WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La culture sound system: Etat des lieux d'une pratique musicale en plein essor sur le territoire français: le cas du Dub Camp Festival

( Télécharger le fichier original )
par Jeanne VIONNET
EAC Lyon - Master 1 - Manager Culturel 2017
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

EAC

École des Arts et de la Culture

Établissement d'enseignement supérieur

LA CULTURE SOUND SYSTEM

État des lieux d'une pratique musicale en plein essor sur le territoire français :
le cas du Dub Camp Festival

Mémoire présenté et soutenu publiquement par

JEANNE VIONNET

M. Julien BOUVIER Programme Mastère 1 Manager Culturel

Directeur de Mémoire : Année de formation : 2017/2018

JURY DE SOUTENANCE DU MÉMOIRE DE : JEANNE VIONNET

Promotion Mastère 1 Manager Culturel - 2017/2018

La culture sound system -- État des lieux d'une pratique musicale en plein essor sur le territoire français : le cas du Dub Camp Festival.

Présidente du Jury : Mme Anne Grumet Responsable pédagogique des mastères à l'EAC Lyon.

Directeur de mémoire : M. Julien Bouvier

Régisseur général, programmateur des Dub Echo à l'association Totaal Rez

et programmateur de la scène sound system du Démon d'Or festival.

Membre du Jury : Mme Francesca Quercia Intervenante en module de méthodologie de mémoire

« L'EAC n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires de fin d'études. Elles sont propres à leurs auteurs. »

NOTA BENE

Les paroles des entretiens sont reprises telles quelles, dans toutes leurs oralités, parce qu'une réécriture de notre part aurait dénaturé la spontanéité des acteurs interrogés.

Enfin, je remercie les membres du jury dans le cadre de la soutenance de ce mémoire :

Anne Grumet, responsable pédagogique à l'EAC Lyon, Julien Bouvier et Francesca Quercia.

Remerciements

Je tiens à remercier tout particulièrement mon directeur de mémoire, Julien Bouvier, régisseur général, programmateur des Dub Echo au Transbordeur (Lyon) et programmateur de la scène dub du festival Démon d'Or (Poleymieux-au-Mont-d'Or), pour avoir accepté de diriger mon mémoire. Ses connaissances, sa patience, son attentive relecture et ses conseils me furent précieux.

J'adresse un grand merci à ma marraine dans le cadre de ce mémoire, Anna Chevance, professeur à l'École des Beaux-Arts de Beaune et de Dijon et graphiste indépendante à l'Atelier Tout Va Bien à Dijon, pour la relecture de mon mémoire et ses précieux conseils.

Je tiens également à remercier Francesca Quercia, intervenante dans le module de méthodologie de mémoire à l'EAC, pour son accompagnement et sa bienveillance, durant toute cette année de formation.

Je remercie, pour leur temps et leur ouverture, l'ensemble des acteurs culturels rencontrés et

interviewés qui m'ont été indispensable dans le traitement de mes analyses :

-- Alcor Walter, DJ de Bass Music (Dijon) ;

-- Nicolas Pebreuil, rédacteur du Dubzine Version (Cébazat) ;

-- Angélo, Idriss et Johanna, membre du groupe Aziz Sound (Lyon) ;

-- Fabien, membre du groupe Full Dub (Dijon) ;

-- Trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation (Dijon) ;

-- Dopeshack, membre du sound system King Hifi (Lyon) ;

-- Alex Dub, membre fondateur du webzine Culture Dub ;

-- Rico, membre du sound system OBF, ORIGINAL BASS FOUNDATION (Genève) ;

-- Morgan Le Godec, manager de Stand High Patrol Sound System (Morlaix)

-- Emmanuel Valette, membre du webzine Musical Echoes ;

-- Frédéric Péguillan, organisateur du Télérama Dub Festival (Paris) ;

-- Polak, membre de Legal Shot Sound System

-- Quentin Deniaud, copropriétaire de Brainless Sound System (Bourg-en-Bresse) ;

-- Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax Magazine (Paris)

-- Olivier Bruneau, directeur et programmateur de l'association Get Up !

et du Dub Camp Festival (Nantes)

-- Christian Jadeau, premier adjoint et responsable de la culture de la Mairie de Joué-sur-

Erdre

Sommaire

Sommaire 5

Première partie - La culture sound system :

naissance d'une contre-culture en Jamaïque et son essor en Europe 10

Chapitre 1 - Naissance et essor d'un contre-culture 11

Chapitre 2 - Une culture en plein engouement dans le paysage français 20

Deuxième partie - La scène sound system française actuelle 28

Chapitre 1 - Développement, fonctionnement et visibilité des acteurs 29

Chapitre 2 - Le cas du Dub Camp festival, la culture sound system dans tous ses états 45

Conclusion Générale 54

Synthèse 58

Lexique 63

Annexes 65

Bibliographie 106

6

Introduction générale

La musique anime la vie à différents niveaux, dans différentes circonstances, avec différentes intensités sonores. Nous nous intéressons ici aux musiques héritées de l'île de la Jamaïque et, plus particulièrement, au mouvement dub et à la culture sound system.

Nous constatons que le mouvement des sound systems dub adopte un mode de production et de diffusion en marge de l'industrie musicale classique. Cette dimension, tout spécialement, retient notre attention. Cette culture, émergée il y a presque soixante-dix ans, est aujourd'hui en plein essor dans l'ensemble du paysage européen, et surtout en France.

Nous avons choisi d'étudier et de comprendre ce sujet et ses modes de fonctionnement en rencontrant ses acteurs et ceux qui gravitent autour : collectifs, programmateurs, organisateurs, manager, rédacteurs de médias spécialisés, rédacteur d'un média national, premier adjoint au maire et responsable de la culture. Nous verrons que la culture sound system se développe massivement dans l'hexagone, et ce depuis plusieurs années. Des centaines de collectifs ont vu le jour en moins de dix ans, dans une indépendance remarquable. Les publics jeunes, adolescents, étudiants et jeunes adultes en quête d'expérimentations physiques et sonores, sont tout particulièrement concernés.

Définition des termes

Le secteur de la culture sound system dub comprend l'ensemble des personnes actives et passionnées contribuant au développement des musiques d'origine jamaïcaine par l'intermédiaire d'un outil majeur, le sound system. Le caractère indépendant de cette culture correspond ici à l'autonomie dans laquelle elle est née, puis s'est développée dans le monde entier. L'essentiel des acteurs qui la font vivre et perdurer prennent en charge eux-mêmes, d'un bout à l'autre, toutes les étapes nécessaires, en partant de la construction du sound system jusqu'à sa visibilité générale. Par le terme « acteurs », comme nous l'avons esquissé plus haut, nous ferons référence à l'ensemble des personnes contribuant à son essor et à son développement : collectifs, organisateurs, médias, labels, acteurs politiques.

Mais qu'est-ce qu'un sound system ? C'est un outil de diffusion sonore constitué, dans sa plus simple combinaison, d'un lecteur, d'un amplificateur et d'un réseau d'enceintes dédiées à diffuser du son avec un volume important. Né dans les ghettos jamaïcains du milieu du XXe

7

siècle, il permettait à tous d'écouter de la musique hors des sphères aisées où se jouaient les concerts, et de suivre les actualités en se regroupant dans l'espace public. Il représentait, pour ainsi dire, la voix du peuple et fit rapidement partie de la culture jamaïcaine. À l'heure actuelle, le terme « sound system » est utilisé à double sens. Il désigne à la fois l'outil de diffusion et les acteurs qui s'en servent, que nous désignerons souvent par les termes « collectif » ou « collectif de sound system ». Suite à des recherches en ligne et, surtout, grâce à de nombreuses discussions avec des acteurs du secteur, nous constatons que les collectifs fonctionnent, pour la plupart, en autoproduction. Ils développent leur propre label et se produisent seuls. Ils construisent leur matériel de sonorisation « de A à Z » et sont très attentifs à la qualité de leur son. Ils sont très peu représentés dans les médias de masse. Aussi, les institutions et acteurs politiques méconnaissent cette culture quand bien même un soupçon de reconnaissance se ressent de plus en plus, petit à petit, dans le paysage français.

La migration de cette culture, de la Jamaïque à l'Angleterre, a permis à plusieurs artistes de s'emparer de l'outil jamaïcain, le sound system, pour diffuser leur musique et leur message. Du ska au dub en passant par la drum'n'bass, la jungle, la techno ou la house, il est devenu un mode de sonorisation incontournable pour diffuser les musiques électroniques, dans le monde entier. Le mouvement des « free parties » s'en est notamment inspiré dans les années 1990.

Le milieu des sound systems reste aujourd'hui très en marge de l'industrie musicale. Sa capacité à se produire hors des sentiers battus lui confère un statut presque communautaire, que nous appelons justement « culture sound system ». Le nombre de collectifs, toujours accru depuis les années 2000, est sans doute lié l'essor même de cette culture, diffusée par une poignée de gens passionnés et, de fait, passionnants. Suite à l'examen de la culture sound system en France et grâce à l'expertise de l'ensemble des personnes interrogées dans le cadre de cette recherche, nous tenterons de comprendre, à travers l'étude du Dub Camp Festival, pourquoi la culture sound system fonctionne-t-elle de manière plus indépendante que les autres secteurs de l'industrie musicale et comment les acteurs restent-ils actifs et visibles tout en maintenant, au sein de leur activité, ce caractère indépendant ?

La culture sound system a créé sa propre économie, dans l'indépendance la plus totale. L'ensemble des acteurs qui la composent militent pour sa visibilité et souhaitent l'éloigner tant que possible des stéréotypes qui l'entourent souvent, liés à l'usage excessif, par les publics, de substances stupéfiantes (nous avons fait le choix, délibéré, de ne pas évoquer cet aspect dans le

8

corps du présent mémoire dans la mesure où le coeur du sujet ne s'y trouve pas). Malgré tous les efforts de ses défenseurs, militants amateurs ou professionnels, la culture sound system reste encore méconnue du très grand public. Les médias spécialisés sont pourtant de plus en plus nombreux et participent, par de multiples moyens, à son développement : articles, reportages et interviews en ligne, dubzines, radios locales. Internet et, surtout, les réseaux sociaux ont une importance cruciale, dans la mesure où ils peuvent atteindre des millions de personnes hors des réseaux des médias de masse.

Présentation du terrain

La culture sound system est un mouvement très récent en France. Les collectifs français perpétuent l'indépendance de cette culture comme une tradition. Ceci explique pourquoi les ouvrages sociologiques ou analytiques français dédiés à ce mouvement sont, à l'heure actuelle, extrêmement rares, voire inexistants. Cette dernière raison nous a mené à adopter une démarche liée aux rencontres. Nous avons multiplié les entretiens pour avoir l'avis de l'ensemble des acteurs de ce mouvement. Nous avons interviewé douze personnes au total dont plusieurs collectifs, quelques médias spécialisés et certains organisateurs événementiels, tous passionnés par ce mouvement. Nous avons pu ainsi accéder tant à une vision d'ensemble qu'à des avis très personnels sur les questions liées à la culture sound system. De plus, nous avons eu l'opportunité d'interviewer un acteur politique, Christian Jadeau, premier adjoint et responsable de la culture de la commune de Joué-sur-Erdre (Loire-Atlantique) -- commune qui accueille le Dub Camp Festival.

Le Dub Camp Festival figure comme l'étude de cas principale de ce présent mémoire. Ce festival est un concentré du mouvement sound system en France. Il existe depuis cinq ans et se tient à Joué-sur-Erdre depuis maintenant deux éditions. Il regroupe l'ensemble des acteurs de la culture sound system dub et revêt un caractère unique en Europe par son originalité à promouvoir cette culture en plein air. Son apparition dans le paysage français a sans doute contribué à l'essor massif de cette culture. Il programme des artistes exclusivement issus de la scène sound system du monde entier, un tiers venant de France et le reste venant du reste du monde.

9

La première partie du présent mémoire exposera le contexte dans lequel la culture sound system est apparue, un mouvement social et musical que nous pouvions appeler à l'époque, en Jamaïque, une « contre-culture ». Nous révèlerons ensuite pourquoi, et par quels moyens, cette culture a-t-elle pris son essor en Europe, notamment en Angleterre, puis en France. Dans la deuxième partie, nous nous focaliserons sur le développement de la culture sound system dub en France. Dans un premier temps, nous chercherons à comprendre le fonctionnement singulier de ses acteurs puis, dans un second temps, nous examinerons l'exemple précis d'un événement incontournable, le Dub Camp Festival, qui constitue notre étude de cas dans la mesure où la culture sound system y est présente, dans tous ses états.

10

Première partie - La culture sound system : naissance d'une contre-culture en Jamaïque et son essor en Europe

Introduction première partie

Il nous a semblé important, dans cette première partie, d'expliquer les origines de la culture sound system, contre-culture initialement née en Jamaïque, pour donner le contexte du sujet principal de notre problématique. Cet historique nous permettra de comprendre dans quel cadre l'outil de diffusion, le sound system, a pris une place importante dans la vie quotidienne des jamaïcains pour faire intégrante de leur culture et de leurs racines.

Le terme contre-culture que nous employons ici fait référence à la définition donnée par le sociologue Theodore Roszak créé en 1969. Selon lui, la contre-culture désigne un ensemble de manifestations culturelles, d'attitudes, de valeurs, de normes utilisées par un groupe, qui s'oppose à la culture dominante ou la rejette. Il s'applique à un phénomène structuré, visible, significatif et persistant dans le temps.

Dans un premier chapitre, nous tenterons de retracer brièvement l'historique des musiques Jamaïcaines, indissociables de la culture sound system né en Jamaïque. Dans un contexte où l'île de la Jamaïque était colonisée par l'Angleterre jusqu'en 1962, nous comprendrons dans quel cadre et pourquoi les jamaïcains ont donné naissance à cette contre-culture dans un pays colonisé. Les conditions sociales et politiques de l'île de la Jamaïque ont conduit la population à immigrer pour fuir la misère. Nous découvrirons comment et pourquoi cette culture s'est exportée principalement en Angleterre. Cette immigration massive a provoqué une xénophobie dans la population britannique.

Dans un second chapitre, nous retracerons rapidement l'historique des musiques jamaïcaines en France. Nous porterons notre intérêt sur le mouvement sound system dub en France assurément indissociable du dub et de ses dérivés. Les multiples recherches et entretiens sur le terrain nous permettront de comprendre comment les artistes français se sont appropriés le dub pour ainsi saisir par quels moyens la culture sound system s'est exportée en France grâce à plusieurs acteurs majeurs qui ont contribué à son développement.

11

Chapitre 1 - Naissance et essor d'un contre-culture Introduction chapitre 1

La Jamaïque, petite île des Caraïbes, renferme une richesse culturelle et musicale souvent méconnue du grand public. L'île est le berceau des musiques électroniques actuelles, tant au niveau des techniques de composition que des chemins de création.

Nous découvrirons dans quel contexte les jamaïcains ont inventé plusieurs styles de musiques pour ainsi donner naissance à un outil de diffusion sonore majeur et emblématique dans le monde entier, le sound system. Initialement apparu dans les ghettos de Kingston, capitale de l'île, les sound systems se sont très vite intégrés dans la vie quotidienne des jamaïcains pour aujourd'hui faire partie intégrante de leur culture. Les techniques de composition, de sampling et de mix actuels découlent d'une erreur produite par un producteur de studio.

Nous comprendrons ainsi comment les conditions sociales et politiques de l'île de la Jamaïque ont poussé le peuple jamaïcain à fuir la misère pour immigrer dans d'autres pays, notamment en Angleterre. Le peuple jamaïcain a longtemps souffert de xénophobie en Grande-Bretagne. Cette immigration massive a contribué au développement des musiques jamaïcaines et de la scène sound system puisque les jamaïcains ont emporté l'intégralité de leur culture dans leur bagage, y compris leur sound system. Le seul moyen pour eux de remédier à leur souffrance de dénigrement raciale était d'écouter de la musique sur leur sound system.

Naissance de la culture sound system en Jamaïque

Tout commence à la fin du XIXe siècle, dans les zones rurales de l'île, avec une musique très populaire: le mento, ancêtre du reggae. Ce genre musical, accompagné de danses, remonte aux rituels ashantis1. Il est considéré comme un mélange de rythmes percussifs d'Afrique de l'ouest et il rassemble des influences franco-anglaises avec le quadrille, danse à figures liée à l'histoire coloniale de la Jamaïque sous domination anglaise au XVIIe siècle. Au mento se mêlent des rythmes créoles voisins de Trinidad2, de la rumba cubaine, du tango et de la samba d'Amérique latine. Les paroles reflètent le caractère insaisissable et rebelle d'un peuple refusant de se

1 « Cycle Histoire des musiques caribéennes : le Mento » Cases-Rebelles, mars 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://www.cases-rebelles.org/cycle-de-musiques-caribeennes-le-mento/

2 MULLER Philippe, « L'évolution de la musique jamaïcaine et des sound systems, partie 1 », Dub Camp Festival, 23 juin 2017 [en ligne]. Disponible sur : https://www.dubcampfestival.com/levolution-de-la-musique-jamaicaine-et-des-sounds-systems-part-1/# edn1

12

soumettre aux traditions bourgeoises et conventionnelles importées d'Europe3. Les paroles du mento abordent différents registres. Elles peuvent se montrer grivoises (et sont, de fait, une ancienne forme du slackness4 des années 1980) jusqu'à être parfois censurées, elles sont aussi rebelles et insurrectionnelles, représentatives de la dure condition des paysans, travailleurs exploités dans les champs de canne à sucre.

À partir des années 1930, le jazz occupera, en Jamaïque, le devant de la scène. Il sera rejoint, à la fin des années 1940, par le rhythm and blues. L'industrie du tourisme motivera encore l'installation du jazz avec la formation d'orchestres dans les nombreux hôtels, clubs et théâtres à destination des voyageurs aisés. Une grande majorité de la population locale ne peut s'en permettre l'accès : c'est ainsi que les plus pauvres investissent l'espace public, dans les banlieues, pour oublier la misère en dansant et, surtout, en jouant de la musique5.

La diffusion de la musique par les sound systems

À la toute fin des années 1940, les premiers sound systems voient le jour grâce à Hedley Jones, un musicien et inventeur touche-à-tout jamaïcain, pionnier de la culture sound system. Les installations sont initialement équipées d'une simple platine tourne-disque, d'un amplificateur et de plusieurs enceintes, les plus imposantes possibles. Hedley Jones conçoit un amplificateur répondant à toutes les fréquences en hertz (de 15 Hz à 20 Hz) à l'aide d'un égaliseur qui sépare les basses, les médiums et les aigus, un système très rare à l'époque. Il se sert de ce matériel pour diffuser des disques qu'il vendait aux clients de sa boutique de réparation de radios. En 1950, Thomas « Tom » Wong anime des soirées, juste en face de l'espace occupé par Jones. Un beau jour, leurs disques sont passés en même temps. Tout le monde afflue vers Jones, dont le matériel diffuse une meilleure qualité sonore. La légende raconte que Tom commande immédiatement un amplificateur à Jones et le nomme Sound System, dès sa réception. Naît alors une expression entrée dans le langage commun, que l'on peut comparer aux discothèques mobiles6.

À partir des années 1950, la musique jamaïcaine évolue. De nouveaux courants voient le jour sur les sound systems : d'abord le ska*, puis le rock steady* et le reggae*. À l'époque de sa création, et aujourd'hui encore, un sound system ne fonctionne pas seul. Toute une équipe

3 MULLER Philippe, « L'évolution de la musique jamaïcaine et des sound systems, partie 1 » Op. Cit.

4 Paroles à caractère sexuelles.

5 BRADLEY Lloyd (2000), Bass Culture, quand le reggae était roi, Paris, Allia, 2017, p.21

6 CARAYOL Sébastien, « Hedley Jones, père des Premiers sound systems » Philharmonie de Paris, 17 mai 2017 [en ligne]. Disponible sur : https://philharmoniedeparis.fr/fr/magazine/hedley-jones-pere-des-premiers-sound systems

13

de techniciens le compose. Parmi eux se trouvent un opérateur*, un sélecteur*, un MC* et un ou plusieurs boxmen*. Dans un collectif, le sélecteur se compare au disc-jockey actuel : il sélectionne et enchaîne les disques. Le MC chante, parle et improvise sur les titres joués. Sa technique d'improvisation se nomme toasting et donnera naissance, au début des années 1970, au rap des ghettos états-uniens.

Il est admis que les sélecteurs des sound systems s'affrontent régulièrement en sound clash. Cette pratique consiste à organiser des combats musicaux entre plusieurs sound systems, affrontements impliquant une sélection méticuleuse de disques inconnus pour faire danser le public le plus intensément possible. La concurrence est déjà rude. Les sélecteurs sont à l'affût des dernières nouveautés venues des États-Unis. Ils enlèvent les étiquettes des vinyles diffusés pour en garder l'anonymat et, de fait, l'exclusivité. La compétition entre sound systems est si dure que les sound clashs se terminent parfois en véritables rixes. Duke Reid, à la tête du sound system Trojan, est réputé pour avoir en permanence deux armes sur lui7. Certains sound systems, parfois affiliés à des bandes de casseurs, organisent de violentes descentes dans les soirées adverses pour détruire les disques et le matériel.

« Le phénomène des sound systems en est venu à jouer un rôle central au sein de la société
jamaïcaine, façonnant la manière dont sont vécus musique et divertissement
8 ».

La naissance de plusieurs sound systems est associée à une nouvelle pratique commerciale des magasins de vente d'alcool : la musique est diffusée pour attirer la clientèle. Les sound systems y trouvent leur compte en sollicitant le public pour une petite participation financière. Duke Reid9 et Coxsone Dodd sont les premiers à faire affaire, de manière conséquente.

Prince Buster fait ses débuts aux côtés de Coxsone Dodd et monte son magasin de disques. Il crée son propre sound system, The Voice Of The People10, en 1957. Il est alors âgé de dix-neuf ans. Inspiré par Marcus Garvey, il souhaite que son sound system devienne la station de radio du peuple et fait le choix, militant, de diffuser les musiques issues des ghettos et des campagnes de Jamaïque ; contrairement à ses concurrents qui jouent du rhythm and blues

7 GUEUGNEAU Christophe, Jamaïque, 1950-1968. « Naissance d'une nation... du sound system » Mediapart,2 août 2011[en ligne]. Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/020811/jamaique-1950-1968-naissance-d-une-nation-du-sound system

8 CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du peuple jamaïcain, Catalogue de l'exposition Jamaïca Jamaïca, 6 avril 2017, p.34

9 Aperçu du sound system de Duke Reid. Cf. Annexe 6, p. 101

10 Aperçu du sound system de Coxsone. Cf. Annexe 6, p. 101

14

américain. Il participe d'ailleurs à l'introduction des musiques rastafaris* dans la musique populaire jamaïcaine.11

Les années 1950 sont marquées par l'arrivée de la radio. Moins de 20% des foyers en sont équipés, mais les plus pauvres s'arrangent entre eux et se réunissent pour écouter, collectivement, les deux seules radios locales12. Mais ces dernières ne répondent pas aux envies de la population jamaïcaine. C'est pourquoi les gens se tournent vers les sound systems des ghettos, qui deviendront un moyen privilégié de diffusion des musiques sur l'île et s'imposeront comme « la voix du peuple ». Cette pratique, tournée par essence vers l'extérieur et l'espace public, a permis aux populations de s'approprier les espaces urbains. Les événements sonorisés grâce aux sound systems sont accessibles à tous et ne sont muselés par aucune forme de censure. Ce sont des lieux de rencontre et d'échange entre les habitants des quartiers, ils constituent un refuge, un véritable espace de cohésion sociale13.

« En Jamaïque, la danse de rue est un événement symbolique car elle reflète la relation duale entre célébration de la communauté et l'appropriation revendicative de l'espace public14 ».

En 1967, deux ingénieurs du son jamaïcains, King Tubby et Lee Scratch Perry, sont à l'origine du développement populaire des musiques électroniques. Ils auraient inventé, de façon fortuite, un nouveau genre. Selon la légende, la prise de voix d'un vinyle de reggae aurait été omise au pressage. La musique diffusée, sans paroles, donna lieu à un nouveau genre ayant connu un succès immédiat dans les foules. Cet « accident » signe la naissance du dub. Depuis, la face A des vinyles contient musique et paroles et la face B reste instrumentale. Les notions de sampling*, de récupération et de remix du dub ont légué un grand héritage technique, esthétique et culturel aux musiques populaires des années 1980 et 1990, que les producteurs, aujourd'hui encore, continuent d'exploiter15. À la fin des années 1960, les sound systems jamaïcains se professionnalisent et créent des emplois. Ainsi, les deux fameux propriétaires de sound systems Duke Reid et Clément « Coxsone » Dodd fondent leur propre studio pour enregistrer des inédits : musiques dont les paroles chantent la gloire de leur sound system dans le but de

11 AUGRAND Alexandre, Le DJ, médiateur de transferts culturels dans la Dance Culture : Comment des cultures globales sont devenue globale. Thèse de doctorat de sciences de l'Homme et de la Société, Université de Paris-Saclay, sous la direction de Damien Ehrhardt, 24 novembre 2015, p. 50

12 Radio Jamaïca Rediffusion et Jamaïca Broadcasting Corporation

13 CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du peuple jamaïcain. Op. Cit. p.34-35

14 CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du peuple jamaïcain. Op. Cit. p.34-35

15 « Ce que la techno et la house doivent au Dub » One-one-six [en ligne]. Disponible sur : https://one-one-six.fr/ce-que-la-techno-et-la-house-doivent-au-dub/

15

promouvoir le rock steady16. Un disque produit en Jamaïque ne se retrouvait sur le marché seulement après avoir été testé sur un sound system. Évolutions technologiques aidant, de nouveaux instruments électroniques, dont les boîtes à rythme, font leur arrivée. Pendant les deux dernières décennies du XXe siècle, le dub se diffuse de manière accrue et il s'affine, de plus en plus électronique, pour devenir genre musical à part entière.

