité émotionnelle, il démontre la nécessité de l'empathie dans le cadre thérapeutique. Selon COSNIER « crier dans la colère, ou pleurer dans la tristesse ont des effets cathartiques et régulateurs ». Les patients Alzheimer enfouis dans leur colère devraient donc l'exprimer. Pour Suzanne OGAY, le musicothérapeute doit tenir compte du tempo du patient pour éviter le repli spontané. La tentative d'établir un contact avec une personne agitée ne pourra se faire qu'à travers un tempo musical accéléré.

Ainsi ces recherches m'ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de cet effet en miroir qui pouvait se produire avec les personnes Alzheimer. Pour répondre à ma question de recherche, je comprends surtout jusqu'à présent que c'est l'adaptation au patient qui est mis au-devant du tableau. Pour pouvoir rentrer en communication d'un point de vu optimal, l'infirmière semble en avoir les compétences. Elle doit appliquer ses qualités d'empathie, d'écoute, d'observation pour s'adapter au rythme du patient afin d'entrer en résonnance.

2.4.1.5 Aider à la réévocation de souvenirs

Dans la suite de mes recherches j'apprends que la réévocation de souvenirs chez les personnes Alzheimer au travers de la musique peut aussi être un élément utilisable par l'infirmière. Selon B.RIME la réévocation de souvenirs douloureux chez le dément « provoque dans l'immédiat un état qui peut être péniblement ressenti par le sujet, mais elle le place à long terme, à l'abri des conséquences négatives potentielles d'une expérience émotionnelle non partagée. »63 Selon les chercheurs DENNEBAKER et OTTERON « dans l'année qui suit la mort d'un membre d'un couple, le conjoint survivant à une forte probabilité de déclencher une maladie s'il n'a pas pu parler de ses problèmes affectifs à d'autres personnes ». Ainsi il est utile pour l'infirmière de faire réévoquer des souvenirs heureux et même douloureux aux patients Alzheimer au travers de la musique pour favoriser le bien être.

2.4.1.6 Susciter le désir et la créativité

Un des éléments essentiels chez la personne Alzheimer qui se sent démunie, est d'aider à préserver les capacités restantes. Je découvre dans mes recherches qu'au travers de la musique, l'infirmier est amené à susciter le désir et la créativité des patients. Apprendre de nouveau et désirer favoriserait d'une certaine façon le bien être des patients Alzheimer. Selon

62 MAISONNEUVE.J La psychologie Sociale. Paris.2013

63 B.RIME Le partage social des émotions. Neuchatel.1989

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Suzanne OGAY « La personne démente, dont les ressources en énergie font défaut, et dont le repli sur soi a tari la source du désir, peut retrouver, grâce à un univers relationnel stimulant, une capacité désirante, même si elle n'est que passagère. Bien que la demande ne fonctionne plus ou presque plus, le thérapeute doit être à même de créer cette demande, ce désir ». L'infirmière devrait bannir l'image de la personne démente qui n'a plus de désir du fait de ses pertes mais au contraire plutôt favoriser le développement de la créativité et susciter le désir. La musique est bien un outil qui suscite le désir et la créativité, l'imagination.

On peut se référer à la pyramide de MASLOW, une classification des besoins humains, dans laquelle nous retrouvons le besoin de s'accomplir. La personne âgée à toujours ce besoin et notre rôle en tant qu'infirmier est d'y répondre.

 

D'après Suzane OGAY « les comptines, les chants de jeunesse constituent un répertoire de choix pour raviver et restaurer une image de soi déficitaire ». En tant qu'infirmier nous devons choisir un bon répertoire de chant afin de leur faire revisiter leur passé, les moments agréables qu'ils ont pu avoir, pour susciter leur désir d'entendre des chants qui leur parle.

L'improvisation musicale représente selon Suzanne Ogay « le libre jaillissement sonore, la libération à l'état brut de sentiments et d'émotions. Elle va traduire dans l'instant, sans parole, la peur, la colère, l'irritation, l'entrain, la joie, le mystère, le calme et l'évocation de souvenirs. Elle représente une part essentielle du processus de créativité, soutenu par le désir et l'imagination ,
· désir de créer, de se défouler, de se libérer, d'entrer en communication ».
Cette recherche me permet de démontrer que l'improvisation musicale permet le développement de la créativité et favorise le bien être. D'après Suzanne OGAY « l'improvisation musicale suscite la créativité du patient. Et en développant sa créativité, le patient développe ses ressources potentielles ». C'est à nous « de mettre les sujets en situation de créer, en leur offrant cadres et objets sonores dans un contexte de jeu, de plaisir, de fonctionnement ludique ». « La capacité créatrice peut se développer, aussi, par l'audition de musique ,
· leur pouvoir évocateur peut déclencher et engendrer la formation d'image mentales. Ces images sont produites par l'imagination, entrainée par la suggestibilité de certaines musiques à la forme descriptive, mais également à la tonalité affective ».

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2.4.2 Capacités d'Analyse et d'adaptations aux patients

« Jouer est une thérapie en soi » (Winnicott)

Nous avons vu jusqu'à présent que la musique aide à favoriser l'improvisation et donc la créativité et le bien-être. Mais cette improvisation que faut-il en faire ? C'est par celle-ci que le patient Alzheimer va pouvoir se livrer complètement, il laisse ses émotions s'exprimer librement. Ainsi c'est une partie du sujet qui s'offre à nous soignant et notre rôle serait d'analyser ce libre jaillissement d'émotions. Selon Suzanne OGAY « Lorsque la communication est établie, le travail d'approfondissement consiste à se centrer sur ce qu'elle éveille, ce qu'elle suscite, à analyser et interpréter ce que le sujet va exprimer à travers les techniques actives de production, de création ainsi que durant les moments d'écoute ». Dorénavant, je comprends mieux le travail que l'infirmier serait amené à faire une fois la communication établie : un travail d'analyse. Selon Suzanne OGAY « les bâillements, les soupirs sont des représentations de détente, prélude au bien être, de même que le regard, le sourire, et le rire sont des indicateurs qui ne trompent pas ». S.Ogay nous donne des signes qui doivent nous interpeller en tant qu'infirmier. Ces signes réfèrent à un état de bien-être.

Dans la musicothérapie réceptive nous avons vu précédemment que les auditions d'extraits peuvent être inductrices de modifications de comportements et d'humeur, ainsi que de l'émergence de souvenirs. Notre rôle en tant qu'infirmier serait d'adapter les musiques aux patients pour un bon processus thérapeutique. Comment y parvenir ? D'après Suzanne OGAY « dans un premier temps la musique doit s'accorder à l'état du patient, dans la perspective d'une mise en résonnance entre les deux. Puis l'extrait suivant va correspondre aux intentions recherchées, qui peuvent être l'apaisement ou la stimulation, selon l'effet désiré ».

Une expérience a été réalisée aux Etats Unis64 où l'on a fait écouter à cinq patients Alzheimer confus et agités des musiques propres à leur individualité pendant une demi-heure tous les jours durant une semaine. Les effets furent une modification bénéfique des conduites agitées.

64 GERDNER L-A et SWANSON E-A Effects of individualised music on confused and agitated elderly patients. Iowa City. Etats unis. 1993. P284 à 291

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Dans la musicothérapie active, quels instruments ?

Grace à mes recherches, je découvre qu'il existe différents instruments. L'infirmière pourrait être capable d'analyser les capacités des patients et d'adapter ces instruments aux patients. La découverte des différentes fonctions des instruments m'aident à répondre à ma question. Les instruments à peau : Le tambourin, le tambour et les timbales sont des instruments à manipulation facile car on peut frapper avec les mains, les coudes contre les cuisses, la poitrine et les genoux. C'est un lieu de décharge rythmique, d'expression de sentiments. Les Bois : Les claves et le wood-block ne sont pas à la portée des personnes n'exerçant plus le contrôle de leurs gestes. Ils permettent de marquer le rythme et donc le bien-être.

Les Métaux : Le triangle, les cymbales, les grelots et les maracas sont des instruments à résonnance qui calme. De plus il n'y a pas besoin d'habileté manuelle.

Les instruments à percussion mélodiques : Les métallophones, le xylophone, le carillon sont des instruments à caractère mélodique. La sonorité cristalline créée des climats qui captent l'attention et engendrent des satisfactions ainsi que des demandes. Le pipe-dreams a un son aérien au timbre planant qui charme et induit la détente.

Ces percussions rythmiques sont adaptées aux capacités d'expressions des déments Alzheimer car le corps comme nous l'avons vu, peut prendre le relais pour exprimer les affects.

Les instruments à cordes : la harpe, le psaltérion ont une connotation affective. Ce sont des objets harmonieux, induisant l'intimité, le calme et l'apaisement.

2.4.3 Rôle de préservation de l'identité

En tant que soignant notre rôle est de préserver au maximum les capacités de la personne, son autonomie mais aussi et surtout son identité.

En métaphysique « l'Identité » se définit comme le fait d'appartenir à la même sorte de chose que d'autres. Ici c'est le mot « appartenance » qui en dit beaucoup. En effet si l'on se réfère à la pyramide de MASLOW, il y a un besoin fondamental qui est celui d' « appartenance ». D'après Suzanne Ogay « unique par son timbre, la voix est un des reflets les plus sûrs de la personnalité. Elle dévoile l'être dans sa totalité, car elle est sujette aux fluctuations du vécu corporel et des émotions, les trahissant sans pouvoir les contrôler. Aussi la voix est-elle l'un des indicateurs les plus sensibles pour traduire et trahir l'état affectif. »

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3 Exploration d'enquête

Suite à l'élaboration du cadre conceptuel, j'ai mené des entretiens auprès des professionnels en unité Alzheimer pour recueillir des témoignages permettant d'enrichir ma réflexion quant à ma question de départ. Cette partie est constituée de l'analyse des entretiens, d'observations d'ateliers, de la comparaison de leurs similitudes et différences pour confronter la théorie à la pratique. Les guides d'entretiens et d'observation sont retranscrits en annexes.

