Problématique du leadership responsable de la classe politique congolaise. Regard sur l'administration publique de la troisième république.par CARLYTHO NZAZI LENGI Université Pédagogique Nationale (UPN) - Licence en sciences politiques et administratives 2012 |
II.3.3. LA PERSISTANCE DE L'INSECURITE A L'EST DU PAYSLe troisième constat qui prouve la faiblesse et l'absence de l'Etat RDC, c'est aussi la persistance de l'insécurité à l'Est du pays. Alors que l'on sait que la guerre à l'Est de la RDC a pour objectif l'exploitation illégale et le trafic illicite des ressources du pays par les pays voisins le Rwanda et l'Uganda, avec la complicité des multinationales ayant pignon sur rue dans des pays occidentaux et asiatiques bien identifiables. Plusieurs groupes armés continuent à entretenir un « climat de ni guerre ni paix » à l'Est du pays, comme des Ougandais de la LRA, de l'ADF Nalu, les Rwandais de FDLR, le Mai-Mai, et le M23. Ces rebelles d'adonnent aux vols, aux viols, et aux exactions de tous genres contre les populations civiles congolaise sans défense ainsi qu'à l'exploitation illégale et au trafic des ressources naturelles et minières de la RDC via et avec leurs pays d'origine149(*). Il suffit de se poser la question de savoir à qui profite le crime pour deviner qui entretient le climat d'insécurité à l'Est de la RDC. La réponse à cette question permet surtout de prendre la mesure de la défaillance et de l'impuissance du pouvoir de Kinshasa et de incapacité à restaurer l'autorité de l'Etat et à mettre hors de nuire ces milices étrangers. L'on sait que ces pays limitrophes dont les rebelles occupent une partie du territoire congolais n'ont jamais caché leurs visées expansionnistes et leurs exigences du partage des richesses et de la balkanisation de la RDC. Incapable de défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale, le pouvoir de Kinshasa a adopté le profil bas, en s'évertuant à cacher sa défaite militaire et sa capitulation, voire sa trahison, derrière des négociations opaques d'une fausse paix, en dehors du peuple et des représentations légitimes. Les opérations militaires conjointes Rwando-congolaise « Umoja Wetu » et Ougando-congolaise déclenchées en 2009 pour pourchasser respectivement les FDLR et les LRA. Opérations décrétées en dehors et sans l'aval du peuple et des représentants de ces derniers, se sont soldés par un échec. Il s'en est suivi d'autres opération politico-militaires congolaises de pacifications dénommées Kimia I et Kimia II, Amani Léo, Starec150(*). Nous signalons que le pouvoir de Kinshasa a adopté un profil bas en négociant avec les rebelles du M23 après la prise de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-kivu, par ce groupe rebelle. Au moment où nous rédigeons ce travail, le pouvoir de Kinshasa et le M23 ont déjà passé plus de 9 mois sur le territoire Ougandais pour une négociation sans lendemain. Dénommée : « négociation de kampala ». L'efficacité de toutes ces négocitions est démentie par la persistance de l'insécurité et l'occupation de certains territoires de la RDC tels que Rutshuru et autres, malgré les négociations. Cette insécurité est due, non seulement aux exactions et crimes à charge de mêmes rebelles, mais aussi à l'indiscipline des éléments incontrôlés des FARD. Celles-ci ont intégré, parfois dans la précipitation, des soldats en provenance des diverses milices connues pour leur propension aux viols, pillages, et aux violences sexuelles, fait des FARDC un conglomérat de bandes armées hétéroclites difficilement contrôlables. Les frontières de la RDC sont devenues une passoire, faute d'une armée républicaine, performante et dissuasive, et livrée de toutes parts à une invasion rampante. En 2006, l'Angola s'est emparé de Kahemba, une localité de la RDC, sans coup férir. Depuis lors, il traverse la frontière quand et comme il veut, feignant par la faiblesse et par incapacité, de ne rien vouloir savoir ou voir. L'exploitation par l'Angola du période du plateau continental appartenant à la RDC se poursuit sous le regard impuissant et le profil bas du gouvernement du pouvoir de Kinshasa. Le Haut Uelé et le Bas Uelé sont devenus des sanctuaires des Mbororo, dont plus personne ne parle. Le Nord et Sud Kivu subissent l'immigration non contrôlée et non maitrisée de soi-disant déplacés congolais venant du Rwanda, mais qui ne peuvent dire à partir de quel village congolais ils seraient partis en exil. Face à l'insécurité criante que traversent certains coins du pays en particulier l'Est, le pouvoir de Kinshasa, par incapacité et impuissance, autant que par complicité, ferme les yeux alors que les populations congolaises de l'Est ne cessent de clamer l'insécurité qu'elles subissent depuis la guerre dite de libération de l'AFDL. Aucune politique cohérente de défense ne semble prendre en compte la nécessité pour la RDC d'assumer sa souveraineté et de sauvegarder l'intégrité du territoire, en veillant à assurer ses populations en générale et celles de l'Est en particulier. Malheureusement, les dirigeants congolais, accusent une telle inconscience et un tel déficit de capacité de négociation sur l'échiquier international, qu'ils négocient toujours mal et en position de faiblesse les droits du pays aux richesses de son sol et de son sous-sol, de sa faune et de sa flore. Or, négocier en position de faiblesse, c'est s'exposer à la capitulation, si non à la trahison. Les dirigeants de la RDC en sont devenus les adeptes et c'est à peine qu'ils en rougissant151(*). La persistance d'un climat de « ni guerre ni paix » à l'Est de la RDC s'explique par les intérêts vitaux des pays voisins et de grandes puissances qui les instrumentalisent. D'un côté, l'accès aux ressources naturelles de la RDC a toujours suscité la convoitise de ses voisins confrontés aux défis de l'exigüité de leur espace vital et à la pauvreté due à leur surpopulation. De l'autre, les grandes puissances ont, quant à elles, besoin de matières premières stratégiques qui contribuent au maintien de leur hégémonie géostratégique et géopolitique152(*). Pendant plus de quinze ans de tragédies humaines, de souffrances indicibles et de l'insécurité criante qui ont plus de 7 millions de morts. Comment se fait-il que la RDC n'a pas encore une armée digne de ce nom et qu'il est toujours à la merci de ces voisins à la moindre escarmouche militaire ? Pourquoi la condition de nos militaires au front, depuis Mobutu, jusqu'à ce jour, est-elle toujours misérable et démobilisation pour des hommes appelés à donner leur vie afin de sauver leur patrie ? La réponse à ces questions est que la sécurité des populations n'est pas la priorité des dirigeants congolais. Aucun pays étranger n'est vraiment responsable de notre situation de faiblesse et de détresse militaires. Si nous sommes chaque fois, vaincus dans la bataille où nous soupçonnons le Rwanda d'être l'instigateur, nous devrions nous en prendre à nous-mêmes et n'avoir que nos yeux pour pleurer. Crier à la balkanisation ne sert à rien quand on ne se dote pas d'une armée capable de défendre efficacement le territoire et de se faire respecter dans le monde actuel153(*). L'Etat congolais a l'impérieux devoir de s'en donner les moyens politiques, diplomatiques et surtout militaires. Car le peuple ne devrait confier ses destinées qu'à des leaders politiques aptes de déterminer et d'assurer sa souveraineté ainsi que la défense de l'intégrité de son territoire. Si toutes les tendances observées se manifestent, les risques de la balkanisation et de la disparition du pays ne sont pas à écarter. Si par malheur cela arrive, ce sera par la faute de la classe politique congolaise. « Un homme averti en vaut deux » et « gouverner c'est prévoir »154(*). Pour tout dire, la priorité pour la RDC passe à la restauration ou la refondation de l'Etat et l'instauration d'un Etat de droit, il s'agit concrètement de restaurer les quatre piliers qui servent d'éléments fondamentaux et indispensables à l'existence et au fonctionnement normal d'un Etat que nous allons approfondir au quatrième et dernier chapitre de notre travail, à savoir : Une classe dirigeante caractérisée par un leadership responsable, compétente et honnête, la bonne gouvernance et le souci primordial de l'intérêt général ; une justice indépendante et efficace capable de lutter contre la corruption, l'impunité et la violence ; une armée républicaine performante et dissuasive, apte à sécuriser les populations et leurs biens et à défendre l'intégrité du territoire et la souveraineté nationale ; une administration impartiale, stable et apolitique pour assurer l'efficacité et la continuité de l'action et la promotion d'une économie de production. Sous ces fondamentaux il n'y aura aucune paix ni stabilité sociopolitique ni tout développement économique et ni progrès. * 149 Selon le Rapport du Sénat Belge sur : « l'exploitation et le trafic des richesses naturelles de l'Est du Congo », rapport datant du 5 mai 2010. * 150 Lire dans le quotidien le Potentiel n° 23 du mercredi 25 mai 2011 à la page 2 « au vu des recommandations formulées par la réunion du 24 mai 2011 au GHK * 151 Professeur Abbé Richard MUGARUKA, intervenant dans une conférence-débat à notre d'âme de fatima sur « la guerre de l'Est et ses enjeux cachés » Juin 2011 * 152 Idm * 153 Ka Mana, Op cit, p. 140. * 154 MUGARUKA Richard., Op cit, p. 564 |
|