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Apport des réseaux sociaux à  la conservation des savoirs locaux au Burkina Faso: cas de la parenté à  plaisanterie sur Facebook


par Seydou SOGOBA
Université de Cergy Pontoise - Master 2 Recherche 2019
  

Disponible en mode multipage

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MASTER 2 RECHERCHE
TECHNOLOGIE L'EDUCATION

Apport des réseaux sociaux à la conservation des savoirs locaux au

Burkina Faso : Cas de la parenté à plaisanterie sur Facebook

Présenté par : Sous la direction de :

SOGOBA Seydou Pr. Béatrice MABILON-BONFILS

1

2

A

Mes enfants

« Sur le chemin de la recherche du savoir, aucune difficulté ne devra entamer votre volonté d'atteindre le sommet. Aidez-vous de quelques sacrifices en affranchissant de temps à autre des Gourmantchés, des Bissas et des Samos, vos biens intarissables ? ? ?»

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Résumé

Cette recherche est une étude exploratoire sur la pratique de la parenté à plaisanterie(PAP) sur Facebook(FB). Pratique traditionnelle profondément ancrée dans la société Burkinabé, il lui est attribué la capacité de rapprocher les peuples pour un mieux vivre ensemble. Dans un contexte de modernité fait parfois de remise en cause des valeurs endogènes, nous avons voulu comprendre comment cette pratique fondée sur l'humour aux origines ancestrales peut résister encore en s'exportant sur FB.

Pour y parvenir nous avons procédé par une recherche documentaire, effectué des entretiens et analysé des fils de discussions des réseaux de PAP sur FB. Les résultats obtenus révèlent une présence effective de la pratique sur FB marqué par une multitude de groupes et un engouement certain. FB se présente donc comme une grande opportunité pour promouvoir et conserver la pratique. Cependant le numérique en plus de ne pas être accessible à tous, n'est pas à mesure de traduire toute la substance de ce phénomène social qui pour être efficace se fonde sur l'oralité et l'expression corporelle. Les perspectives pourtant laissent à croire que la contribution de FB à l'essor de la PAP ira en croissant. Et ce à travers les ponts que les praticiens essaient de tisser entre les partages sur la toile et les activités en temps réel.

Mots clés : Facebook, Parenté à Plaisanterie, réseaux sociaux numériques.

ABSTRACT

This research conducted as part of the Master 2 in Educational Technology at Cergy Pontoise University is an exploratory study on the practice of joking kinship (PAP) on Facebook (FB). Traditional practice deeply rooted in Burkinabé society, it is attributed to it the ability to bring people together for a better life together. In a context of modernity sometimes questioning the endogenous values, we wanted under the direction of Professor Béatrice Mabilon Bonfils to understand how this practice based on humor with ancestral origins can still resist by exporting to FB.

To achieve this, we conducted a literature search, conducted interviews and analyzed threads of PAP networks on FB. The results obtained reveal an effective presence of the practice on FB marked by a multitude of groups and a certain craze of practitioners. FB is therefore a great opportunity to promote and keep the practice. However, digital technology, in addition to not being accessible to all, is not able to translate all the substance of this social phenomenon which, to be effective, is based on orality and bodily expression. Prospects, however, suggest that FB's contribution to the growth of the PAP will grow. And this through the bridges that practitioners try to weave between web sharing and real-time activities.

Keywords: Facebook, Joking relationship, digital social networks.

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Remerciements

Au terme de cette recherche qui constitue à ce jour une des meilleures expériences de ma vie, il me plaît d'exprimer toute ma reconnaissance et mes sincères remerciements au professeur Mabilon-Bonfils qui, en dépit de ses multiples occupations, a accepté de diriger ce mémoire. Sa disponibilité et son expérience m'ont permis de ne pas renoncer à des moments où les difficultés semblaient prendre le dessus sur mes ambitions.

Je salue et remercie les professeurs, l'ensemble des tuteurs et le personnel administratif pour la qualité de l'encadrement et l'attention.

Je voudrais de façon singulière remercier, Mme Violaine Caporassi, M. René Tiénin et Dr. Idrissa Goubgou pour leurs conseils et encouragements.

A mon épouse, mes enfants, mes frères, mes amis, et aux promotionnaires, j'exprime mes vives reconnaissances pour les encouragements.

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Table des matières

Résumé 3

Remerciements 4

Acronymes 6

Liste des tableaux 7

Liste des captures d'écran 7

Liste des annexes 8

Introduction 9

PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE 10

CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTERATURE 10

1. Facebook, qu'est-ce que c'est ? 10

2. Les savoirs locaux 15

3. La parenté à plaisanterie, qu'est-ce que la littérature en dit ? 17

CHAPITRE 2 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE 22

1. Problématique, hypothèses et objectifs de l'étude 22

1.1. De la problématique et des questions de recherche 22

1.2. Des hypothèses de la recherche 23

1.3. Des objectifs de l'étude 23

2. Fondements théoriques 23

3. Cadre Méthodologie 27

DEUXIEME PARTIE : TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNEES 32

CHAPITRE 3 : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS 32

1. Des données de la recherche documentaire 32

2. Des résultats de l'entretien 37

3. Des fils de discussions 40

4. Tableau comparatif entre la pratique en présence et celle sur FB 43
CHAPITRE 4 : DISCUSSION DES RESULTATS ET PERSPECTIVES DE

L'ETUDE 45

1. DISCUSSIONS 45

2. LIMITES ET PERSPECTIVES DE L'ETUDE 47

CONCLUSION 48

BIBLIOGRAPHIE 50

ANNEXES 52

Acronymes

CNRST : Centre national de la recherche scientifique et technologique

FAO : fond des nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

RSN FB PAP TAR TCI TIC

: Réseaux Socio Numériques

: Facebook

: Parenté à Plaisanterie

: Théorie de l'analyse des réseaux sociaux

: Théorie des Comportements Interpersonnels

: Technologie de l'information et de la Communication

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UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture

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Liste des tableaux

Tableau 1 : récapitulatif de l'échantillon choisi

Tableau 2 : typologies de la parenté à plaisanterie

Tableau 3 : rôle et fonctions de la parenté à plaisanterie

Tableau 4 : terminologie consacrée à la pratique sur Facebook

Tableau 5 : éléments de comparaison pratique en présence versus pratique sur Facebook

Liste des captures d'écran

Capture 1 : entête d'une page FB de Parenté à plaisanterie

Capture 2 : début d'un fil de dsicussion,message principal suivi de quelques commentaires Capture3 : groupe Yaadces vs Gulmantche, message texte d'un gulmantche

Capture 4 : groupe gourounsi vs bissa, message texte d'un bissa

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Liste des annexes

Annexe 1 : tableau exhaustif des alliés à plaisanterie au Burkina Faso Annexe 2 : listes des sites recensés sur internet

Annexe 3 : Guide d'entretien

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Introduction

Au Burkina Faso comme dans plusieurs autres pays de l'Afrique, la parenté à plaisanterie(PAP) est une pratique traditionnelle profondément ancrée dans les moeurs. Connue pour sa capacité à rassembler les hommes et à donner du sens à la diversité, la parenté à plaisanterie semble avec la modernité perdre son lustre d'antan. Pire l'avènement des nouvelles technologies a ravivé les inquiétudes des détenteurs de la tradition quant à la disparition de cette valeur culturelle. En effet l'attachement tout azimut de la jeunesse à internet et de façon singulière aux réseaux sociaux numériques(RSN) donne à croire que le cordon sera rompu entre la génération future et les savoirs locaux, symboles de son appartenance culturelle. La réalité des réseaux sociaux, notamment celle de Facebook(FB) avec sa grande capacité de rassemblement et ses outils de partages semble relativiser les inquiétudes quant à la survie de la PAP dans la modernité.

Les milliers d'individus qui visitent quotidiennement FB se contentent ils du plaisir qu'il offre sans y exporter des aspects de leurs cultures ? A cette étape déjà nous pensons pouvoir postuler que non ! C'est du reste ce que nous tenterons de vérifier en initiant cette investigation sur le rapport qui existe entre Facebook et la pratique de la Parenté à plaisanterie. A cet effet notre sujet s'intitule ainsi qu'il suit : Apport des réseaux sociaux à la conservation des savoirs locaux au Burkina Faso : Cas de la parenté à plaisanterie sur Facebook

La restitution de notre travail de recherche comporte principalement deux parties :

? la première se constitue des aspects théoriques à savoir la revue de littérature, la problématique, le cadre théorique, et le cadre méthodologique ;

? la seconde partie se compose de l'analyse et de l'interprétation des résultats, suivies des perspectives sur lesquelles s'ouvre l'étude.

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PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

La première partie du mémoire est composée de la revue de la littérature, de la problématique, des fondements théoriques de la recherche et de la méthodologie suivie.

CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTERATURE

En vue de nous faire une idée de l'état des connaissances sur notre thème de recherche, nous avons effectué des lectures dont nous rendons compte dans cette rubrique. Notre revue de littérature est constituée de la présentation de Facebook, d'une description du concept de savoir locaux et celui de parenté à plaisanterie.

1. Facebook, qu'est-ce que c'est ?

Les réseaux sociaux sont devenus grâce à internet, partie intégrante de la vie des êtres humains. Un site de réseau social est un système de «services qui permettent aux individus de construire un réseau public ou semi-public au sein d'un système lié ; de définir une liste d'autres utilisateurs avec lesquels ils partagent une connexion ; d'afficher et parcourir la liste de leurs connexions et celles faites par d'autres au sein du système » (Caroline Vallet, 2012, p5). Leur influence aujourd'hui touchent tous les domaines d'activités (politique, économie, stratégie militaire...). Les réseaux sociaux sont nombreux avec des activités diverses mais leur ambition commune est de réunir des personnes humaines autour d'intérêt individuel et collectif (Caroline Vallet, 2012, p4). Parmi ces réseaux, Facebook se distingue par sa popularité et le nombre de ses visiteurs. Selon Caroline Vallet (2012, p4), Facebook est le site le plus populaire, qui connaît une incroyable ascension (devant My Space). En effet, ce sont plus de 400 millions d'usagers actifs, dont70% se trouvent hors des États-Unis d'Amérique. Ce sont environ 60 millions de statuts mis à jour quotidiennement. En moyenne, un utilisateur compte environ 130 amis sur son profil et envoie près de 8 demandes d'amis par mois. Le profil selon (Alexandre Coutant, Thomas Stenger, 2010. p.5) est

« une narration par laquelle on présente sa face et dont le vocabulaire et la syntaxe sont constitués par les activités en ligne. Cette construction commence dès l'inscription au moment où l'individu remplit les quelques renseignements qui apparaitront dans l a partie «infos». Elle ne fait ensuite que se développer à chaque nouvelle action de l'individu

qui vient allonger le fil d'actualité (mini-feed). Ainsi s'illustre parfaitement l'aspect processuel, multi-facette et narratif de l'identité »

Ces chiffres qui datent de 2012 sont sans cesse en évolution et s'expliquent par le fait que Facebook est ouvert à tout le monde sans exception, et sans coût supplémentaire, sinon le prix d'une connexion Internet.

Au regard de son palmarès, on peut dire que Facebook est la vedette des réseaux sociaux des temps modernes. Mais selon certains auteurs, l'histoire de Facebook pourrait être rattachée à des origines anciennes. En effet dans son article « le poids du prestige », Brigitte Munier(2011) fait un rapprochement du réseau avec le Kula1. L'auteur part d'abord du postulat que sur la toile, l'expression et la promotion du moi exigent un public, aussi l'interaction conditionne-t-elle l'existence de la civilité numérique2. Elle essaie ensuite de montrer que Facebook constitue un exemple privilégié de la dialectique articulant l'individualisme au communautarisme en une dynamique rappelant le kula. Pour elle, « comparer une plateforme plébiscitée par quinze millions de français en 2010 à des échanges rituels intertribaux contribuera à souligner sa capacité à répondre à des besoins socio-culturels anthropologiquement attestés ». Elle parvient à la conclusion que le Kula et Facebook ont en commun de constituer un amplificateur du statut social de leurs membres et un moteur de leur construction identitaire puisque chaque sujet, soucieux de son mana ou de sa réputation, veille à la qualité de ce qu'il offre ou expose. Le don appelle un contre don supérieur selon une dynamique de surenchère qui constitue le fondement de ce type de sociabilité, car il permet de situer le rang ou l'aura de chacun selon une forme d'ajustement. Rapprocher ces deux phénomènes souligne l'ancienneté de la volonté de l'homme de se faire valoir par sa présence.

Parler de Facebook revient généralement à s'interroger sur la façon concrète de construire sa présence en ligne. Antonio.A.Casili(2012) en donne la réponse. Sur la base d'une analyse théorique et d'une expérience conduite sur Facebook, ce sociologue montre comment la structure des communautés sur internet et les pratiques de leurs membres évoluent conjointement.

Pendant une période de cinquante jours, l'auteur observe la manière dont diverses modalités de présence dans un profil d'utilisateur finissent par influencer de manière différente les structures sociales reliées à ce profil. Facebook est choisi comme terrain

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1Le Kula (cercle en langue mélanésienne) décrit par Marcel Mauss est un système archaïque de dons et de contre-dons observé dans les îles Trobriand à l'ouest du Pacifique.