3.1 Présentation de la méthode d'enquête

J'ai mené mon exploration selon des entretiens semi-directifs car c'est une technique qualitative d'informations permettant de centrer le discours des enquêtés autour des concepts de ma question. Ces guides sont de bon outils d'enquête car ils m'ont immédiatement permis de faire des liens entre les réponses que j'attendais et celles que je recevais. Un dictaphone a été utilisé sur autorisation pour me faciliter la retranscription. J'ai interrogé 5 infirmiers et un musicothérapeute. J'ai aussi créé un guide d'observation afin d'assister à 2 ateliers musicaux et d'exploiter des données d'observation parallèlement au déroulement des entretiens semi-directifs pour enrichir l'analyse des éléments recueillis en confrontant discours et pratique. Pour cela j'ai choisi de préparer un atelier de musique ou j'ai simplement fait écouter de la musique aux patients sans aucune intervention d'un soignant en observant discrètement. Les notes prises pendant l'observation sont en annexes 9 ainsi que la retranscription en annexe 10. Enfin j'ai souhaité assister à un atelier de musicothérapie avec intervention d'un musicothérapeute. Ce dernier m'a expliqué la complexité de la démarche administrative et l'absence d'intérêt d'assister à un seul atelier. Toutefois il m'a proposé de me parler dans la suite de notre entretien, du déroulement des ateliers. Ces propos se sont révélés très intéressants et j'ai donc eu l'idée de les retranscrire sous la forme d'un tableau (annexe 11). Ces méthodes d'exploration m'ont permis de rassembler les faits, opinions, recueillis sur l'objet de recherche. Je pourrais ensuite les comparer grâce à une analyse par thématiques.

3.2 Présentation des personnes interviewées

 

âge

sexe

ancienneté

Formation

intérêt

musique

Conditions

IDE 1

42

M

10 et 8 ici

IDE

Relation, Humour

guitare un peu

Bureau

IDE 2

34

F

7 ici

IDE référente

Respect, animaux

Flûte avant

Bureau

IDE 3

56

F

33 et 16 ici

IDE

Partager le quotidien, relation

Non mais aime

Bureau

IDE 4

61

F

37 d'EHPAD

IDE coordinat Réf humanitude

soins selon ses valeurs

Non mais aime

Téléphone

IDE 5

30

F

7 et 1 ici

IDE

Personnel

suffisant, médecin reconnu

Non

Téléphone

Musico- thérapeute

32

M

10

Musico-thérapie

Musique Relation, Mixité publique

Pratique, passion

Bureau

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3.3 Traitement des données et analyse

THEME 1 Les difficultés de communication et les conséquences

Je traite ce thème avec les questions 1 et 2 des deux guides

Avec ces questions je voulais confirmer les difficultés de communication, je voulais connaitre

les types et en comprendre les conséquences pour le soignant et le patient ANALYSE QUANTITATIVE

Tous les professionnels interrogés sont souvent confrontés aux difficultés de communication : 3IDE rencontrent des difficultés notamment lors des refus de soins. 3 professionnels évoquent les personnes qui déambulent. 1IDE seulement ne différencie pas les stades de la maladie car selon lui les difficultés de communication sont présentes à tous les stades. 1IDE apporte la notion de dépendance. 2IDE évoquent la perte de mémoire.

Les conséquences de ces difficultés sont les suivantes : 2IDE ont évoqué l'impuissance du soignant et 3 IDE ont parlé de frustration du soignant. 4IDE ont parlé de l'agressivité des résidents. 3IDE ont cité le repli et l'isolement des patients. 1IDE cite la frustration du patient.

Les réponses majoritaires sont : les difficultés de communication lors des refus de soins et l'inaccessibilité des personnes qui déambulent. Les conséquences majoritaires sont la frustration des soignants et l'agressivité, le repli, l'isolement des résidents. Quel que soit l'âge, le sexe, l'ancienneté, il n'y a pas d'écart dans leurs réponses « même avec 40ans d'expérience, pas facile » (IDE4).

ANALYSE QUALITATIVE

L'évidence des difficultés de communication

Les difficultés de communication sont évidentes pour tous les professionnels. Quand je leur demande s'ils ont déjà été confrontés à des difficultés de communication, j'obtiens des réponses positives, des phrases exclamatives (IDE1 et 2) des « bah oui » (IDE2, 4 et 5) ou encore « il ne faut pas se leurrer » (IDE3). L'IDE4 dit même « c'est mon quotidien ».

La gêne d'en faire part

Lorsque je pose la question des types de difficultés et s'ils ont des exemples, les soignants ont tendance à partir dans leurs pensées et à souffler (IDE1 et IDE2), à rire nerveusement (IDE2

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et 5) ou encore à prendre une grande respiration (IDE3). J'en déduis qu'ils en ont beaucoup et comme c'est aussi une difficulté dans leur métier, peut-être qu'il n'est pas évident d'en parler.

La diversité des types de difficultés

Les exemples des difficultés de communication dont ils me font part sont très divers comme le refus d'une patiente de prendre ses médicaments et la nécessité de faire du chantage (IDE1) ou la volonté des patients désorientés de sortir (IDE2) ou l'inaccessibilité des personnes qui déambulent (musicothérapeute) ou bien un patient ancien médecin qui continue son métier dans son monde imaginaire en voulant donner des médicaments à une autre résidente (IDE3). L'IDE3 insiste d'ailleurs sur la nécessité d' « une vigilance accrue ». L'IDE4 dit rencontrer des difficultés dans tous les actes de la vie quotidienne, que ce soit lors des soins d'hygiène, d'habillage ou pour le repas. Cependant l'IDES n'a pas d'exemple à me donner. J'ai l'impression que les difficultés sont tellement quotidiennes et évidentes, qu'elle cherchait une réponse ailleurs, elle finit par évoquer la difficulté des personnes avec troubles psychiatriques. Ainsi je retrouve les difficultés quotidiennes de communications avec les personnes Alzheimer dont nous avons parlé dans le cadre conceptuel de type perte de mémoire, incompréhension, aphasie, refus et désorientation.

Les conséquences pour le patient

Les difficultés de communication rencontrées par les soignants affectent la prise en charge du bien-être du patient. Par exemple en parlant du patient j'obtiens les réponses « il est frustré, de la colère peut arriver » (IDE2) ou encore « il devient très agressif, c'est l'agacement, le refus, le repli, l'isolement » (IDE3) ou encore « indéniablement l'angoisse et l'agitation » (IDE4). L'IDES nomme cette « violence des patients » comme le déclenchement d'une « situation dramatique » Elle dit d'ailleurs le « mal être » qui renforce l'opposition avec le bien être que les soignants souhaitent obtenir. « Ils sont dépendants » (IDE4).

Les conséquences pour le soignant

De même, en parlant des conséquences pour le soignant, les réponses sont péjoratives « on est très frustré, si on n'y arrive pas, ça va être des médicaments et fatalement pour nous c'est l'échec » (IDE2) Cette même IDE évoque notamment les effets secondaires des médicaments « une personne endormie qui risque de tomber ». L'IDE4 dit qu'elle se sent démunie. Les

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soignants expriment leur impuissance : soupir d'impuissance, air désespéré et rire nerveux de l'IDE1, qui peut se traduire par un sentiment de gêne car il ne sait pas comment régir face à l'agressivité des résidents. De même l'IDE2 a un rire gêné lors de cette même question. L'IDE3 soupire en regardant le ciel « c'est infernal, on est impuissant ». Le musicothérapeute souffle et a un air embêté. Pour l'IDE4 si on n'arrive pas bien à gérer la situation, on peut même « augmenter ces troubles du comportement » Certains professionnels insistent sur leur rôle dans la compréhension des résidents : Pour l'IDE2 « c'est à nous de déchiffrer, c'est notre rôle d'essayer de comprendre ce qu'ils essayent de nous dire de la façon qu'ils peuvent ». Pour l'IDE3 « le mot n'a plus de sens mais il faut arriver dans son attitude à comprendre ». Je ressens leur volonté de vouloir bien faire, comme s'ils s'excusaient de ne pas y arriver.

C'est intéressant ici de relever les concepts de dépendance du patient et d'impuissance du soignant. En quelques mots l'impuissance et la dépendance :

Le Larousse 2003 définit la dépendance comme « un rapport de sujétion, de subordination. Etat d'une personne qui ne peut plus toute seule réaliser les actes de la vie quotidienne ». On constate une certaine infériorité du patient qui est dépendant du soignant. Or du fait des difficultés de communication, le soignant est impuissant. L'impuissance se définit comme « un manque de force, de pouvoir, de moyen pour faire quelque chose ».

Ainsi de la même façon que nous l'avons clairement exposé dans le cadre conceptuel, cette maladie est donc un problème de santé publique du fait de ces conséquences importantes, de ces difficultés que ce soit pour le soignant ou le patient.

Les différences entre les stades

En général les professionnels me font part des différences selon les stades de la maladie en mettant en valeur les difficultés supplémentaires lors des stades sévères : « au stade débutant, il y aura encore la communication, encore pleins d'acquis sur lesquels on va s'appuyer. Sur les stades beaucoup plus avancés c'est plus difficile, on est vraiment sur tout ce qui est sensoriel » (IDE2). L'IDE3 identifie le stade de « la grande dépendance, où la communication est extrêmement tactile » et le stade de « déambulation ». D'ailleurs l'IDE4 nomme le stade modéré pour parler de la désorientation : « au stade modéré, la désorientation impacte de plus en plus sur la communication mais au stade avancé, le patient n'arrive plus à traiter

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l'information qu'on lui transmet, il faut réellement trouver une stratégie pour communiquer avec eux. ». Je retrouve ces propos chez l'IDE5 : « quand la maladie évolue, il faut trouver d'autres stratégies ». Chez le musicothérapeute c'est la musique qui va lui permettre de « doser le stade de la maladie » : au stade sévère la mémoire récente est tellement altérée, que les patients ne se souviennent que des chansons de leur 20ans. Au contraire au stade débutant, les patients se souviennent des chansons de leur 40ans. Comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel, la maladie n'est pas homogène, il y a des stades qui sont identifiés aussi par les soignants même si c'est avec leurs propres mots. Je peux analyser ces réponses en m'appuyant sur le cadre conceptuel : nous retrouvons la difficulté du stade sévère.