À la fin des années 1980, le dancehall, également appelé raggamuffin ou digital reggae, s'étend lui aussi, en adoptant un langage plus provocateur que le reggae.

« La Jamaïque peut se targuer d'être la source d'une musique qui, dans toutes ses
déclinaisons, est une des rares à être écoutée aux quatre coins du monde.
17 »

Migration de la culture en Angleterre

Dans les années 1950, la Jamaïque est encore sous domination britannique. Un dixième de la population jamaïcaine émigre en Grande-Bretagne en une décennie. Il s'agit, en majorité, d'ouvriers peu qualifiés, fuyant la misère. Ils emportent avec eux la culture sound system. Ces mutations sociales s'accompagnent de profonds changements socioculturels car les jamaïcains ont emportés leurs propres valeurs et normes, contribuant ainsi à l'émergence de contre-culture tant au niveau religieux (rastafarisme) que musical (sound-system)18.

Le premier sound system jamaïcain fabriqué sur le sol britannique est celui de Duke Vin the Tickler, en 195519. Il popularise la musique jamaïcaine et joue dans plusieurs clubs réputés de Londres. La culture sound system fait partie du paysage underground britannique. Les jeunes jouent dans des caves, friches et autres lieux désaffectés, loin des oreilles et de la vigilance des polices de quartier. À l'origine, l'intention des sound systems est d'éduquer les jeunes, de leur inculquer des valeurs de respect pour éviter qu'ils sombrent dans la délinquance. Les deux messages primordiaux des sound systems sont le partage et l'expérience à travers la musique.

16 BINET Stéphanie, « Les sound systems, plus qu'un son, une religion », Le Monde, 21 juin 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/06/20/les-sound systems-plus-qu-un-son-une-religion_3433082_3246.html

17 VENDRYES Thomas, « Wi likkle but wi tallawah ! » L'écho musical d'une petite île des Caraïbes, Volume, vol. 13:2, no. 1, 2017, pp. 7-23.

18 « Sound-system: miroir du petit peuple jamaïcain », Samarra Blog, mai 2016 [en ligne]. Disponible sur : http://samarrablog.blogspot.com/2015/05/sound-system-miroir-du-petit-peuple.html

19 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Mediapart, 9 août 2011[en ligne]. Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/210711/comment-la-jamaique-colonise-la-musique-britannique

16

Aba Shanti et Channel One Sound system, artistes aujourd'hui reconnus de la scène anglaise, diffusent ces messages, aujourd'hui encore dans leur musique20.

En 1966, Duke Vin the Tickler participe à la fondation du carnaval de Notting Hill. Cet événement se déroule chaque année, le dernier week-end d'août, dans les rues du quartier de Notting21 Hill à Londres. Plusieurs millions de personnes s'y rendent annuellement. C'est le deuxième plus grand carnaval au monde, après celui de Rio. À son initiative, la communauté antillaise de Londres, désireuse faire connaître leur culture à travers la musique, la cuisine, la mode et les traditions afro-caribéennes. À côté de la traditionnelle parade festive, de fait, à dominance culturelle afro-caribéenne, nous retrouvons la culture sound system dans son état le plus pur. Plus de quarante sound systems y diffusent, des heures durant, différents styles de musique : reggae, roots, dub, jungle, grime, drum and bass, hip-hop, jazz, swing, etc.

Au début des années 1970, l'immigration massive des jamaïcains en Angleterre provoque un mouvement discriminatoire terrible. La Grande-Bretagne prend des mesures en limitant l'immigration dans le pays. Les jamaïcains résistent et revendiquent leur culture22. Les sound systems servent à la résistance dans le pays23. C'est une époque où les publics, aveuglément dirigés par la politique anglaise, ne se mélangent pas24.

Lloyd Bradley est né en Angleterre, de parents jamaïcains. Il est l'auteur de « Bass culture : Quand le reggae était roi ». Par le prisme de son vécu, il témoigne sur le carnaval de Notting Hill : « C'était une époque où le public n'était pas mélangé, Londres appliquait une ségrégation raciale efficace. C'est en 1974 que tout a changé. Les sound systems ont commencé à apparaître dans les rues sous le Westway25. C'était des installations adéquates pour la révolution qui se déroulait à cette époque. Les gens faisaient même un cercle dans le public pour les danseurs. Ces ambiances en ont inspiré plus d'un, moi en particulier, qui se sont mis à construire leurs propres sound systems, qui ne passaient pas forcément du reggae d'ailleurs.26 » Comme le démontre Lloyd Bradley, le carnaval de Notting Hill a permis à la culture sound system de se produire en Angleterre pour ensuite attirer un public au-delà des

20 RYCKWAERT Maxime, « Immersion dans l'univers sound system anglais avec Aba Shanti I et Channel One », Pinata Mag, 27 novembre 2016 [en ligne]. Disponible sur : https://pinatamag.com/abashantichannelone/

21 Aperçu du Carnaval de Notting Hill en 1985 et en 2016. Cf. Annexe 7, p. 101

22 HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les racines de Notting Hill », Redbull, 21 août 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://www.redbull.com/fr-fr/notting-hill-carnival-history-lloyd-bradley-1974

23 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Op. Cit.

24 BEN Rubens, « Les plus beaux sound systems du carnaval de Notting Hill 2016 », Traxmag, 5 septembre 2016 [en ligne]. Disponible sur : http://fr.traxmag.com/article/36223-les-plus-beaux-sound systems-du-carnaval-de-notting-hill-2016

25 Autoroute à l'ouest de Londres

26 HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les racines de Notting Hill » Op. Cit.

17

frontières : « Le Carnaval de Notting Hill est un événement obligatoire pour n'importe quel jeune. Il est passé d'une affaire nostalgique d'immigrants caribéens à un rendez-vous obligatoire pour tous les jeunes londoniens, il fallait y être.27 »

Simultanément, l'Angleterre connaît l'effet Bob Marley. C'est l'émergence d'une réelle reconnaissance des événements ouverts, publics, sonorisés par des sound systems. En 1976, le reggae et le punk s'associent pour créer le mouvement Rock Against Racism. Pour la première fois, des noirs et des blancs jouent sur les mêmes scènes. La culture reggae réunit un nouveau public et prend un nouvel essor, notamment avec Mickey Dread, membre de Channel One Sound system, ou Steel Pulse, qui fera la première partie du groupe The Police28.

L'heure des sound systems récupérés par le mouvement techno

La musique électronique, dont le dub est un ancêtre, n'a pas seulement servi à créer des riddim*. Elle a également pris une autre direction, aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, en inspirant tout le mouvement rave de la musique électronique29.

En 1987, à l'heure où Margaret Thatcher, ancienne Première Ministre du Royaume-Uni, décide de fermer l'intégralité des clubs à deux heures du matin, les sound systems vont réintégrer les camions et retrouver, de fait, leur forme originale des années 1970 en Jamaïque. C'est l'époque du Summer of Love, des premières rave parties, où les publics vibrent à l'unisson dans la paix, l'amour, l'unité et le respect. La fête n'a plus de durée, ni de scène, ni de lieu attitré. Le volume sonore n'a plus aucune limite hors celle de la technique et les tenues correctes ne sont plus exigées. Les annonces et points informatifs relatifs à ces événements, souvent clandestins, se font par bouche-à-oreille30. L'expression rave signifie, littéralement, « s'extasier » mais aussi « battre la campagne ». La résistance par le sound system est une référence à cette fameuse Zone d'Autonomie Temporaire. Ce concept a été défini par Hakim Bey, chercheur au MIT31. Ces rassemblements sont une manière de fuir, de résister, sans

27 HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les racines de Notting Hill » Op. Cit.

28 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Op. Cit.

29 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Op. Cit.

30 DEMOULIN Anne, « Comment Margaret Thatcher est à l'origine des raves et des free parties ? » 20minutes, 8 juillet 2018 [en ligne]. Disponible sur : https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2304067-20180708-video-rave-fait-toujours-rever-comment-margaret-thatcher-origine-raves-free-parties

31 Massachusetts Institute of Technology

18

chercher à faire la révolution mais en créant des espaces de vie temporaires, des lieux cathartiques32.

La première technoparade33 s'est déroulée en Allemagne, en 1989, sous le nom de Love Parade. Elle fut un symbole contre le mur de Berlin et a rassemblé 150 personnes autour d'un sound system véhiculé. Les technoparades sont des événements publics ayant lieu autour des musiques électroniques et, plus particulièrement, de la techno. Elles se déroulent comme un carnaval, dans la rue, autour d'un ou plusieurs camions sonorisés. Elles réunissent des hommes et femmes généralement déguisés, pour allègrement festoyer. De nombreuses technoparades ont lieu dans le monde entier mais la Love Parade a été l'une des plus importantes manifestations musicales après le carnaval de Rio, rassemblant jusqu'à 1 500 000 personnes en 1999.

32 MAILLOT Élodie, « Les liens du son (3/5) - Sound systems et free parties » France culture, 23 août 2017 [en ligne]. Disponible sur : https://www.franceculture.fr/emissions/les-series-musicales-dete/les-liens-du-son-35-sound systems-et-free-parties

33 RHODES Duncan, « The Love is back... », Local Life, 12 janvier 2007 [en ligne]. Disponible sur : https://www.local-life.com/berlin/articles/berlin-love-parade

Conclusion chapitre 1

19

La Jamaïque est un véritable berceau des musiques actuelles. L'île a vu naître l'art du deejay*, avec les premières techniques de mix, et les pratiques des versions*, du remix, du dub, du riddim*, du sample* et du toasting aujourd'hui connu sous la forme du rap.

Ces événements sonorisés par des sound systems célèbrent la communauté et l'appropriation de l'espace public par la danse et la « domination sonore ». L'importance de faire ressentir la basse, physiquement parlant, est un effet recherché par les sound systems. Les musiques jamaïcaines recouvrent de l'identité nationale, culturelle et sociale du pays.

L'ensemble des styles musicaux issus l'île se sont étendus, bien au-delà de ses frontières, pour métamorphoser l'île en un véritable cluster34 musical. La musique a évolué et le monde entier s'est approprié les sons jamaïcains pour donner naissance à la techno à Détroit, ou la Drum'n'bass en Angleterre, exemples parmi tant d'autres.

Le fonctionnement initial de la contre-culture musicale jamaïcaine, dans l'indépendance la plus totale, perdure encore aujourd'hui. De nombreuses recherches et enquêtes sur ce terrain en France nous permettront de comprendre pourquoi les acteurs de ce mouvement gardent cette indépendance et y tiennent, comme véritable tradition. Nous nous pencherons également sur les des acteurs de ce secteur, actifs et visibles, en dépit d'une totale indépendance.

34 Cluster : D'après Thomas Vendryes, le cluster est un regroupement géographique restreint d'acteurs d'un même secteur d'activité.

20

Chapitre 2 - Une culture en plein engouement dans le paysage français

Introduction chapitre 2

Dans ce second chapitre, nous tenterons de retracer l'historique des musiques jamaïcaines en France. Nous nous intéresserons plus particulièrement au mouvement sound system en France, indéniablement indissociable du genre musical du dub. Les multiples recherches sur les acteurs du milieu nous permettront de comprendre comment les artistes français se sont approprié les musiques jamaïcaines, précisément le dub et ses dérivés et par quels moyens les français se sont appropriés la culture sound system.

Exportation des musiques jamaïcaines en France

À la fin des années 1970, en France comme dans le monde entier, les musiques jamaïcaines ont connu une large diffusion grâce aux de concerts de Jimmy Cliff, Steel Pulse, The Gladiators, Peter Tosh, pour ne citer que les plus célèbres. Lorsque Bob Marley entreprend une tournée mondiale Uprising Tour en 1980, le reggae termine de se répandre dans le monde entier. Certains artistes français déjà reconnus, notamment Serge Gainsbourg et Bernard Lavilliers s'approprient le genre, de manière ponctuelle.

Petit à petit et en parallèle des événements qui se passent en Angleterre, plusieurs français exportent les musiques jamaïcaines, et plus particulièrement le dub, pour les revisiter d'une manière tout à fait singulière. C'est d'abord dans un registre classique, en façade35, que les français ont commencé à jouer du dub sur scène, dans les années 1990. Puis, plusieurs artistes émergent et se démarquent en jouant sur scène avec des instruments de musique reproduisant le style du dub : High Tone (Lyon), Zenzile (Angers), Brain Damage (Saint-Étienne), Improvisators Dub (Bordeaux), Kali Live Dub (Lyon), Kanka (Rouen), parmi tant d'autres36. En 1998, High Tone, groupe emblématique du dub français, sort son premier vinyle. Il fête aujourd'hui ses vingt ans. Fabrice, le batteur du groupe, témoigne37 : « À l'époque il y avait peu de sound systems et le dub était peu répandu. En gros, ça se résumait à Improvisators Dub, Zenzile, Brain Damage et nous. Pendant longtemps, cette scène-là s'est inspirée du dub

35 Autrement dit quand l'artiste est au-dessus du public, sur une scène en hauteur et non à-même le sol comme dans le milieu de la scène sound system.

36 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le grand-père de la musique électronique », La Nuit Magazine, 7 juin 2018 [en ligne]. Disponible sur : https://www.lanuitmagazine.com/high-tone-dub-grand-pere-de-musique-electronique/

37 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le grand-père de la musique électronique » Op. Cit.

21

jamaïcain et anglais, puis elle s'est démarquée de celle-ci en faisant une formule live avec beaucoup d'instruments ». L'ensemble des publics ayant découvert l'univers du dub en France ont commencé par écouter la scène dub live, comme l'indique un bénévole de l'association dijonnaise Skanky Yard : « Dans notre génération, on a tous commencé par High Tone. Par ça, on a découvert Brain Damage, qui a un style anglais et après Alpha & Omega, Vibronics et Disciple pour ensuite se tourner sur les autres artistes de cette scène, jamaïcains et anglais compris.38 »

Prémices de la culture sound system en France

En parallèle de la scène live, qui s'est fortement développée, dans les années 1990, d'autres amateurs français de dub se déplacent à Londres, au carnaval de Notting Hill. Ils découvrent cette fameuse scène sound system anglaise. Polak, un des cinq copropriétaires du sound system breton Legal Shot décrit son expérience : « Nous sommes allés Londres au carnaval Jamaïcain pour voir comment était jouée la musique jamaïcaine en sound system. Tu avais beau lire tout ce qu'il y avait sur le sujet, voir des photos ou des vidéos, tant que tu n'avais pas vécu l'expérience pour sentir la basse qui percute le corps, voir les enceintes montées en château et les accumulations d'amplis, d'effets. Ils jouaient des morceaux que je connaissais déjà mais j'avais l'impression que c'était une autre version, c'était simplement qu'ils les jouaient sur un sound system et je redécouvrais des disques que je connaissais déjà. Il faut vraiment y aller pour avoir l'aspect physique et comprendre le sound system39 ».

En France, la culture sound system en a conquis plus d'un. Certains d'entre eux se sont lancés dans l'aventure, comme plusieurs membres interrogés. Polak continue de décrire son ressenti : « On n'a pas été bien long à se convertir ! Après c'était parti, on a commencé à vouloir savoir comment ça se construisait, comment c'était possible de faire sonner un son avec autant de basses et on s'est renseigné sur tout, comme on dit Rome ne s'est pas fait en un jour donc c'est un processus assez long et coûteux puisque forcément, c'est matériel et il en faut du bon40 ».

Julien est un des six membres de Dub Invaders, projet parallèle du groupe d'High Tone, créé en 2009 : « Dès les années 1990 à Lyon, il y avait déjà Vibronics, Disciples, Iration Steppas [...] qui tournaient, parfois ils étaient programmés dans des événements techno. Et

38 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

39 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

40 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

22

puis on est allés en Angleterre, à Notting Hill ou dans la banlieue de Londres, pour voir des sound system. Donc c'est une grosse influence pour nous, même si, à l'époque, on n'avait pas envie de copier ça quand on a commencé le live avec High Tone. Pour nous, le sound system est lié à l'histoire de la culture underground, à notre culture41 »

Beaucoup de monde s'est passionné pour cette culture. Furent rapidement fondés des médias indépendants comme Alex Dub, fondateur de Culture Dub. Il détaille son vécu après avoir découvert la scène sound system anglaise : « En découvrant ces basses rondes et profondes que l'on vit au plus profond de notre corps, je me suis dit : «Le Dub ne s'écoute pas mais se vit !» En rentrant en France, je créais Culture dub en 2000 et je publiais le 1er fanzine dub français. Le dub est un outil qui me permettait de défendre mes idées et le sound system, le matériel qui permettait de l'emmener musicalement au public42 ». Emmanuel Valette, fondateur de Musical Echoes, décrit également la manière dont il a découvert cette scène en France : « Pour ma part, je suis arrivé dans cette culture par la scène dub française live. [...] Tous ces artistes sont apparus en France à la fin de XXe siècle. J'ai vraiment écouté du dub avant d'écouter du sound system.43 ».

Au début des années 2000, les salles de concerts n'acceptent pas encore les sound systems et les collectifs y étant associés. L'alternative élaborée pour se produire par les acteurs de ces scènes indépendantes est de se produire dans des espaces autogérés ou des squats44. Rico, membre d'OBF45, témoigne : « On a découvert le milieu sound system roots UK dans les caves et les squats de Genève. [...] Ça nous a donné envie d'organiser nos propres soirées et on s'est vite rendu compte qu'il fallait qu'on ait notre propre matériel. Donc on a construit nos deux premières boxes en 2003 pour répondre à ce besoin. En 2004, on en a construit quatre de plus. Pendant deux années consécutives, on a organisé pas mal de soirées au Kalifornia, un squat de Genève. Suite à ça, on s'est souvent retrouvés en warm-up des concerts de la scène dub française comme High Tone. Ça se passait souvent à L'Usine de Genève qui est devenu notre fief en 2006 avec l'organisation des soirées Dubquake, notre événement bimestriel46 ».

41 Emmanuel « Aku-Fen (Dub Invaders) : « Le sound system est lié à l'histoire de la culture underground ! », Musical Echoes, 22 septembre 2016 [en ligne]. Disponible sur : https://musicalechoes.fr/2016/09/aku-fen-dub-invaders-le-sound-system-est-lie-a-lhistoire-de-la-culture-underground/

42 Entretien avec Alex Dub, fondateur et rédacteur de Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1 p. 71

43 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77

44 Le squat désigne l'installation dans un lieu pour y habiter sans l'accord du titulaire légal du lieu. Le squat est par définition illégal.

45 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

46 Ju-Lion, « OBF : trois lettres majeures », Reggae, 7 novembre 2016, [en ligne]. Disponible sur : http://www.reggae.fr/lire-article/3698 OBF---Trois-lettres-majeures.html

23

Les événement majeurs ayant contribué au développement du mouvement sound system

Plusieurs personnes séduites par la culture reggae dub se sont emparées du phénomène. Elles ont pris l'initiative d'organiser des événements, festivals et concerts, dans l'intention de diffuser leur passion au plus grand nombre47. En 1989, le Garance Reggae Festival lance sa première édition. Tout d'abord organisé à Paris, dans plusieurs lieux, il est délocalisé à Bagnols-sur-Cèze en 2010. À l'origine, le festival invitait uniquement des artistes de la scène reggae. Puis, en 2007, les organisateurs intègrent de dub et les sound systems, en invitant notamment Blackboard Jungle48 et Aba Shanti I49.

Revenons cinq ans en arrière avec Frédéric Péguillan, fondateur du Télérama Dub Festival, pionnier dans la promotion du dub en live : « À la fin des années 90, il y a toute cette génération spontanée de groupes de dub français qui est apparu, Zenzile, High Tone, Improvisator Dub. Puis j'ai proposé à Glazart50 de monter un festival autour du dub, ils étaient partants. Télérama était d'accord pour rajeunir son image. Le festival s'est créé en 2003 et après ça a un peu fait boule de neige, on a fait venir des anglo-saxons, des allemands, ça a grossi d'année en année. [...] Au début on était les seuls en Europe51 ».

Deux ans plus tard, en 2005, les Dub Stations apparaissent au Trabendo, à Paris, organisées par l'association Musical Riot. Un nouveau concept naît en France : plusieurs collectifs viennent tandis qu'un seul prend en charge l'apport du sound system, afin de sonoriser l'ensemble des concerts. Ces soirées, encore d'actualité, se tiennent tous les deux mois et se sont exportées à Lyon, Marseille, Barcelone, Rouen et, dernièrement, à La Réunion.

Après la naissance des Dub Stations, un nombre toujours accru d'événements se créent autour des sound system. En 2008, l'association nantaise Get Up ! organise ses premières Nantes Dub Club et Get Up ! Session. En 2009, l'association dijonnaise Skanky Yard commence d'organiser des sessions* de dub aux Tanneries52, un espace autogéré mythique de la scène punk. La personne interviewée, qui souhaite garder l'anonymat, explique le fonctionnement singulier de cette association : « Skanky yard est initialement une association familiale, du coup j'ai tenu à garder cet esprit de famille dans l'association. Chacun a développé ses compétences dans notre équipe. Le sound system a permis de sonoriser les

47 Aperçu des visuels des différents événements cités. Cf. Annexe 9, p. 103

48 Un des premiers collectifs français à s'emparer de la culture sound system en 1999.

49 Opérateur d'un sound system anglais et producteur de dub depuis 1993.

50 Ancienne gare routière transformée en salle de concert underground avec des groupes et DJ émergents.

51 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79

52 Espace autogéré des Tanneries : centre social, culturel et politique situé à Dijon

24

premières soirées et continue de les sonoriser aujourd'hui, encore aux Tanneries53 ». En 2014, l'association Totaal Rez organise les Dub Echo au Transbordeur, à Lyon. De nombreuses associations, partout en France, lancent des initiatives analogues. La culture sound system est à présent bien ancrée dans le paysage musical français.

L'intégration du dub dans de nombreux festivals

Dernièrement, le dub a intégré de nombreux festivals de reggae. Frédéric Péguillan explique que les dub corners, littéralement traduits par un « coin de dub », se sont développés sur les festivals de reggae : « Les premiers qui ont fait ça c'était au Garance en 2013 avec le «Dub Station Corner», après au Reggae Sun Ska en 2014 avec le «Dub Foundation» et maintenant au No Logo avec les «Dub Masters Clash». Et c'est très bien54 ». Depuis 2015, le festival de Dour55 a intégré un dub corner organisé par le Reggaebus festival56. De nombreux festivals ont, depuis, repris l'idée.

Au fur et à mesure, prenant conscience de l'engouement des publics pour le dub, plusieurs festivals de grande ampleur ont intégré le dub dans leur programmation principale, en façade, dans des configurations où le public se trouve en dessous du niveau de la scène : « Les organisateurs commencent à se rendre compte que ça existe, qu'il y a une scène peut être intéressante. Les gros festivals s'y mettent en se disant que ça ramènera sûrement du monde. Je me souviens qu'à Rock en Seine il y a deux ans, un artiste de la scène dub était invité alors que le patron, qui déteste le dub, m'a toujours dit «Jamais de dub à Rock en Seine !» ; je l'ai chambré quand j'ai vu qui il invitait57 ».

53 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

54 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79

55 Festival belge d'une capacité de 242 000 personnes et de 235 artistes sur cinq jours.

56 Festival flamand de dub et sound system

57 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79

25

L'engouement actuel pour la scène sound system

Depuis plusieurs années, la scène sound system a largement dépassé la scène dub live émergente en France à la fin des années 1990. D'après Frédéric Péguillan, fondateur du Télérama dub Festival, il n'y a plus une ville française qui n'ait pas son sound system aujourd'hui. Il explique comment le Télérama Dub Festival est né et comment la scène dub a évolué depuis la création du festival en 2003 : « Au départ, le Télérama Dub festival ce n'était pas tellement un festival de sound system. À l'époque, la culture sound system existait déjà beaucoup en Angleterre mais au départ le festival s'est monté avec du dub live Ils reprenaient cette technique de studio qui était le dub et ils le rejouaient en live. Ça a été le point de départ et puis peu à peu, on a intégré la dimension sound system qui est je dirais presque la plus importante aujourd'hui. Donc effectivement, ça a pas mal bifurqué là-dessus ces derniers temps, mais je tiens à ce que le festival puisse être une présentation de tous les aspects du dub : du live avec des instrumentistes, du sound system, du DJ set, du live machines58 ».

Emmanuel Valette, fondateur du webzine Musical Echoes, rejoint l'avis du fondateur du Télérama Dub Festival : « Maintenant, il y a des soirées de partout, même dans les petites villes. La réserve que l'on fait sur Musical Echoes, c'est de montrer que cette culture ne vient pas de nulle part. Elle est rattachée à une culture anglaise et jamaïcaine. C'est vraiment une musique avec un message, un savoir-faire vraiment artisanal au niveau du son généré par les sound systems59 ».

Fabrice, membre du groupe High Tone donne son avis sur l'évolution du mouvement en étant pionnier de la scène dub française : « Les sound systems, ça donne toujours un côté alternatif et je pense que les jeunes d'aujourd'hui sont demandeurs de ce genre de choses. Si on revient aux origines, le principe de la dubplate*, les sound systems, le fait de faire venir un MC, de remixer des morceaux, ça se retrouve dans d'autres musiques. Le dub est le grand-père du hip-hop, du jungle, du dubstep, de la bass music et de la musique électronique. Et ça, les gens commencent à le comprendre. C'est pour ça que ça plaît toujours autant. J'espère juste que ça ne va pas finir par devenir trop commercial comme d'autres genres60».