2Tout internaute est invité à étiqueter (tagging), noter (rating), référencer ou commenter les productions des autres qui, en retour réagiront aux siennes.

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pour l'expérience à cause de son caractère de médium généraliste. L'article de Casili fait l'historique de Facebook en évoquant sa création en 2004 comme «trombinoscope virtuel» pour les étudiants de Harvard et les transformations subies du point de vue de la participation des usagers que de la diversification des fonctionnalités. Mais un aspect est resté inchangé, l'algorithme appelé Edge Rank qui classe et interconnecte des profils. Chaque utilisateur a une fiche personnelle contenant une adresse électronique, une photo, une liste d'amis et une courte description de ses goûts et activités. L'algorithme de Facebook permet de connecter le profil de chacun de ses membres à celui de personnes proches, de collègues, de vieilles connaissances perdues de vue et, parle un intermédiaire, de former de nouveaux liens avec des inconnus. Dans ce contexte, un« ami» n'est qu'un usager auquel on accorde l'accès à des contenus spéciaux (textes, liens internet, musiques), afin d'améliorer sa position structurale. On peut donc s'accorder avec Caroline Vallet (2012) pour en déduire que les amis Facebook ne représentent pas forcément le cercle d'amis conventionnel d'une personne. Plus il aura accès à davantage d'informations, plus il sera influent, plus ses actions auront un poids plus important. On en déduit donc qu'en « améliorant sa présence via son profil, un utilisateur pourrait maximiser son capital social». A l'issue de cette expérience sur Facebook, l'auteur abouti à la double dynamique qu'il nomme «co-évolution» et selon laquelle la structure des réseaux s'adapte aux membres et les membres s'adaptent aux changements de la structure.

Un autre auteur qui s'est intéressé à l'histoire de Facebook est Franck Rebillard. Il tente de faire la genèse d'un projet dont la progression fulgurante trahie les conditions dans lesquelles il est né. En effet lorsque Mark Zuckerberg, à peine diplômé de Harvard met sur pied une version numérique du «trombinoscope» de son université en 2003-2004, rien ne présageait, que Facebook qui rassembla au départ des étudiants d'un même établissement, verra son succès grandir aussi rapidement pour l'amener à s'étendre au monde entier. Selon l'auteur, les opérateurs justifieront cette ouverture par la nécessité du partage entre les usagers.

Ainsi Facebook se présente désormais comme un espace d'échange et de mise en commun pour les internautes. C'est du reste ce que laisse apparaitre Mark Zuckerberg lui-même dans le bilan de l'année 2009 en ces termes : «Ce fut une grande année pour l'ouverture et l'interconnexion du monde. Merci pour votre aide, plus de 350 millions de personnes utilisent Facebook à travers le monde afin de partager leurs existences en ligne.». Pourtant le plus fort était à venir et c'est ce qui ressortira des propos de Caroline Vallet(2012) qui soutient que par la multiplicité des informations qu'il possède sur d'innombrables personnes, le site Facebook possède un trésor économique et politique inimaginable et inestimable. C'est à juste raison que

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certains considèrent qu'il constitue le quatrième pouvoir sur la planète. Et sil'on s'en tient à cette thématique du partage et à la rhétorique de l'ouverture et de l'interconnexion, qu'elle légitime, on peut s'aventurer dans la recherche d'un sens à l'attachement que, la frange la plus active de la population(les adolescents) voue à Facebook.

? Facebook et les adolescents

Si le réseau Facebook a conquis le monde et ravis la vedette à d'autres systèmes semblables, son influence sur les adolescents semble être le plus marqué. Michel Marcoccia (2012.p.5), soutenant que l'usage majoritaire de l'internet par les adolescents est communicationnel, à travers l'utilisation de dispositifs de sites de réseaux sociaux, indique que la messagerie instantanée intégrée à Facebook est utilisée par 90 % des lycéens et 60 % des collégiens. Cette avis est soutenu par Dominique Pasquier(2010.p1) qui reconnait que l'adolescence étant marqué par le diktat des apparences, la norme du groupe ou l'appartenance à une culture, l'adolescent voit en internet un moyen de communication privilégié pour échanger, partager, s'exprimer, exister librement . ». Cette préoccupation est partagée par Johann Chaulet (2009) qui a mené des enquêtes sur les usages adolescents des tics. A l'issue d'une analyse des usages adolescents d'internet, l'auteur présente un point de vue personnel, reposant sur une expérience et une analyse approfondie préalables qui justifient les prises de position à l'égard d'un objet complexe et multiforme. Il essai de montrer comment ces usages articulent une volonté d'autonomie à l'égard des parents et un désir de créer du lien et de faire groupe avec les pairs. Cette perspective lui permet de questionner certains éléments importants du lien social des plus jeunes à l'heure de la médiatisation grandissante des pratiques de communication. Il parvient à la conclusion selon laquelle si l'adolescence pose problème dans ce qu'il ya de complexe dans son attachement à internet, cette relation est également le lieu privilégié d'observation de formes de sociabilité intensives et polymorphes. Les outils de la communication à distance occupent, un rôle considérable dans le quotidien des adolescents, pour lesquels la communication figure en bonne place parmi les activités extrascolaires. Et les adultes qui jouent un rôle légitime de régulation devraient le faire avec modération car dit-il « l'exploration et le hasard jouent un rôle important dans les nouvelles formes de compétences et de connaissances auxquelles ces technologies offrent accè » (Johann Chaulet, 2009, p10). Cette idée est soutenue aussi par Alexandre Coutant, Thomas Stenger (2010).

Ce qui nous permet de postuler que Facebook peut offrir des possibilités d'appropriation de connaissances.

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? Facebook et développement de compétences

Les réseaux sociaux peuvent s'avérer dangereux pour les adolescents mais cette situation ne devrait pas nous pousser à « jeter le bébé avec l'eau de bain », car soutien (Johann Chaulet, 2009, p10) «.... Il semble en effet qu'un certain nombre des compétences sociales que nous attendons de nos enfants, et qu'il leur faudra détenir, sont apprises en ligne par l'expérimentation, le jeu et le contact avec les pairs. »

Dans un dossier intitulé le «Web.2 à l'école» le site «cahiers pédagogiques» publie l'enquête de Audrey Guilbaud-Varachaud, professeure documentaliste sur les pratiques personnelles de ses élèves sur Facebook. Partant de la question centrale peut-on trouver un intérêt pédagogique à Facebook ?, elle monte un projet mobilisant à la fois histoire et techniques documentaires. Ainsi en octobre 2009, un questionnaire est distribué à une classe de 3ème incluant la connaissance de Facebook, la possession d'un profil, la régularité de la consultation du réseau et des questions sur les paramètres de confidentialité.

Le projet consista pour les élèves, regroupés en binôme de recenser trois à cinq événements des plus marquants et des plus significatifs dans divers domaines qui se sont déroulés entre 1914 et 2001. Ils résument ensuite chaque événement, expliquent pourquoi ils l'ont retenu en illustrant par des textes, images et vidéos. Enfin ils insèrent le tout sur Facebook le jour de l'anniversaire de l'événement.

A noter que le projet est intégré dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences, et permet de travailler, en histoire, la compétence « Situer et connaitre les grandes périodes de l'histoire de l'humanité ».

Reconnaissant que d'autres travaux fussent nécessaires pour répondre efficacement à la question, y a-t-il un intérêt pédagogique à utiliser Facebook dans les apprentissages des élèves ?, l'auteur conclut tout de même par ces résultats :

-l'apprentissage des dates en histoire devient ludique, mais tout aussi efficace du fait que le support est plus attractif,

-la publication numérique permet de mettre en valeur le travail des élèves,

-en travaillant avec Facebook, l'on peut répondre aux objectifs du socle commun et donner du sens aux apprentissages,

-en travaillant sur l'écriture et la maîtrise de la langue, l'autonomie et la responsabilité du citoyen, la formation à l'esprit critique et au « e-réputation », on développe une réelle éducation à l'information et à une culture numérique.

Et au regard même de ces résultats, l'auteur est convaincu que « Facebook, outil de communication utilisé par les élèves avant tout dans le cadre de leurs pratiques personnelles,

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peut donc aussi être investi dans le cadre scolaire pour former à un usage raisonné des nouvelles technologies. » (Johann Chaulet, 2009, p15)

Cette étude bien qu'ayant un champ réduit (une classe) présente des résultats intéressant quant à l'utilisation de Facebook orientée vers l'acquisition de connaissances scolaires.

La revue de littérature nous a permis de découvrir le phénomène Facebook sur trois aspects essentiellement. Sa popularité en tant que réseau social, son rapport avec les adolescents et la possibilité qu'elle pourrait offrir en matière de mobilisation des connaissances. La popularité le succès et son l'influence sur les adolescents ne font l'objet d'aucun doute aujourd'hui. Que l'on soit dans les pays développés ou en Afrique on s'accorde à dire que Facebook est le réseau social le plus populaire. Il est en pole position dans 127 pays sur 137 étudiés Ropars (2014) et dénombre plus de 900 millions d'utilisateurs actifs mensuels dans le monde (Fléchette 2015). Chez les élèves en France on affirme que Facebook est le plus connu des collégiens. (Stéphanie Lambert 2012). Seulement, malgré cette présence planétaire, les données scientifiques accessibles sur le réseau sont celles recueillies en occident. En effet en Europe et en Amérique plusieurs études ont déjà fait l'Etat de la question sous plusieurs angles. En plus des articles parcourus plus haut et à titre indicatif, on note Melle Faget Marie (2009) sur « réseaux sociaux et vie privée » ; Vaugeois (2006) qui traite de la dépendance ; (Anne Poux et al 2012) qui analyse les enjeux de Facebook et Flechette (2015) qui aborde l'usage. Par contre en Afrique et plus particulièrement au Burkina Faso les recherches en la matière ne sont pas légions. C'est du reste ce qui justifie en partie notre choix d'investiguer sur la thématique de Facebook dans un contexte de sous-développement, mais où les difficultés économiques ne semblent pas avoir d'influence sur la prospérité du réseau

2. Les savoirs locaux

De façon générale on entend par savoir locaux, l'ensemble des connaissances propres à un lieu, à une région, à une communauté. La littérature courante définit les savoirs locaux comme des systèmes de savoirs spécifiques à chaque culture ou société. Ces savoirs constituent la base du processus décisionnel dans tous les domaines et activités qui ponctuent la vie des communautés rurales. Ils sont connus sous plusieurs autres dénominations telles que « savoirs endogènes », « savoirs paysans », « connaissances autochtones » ou « Ethnoscience ». Ce sont les savoirs qu'une communauté s'est appropriée en les adaptant. On distingue les savoirs productifs et socioculturels, les savoirs réservés et démocratisés.

Pour l'UNESCO (2003), les savoirs locaux désignent les ensembles cumulatifs et complexes de savoir, savoir-faire, pratiques et représentations qui sont perpétués et développés par des

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personnes ayant une longue histoire d'interaction avec leur environnement naturel. Ces systèmes cognitifs font partie d'un ensemble qui inclut la langue, l'attachement au lieu et à la vision du monde.

La FAO (2005), en donne une définition conceptuelle en affirmant que les savoirs locaux sont un ensemble de faits liés au système de concepts, de croyances et de perceptions que les populations puisent dans le monde qui les entoure.

Selon Warren (1993), les savoirs locaux représentent l'ensemble des connaissances acquises par une population locale à travers l'accumulation d'expériences et l'interprétation de l'environnement dans une culture donnée. Il comprend les idées, les expériences, les pratiques et les informations qui ont été soit générées localement ou soit produites en dehors de la communauté, mais qui ont été transformées par la population locale et incorporées à travers le temps aux conditions culturelles agro-écologiques et socio-économiques locales.

Hountondji (1994) quant à lui, insiste sur l'aspect culturel en soutenant que, le savoir local est une connaissance vécue par la société comme partie intégrante de son héritage. Le savoir local représente le reflet des facteurs agro-écologiques et socio-économiques emboités dans les préférences et traditions culturelles. Tout savoir local est donc relatif à une culture.

En somme on peut retenir de toutes ces définitions que les savoirs locaux ou endogènes sont une façon de vivre (Batiste, 2002, p2). C'est aussi un ensemble d'expériences cumulées selon les termes de (Little Bear, 2009). Enfin l'African technology studies policy Network(2012) soutient que les savoirs endogènes constituent une source d'information pour la science. Ces définitions montrent aussi que des hommes ont eu le souci de découvrir ce que sont les savoirs locaux et continuent de s'interroger sur la question.

Mais l'intérêt de la communauté internationale pour les savoirs locaux est relativement récent (Nacoulima, 2012). En effet c'est seulement à partir de 1980 que des recherches vont mettre l'accent sur les raisons qui ont conduit à la marginalisation et à la négligence des savoirs locaux, particulièrement dans les pays en développement avec un héritage colonial. On note qu'auparavant les savoirs locaux étaient perçus comme des curiosités, voire de la superstition, donc contraires aux connaissances scientifiques. Pourtant selon B.E Dialla (2005, P.7), « les savoirs locaux ont été développés, pratiqués et transmis de génération en génération et ont fait leurs preuves. C'est sur la base de ces savoirs locaux que les populations rurales ont pu s'organiser, s'adapter et survivre dans des environnements bien souvent hostiles ». On reconnait par ailleurs que Gregory Knight(1974) avec son étude sur les pratiques agricoles des Nyiha en Tanzanie, est l'une des premières personnes à attirer notre attention sur la prise de conscience vis-à-vis des savoirs locaux. Etude à l'issue de laquelle cet appel a été lancé :

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«...la nécessité d'apprécier la pensée d'une société comme étant un corps de connaissance cohérent et rationnel, développé et prouvé pendant des temps immémoriaux, et légué comme culture à des générations successives... Il se pourrait même que les Nyiha ou d'autres groupes ethniques aient quelque chose à nous apprendre sur la nature» (Knight, 1974, p.260-261)

Depuis cet appel, il y a eu un regain d'intérêt dans les cercles académiques pour les systèmes

de savoirs locaux et le mode de vie des populations dites indigènes d'Afrique et d'ailleurs. Ce nouvel intérêt a créé un domaine diversifié de savoir qui a été tour à tour appelé Ethnoscience, Systèmes endogènes de connaissance traditionnelle, Connaissance d'environnement communautaire, Connaissance technique endogène, Science populaire, Ecologie populaire, Savoir local, Science villageoise, Connaissance locale endogène et bien d'autres appellations encore.

Leur champ de connaissances embrasse plusieurs domaines tels que l'histoire, la linguistique, l'économie, la sociologie, la politique, l'administration, la communication, les technologies énergétiques, la science des sols, de l'eau, du climat, la biologie des plantes, des animaux domestiques et sauvages, des insectes, la médecine, les systèmes de classification, le temps, l'artisanat, la religion. Dans tous ces domaines, chaque groupe social a développé un savoir pouvant atteindre un degré élevé de sophistication.

Un tel savoir semble si fiable que les sociétés traditionnelles l'ont exploité avec succès et pendant longtemps pour assurer la survie du groupe. Et l'on peut s'accorder avec Dialla (2005, P.7) pour dire que les savoirs locaux représentent ainsi un pan important de la culture des communautés rurales et constituent de ce fait, un capital qui a des vertus potentielles à même d'impulser le développement.

L'intérêt pour nous d'évoquer les savoirs locaux dans le cadre de cette étude réside dans le fait que la parenté à plaisanterie que nous nous proposons d'explorer à travers Facebook en fait partie.

3. La parenté à plaisanterie, qu'est-ce que la littérature en dit ?

La parenté à plaisanterie considérée comme un instrument de maintien de la cohésion sociale s'inscrit au nombre des faits culturels. Que savons-nous de ce phénomène dont l'origine remonte à des temps immémoriaux ?

Les cousinages de plaisanteries en Afrique de l'Ouest entre universalismes et particularismes, c'est sous ce titre que Etienne Smith(2004) écrit qu'il existe en Afrique de l'Ouest des cousinages de plaisanteries révélant de façon originale la tension, constitutive de la relation à l'autre, entre ethnocentrisme et tolérance, hiérarchie et conflit. Cette pratique selon lui est à la

fois confirmation « plaisante » de la différence par l'expression de stéréotypes et reconnaissance d'un trait d'union et lien de sympathie. Ces cousinages plaisants offrent l'exemple d'une « distance moyenne », combinant des éléments d'universalisme et de particularisme. Etienne Smith conclut ses propos par une importante invitation, celle de repenser les points de passage entre ces deux concepts. Tout en partant de l'aspect universel de la pratique, nous essayons d'envisager les changements que le phénomène peut subir avec le numérique dans sa particularité burkinabé.

Sur son site web, le ministère de la culture du Burkina Faso présente un célèbre article intitulé« La parenté à plaisanterie au Burkina Faso, 3Ethnicité et culture : l'Alliance à plaisanterie comme forme de culture ciment entre les ethnies au Burkina Faso ». On en retient que c'est un fait frappant dans le paysage culturel du Burkina Faso. Ce pays compte une soixantaine d'ethnies et, en dépit de cette diversité d'ethnies et de cultures, il règne un esprit de tolérance au sein des populations qui cohabitent paisiblement. C'est du reste ce que soutient Sissao (2004, p 1) en indiquant que la stabilité sociale du pays doit « moins à l'action politique qu'à la force d'institutions traditionnelles comme la parenté et l'alliance à plaisanterie », garantes de paix sociale et véritable « privilège historique ».

C'est l'occasion de souligner le rôle de la parenté à plaisanterie comme ciment entre les ethnies, entre les familles, entre les villages, entre les régions et qui finalement favorisent la cohabitation pacifique empreinte d'entraide mutuelle.

Si cette publication du ministère de la culture laisse voir clairement la pole position que cette pratique occupe dans la cohésion sociale au Burkina, elle invite comme bien d'autres écrits à aller plus loin dans la découverte du thème en lisant l'ouvrage de Alain Joseph Sissao4.

En effet dans son ouvrage intitulé « Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso. Mécanisme de fonctionnement et avenir » Alain Joseph Sissao dresse un tableau complet des relations à plaisanterie au Burkina Faso, tout en décrivant les apports des relations séculaires à la construction d'une société africaine moderne. La présence de relations à plaisanterie contribuerait à la stabilité sociale observée dans cette partie de l'Afrique de l'Ouest. C'est à juste titre que l'auteur qualifie cette institution de « privilège historique » (Sissao 2002 p. 16). Se fondant sur une série d'enquêtes menées dans les différentes provinces du pays l'auteur

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3 http://www.burkinatourism.com/HISTOIRE-La-parente-a-plaisanterie-au-Burkina-Faso.html

4 « Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso. Mécanisme de fonctionnement et avenir »,2002

explore les différentes modalités selon lesquelles se présentent les alliances et parentés à plaisanterie observables sur le terrain africain.

La première partie de l'oeuvre concerne le contexte historique et social de l'émergence des alliances et parentés à plaisanterie, la deuxième vise à l'analyse de leur fondement et de leur impact dans la vie sociale et dans la troisième sont envisagées les perspectives d'avenir dans le sens d'une « réappropriation de la tradition pour le futur », c'est-à-dire de la « modernisation » de ce phénomène. Pour nous, la question que cela suscite d'entrée de jeu c'est : le numérique permet-elle cette réappropriation ?

Pour ce qui concerne le rôle des alliances et parentés à plaisanterie, Sissao reprend l'ensemble des valeurs attribuées généralement au phénomène en les illustrant de maints récits : « purification, moquerie, injure, civisme, effet de défoulement (catharsis), entraide, solidarité, ciment social, portée éducative, vertu thérapeutique au sens où ce jeu permet de « faire le fou pour ne pas le devenir ». (Sissao 2002, p.37)

Ces fonctions dont parle Sissao, sont aussi évoqués par d'autres auteurs. Ainsi dans « Gens de parole », Sory Camara(1992), qui a entrepris une étude de différents aspects de l'alliance, retient que celle-ci « permet de canaliser les tensions éprouvées dans des rapports de parenté clanique et avec les alliés matrimoniaux ». Selon lui « le sanankuya5, à travers les échanges verbaux à caractères irrévérencieux entre alliés, établit une relation pacificatrice qui joue le rôle d'exutoire de tensions qui, autrement, dégénéreraient en violences ». A travers des codes de langage verbal et non verbal les populations alliées s'accorde à décrisper l'atmosphère même en cas de funérailles. Cette forme de métalangage soude les groupes sociaux et les groupes ethniques alliés.

Dans sa thèse sur les moose, « Essayer la folie pour voir, risque et prudence des moose » Damiba(1993) abonde dans le même sens en soulignant que le dakéére6 fait partie de la catégorie des discours appelés théâtralisations sociales. C'est ainsi que dans le cas d'un décès les alliés contribuent à « exorciser » les douleurs de leur allié en s'autorisant des insultes, en banalisant le mort et la mort. Ce qui du reste contribue à retremper la collectivité meurtrie dans la joie de vivre.

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5 Sanankuya,traduction de parenté à plaisanterie en langue Bambara

6 Dakéére, terme consacré pour designer la parenté à plaisanterie en mooré(langue des mossis)

Dans la seconde partie de l'oeuvre, Alain Joseph Sissao dresse la nomenclature concernant les relations à plaisanterie dans les différentes ethnies du pays, suivie d'une typologie des alliés à plaisanterie. Outre le rôle cathartique qu'on lui reconnaît, l'alliance à plaisanterie se présente comme une instance de réconciliation garante de stabilité sociale, puisque les conflits mis en scène se désintègrent d'eux-mêmes. Il s'agit aussi d'une « école de rhétorique », dans la mesure où l'individu doit apprendre à maîtriser l'art de la parole pour garder la tête haute face aux invectives publiques de ses alliés. L'auteur indique, pour chaque relation, le symbole qui la représente7. Il met en valeur la portée éducative de la parenté et l'alliance à plaisanterie, qui ont pour fonction de renforcer la cohésion sociale en prônant une certaine solidarité interethnique et une transmission des valeurs, en particulier l'art de « bien parler » et de savoir répliquer. Selon lui « Les faits qui sont à l'origine de l'alliance et parenté à plaisanterie ont, en fait contribué au raffermissement des relations sociales, interethniques, communautaires et régionales et ont été de puissants ferments de culture » (Sissao 2002 p. 110).

Dans la dernière partie, sont envisagées les perspectives de « réappropriation » du phénomène pour le futur ainsi que la possible modernisation des relations à plaisanterie. Comme le rappelle Alain Joseph Sissao (2002, p..), les relations à plaisanterie sont évolutives, continuant de se développer en fonction des rencontres et de l'histoire partagée. Parmi les apports de la pratique, la faculté de médiation est un élément fondamental qu'il faudrait pouvoir conserver dans la perspective d'un avenir harmonieux pour la nation tout entière.

Les propositions d'adaptation au monde d'aujourd'hui et qui se fondent sur la volonté d'unité nationale sont faites : ateliers d'initiations, « organisation de matchs de football et de soirées récréatives interethniques », création d'un enseignement des alliances et parentés à plaisanterie au sein du cursus scolaire et universitaire, confection de documents pédagogiques sur l'origine des alliances et parentés à plaisanterie, organisation de colonies de vacances entre régions « alliées à plaisanterie », institution d'une journée nationale, etc., pour « cultiver la différence ».

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7la boisson zom koom(littéralement eau de farine), symbole de l'alliance à plaisanterie entre les Moosi et les Samo ; les arachides évoquant l'alliance à plaisanterie entre les Bisa et les Gurunsi ; le haricot, symbole de l'alliance à plaisanterie entre les patronymes Traoré et Koné, qui se qualifient mutuellement de « mangeurs de haricots » , etc. Ainsi entend-on fréquemment les Gouin accuser les Lobi d'être des « mangeurs de chiens » et ces derniers se défendre en rétorquant que « les Gouin sont de grands buveurs de banji (vin de palme) »

Alain Joseph Sissao conclut ainsi que face à la « modernisation sauvage », au « clientélisme », au « népotisme », au « clanisme », au « régionalisme », il est impératif de « puiser à la source de la tradition pour ne pas perdre son identité » (Sissao 2002, p132).

L'auteur nous invite, à travers cet ouvrage, à envisager une modernité qui tienne compte des valeurs du passé en sachant conserver leur sens malgré les changements socioculturels.

Et en cela il a le soutien de Méké Meité(2004) 8qui dans son article « Les alliances à plaisanterie comme voie », évoque les possibilités d'un recours aux alliances à plaisanterie pour aider à résoudre le conflit ivoirien.

L'oeuvre de Sissao intéresse notre étude pas seulement en la quantité des informations qu'elle procure mais aussi et surtout en ce qu'elle insiste sur la nécessité d'une adaptation au monde actuel. Nous allons donc nous inscrire dans cette perspective en nous focalisant sur un aspect de la modernité qui n'est pas particulièrement évoqué dans l'oeuvre : la pratique de la parenté à plaisanterie sur les réseaux sociaux. Facebook participe-t-il à la réalisation des recommandations faites par l'auteur ?

Cette revue de littérature nous a permis de faire l'Etat des connaissances non seulement sur Facebook en tant que réseau social leader, sur les savoirs locaux vus de plus en plus comme facteurs de développement et support d'éducation mais aussi et surtout sur la parenté à plaisanterie, objet de notre étude. Ce parcours nous a permis de comprendre la capacité de Facebook à rendre facilement accessible des connaissances et des valeurs notamment dans le milieu des jeunes qui en sont les bénéficiaires privilégiés. Facebook apparaît donc comme un espace privilégié de diffusion d'un domaine marginalisé comme celui des savoirs endogènes et mieux un cadre de conservation et de transmission d'un grand acquis culturel de l'humanité qu'est la parenté à plaisanterie. Ce constat nous amène à nous interroger sur ce en quoi Facebook fait évoluer la pratique.

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8Méké Meité est Maitre de Conférences u département de lettres modernes à l'Université de Cocody à Abidjan en Côte d'Ivoire

CHAPITRE 2 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE 1. Problématique, hypothèses et objectifs de l'étude

Cette partie est consacrée à la description de la situation problématique, aux questions de recherches, aux hypothèses et aux objectifs de l'étude

1.1. De la problématique et des questions de recherche

Nous l'avons dit plus haut, plusieurs études se sont intéressées à différents aspects de la question et certaines se sont même inquiétées de la capacité de résistance de cette pratique culturelle aux mutations actuelles. La revue de littérature, montre que certains auteurs qui ont abordé la thématique insistent sur la nécessité de préserver la parenté à plaisanterie en travaillant à l'adapter à la modernité. De façon générale les propositions se focalisent sur les activités favorites9 des jeunes sans toutefois faire cas des réseaux sociaux (Sissao A ; 2002)

Dans ce monde moderne marqué par le développement de l'individualisme et la mise en cause de plusieurs pratiques traditionnelles, où la question de l'appartenance perd par moment son sens on est en droit de se demander si la parenté à plaisanterie peut trouver aux réseaux sociaux notamment en FB un espace d'expression. Et comme les sociaux numériques(RSN) constituent un symbole phare du monde moderne, il est donc loisible de s'interroger sur ce à quoi nous attendre lorsque la parenté à plaisanterie s'exporte sur Facebook. A l'heure où les rencontres virtuelles se multiplient et ou les échanges et les centres d'intérêts semblent faire fi de l'origine des individus, nous voulons comprendre à travers cette étude comment la parenté à plaisanterie se manifeste sur FB. Les traces de la pratique observées à travers les groupes sur Facebook parviennent elles à traduire sa vivacité ? En somme quelle changement la parenté à plaisanterie subit-elle avec le numérique ? Pour investiguer sur cette problématique nous sommes partis d'une question principale de recherche qui s'intitule comme suit.

Question principale de recherche

Quel changement Facebook apporte à la pratique de la parenté à plaisanterie ?

De notre principale question de recherche découlent quatre questions secondaires qui orientent notre étude à savoir.

Questions secondaires de recherche

Quel est le niveau d'ancrage de la parenté à plaisanterie dans la société Burkinabé ?

Quels sont les repères qui attestent que la pratique occupe une place importante sur FB ?

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9 Matchs de football, soirées récréatives, création d'un enseignement des alliances à plaisanterie...

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En quoi FB constitue un avantage à la réalisation des fonctions de la PAP ?

Quels sont les facteurs limitant l'expression de la PAP à travers FB ?

Ces questions nous ont permis d'émettre quatre hypothèses de recherche que nous vérifierons

à travers les résultats auxquels nous sommes parvenus.

1.2. Des hypothèses de la recherche

y' La PAP est une pratique qui intéresse tous les groupes ethniques du Burkina Faso

y' La multiplicité des groupes et la variété des thèmes traités témoignent de l'intérêt accordé à la PAP sur FB

y' De par sa capacité à faire fi du temps et de l'espace, FB est un outil qui fait progresser la PAP

y' L'aspect virtuel de FB et le caractère endogène de la PAP constituent des facteurs limitant la pleine expression de la pratique sur le réseau social 1.3. Des objectifs de l'étude

L'objectif global de la recherche est de rechercher au regard de ce qui se passe en temps réel ce que Facebook apporte de plus à la PAP

De façon spécifique, il s'agit de :

y' Présenter la pratique dans ses principaux caractéristiques y' Décrire la place qu'elle occupe sur Facebook

y' Montrer en quoi FB constitue une opportunité à l'expression de la PAP

y' Présenter les limites de la rencontre entre le virtuel et le réel

2. Fondements théoriques

Différents courants théoriques ont été proposés pour expliquer le phénomène d'adoption des technologies de l'information, tant dans une perspective individuelle qu'organisationnelle. Avant d'opter pour une théorie donnée il est nécessaire d'explorer plusieurs car comme le soutient Allison (1971), adopter un cadre théorique unique limiterait la compréhension du phénomène à une seule dimension tandis qu'un cadre conceptuel multiple apportera plus de richesse à l'analyse. Dans le cadre de cette étude, même si nous ne sommes pas à mesure d'en mobiliser plusieurs, nous tenterons de tenir compte du constat de Chau et Tam (1997), « lorsqu'on emprunte un cadre théorique, il est nécessaire de le raffiner et de l'ajuster en

fonction de l'objet d'étude afin d'en retirer une analyse plus sensible ». Ainsi essayerons-nous d'adapter le modèle retenu aux contextes de FB et de la parenté à plaisanterie.

Aussi avons-nous choisi d'explorer deux théories susceptibles d'être mobilisées dans le cadre de notre étude. Ce sont La théorie des comportements interpersonnels(TCI) et la Théorie de l'analyse des réseaux sociaux.

2.1. La théorie des comportements interpersonnels(TCI)

Plusieurs modèles théoriques ont été utilisés pour expliquer les comportements individuels dans le cadre de l'introduction des technologies d'information et de communication dans des contextes variés. Après avoir exploré quelques-uns et au regard de la particularité de notre sujet, nous avons perçu en la TCI est un modèle qui pourrait lui être applicable. La TCI est un modèle psychosocial qui a été utilisé afin de comprendre les comportements d'adoption des technologies de l'information, Triandis (1980). Cette théorie, qui englobe la plupart des variables10 déterminants individuels de l'adoption des TIC se distingue cependant de ces derniers par un plus grand raffinement des construits proposés. En effet, selon la TCI, un comportement possède trois déterminants directs à savoir l'intention, l'habitude et les conditions facilitant l'adoption. L'intention comportementale comporte, à son tour, quatre types de déterminants : les facteurs sociaux, les conséquences perçues (dimension cognitive de l'attitude), l'affect (dimension affective de l'attitude) et les convictions personnelles. La théorie des comportements interpersonnels a été employée par Thompson, Higgins et Howell (1991) afin d'étudier le comportement d'adoption des ordinateurs personnels au sein d'une organisation. Une autre étude (Limayem, Roy & Bergeron, 1994) a démontré que les facteurs sociaux, les conséquences perçues, les habitudes et les conditions facilitantes influençaient le comportement d'adoption de la technologie. Ces deux expériences nous consolident dans la pensée que la TCI peut aider à comprendre l'adoption de Facebook par les pratiquants de la parenté à plaisanterie pour véhiculer leur message. On pourrait donc retenir la TCI de Triandis (1980) non seulement parce qu'elle englobe les construits de la plupart des autres cadres théoriques utilisés pour comprendre les comportements humains, mais aussi parce qu'elle intègre des dimensions comme les valeurs personnelles et les rôles sociaux qui ne sont pas pris en compte dans les autres modèles. En outre, le modèle de Triandis comporte un aspect culturel qui aide à comprendre l'intention des générations actuelles à adopter le réseau social dans leur

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10 La diffusion des innovations(DI) de Rogers (1983 ; 1995) ; La théorie de l'action raisonnée(TAR) de Fishbein et Ajzen (1975) ; Le modèle de l'acceptation de la technologie(MAT) de Davis (1989)

pratique. Seulement dans le cadre de notre recherche cette théorie parait difficile à manipuler du fait de sa complexité.

2.2. Théorie de l'analyse des réseaux sociaux(TAR)

Dans le cadre de cette étude, deux constats essentiels nous poussent à explorer la théorie de l'analyse des réseaux.

Premièrement c'est l'expansion des usages des réseaux sociaux numériques (RSN ou sites de réseautage) portés par le développement de plates-formes techniques issues du Web 2.011, et également par l'engouement des diverses catégories sociales vers ce type de mises en communication médiatées.

Deuxièment, nous fondant sur l'affirmation Whinston (2008, p. 763) : « social computing in general manifests more of the social aspects as compared to computing aspects. », on peut supposer qu'en termes de perception, les RSN « tiennent plus du social que du technique ». Ainsi, bien que l'analyse des réseaux ne soit pas considérée par tous comme une théorie sociale homogène mais plutôt une stratégie d'investigation de la réalité sociale (Burt 1980)12, elle peut permettre de décrire aisément un phénomène social connu qui se manifeste dans un cadre nouveau, comme celui de Facebook dans le cas de notre étude. Dans l'exploration de la théorie de l'analyse des réseaux, nous privilégions l'approche relationnelle ou de la « cohésion sociale » qui met le point sur les connexions directes et indirectes entre acteurs. L'explication de certains comportements sociaux se fait donc en référence aux types de connexions qui s'établissent et sont fonction d'un certain nombre de facteurs, dont la densité, la symétrie, ou le sens directionnel des relations. Pour les adeptes de l'approche relationnelle cette dernière est plus à même de cartographier précisément les relations qu'un individu peut avoir avec un autre individu dans la société et qu'elle se conforme mieux aux techniques de recueil et d'analyse des données utilisées en sciences sociales.

L'approche relationnelle, aboutit a posteriori à l'identification de sous-groupes sociaux qui sont souvent décrits à la fois eu égard à leurs caractéristiques structurelles et culturelles. Cela principalement par ce que ces deux caractéristiques peuvent paraître liées dans la représentation que l'on se fait de la réalité sociale.

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11 Terme inventé par Dale Dougherty et popularisé en 2004 pour désigner « la nouvelle génération de site Internet et d'internautes qui utilisent des interfaces permettant d'interagir avec le contenu des pages ». Le passage au web 2.0, web communautaire et interactif, a multiplié les communautés virtuelles en diversifiant les possibilités de connections entre profils d'internautes et les types d'objets mis en partage.

12 « C'est plus un `paradigme', une `perspective `ou une `fédération d'approches'(...) qu'une théorie prédictive visant à produire des lois explicatives d'un phénomène social... sous certaines conditions ».

Hajer Kefidu(2010) se fondant sur M.Archer(1996)13 signale que la compréhension de la dynamique des usages des réseaux sociaux numériques nécessite la mise en place d'un cadre d'analyse qui explicite indépendamment chacun des éléments suivants, puis en étudie les interactions :

-l'utilisateur en tant qu'acteur social

-le cadre structurel

-le cadre culturel

-les spécificités propres des RSN.

Un tel cadre d'analyse permettrait de répondre à des questions telles que : qui utilise l'outil ? Pour quels usages ? Quelles en seraient les répercussions sur les mécanismes de communication et de coordination, le partage de l'information et de la connaissance à un niveau intra ou inter organisationnel ?

Dans cette optique en effet, on peut s'intéresser à la question de savoir si une plateforme de réseautage donnera lieu à un tissage d'« amis » analogue à celui qui a lieu dans le monde réel, ou si au contraire, des distorsions importantes ont lieu dans le réseau d'« amis virtuels ». C'est cette préoccupation à laquelle nous tentons de répondre dans cette recherche en essayant de voir ce qui change dans la parenté à plaisanterie dans le cadre du numérique avec le réseau Facebook. Hajer Kefidu(2010) quant à lui affirme que « ces derniers(les RSN) altèrent assez peu les modes d'interaction dans les réseaux sociaux réels ». Appliqué à notre sujet, on pourrait s'attendre à ce que la pratique de la parenté à plaisanterie sur Facebook soit assez proche de celle de la réalité.

2.3. Choix d'une théorie de référence

A l'issue de l'exploration des deux théories nous avons opté d'utiliser la théorie de l'analyse des réseaux sociaux numériques dans une perspective relationnelle inspirée de l'analyse des réseaux sociaux « physiques ». A leur image, les réseaux sociaux en ligne peuvent être définis comme l'ensemble des sites qui permettent de mettre en relation des personnes (ami, connaissance, collègue,) rassemblés en fonction de centres d'intérêts communs, comme par exemple les goûts musicaux, les passions ou encore la vie professionnelle. Les groupes constitués sur Facebook pour la parenté à plaisanterie rassemblent des personnes qui se sentent lier par ce phénomène social. Leur centre d'intérêt étant la parenté à plaisanterie nous espérons à travers l'analyse des réseaux vérifier ce que Facebook apporte de particulier à leur alliance.

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13 Dans « Culture and Agency : the place of culture in social theory »

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3. Cadre Méthodologie

Le cadre méthodologique présente la démarche que nous avons suivie pour mener la recherche. Elle prend en compte le champ de recherche, la méthode de recherche, la population et l'échantillon de la recherche, les techniques de collecte des données et le mode d'analyse.

3.1. La méthode de recherche

Nous avons opté pour l'approche qualitative dans notre recherche. La méthode qualitative vise à faire comprendre le sens que les acteurs donnent à leur expérience, à leur action, à leur comportement. Elle se fonde sur le sens que donnent les acteurs à la réalité, réalité construite par eux à travers leurs interactions dans le milieu. Le site de la recherche devient comme une école pour le chercheur qui apprend à partir des données recueillies. Une telle recherche se situe en milieu naturel, au coeur de la vie quotidienne qu'elle cherche à comprendre. L'approche qualitative se caractérise aussi par son échantillon restreint.

3.1.1. Le champ de l'étude

Notre revue de la littérature a montré que l'interaction entre différentes personnes par la plaisanterie est une pratique qui peut se rencontrer dans différentes localités du globe. Prétendre parler de cette pratique dans sa diversité peut paraitre prétentieux. De la même façon il est connu que le concept réseaux sociaux englobe plusieurs outils au nombre desquels Facebook. Aussi dans un souci d'efficacité, nous avons choisi de circonscrire notre champ d'étude au contexte du Burkina et de Facebook uniquement.

3.1.2. La population de la recherche

La population de recherche présente les différentes catégories de personnes susceptibles de participer à cette étude et qui objectivement ne peuvent pas tous être retenues. Dans le cadre de notre recherche la population est constituée non seulement des différents groupes ethniques, des chercheurs mis aussi des membres et administrateurs de réseaux Facebook faisant la promotion de la parenté à plaisanterie. Aussi importante que soit toute la population de notre étude, nous ne pouvions pas la considérer dans son entièreté. Nous nous sommes donc contentés des membres et administrateurs des groupes de PAP actifs sur FB.

3.1.2. L'échantillon retenu

Notre tâche consistant à examiner la pratique de la parenté à plaisanterie sur FB notre matière est essentiellement constituée des différents groupes dédiés au phénomène sur le réseau social. Les critères principaux sur lesquels s'est appuyée la constitution de l'échantillon sont :

-le type de PAP le plus représentatif en présence et sur FB. Ce critère a permis de retenir la PAP qui se pratique entre groupes ethniques ;

-les groupes ethniques les plus représentatifs en termes de nombre de locuteurs ;

-les groupes les plus représentatifs en termes d'audience sur FB.

Au total nous avons retenu quatre (04) groupes dont 1 administrateur et deux(02) membres par groupe. Soit en tout 12 personnes. Et pour chaque groupe nous avons déroulé un fil de discussions.

Tableau 1 : récapitulatif de l'échantillon

Nom du groupe

Nombre de participants

administrateurs

Membres

14Samo-mossi

1

2

15Gulmace-yaadce

1

2

16Bobo et peulh

1

2

17Gourounsi-bissa

1

2

Total

04

08

28

14 Les mossis ou moose constituent le groupe ethnique le plus représentatif en termes de nombre (51%) de la population du pays. Ils seraient venus du Ghana voisin pour occuper le territoire en combattant et en assimilant d'autres peuples. Les samos eux feraient partie des peuples autochtones de l'actuel Burkina Faso et auraient refusés de s'assimiler aux mossis. De nos jours aucun événement culturel ne se déroule chez les mossis sans que les samos ne soient représentés et vice versa.

15 Les gulmaces occupent la partie Est du pays. Ils sont aussi présents au Togo et au Niger. Certains historiens ont essayé d'établir un lien entre eux et les mossis mais les deux langues sont éloignées l'une de l'autre. Les Yaadces(parents à plaisanterie des gulmaces) sont des mossis occupant la partie nord du pays et parlant une dialecte différente mais compréhensible du Moore(langue des mossis) du centre.

16 Les Bobos est un groupe habitant l'ouest du pays, ils occupent la 2eme capitale du pays à laquelle ils ont prêtés leur nom (Bobo Dioulasso). L'un de leur mets locaux pour lequel ils subissent les railleries de leurs parents à plaisanterie(les peulh) est le plat de chenilles de karité. Les peulhs est sont des peuples nomades dont la principale activité est l'élevage surtout des bovins, leur zone de prédilection est le sahel burkinabé mais on les retrouve partout dans le pays. Leur langue parlée(le fulfuldé) vient en troisième position par le nombre des locuteurs après le Moore et le jula.

17 Les gourounsis forment un ensemble constitué de plusieurs groupuscules occupant principalement le centre ouest et le centre sud du pays. Les Bissas quant à eux occupent la partie Est sur une partie de la bande séparant le Burkina du Ghana, cet espace est dit être le premier royaume mossi. Y règne aujourd'hui encore une famille royale puissante.

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3.2. Technique de collecte des données

Selon Duchesne (1999), « la recherche des données se fait à partir de méthodes variées et en fonction de leur opportunité par rapport aux objectifs spécifiques de la recherche, à ses hypothèses et aux sources dont on dispose».

Dans notre travail, il s'agit de mobiliser des outils qui nous permettent d'apprécier la contribution au plan qualitatif. Nous avons recherché les documents écrits susceptibles de mieux éclairer notre problématique et soumis les personnes faisant parti de notre échantillon à des entretiens. Nous avons donc retenu la recherche documentaire, l'entretien et le suivi de fils de discussion.

3.2.1. La recherche documentaire

Lors du travail empirique, nous avons pu rassembler un certain nombre de documents sur le sujet en visitant aussi les centres de documentation et les bibliothèques disponibles. Ce qui nous a permis d'obtenir des données littéraires. La recherche documentaire s'est opérée à travers la lecture d'ouvrages généraux, des articles scientifiques et l'exploitation de liens sur internet en vue de faire le point des connaissances sur la question et pouvoir orienter notre recherche.

3.2.2. L'entretien

Comme le précise notre échantillon, des administrateurs et des membres de 4 groupes ont été soumis à des interviews. Le guide de l'entretien a été construit sur quatre rubriques essentiellement. La première rubrique concerne la connaissance et la perception des membres sur la parenté à plaisanterie ; la seconde est consacrée à la place qu'occupe la pratique sur FB ; La troisième partie questionne l'apport de FB à l'évolution de la pratique ; la dernière partie recueille les avis des participants sur les perspectives quant au rôle de Facebook dans la conservation et la diffusion de la parenté à plaisanterie. L'utilisation de cet outil se justifie par le fait que c'est une technique qualitative de collecte des données qui a pour avantages de créer une interaction verbale entre le chercheur et les participants ; sa flexibilité et sa souplesse permettent une expression libre du participant tout en offrant la possibilité au chercheur, de rebondir sur ses propos pour poser d'autres questions.

Pour la réalisation des interviews nous avons recouru aux outils de messagerie de FB à savoir Messager et whatsapp. Le choix de ces outils s'explique par les facilités qu'ils offrent d'entrer en contact avec le participant, épargnant ainsi le chercheur des longs déplacements.

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3.2.3. Analyse des fils de discussion

Il s'est agi ici de nous faire admettre dans des groupes Facebook pratiquant la parenté à plaisanterie afin d'observer directement le flux des échanges et de pouvoir par moment susciter des fils de discussions. Après avoir sollicité une invitation en tant que membre dans neuf(09) groupes, nous avons été accepté presqu'automatiquement dans quatre groupes puis dans deux(02) autres groupes une dizaine de jours plus tard et, dans un(01) groupe 1 mois plus tard. Cette approche était nécessaire non seulement pour les besoins de l'observation mais aussi pour faciliter l'entrer en contact avec les administrateurs et les membres des différents groupes avec qui nous devions mener les entretiens. L'objectif étant de rechercher et d'analyser les interactions entres les +utilisateurs qui reflètent la présence de messages véhiculant la parenté à plaisanterie sur Facebook, nous avons procédé par le recueil des traces. Est considérée comme trace dans le cadre de notre étude tout message posté dans le groupe et qui traduit une manifestation de la parenté à plaisanterie. Puisse qu'il s'agit d'investiguer sur une activité humaine dans un espace virtuel, nous avons pensé que la méthode d'analyse des traces serait la mieux adaptée. Cette méthode est, selon Giroux (1998), une méthode qui consiste à retrouver des traces pour « les analyser afin de reconstituer le portrait de l'humanité (...). Elle permet d'interpréter des traces de l'activité humaine...»

3.3. Brève description d'un groupe Facebook de parenté à plaisanterie

Dans un groupe Facebook de PAP on retrouve deux entités ethniques. C'est d'ailleurs l'esprit de deux groupes opposés qui donnera du sens aux échanges. En effet il manquera l'interaction si un groupe ethnique se retrouvait seul sur une page FB pour parler de la parenté à plaisanterie. Il arrive que plus deux groupes ethniques ne se retrouvent dans le même espace d'échange. Seulement dans ce cas l'interaction est limitée car affirme ADM2 « ..un groupe ethnique A peut être allié à un groupe B, à un groupe C et à un groupe D, mais il se trouve qu'il n ya aucune alliance entre B, C et D. c'est pourquoi je dis un tel groupe Facebook est difficile à gérer... »

Sur le plan de la présentation les pages FB ne présentent pas de grandes différences. Dans la quasi-totalité des groupes, la page est reconnaissable par :

-un titre qui précise les ethnies concernées : « parenté à plaisanterie les samos et les mossis » ; « Gulmantche vs Yaadces » etc

-une photo de profil qui généralement illustre parfaitement l'esprit d'humour qui soutend la parenté à plaisanterie ou l'idée de rapprochement des deux peuples

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-un message de profil qui rappelle l'esprit qui doit prévaloir dans les échanges. On note en exemples :

« Les objectifs de ce groupe est de permettre une bonne collaboration entre ces ethnies des échanges d'idées courantes NB-pas de pornographie svp-soyons sérieux-le responsable » (groupe parenté à plaisanterie Bobo/Dafing)

« Avis à tous les amateurs de viande de chien, de voleur de zoom koom, au mangeur d'arachide... Votre maitre vous parle. ce site est fait pour vous. Votre participation. »(groupe Samo/mossi)

Capture1 : entête d'une page FB de Parenté à plaisanterie

Commentaire :

Cette capture montre la page entête d'un groupe FB-PAP. On y voit le titre (Parenté à plaisanterie les Samos et les Mossi), la photo de profil qui montre un singe sur le dos d'un chien. Les mossis diront que les samos sont des « mangeurs de chien », tandis que dans l'imaginaire des samos la position du singe reflète la ruse des mossis.

4. Procédure d'analyse des données

Au regard de l'approche qualitative utilisée dans l'enquête, nous avons opté de procéder à une analyse thématique des données. C'est un modèle d'analyse inductif qui se prête au traitement des données qualitatives et favorise l'émergence des thèmes à travers les discours des participants. C'est pourquoi le dépouillement s'est fait par regroupement de réponses selon les rubriques du guide d'entretien. Les membres et les administrateurs identifiés ont été soumis au même guide. Aussi traitons-nous les données de façon globale tout en évoquant les réponses qui ont trait à l'administration des groupes lorsqu'elles apparaissent pertinentes.

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DEUXIEME PARTIE : TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNEES

Cette partie, consacré aux aspects pratiques de l'étude comporte trois grandes sections : la présentation et l'analyse des données ; la discussion et l'interprétation des résultats, assortis des perspectives sur lesquelles s'ouvre cette étude. Pour en faciliter la lecture et pour garantir la pertinence nous recourons souvent à des extraits de réponses sous anonymat. A cet effet, les outils de collecte ont été codés. Par exemple pour les administrateurs de groupes qui sont au nombre de 4, nous avons utilisé le code ADM. Et chacun est identifié par un chiffre : ADM1 pour le premier et ADM4 pour le quatrième. Pour les membres au nombre de huit, on lira MG1, MG2, MG3...MG8.

CHAPITRE 3 : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

Cette rubrique analyse respectivement les données de la recherche documentaire, celui des entretiens et enfin celles des fils de discussions. Pour les entretiens, l'approche choisie étant qualitative, nous procédons principalement par des synthèses des réponses obtenues par thème et conformément aux questions de recherche. Et pour donner plus de lisibilité aux résultats, nous présenterons certaines données dans des tableaux suivis de commentaires. Mais avant nous faisons une description d'un groupe FB-PAB.

1. Des données de la recherche documentaire

La recherche documentaire a permis de faire l'Etat de la littérature sur la parenté à plaisanterie. Cette démarche nous a offert les premières données sur lesquelles la suite de la recherche s'est fondée. Elle a de façon particulière aidé à renforcer notre compréhension de la pratique de la parenté à plaisanterie lorsqu'elle a lieu en temps réel.

1.1. Identification des formes de PAP aux Burkina Faso

La revue de la question nous a permis d'établir les formes de parenté et d'alliances qui suscitent ou admettent la plaisanterie. Trois grands groupes se dégagent : il y a la plaisanterie qui se passe entre des membres d'une même famille ; celle qui a lieu entre des alliés et afin celle moins formelle qui se passe entre des personnes d'une même génération.

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1.1.1. A l'intérieur d'une famille

Dans une même famille des liens sont établis de façon naturelle et qui autorisent la plaisanterie. Ce sont : entre les petits fils et les grands parents ; les neveux et les tantes ; les belles soeurs et les frères des époux...

1.1.2. Entre les alliés

Dans la société de façon générale les alliances existent entre deux ethnies ; entre deux villages ; entre deux quartiers ; entre des patronymes ; entre deux clans.

1.2.3. Entre personnes de même génération

C'est une forme qui passe souvent inaperçue mais il est fréquent de remarquer que des gens de même génération, de même promotion ou de même corporation s'insultent amicalement autant qu'ils s'assistent fraternellement.

Tableau 2 : typologies de la Parenté à Plaisanterie

Type

Acteurs concernés

A l'intérieur d'une famille

-les petits fils et les grands parents

- les neveux et les tantes

-les belles soeurs et les frères des époux

Entre les alliés

-entre deux ethnies -entre deux villages -entre deux quartiers -entre des patronymes entre deux clans

Entre personnes de même génération

-les anciens entre eux

-les jeunes

-personnes de la même corporation -personnes de la même promotion d'étude

Tableau adapté des données de Sissao(2002)

Le Burkina Faso possède une soixantaine de groupes ethniques avec des locuteurs en nombre plus importantes les unes que les autres. La recherche documentaire a révélé que la quasi-totalité de ces groupes s'inscrive d'une façon ou d'une autre dans la pratique de la parenté à plaisanterie (Sissao, 2002, p 169) voir tableau en annexe 1. Nous nous sommes donc intéressés à la PAP qui lie les groupes ethniques.

Tous les groupes éthiques étant pratiquement concernés, nous avons opté de nous intéresser aux groupes impliquant les groupes ethniques les plus représentatifs en nombre. On obtient ainsi par ordre décroissant les mossis18, les peuls, les gourmantché, les gourounsi, les bobos, les bissas

Les résultats obtenus révèlent qu'ils existent des liens de PAP non seulement entre les grands groupes ethniques mais aussi à l'intérieur même des groupes. Que ce soit à petite échelle ou à une échelle plus grande la pratique de la PAP s'appuie sur des fondements familiaux, historiques ou culturels

1.2. Des origines de la PAP au Burkina

La plupart des auteurs qui ont écrit sur la pratique ne donne pas avec précision ses origines. Néanmoins on peut retenir de Sissao(2002) qui s'appuie sur des devanciers (Griaule 1948, Mauss 1928, Radcliffe-Brown 1940) que les alliances et parentés à plaisanterie auraient pour origines :

-le mythe du pacte de sang entre deux groupes,

-le mythe de l'ascendance commune avant la « scission d'un groupe originel apparenté ». Que ce soit l'une ou l'autre, la pratique serait intervenue entre deux individus ou deux ethnies à la suite d'un pacte sacré scellé par des ancêtres, pacte fondé sur des relations amicales, des liens de non-agression, de respect, de solidarité et d'assistance mutuelle.

1.3. Les défis ou fonctions (enjeux)

De ce qui est attendu de la parenté à plaisanterie pour le bien être des humains on peut retenir trois aspects essentiels à savoir : un rôle de régulateur de tensions sociales, un facteur d'intégration des populations et un support d'entraide et de solidarité.

1.3.1. Le rôle de régulateur des tensions sociales

La parenté à plaisanterie intervient dans les mécanismes de prévention des conflits à travers : -la gestion sociale de tensions par le rire

Il s'agit de jeux oraux qui sont dans leurs formes humoristiques. Des plaisanteries pour rire, se divertir et se défouler. Pour les individus des groupes alliés, chaque fois qu'ils se rencontrent, ils font semblant d'entrer en conflit. Il s'agit aussi de contribuer à atténuer les pressions

34

18 Les yaadces constituent un sous-groupe des mossis mais au regard de l'importance de leur nombre et de la notoriété de leur alliance avec les gourmantchés, nous traitons de leur cas isolement.

psychologiques et aurait une vertu thérapeutique au sens ou la plaisanterie devient un jeu qui permet de jouer au fou pour prévenir la vraie folie (Sissao, 2002).

- la promotion de la paix entre les hommes

Dans la plaisanterie « L'on instaure de façon ostentatoire la guerre verbale et gestuelle pour ne pas arriver à la vraie guerre, destructive des biens et des personnes. »

L'objectif des attitudes des alliés est de permettre un « relâchement qui constitue une détente et une compensation nécessaire à la vie de groupe » (Mauss, 1928)

-la réconciliation entre les gens

Les plaisanteries qu'échangent les alliés contribuent à détendre l'atmosphère, à rétablir la confiance, toutes choses indispensables au dialogue. Pour plusieurs auteurs19burkinabés, ces relations sont une stratégie réparatrice de vieux conflits entre communautés. Le rôle de ces relations étant de panser ces plaies par le biais de la violence de type cathartique. Le mot `'esclave» est assez souvent utilisé pour désigner l'allié à plaisanterie dans les différentes langues. Une façon de ne plus revenir sur l'esclave réel ?

-l'offre d'un attrait à la vie

Chez les mossis du Burkina la plaisanterie embellie la vie. « Sans rakiire20, l'existence serait sans attrait » dit-on (Sissao, 2002). Ici on prend plaisir à taquiner et à se faire taquiner si bien que le phénomène se fait omniprésent dans les regroupements de personnes. On oublie même souvent les prénoms des individus pour les interpeler par leur ethnie d'appartenance21ou leur clan d'origine.

-la compassion à la douleur vécue par un allié

1.3.2. L'alliance et la parenté comme forme d'intégration nationale au Burkina Faso Les alliances et parenté à plaisanterie sont un langage, un moyen d'entrer en contact avec d'autres personnes, de créer des liens moins formels et moins chargés de lourdeur des civilités. Un allié à plaisanterie est une personne que l'on peut se permettre de déranger à tout moment. A travers les alliances à plaisanterie les populations du Burkina organisent leur intégration à plusieurs niveaux.

- Entre un groupe social et une ethnie

35

19Entre autres ; Kollin Noaga avec `'Le retour au village» ou Patrick G. Ilboudo avec `'Le procès du muet» ou encore Etienne Sawadogo avec `'La défaite du Yagha»

20 Parenté à plaisanterie en langue mooré

21 « samongan ! »(le samo) ; « silmiigan ! »(le peul) ; « sanyan ! »(le forgeron)

C'est le cas des forgerons et des Peuls. Le forgeron jouit d'une certaine considération sociale et son activité de producteur d'armes et d'outils aratoires fait de lui un homme craint et respecté. La seule voie pour lui faire des reproches est celle de la plaisanterie.

-Un métalangage et ciment entre les ethnies

A travers les enquêtes effectuées et les témoignages collecter par Sissao(2002), on pourrait affirmer que rares sont les ethnies22 au Burkina qui n'auraient pas de cousins ou alliés à plaisanterie.

- Un métalangage et ciment entre les patronymes23

De façon spécifique dans l'Ouest, au Sud et au Sud-ouest du Burkina les alliances entre les différents peuples se sont établis sur la base des patronymes.

- Un métalangage et ciment entre des entités géographiques

1.3.3. Favoriser l'entraide et la solidarité

Les alliances à plaisanterie jouent un grand rôle dans l'élaboration des réseaux de soutien social et communautaire. La question du réseau de soutien social rappelle toute la dynamique des interactions entre personnes et entre communautés. Le réseau de soutien social peut devenir très important dans un contexte où la socialisation se trouve en perdition. Cet élan de solidarité se justifie, se vit et se fait sentir dans l'intérêt accordé aux activités qui concernent un allié. La parenté à plaisanterie devient ainsi une école de civisme.

Tableau 3 : rôle et fonctions de la parenté à plaisanterie

Rôle de la PAP

Fonctions

régulateur de tensions sociales

-la gestion sociale de tensions par le rire

- la promotion de la paix entre les hommes

-la réconciliation entre les gens

-l'offre d'un attrait à la vie

-la compassion à la douleur vécue par un allié

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22Nioniosé/Yarsé ; Yarsé/Dapooré ; Nioniosé/Peuls; Yadsé/Gourmanthés ; Benda/Yarsé; Yarga/Yemdaado ; Benda/Sããba (forgeron ; Sããba (forgeron) /Yuuma ; Peuls/ Sããba (forgeron) ; Yarsé/ Sããba (forgeron) ; Yarsé/Marense (teinturiers d'origine djerma)

23Traoré/Koné ; Ouatttara/Coulibaly ; Cissé/Barro ; Diarra/koné ; Barro/Konaté ; Diarra/Coulibaly ; Traoré/Coulibaly ; Tioro/Tioro ; Tanon/Barro.

Rôle de la PAP

Fonctions

 
 

facteur d'intégration des

populations

- Entre un groupe social et une ethnie

-Un métalangage et ciment entre les ethnies

- Un métalangage et ciment entre les patronymes24

- Un métalangage et ciment entre des entités géographiques

support d'entraide et de solidarité

-enseignement informel du civisme -organisation d'activités d'intérêts communs

-assistance lors des événements heureux ou
malheureux

2. Des résultats de l'entretien

En rappel pour chaque groupe nous avons interviewe trois personnes par groupe retenu.

Les interviews se sont effectuées à travers chat Messenger ou whatsapp. Lorsque l'occasion s'est présentée, nous avons pu échanger avec certains participants en présentiel.

2.1. L'intérêt des groupes de PAP pour Facebook

A la question de savoir en quoi la PAP occupe une place importante sur FB, les interviewes ont cité :

-la présence de plusieurs groupes reflétant ceux qui pratique la PAP en temps réel. En croisant les groupes ethniques cités par les participants, on obtient mossi, samo, peul, bobo, gourmantché, gourounsi, bissa. Seule deux(02) personnes sur les huit(12) ajoute à cette liste dafing, zaoses, yaana.

-l'utilisation des groupes pour la mobilisation autour d'activités d'intérêts commun et d'assistance. Un des membres a insisté sur le fait qu'il obtient des informations sur les évènements qu'il ne pense pas pouvoir apprendre autrement.

37

24Traoré/Koné ; Ouatttara/Coulibaly ; Cissé/Barro ; Diarra/koné ; Barro/Konaté ; Diarra/Coulibaly ; Traoré/Coulibaly ; Tioro/Tioro ; Tanon/Barro.

-le nombre en perpétuel croissance des membres comme le précise l'administrateur ADM3 « ...nous sommes passés de 10 personnes au début à 400 personnes 12 mois après »

-la diversité socioprofessionnelle des membres, même si la qualité du membre importe peu les administrateurs se réjouissent que tout le monde s'intéresse à la pratique. Selon ADM2 on a

« Un peu du tout de jeunes mais plus d'adultes. Malheureusement les seniors se font rares. Pour les professions il y a des élèves, des enseignants, des juristes, des mécaniciens, des manoeuvres, des cultivateurs avec une expression approximative en français »

2.2. La contribution de Facebook à la promotion de la parenté à plaisanterie

? de la conservation des fonctions de la PAP sur FB

La quasi-totalité des interviewes pensent que la PAP conserve les même fonctions sur FB. En effet les participants arrivent à s'insulter, à se moquer pour faire rire, pour dénoncer, pour interpeler ou pour compatir. C'est du reste ce que ressort des propos de MH1 lorsqu'il affirme : « elle rapproche les peuples, éteint les tensions sociales, permet la détente par l'humour qu'elle

engendre ; dans les couples concernés, elle apporte de l'ambiance et la sérénité ; bref c'est un facteur de cohésion sociale surtout qu'elle permet également de dire la vérité, faire des reproches à quelqu'un sans que

cela ne le blesse »

On note aussi la capacité de la pratique à susciter l'engagement social et à résoudre des problèmes existentiels. A ce propos, une anecdote racontée par MG1 en dit long :

« ...elle sert à renforcer la cohésion sociale, aussi à travers la moquerie de l'autre on s'améliore par exemple un jour dans le groupe mossi/samo, un mossi a publié la devanture du marché de tougan25 un village samo qui était très sale et les mossi à travers les commentaires se moquaient. Mais l2 jours après le même a publié la même photo qui montrait le même marché cette fois ci bien propre et félicitait les samo pour leur action »

? des avantages qu'offre cet espace numérique pour l'évolution de la pratique

La synthèse des réponses montre que l'avantage de FB pour la PAP réside dans le fait que le numérique brise les barrières de temps, d'espace et même de nombre. Alors qu'en présence la pratique se déroule entre quelques individus en lieu et temps précis, à travers FB l'on peut être dans n'importe quelle partie de la terre, poster son message en s'adressant au groupe ou à plusieurs personnes. Le contenu peut être lu, relu et commenté à souhait.

Pour MH1 « élargissement du cercle des personnes avec qui on la pratique même si on se connait pas réellement ; même étant seul et connecté on peut la pratiquer (permet de tuer la solitude) ; agrandit le cercle de connaissances (autre manière de connaitre les autres et se faire de nouveaux amis) ; plus de liberté à dire ce que on veut ou ce que on pense ; on se détend ainsi même étant seul »

FB donne l'opportunité à ceux qui pratiquent la PAP en présence non seulement de vivre de nouvelles expériences, mais aussi constitue un espace de liberté pour tous ceux qui veulent découvrir de s'y mettre. On ne se pose plus de question à savoir si la personne qui s'adresse à vous est vraiment un allié traditionnel.

38

25 La plus grande ville de l'espace habité par les samos.

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Il y a aussi que le virtuel accroit la liberté dans les propos. Ici on se parle sans se soucier de l'âge ou de l'autorité de l'interlocuteur. C'est ce que soutient le participant MG7 lorsqu'il affirme « dans notre groupe une jeune fille gourmantché a écrit que le roi des yaadces la harcelle depuis longtemps et qu'elle demande de l'aide... ». Pourtant En temps réel, le moins âgé laisse généralement l'initiative de la scène à l'ainé et à l'autorité.

En outre FB donne la possibilité de revenir sur des scènes vécues par le biais de l'image, le son et la vidéo.

2.3. Limites (difficultés) de la rencontre entre la parenté à plaisanterie et Facebook

Les réponses des participants laissent apparaitre deux types d'insuffisances quant à l'expression de la pratique sur FB.

y' Des limites liées à FB

Même si FB défit l'espace et le temps, ils reconnaissent qu'il ne saurait traduire toutes les facettes du réel. Il n'autorise ni le contact physique ni le regard. MG6 affirme que la PAP ne s'exporte « Pas à 100% car fb est un espace d'échanges virtuel donc on n'a pas la possibilité par exemple de se tapoter comme certains le font dans la réalité (le contact physique n'existant pas sur fb). Sinon dans l 'ensemble on a les mêmes effets »

Les participants ont relevé aussi que l'accès à FB a des exigences au nombre desquelles le fait d'avoir un minimum d'instruction, posséder un artefact adapté et avoir les moyens de s'offrir une connexion internet. Certains concluent que ces aspects constituent des facteurs discriminatoires de fait, qui empêchent les analphabètes et les personnes démunis à vivre l'expérience. Les propos de ADM4 en disent long : « ...pour moi la PAP sur FB reste pour le moment

un luxe, combien sont-ils les Burkinabé qui possède un téléphone Android et combien mourront encore sans savoir lire les 26 lettres de l'alphabet à plus forte raison naviguer sur internet)

y' Des limites liées à l'essence même de la PAP

La parenté à plaisanterie est une connaissance pratique qui associe la parole à l'expression corporelle, aux gestes et à la teneur de la voie. Ce qui est difficile à faire paraitre dans le numérique. Un participant dit à propos : « lorsque je dis à quelqu'un `'méfies toi hein !» en criant et en serrant la mine, ce n'est pas la même chose que quand je dis `'méfies-toi» calmement avec un sourire ».

Les interviewés notent aussi le fait que la pratique prend un autre sens lorsqu'il y a des événements sociaux (décès, mariage, baptême). En effet la présence d'un parent à plaisanterie aucours d'un événement d'une famille alliée est toujours une occasion de faire revivre la pratique. Pour eux FB ne donne pas cette possibilité. Pour ADM1, un Samo « est descendu dans

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la tombe avant l'enterrement d'un chef mossi et a exigé d'être payé avant que le chef ne soit enterré, ce que la famille a fait »

3. Des fils de discussions

Pour accéder aux traces, il s'est agi pour nous de rechercher par mots clés et de façon des groupes et espaces réservés à la parenté à plaisanterie sur Facebook. Pour cette tâche nous avons une grille qui a permis de recueillir et enregistrer les dénominations les plus fréquentes, le nombre de groupes portant chaque dénomination et le nombre de membres. Nous avons ensuite pour chacun des quatre groupe retenu déroulé un fil de discussion.

Dans le cadre de cette étude un fil de discussion est composé d'un message principal et des commentaires.

3.1. De la variété des dénominations

A travers la recherche par mots clés que nous avons effectué sur FB, nous nous rendus compte de la diversité des appellations en français. Sur les 56 sites (voir annexe 2) recensés on est parvenu à des regroupements que nous présentons dans le tableau ci-dessous. Cette liste n'est pas exhaustive car la recherche était limitée dans un temps relativement bref alors qu'entre la fin de la recherche et le bouclage du mémoire bien d'autres groupes pourraient avoir été créés.

Tableau 4 : la terminologie consacrée à la pratique sur FB

Mots clés utilisés

Nombre de sites recensés

Pourcentage

Parenté à plaisanterie

42

75%

Cousin à plaisanterie

07

12.5%

Alliances/ alliés à plaisanterie

07

12.5%

Total

56

 

Tableau synthèse de la grille de recensement effectué par nous même à l'entame de la recherche

Ce tableau montre que sur FB différents termes sont utilisés pour designer la pratique. Notre recherche indique que le terme parenté est le plus employé (75%), suivi de cousin et alliance On constate généralement ces termes sont accompagnés de leur traduction en langue locale. 3.2. Des fils de discussion déroulés

Les fils retenus sont celles qui paraissent refléter le mieux l'esprit de la pratique et qui connaissent le plus grand nombre de commentaires. Il s'est agi pour nous après avoir identifié le fil, de le dérouler pour faire apparaitre tous les commentaires avant de le copier et coller sur une page Word. Afin de faire apparaitre certaines images photographiques ou des émoticônes nous avons par moment procéder à des captures d'écran. Lorsqu'on déroule les fils de

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discussion, l'information recherchée est vite saturée. En effet dès le troisième fil, on n'obtient plus de nouveaux éléments. On note que la quasi-totalité des fils de discussions suivent le même schéma. Sans doute celui qu'autorise la technologie de FB. L'analyse des fils de discussions retenus laisse apparaitre ce qui suit :

3.2. 1.De la structure d'un fil de discussion

-le message principal : généralement constitué d'un texte court, auquel est joint dans certains cas des photos ou des caricatures. Emis par un membre du groupe appartenant à une des entités et s'adressant directement à l'entité opposée.

-les commentaires, sont des réactions au message principal. Le commentaire vient soutenir ou répliquer

-le support utilisé

-la fonction exprimée

Capture 2 : début d'un fil de discussion, message principal suivi de quelques commentaires

3.2. 2.Des types de traces recueillis

Les traces recueillies et qui attestent de la présence de la PAP sont de diverses formes mais les unes plus présentes que les autres. Il arrive aussi que plusieurs canaux soient combinés pour faire passer le message. On note des traces :

42

- écrites : ce sont de courts messages écrits très souvent en faisant fi des exigences grammaticales et orthographiques

-photographiques : ce sont des images photographiques, des images sous formes de bandes dessinées qui rapporte une scène de parenté à plaisanterie

--sonores et vidéos : bien que rares, des enregistrements audio et vidéo qui mettent en scène des groupes alliés présentant des manifestations culturels existent.

Capture3: groupe Yaadces vs Gulmantche, message texte d'un gulmantche

Commentaire

Cette capture montre un message principal posté par un gulmantché, allié à plaisanterie des yaadcés. « Naaba Kiiba » est le nom de règne de l'actuel roi des yaadcés. Le message dit en substance que Dieu appelle le roi des yaadces autrement dit sa mort est proche et si ça se faisait pour l'allié ça sera la fête.

3.4. Du contenu des messages

Les messages sont faits :

-d'injures...

-de moqueries...

-d'interpellations...

-d'appels à l'aide...

Quel que soit le contenu le message engendre du rire ou un sourire illustrer par des émoticônes

(? ), des symboles

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Capture 4 : groupe gourounsi vs bissa, message texte d'un bissa

commentaire

DJ Arafat est un musicien ivoirien de renom qui a perdu la vie en debut août 2019 suite à un accident. Un membre de ce groupe exprime sa compassion à ses proches en affirmant qu'il aurait aimé voir tous ses alliés à plaisanterie mort à la place de DJ Arafat.

4. Tableau comparatif entre la pratique en présence et celle sur FB

La lecture croisée des différents résultats permet d'opérer une comparaison entre la pratique en

temps réel et son expression sur FB.

Tableau 5 : éléments de comparaison pratique en présence versus pratique sur FB

Eléments de comparaison

Pratique en présence

Pratique sur FB

Le cadre

-Cadre ouvert, naturel

-Espace numérique

Acteurs

-appartenir à un groupe

concerné

-pas besoin d'être initié, on pratique par l'exemple

-des personnes en présence, généralement se connaissent

-être accepté dans le groupe -Etre initié à l'utilisation de FB

-être à mesure de se procurer une connexion

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Eléments de comparaison

 

Pratique en présence

Pratique sur FB

Espaces et occasions

réservés à la pratique

-être présent -le village

-les cérémonies

-peu importe où l'on se

trouve et le moment choisi pour s'exprimer

-

Outils

-les paroles, l'expression

corporelle et faciale

-le rire, les cris, le silence -les gestes, les mimes

-des messages écrits, des

photos, des vidéos, des sons

-des émoticônes, des
caricatures, des symboles

 
 
 

Tableau conçu par nous sur la base des résultats de la recherche

45

CHAPITRE 4 : DISCUSSION DES RESULTATS ET PERSPECTIVES DE L'ETUDE

1. DISCUSSIONS

Cette section que nous consacrons à l'interprétation des résultats tient compte aussi bien des objectifs de l'étude, des questions de recherche, que de la théorie de l'analyse des réseaux sociaux(TAR) retenue comme fondement de la recherche. Nous procédons par une reprise de chaque question de recherche comme axe d'interprétation tout en faisant appel à la théorie comme moyen de lecture approfondie des réponses afin de confirmer ou infirmer les hypothèses.

1.1. De l'ancrage de la pratique dans la société Burkinabé

Les résultats obtenus et analysé confirment le fait que l'ensemble des groupes ethniques du Burkina est impliqué d'une manière ou d'une autre dans la pratique de la PAP. L'ensemble des interviewes soutient que ses fondements et le rôle qu'elle joue lui assurent un enracinement dans la vie quotidienne des populations. Les trois aspects du rôle que la parenté à plaisanterie(ressortis de l'analyse des résultats) est appelée à jouer paraissent essentiels pour la survie même d'une humanité en proie aux conflits. Pour une telle pratique la nécessaire adaptation à un monde en perpétuelle évolution conditionne sa survie. D'où l'intérêt de notre deuxième hypothèse qui postulait que la PAP jouit d'un intérêt certain pour les ceux qui la pratiquent sur FB.

1.2. De la place qu'elle occupe sur Facebook

On retient des propos des participants à l'étude que la plupart des groupes en présentiel se retrouvent aussi sur FB. Cela est vrai si l'on s'en tient aux groupes ethniques les plus représentatifs en termes de nombre de locuteurs dans le pays. En effet et comme l'a révélé le recensement des groupes et l'analyse des fils de discussions, cinq(5) groupes ethniques sont présents et actifs sur FB. Ce sont d'ailleurs ces groupes que les interviewés citent lorsqu'ils soutiennent que ceux qui la pratiquent en présence la pratiquent aussi sur FB. Pourtant le pays compte une soixantaine d'ethnies et la recherche documentaire a montré que toutes sont impliquées d'une façon ou d'une autre dans des relations de PAP en présence. On note néanmoins que les groupes identifiés, de par le nombre et la diversité socioprofessionnelle de leurs membres, de par l'engouement exprimé d'appartenance et de par leur capacité

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d'adaptation témoigne d'une présence attestée de la pratique sur FB et de l'intérêt qu'on y accorde.

1.3. De l'opportunité qu'offre FB pour l'expression de la PAP

La présence de la parenté à plaisanterie telle que decrite dans les données recueillies fait de FB non pas un simple média qui informe sur la pratique, mais un espace qui se prête réellement à une autre manifestation du phénomène. FB va d'abord permettre à des personnes concernées de vivre leurs traditions avec plus de flexibilité en tentant de rapprocher les pratiques virtuelles le plus possible du réel : les entités alliées accèdent à un même espace de partage en se reconnaissant par les différents patronymes ou en s'acceptant par le simple fait de la confiance; ils utilisent ensuite un langage bien qu'écrit, réflète ce qui se passe en temps réel(insultes, railleries, interpellations, moqueries...); l'interaction bien que limitée en intensité est présente à travers les commentaires et les repliques aux propos discourtois d'un allié. Le rire et les manifestations émotives qui caractérisent la pratique en présence sont traduites par des émoticones, des symboles: des mains qui saluent, des yeux qui s'écarquillent...

FB va aussi contribuer à rendre davantage populaire la pratique, par le truchement du reseau social la prenté à plaisanterie s'exporte partout dans le monde et reste accessible à tout temps dans l'historique des fils de discussions. On peut donc affirmer que FB, sans modifier le sens est un vecteur de conservation et de vulgarisation de la parenté à plaisanterie. Mieux il renforce la portée de la pratique en la rendant plus populaire.

Mais jusqu'où cette capacité reduit-elle la distance qui sépare le virtuel du réel?

1.4.Des limites objectives de la rencontre entre le virtuel et le réel

Quoiqu'efficace et attrayante, la pratique de la PAP sur FB, ne reste qu'une image, l'imitation d'un fait culturel qui en présence n'admet pas d'intermédiaire. Le numérique en effet n'autorise pas toute la convivialité propre au présentiel. La pertinence de la contribution de FB à la promotion de la pratique est relativisée par le fait que toutes les personnes concernées n'y ont pas accès de façon automatique. En effet la pauvreté, l'analphabétisme et la fracture numérique font que la pratique sur FB bien que ouverte demeure sélective pour les populations du Burkina Faso.

Le rire et l'expression corporelle qui caractérisent la pratique sont quasiment absents dans la pratique sur le réseau social. Les symboles et les émoticônes qui tentent de traduire la réalité ne permettent pas de vivre l'hilarité généralisée dans laquelle le public qui assiste à une scène de parenté à plaisanterie en présence peut se retrouver.

Enfin et en croire l'ensemble des participants, plusieurs personnes participent aux échanges mais ne connaissent vraiment pas les principes de la pratique. Il arrive que certains propos

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frisent l'irrespect ou soient jugés comme tels L'interviewée MG5 affirme à ce propos «.Je suis toujours dans deux groupes mais j'évite de participer aux échanges, « ...il y a des gens qui profite insulter réellement ou dire les vrais défauts des gens, je ne supporte pas ça ». De la même manière, dans certains groupes, la pratique semble être influencée par les pratiques modernes de l'humour dans lesquelles on s'autorise à parler aux gens sans se soucier si ce sont des alliés à plaisanterie.

De ce qui précède nous nous rendons à l'évidence qu'il existe une distance raisonnable mais infranchissable entre PAP en présence et PAP sur FB.

1.5. De notre lecture globale de la situation

De l'interprétation qui découle de l'analyse des données, nous notons de façon globale que la pratique est pleinement ancrée dans la société aussi bien historiquement que géographiquement. Cette situation justifie en grande partie qu'elle essaie d'occuper tous les espaces qui s'offrent à elle, dont FB. Comme quoi pour résister et pour survivre à la modernité la pratique doit s'intégrer à travers ses espaces de progrès.

FB offre donc la possibilité à la PAP non seulement de s'adapter à la modernité mais aussi de s'y promouvoir. Des limites existent et s'expliquent par les caractéristiques mêmes aussi bien de FB que de la PAP.

Cette lecture nous autorise à conclure de cette discussion que nos quatre hypothèses se trouvent vérifié dans les limites de l'utilisation des outils que nous avons mobilisés.

2. LIMITES ET PERSPECTIVES DE L'ETUDE

2.1. Des limites

La plus grande difficulté que nous avons vécue est celle liée au fait que nous n'ayons pas pu conduire la recherche d'un trait. Pour des contraintes de divers ordres, nous avons été obligés de suspendre la recherche plusieurs fois. Ce qui a créé des doutes par moment quant à l'aboutissement de la recherche. Cette situation a joué sur la non prise en compte dans notre exploration de certains aspects du fonctionnement des groupes sur FB. Ce sont par exemples le rythme de création des groupes, la variation du nombre des membres des différents groupes ou le niveau de représentativité des groupes les uns par rapport aux autres.

Il y a donc des raisons de penser que pour être complète une telle étude devrait prendre en compte plusieurs autres aspects du fonctionnement des groupes.

2.2. Des perspectives

Comme indiqué plus haut notre recherche bien que comportant une part d'inédit est loin d'avoir épuisé la question. Cette étude pourrait donc se poursuivre en mettant un accent sur l'évolution

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des groupes et la régulation des fils de discussions. Ces aspects pourraient contribuer à l'élaboration d'un schéma type des groupes de PAP évoluant sur FB et ce dans la perspective d'une exploitation pédagogique de ces groupes.

Il serait en effet approprié que le système éducatif du Burkina qui vient d'inscrire l'enseignement des savoirs endogènes dans la réforme en cours des curricula, envisage une exploitation de Facebook comme technologie à même de faciliter et accélérer les apprentissages.

Enfin des propos des participants on note des propositions qui vont dans le sens d'accroitre la présence de la pratique sur Facebook tout en travaillant à rapprocher le plus possible pratique en présence et pratique en virtuel. Ils suggèrent entre autres :

-d'encourager les intellectuels des ethnies les moins représentées à créer de groupes et les animer quel que soit le nombre des adhérents,

-de susciter des regroupements périodiques en présentiel des membres des groupes actifs vivant dans le même espace géographique pour renforcer la connaissance mutuelle

-l'organisation des activités d'intérêts communs et pour cela les responsables doivent utiliser l'espace qui leur est offert pour mobiliser les membres

CONCLUSION

A l'origine comme aujourd'hui encore la parenté à plaisanterie évite bien des conflits. Au bureau, dans la rue, en famille ou avec des amis, à l'occasion d'un mariage, d'un baptême, de funérailles, de travaux d'intérêt public, de résolution de conflits, la parenté à plaisanterie embellit la vie quotidienne et donne lieu à des situations incongrues. Dans le cadre de Cette étude nous nous demandions si cette tradition encore vivace qui consiste à faire semblant de créer un conflit avec le représentant d'une entité alliée ; ce pacte qui permet aux protagonistes de s'insulter, de se railler et de se bousculer à l'envi, sans risque de dérapage pouvait s'exporter efficacement sur la toile ? Pour y parvenir nous avons d'abord exploré les connaissances existantes sur la PAP avant de mener une enquête auprès des groupes dédiés à la pratique sur FB. Les résultats obtenus confirment que la parenté à plaisanterie s'adapte non seulement à cet espace numérique de rencontres qu'est FB mais aussi trouve en lui un instrument qui fait évoluer sa pratique.

A l'heure où les rencontres virtuelles se multiplient et ou les échanges et les centres d'intérêts semblent faire fi de l'origine des individus, nous avons pu comprendre à travers cette étude comment la parenté à plaisanterie se manifeste sur FB en s'efforçant à travers les fonctionnalités

qu'il offre d'imiter la réalité. Mais la réalité telle que nous l'avons découvert à travers les propos des participants et l'analyse des fils de discussion montre que la pratique sur FB n'est à mesure ni de remplacer la pratique en temps réel ni l'égaler de façon efficace.

Mais les perspectives sur lesquelles s'ouvre cette étude nous autorisent à croire que la présence de la parenté à plaisanterie ira en s'accentuant sur Facebook. Nous inscrivant dans le prolongement de l'appel du CNRST (1995 : 360)26, nous pensons que l'opportunité qu'offre Facebook devrait être prise en compte par le système éducatif formel dans le sens d'une appropriation attrayante de cette valeur endogène par les scolaires.

49

26« Il paraît opportun de les [les parentés ou alliances à plaisanterie] identifier, de les classer et de les analyser afin d'en tirer un meilleur parti ».

50

BIBLIOGRAPHIE

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Sessouma Dramane, « Les parentés à plaisanterie », in regard, N°37 du 21 au 27 juin 1993, pp8-11

52

ANNEXES

Annexe 1 : tableau exhaustif des ethnies alliées à plaisanterie au Burkina Faso

Groupe ethniques concernés

Groupes ethnique alliés

Espaces

géographiques concernés

Bissa

Gourounsi, yaadce, Samo

Centre Est

Birifor

Lobi, Gouin, Dafing

Sud-ouest

Bwaba

Peul, Sembla, dafing

Ouest

Bobo-dioula

Peul, sembla, dafing

Ouest

Bozo

Dogon

Sud

Dafing

Peul, bobo-dioula, bwaba

Ouest

Dagara

Siamou, sénoufo, djerma

Sud-ouest

Djan

djerma

Sud

Dogon

bozo

Sud

Fulsé

Gourounsi, goulmantche, bissa

Nord, sahel

Gourounsi

Bissa, djerma

Centre-ouest, centre-sud

Goulmantche

Yaadcé, kotokoli, djerma, peul, dagomba,

Est

Djerma

Lobi, djan, dagara

Est, sahel

Dioula

lobi

Ouest, sud

Lobi

Dioula, djerma, birifor

Sud-ouest

Mossi

Samo, samogho

Centre, centre sud, centre-est, nord, centre nord, centre ouest

Peul

Bobo mandarè, yarsé, bambara, maransé, dioussanbé, bwaba, bobo-dioula, marka

Sahel

Puguli

Dagara, peul, djerma, Bwaba, turka, senoufo,

Sud-ouest

Samo

mossi

Nord-ouest

Sénoufo

Dagara,lobi,djan

Sud

Sembla

Toussian, bobo-dioula

Ouest

Siamou

Djan, lobi, dagara, puguli

Ouest

Toussian

Sembla, lobi,dagara

Ouest

Turka

Dagara, lobi

Sud

Vigué

Peul,Bwaba

ouest

Ko

Djerma, peul, bissa, lagana

Sud

Yana

zaoosé

Est

Annexe 2 : liste des sites recensés sur FB

no

Nom du site

Nombre de membres

 

A L L I A N CE

 

01

Alliance interethniques et intervillage africaine

24114

02

Alliances à plaisanterie pour toutes les ethnies

381

03

Alliance à plaisanterie

25

53

no

 

Nom du site

Nombre de membres

04

Alliance à plaisanterie

09

05

A .I.B alliance à plaisanterie

1688

06

Alliance à plaisanterie Sinankounya entre les...

09

07

Alliance Cascade et Sud-ouest : parenté à plaisanterie

65

 

C O U S I N

 

01

Le coin des cousins à plaisanteries

65

02

Cousins et cousines à plaisanterie

2475

03

Sanakouya « cousin à plaisanterie »

1670

04

Cousin(es) à plaisanterie

8

05

Les cousins à plaisanterie des Ouendeno

24

06

SAMA KAL « cousin à plaisanterie »

Page communauté

07

Cousinage à plaisanterie (sinankouya)

184031

 

P A R EN T E

 

01

Parenté à plaisanteries

27625

02

La PAPLIE (la parenté à plaisanterie inter-ethnie)

87

03

Parenté à plaisanterie Rakiiré

466

04

Parenté à plaisanterie grande famille lobbi/

731

05

Au seuil de la parenté à plaisanterie

143

06

Parenté à plaisanterie au Burkina Faso

25

07

Parenté à plaisanterie

448

08

Parenté à plaisanterie samo mossi

449

09

Parenté à plaisanterie zorgho koupela

468

10

Parenté à plaisanterie (Bissa vs Yadse)

1160

11

Rakiire(parenté à plaisanterie)

739

12

Parenté à plaisanterie

318

13

Parenté à plaisanterie=liberté

436

14

Parenté à plaisanterie Bissa vs gourounsi

74

15

Parenté à plaisanterie SANA (

235

16

Parenté à plaisanterie

248

17

Parenté -A-plaisanterie

213

18

Parenté à plaisanterie

177

19

Parenté à plaisanterie TEMA/BOKIN

58

20

Parenté à plaisanterie (rakiiré) mossi/samo

41

21

Parenté à plaisanterie (rakiiré)

15

22

Parenté à plaisanterie

141

23

Parenté à plaisanterie (face à face) objet...

49

24

La parenté à plaisanterie (#bobo...)

571

25

Parenté à plaisanterie

453

26

Maha Yelma (parenté à plaisanterie)

31

27

Les faits divers-parenté à plaisanterie

377

28

Parenté à plaisanterie :koupela...

46

29

Parenté à plaisanterie(RAAKIRE)

306

30

Humour et parenté à plaisanterie au BF

 

31

Parenté à plaisanterie TEMA/Bokin

98

32

Parenté à plaisanterie Bobo, dafing et...

16

33

Parenté à plaisanterie

17

54

no

 

Nom du site

Nombre de membres

34

Parenté à plaisanterie : yadcés vs leurs...

57

35

Parenté à plaisanterie (mossi,s...)

1

36

Parenté à plaisanterie au Burkina Faso

18

37

Entre nous (parenté à plaisanterie)

 

38

Parenté à plaisanterie : senoufo-dagara

 

39

Parenté à plaisanterie (mossi-samo)

20

40

Parenté à plaisanterie bendre-yarga

8

41

Nanoro-yako (parenté à plaisanterie)

 

42

Parenté à plaisanterie yaana /zaoga

 

Annexe 3 : Guide d'entretien

Entretien à réaliser avec les administrateurs et les membres des groupes Facebook sur la parenté à plaisanterie

Ce guide d'entretien est élaboré dans le cadre de mon master en technologie de l'éducation à l'université Cergy-Pontoise. Voudriez-vous acceptez de m'accorder un peu de votre précieux temps afin de me permettre de recueillir votre avis de praticien sur la question. L'entretien se fera à votre préférence sur Messenger, Whatsapp ou en présentiel. Tout en vous assurant que les données recueillis ne seront traitées que dans le cadre de ce mémoire, je vous remercie d'avance pour la contribution.

GUIDE D'ENTRETIEN

I. Place de la parenté à plaisanterie sur Facebook

1. Quels sont les groupes qui pratiquent la parenté à plaisanterie sur Facebook ?

2. Qu'est ce qui caractérise la pratique sur FB ?

II. De l'apport de Facebook à l'évolution de la pratique

1. En quoi Facebook constitue un avantage à la promotion de la parenté à plaisanterie ?

2. Quelles différences y a t- il entre la pratique en présence et la pratique sur Facebook ?

III. Des limites de la pratique sur Facebook

1. Qu'est ce qui limite la pleine expression de la parenté à plaisanterie sur Facebook ?

2. Ya-t-il des risques pour la PAP à s'exporter sur Facebook ?

IV. Des perspectives sur la présence de la PAP sur Facebook

1. Comment voyez-vous l'avenir de la parenté à plaisanterie sur Facebook ?

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2. Quelles propositions faites-vous pour une contribution optimale de Facebook à la promotion de la parenté à plaisanterie ?

Merci pour votre contribution !






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