L'évolution de ces dernières années

Du fait de son ancienneté, l'IDE3 me fait part qu'il y a 15 ans, il y avait très peu d'Alzheimer dans la maison de retraite alors que maintenant la tendance s'est inversée « nous avons pratiquement que des personnes Alzheimer, c'est une grosse évolution qui s'est faite sur les 15 années ». Je peux analyser cette donnée en faisant le lien avec le cadre conceptuel : La fréquence de la maladie augmente avec l'âge et avec le vieillissement de la population cela devient un défi de santé publique.

Synthèse : Les difficultés de communication sont évidentes et quotidiennes pour les infirmiers : types perte de mémoire, déambulation, refus de soins etc. Les conséquences sont importantes (frustration, isolement, agressivité, dépendance, impuissance etc.). Cette maladie représente un véritable problème de santé publique renforcé par le vieillissement de la population et donc l'augmentation de la fréquence de la maladie. Le stade sévère de la maladie représente une difficulté supplémentaire. Cela confirme la nécessité de trouver des stratégies de communication. D'où l'importance de ma question de recherche en proposant un outil : la musique.

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THEME 2 Les stratégies de communication

Je traite ce thème avec les questions 3 (guide infirmier) et 5 (guide musicothérapeute)

Avec ces questions je voulais apporter des réponses sur la manière dont s'y prends l'infirmier
pour favoriser la communication, le bien-être. Je voulais vérifier si les notions d'Humanitude,
d'empathie était présentes. Je voulais savoir si la musique était pour les infirmiers une
stratégie de communication

ANALYSE QUANTITATIVE

Tous les professionnels ont des stratégies de communication :

Le concept de l'Humanitude : 2IDE ont cité l'« Humanitude ». 3IDE ont évoqué le toucher. 3IDE ont cité les gestes, les mimes. 2IDE ont cité la parole (parler fort, lentement, ne pas hausser le ton, articuler, phrases courtes). 4IDE ont évoqué le regard (sourire, face à eux). 1IDE et le musicothérapeute ont parlé d'empathie, être à l'écoute de l'autre.

Des médiations : 1IDE a évoqué l'humour. 1IDE a évoqué la zoothérapie. 2IDE et le musicothérapeute ont évoqué la musique, le chant. 1IDE a parlé du tutoiement thérapeutique.

Des qualités : 1IDE a cité la patience. 1IDE a cité la fermeté et l'assurance. 1IDE et le musicothérapeute ont cité la confiance. 1IDE a cité la logique. 1IDE a cité l'imaginaire. 2IDE et le musicothérapeute ont cité la connaissance des résidents.

Les réponses majoritaires sont : l'Humanitude (étudié dans le cadre conceptuel) avec le toucher, les gestes, les mimes, le regard, la musique et la connaissance des résidents. Cela relève surtout du sensoriel.

La confiance est une nouvelle notion non abordée dans le cadre conceptuel

La confiance en quelques mots

Elle se définit selon le Larousse comme « un sentiment de sécurité d'une personne qui se fie à quelqu'un ». Elle est donc source de bien-être et nécessaire dans la communication avec les personnes Alzheimer.

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ANALYSE QUALITATIVE

Les professionnels ont des stratégies de communication très diverses.

Les moyens utilisés dépendent le plus souvent des centres d'intérêt des soignants :

En effet, l'IDE1 aime la relation et blaguer avec les résidents, il nous présente ainsi l'humour en tant que stratégie de communication. C'est une nouvelle stratégie dont je n'avais pas évoqué dans le cadre conceptuel.

L'humour en quelques mots

« L'humour c'est l'euphorisant de la souffrance » citation de Jérôme Touzalin, dramaturge, extrait de « Le pommier »

« L'humour est un déguisement sous lequel l'émotion peut affronter le monde extérieur ». Tony Mayer, écrivain extrait de « Différence entre l'esprit et l'humour »

L'IDE2 elle, a plutôt un centre d'intérêt pour les animaux, donc la zoothérapie dont nous n'avions pas évoqué dans le cadre conceptuel, lui convient bien.

Au niveau de la formation, l'IDE4, étant référente de la méthode d'Humanitude dont nous avons parlé dans le cadre conceptuel, elle utilise beaucoup cette méthode, peut-être plus que les autres soignants où du moins, elle l'identifie clairement dans ses propos : « l'Humanitude c'est prendre soin de la personne comme on aimerait qu'elle prenne soin de nous sans oublier qu'elle n'est pas nous ».

On remarque que l'IDE3 qui a cité la patience, a dans ses centres d'intérêt la relation et surtout le partage du quotidien des résidents : « il y a une dose de patience qui doit se renouveler chaque jour ». C'est une stratégie dont je n'avais pas fait part dans le cadre conceptuel. Quelques mots sur ce nouveau concept :

« Un moment de patience peut préserver de grands malheur, un moment d'impatience, détruire toute une vie » Proverbe chinois

« La patience est la clef du bien-être » Mahomet, prophète

« Patience et longueur de temps, font plus que force ni que rage » Jean de la fontaine, poète

Les professionnels qui citent le chant, la musique comme stratégie de communication, ont un centre d'intérêt pour la musique : « la communication est plus musicale ; le chant aide beaucoup » (IDE3) ou « je peux utiliser le chant aussi même si je chante mal, j'aime bien »

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(IDE4). Ces deux IDE aiment chanter même si elles n'ont jamais fait de musique. Le musicothérapeute a mis sa passion au service des patients, il considère que c'est un outil qui favorise la communication : « la personne n'est pas du tout à même de communiquer avec les soignants et souvent la musique réussit à faire ce lien ; l'entrée en communication est facilitée par la musique ; j'ai la chance d'avoir cet outil qu'est la musique que n'ont pas tous les soignants parce qu'il y en a beaucoup qui disent je n'aime pas chanter, c'est pas mon truc mais en général cet outil marche bien ».

La musique pensée comme une stratégie de communication

L'IDE1 et l'IDE4 ne citent pas la musique lorsque je pose la question des stratégies de communication mais ils la citent néanmoins en réponse à la question des effets de la musique, les signes visibles sur le bien-être et la communication. J'en déduis qu'ils n'y pensaient pas à première vue, ce n'est peut-être pas une stratégie habituelle pour eux mais c'est lorsqu'ils font le lien avec les effets de la musique et la communication qu'ils finissent par me dire « donc c'est un bon moyen de communication ».

La Parole, une stratégie peu efficace pour Alzheimer

Je remarque que la parole n'est pas citée parmi les réponses majoritaires. J'analyse cette donnée en me référant au cadre conceptuel : c'est une stratégie peu efficace pour les patients Alzheimer qui ont perdu la compréhension du langage. Toutefois, lorsque les soignants sont amenés à l'utiliser, ils vont selon l'IDE4 « parler fort, lentement et bien articuler » Je retrouve ces propos chez le musicothérapeute lorsqu'il me décrit ses actions lors d'atelier.

Des stratégies de communication non verbales

Je constate que la plupart de ces stratégies décrites par les professionnels sont surtout des stratégies de communication non verbales.

La gestuelle : En effet l'IDE1 évoque la gestuelle, les mimiques car il s'est rendu compte que pour amener quelqu'un dans le salon, « il faut gesticuler un peu, prendre le bras, et ça passe. Alors que quand on parle, ils ne comprennent pas ». De même, lorsque l'IDE4 explique à une patiente qu'il faut manger, elle ne comprend pas alors qu'elle comprend quand on lui mime. L'ouïe : Pour le musicothérapeute, c'est la musique la première stratégie de communication non verbale : « avec la musique on va souvent faire ressortir un souvenir, une personne

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associée à cette chanson, un lieu, une date, ce qui ne marche plus forcément avec quelqu'un qui va simplement discuter avec cette personne ».

Le regard : Ensuite il y a tout ce qui a trait au regard : « il faut juste sourire » (IDE1) « ne pas arriver par surprise, face à eux » (IDE2). Dans les propos du musicothérapeute sur la description du déroulement des ateliers de musicothérapie et les actions du professionnel, je retrouve le sourire dont a parlé l'IDE1 et le regard axial dont a parlé l'IDE2. Selon le musicothérapeute, en réponse à ce regard bienveillant, les résidents sont rassurés, valorisés (tableau annexe).

Le toucher : Les professionnels s'appuient beaucoup sur le sensoriel comme le toucher : « la zoothérapie » (IDE2) ou « c'est des gens qui répondent beaucoup par le toucher, on les prend dans nos bras, toujours leur tenir la main » (IDE5) ou « pas de prise en pince mais en berceau » (IDE4). D'ailleurs je retrouve la prise en berceau du musicothérapeute lorsqu'il m'explique ses actions (tableau annexes). Et de la même façon que l'IDE2 explique « ne jamais arriver par surprise pour que le patient ne se sente pas agressé », je retrouve le toucher progressif dans les actions du musicothérapeute.

Ainsi ici nous retrouvons au travers de la gestuelle, du regard bienveillant, de la parole douce, du toucher progressif, le concept d'Humanitude détaillé dans le cadre conceptuel même si tous les professionnels ne le nomment pas en tant que tel.

L'effet miroir, l'empathie, une entrée dans leur monde

Pour l'IDE3, « il faut répondre à leur langage par le même langage ; entrer en communication, c'est entrer dans leur monde ». Cela fait penser à l'effet miroir notamment au moment où le musicothérapeute explique qu'il doit déambuler avec le patient pour le faire s'assoir. L'empathie de l'IDE5 se retrouve dans les propos du musicothérapeute (tableau annexe). Ici je retrouve donc l'empathie et les neurones miroirs dont nous avons parlé dans le cadre. L'IDE5 dit « ne jamais les remettre dans la réalité ». Dans le cadre conceptuel nous avons effectivement vu une question d'éthique qui présentait les symptômes comme représentatifs d'un mode de défense, qu'il ne faudrait pas vouloir recadrer, stopper, remettre dans la réalité.

Synthèse Les stratégies de communication des professionnels sont diverses. Chacun s'appuie sur celles qui leur convient le mieux (humanitude : toucher, regard, empathie etc.). Ces stratégies sont surtout des stratégies non verbales. A plusieurs reprises, la musique est évoquée en tant que stratégie de communication, donc cela montre l'intérêt du sujet étudié.

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THEME 3 : Les types d'activités et les objectifs

Je traite ce thème avec les questions 4 (guide infirmier) et 3, 4 (guide musicothérapeute)

Avec ces questions je voulais connaitre les activités proposées dans les établissements et vérifier l'objectif de favoriser la communication et le bien-être des résidents. Je voulais savoir si la musique était présente et si non pourquoi ?

ANALYSE QUANTITATIVE

Des activités musicales : Tous les professionnels ont évoqué des activités de chant, de chorale. 2IDE et le musicothérapeute ont parlé de gym douce en musique. 1IDE et le musicothérapeute ont parlé de salle de musique. 2IDE disposent d'une salle snoezelen avec lit chauffant et musique. Le musicothérapeute a parlé de musicothérapie active et réceptive (dont j'avais parlé dans le cadre conceptuel), de percussions corporelles, de pratiques instrumentales. Il a évoqué l'objectif de mobilisation cognitive au travers de la verbalisation du ressenti, de l'émergence de souvenirs.

De l'animation : 2IDE ont parlé d'un animateur. 1IDE a parlé d'activité occupationnelle.

Du bien-être, de la beauté, des créations : 2IDE ont évoqué les massages. 1IDE a parlé de manucure. 1IDE a parlé de dessin

De l'air, des rencontres : 1IDE a évoqué la zoothérapie. 1IDE a parlé de ballades

De la réflexion : 2IDE ont évoqué la mobilisation cognitive avec les quizz, baccalauréat. 1IDE a parlé d'autonomisation comme mettre la table

Les réponses majoritaires sont les activités de chant, de chorale, la gym douce en musique, les massages, la salle snoezelen et la mobilisation cognitive.

Les activités peuvent être prises en charge par des professionnels (animateur, musicothérapeute). L'infirmière peut intervenir ponctuellement (exemple massage, chant, zoothérapie) Cependant le sexe, l'âge ou l'ancienneté n'influent pas sur le choix de l'activité. Peut-être que le centre d'intérêt influe-t-il ? Par exemple l'infirmière qui aime les animaux et qui participe à la zoothérapie. Le musicothérapeute propose des ateliers de musicothérapie compte tenu de sa formation.

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ANALYSE QUALITATIVE

Les activités proposées sont diverses et dépendent de ce que les professionnels disposent dans la structure. Ces derniers s'appuient sur leurs ressources comme la possibilité d'avoir une salle snoezelen, une salle de musique, un piano, un animateur ou encore un animal.

Vers le sensoriel

On remarque que les activités sont principalement sensorielles comme les massages, la musique, le toucher des animaux ou encore le lit chauffant. L'IDE2 dit d'ailleurs « on travaille avec le sensoriel ».

Le sensoriel est un nouveau concept dont nous n'avions pas évoqué dans le cadre conceptuel. En quelques mots, le sensoriel :

D'après le dictionnaire Larousse, du latin « sensorium » le sensoriel est le « siège de la sensation, qui se rapporte aux organes des sens, aux structures nerveuses qu'ils mettent en jeu et aux messages qu'ils véhiculent ». La sensation est « le reflet dans la conscience d'une réalité extérieure dû à l'activation des organes des sens ». Dans le livre « 5 leçons sur la perception » de Serge Carfantan, docteur en philosophie, 5 sens sont identifiés, la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher, le goût.

Des objectifs...

Les objectifs des activités sont surtout le bien être, la communication, la mobilisation cognitive ou encore l'autonomisation.

...De bien être

En effet lorsque l'IDE2 me parle de la zoothérapie, elle dit que quand les animaux « s'assoient sur les résidents, on constate que le visage s'éclaire ». Ici on est donc dans un objectif de bien-être. De même lorsqu'elle parle de massage, de lumière et de musique, elle dit que ce sont des activités « pour les apaiser ». D'ailleurs l'IDE3 reprend cet objectif de bien être, conforme au cadre conceptuel, en évoquant « la musique qui adoucit vraiment ».

...De communication

L'IDE4 évoque aussi ce même objectif de bien-être et même celui de communication, en pensant « que l'on peut transmettre beaucoup d'information par le toucher ».

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...D'autonomisation

L'IDE2 cherche aussi l'objectif d'autonomiser les résidents puisque qu'elle dit « on leur fait mettre la table pour qu'ils se sentent utiles et essayer de les autonomiser ». Ici elle cherche à préserver d'une certaine façon leur identité, leur valeur, leur estime.

...En fonction des goûts

L'IDE4 et le musicothérapeute font des ateliers en fonction des goûts de la personne. « La base c'est d'abord le plaisir ; un résident va venir avec ses gouts musicaux, son vécu musical, c'est à moi de jouer là-dessus et pas l'inverse » (musicothérapeute), « alors avant tout c'est fait en fonction des goûts de la personne » (IDE4).

...De mobilisation cognitive selon les stades

L'IDE5, elle, évoque l'objectif de mobilisation cognitive avec les baccalauréats, les quizz mais explique notamment que les activités dépendent aussi « du degré de la maladie ». ...D'occupation

Pour l'IDE5 les ateliers musique ont aussi un intérêt occupationnel « ils sont occupés ici ». Nous n'avions pas pensé à aborder l'aspect occupationnel dans le cadre conceptuel. L'occupation peut aussi effectivement être source de bien-être.

La musique, un outil présent qui fonctionne bien

Je constate que la musique, le chant est présent dans toutes les structures. Peut-être est-ce un outil facilement utilisable. Selon les professionnels cela marche plutôt bien. En effet l'IDE1 a un sourire de satisfaction lorsqu'il m'explique que l'animateur « créé une ambiance dans le salon avec la musique, tout le monde ensemble, ça marche ». De même l'IDE5 a également un sourire de satisfaction en disant que « les ateliers chant fonctionnent très bien. Quand la maladie est plus évoluée en général les ateliers chant, ça fonctionne bien, ils aiment ». L'IDE1 pense aussi que la musique est « quelque chose de basique chez la plupart des gens ». Comme nous l'avons vu l'IDE3 a même dit que « la musique adoucit vraiment ». Ainsi la musique, le chant sont très présents, cela renforce donc l'intérêt de ma question de recherche.

Les objectifs des ateliers musicaux

Les objectifs des ateliers chant ne sont pas clairement identifiés par les IDE, Ce sont surtout un objectif de bien-être et de communication comme nous avons vu le voir dans le cadre conceptuel.

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Le musicothérapeute, lui, me les détaille avec précision du fait de sa formation : d'une part il parle de la régularité des ateliers pour rassurer et donner une structure aux résidents désorientés. Il y a un jour fixe, une heure fixe, un lieu fixe et des personnes fixes (tableau annexes). Il me décrit le déroulement de l'activité de pratique instrumentale structuré en 4 temps :

Dans un premier temps les résidents choisissent une chanson et un instrument. Je retrouve les instruments des ateliers de musicothérapie étudiés dans le cadre conceptuel mais aussi de nouveaux instruments comme le bâton de pluie et le guiro Le musicothérapeute chante la chanson choisie par les patients et s'accompagne de l'instrument. Cela me fait penser aux propos de l'IDE4 qui parlait de l'importance de s'appuyer sur les goûts de la personne avant tout. Lorsque le musicothérapeute laisse le choix de chanson aux résidents, cela me rappelle la « préservation de l'identité » étudiée dans le cadre conceptuel.

Dans un deuxième temps les résidents travaillent l'instrument choisi avec l'aide de la psychomotricienne dans la manipulation. Ici ce toucher des instruments me rappelle les propos de l'IDE4 disant que l'on peut transmettre beaucoup d'information par le toucher. Le musicothérapeute lui, m'explique l'objectif de susciter la curiosité des résidents par le toucher des instruments. Je retrouve cette idée du toucher des instruments qui permet de susciter la curiosité comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel.

Dans un troisième temps les résidents écoutent jouer chacun leur tour ce qu'ils ont réussi à faire avec leur instrument dans l'objectif de s'exprimer librement, d'être créatif. Cet objectif est conforme au cadre conceptuel puisque nous avions bien parlé de créativité.

Enfin dans un dernier temps, les résidents jouent tous ensemble dans le plaisir de jouer avec les autres. Cela me rappelle l'IDE1 qui évoquait les résidents qui pédalaient en musique et « tout le monde ensemble ». Cela m'évoque aussi les bienfaits de jouer à plusieurs dont nous avons parlé dans le cadre conceptuel. Le musicothérapeute me décrit également les objectifs des ateliers chant qui sont la verbalisation du ressenti entre chaque chanson, un travail sur l'attention, la concentration et la déambulation. Ainsi je constate que les objectifs des ateliers de musique sont vraiment établis chez le musicothérapeute contrairement aux IDE qui ne les identifient pas forcément.

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Une collaboration

Je remarque, à plusieurs reprises, que les IDE ont évoqué d'autres professionnels lors des ateliers : la psychomotricienne est évoquée par l'IDE1 et le musicothérapeute. La psychologue est évoquée par l'IDE1 et 2. L'animateur est évoqué par l'IDE1 et 3. Enfin l'éducatrice et le kiné sont évoqués par le musicothérapeute. Plusieurs professionnels semblent ainsi concernés par les activités.

Synthèse Les activités sont diverses avec pour principaux objectifs le bien-être et la communication mais aussi d'occupation, d'autonomisation. Les professionnels s'appuient principalement sur des activités sensorielles comme la musique, les massages. La musique est très présente car selon les professionnels c'est une activité qui fonctionne plutôt bien. Les objectifs de ces activités musicales ne sont pas clairement définis par les infirmiers mais pour le musicothérapeute on retrouve les objectifs de créativité, de curiosité, la verbalisation du ressenti, la mémoire. Globalement ce sont si on se réfère au cadre conceptuel, des actions sur le bien-être et la communication.

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THEME 4 Les effets de la musique sur le bien-être et la communication

Je traite ce thème avec les questions 5 (guide infirmier), 6 (guide musicothérapeute),
avec mon guide d'observation et le tableau de retranscription du déroulement d'ateliers

Avec ces questions et mes observations, je voulais me prouver les effets bénéfiques de la
musique sur le bien-être et la communication (signes visibles) et en comprendre les
mécanismes. Je voulais vérifier l'action sur la mémoire.

ANALYSE QUANTITATIVE

Des effets sur la détente, le plaisir : 4IDE et le musicothérapeute ont parlé de détente, de calme. 4IDE ont parlé de bonheur, de sourire

Des effets sur la déambulation : 3IDE et le musicothérapeute ont aperçu des effets positifs sur les personnes qui déambulent.

Des effets sur le mouvement : 1IDE a parlé de danse. 1IDE et le musicothérapeute ont évoqué les jeux corporels, les balancements de la tête, frapper des mains.

Des effets sur la mémoire : 4IDE et le musicothérapeute ont évoqué des effets sur la mémoire, sur la ré-révocation de souvenirs. 1IDE et le musicothérapeute ont évoqué l'apprentissage de nouveaux chants. 3IDE et le musicothérapeute ont parlé des effets positifs de l'écoute de vieilles chansons françaises.

Des effets lors des soins : 2IDE et le musicothérapeute ont évoqué les effets positifs de la musique lors des soins comme la toilette ou lors du repas.

Des effets sur la curiosité : 2IDE et le musicothérapeute ont parlé de curiosité, d'intérêt et d'attention, de concentration.

Les réponses majoritaires sont : la détente, le bonheur, la curiosité, des effets sur la déambulation, sur la mémoire, des réactions lors d'écoute de vieilles chansons françaises et une meilleure coopération lors des soins.

Dans les objectifs des ateliers de musicothérapie, il y a la notion de « concentration » que je n'ai pas évoquée dans mon cadre conceptuel.

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La concentration en quelques mots

Selon le dictionnaire Larousse c'est « l'action de faire porter toute son attention sur un même objet ». L'objet ici serait la musique. Selon l'article de la revue Le Point parue en 2015 par E.LANEZ, « la concentration rend heureux »

L'encodage de textes nouveaux évoqué par 2 professionnels à savoir le musicothérapeute et l'IDE5 peut s'expliquer d'une part, par la formation du musicothérapeute, donc davantage de connaissances à ce sujet. Et d'autre part, par la présence dans l'équipe de l'IDE5 d'un médecin chercheur connu, spécialisé dans la maladie d'Alzheimer et les effets de la musique sur les patients atteints de cette maladie. L'IDE5 est donc plus sensibilisée qu'un autre IDE aux avancées de la recherche.

ANALYSE QUALITATIVE

Des effets satisfaisants

Quel que soit leur âge, leur sexe ou leur formation, tous les professionnels ont évoqué des effets positifs lors d'utilisation de musique et en sont satisfaits. D'ailleurs l'IDE1 sourit d'un air satisfait lorsqu'il voit les résidents chanter avec lui. De même, l'IDE3 est émerveillée par les effets de la musique « je n'arrive pas encore à me dire que c'est normal, c'est normal mais c'est merveilleux ». Elle est aussi très émue lorsqu'elle me raconte qu'elle a chanté avec une patiente en fin de vie jusqu'à sa mort. D'ailleurs le musicothérapeute est aussi ému lorsqu'il me raconte une situation semblable. Ce dernier utilise le mot « bluffant » pour qualifier les effets de la musique. Enfin l'IDE2 affirme que « c'est donc plutôt positif ».

Le pouvoir de la musique

Je retrouve le « pouvoir de la musique » étudié dans le cadre conceptuel qui est réellement mis en évidence dans les entretiens notamment par l'expression d'émerveillement, de satisfaction des soignants. L'IDE1 dit même qu'avec la musique « c'est impressionnant alors que nous on n'arrive pas à les faire parler, c'est décevant ». On devine qu'il est frustré de voir ce simple outil qui est la musique, plus « fort » que ces propres méthodes. Il y a aussi l'IDE3 qui voit la musique comme « un élément extrêmement fédérateur ». Le pouvoir de la musique est bien visible.

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J'ai organisé un atelier de musique où j'ai choisi des extraits de musique et les ai fait écouter aux patients sans aucune intervention en observant discrètement (annexes). Je vais m'en servir afin d'exploiter des données d'observation parallèlement au déroulement des entretiens semi-directifs. Ceci me permettra d'enrichir l'analyse des éléments recueillis en confrontant discours et pratique.

Si je me réfère au cadre conceptuel, on peut parler de musicothérapie réceptive pour nommer mon atelier puisque je fais écouter de la musique aux patients. 3 résidentes Alzheimer ont participé. L'infirmier et moi avons installé les résidents volontaires dans le salon de l'EHPAD un après-midi à 15h afin de leur faire écouter 3 extraits de style différents en observant leurs réactions discrètement. C'est un atelier ponctuel. J'analyserai les quelques réactions des patientes observées en les confrontant avec les propos recueillis lors des entretiens.

Musique et détente

D'un point de vu général, les patients se détendent sur la musique. En effet l'IDE1 dit que certains « s'endorment même pendant l'atelier ». Il parle d'un accès à une forme de bonheur ». L'IDE3 dit qu' « ils sont plus sereins », que « la musique adoucit vraiment » et qu'il y a « beaucoup plus de calme ». Ces réponses sont conformes au cadre conceptuel. Je retrouve les effets de la musique qui agissent sur le bien-être.

Musique et induction d'humeur

La musique semble ainsi avoir un pouvoir et induire des humeurs de la même façon que nous l'avons étudié dans le cadre conceptuel. Lorsque j'ai effectué ma propre observation lors de la mise en place de l'atelier, j'ai observé une patiente de stade sévère énervée qui s'est détendue et même presque endormie au moment de l'écoute d'un extrait de musique douce. L'IDE2 me dit même que « les visages sont détendus, souriants » et l'IDE4 dit également qu'ils « retrouvent le sourire ». Je peux faire un lien avec ces propos et le sourire de la patiente de stade sévère que j'observe moi-même lors d'écoute d'une musique joyeuse. De même je retrouve ce pouvoir d'induction d'humeur dans les propos du musicothérapeute lors de la description des ateliers de musicothérapie. Il me raconte que lors de l'écoute d'une musique triste, une patiente verse quelques larmes et chez une autre patiente, le visage se détend, elle sourit lors d'écoute de musique joyeuse.

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Musique et effet miroir

Le musicothérapeute parle d'« effet miroirs » pour nommer ce phénomène. Je retrouve donc cette notion comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel même si les infirmières ne le nomment pas en tant que tel.

Le musicothérapeute m'explique toutefois qu'il y a des résidents qui ne se détendent pas sur de la musique calme mais plutôt sur de la musique Zouk, hard rock. C'est interpellant car je ne m'y attendais pas. C'est un contre-exemple de l'effet « miroir ». J'en déduis que le vécu musical dépend des patients, certaines tonalités touchent plus telles ou telles personnes. Le musicothérapeute m'explique qu'il ne suffit pas de Chopin pour détendre. C'est le travail en amont sur le vécu musical du patient, les connaissances de ces derniers, qui vont permettre au soignant de savoir quelle musique lui correspond le mieux. Cela me permet de relativiser les propos de l'IDE2 qui pense que seule la musique douce peut détendre le patient. L'observation de l'IDE2 est renforcée par les propos de l'IDE1, qui évoque des résidents agités qui se détendent lors de musique douce.

Le musicothérapeute, lui, se sert aussi de cet effet miroir, avec des imitations gestuelles. Par exemple il m'explique en me décrivant les ateliers de musicothérapie, qu'une patiente agitée voit une patiente taper sur un tambour, ce qui lui donne aussi envie de taper dessus et de décharger sa colère. Le musicothérapeute se sert également de cet effet miroir avec les personnes qui déambulent : Il me parle notamment d'un patient qui déambulait et afin de rentrer en contact avec lui, il s'est mis à déambuler avec lui et ses maracas, comme en miroir, pour l'amener à s'assoir.

Musique et déambulation

Je remarque que le musicothérapeute n'est d'ailleurs pas le seul professionnel à avoir parlé des effets positifs de la musique avec les personnes qui déambulent. Chez l'IDE1 « des résidents qui déambulent s'endorment souvent pendant les ateliers de musique » et chez l'IDE2 « les résidents qui ont d'habitude des tendances à déambuler, s'arrêtent de déambuler et se posent ». Chez l'IDE3, c'est un peu différent, la musique pour elle, permet de préserver ce besoin de déambuler mais sans que cela soit gênant « ceux qui ont besoin de déambuler tournent autour du piano parce qu'on ne peut pas leur enlever ce besoin de déambuler ».

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Musique et jeux corporels

Par ailleurs, des IDE remarquent des effets de la musique sur le corporel comme par exemple « madame C, est très réceptive, elle balance la tête, frappe des mains » ou « certains dansent même parfois » (IDE1). Je retrouve ces jeux corporels dans les propos du musicothérapeute lors de la description des ateliers : il me fait part d'une réponse motrice très présente, les patients tapent des mains, se balancent. De même lors de ma propre observation de mon atelier, j'ai observé des balancements des jambes de deux résidentes. Ainsi Je retrouve les bienfaits du rythme, des balancements rythmiques qui sont, comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel, source de satisfaction, de bien-être.

Musique et Mémoire Alzheimer

Comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel, je retrouve des effets sur la mémoire. La musique et la mémoire semblent liées car presque tous les professionnels m'ont parlé d'effets sur la mémoire et en sont impressionnés. En effet l'IDE1 s'est aperçu « qu'une fois les chorales parties, les résidents chantent encore dans la journée les chansons, c'est impressionnant » ou encore lorsque l'IDE1 se met à chanter des vieilles chansons un soir à une table et qu'il ne se souvient plus des paroles, « tout le monde s'est mis à chanter à la table la suite ». De même l'IDE3 me fait part d'une dame Alzheimer, qui, jusqu'au jour de sa mort, se souvenait des paroles d' « aux marches du palais » et elle chantait. Elle évoque aussi une patiente « qui chante Malbrough s'en va en guerre impeccablement », et une autre qui peut chanter la marseillaise. D'ailleurs j'ai moi-même été surprise d'observer lors de mon atelier, lors de l'écoute de l'extrait d'Edith piaf, une patiente qui chantait les paroles.

Musique et apprentissage

L'IDE5 s'est « aperçue qu'aux ateliers de chants, malgré leur mémoire défaillante, à l'apprentissage de chants nouveaux, au fil des ateliers ils pouvaient se souvenir des paroles ». Le musicothérapeute me fait également part d'une situation qu'il qualifie de « bluffante » dans laquelle deux dames Alzheimer ont été capables de se souvenir pratiquement de toute une chanson et de la chanter. Dans ses ateliers de musicothérapie, en particulier de chant, il m'explique que certains patients travaillent sur l'apprentissage de nouvelles paroles de chanson dans l'objectif de préservation des capacités cognitives, pour éviter le déclin, garder une stabilisation et il observe parfois de bons résultats. Ces réponses sont donc conformes au

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cadre conceptuel. Cependant, pour ré-encoder des textes nouveaux, c'est « plus difficile pour les stades sévères » (musicothérapeute)

Mémoire musicale préservée

Cette mémoire étudiée dans le cadre conceptuel, est identifiée seulement par certains soignants. Le musicothérapeute me parle de la « mémoire musicale » qui est préservée. Cela me fait penser à l'IDE3 qui dit que « cette mémoire-là est tellement intacte, que pour une personne qui perd tous ses repères, c'est extrêmement satisfaisant de retrouver quelque chose qui puisse leur faire une communication avec l'autre ». Les IDE disent souvent que la musique fait émerger des souvenirs aux résidents : par exemple l'IDE4 a « le sentiment que cela réactive un peu leur mémoire ».

L'effet des vieilles chansons françaises, que des souvenirs

Les professionnels qui ont fait part de ces effets sur la mémoire, ont trouvé que ce sont souvent les vieilles chansons françaises qui « marchaient » bien chez ces personnes. Il est vrai que lors de mon observation, il s'agissait d'une chanson française ancienne : Edith Piaf. Je peux l'expliquer d'une part, par la préservation de la mémoire musicale, d'autre part, par la préservation de la mémoire lointaine, et donc l'émergence des souvenirs heureux de la période de l'enfance comme me l'explique très bien le musicothérapeute lors de l'entretien. Chez l'IDE1 ce sont « les patients qui viennent du Proche Orient qui sont les plus réceptifs ». Je peux l'expliquer par la spécificité de la maison de retraite qui célèbre les fêtes religieuses avec des chorales, et donc cela leur rappelle des souvenirs.

Un goût musical avant tout

Par ailleurs plusieurs professionnels ont constaté, que chez les patients les plus réceptifs, il « existe un goût pour la musique avant la pathologie » (IDE5). Les propos de l'IDE3 illustrent cette idée : elle me fait part d'une dame qui écoutait beaucoup la musique classique et elle dit que « c'est impressionnant comment elle se détend avec la musique classique ». Enfin les propos de l'IDE2 viennent renforcer cette idée : « il y en a qui ne sont pas réceptif à la musique peut-être parce qu'ils n'en ont jamais écouté ». De même dans mon observation d'atelier, une patiente n'est pas réceptive à la musique, elle semble dans l'incompréhension de ce qui l'entoure, elle regarde les autres résidents et tente de se lever à plusieurs reprises. Mais

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peut-être est-ce lié au stade très sévère de sa maladie, ou bien encore à l'atelier qui n'était pas adapté à la patiente. Je peux aussi remettre en question l'atelier ponctuel qui peut être pour elle favorisait la désorientation. Il est difficile de savoir.

La musique, une aide dans les soins

Les bienfaits de la musique sont aussi décrits par les soignants comme une aide lors :

Des soins intimes : Par exemple lors de la toilette, qui est connu pour être un soin particulièrement délicat puisqu'on rentre dans l'intimité des résidents, on les met nus ce qui provoque souvent de l'agressivité comme m'en font part l'IDE2, l'IDE3 et le musicothérapeute. En effet l'IDE2 s'est « rendu compte qu'en mettant de la musique pendant la toilette, le patient n'avait plus ce comportement-là ». J'ai été très surprise quand l'IDE3 m'a parlé de technologie : la mise en place d'un système de projection d'image et de son au plafond dans les chambres des résidents. Celle-ci m'explique que « ça capte leur attention pendant les toilettes qui sont très difficiles car il y en a qui sont extrêmement agressifs ». Elle trouve ce système « très intéressant car la personne est en fait plus absorbée par ce qu'elle voit, pendant ce temps on peut soigner le corps ». La musique permettrait ainsi d'induire des comportements, nous l'avons vu dans le cadre conceptuel, ces réponses sont donc conformes.

Musique et induction de comportement

Les propos du musicothérapeute me confirment cette idée : il me fait part lors de la description des ateliers de musicothérapie, d'un patient qui ne répondait pas quand on l'appelait mais qui répondait quand on chantait. De même l'IDE3 me fait part d'une patiente qui ne parlait jamais et qui se met à dire « Pleyel » (une salle de concert). La musique induit un comportement. De la même façon la musique entraine un résident qui déambule à s'assoir (musicothérapeute). Il est aussi intéressant de relever qu'une patiente est incapable de chanter une chanson qu'elle connait si on le lui demande mais qu'elle en est capable si on joue les accords du début (musicothérapeute).

Musique, quand la nervosité monte lors des repas

Nous avons vu que la musique est décrite par des soignants comme un bienfait lors des soins comme les toilettes et l'IDE3 et 4 me parlent aussi de ses bienfaits lors des repas : « pendant les repas, quand on sent que la nervosité monte, c'est vraiment un bon soutien, la musique

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calme, ça remet tout un petit peu en place » (IDE3). Il est d'ailleurs intéressant de noter le mot « valse » lorsque cette IDE me décrit l'infernal aller-retour des patients lors des repas. Cela me fait justement penser à une danse tournoyante, une musique ternaire.

Musique et liberté d'expression

Je retrouve également le pouvoir de la musique qui préserve l'identité des résidents grâce à la liberté d'expression avec les instruments que propose le musicothérapeute.

Lors de mon atelier d'écoute de musique, j'ai entendu une des patientes exprimer ce qu'elle pensait de la chanson : « elle chante mal ». Cela m'a fait penser à l'expression de ses goûts et donc à la préservation de son identité, c'est important pour le bien être de pouvoir s'exprimer. Je peux faire un lien avec l'IDE1 qui me parle d'une patiente qui ne supporte pas quand l'infirmier chante. La musique stimule les résidents à exprimer leurs goûts. D'ailleurs le musicothérapeute insiste sur l'objectif de verbalisation du ressenti lors des ateliers.

Musique et curiosité

Lors de l'observation de mon atelier, j'ai trouvé les résidents un peu intéressés, curieux d'écouter la musique (excepté la patiente désorientée, non réceptive). Je pense néanmoins que la curiosité des résidents est renforcée par la présence d'un soignant. En effet lorsque le musicothérapeute me décrit ces ateliers, comme nous l'avons vu dans ces stratégies pour améliorer le bien-être, il suscite beaucoup la curiosité des résidents (notamment en positionnant les instruments sur la table, en les aidants à manipuler). Le musicothérapeute intervient beaucoup lors de ces ateliers et cela renforce la curiosité des résidents puisqu'il me dit qu'ils sont très intéressés.

Musique et confiance

Cependant, le musicothérapeute m'explique que 3 séances sont nécessaires pour créer une relation de confiance primordiale, qu'il faut avoir une attitude empathique. Je peux comparer la description des ateliers du musicothérapeute avec mon atelier d'observation où la curiosité est moins suscitée puisque d'une part, aucun soignant n'intervient et d'autre part les patients restent très interrogatifs, du fait notamment d'une absence de relation de confiance. Cela me fait penser aux propos de l'IDE3 qui évoque la notion de confiance en réponse à ma question sur les moyens dont elle dispose pour favoriser la communication, le bien être.

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Musique et créativité

Enfin, la créativité est le dernier effet bénéfique de la musique noté uniquement par le musicothérapeute. Cela peut s'expliquer par le fait qu'il m'explique lors de l'entretien, que la créativité est assez pauvre chez les patients Alzheimer car ils sont plutôt dans la spontanéité. Il veut me dire que les patients Alzheimer peuvent sortir des mots lorsqu'ils écoutent une chanson mais ils sont incapables d'en dire autre chose. Par exemple il se souvient d'un patient disant « ah cette musique me rappelle Michel Sardou » mais cela va s'arrêter là, il ne va pas faire d'autres liens. Je retrouve dans le cadre conceptuel la spontanéité des personnes Alzheimer dont nous avions parlé. Cependant dans le cadre conceptuel nous avions parlé de créativité grâce à la musique mais je comprends ici que c'est limité pour le stade sévère.

Musique à plusieurs

Je retrouve les bienfaits de la musique à plusieurs vu ans le cadre conceptuel notamment lorsque l'IDE1 me dit que « tout le monde ensemble ça marche » ou même dans les objectifs des ateliers de musicothérapie décrits, je retrouve l'expérience à plusieurs.

La limite de la recherche

Parfois la musique a des effets mais parfois non. L'IDE5 dit que « pour l'instant on en est là », les recherches sont en cours. Quand je demande aux soignants qu'est ce qui explique ces effets bénéfiques, ils restent assez perplexes. Certains m'expliquent que c'est à l'origine de la mémoire musicale encore intacte, le rappel de bons souvenirs de leur enfance (IDE 4 et 5). D'autres m'expliquent la réceptivité du fait que cela touche le sensoriel : « avec les vibrations de la musique, il n'y a pas besoin de comprendre » (IDE2).

Synthèse La musique a des effets positifs sur le bien-être, la communication (détente, induction d'humeur, de comportement, effet miroir, balancements rythmiques, créativité, curiosité, émergence de souvenirs) La musique a un grand pouvoir. Les professionnels décrivent les effets avec satisfaction et s'en serve parfois comme outil de médiation qui peut même se révéler efficace dans les soins. Les effets bénéfiques de la musique sont majorés par la présence d'un soignant. La musique agit aussi sur la mémoire, les professionnels en sont étonnés, cela reste difficile à l'expliquer et les recherches sont toujours en cours.

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THEME 5 : La place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique

Je traite ce thème avec les questions 6 (guide infirmier) et 7 (guide musicothérapeute)

Avec ces questions je voulais savoir si l'infirmier avait une place dans l'utilisation de la
musique et laquelle. Je voulais connaitre les causes de la participation ou de la non-
participation de l'infirmier aux activités de musique. Je voulais vérifier la place de l'infirmier
dans l'accompagnement des patients autour de leur bien-être, de l'échange, de la
communication à travers la musique. Je voulais vérifier le rôle dans l'écoute, l'empathie, la
connaissance de l'identité du patient pour mieux prendre soin de lui

ANALYSE QUANTITATIVE

Une question de place : 4IDE et le musicothérapeute répondent que l'infirmière a une place dans l'utilisation de la musique.

2IDE disent que ce n'est pas leur domaine, qu'ils chantent faux et qu'il n'y a pas d'intérêt mais que d'autres infirmières, qui savent chanter ont leur place.

Une pluri professionnalité : 2IDE et le musicothérapeute parlent de pluri-professionnalité, de collaboration au travers de projet d'accompagnement, de transmissions ou de la mise en place d'activité et de leurs objectifs.

Du chant infirmier dans les chambres 2IDE ne chantent jamais dans les chambres des résidents et les 3 autres IDE disent qu'elles chantent assez facilement dans la maison de retraite.

Une place ? Laquelle ?

Les IDE qui répondent qu'elles ont une place dans l'utilisation de la musique, expliquent toutes que cela permet d'avoir une autre approche du résident, un autre rapport, différent de celui de tous les jours et de créer de nouveaux échanges. 1IDE explique aussi que cela favorise la confiance avec le résident. 1IDE dit que cela permet de lâcher prise. 2IDE et le musicothérapeute expliquent la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique du fait qu'elle est tous les jours auprès des malades qu'elle connait donc très bien et que cela lui permet de voir leur évolution.

1IDE qualifie la musique comme un soin à part entière. 2IDE et le musicothérapeute parlent de la possibilité de transposer la musique dans un autre cadre comme par exemple pour aider dans les soins douloureux ou bien lors des repas quand la tension monte par exemple.

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Une autre place : 2IDE parlent plutôt de la place de l'infirmier dans l'écoute, l'empathie, l'apaisement.

Les limites : 2IDE et le musicothérapeute expliquent le manque de temps.

La majorité des professionnels répondent que l'infirmier a une place dans l'utilisation de la musique, que les soignants chantent généralement dans les chambres et que cela permet une autre approche du résident. C'est une aide dans les soins. Dans les réponses majoritaires il y a aussi le manque de temps et c'est beaucoup un travail d'équipe. Les réponses ne dépendent pas de l'âge, du sexe ou de la formation. Elles peuvent dépendre des centres d'intérêt : celles qui chantent facilement aiment chanter.

ANALYSE QUALITATIVE

Des réponses subjectives

Les réponses sont subjectives, selon les représentations des soignants autour de la musique.

La musique ? Pas mon domaine et je chante mal

Pour l'IDE1 comme l'IDE5 ce n'est absolument pas leur domaine. Ils en sont convaincus et rient nerveusement lorsqu'ils en parlent. L'IDE1 dit qu'il chante faux mais qu'avec l'animateur cela marche très bien. Cependant il dit qu' « il y a des infirmiers qui sont certainement assez musical, qui peuvent l'intégrer dans les soins, dans la communication et que ça serait un grand plus ». Il pense que chacun à sa manière et lui il se sert de l'humour, « l'humour et la musique, ça se vaut ». De la même façon l'IDE5 dit qu'elle « chante comme une casserole. Donc il n'y a pas d'intérêt, je vais leur casser les oreilles plus qu'autre chose ».

La musique ? Un soin, une mission infirmière

L'IDE5 estime cependant que la musique est un soin à part entière et que « c'est notre métier de prendre soin ». Elle explique qu'elle n'a aucun intérêt à aller aux ateliers de chant non pas parce qu'elle est infirmière mais parce qu'elle ne fait pas de musique. Elle ajoute : « Sinon c'est n'importe qui d'intéressé et qui a de l'oreille ». Elle dit même que « cela peut faire partie des missions de l'infirmière » dans le sens où c'est intéressant de voir l'évolution des résidents et puis voir s'il est possible de lier la musique et les soins.

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La musique ? Une certitude

A la différence de l'IDE1 et 5, Pour l'IDE3 la place de l'infirmier dans la musique est vraiment « une certitude ». Elle chante souvent dans la chambre des malades, c'est « évident » selon elle. D'ailleurs à l'époque où il n'y avait pas d'animateur pour les ateliers de musique, elle avait pris d'elle-même l'initiative d'animer les ateliers. Elle dit qu' « elle était hyper heureuse » parce qu'elle avait un autre rapport aux résidents : « ce n'était plus l'infirmière qui venait, c'était une personne qui venait jouer, on faisait des jeux, on chantait ». L'IDE4 pense aussi que sa place est importante car « avec les activités chant nous pouvons voir ces résidents différemment, dans un autre cadre. On apprend davantage de ces patients lors des ateliers, ce qu'ils sont capable de ressentir, comment ils réagissent. ». L'IDE3 pense avoir « une énorme place justement parce que les résidents nous place dans leur vie, et il n'y a pas que l'animateur qui peut avoir les confidences ». Elle explique, de la même manière que l'IDE4, que l'infirmière est au plus proche des malades, tous les jours même dans « les derniers moments ». Enfin l'IDE3 elle pense que c'est important de s'investir complètement dans ces moments : « je ne pourrais pas être une bonne infirmière si je ne m'investissais pas complètement ». L'IDE2 complète les propos de l'IDE3 en disant que la musique permet de « créer l'échange ». Pour elle cela peut être une grande aide pour les soins : elle explique que les résidents vont « se souvenir de ce qu'on leur a fait ressentir ». De ce fait, ils vont plus facilement se laisser faire, pour un soin, si l'infirmière leur a fait vivre quelque chose d'agréable par le biais de la musique.

La limite du temps

La limite du temps est mise en avant par les professionnels : « oui je pense qu'on a une place mais l'infirmière est seule pour 72 résidents, ça laisse très peu de place », « Malheureusement au niveau temps, ce n'est pas possible » (IDE2) ou « ça demande du temps » (IDES) « le problème c'est que souvent les infirmières sont débordées » (musicothérapeute)

L'IDE2 explique que les infirmières apaisent le résident agité lors de l'atelier chant mais une fois calmé, elles partent. Même si l'IDE1 et l'IDE2 n'ont pas un rôle actif dans l'utilisation de la musique, ils accordent de l'importance à la communication, l'écoute et l'empathie. Le musicothérapeute insiste d'ailleurs dans la description des ateliers sur l'écoute du patient, de son rythme. Il parle d'écoute active et d'empathie comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel. Cependant je constate que nous n'avions pas évoqué la limite du temps.

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En quelques mots, le nouveau concept du temps

« Notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succède les évènements et souvent ressenti comme une force agissant sur le monde » (Larousse 2003)

L'inter professionnalité

Certains professionnels parlent de collaboration : l'IDE1 collabore avec l'animateur qui fait les activités musicales. Ils discutent du projet d'accompagnement, ils font le point ensemble pour savoir ce qui a changé, comment le patient participe, ce qu'il aime le plus et ce qui peut être changé. Pour le musicothérapeute : « l'équipe est intégrée au projet », il participe souvent aux réunions pluridisciplinaires pendant lesquelles il fait part de ce qui va et de ce qui ne va pas chez les résidents à l'équipe. Il donne « des indices aux soignants de comment apaiser quand ça monte ». S'il a trouvé une chanson qui fonctionne bien, un mode d'accroche, les soignants peuvent s'en saisir. Il donne l'exemple des infirmières, qui, confrontées à l'agressivité d'un patient lors de la toilette, ont utilisé la musique qu'il leur avait conseillé. Cela a rendu la toilette plus simple. Le musicothérapeute pense que les infirmières ont leur rôle à jouer dans la musique car elles ont une approche différente en voyant les patients tous les jours, elles peuvent faire un retour sur le long terme au musicothérapeute, leurs constats. Ce concept d'inter professionnalité est nouveau.

L'inter professionnalité en quelques mots

«Dynamique de collaboration, de coopération entre les différents partenaires et acteurs du soin. Cela tient compte de la pluralité des identités professionnelles ». G. LE BOTREF, Construire les compétences individuelles et collectives

Ainsi, les réponses étant très subjectives, je constate qu'il y a des réponses conformes au cadre conceptuel et d'autres non. Parmi les réponses conformes, je retrouve la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique. Grâce à son approche au plus près des malades, c'est lui qui les connait le mieux. Il peut l'utiliser pour favoriser la communication en s'appuyant sur une attitude empathique, sur l'écoute active qu'il maitrise. Mais aussi pour le bien-être et la confiance du résident afin de le guider le plus facilement lors des soins. Dans les réponses non conformes : la notion d'inter professionnalité et la limite du temps.

Synthèse Les réponses sont très subjectives concernant la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique. Cela dépend du bon vouloir de l'infirmier et des représentations qu'il a de la

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musique. Pour certains c'est un soin, pour d'autres c'est davantage une occupation. Il y a des infirmiers qui ne considèrent pas la musique dans leur domaine, qui disent qu'ils ne savent pas chanter. D'autres diront que la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique est une certitude. L'infirmier peut avoir sa place dans l'utilisation de la musique, notamment en collaboration avec l'équipe et dans la limite du temps qu'il dispose. La musique n'est pas considérée comme un élément thérapeutique qui rentre réellement dans la prise en charge infirmière. Cependant elles peuvent s'en servir comme outil de communication, de bien-être.

4 Les limites du travail et les difficultés

Limites dans la réalisation du travail

J'ai rencontré des difficultés lors de la réalisation de mes entretiens. Lors des prises de rendez-vous cela n'a pas été toujours facile car j'ai dû appeler de nombreuses fois avant de joindre la cadre qui me demandait ensuite de joindre la direction en envoyant ma demande par mail avec mon cv. En ce qui concerne les infirmiers, j'ai dû également prendre en compte leurs contraintes : visite d'établissement imprévu pour une infirmière qui a dû reporter mon rendez-vous ou encore rendez-vous pris avant 17h car après c'est la distribution des médicaments. Cela a donc pris beaucoup de temps pour obtenir mes rendez-vous. Deux entretiens ont été fait par téléphone, il m'était impossible de voir les expressions du visage de la personne. J'ai néanmoins eu la chance d'avoir des entretiens de qualité dans de bonnes conditions. Je n'ai pas pu assister à un atelier de musicothérapie étant donné la complexité de la démarche administrative. J'ai toutefois eu la chance d'obtenir un rendez-vous avec un musicothérapeute pour un entretien et pour qu'il m'explique le déroulement de ces ateliers.

Limites du sujet

Il est difficile pour les professionnels de différencier réellement les stades de la maladie. Les réponses peuvent être subjectives, approximatives à ce sujet.

Les professionnels qui n'aiment pas la musique, qui n'aiment pas chanter ou qui chantent mal ne sont pas intéressés et ne voient pas l'intérêt pour eux-mêmes. Ils parlent plutôt pour les autres infirmiers plus sensibles au sujet.

L'infirmier a un emploi du temps difficilement malléable. Il ne dispose que de très peu de temps disponible en EHPAD pour participer aux ateliers de musique.

La musique n'est pas considérée réellement dans la prise en charge infirmière.

Les recherches sur le sujet de la musique et de la maladie d'Alzheimer sont toujours en cours.

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5 Synthèse

J'ai réalisé une enquête de terrain pour répondre à ma problématique qui était « En quoi la musique peut-elle être un instrument infirmier favorisant la communication et le bien être avec les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer de stade sévère en institution ? ».

Pour cela j'ai interrogé 5 infirmiers et 1 musicothérapeute dans de bonnes conditions au travers de guides d'entretien. J'ai également préparé un atelier d'écoute de musique pour confronter discours et pratique. L'analyse s'est faite grâce à mon guide d'observation.

Les réponses obtenues aux différentes questions posées ont été riches ce qui montre l'efficacité des différents guides. J'ai réalisé une analyse par thèmes. Le cheminement de ma réflexion s'est fait progressivement au fur et à mesure de mon analyse par thèmes.

L'analyse du premier thème a permis de vérifier les difficultés de communication qui sont très présentes et les conséquences qui sont importantes. Les réponses obtenues ont mis en exergue le problème de santé publique étudié dans le cadre conceptuel. Deux nouveaux concepts, non étudiés dans le cadre conceptuel ont été mis en évidence : la dépendance du patient et l'impuissance du soignant. Cela me confirme la nécessité de trouver des stratégies de communication et donc l'importance de ma question de recherche en proposant un outil : la musique.

Puis dans le deuxième thème, j'ai cherché à déterminer les stratégies de communication utilisées par les professionnels. J'ai constaté qu'elles sont diverses et que chacun s'appuie sur celle qui lui convient le mieux (exemple de l'humour pour un infirmier). J'ai toutefois remarqué qu'il s'agissait principalement de stratégies de communication non verbales. J'ai relevé le concept de patience et de confiance qui sont importants dans la communication et dont je n'avais pas fait part dans le cadre conceptuel.

J'ai poursuivi mon analyse avec un troisième thème centré sur les activités proposées et leurs objectifs afin de favoriser la communication et le bien-être. J'ai repéré que les professionnels s'appuyaient principalement sur des activités sensorielles et que la musique est bien présente. Le quatrième thème a mis en évidence les effets de la musique sur le bien-être et la communication. Les professionnels reconnaissent et apprécient les effets de la musique. Il se serve parfois de la musique comme un outil de médiation. J'ai relevé le nouveau concept de « concentration » que je n'avais pas évoqué dans le cadre conceptuel. En effet je me rends compte que la musique permet aussi la concentration, l'attention des personnes. A ce stade je me demande si la musique peut être considérée comme un « complément thérapeutique ».

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Enfin l'analyse du dernier thème s'est centrée sur la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique. J'ai observé que l'infirmier peut en effet avoir sa place dans l'utilisation de la musique. Il peut également collaborer avec d'autres professionnels et dans la limite du temps qu'il dispose. J'ai ainsi exploré les concepts du temps et de l'inter professionnalité.

5.1 Question de recherche

A ce stade de ma réflexion, je mets en évidence :

Ø La limite du temps dont disposent les infirmières pour les activités musicales

Ø L'utilisation de l'outil « musique » par l'infirmier pour les malades Alzheimer dépend du bon vouloir de l'infirmier.

Ø Les effets de la musique comme un complément thérapeutique

Ø L'inter professionnalité, la collaboration des professionnels autour de la musique

Ø La limite des recherches qui sont en cours sur cette maladie et la musique.

Au début de ce travail de recherche, lors de mes situations d'appel, je suis partie avec deux idées : la musique et l'infirmier. Compte tenu de mes observations, je me suis demandée si l'infirmier pouvait utiliser la musique dans ses soins, en quoi la musique pouvait être un « instrument infirmier ». Mes recherches sur la musique en maison de retraite, m'ont guidé dans la réalisation de ce travail. J'ai compris que tout infirmier peut utiliser la musique en maison de retraite selon ses disponibilités, ses envies et dans la pluri professionnalité dans le but de favoriser la communication et le bien-être des personnes Alzheimer. Ce travail m'a permis de faire ressortir la limite du temps et la « non intégration » de la musique dans la prise en charge infirmière en maison de retraite. Ce travail m'a fait prendre conscience de la limite de la recherche scientifique autour de la « mémoire » : la recherche est toujours en cours. Enfin ce travail a mis en évidence les effets de la musique, je pourrais donc à présent évoquer la musique comme un « support thérapeutique ».

A ce stade de ma réflexion, je souhaite conserver mes deux idées : la musique et l'infirmier et me diriger dans un autre service afin de découvrir si l'instrument musical de l'infirmier peut « s'emporter ».

Je propose ainsi d'orienter ma question de recherche sur le service psychiatrique dans lequel les activités de musique, d'art thérapie sont parties intégrantes dans la prise en charge, les infirmières y participent. La limite du temps disparait puisque du temps « infirmier » est consacré à ces activités. Il y a la notion d'inter professionnalité que nous avons pu relever dans les établissements pour personnes âgées. Je retrouverai cette notion dans le service

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psychiatrique. Les infirmiers travaillent en équipe et se répartissent les activités, cela peut être en fonction de leurs centres d'intérêts, ils peuvent s'arranger entre eux (groupe musique, groupe peinture, groupe écriture etc.) La musique en psychiatrie rentre dans l'art thérapie et celle-ci est davantage considérée comme un soin, un complément thérapeutique, une prise en charge des patients, avec des objectifs précis et préétablis de la même façon que le musicothérapeute prépare ses ateliers (verbalisation du ressenti, concentration, attention, mémoire, déambulation, curiosité, écoute). En service de psychiatrie, à la suite des ateliers d'Art thérapie, les professionnels échangent oralement, puis l'infirmier fait des transmissions écrites selon son point de vue « métier ». Je choisis de garder la population gériatrique comme nous l'avons étudiée et de cibler une pathologie : la psychose maniaco-dépressive, et plus particulièrement le pôle dépressif (la musique étant contre-indiquée dans le pôle maniaque). En effet, en reprenant le cadre conceptuel, nous avons vu les différents pouvoirs de la musique, notamment celui d'induction de l'humeur. Nous avons vu que la musique permet d'exprimer librement ses émotions. Nous avons aussi parlé du circuit de la récompense. Tout cela tend à favoriser le bien-être et la communication dans le trouble dépressif.

Je formule ainsi ma question de recherche :

En quoi la musique peut-elle être un instrument infirmier dans les ateliers
thérapeutiques favorisant la communication et le bien-être des patients dépressifs au
sein d'une équipe inter professionnelle en service de géronto-psychiatrie ?

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry