WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Accueil et influence d'a rebours dans la littérature fin-de-siècle


par Nada Arfaoui
Université de Nantes  - Master de recherche en littérature française et comparée  2018
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I- l'Art : clef de l'énigme

Les oeuvres décadentes s'attachent à valoriser l'art dans toutes ses formes et à mettre en relief toutes ses expressions. En effet, l'art est un concept très ample qui ne peut pas être le monopole d'un domaine bien déterminé. Il est ce panorama qui englobe tout type d'oeuvre: musique, peinture, sculpture, littérature et autre. L'art se définit aussi comme étant un talent et un savoir-faire c'est pourquoi on ne peut attribuer la qualification d'"Artiste" qu'à des gens qui manifestent un vrai talent, qui leur permet de créer des objets suscitant un état particulier de sensibilité fortement lié au plaisir esthétique.

Le culte artistique est omniprésent dans l'oeuvre décadente, sa forte présence se perçoit à plusieurs niveaux. D'abord, l'art est présent dans la construction de la personnalité des personnages: Jean des Esseintes, Hubert d'Entragues et le duc de Fréneuse sont des figures raffinées qui manifestent un penchant naturel pour les objets artistiques. L'art apparaît également dans tous les moments forts des trois ouvrages à savoir les moments des crises nerveuses et les moments des vaines tentatives de guérison.

Les trois auteurs n'ont pas choisi une seule expression artistique au détriment des autres, au contraire ils ont presque mis en scène toutes les formes d'art. En effet, littérature, peinture, écriture, musique ne sont pas traitées chacune à part, elles se fondent et font écho. Toutes les différentes formes artistiques rentrent en communion, en revanche les écrivains étaient très sélectifs au niveau des oeuvres citées. L'exemple de la peinture est parfaitement révélateur dans le sens où les trois auteurs ne citent pas n'importe quel tableau de peinture. Par exemple dans À Rebours, Huysmans accorde une attention particulière aux tableaux symbolistes. Cette touche suggestive privilégiée se voit clairement dans le décor du logis de Des Esseintes.

«Il avait voulu, pour la délectation de son esprit et la joie de ses yeux, quelques oeuvres suggestives le jetant dans un monde inconnu, lui dévoilant les traces de nouvelles conjectures, lui ébranlant le système nerveux par d'érudites hystéries, par des cauchemars compliqués, par des visions

26

nonchalantes et atroces. Entre tous, un artiste existait dont le talent le ravissait en de longs transports, Gustave Moreau»1

Derrière le goût artistique de des Esseintes se cache celui de Huysmans, cette prédilection pour le symbolisme et dans une moindre mesure pour l'impressionnisme marque la rupture avec l'école naturaliste. Huysmans utilise l'art décoratif non seulement pour exprimer ses nouveaux goûts littéraires et artistiques mais également pour critiquer le mouvement naturaliste dont il faisait partie.

« la guerre contre l'Ecole[Zolienne] est menée avec un brio et une acuité remarquables [...]Huysmans ne se bornait pas à éreinter certaines valeurs consacrées par l'Ecole, mais il consacrait, ce qui était encore moins tolérable, de longues chroniques aux nouveaux artistes qui lui semblaient avoir compris les exigences de son temps»2

Le lecteur d'À Rebours, tout en déchiffrant les tableaux de peinture cités, peut explorer les arrière-pensées de l'auteur et dévoiler ses orientations: ce qu'il admire et ce qu'il dédaigne. Dans l'ouvrage huysmansien, on retrouve d'autres expressions artistiques qui sont aussi bien significatives que la peinture. En effet, La musique elle-aussi, démasque les attitudes religieuses de l'écrivain, ce dernier utilise son personnage pour raconter soi-même. Le duc des Esseintes dédaigne « la musique profane [qui] est un art de promiscuité [...] afin de la déguster, il eût fallu se mêler à cet invariable public qui regorge dans les théâtres et qui assiège ce cirque d'hiver»3, ce type de musique ne convient pas à l'être raffiné qu'il est. Le personnage huysmansien «marque ainsi sa supériorité sur le public courant et sur les cocardiers»4. Il appert que la répugnance de des Esseintes à l'égard de cette musique, annonce la conversion de l'écrivain. En contreartie, on saisit une vénération pour un autre type de musique: "musique religieuse"

«Chez les pères, les cérémonies religieuses se pratiquaient en grande pompe ; un excellent organiste et une remarquable maîtrise faisaient de ces exercices spirituels un délice artistique profitable au culte. L'organiste [...] célébrait des messes de Palestrina, d'Orlando Lasso, des psaumes de Marcello, des Oratorios de Haendel, des motets de Sébastien Bach, exécutait de préférence aux molles et faciles compilations du père Lambillotte si en faveur auprès des prêtres, des «Laudi spirituali» du XVI e siècle dont la sacerdotale beauté avait maintes fois capté des Esseintes[...] il avait éprouvé d'ineffables allégresses à écouter le plain-chant»5

Huysmans, avant de s'être converti en personne, a voulu se convertir en artiste voire convertir l'art lui-même, cette catégorisation de l'art musical en profane et religieux illustre parfaitement l'idée. Mise à part cette sorte de conversion artistique, on retrouve un discours laudatif de la bible «il [...] soutenait, avec une déconcertante autorité que «la géologie s'était retourné vers Moïse», que l'histoire naturelle, que la chimie, que toute la science

1 Joris-Karl HUYSMANS, op.cit, P. 89

2 François LIVI, op.cit. P.132

3 Joris-Karl HUYSMANS, op.cit, P.232

4 François LIVI, op.cit. P. 142

5 Joris-Karl HUYSMANS, op.cit, P.230

27

contemporaine vérifiaient l'exactitude scientifique de la Bible»1. Il résulte que des Esseintes est le sosie de Huysmans dans la mesure où le personnage pieux serait l'incarnation du romancier converti.

L'art est de nouveau au service de la religion, des Esseintes se délecte de Barbey d'Aurevilly, romancier mystique et sadique «avec ces volumes presque sains, Barbey d'Aurevilly avait constamment louvoyé entre ses deux fossés de la religion catholique qui arrivaient à se joindre : le mysticisme et le sadisme»2. Barbey silhouettait le modèle possible d'un romancier catholique qu'on pourrait aimer, avant la conversion Huysmans apparaît tester les réactions de ses lecteurs à l'égard d'un écrivain converti pour qu'il puisse faire lui-même l'expérience de la conversion sans pour autant risquer l'amour de son public. Dans sa préface écrite vingt ans après la publication du livre, Huysmans affirme implicitement que des Esseintes n'est que son porte-parole.

«la conclusion de ce chapitre ecclésiale moderne était que parmi les hongres de l'art religieux, il n' y avait qu'un étalon, Barbey d'Aurevilly ; et cette opinion demeure résolument exacte. Celui-là fut le seul artiste, au pur sens du mot, que produisit le catholicisme de ce temps ; il fut un grand prosateur, un romancier admirable, dont l'audace faisait braire la bedeaudaille qu'exaspérait la véhémence explosive de ses phrases»3

Huysmans révèle son appréciation à l'égard de cet auteur et n'a pas changé son opinion depuis 1884 et le considère jusqu'à vingt ans après le meilleur des artistes catholiques de cette ère.

Vingt ans après l'apparition de son ouvrage, Huysmans le dit clairement : «je pourrais très bien signer maintenant les pages d'À Rebours sur l'Église, car elles paraissent avoir été, en effet, écrites par un catholique»4. Le romancier converti atteste sa foi, À Rebours s'avère être un roman d'avant la conversion et forme une tentative unique d'autobiographie à la troisième personne. Cette expression artistique qu'est les livres permet aux lecteurs d'À Rebours de pénétrer dans les tréfonds des pensées de l'écrivain et mieux comprendre les coulisses du livre.

«Quant aux chapitres sur la littérature laïque et religieuse contemporaine, ils sont à mon sens [...] demeurés justes»5. Selon ses propres expressions, Huysmans classifie les livres en deux catégories: laïque et religieuse, l'écrivain asservit les différentes formes d'art au bénéfice de ses attitudes personnelles. Dans l'oeuvre huysmansienne, l'art sert à suggérer et à explorer la prise de position du romancier.

Dans les deux autres textes, les oeuvres citées ne sont pas chargées d'une arrière-pensée comme c'était le cas dans l'oeuvre de Huysmans. En fait, le choix des oeuvres d'art

1 Ibid. P. 187

2 Ibid. P.189

3 Joris-karl HUYSMANS, op.cit [préface]

4 Ibid.

5 Ibid.

28

repose la plupart du temps sur l'état psychique des héros par exemple Lorrain intègre les trois fiancées pour illustrer l'état d'hallucination dans lequel se trouve son personnage.

«une sorte de diablerie quasi monastique : dans un paysage peuplé de larves, des larves fluentes, ondulantes et vomies, tel un flot de sangsues, par de battantes cloches se dressent, fantomales, trois figures de femmes enlinceulées de gaze à la façon des madones d'Espagne»1

Ce tableau de peinture horrifique de Jan Toorop entraine une certaine influence sur la psychologie du névrosé. En effet, ces figures terrifiantes effarent le personnage et intensifient son hallucination et sa crise nerveuse. Il en résulte que la sélection des oeuvres d'art dans Monsieur de Phocas répond plutôt à des nécessités esthétiques et littéraires, en d'autres termes l'auteur se trouve dans l'obligation de choisir un tel objet artistique pour assurer la cohérence de son texte et produire l'effet voulu sur le personnage et sur le lecteur.

Il en va de même pour Gourmont, les oeuvres d'art sont citées d'abord pour maintenir la logique du texte à savoir le rapport d'interdépendance entre la maladie psychique et l'art, sauf que Sixtine laisse tout de même voir une subjectivité de l'auteur. La subjectivité de Gourmont se saisit surtout dans le choix des ouvrages littéraires mentionnés par exemple il cite à maintes reprises À Rebours de Huysmans «À rebours est[...] un livre qui a confessé d'avance, et pour longtemps, nos goûts et nos dégoûts»2. Gourmont use également une épigraphe extraite d'À Rebours «déjà il rêvait d'une thébaïde raffinée, à un désert confortable, à une arche immobile et tiède où il se réfugierait loin de l'incessant déluge de la sottise humaine»3. La profusion de cet exemple littéraire est une marque de subjectivité par excellence dans le sens où une appréciation à l'égard de Huysmans au détriment de tout autre auteur se dégage. L'art dans l'oeuvre de Gourmont devient un moyen d'expression des goûts personnels de l'écrivain.

Dans les ouvrages décadents, l'art passe pour une clé de lecture: il est un instrument de la méthode déductive en d'autres termes l'art facilite le décodage des romans et donne accès à la personne de l'écrivain.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King