Le collectif Stand High Patrol, collectif également pionnier en France, a également partagé sa vision sur l'évolution du mouvement : « La scène sound system dub en France a bien évolué. Il y a un certain renouveau, notamment grâce au fait qu'il y ait plus de producteurs

58 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79

59 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77

60 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le grand-père de la musique électronique » Op. Cit.

qui bossent sur ordinateur. Nous, on fait principalement du reggae et du dub mais on essaye aussi de faire d'autres styles. Nos productions se rapprochent quelquefois du hip-hop. En fait, on ne se cantonne pas à un style ou à vouloir faire évoluer un style. Encore une fois, on fait juste ce qu'on kiffe, sans se mettre de barrières et en gardant une certaine ouverture d'esprit. C'est ça qu'on veut garder comme marque, l'ouverture d'esprit61 ».

Conclusion Chapitre 2

Les musiques jamaïcaines, le reggae, le dub et la culture sound system se sont progressivement importés dans le paysage musical français depuis la fin des années 1990. Toute une communauté s'est passionnée pour cette culture et a su mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour diffuser cette manière d'appréhender la musique au grand public.

Les années 2000 ont marqué un temps fort l'histoire du dub en France grâce à des artistes et groupes musicaux qui ont reproduit les techniques de dub avec des instruments sur scène.

Les années 2010 ont pris un tout autre tournant pour cette fois développer la culture sound system au plus grand nombre. De nombreux collectifs et acteurs se sont passionnés pour cette culture et ont montré à d'autre que le mouvement était accessible. Certains ont l'objectif d'en vivre, d'autres veulent seulement trouver une échappatoire et un espace de liberté grâce à cet outil de diffusion, le sound system.

26

61 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le grand-père de la musique électronique » Op. Cit.

27

Conclusion Première Partie

Nous venons de voir dans cette première partie que la Jamaïque est un véritable cluster musical. L'essor de cette culture en Angleterre et dans le monde entier a développé les différentes techniques musicales originaire de l'île. De nombreux acteurs et artistes se sont appropriés ces techniques et ont donné naissance à de nouveaux genres musicaux des musiques actuelles.

Les musiques jamaïcaines, le reggae, le dub et la culture sound system se sont progressivement importés dans le paysage musical français depuis la fin des années 1990. Les français se sont d'abord approprié le dub en le jouant avec des instruments.

La scène sound system s'est aujourd'hui imposée en France. Nous remarquons une forte importance de collectifs qui se forment quant aux formations artistiques de dub live instrumentales qui sont devenues minoritaires. Toute une communauté s'est passionnée pour cette culture et a su mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour diffuser cette manière d'appréhender la musique au grand public.

Le fonctionnement initial de la contre-culture musicale jamaïcaine, dans l'indépendance la plus totale, perdure encore aujourd'hui. De nombreuses recherches et entretiens avec les acteurs de cette culture nous permettront de comprendre, dans la seconde partie de ce mémoire, pourquoi les acteurs de ce mouvement gardent cette indépendance et y tiennent, comme une véritable tradition. Nous nous pencherons également sur les acteurs de ce secteur, actifs et visibles, en dépit d'une totale indépendance.

28

Deuxième partie - La scène sound system française actuelle Introduction deuxième partie

Nous venons de voir que la scène dub française se divise en deux pratiques bien distinctes : la scène live et la scène sound system. Nous allons à présent nous focaliser sur la scène sound system dub en France, sujet principal du présent mémoire.

Une poignée de passionnés se sont emparés de la culture sound system dub pour développer des médias spécialisés, organiser des événements, écrire des articles et ouvrages empreints des problématiques intrinsèques à cette musique si particulière. En revanche, très peu d'ouvrages fondamentalement sociologiques nous ont permis d'accéder à une analyse concrète de ce mouvement. Cette constatation nous mène à deux réflexions : la culture sound system est un phénomène relativement récent en France et ce mouvement reste, comme toujours, très indépendant. C'est pourquoi nous avons fait le choix de construire nos propos aux moyens d'un ensemble de rencontres et d'échanges, au contact des acteurs de cette culture qui évolue hors des sentiers battus.

Les différents médias spécialisés furent essentiels dans les recherches que nous avons menées. L'ensemble des réponses des personnes interrogées et le contenu existant des différents médias indépendants nous ont permis de comprendre pourquoi les acteurs de ce mouvement conservent l'indépendance de ce mouvement, comme le veut la tradition.

29

Chapitre 1 - Développement, fonctionnement et visibilité des acteurs Introduction chapitre 1

Nous allons ici tenter de soulever les différentes caractéristiques de l'indépendance de la culture sound system en France par le biais de douze entretiens réalisés tout au long de l'année, dans le milieu de culture sound system dub. Par leurs propos, leur enthousiasme et leur positivisme, l'ensemble des personnes interrogées nous ont renseigné sur l'engouement actuel autour de cette culture.

Nous montrerons également, dans cette nouvelle partie, que le fonctionnement initial de la culture sound system dans l'indépendance la plus totale en Jamaïque reste le même aujourd'hui, notamment en France. Comment ces acteurs restent-ils actifs et visibles tout en s'affranchissant, tant que possible, des aides financières de l'État ?

Le dub en France : l'importation et son évolution

Depuis quelques années, l'apparition de plusieurs centaines de collectifs et la naissance de plusieurs événements dédiés à la culture sound system révèle un réel intérêt des français. On peut observer que cette scène attire un public de plus en plus jeune, attiré par une réelle expérience physique, vibrante, englobante. Un des bénévoles de l'association dijonnaise Skanky Yard explique la présence des amateurs de cette culture dans la ville de Dijon : « Je pense qu'avec les sessions régulières qui s'organisent depuis plusieurs années, un public s'est constitué. À Dijon il n'y a pas vraiment d'autres soirées donc plus les personnes viennent, plus elles en parlent autour d'elles. Ça a aussi dû donner l'envie à d'autres de monter leur collectif car le mouvement a montré que c'était accessible et possible pour tout le monde d'en faire partie. Ce qui est bien dans le sound system, c'est de faire partie d'un collectif. En plus de l'équipement sonore, il y a un vrai engagement militant dans les collectifs qui se montent en France62».

62 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

30

Le sound system : une passion à temps plein

Les entretiens réalisés mettent en évidence un élément crucial. La majorité des acteurs sont passionnés. Mais les entretiens révèlent aussi que la plupart des acteurs exercent aussi une profession, en parallèle. Est-ce un choix ou une nécessité ? DopeShack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System63, nous en dit plus sur son choix : « Je n'ai jamais eu l'ambition que ce sound system devienne mon métier, c'est mon espace de liberté. Je suis ingénieur à côté avec tout ce que ça peut impliquer concernant la rigueur et le cadre. Du coup, dans le sound system, j'essaie de m'affranchir de tout ça64 ». Le point de vue de Polak, sélecteur et MC de Legal Shot Sound System65, nous fait comprendre que c'est un choix pour son collectif de ne pas en vivre, il explique pourquoi : « On joue une fois par mois environ. C'est une volonté de notre part, si on veut faire plus on peut mais on respecte les vies de famille de chacun et le rythme professionnel de chacun puisqu'on a tous nos activités à côté. Il serait difficile, pour un sound qui tourne juste une fois par mois, de faire vivre correctement 5 copropriétaires. C'est mission impossible66 ». En revanche, Quentin, MC et cofondateur de Brainless Sound System67 a pour ambition de professionnaliser l'activité du collectif « Au départ, nous faisions des contrats de représentation bénévole et nous faisions un cachet artiste qui rentrait dans les sous de notre association. Petit à petit, on a tous arrêté nos études et un besoin s'est fait à ce niveau-là. Du coup, les contrats d'intermittence se sont enchaînés pour Théo, puis pour Léo, qui nous a rejoint rapidement. Moi, je suis sur des cachets de booking puisque je m'occupe de la diffusion de Brainless avec l'association Exoria68 ».

L'association dijonnaise Skanky Yard, organisatrice d'événements, avait engagé deux employés grâce aux contrats aidés, aujourd'hui révolus, à leur grand regret : « Pendant un an jusqu'à novembre dernier, on était deux salariés dans l'association à temps partiel en contrat aidé. Ils ont supprimé les contrats et le nôtre se terminait en novembre dernier, on n'a pas eu de chance. On l'a mal vécu au début mais maintenant ce n'est pas grave, la machine est lancée et on se rend compte qu'on peut quand même la gérer. Avec notre travail à côté, on est obligés d'avoir un rythme69 ».

63 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

64 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

65 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

66 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

67 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

68 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

69 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

31

Le sound system, une réelle profession pour une poignée de collectifs

Seulement trois collectifs français vivent de leur activité aujourd'hui. C'est le cas d'OBF sound system. Rico, le sélecteur du collectif, explique comment leur persévérance leur a permis d'en vivre depuis peu : « On en vit tous aujourd'hui. On est tout le temps sur la route. La semaine, on produit de la musique pour que les programmateurs aient envie de nous programmer. On bosse vraiment à fond, c'est notre métier ! Guillaume70 est le seul à avoir un travail à côté. Je m'occupe aussi du label Dubquake et d'organiser des soirées. On s'occupe de pleins de choses à côté de notre activité de production musicale mais tout est lié à OBF71 ».

C'est également le cas pour le collectif Stand High Patrol Sound System72. Morgan, manager, expose la situation du collectif à l'heure actuelle : « On avait tous des métiers à côté au début, on a tourné pendant cinq ans en étant vraiment amateurs et un jour on a décidé de changer puisque c'est beaucoup de travail avec le label. On s'est dit qu'on arrêtait nos trucs à côté pour se concentrer sur le label et qu'on allait devenir intermittents du spectacle. Le seul qui n'est pas intermittent du spectacle est le chanteur car il garde son métier, c'est important pour lui d'avoir un équilibre entre le son et son métier, ses deux passions73 ».

À l'heure actuelle, peu de collectifs réussissent à vivre de leur activité musicale. Certains s'en sortent grâce au statut d'intermittent du spectacle. Ils délaissent leurs professions respectives pour s'investir, intégralement, dans leur activité artistique et collective.

Fonctionnement autonome des acteurs

Pourquoi peut-on définir la culture sound system comme indépendante ? Les réponses des personnes interviewées se rejoignent. À l'unanimité, les acteurs interrogés considèrent que la culture sound system est plus indépendante que d'autres branches de l'industrie musicale car le milieu, à l'heure actuelle, est encore assez peu structuré. Le fonctionnement singulier de ces acteurs nous en dit également plus sur leur indépendance.

Polak décrit sa vision : « Effectivement, il y a cette notion d'indépendance avec le Do It Yourself. On pourrait dire qu'il y a une grande part des sound systems qui se débrouillent eux-mêmes pour construire leurs enceintes, pour s'équiper et pour fonctionner. [...] Mais indépendant car c'est peut-être moins structuré quant à d'autres styles musicaux. Je ne sais

70 Guillaume, opérateur d'OBF Sound System.

71 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

72 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

73 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

32

pas trop comment l'exprimer. C'est vrai que les sound systems ne sont pas trop basés sur des labels, sur des maisons de disques, on compte vraiment sur nous-mêmes et c'est en ce sens qu'un sound system est assez indépendant. L'indépendance transparaît à plusieurs niveaux. C'est aussi lié au fait que ce soit des sonos mobiles aussi, on peut jouer un soir à un endroit, un soir à un autre, sous réserve des autorisations nécessaires évidemment 74 ». Rico complète l'avis de Polak : « Quand on amène notre sound system, on amène tout le matériel. On amène le matos pour sonoriser, notre matos pour pouvoir jouer dont les platines, on amène notre crew qui va installer, que nous allons nous-même conduire jusqu'au lieu de l'événement. Juste la façon de faire et de concevoir toute cette scène sound system, c'est autogéré et indépendant. On a construit nous-mêmes notre sound system, on fait développer toutes nos machines par nos amis, c'est très Do It Yourself et, déjà ça, dans l'approche et la manière de fonctionner, c'est indépendant75 ». Morgan ajoute : « Il y a des écarts incroyables entre les artistes qui vont se produire sur la scène sound system que l'on peut voir sur cette scène, certains sont médiatisés et d'autres pas du tout. Certains sont suivis du grand public et d'autres pas du tout. Parmi eux, certains se donnent une mission vraiment locale, [...] C'est ça qui fait que c'est un milieu assez riche où tu vas avoir des puristes très traditionnels sur le reggae, le roots classique et tu vas en avoir d'autres qui vont mélanger ça avec les musiques électroniques, plus proche de la techno76 ». Morgan n'est pas un manager comme ceux que l'on trouve dans les sphères musicales plus traditionnelles : « Avec Stand High, si j'ai cette position de «manager» c'est parce que je fais la coordination. À aucun moment je ne décide pour eux. En revanche, je suis l'intermédiaire entre eux et la prise des décisions. Je suis l'interlocuteur pour tout ce qui va être booking, labels, distributeurs. Si les professionnels de la musique veulent entrer en contact avec le groupe, ils passent par moi mais ce n'est pas moi qui prend la décision finale. C'est une position assez particulière et l'essentiel du travail c'est qu'on soit un collectif et qu'on décide de tout ensemble77 ». Naturellement, les plus petits collectifs partagent la même vision que les autres. Quentin, de Brainless sound system, pense : « On peut encore le dire, je ne sais pas encore pour combien de temps, mais la plupart des sound-systems sont autoproduits ou sont produits par des labels qui sont eux-mêmes indépendants78 ».

74 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

75 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

76 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

77 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

78 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

33

Les organisateurs partagent la même vision que les collectifs. La culture est naturellement considérée comme étant indépendante. Frédéric Péguillan, organisateur du Télérama Dub Festival depuis seize ans décrit sa vision : « Ce n'est pas que je la considère, c'est qu'elle l'est ! Toutes ces associations fonctionnent en totale indépendance. [...] C'est leur choix et leur manière de fonctionner. Certains artistes créent leurs propres labels mais il n'y a pas de gros labels qui signent des sound system, donc ce n'est pas le but79 ». Les bénévoles de l'association Skanky Yard ont un fonctionnement particulier lors des événements qu'ils organisent : « On n'a jamais fait un planning bénévole car ça ne marche pas aux tanneries et ça désengage plus les gens qu'autre chose. Avec notre système, même au niveau de l'asso, cela permet aux gens de penser régulièrement à ce qu'il faut faire pour s'impliquer. C'est un peu du bon sens80 ». Cette liberté au niveau de l'organisation fait encore référence à la force intrinsèque des collectifs. Les compétences de chacun sont valorisées. Les bénévoles se sentent pleinement investis dans les soirées, sans sentir sur leurs épaules le joug de la contrainte.

Les médias indépendants et spécialisés dans cette culture partagent une vision identique. Alex Dub, fondateur et rédacteur du magazine en ligne Culture Dub explique : « Le sound system est diffuseur de la musique que les acteurs composent eux-mêmes, pressent en vinyles eux-mêmes, diffusent à partir de labels qu'ils ont créé. Cela permet une certaine indépendance, pour développer une économie parallèle. De fait, cette façon de faire avancer ce mouvement lui permet de sortir du formatage radiophonique, de défendre un message sans compromis. En 2018 il est très rare de pouvoir, comme cela, maîtriser une culture de A à Z, sans se faire approprier par des étatiques81 ». Emmanuel Valette, rédacteur pour le webzine Musical Echoes, donne aussi son avis sur la question : « Je ne sais pas si c'est toujours indépendant mais en tout cas, ce qui est bien, c'est qu'il y a des collectifs qui commencent à gagner leur vie dans tout ça. Mais à quel prix ? À quel rythme ? Faire des soirées tous les week-ends, c'est épuisant. Mais les autres donnent tous leurs moyens et n'en vivent pas forcément. C'est un gouffre financier énorme quand on s'y met, l'équipement est coûteux82 ».

Les acteurs rencontrés partagent, globalement, la même vision de la culture sound system. Les collectifs, organisateurs et médias revendiquent leur fonctionnement autonome. L'esprit

79 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p.79

80 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

81 Entretien avec Alex Dub, fondateur et rédacteur du webzine Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1 p. 71

82 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77

34

d'équipe se ressent profondément au sein d'un collectif mais toutefois au sein de la culture à part entière.

Dynamique et visibilité des collectifs de sound system

Internet est, aujourd'hui, un outil essentiel pour un collectif de sound system. C'est le meilleur outil de communication, le meilleur moyen de développer une visibilité publique, à moindre frais. La diffusion de la musique en ligne permet de partager les projets avec le plus grand nombre, sans aucune frontière.

Pour preuve, OBF, un des collectifs aujourd'hui fort reconnus, a profité de l'émergence d'Internet et des réseaux sociaux pour se rendre visible : « On a eu la chance de commencer avant l'engouement au début des années 2000. On a eu la chance d'arriver avant tous ces nouveaux sound systems qui arrivent sur le marché, qui sont en masse et qui n'arrivent pas à se différencier. C'est pour ça qu'on arrive à rester visible, maintenant tout le monde peut se rendre visible avec Internet. Même si tu es indépendant ! [...] On travaille beaucoup, on bosse énormément au studio pour pouvoir sortir des morceaux et le plus possible83 ». Polak exprime également les pratique de collectif dont il est copropriétaire : « La détermination nous a permis de rester actif et visibles, tout simplement ! On croit en notre collectif, en la qualité de notre son, notamment au niveau acoustique, de notre sélection, de ce qu'on est capable de faire en clash, de ce qu'on est capable de faire en tant que producteurs. Ce n'est pas pour prouver quoi que ce soit aux autres ou à nous-mêmes, mais juste être honnête par rapport à sa musique, à notre musique84 ». Le collectif Brainless oeuvre d'arrache-pied pour rester dans la mouvance : « On va essayer de continuer d'être présent, de promouvoir les dates sur lesquelles on va jouer, de promouvoir le pendant, l'après. On va essayer de sortir des morceaux en téléchargement gratuit pour faire avancer le mouvement. On n'a pas forcément 200€ de sponsors à mettre dans chacun des publications qu'on fait sur Facebook, on n'est pas financé par une major mais ça n'empêche pas de grossir un auditoire pour autant85 ».

Nous remarquons que les sound systems créent de la visibilité par eux-mêmes. Souvent, ils s'invitent les uns les autres, pour jouer ensemble sur la sonorisation d'un collectif ou en assemblant leurs sound systems respectifs. DopeShack évoque une dimension importante de ce

83 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

84 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

85 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

35

régulier partage : « En ce moment on est bien lié avec Brainless, avec qui on joue depuis longtemps et qui, eux, tournent beaucoup. Là on a une date avec eux au mois d'avril où on va assembler les sonos. C'est rare qu'on ait plus de deux ou trois mois de visibilité, on n'a jamais un an de dates calées mais des fois tu te dis qu'il n'y a rien et d'un coup on te propose une date sans t'y attendre. Une fois par mois ça nous va bien86 ». Les bénévoles de l'association Skanky Yard expliquent également : « On est un vrai crew, tous les artistes ont l'impression que nous sommes une grande famille. Il n'y a pas cette ambiance partout. Les artistes mangent avec nous et c'est convivial. De l'extérieur, on peut croire que tous ces gens qui travaillent bénévolement travaillent pour le sound system mais en fait, de l'intérieur, c'est le sound system qui travaille pour tout le monde. D'un point de vue d'union collective, c'est parce qu'on a monté ce sound system que maintenant nous pouvons l'allumer, faire jouer des artistes dessus. C'est aussi un luxe de recevoir des gens, de parler anglais tous les mois87 ». Cet état d'esprit au sein du milieu se construit sur l'entraide. Les sound clashs continuent, prouvant encore une fois que la tradition jamaïcaine continue mais, à présent, dans un climat totalement pacifiste.

Les organisateurs et les médias participent évidemment à la visibilité des collectifs. Frédéric Péguillan explique que le Télérama Dub Festival offre trois axes de développement aux artistes : « Le premier est de faire venir des artistes qui ont une notoriété mais qu'on ne voit pas souvent en France. En second, c'est du développement, c'est-à-dire plein de jeunes artistes. Il y en a plein à qui le festival a permis de donner une notoriété qu'ils n'avaient pas auparavant, ça leur a donné un peu des coups de pouce. La troisième dimension à laquelle je tiens fortement c'est la dimension création, car le dub est un peu un terrain d'exploration musicale où on peut quasiment tout faire. C'est beaucoup les rencontres, des créations spéciales, faire travailler des gens d'univers différents. Je cite toujours, en exemple, Kali live dub qui était venu faire un concert au Télérama Dub Festival et il était venu avec Éric Truffaz, un trompettiste de Jazz 88».

Alex Dub décrit sa façon de promouvoir les organisateurs et les collectifs : « Aujourd'hui, en plus de mettre en avant le maximum de sorties des collectifs, Culture Dub accompagne les artistes dans leur développement, leur diffusion. Culture Dub est au service du

86 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

87 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

88 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79

36

peuple à travers son site, ses deux émissions radiophoniques, son label, l'organisation de soirées, la promotion d'artistes...89 ».

Emmanuel Valette explique le fonctionnement, singulier, du média pour lequel il écrit bénévolement : « À l'origine, Musical Echoes n'a pas été pensé comme quelque chose qui fait de la promotion. Ce ne sont pas les artistes qui nous disent de faire la promotion de leur album, c'est plutôt nous qui choisissons. On dit ce que l'on pense, si on n'aime pas quelque chose on peut en parler, ou alors écrire clairement que l'on n'aime pas, ça n'arrive pas souvent mais c'est déjà arrivé. Même si on est tout petit, je pense qu'on se différencie des autres médias, justement, qui vont plus être dans la promotion et dire que tout est génial et super. L'axe de développement, c'est aussi des sélection vinyles tous les mois et ça peut être une vitrine pour les artistes, c'est vraiment une carte blanche aux artistes pour faire connaître et partager leurs influences90 ».

La visibilité du secteur et de ses acteurs s'est développée et pérennisée grâce au déploiement de la diffusion en ligne, tant par les collectifs eux-mêmes que par les médias spécialisés. Les acteurs de la scène dub mutualisent leurs compétences, dans un esprit de solidarité, d'entraide et de bienveillance pour rester dans la mouvance.

Indépendance financière

Les sound systems sont nés, nous l'avons vu, dans la plus totale indépendance financière, en Jamaïque. Les acteurs français, nous l'aurons compris, conservent cette tradition. Est-ce par le simple respect des mécanismes passés ou par nécessité au regard de l'économie actuelle?

L'association Skanky Yard de Dijon nous expose son fonctionnement financier : « On n'a pas de partenaire. On s'autofinance avec les événements. On paye les artistes, les Tanneries, l'entretien du sound system quand on casse du matériel91 ». Rico, sélecteur d'OBF sound system, explique également les manoeuvres pour rentabiliser les coûts que le collectif engage dans toute la chaîne de production et de diffusion : « Nous n'avons jamais eu de subventions. Quelquefois, c'est dur parce que maintenant qu'on est des travailleurs légaux, on a beaucoup de taxes à payer, on a beaucoup de frais. Vu qu'on est organisé, plusieurs personnes travaillent

89 Entretien avec Alex Dub, fondateur et rédacteur du webzine Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1 p. 71

90 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77

91 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

37

pour nous et tout le monde est rémunéré à juste valeur. A la fin d'une session, je ne sais pas si des gens pensent qu'on se fait de l'argent mais... on n'a pas grand-chose. Tout est autogéré, autoproduit, que ce soit le label, les clips, les enregistrements, l'entretien et l'évolution du sound system92 ». DopeShack, sélecteur de King Hi-Fi, explique également leurs sources de revenus : « Non, financièrement nous ne sommes pas soutenus. On a mis de l'argent au début et le projet s'autofinance, en quelque sorte, aujourd'hui. Vu qu'on joue régulièrement et qu'on a réussi à maintenir un niveau de cachet correct, ça nous permet d'investir, de réparer et de racheter du matériel. On est en totale autoproduction93 ». Quentin de Brainless explique également le fonctionnement de son association : « Aujourd'hui, on fait rentrer de l'argent dans l'association quand on organise des événements, mais c'est une petite partie de notre activité puisqu'on fait deux évènements par an. Sinon, c'est le sound-system. À chaque fois qu'on le sort on fait des factures. On le loue, entre guillemets, mais c'est plutôt un défraiement. Ça nous fait un petit fond de roulement dans l'association pour pouvoir réinvestir par derrière94 ». Pour Polak, le fonctionnement de Legal Shot rejoint celui des autres : « Nous finançons le collectif grâce à l'argent que celui-ci rapporte avec le merchandising et en produisant des dates. Les bénéfices et excédents sont réinvestis dans l'outil de travail, le sound system95 ».

L'intégralité des collectifs fonctionnent en autoproduction. Ils organisent des événements mais ne font pas de profit ; l'argent rémunère les artistes, rembourse les frais de l'entretien du sound system et une petite marge permet parfois d'alimenter la trésorerie de leurs associations. Leur fonctionnement ne leur permet pas de faire de profit et ce n'est pas, pour la majorité, ce qu'ils souhaitent.

Autoproduction ou production sur des labels indépendants

La majorité des collectifs créent leur propre label dans la mesure où ils préfèrent produire leur musique, et celles d'autres artistes du milieu, pour conserver leur fameuse indépendance. La production d'autres artistes permet d'étoffer quelque-peu la trésorerie des associations comme le faisait déjà Duke Reid ou Coxsone en Jamaïque. DopeShack explique pourquoi il est important, pour un collectif, de monter son propre label : « À force de sélectionner des disques, pour se différencier, il faut produire de la musique. Le but, c'est aussi de faire avancer le

92 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

93 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

94 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

95 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

38

mouvement. À force de jouer, j'ai rencontré pas mal de chanteurs, de riddim makers. On travaille avec tous ces gens pour sortir des productions sur le label. Un lien s'effectue aussi avec mon métier d'ingénieur. Il faut gérer toute la chaîne, l'aspect musical mais aussi tout l'aspect technique, faire le mastering, presser les vinyles, gérer la distribution, la communication, le lien avec les graphistes pour le macaron du vinyle96 ». Morgan Le Godec, manager de Stand High Patrol, témoigne également : « Tout l'argent qui entre dans le label est réinvesti directement dans le disque, dans de nouveaux albums pour produire de nouveaux artistes, payer le graphiste de la pochette, les photos, les clips... Il peut aussi servir à entretenir le sound system ou le faire évoluer. [...] Mais le label c'est vraiment quelque chose qui s'autogère, enfin qui fonctionne tout seul sur un modèle associatif. Le fait d'être indépendant permet de sortir ce que tu veux. Tu t'en moques que ça plaise à un label ou non puisque le label, c'est le tien97 ».

Les collectifs n'ont pas pour ambition de se produire chez des majors*, des labels traditionnels ou des maisons de disques importantes. Ils préfèrent sortir leurs albums et leurs morceaux sur des labels indépendants comme Original Dub Gathering, e-label proposant une base de données libre de droits sur internet : Quentin, cofondateur du sound system Brainless le décrit : « La plupart des sound systems sont autoproduits ou sont produits par des labels qui sont eux-mêmes indépendants. Tout est basé sur des rapports humains. En général il n'y a pas de contrat avec les maisons de disques. Sur ODG, on a sorti un EP en digital. À aucun moment on nous a fait signer un contrat, on ne nous demande rien98 » ; ou favoriser les labels indépendants comme celui de Jarring Effects à Lyon, qui perdure depuis 1995 et a fait sa place dans le milieu : « Il y en a plein qui préfèrent rester avec cette structure indépendante, des gens comme High Tone par exemple. Ils ont été pendant longtemps les plus gros vendeurs en France et n'ont jamais voulu aller sur des gros labels. Ils n'ont jamais voulu quitter Jarring Effect. C'est un état d'esprit aussi et c'est ce qui fait le charme de la chose99 ».

Aucun collectif n'a ni l'ambition, ni l'envie de faire produire ses disques chez une major. Les réseaux de production sont libres et multiples : certains s'autoproduisent en créant leur propre

96 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

97 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

98 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

99 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79

39

label, d'autres produisent leur vinyle sur des labels indépendants, sous-entendus eux-mêmes des collectifs de sound systems.

Les médias et la culture sound system

Les collectifs rencontrés n'ont pas tous la même vision de l'intégration de la culture sound system dans les médias dits « de masse ». Rico a la volonté de faire rayonner cette culture et, de fait, ce que produit son collectif, au plus grand nombre : « Il y a des gens qui pensent que ce n'est pas bien, qu'il faut rester underground et, justement, ne pas intégrer ces médias. Personnellement, je trouve que si on arrive à faire passer notre message avec notre musique et notre vibe, ça peut faire du bien à notre scène100 ». Quentin partage sa vision et ses craintes quant à la médiatisation à grande échelle : « Il faut prendre en compte que c'est récent. Il y a 25 ans de ça, on en était encore au rock steady en Jamaïque. J'ai du mal à me dire que ça va le rester, avec tout le côté dub où il faut s'adapter et jouer sur des scènes. L'effet Panda Dub et Rakoon, artistes qui ont vulgarisé la chose auprès du grand public, c'est une bonne chose aussi, mais nous espérons que les deux côtés seront conservés. Que le plus de monde possible ait accès à ce style, je pense que personne dans le milieu ne crachera dessus, mais il faut aussi qu'on puisse continuer à mettre une sono sans se faire trop embêter. Je ne sais pas si j'aurais envie qu'on parle de nous dans les médias de masse. Je jetterais bien un coup d'oeil à ce qu'ils pourraient dire101». Polak rejoint l'avis des autres collectifs : « Si les médias de masse s'intéressent à nous, on ne va pas cacher ce qu'on fait. Nous n'avons rien à cacher et puis, si ça se vulgarise, j'en serais le premier ravi ! Je ne m'oppose pas frontalement aux mass médias pour leur fermer les portes parce que cette culture doit rester underground. Après, attention, il ne faut pas que ce qu'ils en racontent et ce qu'ils en montrent soit galvaudé. L'honnêteté doit être des deux côtés, la transparence aussi102 ». L'avis de Morgan rejoint ceux de Quentin et Polak. En tant que manager de Stand High Patrol, il confirme les craintes précédemment évoquées : « Oui, comme dans Trax ou Tsugi, à partir du moment où tu as un bon journaliste et que tu peux avoir un bon article, c'est cool ! Après, on a des expériences d'interviews télé où le journaliste ne connaît pas son sujet et, du coup, c'est une mauvaise expérience pour l'artiste car il ne peut pas s'exprimer clairement. Ça ne donne pas une bonne image de ce que l'on fait. Tout ce qui est télé ou interview filmée, ce n'est pas des trucs qu'ils aiment car ils ont

100 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

101 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

102 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

40

eu des mauvaises expériences103 ». En revanche, d'autres collectifs pensent que le dub et ses dérivés sont uniquement voués à être joués sur un sound system et que la musique n'aurait pas de sens en diffusion radiophonique : « Pour moi, ce qu'on fait, c'est de la musique dédiée pour être jouée en sound system. Ce n'est pas de la musique qui est écrite pour passer à la radio. Sur des enceintes de salon ou à la radio, tu n'entendras pas la basse, et puis c'est de la musique assez minimaliste104 ».

Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef chez Trax Magazine, presse écrite nationale spécialisée dans la musique électronique, techno et house, nous en apprend encore davantage sur cette culture. Pour lui, les acteurs des scènes dub ne cherchent pas, effectivement, à se rendre visibles dans les médias de masse : « Il faut savoir que nous, on parle de musiques électroniques mais que le dub, notamment les sound systems dub, ce n'est pas forcément du dub digital. On est très peu au courant et pourtant on est un média national, on s'intéresse au rock, au rap, à plein de styles mais pour tout ce qui va être sound system dub, on n'est pas au courant de ce qu'il se passe. Je pense que c'est déjà indépendant du point de vue de la communication, elle se fait via des réseaux sociaux, des communautés qui se connaissent, des flyers, des disquaires, mais pas par les médias traditionnels105 ». Le magazine Trax cherche à entrer en contact avec les collectifs : « Il y a comme une espèce de frontière. Ça vient rarement des sound systems mais plutôt de nous. Quand on va les voir sur une affiche, on se dit qu'on aimerait bien faire un truc avec eux et c'est plutôt nous qui allons à leur rencontre pour leur poser des questions106 ». Jean-Paul explique que les acteurs et collectifs de ce mouvement ne cherchent pas forcément à entrer en contact les médias de masse pour se rendre visibles auprès du grand public : « Je pense que ça vient du fait qu'ils ne connaissent pas le média, ils pensent qu'on ne parle que de techno, de house et de musique de club. Du coup je pense qu'ils ne viennent pas forcément nous voir car ils se réservent peut-être plus pour Reggae vibes ou ce genre de magazine, plus porté sur la culture jamaïcaine à la base107 ».

L'ensemble des acteurs ne se montrent pas réticents à la médiatisation de cette culture. En revanche, si les médias de masse veulent en parler, les acteurs insistent sur le fait qu'ils devront restituer une information objective de cette culture au grand public.

103 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

104 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

105 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85

106 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85

107 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85

41

Les institutions et la culture sound system

Pour quelle raisons cette culture, en plein essor dans le paysage francophone, n'est-elle pas reconnue par les institutions et acteurs politiques ? Nous avons posé la question à l'ensemble des acteurs interviewés.

Frédéric Péguillan pense que les collectifs n'ont pas envie d'être récupérés par les institutions et vice-versa car : « Le problème, c'est que les subventions dans la culture n'arrêtent pas de baisser, partout. Par rapport au Télérama Dub Festival, on n'a jamais eu de subventions ou juste quelque petites de l'ADAMI ou du CNV mais autrement, nous n'avons pas de subventions d'État, de région, de département, nous n'avons pas de sponsors. Au moins, quand les subventions baissent, ça ne changera rien pour cette scène108 ». En effet, les baisses générales de subventions culturelles en France ne favorisent pas les acteurs de cette culture à les solliciter pour une aide financière. DopeShack partage la même vision et pense que les institutions ignorent totalement ce mouvement : « Je ne suis même pas sûr qu'ils perçoivent cette culture en fait. C'est tellement underground et marginal comme style de son par rapport au rap ou à la techno, c'est un petit mouvement. Quand on fait des soirées, c'est dans les clous, il y a le souci de basse et la réglementation ne va pas dans notre sens mais à part ça ils ne nous connaissent pas109 ». Rico rejoint la vision de Frédéric Péguillan et de DopeShack, il ne souhaite pas les solliciter : « Si tu construis quelque chose avec une institution, tu es obligé de leur redonner quelque chose en échange. On en a déjà parlé, on pourrait en avoir mais en contrepartie il faut mettre leur logo sur la couverture de l'album et je n'en ai pas envie. On est indépendant dans la façon de faire, on s'est toujours débrouillé et on a envie justement de rester là-dedans et de tout réussir par nous-mêmes. On n'a jamais demandé l'aide de personne110 ». Polak pense que c'est une question de visibilité et de fréquentations : « Quant au fait de construire des liens avec les institutions, je préfère être indépendant financièrement et ne pas dépendre de subventions pour faire tourner l'association et le sound system. Là où on en est actuellement, je trouve que l'indépendance a quand même pas mal d'avantages, notamment au niveau financier111 ».

Certains collectifs comment Skanky Yard ont tenté une approche avec les acteurs politiques mais leur méconnaissance du secteur ne les a pas poussés à continuer leur collaboration : « La

108 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79

109 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

110 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

111 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

42

mairie de Dijon nous avait donné un lieu pour la fête de la musique mais ils ne se sont pas intéressés à ce qu'on allait y faire. Du coup, Le voisinage s'est plaint du volume sonore et des basses, la mairie n'a pas voulu renouveler. On n'a rien à leur offrir mais ils ne nous ont jamais remercié pour ce qu'on faisait pour les jeunes de Dijon. On n'a pas envie de demander des subventions et de leur rendre des comptes. De toute façon, on n'a pas les documents pour faire une demande de subventions, ils limitent les demandes comme ça aussi. On en revient à la définition de ce que l'on fait, c'est underground et alternatif112 ».

Le collectif de Stand High Patrol a déjà eu quelques expériences avec les institutions concernant la diffusion du groupe à l'étranger mais il n'envisage pas de demander des subventions pour le collectif en lui-même : « Concernant les subventions, sur le label on n'en a pas mais sur le booking, si tu veux monter une tournée à l'étranger, tu peux demander des subventions et en avoir, on en a déjà eu d'ailleurs ! Mais on n'a jamais vraiment compté sur les subventions pour développer le collectif. Ça vient aussi de l'esprit sound system à la base qui est plutôt «démerde-toi». C'est toujours un bonus mais ce n'est pas la principale ressource113 ».

En revanche, le collectif Brainless a une toute autre vision des institutions. Il entretient des relations étroites avec les acteurs politiques de la ville de Bourg-en-Bresse pour se produire : « Ça s'est toujours bien passé avec la ville de Bourg-en-Bresse quand on voulait organiser des événements près de chez nous. L'année dernière, on a fêté nos cinq ans et on a demandé des autorisations un peu plus spéciales, c'est-à-dire ouvrir le skate parc, pouvoir y mettre un sound system, faire un événement qui dure l'après-midi puis faire une transition dans la salle de concert. Mais c'est comme tout événement culturel, le sound system n'est pas exclu ! Les institutions sont ouvertes au dialogue, nous avons pu défendre et argumenter notre projet et ils ont su nous donner raison et nous font désormais confiance. C'est important d'entretenir des liens avec eux, ils ont toutes les clés. Et on n'a pas le choix, si on veut perdurer et avoir plus d'argent pour faire ce que l'on a envie de faire, on se doit de garder des liens avec les institutions114 ».

112 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

113 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

114 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

43

Nous remarquons que les institutions commencent à s'intéresser à cet essor. La culture sound system a intégré deux lieux culturels majeurs de la capitale de l'hexagone. Sébastien Carayol fut commissaire de ces deux expositions « Say Watt » à la Gaîté Lyrique à Paris du 21 juin au 23 août 2013 et « Jamaica Jamaica » à la Philharmonie de Paris du 4 avril au 13 août 2017. La première était consacrée à la culture sound system. La seconde était plus largement dédiée à la Jamaïque reconnue pour être à l'initiative de toutes les techniques de composition et de productions musicales actuelles.

D'après l'ensemble des acteurs interrogés, la culture sound system n'est pas encore reconnue par les institutions. En revanche, pour d'autres, elle pourrait l'être dans quelques années. Il faudrait que les collectifs fassent les démarches nécessaires. Une minorité s'en rapprochent déjà aujourd'hui. Les collectifs appartenant à la nouvelle génération commencent à le faire.

44

Conclusion Chapitre 1

Depuis plusieurs années, de nombreux acteurs s'approprient cette culture pour la promouvoir dans le respect des principes de ses origines. Un essor considérable se remarque de nos jours avec la création de collectifs de sound systems dans l'hexagone. À l'heure actuelle, il serait impossible de chiffrer le nombre de collectifs mais il y en aurait environ mille allant des plus amateurs jusqu'au plus structurés.

Globalement, les acteurs rencontrés partagent la même vision de la culture sound system, la même conscience de sa capacité à s'affranchir des systèmes en place dans les musiques actuelles sur le territoire français. Les collectifs n'ont ni l'ambition, ni l'envie de faire produire leurs disques chez une major. L'intégralité des collectifs fonctionnent en autoproduction. Leur fonctionnement ne leur permet pas de faire de profit et ce n'est pas, pour la majorité, ce qu'ils souhaitent. Les collectifs, organisateurs et médias revendiquent leur fonctionnement autonome. L'esprit d'équipe se ressent de manière tangible, le secteur crée sa propre économie, si fragile soit-elle, et tous les acteurs se complètent grâce aux compétences de chacun. La majorité des acteurs rencontrés n'a pas l'ambition de démarcher les institutions. Ils ont toujours été indépendants et ne veulent aucune aide publique. Cependant, la nouvelle génération des collectifs fera sûrement avancer le mouvement, comme certains le font déjà, en entretenant des liens avec les acteurs politiques afin de recevoir, à terme, des aides financières, matérielles ou logistiques.

45

Chapitre 2 - Le cas du Dub Camp festival, la culture sound system dans tous ses états

Introduction chapitre 2

L'association nantaise Get Up ! a vu le jour à Nantes en 2008. Olivier Bruneau en est le responsable et directeur artistique. L'association emploie six salariés à l'année et regroupe une centaine d'adhérents. Elle joue un rôle majeur en matière de développement de la culture des musiques jamaïcaines dans l'agglomération et la région nantaise. Elle organise plusieurs types d'événements où le sound system est l'outil de diffusion utilisé. Le Dub Camp Festival rassemble une importante partie des acteurs de la culture sound system tous les ans. Les organisateurs invitent plusieurs collectifs avec leurs sound systems et de nombreux artistes issus de cette culture, parmi eux, des artistes jamaïcains, anglais, français, japonais, mexicains, éthiopiens. Les amoureux de cette musique, artistes et festivaliers, n'hésitent pas à venir de loin pour se produire ou écouter de la musique jamaïcaine exclusivement sur sound system. Le Dub Camp attire un public cosmopolite.

Ce festival est unique en Europe. Il est le premier événement européen de dub en plein air à défendre la culture sound system sous toutes ses formes. Dans ce chapitre, nous présenterons le festival et les convictions des organisateurs pour ensuite saisir les éléments clés de son organisation quasiment indépendante financièrement. Nous aurons ensuite l'opportunité d'avoir l'avis de Christian Jadeau, premier adjoint au Maire et responsable de la culture de la commune de Joué-sur-Erdre ; commune accueillant le festival depuis deux éditions. Enfin, nous verrons que cet événement est d'ampleur nationale voire internationale. Il rassemble des acteurs du monde entier et les médias de masse n'hésitent pas à en parler depuis sa première édition.

46

Un événement d'ampleur international unique en Europe

Le Dub Camp festival a tenu sa première édition en 2014. Pour sa cinquième édition en juillet dernier, plus de 26 000 festivaliers furent comptabilisés sur les quatre jours de festival.

Cet événement réunit des artistes issus des musiques jamaïcaines et son public féru est au rendez-vous pour célébrer la culture sound system dans tous ses états115. En 2018, la commission de programmation, composée d'une dizaine d'adhérents, a choisi d'accueillir dix-huit collectifs munis de leur sound system. Elle a invité plus de 150 artistes au total. Cette commission met un point d'honneur à programmer des artistes provenant de tous les styles issus de tous les courants ; des plus anciens au plus récents : du ska au roots en passant par le dub et le stepper. Les organisateurs tiennent à satisfaire tout le monde. Ils mettent également un point d'honneur pour inviter des artistes mexicains, anglais, espagnols, italiens, jamaïcains, turc et autrichiens. Au-delà de réunir des collectifs, des artistes et des acteurs du monde entier, le Dub Camp attire un public d'horizon international : Mexique, Brésil, Allemagne, États-Unis, Italie, Japon, Nouvelle-Zélande, Maghreb...

Le Dub Camp Festival est constitué de cinq chapiteaux116, abritant tout un chacun une esthétique différente de la culture sound system. En 2018, le Dub Club Arena était un concentré des différents labels portés par des collectifs de sound systems internationaux, le Sound Meeting Arena rassemblait des sound systems venus du monde entier, l'Outernational Arena regroupait plusieurs labels français et anglais, le Rootsman Corner donnait une carte blanche à un collectif et enfin, l'Uplift Corner représente un espace de détente pour le public, animé par des conférences, des expositions et un plateau radio diffusé en live, le tout en lien avec la culture sound system.

L'association Get Up ! est un acteur majeur de la culture reggae et sound system en région nantaise depuis 2008. Avant d'organiser le Dub Camp Festival, l'association était déjà active et organisaient des soirées dédiées à la culture sound system117.

Pour des raisons d'ordre préfectoral, Olivier Bruneau révèle que le festival a changé trois fois de lieu en cinq ans : « C'est le caractère historique des sites sur lesquels nous étions qui fait que l'on n'avait pas le droit de mettre de camping ou de chapiteau. [...] En 2016, On

115 « Association Get Up ! « Adhérents - Get Up ! », Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles en Pays de la Loire, 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://lepole.asso.fr/adherents/2165/

116 Aperçu du site du Dub Camp Festival 2018. Cf. Annexe 5, p. 100

117 « Présentation de l'association », AssoGetUp, [en ligne]. Disponible sur : https://www.assogetup.com/association/

47

a dû changer de site dix jours avant le début du festival car il était inondé118». Le festival se tient désormais sur les berges du lac de Vioreau à Joué-sur-Erdre depuis les deux dernières éditions : « En 2017 on a trouvé le site a Joué-sur-Erdre sans trop de difficultés et ça s'est passé très vite avec la Mairie. On a rencontré les élus le lundi soir et le mercredi on a signé. En tout cas, on a changé trois fois de site et ça a été formateur en expérience. Les communes qui nous ont accueillies voulaient nous garder119».

À l'origine, le Dub Camp Festival a été pensé et créé par les membres de l'association passionnée par cette culture. Olivier Bruneau en dit plus sur la façon dont le projet a été pensé : « Au moment de la création de l'association en 2008, c'est déjà quelque chose que l'on avait envie de voir. Un événement qui rassemble les sound systems, un concentré des différents sound systems et acteurs du milieu. Le Dub Camp est venu à la suite des différentes soirées que nous organisions. L'envie des adhérents de l'association était de créer un événement d'ampleur national en plein air sur ce mouvement qui n'était pas encore organisé en France ni en Europe120 ».

Jusqu'à présent unique en France et dans le paysage européen, nous pouvons affirmer que ce festival est d'envergure internationale de par sa programmation121 et son public cosmopolite. Ce festival a contribué à donner de la visibilité à cette culture en France depuis ces dernières années. Il était attendu par de nombreux acteurs. Les artistes et les collectifs se réjouissent de venir durant quatre jours pour partager leur passion.

Un festival indépendant reconnu et soutenu par les institutions de la région

En amont de la création du festival les organisateurs ont démarché plusieurs communes dans l'idée de constituer un partenariat pour disposer d'un lieu. Ils ont envoyé une centaine de courriers dans les communes voisines de Nantes qui leur semblaient adaptées : « On a eu une dizaine de retours plus ou moins farfelus. Sur la première édition, quatre communes nous ont répondu favorablement et étaient intéressées122 ». Quelques aprioris et réticences se sont ressentis lors des premières rencontres avec les maires et élus des différentes communes : « L'accueil aux premiers rendez-vous n'était pas forcément évident mais ils se sont vite rendu compte que nous étions une association sérieuse et impliquée. On voulait juste un terrain et

118 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

119 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

120 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

121 Affiche du Dub Camp Festival 2018. Cf. Annexe 4, p. 99

122 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

48

être indépendant financièrement. Le côté financier des retombées économiques qu'il peut y avoir par rapport à l'événement les a motivés. L''inconnu du volume sonore n'était pas forcément évident à faire comprendre parce qu'on a été vraiment franc avec eux en leur disant que ça allait jouer fort, longtemps et tard. Le bruit c'est le bruit mais ça ne les a pas trop dérangés123 ».

Christian Jadeau, premier adjoint au Maire de la commune et responsable de la culture, révèle les circonstances dans lesquelles la commune de Joué-sur-Erdre a accueilli favorablement le festival : « C'est par relations que nous avons entendu parler de cette association. Un ami de mon fils nous a parlé d'une association, Get Up ! en l'occurrence, qui cherchait un lieu pour organiser un festival. En priorité, ce n'était pas le fait que ce soit du dub ou autre chose. C'était le fait d'organiser un festival sur un lieu agréable, au bord du lac. On avait l'espace suffisant pour répondre aux besoins de l'association. Nous avons donc pris contact avec eux. Puis nous avons fait quelques réunions de préparation, notamment avec les autorités préfectorales pour tout ce qui concerne la sécurité. On a pu constater par la première rencontre que l'association était sérieuse et que c'était un travail important qu'elle entreprenait124». Le bilan de la quatrième édition montre que les institutions sont satisfaites. Olivier Bruneau présente le gain économique que le festival engendre sur la commune et plus globalement sur le territoire Loire-Atlantique grâce à des partenariats avec les commerçants des communes voisines et régionales : « Nous avons une commission de valeurs et éthique. Notre politique concernant tout ce qui est partenariats, subventions, sponsoring et mécénat est de ne jamais travailler avec des gros industriels type Kronenbourg ou Heineken. On a du sponsoring mais au niveau local. Le crédit mutuel nous aide avec de la valorisation, ils nous prêtent de la rubalise et nous finance les tours de cou. On fait aussi des partenariats et du mécénat avec le supermarché du coin et d'autres entreprises locales125 ». Christian Jadeau ajoute : « C'est assez difficile à chiffrer mais globalement la commune est satisfaite. Nous pensons que cet événement apporte une certaine notoriété à la commune au niveau départemental voir régional. Les commerces locaux, pas seulement de la commune mais aussi des communes voisines ont sûrement bénéficié de cet apport temporaire de population126».

De manière générale, les habitants de la commune ont accueilli très favorablement cet événement : « Pendant quelques jours, on voit passer une population un peu différente, des

123 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

124 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87

125 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

126 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87

49

jeunes qui viennent de loin. On est dans une petite commune semi-rurale avec une population relativement âgée. Même s'il y a une population jeune il y a quand même beaucoup d'habitants qui auraient pu avoir un apriori négatif mais ça n'a pas été le cas et c'est très appréciable127 ».

Le festival reçoit des subventions et autres aides des institutions depuis sa première édition. Ces aides prouvent l'intérêt des institutions de la région nantaise. Le coût total de fonctionnement du festival s'élève à 1,2 million d'euros en 2018. Les trois principaux financeurs du festival sont la Ville de Nantes, via des subventions de fonctionnement octroyées pour l'accessibilité, volonté primordiale des organisateurs ; le département Loire-Atlantique participe à hauteur de 6000 € et la région Pays de la Loire à hauteur de 25 000 € en 2018, aide financière multipliée par cinq entre la première et la cinquième édition du festival. La COMPA128 soutient également le festival à hauteur de 25 000 € sur la gestion, le tri des déchets et la mise à disposition de bennes à ordures. Enfin, la commune de Joué-sur-Erdre couvre les frais de l'aménagement matériel du site à hauteur de 25 000 €. La commune met à disposition le personnel municipal, en 2017, les agents ont réalisé les réseaux d'adduction d'eau potable et d'évacuation des eaux usées. La commune fait appel à l'association Les Connexions pour sensibiliser le public au cours du festival sur la gestion des déchets et le développement durable.

Le bilan s'avère positif des deux côtés. Le taux d'autofinancement du festival reste tout de même élevé à 97,5% en 2018 : « On est quand même assez indépendants vis-à-vis des subventions. C'est une force, mais ce n'est pas forcément évident pour organiser le festival sereinement. Le reste des revenus vient de la billetterie, du bar, du merchandising. On a un peu changé notre vision en se disant qu'on ne peut pas faire sans eux de toute façon129 ». Ces aides financières ne suffisent pas au festival pour fonctionner dans sa globalité. Si les subventions étaient amenées à se réduire, elles ne mettraient pas le festival en péril. En revanche, elles représentent un plus pour les organisateurs. Elles leur permettent d'organiser des masters class, des expositions, un mini Dub Camp pour les enfants, des conférences, un plateau de radio diffusé en direct.

127 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87

128 Communauté de Commune du Pays d'Ancenis

129 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

50

Un événement reconnu par les médias de masse

Olivier Bruneau nous explique130 que de nombreux médias nationaux ont relayé des informations sur le Dub Camp . France 3 a fait un reportage trois ans de suite pour la prévention sur les risques auditifs que l'association met en place chaque année en lien avec le volume sonore relativement élevé des sound system. Radio Nova et Télérama soutiennent également le festival depuis ses débuts, en amont et en aval, en rédigeant des articles et des reportages pertinents sur le festival, sur les artistes invités, sur les collectifs munis de leur sound system tout en contextualisant cette culture sound system dub. Les journaux Le Monde, Libération se sont également penchés sur ce milieu et consacré une page au festival. Le quotidien régional Ouest France montre un réel intérêt pour ce festival en s'intéressant aux aspects organisationnels au niveau de la sûreté et de la sécurité et aux aspects musicaux et culturels. Ce quotidien régional a consacré trois pages nationales au festival.

Cette médiatisation ne vient pas forcément directement des médias. Elle est due à la stratégie de la responsable de la communication de l'association. Son travail conséquent les sensibiliser et les attirer pour en traiter et donner de la visibilité au festival.

Une tradition écologique respectée et récompensée

Le festival se démarque notamment d'autres festivals pour son engagement lié au respect de la nature sur le site. Le Dub Camp Festival a reçu le prix du Greener Festival en 2017, un trophée de prestige pour récompenser les festivals les plus audacieux dans leur démarche éco responsable parmi plus de 500 festivals internationaux. Les candidats sont auditionnés selon onze thématiques incluant les transports, les déchets, l'énergie, l'eau et les impacts sur le territoire local. Seulement quatre festivals français ont reçu ce prix en 2017131.

En effet, l'association Get Up ! se veut être écoresponsable envers la planète pour limiter au maximum l'empreinte écologique du festival. Des bénévoles sont actifs sur le site pour sensibiliser les festivaliers au développement durable. Olivier Bruneau, explique : « Cette pratique de sensibilisation se passe très bien. Les festivaliers sont réceptifs et généralement acquis à la cause environnementale qui fait partie intégrante de la culture reggae en général132

130 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

131 « Le Dub Camp est primé ! », Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles en Pays de la Loire, 24 janvier 2018 [en ligne]. Disponible sur : https://lepole.asso.fr/article/1711/le-dub-camp-festival-est-prime

132 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89

51

». En 2017, le festival a recyclé plus de la moitié des déchets. Par ailleurs, les organisateurs incitent les festivaliers au covoiturage pour privilégier les transports mutualisés et diminuer l'afflux de voitures vers le site du festival133.

Par ailleurs, ce festival représente un admirable exemple en matière de développement durable et de respect des traditions jamaïcaines. Par le biais de cette révérence, les organisateurs confirment qu'il est possible d'organiser une manifestation culturelle avec plusieurs milliers de personnes tout en respectant la nature134. Christian Jadeau, premier adjoint au Maire de Joué-sur-Erdre, témoigne : « Suite à la première édition, nous avons fait un bilan entre la commune et les organisateurs. On en était quand même très satisfait parce que le site était bien entretenu et maintenu en état en aval. On était donc partant pour recommencer cette année135 ». Cette tradition du respect de la nature et du développement durable est due à l'esprit de la culture sound system et du mouvement rastafari, perpétués par les adhérents et membres de l'association : « L'environnement, c'est notre ADN136 », rappelle Olivier Bruneau.

L'avenir du mouvement

Olivier Bruneau nous livre sa vision quant à l'avenir du mouvement : « Je pense que la difficulté de l'avenir du mouvement sound system en France, c'est qu'il y a énormément de sonos qui se construisent à droite à gauche, je pense qu'on est un des pays d'Europe ou même du monde où il y a le plus de sound system reggae ou en tout cas construits. En tant qu'organisateur on est confronté à des problèmes de salles et on voit en France que les salles sont vraiment compliquées à trouver. J'ai l'impression, et je ne le souhaite pas, qu'à l'avenir il y aura peut-être deux clans entre guillemets ou deux esthétiques entre le mouvement sound system plus orthodoxe, on va dire, et les nouveaux qui s'en foutent que ça pogote en soirée sound system. Je pense qu'il y a un juste milieu à trouver quand même et l'objectif du Dub Camp avant tout c'est de faire découvrir la musique sound system au plus grand nombre et casser ces clichés

133 « Dub Camp Festival, Nature et Sound System », Le pôle, 16 août 2015 [en ligne]. Disponible sur : https://lepole.asso.fr/article/1200/dub-camp-festival

134 « Dub Camp Festival, Nature et Sound System », Op. Cit.

135 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87

136 THOUAULT Bertrand, « Le Dub camp abrite la galaxie sound system », Jactiv Ouest France, 20 juillet 2018

[en ligne]. Disponible sur : http://jactiv.ouest-france.fr/sortir/musique/dub-camp-abrite-galaxie-sound-system-87206

pour rendre accessible au plus grand nombre ce mouvement qui est quand même assez underground137 »

Conclusion Chapitre 2

Jusqu'à présent unique dans le paysage français, ce festival a sans doute contribué à l'essor de la culture sound system dans l'hexagone. Les organisateurs ont vu juste. Ils sont à l'initiative d'un festival d'envergure internationale de par sa programmation et son public cosmopolite. Ce festival représente un concentré de la culture sound system mondiale en France, en recevant un public cosmopolite et en programmant des artistes du monde entier. Cet événement était attendu par des milliers de personnes. À travers la programmation, les organisateurs laissent carte blanche chaque année à un collectif pour inviter la scène locale de leur ville ou pays d'origine. Ceci représente un aspect très important pour donner de la visibilité à des collectifs plus jeunes et moins célèbres.

Par le biais de cette étude de cas, nous pouvons affirmer que cette culture fonctionne de manière plus autonome que les autres festivals de l'industrie musicale. Le festival est autofinancé à 97,5%. Nous comprenons que les organisateurs ne sont pas contre la reconnaissance et l'aide financière des institutions de la région, sous-entendu de l'État, mais ils ont l'ambition de rester le plus possible indépendant pour s'affranchir, tant que possible, des aides financières de l'État et ne pas devenir dépendant financièrement des institutions. Les organisateurs préfèrent fonctionner en autoproduction. Les quelques aides qu'ils reçoivent ne sont pas dédiés au fonctionnement du festival dans sa généralité mais permettent d'apporter un plus au sein du festival comme des expositions, des conférences et des enregistrements radio en live.

52

137 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 87

53

Conclusion Deuxième Partie

Comme nous avons pu le constater tout au long de ce présent mémoire, de nombreux acteurs de l'hexagone s'approprient cette culture pour la promouvoir dans le respect des principes de ses origines. Collectifs, journalistes, associations, commissaire d'expositions : ils sont de plus en plus fervents et déterminés pour développer la culture sound system et la faire découvrir au plus grand nombre.

Globalement, nous constatons que la majorité des collectifs, organisateurs et médias interviewés revendiquent leur fonctionnement autonome. Dans l'ensemble, ils considèrent que cette culture est encore, à l'heure actuelle, autonome dans sa façon de fonctionner tout en s'affranchissant, tant que possible, des aides financières de l'État. L'ensemble des acteurs sont relativement favorables au développement de cette culture quand bien même certains d'entre eux ne voudraient pas qu'elle devienne mainstream et qu'elle conserve son autonomie vis-à-vis des étatiques. Cependant, nous remarquons que la nouvelle génération des collectifs compte faire avancer le mouvement dans les prochaines années en entretenant des liens étroits avec les acteurs politiques afin de recevoir, à terme, des aides financières, matérielles ou logistiques.

L'essor de la culture sound system est à nouveau confirmé par l'arrivée d'un festival d'ampleur international, entièrement dédié à la culture sound system, sur le territoire français. Le fonctionnement quasiment autonome de ce festival et des acteurs qui l'entourent confirme que ce mouvement est encore en marge des institutions sur le territoire français. En revanche, la reconnaissance et les quelques aides financières en hausse que le festival reçoit montre un certain intérêt par les acteurs politiques.

Comme nous avons pu le constater en amont, les acteurs politiques et les institutions connaissent encore peu cette culture. L'essor de cette culture dans le paysage français commence de les sensibiliser. Nous supposons qu'ils commencent de la percevoir. Les collectifs de la nouvelle génération qui ont l'ambition de les solliciter les feront sans doute prendre conscience de l'essor de cette culture en France.

54

Conclusion Générale

Afin de répondre à notre problématique tout au long de ce présent mémoire, rappelons que nous cherchions à comprendre pourquoi la culture sound system fonctionne en parallèle de l'industrie musicale et comment ses acteurs parviennent à rester actifs et visibles tout en maintenant, au sein de leur activité, un caractère indépendant.

Dans le cas de ce présent mémoire, portant sur la culture sound system en France, nous remarqueront que les acteurs ont perpétué, telle une tradition, le caractère autonome de cette culture initialement née en Jamaïque puis envolée en Angleterre.

La culture sound system est-elle encore une contre-culture? Nous constatons qu'elle ne l'est plus tout à fait à l'heure actuelle. La culture sound system a créé sa propre économie, gérée de A à Z, par des acteurs qui la font vivre et la développent de jour en jour. Lors d'une prestation, tous les collectifs de sound systems conçoivent, emmènent, montent138, exploitent puis démontent eux-mêmes leur sound system. La majorité d'entre eux se rend visible par l'intermédiaire du bouche-à oreille et d'outils désormais incontournables : Internet et les réseaux sociaux.

Souvenons-nous que l'artiste, le sound system et le public sont au même niveau. Il n'y a pas de hiérarchie mais un fonctionnement horizontal contrairement à notre société pyramidale. La tradition du milieu est de rassembler tout le monde au même niveau : le collectif, le sound system et le public sont au sol. La distinction entre le public et l'artiste n'a jamais existé contrairement aux autres secteurs de l'industrie musicale où les artistes sont en hauteur, sur une scène surélevée.

Relevons que l'ensemble des acteurs du mouvement : collectifs, organisateurs, médias, s'autoproduisent et ne comptent pas sur le profit pour se développer. C'est un argument qui nous éclaire et explique pourquoi la majeure partie des acteurs vivent cette culture sous forme d'une passion et non comme une profession. Volonté de leur part ou simple respect des traditions jamaïcaines, les acteurs considèrent souvent cette passion comme un espace de liberté

138 Vidéo en accélérée sur le montage du sound system de Stand High Patrol. Cf. Annexe 3, p. 98

55

pour s'affranchir des règles. La poignée de collectifs qui en vit pleinement aujourd'hui, le fait grâce au régime de l'intermittence du spectacle.

La nouvelle génération des collectifs a l'ambition de faire avancer le mouvement et marque une volonté de se rapprocher des institutions. Ils espèrent recevoir en retour des subventions, des lieux pour se produire, des résidences artistiques. Cependant, cette nouvelle génération n'a pas non plus l'intention de renier les racines de cette culture. Ils tiennent à leur indépendance.

Un point récent est à prendre en compte quant à l'essor de cette culture dans l'hexagone. Les multiples rencontres avec les acteurs de cette scène nous ont confié leurs craintes quant aux nouvelles réglementations sonores que la scène sound system est en train de subir. D'après le décret n° 2017-1244 du 7 août 2017139 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, une nouvelle législation en matière de gestion des niveaux sonores est en cours d'application. D'ici le 1er octobre 2018, tous les lieux diffusant de la musique : salles, discothèques, festivals, concerts en plein air, bars... seront tenus d'appliquer cette nouvelle réglementation. L'objectif de ce texte est de « protéger l'audition du public exposé à des sons amplifiés et à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public, clos ou ouverts, ainsi que la santé des riverains de ces lieux140 ». Le niveau sonore maximum autorisé dans les lieux diffusant de la musique amplifiée passera de 105 à 102 décibels A141.

Nous pourrions croire que les sound systems sont dangereux pour l'audition. Cette idée reçue est liée à la puissance des sons fortement amplifiés diffusés. Selon Frédéric Péguillan, les basses ne sont pas dangereuses pour l'audition142. Les plus redoutables sont les médiums et les aigus143. D'après les acteurs rencontrés, cette réglementation sera effective dans les SMAC144, salles conventionnelles. Elles devront garder les enregistrements des décibels produits des six derniers mois en cas de contrôle. Certains collectifs pensent qu'elles accueilleront des live de dub et mettront «une croix sur les sound systems». Des collectifs sont prêts à faire des

139 Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés. Cf. Annexe 10 p. 105

140 Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés. Cf. Annexe 10 p. 105

141 WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en concert : «Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus jouer» », France Info, 18 août 2017 [en ligne]. Disponible sur : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/restauration-hotellerie-sports-loisirs/baisse-du-niveau-sonore-en-concert-il-y-a-des-salles-ou-on-ne-pourra-techniquement-plus-jouer 2325883.html

142 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79

143 Schéma des différentes fréquences sur un sound system. Cf. Annexe 2, p. 98

144 Salles de Musiques Actuelles - Label donné par le ministère de la Culture français à des salles de concert adaptées aux musiques actuelles et musiques amplifiées

56

concessions pour continuer de se produire en régulant la puissance sonore. S'il le faut, ils joueront moins fort. Cette législation inquiète les acteurs de la scène sound system. Elle marque un tournant pour l'avenir de cette scène. Certains puristes se disent prêts à arrêter. D'autres se résoudront à baisser le volume sonore pour continuer de se produire. C'est une question aujourd'hui en suspens. Est-ce une fin annoncée pour la culture sound system en France ?

Malheureusement, cette réglementation ne touche pas seulement les sound systems. Dans un article de France Info paru le 18 août 2017, David Rousseau, électro-acousticien explique que : « Ce qu'on demande de faire là, c'est juste impossible, technologiquement parlant 145». Rénovations, achat de sonomètres, acquisition de casques anti-bruit pour les enfants... « Cette réglementation va avoir un impact financier très important », prédit Angélique Duchemin, coordinatrice d'AGI-SON, structure créée par les acteurs du spectacle vivant pour traiter ces questions avec les pouvoirs publics. Elle ajoute qu'il faudra d'autant plus « créer des zones de repos auditif ou, à défaut, ménager des périodes de repos auditif, au cours desquelles le niveau sonore ne dépasse pas (...) 80 décibels selon le décret 146».

Pour clore ce mémoire, nous pouvons affirmer que l'indépendance financière de ce mouvement musical représente plus d'avantages que d'inconvénients pour les acteurs de la culture sound system. La majorité des acteurs ont pu nous l'affirmer au cours des différents échanges que nous avons eus en cette année sur terrain.

Nous pouvons affirmer que la culture sound system a un fonctionnement parallèle et en marge de l'industrie musicale dans sa globalité. L'indépendance prône malgré un développement massif en Europe par ses acteurs pour conserver et perpétuer les principes dans lesquels cette culture est née en Jamaïque. Nous assurons également que les acteurs qui l'entourent se rendent visibles tout en étant indépendant dans leur manière de fonctionner et dans leur façon de fonctionner, au sein de leur activité, en autonomie totale vis-à-vis des institutions et des acteurs politiques. L'indépendance financière de ce mouvement musical représente plus d'avantages que d'inconvénients pour ses acteurs. La majorité d'entre eux ont pu nous l'affirmer au cours des différents échanges et entretiens que nous avons eus en cette année.

145 WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en concert : «Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus jouer» », Op. Cit.

146 WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en concert : «Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus jouer» », Op. Cit.

57

Dans un contexte actuel où les subventions culturelles baissent de manière signification et alarmante en France, le mouvement sound system peut se réjouir de sa traditionnelle indépendance. Le fonctionnement de la culture sound system pourrait-il devenir un modèle pour envisager l'avenir de la diffusion musicale et, plus largement, du développement culturel ?

58

Synthèse

Le secteur de la culture sound system dub se définit par l'ensemble des personnes qui agissent et contribuent au développement des musiques jamaïcaines par l'intermédiaire d'un outil majeur, le sound system. La culture sound system a créé sa propre économie, depuis sa naissance en Jamaïque, son développement en Angleterre et son essor incontestable dans le monde entier et, tout particulièrement, en France. Elle a toujours évolué, et c'est encore le cas aujourd'hui, de manière autonome, tant pour fonctionner que pour s'exporter. L'ensemble des acteurs qui la composent agissent pour la rendre visible et pour la débarrasser, tant que possible, des stéréotypes qui l'entourent. Malgré tous leurs efforts et tout la force de leur militantisme, la culture sound system reste encore assez méconnue du très grand public. Les médias indépendants et spécialisés dans cette culture sont de plus en plus nombreux et contribuent à son développement par de multiples moyens : articles, reportages et interviews en ligne, dubzines, radios locales. Ils communiquent fortement par le biais des réseaux sociaux dans la mesure où leur expression est absente dans les médias de masse et rare au sein des majors de l'industrie musicale. À l'heure actuelle, et depuis plus de dix ans, nous remarquons qu'un nombre toujours accru de collectifs se forme. L'essor même de cette culture est sans doute liée à l'enthousiasme qui l'entoure, transmis par une poignée de gens passionnés et, de fait, passionnants. Suite à l'examen de la culture sound system en France, grâce à l'expertise de l'ensemble des personnes interrogées dans le cadre de cette recherche et à l'aide de l'étude précise du Dub Camp Festival, nous tenterons de comprendre pourquoi la culture sound system fonctionne-t-elle de manière plus indépendante que les autres secteurs de l'industrie musicale et comment les acteurs restent-ils actifs et visibles tout en maintenant, au sein de leur activité, ce caractère indépendant ?

Le mouvement sound system est très récent en France et les collectifs restent fidèles au caractère indépendant de cette culture, indépendance liée au contexte de son émergence. Ces deux raisons expliquent pourquoi les ouvrages sociologiques et analytiques français sont, à l'heure actuelle, très rares, voire inexistants.

En réponse à ce manque, nous avons décidé d'adopter une démarche liée aux rencontres. Nous avons multiplié les entretiens pour avoir l'avis de l'ensemble des acteurs de ce mouvement. Ces entretiens furent menés grâce à une série de questions et des grilles d'entretien spécialisées dont les orientations appellent des réponses directement liées à notre problématique. Nous avons

59

interviewé douze personnes au total dont plusieurs collectifs, quelques médias spécialisés et certains organisateurs événementiels, tous passionnés par ce mouvement. Nous avons pu ainsi accéder à moult avis, nous éclairant sur le fonctionnement et les engagements de fond de cette culture si singulière et surprenante. Le Dub Camp Festival constitue l'étude de cas principale de cette analyse : il est présent pour appuyer, de manière concrète, l'ensemble du propos. Nous détaillerons ultérieurement son fonctionnement, si particulier.

Pour faciliter la lecture et la compréhension du présent mémoire, nous allons à présent livrer le contexte d'émergence de la culture sound system. Les tout premiers sound systems sont apparus dans les ghettos de Kingston, en Jamaïque, à la fin des années 1940, pour permettre aux plus pauvres d'accéder aux actualités radiophoniques et aux disques de musiques actuelles, locales ou internationales (principalement américaines). À l'origine, un sound system est une sonorisation autonome, embarquée dans un camion, voyageant sur l'île, au gré des rencontres. Il est accompagné d'une équipe dans laquelle se trouvent un sélecteur, programmateur choisissant les morceaux pour faire bouger son public, et un toaster, qui commente et anime au micro les sessions élaborées par le sélecteur.

Au fil du temps, les jamaïcains ont inventé de nombreux styles de musique. Deux ingénieurs du son, répondant aux noms de King Tubby et Lee Scratch Perry, se sont rendus célèbres par une erreur d'enregistrement qu'ils auraient, selon la légende, commise dans un studio : l'omission, dans le pressage d'un disque vinyle, de la piste vocale. Ils sont à l'origine du développement populaire des musiques électroniques et auraient inventé, de façon fortuite donc, un nouveau genre : le dub, sujet principal de ce mémoire. La Jamaïque vibrera longtemps sur le dub diffusé sur l'outil de référence si souvent cité en ces pages : le fameux sound system.

Le contexte économique, social et politique de la fin des années 1950 sur l'île de la Jamaïque a poussé de nombreux habitants à migrer vers d'autres pays. Une grande majorité s'est embarquée pour l'Angleterre, terre initialement rattachée à l'île par la colonisation. Les jamaïcains ont amené, dans leurs bagages, le sound system, objet devenu culte et incontournable, malgré sa récente invention. Ils furent rapidement confrontés aux souffrances liées à la xénophobie des britanniques et ont longtemps lutté grâce aux sound system, qu'ils sortaient souvent pour faire bouger les populations des banlieues de londoniennes.

Plus tard, la création du Carnaval de Notting Hill, concentré des cultures jamaïcaines dans le quartier de Notting Hill à Londres, a favorisé le développement de la culture sound system au début des années 1990. À postériori, de nombreux styles musicaux se sont appropriés

60

cet outil de diffusion sonore, dans le monde entier. Le phénomène des free-parties en a notamment fait son unique dispositif sonore pour diffuser de la musique techno, et autres genres dérivés, dans des espaces reculés.

À la fin des années 1990, plusieurs groupes de jeunes français, à la recherche de sensations musicales fortes, ont fait le déplacement jusqu'à ce fameux carnaval. Ils y ont découvert le sound system jamaïcain, nouvel outil de diffusion sonore, alors inconnu en France. L'expérience physique, éprouvée notamment grâce aux basses, en a conquis plus d'un. La culture sound system s'est alors exportée au sud de la Manche.

D'abord lancée par des musiciens, par reproduction des techniques de production du dub sur scène (c'est la naissance du « dub live »), les sound systems se sont doucement développés au tout début des années 2000. Une poignée de collectifs a commencé à construire son propre matériel et à constituer une grande collection de vinyles pour, à l'avenir, composer et produire leur propre musique. Ces collectifs ont souvent organisé leurs premières sessions dans des espaces autogérés ou dans des bars. Ils ont, peu à peu, développé le mouvement sound system en France. Ils en sont, sur notre territoire, les précurseurs.

Dans les années 2000, une dizaine de collectifs ont lancé leur activité. Aujourd'hui, nous remarquons que la culture sound system a piqué un très grand nombre. Il nous est difficile de tous les comptabiliser puisqu'ils ne sont pas tous référencés. Il en existerait plus d'un millier en France, à l'heure actuelle. Selon Frédéric Péguillan, organisateur du Télérama Dub Festival, « toutes les villes françaises ont leur sound system ».

Les collectifs précurseurs des années 2000 inspirent et montrent aux autres qu'il est possible de construire un sound system et de le faire fonctionner grâce à un collectif. Cet essor est sans doute lié aux envies des jeunes, de plus en plus sensibles aux expériences musicales sensorielles. Certains d'entre eux en font une véritable passion, autant qu'un engagement lié au fonctionnement. Pour la plupart, les collectifs n'ont pas l'ambition de se professionnaliser dans la mesure où l'activité représente, pour eux, un espace de liberté créative en dehors des normes et des règles qui régissent, de manière toujours plus restrictive, le quotidien de tout un chacun. Leurs activités musicales sont aussi une façon pacifiste de revendiquer leur mécontentement vis-à-vis à notre société contemporaine.

Une dimension très importante à souligner ici est l'idée de la mutualisation des compétences au sein des collectifs et, plus généralement, du secteur lié à la culture sound

61

system. Dans la plupart des cas, un collectif est une bande d'amis complices et passionnés, dont chacun se voit attribuer un rôle. Les acteurs de la culture sound system en France évoluent en une véritable synergie. Dans le milieu, tout le monde se connaît. Les acteurs révèlent avoir un esprit d'entraide considérable. Aucune concurrence n'est jamais ressentie.

Le Dub Camp Festival, étude de cas principale du présent mémoire, est un concentré du mouvement sound system en France. Il existe depuis cinq ans et se tient à Joué-sur-Erdre, commune voisine de Nantes, depuis maintenant deux ans. Unique en Europe, il regroupe l'ensemble des acteurs de la culture sound system dub. Son apparition dans le paysage français a sans doute contribué, localement, à l'essor massif de cette culture. Les artistes programmés sont exclusivement issus de la scène sound system. Un tiers vient de France et le reste, accueilli à bras ouverts, vient du monde entier.

Nous noterons que ce festival est une véritable richesse pour la culture sound system dans le paysage français, l'affirmant comme internationale, sans frontières. Nous ne saurions dire comment cette culture est développée hors de France, notre intérêt se portant, précisément, sur le cas de l'hexagone. Cependant, une multitude d'acteurs cosmopolites se produisent sur le Dub Camp Festival. Cet événement est une parfaite représentation de la culture sound system dub en révélant toute la force du partage, du bouillonnement et de la fraternité qui la caractérise. Il permet de regrouper la totalité, ou presque, des acteurs passionnés par cette culture dans le monde entier : collectifs, médias, labels, organisateurs entourés d'un public effervescent, enjoué, vivant. Du roots au stepper, en passant par le rock steady, le reggae et le dub, il y en a pour tous les goûts. En mettant un point d'honneur à diffuser l'intégralité des esthétiques propres à ce mouvement multiple, le Dub Camp Festival est un concentré de culture sound system.

En définitive, nous pouvons affirmer que la culture sound system adopte, depuis ses origines, un fonctionnement parallèle lui étant propre, en marge de l'industrie musicale classique. L'indépendance est toujours prônée, en dépit d'un développement massif sur le territoire européen. Nous pouvons également assurer que les acteurs tiennent à leur autonomie, notamment financière, vis-à-vis des institutions et manoeuvres politico-culturelles. Contre toute attente, le refus de fonctionner grâce à des systèmes de subventions engage, pour les acteurs, plus d'avantages que d'inconvénients, liberté d'expression et de menstruation à l'appui.

62

Dans un contexte actuel où les subventions culturelles baissent de manière significative et alarmante en France, le mouvement sound system peut se réjouir de sa traditionnelle indépendance. Le fonctionnement de la culture sound system pourrait-il devenir un modèle pour envisager l'avenir de la diffusion musicale et, plus largement, du développement culturel ?

« Les enfants d'aujourd'hui seront les dirigeants de demain.

S'ils écoutent dès leur plus jeune âge des messages d'amour et de fraternité,

alors ils sauront comment bien mener leur vie.

Blancs, Noirs, Asiatiques ou Indiens, il faut se serrer les coudes pour rendre meilleur le monde de demain. »

Jah Shaka, Pape de la scène sound system anglaise.

63

Lexique

Boxmen ou Boxgirl : Terme anglais pour définir les personnes qui s'occupent de charger, décharger, installer et démonter le sound system lors d'une prestation.

BPM : Battements Par Minutes

Deejay147 : ou toaster, désigne celui qui, sur les versions*, va poser sa voix mais sans chanter, une sorte de « parlé » plus mélodieux que du rap. On peut d'ailleurs considérer que les premiers deejays sont à l'origine du rap.

Dubplate148 : Morceau exclusif, ou mix différent d'un morceau étant sorti. Parfois le chanteur cite le nom du sound system, dans ce cas-là on parle de special.

Major149 : Plus communément désignées comment étant les trois sociétés qui se partagent l'essentiel du marché de la musique dans le monde entier : Universal Music Group, Sony Music Entertainment et Warner Music Group.

MC150 : C'est le «maître de cérémonie», il anime la soirée, présente les artistes, fait participer le public.

Opérateur151 : l'ingénieur du son, il s'occupe instantanément des effets qu'il donne à la musique (réverbération, échos, etc.)

Rastafari152 : le mouvement rastafari est assimilé par certains à une religion, par d'autres à une philosophie, ou alors à une idéologie. Les croyants de ce mouvement sont des rastafariens, fréquemment nommés par le diminutif « Rastas ».Les Rastas, eux, le conçoivent comme un mode de vie, une façon de concevoir le monde et tout ce qui le forme depuis sa création.

147 DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition 2018 du Dub Camp Festival », Nova, 6 août 2018 [en ligne]. Disponible sur : http://www.nova.fr/retour-sur-ledition-2018-du-dub-camp-festival

148 DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition 2018 du Dub Camp Festival », Op. Cit.

149 NICOLAS André, « « Les marchés de la musique enregistrée » Cité-musique, 2011, p. 13, [en ligne]. Disponible sur : http://rmd.cite-musique.fr/observatoire/document/MME S12011.pdf

150 PÉGUILLAN Frédéric, « Le dub en cinq mots-clés », Télérama, 31 octobre 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://www.telerama.fr/musique/le-dub-en-cinq-mots-cles,104460.php

151 220 Sound System, « Lexique Sound System », Dancehall Attitude, 2010 [en ligne]. Disponible sur : http://dancehallattitude.free.fr/Artistes/artistessoundsystem220.html

152 « Mouvement Rastafari » Histophilo, 9 mars 2010 [en ligne]. Disponible sur : http://www.histophilo.com/mouvement rastafari.php

64

Riddim153 : C'est la construction rythmique de base d'un morceau, essentiellement axée sur la combinaison basse, batterie et surtout la ligne de basse. Autour de celle-ci s'articulent ensuite la rythmique et en dernier seulement la voix. Un Riddim Maker est littéralement une personne qui crée des rythmiques de base d'un morceau.

Reggae154 : Le reggae voit le jour en 1968, dérivé du rock steady dont le tempo est ralenti entre 60 et 85 BPM*. Ses paroles se tournent vers des thèmes comme la justice sociale, la spiritualité et les idéaux rastafaris.

Rock Steady155 : Au milieu des années soixante, le ska ralentit son tempo entre 85 et 110 BPM pour créer le rock steady. C'est l'introduction de la musique rastafari et de ses thématiques grâce à la présence du chant proche de la soul afro-américaine.

Sélecteur156 : membre central du sound system, il est chargé de choisir et passer les disques, équivalent du disc-jockey dans les autres musiques, mais très souvent à l'aide d'une platine.

Session : Terme familier à la culture sound system pour définir une soirée, une danse collective.

Ska157: Le ska est né à la fin des années cinquante avec un tempo de 120 BPM. La naissance du ska en parallèle de l'indépendance de l'île symbolise l'émergence d'une identité culturelle propre à la Jamaïque et participe ainsi à son indépendance.

Version158 : « Les deux termes définissent la matière première du reggae-dub : un morceau instrumental conçu pour que l'on chante dessus. Il se décline en autant de versions qu'il y aura d'interprétations vocales. Il devient un classique quand il est joué par de nombreux sound systems. »

153 Dico du rasta, « Riddim », [en ligne]. Disponible sur : http://gismo6080.over-blog.com/article-1414610.html

154 KROUBO Jérémie, « Retour aux sources : les origines du ska », Reggae, 2 février 2007 [en ligne]. Disponible sur : http://www.reggae.fr/lire-article/889 Retour-aux-sources---les-origines-du-ska.html

155 KROUBO Jérémie, « Retour aux sources : les origines du ska » Op. Cit.

156 DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition 2018 du Dub Camp Festival », Op. Cit.

157 KROUBO Jérémie, « Retour aux sources : les origines du ska » Op. Cit.

158 PÉGUILLAN Frédéric, « Le dub en cinq mots-clés », Op. Cit.

65

Annexes

Annexe n°1 : Entretiens

Nom

Profession

Lieu

Date

Durée

Trois

bénévoles

Bénévoles de l'association
Skanky Yard et de Dubatriation
Sound System, Dijon

Domicile
personnel d'un
bénévole, Dijon

21/02/2018

1h30
min

DopeShack

Sélecteur de King Hi-Fi
Sound System, Lyon

Domicile
personnel de
DopeShack,
Lyon

28/02/2018

51 min

Alex Dub

Membre fondateur du webzine
Culture Dub, Poitiers

Skype

12/06/2018

41 min

Rico

Sélecteur d'OBF Sound system
et organisateur du Dubquake
Festival, Genève

Skype

16/07/2018

51 min

Morgan
Le Godec

Manager de Stand High Patrol
Sound System, programmateur
du Télérama Dub Festival,
Morlaix

Skype

16/07/2018

1h

Emmanuel
Valette

Membre fondateur du webzine
Musical Echoes, Paris

Téléphone

17/07/2018

40 min

Frédéric
Péguillan

Organisateur du Télérama Dub
Festival et rédacteur en chef à
Télérama Sortir, Paris

Skype

13/08/2018

45 min

Polak

Sélecteur de Legal Shot Sound
System à Rennes

Téléphone

18/08/18

40 min

66

Quentin
Deniaud

 

MC (Chanteur) de Brainless
Sound System, Villeurbanne

Téléphone

20/08/2018

40 min

-Jean-Paul
Deniaud

Rédacteur en chef à Trax
Magazine, Paris

Téléphone

27/08/2018

40 min

Olivier
Bruneau

Directeur de l'association Get
Up ! et programmateur du Dub
Camp Festival, Nantes

Téléphone

28/08/2018

30 min

Christian
Jadeau

Premier adjoint et responsable
de la culture à la Mairie de
Joué-sur-Erdre

Téléphone

06/09/2018

25 min

Les grilles d'entretien ont évolué au fil du temps. Les premières grilles d'entretien m'ont servi de base pour être très vite revues. Des questions plus affinées m'ont permis de répondre à la problématique posée de façon plus pertinente.

La population de l'enquête a été construite de façon à rencontrer tous les différents acteurs qui composent et font vivre la culture sound system en France. Cette enquête nous a permis de les questionner, d'échanger avec eux pour collecter le plus de points de vue possibles sur la culture sound system française. La richesse et la diversité de leurs témoignages constituent la matière qui nous ont permis de répondre à la problématique du mémoire, les ouvrages étant quasiment inexistant sur le sujet.

Cette population d'enquête est composée d'artistes amateurs, locaux, régionaux et nationaux voir internationaux, d'organisateurs de soirées ou de festivals, de médias, du maire de la commune où se déroule le Dub Camp Festival et du directeur du Dub Camp Festival quant à l'étude de cas de ce mémoire.

À la demande de chacune des personnes interviewées, certaines n'ont pas voulu se voir nommer sous leur réelle identité. C'est pourquoi nous avons cité ces personnes par leur nom de scène ou leur surnom tout au long du mémoire et pour les comptes rendus des entretiens.

67

Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard,
et du sound system Dubatriation, Dijon

21 février 2018 au domicile d'un des bénévoles.

Comment as-tu découvert le milieu du sound system ?

Depuis quand organisez-vous des soirées ?

Avez-vous d'autres activités en parallèle ?

Quels sont les problèmes rencontrés depuis la création de l'association ?

Comment envisagez-vous l'avenir des soirées ?

Quelle sont les différences entre la scène sound system et la scène classique, en façade ?

Comment communiquez-vous sur vos événements ?

Comment l'association se finance-t-elle ?

Qui sont les artistes de la scène dub française du moment ?

Quel est l'avenir de cette culture en France ?

Quelles relations avez-vous avec les institutions ?

Pouvez-vous me raconter une anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien :

Skanky Yard est une association de promotion de la scène sound system basée à Dijon depuis 2009. L'association produit principalement ses événements aux Tanneries, espace autogéré de Dijon. Cette association en fonctionne uniquement avec des bénévoles. Ils sont tous impliqués dans les projets de structure. De plus, le collectif est propriétaire d'un sound system digital et a fondé son label indépendant. Lors de l'entretien, trois bénévoles étaient présents.

Cet entretien a permis d'avoir la vision d'un collectif organisateur d'événement dans un espace autogéré. De plus, le collectif est en possession d'un sound system digital pour sonoriser les événements qu'il organise. Le fonctionnement de cette association est particulier, il n'y a pas de hiérarchie, tous les membres s'impliquent à leur manière et apportent leurs compétences et leur temps au sein du collectif. Par exemple, ils expliquaient qu'ils ne font pas de planning bénévole pour que chacun se sente impliqué à chaque événement ; avec ce système, les membres pensent régulièrement à ce qu'il faut faire et s'impliquent davantage. Ils n'envisagent pas l'avenir des soirées à long terme. Ils s'organisent à court terme et moyen terme à chaque saison mais ne voient pas plus loin. La programmation se fait de manière collégiale, ils mettent

68

en place les dates possibles avec les Tanneries puis un membre s'occupe de gérer le tout en aval.

Le collectif n'a plus besoin de faire de la communication pour les événements qu'ils organise, compte tenu de la popularité des Tanneries. Le bouche-à-oreille suffit pour remplir la salle. Chacun contribue en donnant ce qu'il peut ou ce qu'il veut, le prix fixé est de cinq euros.

L'association fonctionne intégralement en autoproduction, grâce aux événements qu'ils produisent, au label qu'ils ont monté et aux workshops qu'ils commencent d'organiser. À Dijon, les événements culturels et musicaux à moindre coût sont fréquents. Pendant un an, la SMAC dijonnaise de la Vapeur a fermé pour une rénovation intégrale. Tout le public dijonnais, en recherche d'un événement pour se divertir, venait aux tanneries puisque c'était le seul endroit ouvert et avec une entrée à prix libre.

L'association a déjà été en contact avec la ville pour la fête de la musique. Le projet n'a duré qu'une année car la ville n'avait pas compris ce qu'ils allaient faire. Inévitablement, le sound system s'écoute fort et les basses vont de pair. L'événement a causé des nuisances sonores dans le voisinage. Depuis, la mairie ne veut plus rien entendre. Elle ne veut plus donner l'autorisation à l'association d'investir un lieu ouvert, comme par exemple le parc Darcy au centre-ville de Dijon.

69

Entretien avec DopeShack,

Sélecteur de King Hi-Fi Sound system, Lyon.
28 février 2018 au domicile de DopeShack.

Pourquoi es-tu actif dans le milieu du sound system ?

En session, quel message veux-tu faire passer à ton public ?

Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system est indépendante par rapport aux

autres genres musicaux ?

Par quels moyens pourrais-tu développer ton sound system ?

Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat, lieux, intermédiaires)

As-tu déjà joué dans une SMAC ? Si non, pourquoi ?

Par quels moyens finances-tu King Hi-Fi ?

Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en étant indépendant ?

Pourquoi les institutions et les médias de masse ne reconnaissent pas cette culture ?

Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les institutions ? Pourquoi ?

Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi ?

Aimerais-tu être représenté dans les médias de masse ? Pourquoi ?

Comment envisages-tu l'avenir des soirées/festival quant aux limitations sonores ?

Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?

Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien:

DopeShack est le sélecteur de King Hi-Fi Sound system, inauguré en 2010. Avant la création du collectif, il a travaillé avec Artikal Hi-Fi, un sound system anglais construit en Australie. Après deux ans d'économie, il est parti chercher la sonorisation du frère d'un des membres d'Artikal Hi-Fi, à South and Nancy, en Angleterre. Cet entretien nous donne la vision d'un collectif dont l'ambition n'est pas d'en vivre mais de nourrir cette passion pour garder un espace de liberté.

Initialement ingénieur, DopeShack a toujours aimé la gestion de projets. Dans le collectif, il s'occupe de l'organisation des dates, de la communication. Aujourd'hui, le crew compte à son actif une dizaine de personnes, allant des boxmen aux chanteurs, sélecteurs et opérateurs.

70

Pour se différencier des autres sound systems, il explique qu'à force de sélectionner des disques à passer lors d'une prestation, il faut produire de la musique pour faire avancer le mouvement. La création d'un label s'impose et se nomme « Pure Niceness Records ». Petit à petit, DopeShack a rencontré des chanteurs et des riddim-makers* avec qui il travaille pour sortir des productions sur le label. Faire le mastering, presser les vinyles, gérer la distribution des disques, gérer la communication et le lien avec les graphistes ; cette passion représente beaucoup d'investissement personnel en termes de travail.

Concernant son ressenti au regard de l'évolution de cette scène depuis son arrivée en France, DopeShack trouve assez parlant le fait que la nouvelle génération parle du dub au féminin, « la dub ». De plus, à part certains collectifs pour ne pas les citer, il pense que beaucoup de collectifs manquent de diversité et qu'ils restent trop fidèles à diffuser des messages concernant le Rastafarisme. Il a du mal à véhiculer ce genre de messages puisqu'il n'y croit pas.

Concernant la médiatisation de cette culture, DopeShack pense que la musique est plus ou moins médiatisée. Elle est accessible au grand public par le biais d'artistes tels que Panda Dub ou Stand High Patrol. En revanche, il pense que la musique qu'il produit est plus vouée pour être jouée en sound system que pour être diffusée à la radio ou sur des enceintes de salon, sans basses. King Hi-Fi jouent parfois sur la sonorisation du club transbo, au Transbordeur, mais ce n'est pas leur ambition fondamentale. Ils préfèrent sonoriser leurs prestations avec leur sound system.

Le collectif fonctionne indépendamment des institutions et toutes autres sources d'aide financière. Dopeshack n'est même pas sûr que les institutions sachent qu'ils existent. Pour lui, cette culture est tellement underground et marginale par rapport au rap ou à la techno. Il la considère comme un petit mouvement. Le collectif s'autoproduit, l'argent injecté dans l'association contribue à entretenir le sound system et à produire des vinyles sur leur label.

À Lyon et dans sa région, l'une des difficultés qu'ils rencontrent est le manque de salle à prix abordable pour se produire seul, sans producteurs ni organisateurs.

71

Entretien avec Alex Dub,

Membre fondateur du webzine Culture Dub, Poitiers.
12 juin 2018 par Skype.

Pour quelles raisons soutiens-tu cette culture ?

Comment perçois-tu l'évolution de cette culture depuis son arrivée en France ?

Pourquoi peut-on considérer que le sound system est encore un média ?

Pour quelles raisons peut-on considérer la culture sound system dub comme étant indépendante,

comparée aux autres genres musicaux ?

Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma indépendant, non institutionnalisé ?

Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée des médias de masse ?

Quels axes de développement permets-tu aux artistes via votre média ?

Comment sélectionnes-tu les artistes pour votre média ?

Comment finances-tu ce média ?

Combien de personnes se rendent sur Culture Dub par jour ? Mensuellement ?

Comment imagines-tu l'avenir de cette culture en France ?

Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien:

Alex Dub est le fondateur du webzine Culture Dub. Il est rédacteur en chef, animateur radio, programmateur, producteur, organisateur et live reporter pour le même média. Culture Dub est un webzine consacré à la culture dub et sound system. Il rassemble tout ce qui est relatif à la culture : chroniques, interviews, dates à venir, contenu vidéo et photos. Cet entretien permet d'avoir l'avis du fondateur de ce média. Le média est intégralement autofinancé et c'est une volonté depuis sa création. Un peu plus de 2000 personnes uniques se rendent sur le site chaque jour.

Alex a découvert ces énormes sono-mobiles en Angleterre, Alex s'est dit que le dub ne s'écoute pas mais se vit ; qu'il était puissant et dénonçait tout son mécontentement de la politique de cette période. Il décide de créer en 2000. Le dub est un outil qui lui permet de défendre ses idées. Le sound system est le matériel qui lui permet de l'emmener musicalement au public. Pour Alex, les collectifs de sound systems jouent au sol et au même niveau pour produire une

72

unité où tout le monde est ensemble sans hiérarchie. La culture sound system est indépendante du fait qu'elle ait développé sa propre économie : le sound system est construit par les acteurs, ils diffusent les musiques qu'ils ont composés, ils pressent leurs vinyles eux-mêmes et diffusent leurs musiques à partir d'un label qu'ils ont souvent créé eux-mêmes. Selon Alex, les activistes du sound system dub ne se voient pas comme des artistes, ils représentent un intermédiaire pour transmettre des idées à un public. Au départ, la plupart des activistes sont plus des activistes politisés que des artistes compositeurs ou interprètes.

En revanche, quelques collectifs commencent à pouvoir vivre de leur passion, un petit nombre en France arrive à devenir intermittent du spectacle. Monter un sound system est un choix de vie, une façon différente de s'investir dans la société. Par la force des choses, les activistes se sont perfectionnés dans l'organisation, dans la diffusion, en fondant des associations, en se formant dans des radios locales associatives. Pour lui, avec de l'expérience, ils ont pu créer leur propre structure, défendre leur indépendance, ce qui permet de maîtriser son chemin et de ne pas tomber dans le système institutionnel, sans jamais le renier non-plus.

La culture sound system se répand incroyablement depuis quelques années en France. Alex pense que les médias de masse craignent de diffuser cette culture par méconnaissance de son histoire. Néanmoins, certains artistes moins militants et plus représentatifs de ce que peuvent attendre les médias sont de plus en plus diffusés sur des chaînes grand public, à grand audimat. Ces artistes, pour ne pas les citer, sont reconnus par des organisateurs officiels.

73

Entretien avec Rico,

Sélecteur d'OBF Sound system, Genève.

16 juillet 2018 par Skype

Pourquoi es-tu actif dans le milieu du sound system ?

Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system est indépendante par rapport aux

autres genres musicaux ?

Par quels moyens pourrais-tu développer ton sound system ?

Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat, lieux, intermédiaires)

As-tu déjà joué dans une SMAC ? Si non, pourquoi ?

Par quels moyens finances-tu King Hi-Fi ?

Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en étant indépendant ?

Pourquoi les institutions et les médias de masse ne reconnaissent pas cette culture ?

Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les institutions ? Pourquoi ?

Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi ?

Aimerais-tu être représenté dans les médias de masse ? Pourquoi ?

Comment envisages-tu l'avenir des soirées/festival quant aux limitations sonores ?

Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?

Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien:

Rico est le sélecteur de la partie artistique d'OBF sound system basé à Genève depuis 18 ans. OBF s'inscrit comme l'un des plus gros sound system dans le paysage français, créé dans les années 2000. Le booking et la logistique du collectif sont gérés par une personne extérieure. Ils ont une équipe de boxmen qui les aident à charger, conduire et décharger le camion de tout le matériel nécessaire aux prestations. Chacun a son rôle et apporte ses compétences au sein du collectif.

Cet entretien nous donne la vision d'un des plus gros collectifs de France, actif depuis 18 ans. Depuis 2014, le collectif s'est professionnalisé pour travailler légalement. L'ensemble des personnes sont aujourd'hui rémunérées à leur juste valeur en tant qu'intermittents du spectacle sauf l'opérateur pour des raisons personnelles.

74

Selon Rico, la culture sound system est indépendante dans la façon de faire. Il nous a décrit leur fonctionnement. Lorsqu'un collectif transporte sa sonorisation pour une prestation, ils louent un camion et emmènent tout avec eux : le matériel pour sonoriser, celui pour jouer, l'équipe pour installer le tout qu'ils vont eux-mêmes conduire. Ils ont construit leur sound system eux-mêmes et ont fait développer leurs machines par leurs amis. « C'est très DIY et déjà ça dans l'approche et la manière de fonctionner c'est indépendant. »

Le public est friand de nouveauté. Internet et les réseaux sociaux leurs permettent de rester actifs auprès de leur public en composant de nouveaux albums, morceaux. Ils consacrent tous beaucoup de temps pour cette passion devenue un métier pour la majorité d'entre eux. D'ailleurs, ils ne sont pas contre les médias de masse pour transmettent leur musique et leur message en bonne et due forme et faire connaître cette culture au plus grand nombre. Ils pensent que cela ne peut être que positif pour l'image de cette culture sound system en France.

Le collectif s'inscrit dans une logique indépendante, sans subventions, pour gérer le label, l'enregistrement des morceaux, les clips, l'entretien du sound system et du matériel. Ils veulent montrer aux institutions qu'ils peuvent continuer sans leur aide. Ils sont indépendants dans la façon de faire et se sont toujours débrouillés seuls car les médias et les institutions ne s'intéressent pas à cette culture.

75

Entretien avec Morgan Le Godec,
Manager de Stand High Patrol Sound system,
Programmateur du Télérama Dub Festival, Morlaix.
16 juillet 2018 par Skype.

Comment perçois-tu de l'évolution de cette culture depuis sa naissance en France ?

Pourquoi es-tu actif dans ce milieu ?

Pour quelles raisons soutiens-tu les artistes de cette culture ?

Quels axes de développement permets-tu aux artistes ?

As-tu remarqué des différences de développement des artistes depuis que vous êtes engagé pour

cette culture ? Si oui, lesquelles ?

Dans quelles conditions organises-tu des événements avec les artistes que tu manages ?

(Contrat, lieux, intermédiaires)

Pourquoi peut-on considérer cette culture comme étant indépendante ?

Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée des institutions et médias de masse ?

Pourquoi les artistes fonctionnent dans un schéma indépendant des autres genres musicaux ?

Comment envisages-tu l'avenir des sessions quant aux limitations sonores ?

Comment imagines-tu l'avenir de cette culture en France ?

Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien:

Morgan est le manager de Stand High Patrol, un sound system breton fondé en 2001. À l'origine, le collectif et le sound system ont été monté par Rootystep et Mac Gyver, très vite rejoints par Pupajim, le chanteur et compositeur officiel du groupe. Ils ont monté leur propre label « Stand High Records » en 2009 sur lequel de nombreux artistes produisent leur musique. Aujourd'hui, la plupart des membres en vivent grâce à l'intermittence, sauf le chanteur pour des raisons personnelles.

Cet entretien permet de comprendre le statut particulier d'un manager dans le milieu du sound system. Ses compétences multiples lui permettent d'aider le collectif sur différents domaines. L'intégralité des décisions sont ici prises collectivement. Le manager émet des idées qu'ils mettent en place, ou s'inspirent, tous ensemble. Ils ambitionnent de rester indépendant dans leur manière de fonctionner. Le label fonctionne intégralement en autoproduction. L'intégralité

76

de l'argent est réinvestie dans le disque pour produire de nouveaux artistes, payer l'ensemble des frais d'un disque ou pour l'entretien du sound system. Le label a permis à Stand High Patrol d'autoproduire trois albums, en cinq ans, aujourd'hui reconnus dans le milieu du dub et du sound system français. Le collectif n'a jamais compté sur les subventions pour atteindre un objectif mais ils en ont déjà reçu quelques-unes concernant le booking, pour des tournées à l'étranger.

Le milieu du sound system n'est pas un milieu star-system, les artistes n'aiment pas se mettre en avant et ne souhaitent pas se retrouver en couverture de magazine. En revanche, à la sortie d'un album, Morgan met en oeuvre l'intégralité de ses compétences et de son réseau pour donner de la visibilité au nouveau projet en établissant des plans de communication pour vendre un maximum de disques aux distributeurs et faire la promotion dans les médias. Morgan amène un certain dynamisme au collectif, il leur donne des idées pour s'inspirer ou les mettre en place s'ils sont tous en accord. L'indépendance de cette culture permet au collectif de faire ce qu'il veut, quand il veut, mais cela demande beaucoup de travail et de recherches pour se différencier.

Cet entretien nous confirme que ce collectif, pourtant à forte notoriété, fonctionne indépendamment des institutions. D'ailleurs, Morgan nous expliquait que les promoteurs classiques du milieu électronique ou rock ne comprennent pas toujours leur mode de fonctionnement, du fait qu'ils ne travaillent pas avec une grosse agence de booking ou un gros label. La scène sound system n'est pas forcément prise au sérieux par la scène en générale car elle fonctionne dans un système complètement indépendant. Elle est parfois un peu vue de haut et de travers par les professionnels de la musique.

En étant manager d'un groupe à forte notoriété dans le milieu, il confirme les craintes des autres personnes interviewées. Certains médias de masse, qui se sont intéressés à Stand High Patrol, montrent qu'ils ne connaissent pas cette culture. Ils ont tendance à vulgariser les propos recueillis. Le milieu est exigeant. Néanmoins il y a des journalistes compétents, l'exposition sur les sound systems, « Jamaïca Jamaïca », à la Philharmonie de Paris l'année dernière l'a prouvée. En revanche, le milieu du sound system n'aime pas forcément se montrer. Stand High Patrol le prouve en ayant seulement dix photos de presse en dix ans d'activisme, pour la plupart pas nette, et c'est complètement voulu de leur part.

77

Entretien avec Emmanuel Valette,

Membre fondateur du webzine Musical Echoes, Paris.
17 juillet 2018 par téléphone.

Pour quelles raisons soutenez-vous cette culture ?

Comment percevez-vous l'évolution de cette culture depuis son arrivée en France ?

Pourquoi peut-on considérer que le sound system est encore un média ?

Pour quelles raisons peut-on considérer la culture sound system dub comme étant indépendante,

comparée aux autres genres musicaux ?

Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma indépendant, non institutionnalisé ?

Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée des médias de masse ?

Quels axes de développement permettez-vous aux artistes via votre média ?

Comment sélectionnez-vous les artistes pour votre média ?

Comment financez-vous ce média ?

Combien de personnes se rendent sur votre média par jour ? mensuellement ?

Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?

Pouvez-vous me raconter une petite anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien:

Emmanuel Valette est rédacteur pour le médias indépendant Musical Echoes pour lequel il écrit bénévolement. Cet entretien permet d'avoir une deuxième vision d'un média spécialisé dans la culture sound system et plus globalement dans les cultures jamaïcaines.

Emmanuel Valette nous raconte qu'il a d'abord connu cette culture par le dub live français - il a découvert les sound system au Garance Reggae Festival en 2006.

Il perçoit une forte évolution de cette culture en France. La scène sound system a, selon lui, explosé à partir de 2010 et encore plus à partir de 2015 : « il y a des soirées de partout, même dans les petites villes ».

Il considère que la culture sound system est indépendant quant aux autres genres musicaux car les collectifs vivent dans un gouffre financier : « Peu de collectifs en vivent. Mais à quel prix ? À quel rythme ? Faire des soirées tous les week-end etc. C'est épuisant ».

78

Emmanuel Valette ne sait pas pourquoi cette culture se tient éloignée des institutions et médias de masse mais en tout cas, il pense que la médiatisation par les médias de masses ramènerait plus de lumière. Il pense que tout le monde peut citer au moins trois artistes de la scène reggae mais il n'est pas sûr que chacun d'entre eux puissent citer des artistes de la scène dub et sound system.

Enfin, il explique que Musical Echoes n'engage et ne dégage aucun frais financier. De base, c'est un blog qu'il a lancé en 2010. Il a ensuite créé une association pour soutenir ce blog légalement et est en train de réfléchir à la façon dont il pourrait dégager des bénéfices. Il termine en disant qu'il a monté une exposition au Dub Camp en 2018. L'entretien s'est déroulé en amont du Dub Camp, à ce moment, il disait qu'il pourrait sûrement vendre quelques photos et disques.

Cet entretien a été bénéfique pour l'analyse et la rédaction de ce travail. Il nous a permis d'avoir la vision d'un autre média indépendant - spécialisé dans la culture reggae, dub et sound system.

79

Entretien avec Frédéric Peguillan,
Directeur artistique et fondateur du Télérama Dub Festival,
Rédacteur en chef à Télérama Sortir, Paris.
13 août 2018 par Skype.

Comment avez-vous perçu, vous qui organisez un festival de dub depuis 16 ans, l'évolution de

cette culture jusqu'aujourd'hui ?

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'opérer dans ce milieu, de promouvoir cette culture ?

Quels axes de développement permets-tu aux artistes via le Télérama Dub Festival ?

Dans quelles conditions organisez-vous des événements avec les artistes de cette scène ?

(Contrat, lieux, intermédiaires)

Pourquoi peut-on considérer cette culture comme étant indépendante ?

Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée des institutions ?

Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma indépendant des autres genres musicaux ?

Par quels moyens le Télérama Dub Festival a t'il été reconnu par les médias de masse et

institutions ?

Comment envisagez-vous l'avenir du festival quant aux limitations sonores ?

Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?

Pouvez-vous me raconter une anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien:

Frédéric Péguillan est le père fondateur et directeur artistique du Télérama Dub Festival mais il est avant tout rédacteur en chef à Télérama Sortir. Cet entretien nous permet d'avoir la vision d'un organisateur d'un festival depuis 16 ans ayant pour but de développer la culture dub en France.

À la fin de années 90, l'émergence spontanée de groupes de dub français sont apparus comme High Tone, Zenzile, Improvisators Dub etc. Cette nouvelle vague lui a donné envie d'aller faire un reportage, sur le terrain, pour Télérama. Dès son retour, il a eu envie de mettre en avant cette scène dub. Il a proposé à Glazart, salle de musique underground de Paris, de monter un festival de dub pour rajeunir l'image du magazine Télérama. Seize ans plus tard, le festival fête sa 16ème édition et arpente la France entière dans plusieurs villes : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, ainsi que Barcelone cette année pour la première fois. Le Télérama Dub Festival était le premier festival de dub en Europe.

80

Frédéric partage à nouveau le même avis que l'ensemble des personnes interviewées. La culture sound system est indépendante, les acteurs sont dans un système de DIY, c'est leurs choix et leurs manières de fonctionner. C'est un état d'esprit et c'est ce qui fait le charme de cette culture. Pour exemple, le groupe d'High Tone a longtemps été le groupe le plus vendeur en France dans ce milieu mais il n'a jamais voulu partir de Jarring Effect, un label indépendant basé dans les pentes lyonnaises.

Étant organisateur d'un festival de dub depuis seize ans, Frédéric nous a livré sa manière de percevoir l'évolution de cette culture depuis son introduction en France. Il trouve dommage que la scène sound system ait pris le dessus sur la scène live depuis quelques années. La dimension artistique et innovante est un peu moins flagrante qu'avant même si certains sound system le font toujours, comme OBF, qui tire un peu vers l'électro et la techno ou Blackboard Jungle, qui reste dans le sound system reggae roots.

Frédéric permet trois axes de développement aux artistes via le Télérama Dub Festival. Le premier est de faire venir des artistes qui ont une notoriété mais qu'on ne voit pas souvent en France. En second, le fait de développer de jeunes artistes a permis à un certain nombre d'entre eux de leur donner de la visibilité. Le troisième axe auquel il tient particulièrement est la dimension de création. Par exemple, cette année, Sly & Robbie viendront avec leur projet en compagnie de Nils Petter Molvaer, un trompettiste de jazz norvégien.

À propos des institutions, « Je pense qu'ils n'ont pas envie d'être récupérer et je pense que les institutions n'ont pas envies de les récupérer non plus. » De nombreux festivals souffrent des baisses de subventions, par conséquent, l'indépendance et l'avenir de cette culture n'est pas touchée par ces questions. De plus, le Télérama Dub Festival n'est pas aidé par Télérama sauf pour l'impression des affiches et des flyers. Le festival fonctionne totalement en autoproduction avec les ventes des billets et le bar à Paris. Sur les dates en dehors de paris, le bar revient au propriétaire de la salle.

Pour Frédéric, la concurrence n'existe pas, quand bien même de nombreux événements et festivals autour de la culture sound system se sont développés ces dernières années. Plus la culture dub est, plus il est content. Le dub intègre de nombreux festivals avec les dub corners et il trouve cela formidable. Le dub intègre aussi de nombreux festival sur scène, avec Panda Dub à Rock en Seine, par exemple.

81

Entretien avec Polak,

Sélecteur et MC à Legal Shot Sound system, Rennes.
18 août 2018 par Skype.

Pourquoi es-tu actif dans le milieu du sound system ?

En session, quel message veux-tu faire passer à ton public ?

Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system est indépendante ?

Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat, lieux, intermédiaires)

Par quels moyens finances-tu Legal Shot ?

Vivez-vous de votre activité ?

Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en étant indépendant ?

Pourquoi les institutions et les médias de masse ne reconnaissent pas cette culture ?

Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les institutions ? Pourquoi ?

Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi ?

Aimerais-tu être représenté dans les médias de masse ? Pourquoi ?

Comment envisages-tu l'avenir des soirées/festival quant aux limitations sonores ?

Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?

Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet entretien ?

Compte-rendu de l'entretien :

Legal Shot Sound system est un collectif passionné créé officiellement en 2000. Ils ont construit un sound system à leur retour du carnaval de Notting Hill en Angleterre. Ils collectionnent beaucoup de vinyles et au fur et à mesure du temps, ils agrémentent leurs productions avec leur label, Legal Shot Record Studio. Depuis 2011, ils produisent une émission hebdomadaire sur Party Time, une émission de radio diffusée sur Fréquence Paris Plurielle. Aujourd'hui, le collectif est reconnu et suivi par un public de plus en plus nombreux. Il a l'ambition de partager et faire connaître la culture sound system au plus grand nombre.

Polak est un des cinq copropriétaires de Legal Shot Sound System, basé à Rennes, en Bretagne. Il s'occupe principalement d'enregistrer les special et les dubplates. Lors d'une prestation, il a un rôle de manutention comme tout autre propriétaire et prend le rôle de sélecteur. Il est aussi chanteur lors des guerres musicales entre sound systems.

Cet entretien permet de comparer la vision et la manière de fonctionner de ce collectif avec les autres personnes interviewée. Au-delà d'être un collectif indépendant, les membres de

82

Legal Shot ont tous un métier et une vie de famille à côté du sound system. Selon Polak, il serait difficile, pour un sound system qui se déplace juste une fois par mois, de faire vivre correctement cinq copropriétaires. L'intégralité de l'argent des prestations et de toutes leurs activités contribue à investir dans leur outil de travail, le sound system. Un sound system est un investissement très couteux, de la conception à son entretien, en n'oubliant pas les déplacements.

Legal Shot dispose d'une indépendance financière totale des institutions. Polak préfère être indépendant financièrement, l'indépendance à certaines vertus, plus d'avantages que d'inconvénients. Leur association a déjà reçue des subventions de la ville de Rennes sous forme de prêt de matériel pour la fête de la musique mais ne compte pas sur les institutions pour avancer et entretenir leur sound system

Concernant l'indépendance de la culture en France, Polak partage la même vision que les autres personnes interviewées. C'est un milieu peu structuré par rapport à d'autres styles musicaux comme l'électro ou le hip-hop. Les sound systems ne sont pas basés sur de grand labels ou maisons de disques. Les collectifs comptent sur eux-mêmes, ils construisent eux-mêmes leur sound system et l'entretiennent eux-mêmes, sans l'aide des institutions.

Concernant leur manière de rester actif et visible, Legal Shot est sur un business de très long terme. Polak nous a donné une phrase qui revient souvent dans le milieu : « La course n'est pas pour les rapides mais pour ceux qui peuvent l'endurer jusqu'au bout. » Ils ont mis du temps à acquérir la notoriété qu'ils ont aujourd'hui, ils ne comptent pas abandonner, la détermination leur permet de rester actif et visibles.

À propos de l'institutionnalisation de cette culture, Polak ne sait pas si l'État devrait s'en occuper, aux vues des subventions en baisse considérable envers la culture en ce moment. Il conclue ce sujet en affirmant que l'indépendance n'est pas si mal. En revanche, il pense que la culture finira par s'institutionnaliser à force du circuit qui s'organise et des collectifs qui se multiplient. C'est une question de visibilité et de long terme. L'ampleur a déjà évolué ces vingt dernières années. Concernant les médias de masse, le collectif n'est pas contre le fait qu'ils s'intéressent à eux, un jour. En revanche, la transparence et l'honnêteté doit être des deux côtés. Par contre, Polak veut faire connaître cette culture au plus grand nombre car il trouve cette culture réellement géniale.

83

Entretien avec Quentin Deniaud,

Chanteur et diffuseur à Brainless Sound system, Villeurbanne. 20 août 2018 par téléphone.

Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Comment es-tu arrivé dans le milieu du sound system ?

En session, quel message veux-tu faire passer à ton public ?

Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system est indépendante par rapport aux

autres genres musicaux ?

Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat, lieux, intermédiaires)

Par quels moyens financez-vous Brainless ?

Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en étant indépendant ?

Pourquoi les institutions et les médias de masse ne reconnaissent pas cette culture ?

Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les institutions ? Pourquoi ?

Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi ?

Aimerais-tu être représenté dans les médias de masse ? Pourquoi ?

Comment envisages-tu l'avenir des sessions par rapport aux limitations sonores ?

Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?

Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet entretien ?

Depuis quand les dub corners se sont intégrés aux festivals ?

Compte-rendu de l'entretien:

Quentin est un des deux fondateurs de Brainless Sound system, qu'il a créé en 2012 avec Théo à Bourg-en-Bresse.

Brainless est un petit collectif innovant dans leur manière de fonctionner et d'évoluer. Dès la création, chacun s'est dirigé vers certaines tâches. Quentin s'est toujours occupé de la communication et de la prise de contact avec les autres sound systems pour faire des collaborations. Théo a pris le rôle d'ingénieur du son.

Cet entretien permet de comparer le fonctionnement d'un collectif de sound system existant depuis six ans avec les autres collectifs enquêtés. Cet entretien montre, une fois de plus, que les collectifs sont indépendants dans leur manière de se construire, de fonctionner et

84

d'opérer dans le milieu. Quentin ne sait pas encore pour combien de temps la culture sera considérée comme étant indépendante car la plupart des sound systems sont autoproduits ou produits par des labels indépendants. Il n'y a pas de contrats avec les maisons de disques, tout est basé sur des rapports humains.

Pour rester actif et visibles, ils sont en constante réflexion pour promouvoir leur activité sur les réseaux sociaux sans forcément sponsoriser leurs publications. Ils essayent de mettre en avant les dates sur lesquels ils seront présents et communiquent pendant et après pour garder contact avec leur public. Ils vont bientôt essayer de poster des morceaux en téléchargement gratuit pour rester actif en dehors des prestations.

Lors d'une prestation, le collectif fonctionne avec des contrats d'intermittence et Quentin reçoit des cachets de diffuseur. Il est aujourd'hui diffuseur de l'association Exoria, basée à Villeurbanne. Son travail lui permet de diffuser plusieurs artistes orientés dans la bass-music et le dub, dont Brainless Sound system qui a intégré le catalogue dès qu'il est arrivé dans l'association.

Pour Quentin, le concept de base de cette culture est qu'elle soit en marge de toutes les institutions et médias de masses ; à la base, c'était la radio de celui qui n'avait pas accès aux grands médias. Cette culture est relativement récente, c'est pourquoi elle est encore en marge. De plus, ses acteurs ont la volonté de rester en marge des institutions. Par contre, certains artistes, pour ne pas les citer, l'ont déjà vulgarisé auprès du grand public. C'est positif qu'un maximum de personne ait accès à ce style, toutefois, il serait judicieux de pouvoir continuer à sortir le sound system sans se faire trop ennuyer.

Selon Quentin, le sound system n'est pas exclu de tout événement culturel mais tout dépend de ce qu'il véhicule et de ce qu'il transmet au public. Les institutions ont toutes les clés pour permettre à un collectif de perdurer. Ils entretiennent des relations avec la ville de Bourg-en-Bresse pour organiser des événements. En défendant et argumentant leurs projets, la ville leur a donné sa confiance. Par exemple, ils ont fêté leurs cinq ans d'existence au skate parc de Bourg-en-Bresse en compagnie de leur sound system. Ils n'ont jamais fait de demande de subvention mais ils ont l'ambition de faire une demande de résidence pour créer un live pour s'adapter aux demandes des organisateurs qui sont en forte demande de dub live, sans sound system. Ils se doivent s'adapter aux évolutions en développant leur expérience pour proposer différentes formations artistiques en répondant aux exigences des programmateurs de salles de concert et festivals.

85

Entretien avec Jean-Paul Deniaud, Rédacteur en chef à Trax Magazine, Paris. 27 août 2018 par Skype.

Qu'est-ce que la culture sound system pour vous ?

Avez-vous remarqué une évolution depuis son arrivée en France ?

En quoi cette culture est-elle indépendante ?

Est-ce une volonté de la part des collectifs de ne pas vous contacter et de se rendre visible sans

votre aide ?

Pourquoi cette culture n'est-elle pas reconnue par les institutions ?

Pourquoi cette culture n'est-elle pas reconnue par les médias de masse ?

Qu'est-ce qui vous a poussé à faire un numéro sur la culture sound system ?

Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?

Comment imaginez-vous l'avenir pour cette scène quant aux limitations sonores ?

Compte-rendu de l'entretien :

Jean-Paul Deniaud est rédacteur en chef et à la direction des publications chez Trax Magazine depuis bientôt cinq ans. Cet entretien permet d'avoir l'avis d'un média national spécialisé dans la musique, particulièrement électronique.

Le magazine travaille actuellement sur la sortie de son prochain numéro, qui est étonnamment spécialisé sur la culture sound system. Jean-Paul explique qu'il a dernièrement rencontré le Killasan sound system au Danemark, collectif organisant les soirées « Wax Treatment » pour diffuser de la musique techno sur un sound system reggae dub. Par ailleurs, Jean-Paul pense qu'internet permet au grand public de découvrir ou redécouvrir des cultures qu'ils ne connaissaient pas, les préjugés sur le reggae sont en train de se casser progressivement auprès du grand public. Après ce constat, Jean-Paul a décidé de faire un numéro spécifique à cette culture.

D'un point de vue médiatique, notamment de Trax (magazine national), Jean-Paul signifie qu'ils ne sont jamais au courant des événements portés sur culture sound system dub. Cette culture se rend visible par des médias indépendants, des communautés, des disquaires ou des flyers et non via des médias traditionnels. De plus, Jean-Paul estime que les pouvoirs

publics, les institutions et les marques privés n'aident pas financièrement les collectifs de cette culture. En revanche, une campagne s'est construite entre la marque Carhartt et le sound system Killasan pour communiquer autour de Trojan Records.

Les collectifs et artistes de la culture sound system ne savent pas que le magazine Trax n'est pas seulement orienté sur la musique techno et house, ils se dirigent directement vers des médias spécialisés, souvent indépendants, pour communiquer sur leur événements et productions musicales. D'autre part, plusieurs collectifs sont assez puristes et ne veulent pas forcément que d'autre styles musicaux soient diffusés sur leur sound system, contrairement à d'autres qui sont plus ouvert à ce type de fusion musicale. En revanche, Trax a récemment publié un article qui a cartonné sur le sound system OBF accompagné d'une mixtape159. De plus, Jean-Paul explique que : « Les sound systems viennent rarement d'eux-mêmes, c'est plutôt, nous quand on va les voir sur une affiche, on se dit qu'on aimerait bien faire un truc avec eux et c'est plutôt nous qui allons à leur rencontre. »

Cette culture n'est pas reconnue par les institutions et pouvoirs publics du fait qu'elle soit issue de Jamaïque et d'Angleterre, c'est une culture de contre-pouvoirs, de rébellion qui n'a pas besoin des institutions. Par ailleurs, cette musique est peu médiatisée en France, l'histoire est méconnue des pouvoirs publics. Ils vont moins être enclins à donner une autorisation ou à mettre en avant ce type d'événement dans leur communication, de par leur méconnaissance de cette culture. En revanche, le fait que Télérama mette son nom sur un festival de dub (Télérama Dub Festival) montre une estimation et une reconnaissance de cette culture sound system et dub par un média culturel très généraliste.

86

159 Compilation de plusieurs morceaux.

87

Entretien avec Christian Jadeau,
Premier adjoint à la culture de Joué-sur-Erdre.

Le 6 septembre par téléphone.

Pour quelles raisons soutenez-vous cette culture ?

Comment percevez-vous l'évolution de cette culture depuis son arrivée en France ?

Pourquoi peut-on considérer que le sound system est encore un média ?

Pour quelles raisons peut-on considérer la culture sound system dub comme étant indépendante,

comparée aux autres genres musicaux ?

Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma indépendant, non institutionnalisé ?

Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée des médias de masse ?

Quels axes de développement permettez-vous aux artistes via votre média ?

Comment sélectionnez-vous les artistes pour votre média ?

Comment financez-vous ce média ?

Combien de personnes se rendent sur votre média par jour ? mensuellement ?

Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?

Compte-rendu de l'entretien:

Christian Jadeau est le Premier adjoint et responsable de la culture de la Mairie de Joué-sur-Erdre. Cet entretien permet d'avoir la vision d'un acteur politique au fait de la culture sound system par l'intermédiaire du Dub Camp Festival qu'il accueille, avec l'accord du Maire, dans la commune de Joué-sur-Erdre.

La commune de Joué-sur-Erdre accueille le Dub Camp Festival depuis maintenant deux éditions. Pour des raisons expliquées en amont dans le développement de ce mémoire, le festival a changé trois fois de site et donc de commune.

Christian Jadeau nous fait part de son avis sur ce festival ainsi que les aides que la commune lui attribue. Globalement, il est satisfait d'accueillir ce festival - il donne de la visibilité au niveau national voire international de la commune de Joué-sur-Erdre.

Au début de l'entretien téléphonique, Christian nous expliquait que la commune a accueilli ce festival par relations. Un ami de son fils fait partie des membres de l'association Get Up. Ceci explique pourquoi la commune n'a pas été réticente pour accueillir ce festival. Il nous rapporte

88

qu'ils sont partants, avec l'accord du Maire évidemment, pour reconduire une troisième édition en 2019. En effet, le festival fait tourner l'économie locale de la région par l'accueil de 26 000 personnes sur quatre jours. Il ne connaît pas les retombées économiques qu'il engendre mais il est en est réellement satisfait et ajoute que les habitants de la commune le sont également, « ce qui est très appréciable » en conclut-il. Il a participé aux deux éditions du festival depuis qu'il est à Joué-sur-Erdre. Il nous indique que le Maire se réjouit aussi de venir.

Christian Jadeau pense que les institutions, en général, ne connaissant pas cette culture. Tout le monde connaît le reggae de Bob Marley - pas plus. Il est d'ailleurs favorable pour utiliser ce mémoire comme ressource pour l'écriture d'un édito qu'il publiera dans le bulletin municipal de la commune.

Pour conclure le compte rendu de cet entretien, il nous a paru important de signifier que l'avis de ce premier adjoint et responsable de la culture relève d'un grand positivisme puisqu'il est au fait de cette culture, en étant personnellement impliqué et de par sa position de premier adjoint.

89

Entretien avec Olivier Bruneau,
Directeur de l'association Get Up !
Programmateur du Dub Camp Festival, Nantes
Le 28 août par téléphone.

Pour quelles raisons avez-vous décidé d'organiser un festival purement sound system ?

Quels axes de développement permettez-vous aux artistes via le festival ?

Comment voyez-vous l'évolution de cette culture en France depuis l'arrivée du Dub Camp ?

Pourquoi peut-on considérer cette culture comme étant indépendante et en marge ?

D'après-vous, cette culture pourrait-elle s'institutionnaliser dans les années à venir ?

Bénéficiez-vous d'aide financière pour l'organisation du festival ?

Quels médias de masse se sont intéressés au Dub Camp ?

Pensez-vous que le Dub Camp ait contribué à la veine sound system qui se développe

actuellement dans le paysage français ?

Comment imaginez-vous l'avenir de cette scène en France ?

Comment envisagez-vous l'avenir du festival quant aux limitations sonores ?

Peux-tu me raconter une anecdote pour terminer cet entretien ?

90

Retranscription de l'entretien :

Jeanne Vionnet : Qu'est-ce qui vous a poussé à organiser festival de sound systems ?

Olivier Bruneau : Au moment de la création de l'association, c'est déjà quelque chose que l'on avait envie de voir, un événement qui rassemble les sound systems, un concentré de différents sound system et des différents acteurs du milieu sound system. On a créé l'association Get Up ! en 2008, on ne se retrouvait pas forcément dans les sessions qui avaient lieues à ce moment-là. Le Dub Camp est venu à la suite des différentes soirées que nous organisions, les Get Up ! Session et Nantes Dub Club. L'envie des adhérents de l'association était de créer un événement d'ampleur national sur ce mouvement. On s'est lancé comme ça dans l'organisation de manière un petit peu amateur sur la première édition même si on a essayé d'être le plus carré possible et de prendre le moins de risques financiers notamment et en termes de sécurité et de sûreté aussi on a mis le paquet dès le début pour ne pas organiser un événement trop concave non plus. Ça a grossi nous l'objectif c'est de garder un rythme de croisière voire même la décroissance du festival ou en tout cas de retrouver un esprit à l'image de l'association et de ses adhérents.

J.V : C'est trop grand à vos yeux ?

O.B : Oui et non en tout cas je pense que là cette année on a trouvé notre jauge entre guillemets. On se dit que c'est peut-être la bonne jauge, entre 3500 personnes et 5000 personnes par soir.

J.V. : Au départ, les institutions n'étaient pas trop réticentes pour organiser ce festival ?

O.B. : Ce n'était pas vraiment évident c'est vrai que nous avons envoyé une centaine de courrier dans toutes les communes du coin qui nous semblait adaptées. On a eu une dizaine de retours et des retours plus ou moins farfelus. Sur la première édition 4 que nous ont répondu vraiment favorablement et qui était intéressées. L'accueil n'était pas forcément très évident aussi au premier rendez-vous ils se sont rendu compte que nous n'avions pas de dreads, que nous n'étions pas des babas cool. Après nous on y allait aussi en leur disant que qu'on ne cherchait pas de subvention on voulait juste un terrain et être indépendant. Donc on avait aussi le côté financier des retombées économiques qu'il peut y avoir par rapport à l'événement ça les a motivés un peu. Il y avait aussi l'inconnu du volume sonore qui n'était pas forcément évident à comprendre parce

91

qu'on a été vraiment cash avec eux en leur disant que ça allait jouer fort longtemps et tard. Le bruit c'est le bruit mais ça va, ça ne les a pas trop dérangés.

J : Du coup ils en sont contents aujourd'hui est-ce que vous en avez fait ?

O : En tout cas nous on a changé 3 fois, Ça a été formateur on expérience mais à chaque fois les communes qui nous ont accueillies voulaient nous garder. C'était des soucis plutôt d'ordre préfectoral, on était sur des sites classés des sites Natura 2000 et ça ne pose pas de problème pour la faune et la flore il y a aucun souci mais c'est vraiment plus compliqué sur des sites classés par des bâtiments de France du coup c'est le caractère historique des sites sur lesquels nous étions et qui fait que l'on n'avait pas le droit de mettre de camping ou de chapiteaux. On a eu des autorisations les premières années mais on a dû changer de commune sur la 3e édition et on s'est retrouvé avec le même problème, en gros autour de Nantes les salles terrains disponibles et chouettes sont des terrains en bord de Loire et de l'Erdre du coup qui sont classés donc on s'est retrouvé sur un plan B et même après sur un plan C en 2016 sur la commune de Carquefou. On a dû changer de site 10 jours avant le début du festival car le site était inondé en tout cas la mairie nous a bien suivi là-dessus aussi le fait que ce soit bien passé les deux premières éditions. En 2017 on a trouvé le site a Joué-sur-Erdre et du coup on n'a pas eu trop de difficultés pour trouver un nouveau site pour 2017, on avait trois vraies pistes et celle-ci s'est trouvée la plus adaptée et ça s'est fait en une semaine. On a rencontré les élus le lundi soir et le mercredi on a signé. Ça s'est passé hyper vite mais voilà, toujours avec le même discours en disant qu'on ne voulait pas de subventions, on voulait un site.

J : En cherchant sur internet j'ai vu que vous aviez quelques subventions ?

O : Oui, on a des subventions. C'est vrai que la politique de l'association à ce niveau-là, à un peu évoluée. Au départ, on était vraiment à se dire qu'on voulait complètement être indépendant, ne pas dépendre de subventions etc. On s'est vite rendu compte que c'était compliqué, à la fois d'organiser des événements un peu originaux, accessibles financièrement et en même temps sans demander de subventions. Donc on a fait des demandes de subventions, mais l'idée pour nous c'est qu'elles ne doivent pas servir au projet c'est juste des plus qui ne doivent pas mettre en péril le projet associatif. Par exemple, les subventions de la région de cette année servent à faire venir la fanfare qui joue devant la mairie, à faire des masters class, à faire le mini dub camp, des expositions etc. mais si ces événements n'ont pas lieux parce qu'on n'a pas les subventions pour ces plus, ça ne met pas en péril le festival.

92

J : D'accord, c'est juste un plus !

O : Oui c'est ça, en tout cas pour le moment on ne veut pas en dépendre même si on en a. donc là, on a la région qui nous soutient un peu mieux que les premières années, la première année on avait 3000€ de la région et cette année on est à 15000€. Donc ça c'est plutôt chouette. Le département on était à 1000€ au début et on doit être à 6000€ et la ville de Nantes nous donnait 1000€ et là c'est plutôt des subventions de fonctionnement et axé sur l'accessibilité, nous faisons un gros travail au sein de l'association sur l'accessibilité. Donc voilà, on a trois subventionneurs, la mairie de Joué sur Erdre ne nous en donne pas mais on a aussi la COMPA, la communauté de commune dont dépend Joué-sur-Erdre, nous soutient aussi à hauteur de 20 000 € sur la gestion de déchets et le tri des déchets. Quand on était sur les autres communes on dépendait de la métropole de Nantes qui nous soutenait en nous mettant à disposition des bennes à ordures, toute la gestion des déchets, du tri sélectif etc. Du coup, quand on est arrivé à Joué-sur-Erdre, on leur a demandé de nous soutenir à hauteur de ce que nous soutenait la ville de Nantes qui représente un fonctionnement de 20 000€, enfin ça représente plutôt 25 000€ en comptant les achats des sacs poubelles, de l'intervention des connexions. Du coup, les subventions sur le budget de l'association représentaient jusqu'à l'année dernière 1,5% et là elles représentent 2,5%. On est quand même assez indépendants vis-à-vis des subventions mais en même temps on a changé un peu notre vision en se disant qu'on ne peut pas faire sans eux de toute façon. Et puis à un moment donné, on paye tous des impôts et tant qu'à faire autant qu'ils servent à ce genre de projets plutôt qu'à d'autres ! La seule inquiétude c'est de ne pas en dépendre.

J : Du coup, je me demande si vous avez des sponsors ?

O : On avait vraiment une vraie vie associative, on a un conseil d'administration qui se réunit une fois par mois, un bureau de l'association qui se réunit tous les 15 jours où une centaine d'adhérents sont impliqués dans différentes commissions, différentes organisations. Donc il y a aussi une commission de valeurs et éthique, tout ce qui est partenariats, subventions, sponsoring et mécénat, nous en tout cas notre politique c'est qu'on ne travaillera jamais avec des gros industriels type Kronenbourg Heineken etc. L'idée c'est qu'on soit bien au clair avec les produits qu'on propose, donc on a du sponsoring mais au niveau local, on a de l'aide du crédit mutuel aussi ; plutôt en valorisation, ils nous prêtent de la rubalise et des tours de cou. Après on fait aussi des partenariats et du mécénat avec le supermarché du coin et d'autres entreprises locales.

93

J : Penses-tu que cette culture pourrait intéresser les institutions dans les années à venir ?

O : Oui, pour moi elle les intéresse déjà, c'est vrai que c'est quelque chose qui est assez atypique mais en même temps quand on voit le nombre de personnes et la moyenne d'âge du public qui est sur ce type d'événement, qui est en moyenne entre 18 et 25 ans pour la majorité et puis on va dire 16 et 40 ans pour élargir un petit peu. Je me dis qu'il y a vraiment de l'avenir en tout cas, et que c'est l'avenir aussi des futurs électeurs entre guillemets pour ces gens-là. En tout cas, nous on est l'exemple parfait et les institutions nous soutiennent donc je me dis quand même qu'elles s'intéressent à ce que l'on fait.

J : Quels médias de masse se sont déjà intéressés au Dub Camp ?

O : Oui, on a eu France 3 qui est venu en 2015, 2016 et 2017, ils ont fait différents reportages deux fois uniquement sur le festival et une fois sur le festival sous un angle axé sur les risques auditifs. Du coup, tout ce que l'on mettait en place de notre côté au niveau de la prévention du son et c'était assez intéressant. Autrement on a aussi Radio Nova qui nous soutient depuis le début. On a aussi Télérama qui fait des articles tous les ans sur le Dub Camp, Le Monde aussi qui a fait une page en 2017 sur le festival, Libération également qui avait publié une page. Et aussi les radios, France Bleu ou des radios comme ça. Après, les journaux aussi comme Ouest France qui nous soutient bien depuis le début, ce n'est pas forcément évident parce que suivant les différents journalistes, certains s'intéressent à l'aspect musical et culturel et d'autre qui s'intéressent plutôt aux aspects organisationnels, sûreté, sécurité donc il faut jongler un e-petit peu entre les différents interlocuteurs qu'on a en face de nous mais là, par exemple, on a eu au moins trois pages nationales cette années dans Ouest France qui étaient plutôt intéressantes aussi. Et ce n'est pas forcément eux qui s'intéressent, on a un gros travail avec notre responsable de communication. Il y a tellement d'événements, si on veut qu'ils en parlent c'est à nous de les solliciter.

J : Le Dub Camp s'inscrit-il dans la politique culturelle de la Ville de Nantes, réputée pour développer la culture ?

O : Effectivement, je ne sais pas si ça s'inscrit vraiment dans la politique culturelle de Nantes mais après on est soutenu par la Ville de Nantes donc à priori oui ! C'est vrai que quand on a organisé le Dub Camp, la première idée c'était de l'organiser à Nantes, la mairie de Nantes était

94

vraiment motivée, on a cherché pleins de sites pour le faire et le souci c'est que la ville est trop urbanisée. Donc oui, je peux dire que oui effectivement !

J : Est-ce que le Dub Camp a contribué à la scène sound system française d'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il y a pleins de collectifs qui se montent partout en France, que ça se démocratise partout, que tout le monde s'y intéresse de plus en plus ?

O : C'est vrai que c'est quelque chose que nous n'avions pas forcément conscience au départ. En tout cas que nous on n'avait pas forcément conscience au sein de l'association, mais effectivement les retours des artistes ou en tout cas de certains artistes montrent que c'est vraiment important pour eux de pouvoir venir jouer au Dub Camp. Nous, on voit les choses comme ça en fait, on programme des artistes qui éthiquement et musicalement nous conviennent, après c'est toujours un équilibre financier à trouver. On n'en avait pas conscience effectivement de l'impact que ça pouvait avoir pour certains on va dire petit sound systems. Après, je pense qu'à notre petit niveau, en tout cas nous, on a participé à l'essor de ce mouvement-là mais il y en a pleins d'autres. Je n'ai pas la réponse mais je ne sais pas si c'est un événement qui était attendu en France.

J : Comment tu imagines l'avenir de cette scène et l'avenir du Dub Camp ?

O : Ce n'est pas évident, je pense que la difficulté que je vois moi en tout cas, de l'avenir du mouvement sound system en France, c'est qu'en tout cas il y a énormément de sono qui se construisent à droite à gauche, je pense qu'on est un des pays d'Europe ou même du monde où il y a le plus de sound system reggae ou en tout cas construits. Après la vraie difficulté c'est de trouver des endroits pour jouer, en tant qu'organisateur, nous au départ on avait l'intention de construire un sound system mais on s'est vite rendu compte que c'était compliqué d'allier l'artistique et l'organisationnel et qu'il fallait faire un choix. On a fait un choix là-dessus et en tant qu'organisateur on est confronté à des problèmes de salle et on voit en France que les salles sont vraiment compliquées à trouver. Je pense que la limite commence à se trouver un petit peu et il y a aussi une autre particularité de ce mouvement là c'est qu'il y a des gardiens du temple entre guillemets qui sont présents et je pense qu'il y a une complexité entre le mouvement sound system à doit être comme ça et les nouveaux qui arrivent avec un dub un peu plus différent, un style musical un peu plus dub électro. J'ai l'impression et je ne le souhaite pas qu'à l'avenir il y aura peut-être deux clans entre guillemets ou deux esthétiques entre le mouvement sound

95

system plus orthodoxe on va dire et les nouveaux qui s'en foutent que ça pogote en soirée sound system. Je pense qu'il y a un juste milieu à trouver quand même et l'objectif du Dub Camp avant tout c'est de faire découvrir la musique sound system au plus grand nombre et casser ces clichés et de rendre accessible aussi au plus grand nombre ce mouvement qui est quand même assez underground.

J : Mais vous n'êtes pas contre le fait qu'il y ait des sound system qui peuvent jouer un dub plutôt techno ou autre ?

O : Nous on n'est pas forcément pour, je ne vais pas juger le style musical mais la ligne directrice du Dub Camp, en tout cas, c'est de rester sur l'esthétique du mouvement reggae et sound system. Après, il y a des limites entre guillemets. Pour nous la limite, c'est les artistes qui font du dub électro où il n'y a plus de skank reggae etc. Mais l'avenir est plutôt rose quand même pour la culture sound system, moi c'est vraiment en tout cas la moyenne d'âge qu'il y a, la bienveillance qu'il y a entre différents artistes et organisateur, on a de la chance nous en tout cas en France d'avoir su créer une vraie communauté autour de ce mouvement et au même titre que les métalleux etc qui sont des gens assez fidèles et qui sont prêts à faire de la route pour venir en session. Je trouve que le mouvement sound system dub, le reggae en tout cas commence à trouver sa place.

J : Peux-tu me raconter une anecdote pour terminer cet entretien ?

O : Par exemple, le capitaine des gendarmes me dit qu'il connait bien OBF, qu'il vient d'Annecy et qu'il a déjà assisté à leurs sessions et il me dit que son fils est en train de construire un sound system avec l'école à Nantes, c'est leur projet d'étude donc c'est assez original et il m'a montré que les clichés sont en train de se casser de part et d'autre !

96

Compte-rendu de l'entretien :

Olivier Bruneau est le directeur de l'association Get Up ! et le programmateur du Dub Camp Festival, organisé par la même association. Cet entretien permet d'avoir la vision du directeur du festival, cet événement étant l'étude de cas principale de ce mémoire.

Le Dub Camp Festival est un concentré des différents sound systems et des différents acteurs de cette culture. Les artistes invités sont français, anglais, européens voir internationaux pour quelques-uns. A l'origine, l'association organisait des soirées sound system à Nantes puis les membres de l'association ont décidé de créer ce festival, uniquement basé sur des scènes sound systems, sans scène classique.

Pour résumer l'histoire du festival, les organisateurs ont été contraints de changer trois fois de lieux pour des soucis d'ordre préfectoral, où les sites étaient classés par des bâtiments de France et la mise en place d'un camping et d'un chapiteau n'était pas envisageable. Pour anecdote, le festival a changé de site 10 jours avant l'ouverture en 2016 car le site initial était inondé. Le festival a maintenant lieu à Joué-sur-Erdre depuis 2017. L'accueil de ce festival a été favorable du point de vue des institutions pour sa première édition en 2014. Parfois réticentes, elles ont compris le projet et sont en accord avec le projet de l'association.

L'association reçoit quelques subventions de la ville de Nantes, du département et de la région. Elles ne permettent pas au festival de fonctionner mais représentent un plus pour organiser des masters class, des expositions, un mini Dub Camp pour les enfants et d'autres animations. De plus, la communauté de commune de Joué-sur-Erdre intervient grâce à une subvention pour la gestion des déchets en mettant à disposition des bennes à ordures et des bennes de tri sélectif. Au total, les subventions représentent 2,5% du budget total de l'édition 2018 ; le festival fonctionne pratiquement en autoproduction.

L'association dispose d'une commission « Valeur et Éthique », ils n'ont pas pour ambition d'avoir de gros sponsors comme Heineken ou Kronenbourg. Cette commission met en place des partenariats avec plusieurs artisans locaux et supermarchés des alentours pour faire fonctionner l'économie du département.

Concernant la médiatisation du festival, plusieurs médias de masses mettent en avant et diffusent le festival de manière plus ou moins pertinente. Le journal régional Ouest-France soutient également le festival depuis le début par des articles sur l'aspect musical et culturel ou sur l'aspect organisationnel, de sécurité et de sûreté. Encore une fois, le Dub Camp est un

97

exemple parfait sur la médiatisation de cette culture puisque des médias nationaux comme France 3, Le Monde, Libération ou Télérama ont rédigé des articles.

Pour conclure le compte rendu de cet entretien, l'exemple de ce festival confirme que les institutions ne sont pas réticentes à la culture sound system quant au soutient qu'elles leurs apportent et à la mise à disposition du site de Joué-sur-Erdre.

98

Annexe 2 - Schéma des différentes fréquences sur un sound system

Annexe 3 - Vidéo accélérée de l'installation du sound system de Stand High Patrol, Rennes - (Hyperlien disponible en cliquant sur l'image)

99

Annexe 4 - Affiche du Dub Camp Festival 2018

100

Annexe 5 - Plan du site du Dub Camp Festival 2018

Annexe 6 - Photographies de deux sound systems jamaïcains

Duke Reid - Trojan Sound System - Jamaïque (1951)

Coxsone Dodd - Sir Clement Downbeat - Jamaïque (1954)

Annexe 7 - Aperçu du carnaval de Notting Hill, Londres

1985 2016

 
 

101

OBF SOUND SYSTEM GENÈVE

DUBATRIATION SOUND SYSTEM

DIJON

102

Annexe 8 - Photographies des sound systems des acteurs interviewés

KING HI-FI SOUND SYSTEM

LYON

LEGAL SHOT SOUND SYSTEM

RENNES

BRAINLESS SOUND SYSTEM

BOURG EN BRESSE

STAND HIGH PATROL SOUND SYSTEM

RENNES

Annexe 9 - Sélection de visuels d'événements placés dans leur ordre d'apparition160

GARANCE REGGAE
FESTIVAL

TELERAMA DUB
FESTIVAL

DUB STATION

(MARSEILLE)

NANTES DUB CLUB

(NANTES)

GET UP ! SESSION

(NANTES)

DUB ECHO

(LYON)

REGGAE SUN SKA

(BORDEAUX)

NO LOGO FESTIVAL

(FRAISANS)

103

REGGAEBUS FESTIVAL

(CHARLEROI, BELGIQUE)

DUB CORNER
DOUR FESTIVAL

(DOUR, BELGIQUE)

ROCK EN SEINE
FESTIVAL

(PARIS)

PROTECT THE DUB

(DIJON)

160 L'ensemble de ces visuels ont été choisis par simple goût personnel pour donner une image de ce que les organisateurs ou collectifs organisent en relation avec la culture sound system.

104

Annexe 10 - Extrait du Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés

JORF n°0185 du 9 août 2017
Texte n°22

Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux
bruits et aux sons amplifiés

Public : exploitants, producteurs, diffuseurs et responsables légaux de lieux accueillant des activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés.

Objet : règles visant à protéger l'audition du public exposé à des sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public, clos ou ouverts, ainsi que la santé des riverains de ces lieux.

Entrée en vigueur : les dispositions du décret s'appliquent aux lieux nouveaux mentionnés au I de l'article R. 1336-1 dès la parution de l'arrêté prévu aux articles R. 1336-1 du code de la santé publique et R. 571-26 du code de l'environnement et, pour ceux existants, un an à compter de la publication du même arrêté et au plus tard le 1er octobre 2018 .

Notice : le décret détermine les règles visant à protéger l'audition du public exposé à des sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public, clos ou ouverts, ainsi que la santé des riverains de ces lieux. Les dispositions s'appliquent aux lieux diffusant des sons amplifiés à l'intérieur d'un local mais également en plein air, tels que les festivals.

Le texte définit notamment les niveaux sonores à respecter au sein de ces lieux, ainsi que leurs modalités d'enregistrement et d'affichage. Il détermine les mesures de prévention des risques auditifs tels que l'information du public, la mise à disposition de protections auditives individuelles et la mise en place de dispositions permettant le repos auditif. Enfin, ce texte regroupe les dispositions relatives à la prévention des risques liés au bruit au sein d'un seul et même chapitre du code de la santé publique.

Références : le décret est pris pour l'application de l'article 56 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Les dispositions du code de la santé publique modifiées par le présent décret peuvent être consultées, dans leur rédaction résultant de cette modification, sur le site Légifrance ( http://www.legifrance.gouv.fr).

105

Annexe 11 - Les sound systems sont utilisés dans de nombreux événements : Plusieurs chars de la Biennale de la Danse, Lyon - 16 septembre 2018

106

Bibliographie

ARTICLES EN LIGNE

CASES-REBELLES « Cycle Histoire des musiques caribéennes : le Mento » Cases-Rebelles, mars 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://www.cases-rebelles.org/cycle-de-musiques-caribeennes-le-mento/

MULLER Philippe, « L'évolution de la musique jamaïcaine et des sound systems, partie 1 », Dub Camp Festival, 23 juin 2017 [en ligne]. Disponible sur : https://www.dubcampfestival.com/levolution-de-la-musique-jamaicaine-et-des-sounds-systems-part-1/# edn1

CARAYOL Sébastien, « Hedley Jones, père des Premiers sound systems » Philharmonie de Paris, 17 mai 2017 [en ligne]. Disponible sur :

https://philharmoniedeparis.fr/fr/magazine/hedley-jones-pere-des-premiers-sound systems

GUEUGNEAU Christophe, Jamaïque, 1950-1968. « Naissance d'une nation... du sound system » Mediapart, 2 août 2011[en ligne]. Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/020811/jamaique-1950-1968-naissance-d-une-nation-du-sound system

ONE SIX SIX « Ce que la techno et la house doivent au Dub » One-one-six [en ligne]. Disponible sur : https://one-one-six.fr/ce-que-la-techno-et-la-house-doivent-au-dub/

BINET Stéphanie, « Les sound systems, plus qu'un son, une religion », Le Monde, 21 juin 2013 [en ligne].Disponible sur : https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/06/20/les-sound systems-plus-qu-un-son-une-religion 3433082 3246.html

SAMARRA BLOG « Sound-system: miroir du petit peuple jamaïcain », Samarra Blog, mai 2016 [en ligne]. Disponible sur : http://samarrablog.blogspot.com/2015/05/sound-system-miroir-du-petit-peuple.html

107

GUEUGNEAU Christophe, « Comment la Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Mediapart, 9 août 2011[en ligne]. Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/210711/comment-la-jamaique-colonise-la-musique-britannique

RYCKWAERT Maxime, « Immersion dans l'univers sound system anglais avec Aba Shanti I et Channel One », Pinata Mag, 27 novembre 2016 [en ligne]. Disponible sur : https://pinatamag.com/abashantichannelone/

HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les racines de Notting Hill », Redbull, 21 août 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://www.redbull.com/fr-fr/notting-hill-carnival-history-lloyd-bradley-1974

BEN Rubens, « Les plus beaux sound systems du carnaval de Notting Hill 2016 », Traxmag, 5 septembre 2016 [en ligne]. Disponible sur : http://fr.traxmag.com/article/36223-les-plus-beaux-sound systems-du-carnaval-de-notting-hill-2016

DEMOULIN Anne, « Comment Margaret Thatcher est à l'origine des raves et des free parties ? » 20minutes, 8 juillet 2018 [en ligne]. Disponible sur : https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2304067-20180708-video-rave-fait-toujours-rever-comment-margaret-thatcher-origine-raves-free-parties

RHODES Duncan, « The Love is back... », Local Life, 12 janvier 2007 [en ligne]. Disponible

sur : https://www.local-life.com/berlin/articles/berlin-love-parade

BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le grand-père de la musique électronique », La Nuit Magazine, 7 juin 2018 [en ligne]. Disponible sur : https://www.lanuitmagazine.com/high-tone-dub-grand-pere-de-musique-electronique/

MUSICAL ECHOES, « Emmanuel « Aku-Fen (Dub Invaders) : « Le sound system est lié à l'histoire de la culture underground !» », Musical Echoes, 22 septembre 2016 [en ligne]. Disponible sur : https://musicalechoes.fr/2016/09/aku-fen-dub-invaders-le-sound-system-est-lie-a-lhistoire-de-la-culture-underground/

108

Ju-Lion, « OBF : trois lettres majeures », Reggae, 7 novembre 2016, [en ligne]. Disponible sur : http://www.reggae.fr/lire-article/3698 OBF---Trois-lettres-majeures.html

BARBIER Sarah, « Interview : Stand High Patrol revient sur A Matter Of Scale », 11 juillet 2016 [en ligne]. Disponible sur : https://www.lanuitmagazine.com/interview-stand-high-patrol-revient-sur-a-matter-of-scale/

Onglet «Association» du site de l'association Get Up ! « Présentation de l'association », AssoGetUp, [en ligne]. Disponible sur : https://www.assogetup.com/association/

THOUAULT Bertrand, « Le Dub camp abrite la galaxie sound system », Jactiv Ouest France, 20 juillet 2018, [en ligne]. Disponible sur : http://jactiv.ouest-france.fr/sortir/musique/dub-camp-abrite-galaxie-sound-system-87206

WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en concert : «Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus jouer» », FranceInfo, 18 août 2017 [en ligne]. Disponible sur : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/restauration-hotellerie-sports-loisirs/baisse-du-niveau-sonore-en-concert-il-y-a-des-salles-ou-on-ne-pourra-techniquement-plus-jouer 2325883.html

DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition 2018 du Dub Camp Festival », Nova, 6 août 2018 [en ligne]. Disponible sur : http://www.nova.fr/retour-sur-ledition-2018-du-dub-camp-festival

NICOLAS André, « « Les marchés de la musique enregistrée » Cité-musique, 2011, p. 13, [en ligne]. Disponible sur : http://rmd.cite-musique.fr/observatoire/document/MME_S12011.pdf

PÉGUILLAN Frédéric, « Le dub en cinq mots-clés », Télérama, 31 octobre 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://www.telerama.fr/musique/le-dub-en-cinq-mots-cles,104460.php

220 Sound System, « Lexique Sound System », Dancehall Attitude, 2010 [en ligne]. Disponible sur : http://dancehallattitude.free.fr/Artistes/artistessoundsystem220.html

109

HISTOPHILO, Mouvement Rastafari » Histophilo, 9 mars 2010 [en ligne]. Disponible sur :

http://www.histophilo.com/mouvement rastafari.php

Dico du rasta, « Riddim », [en ligne]. Disponible sur : http://gismo6080.over-

blog.com/article-1414610.html

KROUBO Jérémie, « Retour aux sources : les origines du ska », Reggae, 2 février 2007 [en ligne]. Disponible sur : http://www.reggae.fr/lire-article/889_Retour-aux-sources---les-origines-du-ska.html

PODCASTS

MAILLOT Élodie, « Les liens du son (3/5) - Sound systems et free parties » France culture, 23 août 2017 [en ligne]. Disponible sur : https://www.franceculture.fr/emissions/les-series-musicales-dete/les-liens-du-son-35-sound systems-et-free-parties

MAILLOT Élodie, « Jamaïque, au coeur des Sound Systems» France culture, 8 août 2011 [en ligne]. Disponible sur : https://www.franceculture.fr/emissions/les-series-musicales-dete/les-liens-du-son-35-sound systems-et-free-parties

SITES INSTITUTIONNELS

Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles en Pays de la Loire « Association Get Up ! « Adhérents - Get Up ! », Le Pôle 2013 [en ligne]. Disponible sur : https://lepole.asso.fr/adherents/2165/

Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles en Pays de la Loire « Le Dub Camp est primé ! », Le Pôle, 24 janvier 2018 [en ligne]. Disponible sur : https://lepole.asso.fr/article/1711/le-dub-camp-festival-est-prime

Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles en Pays de la Loire « Dub Camp Festival, Nature et Sound System », Le pôle, 16 août 2015 [en ligne]. Disponible sur : https://lepole.asso.fr/article/1200/dub-camp-festival

OUVRAGES

BRADLEY Lloyd (2000), Bass Culture, quand le reggae était roi, Paris, Allia, 2017, p.21

CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du peuple jamaïcain, Catalogue de l'exposition Jamaïca Jamaïca, 6 avril 2017, p.34

AUGRAND Alexandre, Le DJ, médiateur de transferts culturels dans la Dance Culture : Comment des cultures globales sont devenue globale. Thèse de doctorat de sciences de l'Homme et de la Société, Université de Paris-Saclay, sous la direction de Damien Ehrhardt, 24 novembre 2015, p. 50

VENDRYES Thomas, « Wi likkle but wi tallawah ! » L'écho musical d'une petite île des Caraïbes, Volume, vol. 13:2, no. 1, 2017, pp. 7-23.

VIDÉOS

GONACH Alexandre, United We Stand, part. 1, 2016, documentaire.

110

HENZELL Perry, The Harder They Come, 1972, film






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus