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Analyse des crises sociopolitiques dans l'espace CEDEAO de 1990 à  2020: cas du Togo et de la Côte d'Ivoire


par Gnimpale BARTCHE
Université de Kara - Master 2022
  

Disponible en mode multipage

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Numéro:

UNIVERSITE DE KARA

------

FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES

--------

MEMOIRE

En vue de l'obtention MASTER DE RECHERCHE

Domaine : Sciences Juridiques, Politiques et d'Administration

Mention : Sciences Politiques Spécialité : Gouvernance internationale

ANALYSE DES CRISES SOCIOPOLITIQUES DANS L'ESPACE CEDEAO DE 1990 à 2020 : CAS DU TOGO ET DE LA CÔTE D'IVOIRE

Présenté et soutenu par:

BARTCHE Gnimpale

Le 31 Mai 2022

Structure de recherche:::

Laboratoire de Droit et des Sciences Politiques ( LaDROSPO ) Directeur de Mémoire:

Monsieur Adama KPODAR, Professeur Titulaire de droit public et sciences politiques.

Co-directeur de Mémoire:

Monsieur MAWUNOU Zinsê, Maitre-Assistant en Sciences politiques

Jury

Président: M. AHLINVI Messanh Emmanuel, Maître de Conférences Agrégées de

sociologie politique à l'Université de Parakou

Examinateur: M. AGBENOKO Koffi Donyo, Maître-assistant de philosophie politique et

éthique à l'Université de Kara

Membre: M. BAFEI Abaï, Maître-assistant en histoire contemporaine à l'Université de

Kara

Année académique:

2021- 2022

AVERTISSEMENT

1

L'université de Kara n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire; elles doivent être considérées comme propres à l'auteur.

2

DEDICACE

Je dédie ce travail à :

o Mon cher père BARTCHE Foaguinin Didjientin ;

o A ma chère mère DJIKONI Arzouma ;

o A mon défunt oncle BARTCHE Wonepo, rappelé très tôt par le Seigneur; puisse Dieu tout puissant assurer le repos de ton âme par sa sainte miséricorde;

o A toute ma famille en témoignage de ma profonde affection.

3

REMERCIEMENTS

«Sentinelle, que dis-tu de la nuit? La nuit est longue mais le jour vient, répond la sentinelle».

Par ces mots d'introduction du père de l'indépendance togolaise, Sylvanus Olympio à 0 heure le 27 avril 1960, date de la proclamation dans l'allégresse de l'indépendance du Togo, nous tenons au terme de ce travail de recherche, à exprimer nos sincères remerciements à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de l'Université de Kara qui nous a ouvert les portes de son établissement afin d'y effectuer nos études;

Nous tenons à adresser nos plus chaleureux remerciements à notre directeur de mémoire Monsieur Adama KPODAR, Professeur Titulaire de droit public et sciences politiques. Il n'a pas simplement accepté de diriger notre mémoire ; nous avons pu apprécier non seulement sa dimension scientifique, mais aussi son importante dimension humaine. Nous en profitons pour lui exprimer ici notre plus profonde gratitude;

Nous exprimons également notre profonde gratitude à notre codirecteur, Monsieur MAWUNOU Zinsê, Maître-assistant en Sciences politiques, ainsi que tout le corps administratif et professoral, pour les conseils, les directives et les encouragements prodigués le long de notre formation;

A Monsieur KANATI Lardja et à toute sa famille, merci pour le soutien sans cesse qui nous a été accordé durant le long de notre formation;

Aux Frères des Écoles Chrétiennes, nous vous témoignons notre reconnaissance pour l'accompagnement que nous bénéficions de vous depuis notre classe de sixième;

A toute notre famille et à tous nos promotionnels qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire, nous vous souhaitons le meilleur dans vos projets. Merci pour la convivialité entretenue;

Nos remerciements vont également à ces personnes si tendres en particulier nos amis M'BITA Chantal, NADJOMBE Piou Samuel, DJANGBIOG Mindyéme, KONLANI Dambé, WARA Acklesso, KOLMOGUELONE Souglman, DAMPATY Nataneman, N'SARMA Woumpouguini et NAM-TCHOUGLI Yendouman ;

Enfin, nous remercions tous ceux qui ont contribué à mener à terme ce travail.

4

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

APG : Accord Politique Global

APO: Accord de Paix de Ouagadougou

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEI : Commission Electorale Indépendante

CNE : Commission Nationale Electorale

CNO : Centre-Nord-Ouest

CNSP : Comité National de Salut Public

CNT: Conseil National de Transition

CS: Conseil de Sécurité

CURDIPHE : Cellule Universitaire de Recherche et de Diffusion des idées et des actions

Politiques du président Henri Konan Bédié

ECOMOG: Economic Community for West African States Cease-fire Monitoring
Observer Group

FAFN : Forces Armées des Forces Nouvelles

FMI : Fonds Monétaire International

FPI: Front Populaire Ivoirien

MICECI : Mission de la Communauté Economique en Côte d'Ivoire

OMP : Opération de Maintien de la Paix

ONU: Organisation des Nations Unies

OTAN: Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

PDCI : Parti Démocratique de Côte-d'Ivoire

PIT: Parti Ivoirien des Travailleurs

RDR : Rassemblement des républicains

RHDP: Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix

RPT : Rassemblement du Peuple Togolais

SADC : Southern African Development Community (Communauté de

Développement de l'Afrique Australe)

SDN: Société Des Nations

UA : Union Africaine

UE : Union Européenne

UNIR : Union pour la République

URSS: Union des Républiques Socialistes Soviétiques

5

SOMMAIRE

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : ETUDE SOCIOLOGIQUE DES CRISES SOCIOPOLITIQUES

AU TOGO ET EN COTE-D'IVOIRE DE 1990 A 2020 17

CHAPITRE I : Les origines des crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire 20

CHAPITRE 2 : Les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire et l'implication de la

CEDEAO 34

DEUXIEME PARTIE : DES CONSEQUENCES AUX APPROCHES DE

SOLUTIONS

..52

CHAPITRE 1 : Les conséquences des crises togolaises et ivoiriennes de 1990 à 2020

55

CHAPITRE 2 : Les perspectives de solutions aux crises sociopolitiques

64

CONCLUSION

78

RESUME:

Ce mémoire intitulé « analyse des crises sociopolitiques dans l'espace CEDEAO de 1990 à 2020 : cas du Togo et de la Côte-d'Ivoire » ambitionne d'être le reflet de trente ans d'histoire politique de deux pays de l'Afrique de l'Ouest à savoir le Togo et la Côte-d'Ivoire. L'étude sociologique des crises sociopolitiques dans ces deux pays est examinée à travers les origines de ces crises et l'implication de la CEDEAO. Toutefois, les multiples conséquences entraînées par ces crises sont d'ordre interne qu'externe. Les impacts négatifs de ces crises conduit à faire une analyse sur les perspectives de leurs résolutions qui sont également de deux dimensions à savoir interne et international.

Mots-clés : Crises-sociopolitiques, CEDEAO, Togo, Côte-d'Ivoire.

ABSTRACT:

This thesis entitled « analysis of socio-political crises in the ECOWAS region from 1990 to 2020: the case of Togo and the Ivory Coast» aims to reflect thirty years of political history of two African countries in the West, namely Togo and the Ivory Coast. The sociological study of the sociopolitical crises in these two countries is examined through the origins of these crises and the involvement of ECOWAS. However, the multiple consequences of these crises are both internal and external. The negative impacts of these crises leads to an analysis of the prospects for their resolutions which are also of two dimensions, namely internal and international.

6

Keywords: Crises, socio-political, ECOWAS, Togo, Ivory Coast.

7

INTRODUCTION

8

La fin de la guerre froide, caractérisée par la chute du mur de Berlin a fait naître au niveau global, un phénomène structurant : l'universalisation de la démocratie libérale. En effet, le mouvement démocratique au début des années 1990, marqué par les conférences nationales dans les pays de l'Afrique à l'instar du Zaïre (actuelle RDC), du Congo, du Bénin, du Gabon et autres vont apporter de profondes mutations dans la vie sociopolitique africaine. La scène politique démocratique va très vite connaître de nombreuses crises dues généralement aux mécanismes d'organisation et d'exercice démocratiques du pouvoir politique1. En s'appuyant sur les propos d'André ADJO2, on peut estimer que cette période qui s'enclenche dans les années d'après-guerre froide au niveau de l'espace africain, est ce moment qui permet à la forme africaine de sortir du colonialisme.

Mais aujourd'hui il y a de cela plus de trois décennies après le déclenchement du renouveau démocratique en Afrique, on assiste à de multiple crises sociopolitiques dans cette partie du globe. Cette situation chaotique que vit le continent nous rappelle la thèse de René Dumont selon laquelle « l'Afrique noire est mal partie »3.

Dans la suite de cette recherche, nous procéderons tour à tour à la présentation du sujet, la problématique, la clarification conceptuelle, la justification du choix du sujet, la présentation du cadre théorique et méthodologique de la recherche, les difficultés méthodologiques, in fine à l'organisation du travail.

1. Présentation du sujet

Les questions de paix et de sécurité ont toujours été l'une des préoccupations des relations internationales. A cet effet, « maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin, prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix »4 constitue l'un des principes fondateurs de l'Organisation des Nations Unies. Ainsi donc, le maintien de la paix ne peut s'établir dans une logique unilatérale mais plutôt multilatérale. Ce mécanisme dénommé « sécurité collective » est une notion des relations internationales qui prône une collaboration entre les Etats en matière de sécurité. Autrement dit, c'est un système de défense mis en place par plusieurs Etats souverains et qui sont liés par

1 KOUMASSI Afandi, Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique, mémoire de Master 2 en Droit Public Fondamental, Université de Lomé, 2015

2 ADJO André, le système international africain post-décolonisation : morphogenèse des configurations nouvelles cadre d'analyse topologique, perspective scientifique, thèse de doctorat en science politique, Université Jean Moulin Lyon 3, 2008.

3 DUMONT René, L'Afrique noire est mal partie, Revue française de science politique, 1964, pp. 588-590.

4 Charte des Nations Unies, chapitre 1, article 1

9

des accords militaires ou tout autre accord leur permettant de prévenir les conflits armés entre eux, de les résoudre si ceux-ci éclatent et aussi faire face efficacement à toute agression extérieure dirigée contre leurs membres. C'est sans doute le cas de l'Organisation des Nations Unies (ONU), en remplacement de la société des Nations (SDN) qui avait vu le jour au lendemain de la première guerre mondiale (1914-1918).

Depuis sa création jusqu'à nos jours, le bilan de l'ONU révèle une multitude de crises qu'elle a géré sur le plan mondial. Sur le plan régional, des institutions telles que l'Union Européenne et l'Union Africaine se sont également données pour mission la prévention des crises et le maintien de la paix. Plus que n'importe quel autre continent, la fin de la guerre froide a créé un climat de remise en cause d'un système international et d'une évolution politique en vogue dans les pays africains. Au début des années 1990, Robert Kaplan invoquait dans une formule restée célèbre, « the coming anarchy »5. En rapprochant ce concept de l'auteur au cas africain, le continent était alors celui des haines ethniques et de la violence aveugle ; Sonia Le Gouriellec soulignait en son temps que « vingt ans plus tard, le gagnant du prix Pulitzer, Jeffrey Gettleman, peignait le tableau, se désespérant que les guerres ne terminent jamais et s'étendent, comme pour reprendre ses termes, une pandémie virale »6. Allant dans le même sens, Mohammed BEDJAOUI décrit la situation déplorable dans laquelle se trouve le continent africain. Pour lui, l'Afrique d'aujourd'hui est menacée par des conflits meurtriers qui se caractérisent par une implosion interne des Etats et des nations; des guerres internes ont permis de découvrir avec horreur et stupéfaction, les moyens barbares d'extermination massive des populations.

Le renouveau démocratique dans les années 1990 a provoqué des crises sociopolitiques au plan interne dans de nombreux Etats. Le nombre croissant et la complexité grandissante de ces situations de crise ainsi qu'un intérêt moins marqué de la communauté internationale pour la région au lendemain de la guerre froide, ont conduit de nombreux Etats et organisations africains à prendre les initiatives pour trouver les solutions à leurs propres problèmes7. C'est à cet effet qu'avec l'expérience des regroupements de coopération régionale, les Etats de l'Afrique de l'Ouest ont témoigné de beaucoup de solidarité et d'esprit communautaire à travers la création de la CEDEAO et sa vocation à élargir ses objectifs au maintien de la paix dans les années 1990. En effet, la création de la CEDEAO, marquée par les querelles de

5 KAPLAN Robert., (1994), « The Coming Anarchy », Atlantic Monthly, vol. 273, n° 2, pp. 44-76.

6 LE GOURIELLEC Sonia., Gestion de crises et résolution des conflits en Afrique subsaharienne, revue défense nationale, 2016, pg. 15-1

7 FARIA Fernanda., « La gestion des crises en Afrique subsaharienne : le rôle de l'Union Européenne », 2004.

10

leadership sous régional va se concrétiser avec le Traité de Lagos le 28 Mai 1975 regroupant à l'origine seize Etats à savoir: Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sierra Leone, Sénégal, Togo. Aujourd'hui, « le nombre est ramené à quinze suite au retrait de la Mauritanie en 2011 »8.

L'idée de création de la CEDEAO est née d'une initiative des Présidents nigérian Yakubu Gowon et togolais Gnassingbé Eyadema, qui proposent dès 1972 la création d'une zone d'intégration économique régionale. L'objectif était donc à l'époque, de créer un véritable bloc économique régional, bien plus large que l'union douanière de l'ouest africain formé en 1959 par les pays du Conseil de l'Entente et du Mali. Par ailleurs, la conflictualité dans cette partie du continent va emmener l'organisation à repenser ses missions notamment en se penchant sur les questions de paix, de sécurité et de stabilité. C'est ainsi que, avec la prise de conscience de la dangerosité des crises qui sévissent dans cette partie du continent, la CEDEAO va mettre au centre de ses intérêts, la promotion de la paix et de stabilité, condition sine qua non du développement régional qui va se concrétiser par la mise en place d'une sécurité collective.

2. Problématique

Malgré les initiatives en matière de sécurité collective, les conflits sociopolitiques ne cessent de se répéter dans la plupart des pays membres de ces organisations sous régionales africaines telles que la CEMAC, la CEDEAO et autres. Cela témoigne sans doute que l'Afrique est la victime de ses propres impuissances. Durant la période 1990-2020, le Togo et la Côte d'Ivoire ont connu de multiples crises sociopolitique qui ont eu de nombreuses conséquences tant sur le plan interne que sur le plan international. La perpétuation de ces crises sociopolitiques et l'impact qu'elles ont eu durant cette période et même aujourd'hui suscitent des interrogations qui font objet de notre recherche.

Dans le cadre de cette recherche la question principale est de savoir : comment appréhender les crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire entre 1990 et 2020 ? Pour mieux répondre notre question principale, nous nous sommes posé deux questions spécifiques. La première est de savoir quelle étude sociologique peut-on faire des crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire entre 1990 et 2020 ? La deuxième question est de savoir quelles sont

8 SALL Alioune., Les mutations de l'intégration régionale des Etats de l'Afrique de l'Afrique de l'Ouest, Paris, l'Harmattan, 2007, p.45-46

11

les conséquences et les approches de solutions aux crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne?

3. Hypothèses

Les interrogations que nous nous sommes posées précédemment suscitent des hypothèses. Dans son cours de méthodes et techniques de recherche en sciences sociales, MAGNETINE Assindah soulignait que « les hypothèses sont les idées provisoires ou des solutions provisoires qu'il faut éprouver »9. En guise d'hypothèse principale, notre recherche postule que les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire entre 1990 et 2020 s'appréhendent à plusieurs niveaux à savoir leur sociologie, leurs conséquences et les approches de solutions. De façon spécifique, d'une part, l'étude sociologique de ces crises renferme les causes et l'implication de la CEDEAO et d'autre part, les conséquences ainsi que les approches de solution.

4. Objectifs

Cette recherche vise un objectif général et deux objectifs spécifiques. L'objectif général consiste à analyser les crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de 1990 à 2020. De cet objectif général, se dégagent deux objectifs spécifiques. Le premier est de faire l'étude sociologique des crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de 1990 à 2020 et le second à pour ambition d'analyser à partir des conséquences de ces crises, pour proposer des solutions.

5. Clarification conceptuelle

Un chercheur conscient de ses besoins ne peut s'en passer de clarifier les concepts ; car une exigence essentielle de la recherche est que le concept soit défini avec une clarté suffisante pour lui permettre de progresser. Selon Madeleine GRAWITZ, « le concept n'est pas seulement une aide pour percevoir, mais une façon de concevoir. Il organise la réalité en retenant les caractères distinctifs, significatifs des phénomènes. Il exerce un premier tri au milieu du flot d'impressions qui assaillent le chercheur »10.

Dans le but de rendre une lecture aisée de ce travail et éviter des interprétations contradictoires, la définition de certains concepts fondamentaux s'avère nécessaire pour mener à bien notre étude. Il convient donc de définir les concepts de « crise » et «

9 MAGNETINE Assindah, Cours inédit de méthodes et techniques de recherche en sciences sociales, Master Sciences politiques, Université de Kara, 2019-2020

10Méthodes des sciences sociales, éditions Dalloz, 1984, p.307

12

sociopolitique ». On ne peut définir la notion de «crises sociopolitiques»sans passer en revue ce qu'est une crise parce que ce concept porte souvent à confusion avec celle de conflit. Selon William Zartman, la différence s'opère par rapport au conflit qui peut être armé ou non.

5.1. Crise

Le mot "crise" est issu du vocabulaire médical où il représente l'étape charnière, le moment paroxystique d'une maladie, qui peut en ce point "critique" évoluer vers la guérison comme vers la mort. Selon Natacha Ordioni,

« cette connotation déborde le champ médical. Dans la Guerre du Péloponnèse, l'historien Thucydide d'Athènes affirme que les combats auraient permis de "rendre la crise", c'est-à-

dire de prendre une décision, de trancher, au sein d'un conflit entre Perses et Grecs (Starn, 1971). Il reste que le terme demeure longtemps utilisé principalement dans le domaine médical, son extension métaphorique à d'autres sphères se déroulant en plusieurs étapes (Grand Robert), entre le XVIIe (période de crise) et le XIXe siècles »11.

La crise par définition, déborde les capacités de compréhension et d'action ; en termes généraux, la crise est une situation d'anomie provoquée par le changement. On distingue plusieurs type parmi lesquelles on peut citer la crise alimentaire, la crise sécuritaire, la crise sanitaire, crise sociopolitique, la crise économique et autres. La notion de « crise » s'oppose en principe à celle de « normalité ». Pour certains auteurs telle que Madeleine GRAWITZ, la crise est une modification brutale d'un équilibre. Une situation est qualifiée de crise si elle présente des caractéristiques considérées comme anormales sur une période donnée et si, sur cette période, les outils de régulation existants s'avèrent inadéquats. Ainsi une situation présentant des signes d'anomalie ne devient crise que si les organisations compétentes faillissent à restaurer la normalité. La crise connaît donc une dynamique qui est en partie fonction de sa gestion et des processus de décision qui se mettent en place pour y faire face. Selon Marcel MAUSS, « la crise est un état dans lequel les choses irrégulières sont la règle et les choses régulières impossibles »12.

La notion de crise connote l'idée de perturbation ou de dysfonctionnement dans le fonctionnement routinier d'un système ou le déroulement d'un processus. Dans le cadre de notre recherche, la crise est un état d'instabilité brusque qui peut durer sur une période donné et avoir des répercussions.

11 ORDIONI Natacha, « Le concept de crise : un paradigme explicatif obsolète ? Une approche sexospécifique », Mondes en développement, 2011/2 (n°154), p. 137-150.

12 Cité par BARRY S., Analyse sociopolitique de la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso: Cas de l'université de Ouagadougou, Mémoire de DEA Droit Public: Option: Science Politique, Université de Ouagadougou, 2011

13

5.2. Sociopolitique

La « sociopolitique » renvoie à la fois au politique et au social. Il s'agit de deux concepts intimement liés. Le social embrasse tous les aspects de la vie humaine. Madeleine GRAWITZ le définit comme étant tout ce qui concerne les hommes en société. Quant à Max WEBER, la politique est la direction du groupement politique que nous appelons aujourd'hui Etat, ou l'influence que l'on exerce sur cette direction.

Par ailleurs, selon David EASTON, le système politique se présente comme un ensemble de relations politiques. Pour lui, le système politique n'est pas isolé des autres systèmes sociaux car il entretient des échanges avec son environnement économique, culturel et religieux. Il conçoit le système politique en termes de « réponse » dynamique à son environnement social.

Dans le cadre de notre étude, on entend par « crises sociopolitiques », les crises s'inscrivant dans le monde politique et dont les répercussions englobent toute la société. D'ailleurs la politique concerne directement la société.

6. Justification du choix du sujet

Les années 1990 ont été des moments de libéralisation de l'espace politique dans les Etats africain et particulièrement au Togo et en Côte d'Ivoire. Très tôt, l'objectif de consolidation de la démocratie se heurte aux crises sociopolitiques dans ces pays. Au Togo, tout a commencé avec la conférence nationale en 1991 tandis qu'en Côte d'Ivoire, c'est la mort du Président Houphouët Boigny qui a enclenché l'instabilité politique due à la succession. Derrière toute cette panoplie de crises que ces pays ont connues jusqu'en 2020, l'analyse de leur origine s'avère donc important. Il convient également d'analyser l'implication de la CEDEAO dans ces crises, les conséquences de ces crises ainsi que les approches de solutions. Nous avons choisi de limiter notre étude de 1990 à 2020 pour le fait que c'est à partir de 1990 que le continent africain et précisément le Togo et la Côte-d'Ivoire ont connu un tournant décisif dans leur vie politique avec l'avènement des crises sociopolitiques. Notre étude s'arrête à 2020 parce-que nous n'avons pas voulu embrasser une période trop vaste.

7. Cadre théorique et méthodologique

Toute recherche scientifique doit se baser sur une théorie. Selon Mucchielli,

14

« la recherche constructiviste doit faire appel à un cadre de référence théorique plus large et souple qui est vu comme une carte provisoire du territoire, composée de connaissances générales à propos du phénomène qu'il s'apprête à étudier, ainsi que les repères interprétatifs »13.

Dans le cadre de notre analyse, nous avons choisi la théorie de la sociohistoire et celle du libéralisme institutionnel. La première est une approche historique apparue dans les années 1990 avec une méthodologie propre empruntant des éléments à la sociologie et aux autres disciplines des sciences sociales. N'ayant pas d'aspiration théorique, elle se présente comme une « boite à outils ». Son objectif est de comprendre relativement au passé historique, comment les choses du présent fonctionnent. Depuis les années 1990, la définition de la sociohistoire n'est pas entièrement établie. D'après Gérad Noiriel, la sociohistoire combine les « principes fondateurs »14 des deux disciplines. Parmi les précurseurs de cette théorie, on compte le sociologue Durkheimien Maurice Halbwachs, le sociologue historique Norbert Elias et autres. Selon Norbert Elias, « la sociohistoire veut mettre en lumière l'historicité du monde dans lequel nous vivons, pour mieux comprendre comment le passé pèse sur le présent »15. Quant à François Buton et Nicolas Mariot, ils résument l'approche sociohistorique appliquée à la science politique de la façon suivante:

« on dirait volontiers que son penchant la porte à la fois vers la restitution la plus fine possible des logiques de construction des institutions, au sens anthropologique du terme et vers l'investigation la plus approfondie possible du rapport des individus à ces mêmes institutions »16.

Nous avons choisi la théorie de la sociohistoire d'une part parce-que les bornes d'étude de cette recherche font partie intégrante de l'histoire et d'autre part parce-qu' il faut s'appuyer beaucoup plus sur des données du passé pour expliquer la recrudescence des crises sociopolitiques.

Ensuite, selon le libéralisme institutionnel, « ce sont les institutions internationales qui sont dotées d'un pouvoir stabilisateur. Elles consolident, en l'institutionnalisant, la coopération entre les Etats jusqu'à la rendre, dans les cas les plus avancées comme l'Union

13 Cité par MAGNETINE Assindah., « Analyse des relations civilo-militaires dans une démocratie en construction: cas du Togo », Thèse de doctorat, Université de Lomé, 2015

14 NOIRIEL Gérard., Introduction à la sociohistoire, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2006, p.3

15 Idem

16 BUTON François et MARIOT Nicolas., Pratiques et méthodes de la sociohistoire, Paris, Presses universitaire de France, 2009, p. 11

15

Européenne, irréversible »17. Cette théorie postule que la communication et la coopération entre les Etats dans divers domaines est un gage de limitation des mésententes et de conflits, et donc de sécurité. Les Etats devraient en ce sens dépasser leurs intérêts unilatéraux et chercher à régler leurs conflits, soit par des procédures juridiques mises en place par les organisations internationales, soit par le processus de sécurité collective. Telle est la démarche suivie par la CEDEAO à travers les dispositions prises pour dissuader les Etats cherchant leurs intérêts unilatéraux et pour encourager la coopération dans la gestion et le règlement des crises. Le choix de cette seconde théorie s'inscrit dans la logique d'analyser la CEDEAO en tant qu'organisme de sécurité collective et son rôle dans la gestion des crises sociopolitiques.

La méthodologie se définit comme l'ensemble des procédés et des techniques propres à un domaine spécifique et des techniques pouvant conduire à atteindre un objectif. Ici nous devons cerner d'abord le sens de la recherche dite scientifique18.

En effet, selon Paul N'DA :

« La recherche scientifique, c'est avant tout un processus, une démarche rationnelle d'examiner des phénomènes, des problèmes à résoudre, et d'obtenir des réponses précises à partir d'investigations. Ce processus se caractérise par le fait qu'il est systématique et rigoureux et conduit à l'acquisition de nouvelles connaissances »19.

La méthode est définie comme une démarche intellectuelle qui vise d'un côté à établir rigoureusement un objet de science et de l'autre côté, à mener le raisonnement portant sur cet objet de la manière la plus rigoureuse que possible20. Pour traiter l'application concrète, elle doit s'appuyer sur un certain nombre des procédés qui ne sont autres que les techniques de recherche ; définit d'ailleurs comme étant : « un outil, un instrument ou moyen concret utilisé par le chercheur pour récolter ou traiter les informations »21. Quelques techniques nous ont permis de récolter et d'analyser les données de cette étude. D'abord, la technique documentaire nous a aidé à exploiter les documents issus de diverses sources. Il y'a notamment les documents issus des bibliothèques mais aussi des documents de l'internet (rapports, articles, mémoires, et autres) afin de bien dresser notre état de la question et de donner un appui théorique aux données recueillies. Ensuite, l'analyse de contenu nous a

17 TSHILOBO MATANDA Winnie., Op.cit.

18 DEGBE Kossi., « la CEDEAO et la crise sociopolitique togolaise », Mémoire, Université de Lomé, 2012

19 DEGBE Kossi., Op.cit.

20 JAVEAU Comi. ; Comprendre la sociologie, Paris, Marabout, 1976, P 68

21 DEGBE Kossi., Op.cit.

16

permis d'exploiter le fond des données récoltées tout au long de nos recherches et investigations. Nous les avons analysées en y appliquant une critique raisonnable pour donner un sens scientifiquement acceptable à notre réflexion.

8. Difficultés méthodologiques

L'élaboration de ce document a rencontré de multiples difficultés. Sur le plan théorique, les difficultés sont liées à la définition du concept de crise qui se distingue de celui de conflit dont les interprétations diffèrent d'un auteur à l'autre. Sur le plan pratique, les difficultés rencontrées sont liées au difficile accès à la documentation dans les différentes administrations traitant des crises au Togo en particulier et également à l'insuffisance des sources documentaires due à la carence des bibliothèques publiques.

Cependant ces difficultés ne sauraient être une excuse quant à l'évaluation de la qualité de cette recherche. Face à ces difficultés, nous avons eu recours à l'achat des ouvrages en ligne, à la consultation des documents en ligne grâce aux bibliothèques en ligne telle que Cairn info, dont notre université est l'un des abonnés. Nous nous sommes également appuyés sur les travaux tels que les thèses, mémoires et articles en ligne ainsi que les documents qui nous ont été fourni par nos directeurs.

9. Organisation du travail

Les résultats de la recherche sont organisés en deux parties. D'abord, l'étude des origines des crises sociopolitiques qui nous conduira à analyser les fondements endogènes et les fondements exogènes et l'analyse de l'implication de la CEDEAO. Ensuite, partant des conséquences tant sur le plan interne que sur le plan externe, nous analyserons quelques approches de solutions à ces crises. Pour ce faire, nous aborderons dans une première partie l'étude des crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire de 1990 à 2020 et dans une seconde partie nous partirons des conséquences de ces crises pour aborder les approches de solutions.

17

PREMIERE PARTIE : ETUDE SOCIOLOGIQUE DES
CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN CÔTE
D'IVOIRE DE 1990 A 2020

18

Les crises sociopolitiques ne sont pas un phénomène nouveau pour l'Afrique. Elles apparaissent lorsqu'une population perd confiance dans son régime politique ou le gouvernement, lorsqu'un régime veut s'accaparer le pouvoir de façon illégale ou encore lorsqu'il y a un coup d'état. Par ailleurs, le coup d'état peut être constitutionnel ou militaire. Dans le cadre du Togo et de la Côte d'ivoire, on a assisté à plus de coups d'états constitutionnels. La période 1990-2020, marquée par le processus de démocratisation, a connu une ascension fulgurante de crises dans toute l'Afrique. Ce désir de passage d'un régime autoritaire à un gouvernement démocratique, s'inscrit dans l'esprit du respect des libertés et droits politiques de l'Homme. A ce point, « le début des années 1990 a été une période de grandes espérances en ce qui a trait aux enjeux de stabilité dans le monde en général, et en Afrique en particulier »22. Ainsi, les années 1990 ont été marquées sur le continent africain par des mouvements de contestations animés par divers acteurs23.En effet, ces crises ont pris de l'ampleur dans les années 1990 et n'ont perdu de leur acuité ni de leur actualité jusqu'en 2020. Le Togo et la Côte d'Ivoire ont vécu des moments de troubles durant cette période. On peut noter par exemple, l'organisation de la conférence nationale au Togo, la crise de succession de Félix Houphouët Boigny en Côte d'Ivoire, les tentatives de renversement du pouvoir en place, les soulèvements populaires, les coups d'Etats constitutionnel, politique et autres. Leurs origines sont multiples et peuvent être analysées de diverses façons tant sur le plan structurel c'est-à-dire à des raisons internes, que conjoncturel c'est-à-dire lié aux jeux d'intérêt en relations internationales.

Par ailleurs, dans cet environnement conflictuel, plusieurs organisations internationales telles l'ONU et l'UA ont joué un rôle significatif. La CEDEAO, une organisation régionale d'intégration économique au départ, n'est pas restée les bras croisés ; avec sa force d'intervention ECOMOG24, elle a joué un rôle prépondérant pour le maintien de la paix et de la stabilité dans cette partie du continent ; toutefois, elle a rencontré d'énormes insuffisances.

22 COULON Jean, Le guide du maintien de la paix 2005, Montréal, Athéna Éditions, 2004, p. 99-124.

23 PRE N'Gwè, « Médias et dynamique démocratique au Togo : cas de la presse écrite privée », mémoire de Master, Université de Kara, 2020

24 ECOMOG: Economic Community for West African States Cease-fire Monitoring Observer Group. De groupe de supervision, l`ECOMOG est devenu une force d`interposition en 1999. Composé de plusieurs modules polyvalents (civils et militaires) en attente dans leurs pays d`origine et prêts à être déployés dans les meilleurs délais, l`ECOMOG est chargé entre autres : de la mission d`observation et de suivi de la paix; du maintien et rétablissement de la paix; de l`action et de l`appui aux actions humanitaires; du déploiement préventif; des opérations de consolidation de la paix, du désarmement et de la démobilisation.

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Cette gestion des crises africaines par les Africains eux-mêmes tire ses origines dans les années 1990 dans l'appel à la « coopération avec les acteurs et les organismes régionaux »25 du secrétaire Général de l'ONU, Boutros Boutros Ghali dans son agenda pour la paix publié en 1992. Pour Luk Van Langenhove, c'est ce qu'on appelle l'« ordre mondial régional »26.

A l'égard des différentes crises sociopolitiques qui se sont déroulées entre 1990 et 2020 au Togo et en Côte d'Ivoire et pour répondre aux questions que nous nous sommes posées, nous étudierons dans une première partie les origines des crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire (Chapitre 1) et dans une seconde partie, nous analyserons l'implication de la CEDEAO dans les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire (Chapitre 2).

25 Chapitre VIII. Examen des questions relevant de la responsabilité du Conseil de sécurité à l'égard du maintien de la paix et de la sécurité internationales, consulté en ligne le 12 décembre 2021 sur https://www.un.org/fr/sc/repertoire/89-92/CHAPTER%208/GENERAL%20ISSUES/item%2029_Agenda%20for%20peace_.pdf

26 VAN LANGENHOVE Luk, Vers un ordre mondial régional, Essai in Chroniques ONU, N° 3, 2004

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CHAPITRE I : LES ORIGINES DES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN COTE-D'IVOIRE

« Les démocraties jeunes ou vieilles ne sont pas à l'abri du déclenchement des haines identitaires, dès lors que l'irresponsabilité politique s'installe au pouvoir »27. Ces propos de Denis Cogneau illustrent très bien plus de quinze années après la chute du mur de Berlin, le fait que le continent africain soit le théâtre de multiples crises sociopolitiques qui rendent difficile l'objectif de démocratisation. La recrudescence de ces crises emmène le chercheur tel que Mamadou Gazibo à s'interroger sur leurs origines. Dans le cadre de cette étude, il est question d'analyser le lien entre les crises sociopolitiques en Afrique et l'histoire du contact avec l'Occident puisque les dynamiques de décolonisation et la période postcoloniale ont fourni un terreau particulièrement fertile au développement des crises sociopolitiques. L'implication des superpuissances n'a cessé malgré l'accession des Etats à la souveraineté internationale. Aujourd'hui on constate un nouvel interventionnisme des grandes puissances autour d'enjeux stratégiques ou économiques qui s'inscrivent dans une logique non pas de bloc, mais d'intérêt national. Toutefois il faut noter que pour Hans Morgenthau,

« les hommes d'Etats pensent et agissent en terme d'intérêt défini comme puissance. L'histoire a confirmé cette supposition qui nous permet de retracer et de prévoir le pas qu'un homme d'Etat passé, présent ou futur a fait ou fera sur scène politique. Les hommes d'Etat distinguent entre leur devoir officiel qui est de penser et d'agir en termes d'intérêt national et leur désir personnel qui est de voir triompher leurs propres valeurs morales et les principes politiques réalisés partout dans le monde »28.

En s'inspirant de la logique de Hans Morgenthau, il faut comprendre que les hommes d'Etat des puissances étrangères dans leurs apports avec les Etats d'Afrique n'ont que pour objectif principal de servir leur nation.

Durant la période 1990 à 2020, les origines des crises sociopolitiques du Togo et de la Côte d'Ivoire sont d'ordre endogène et exogène.

Dans cette partie de notre étude, nous analyserons d'une part les fondements endogènes (Section 1) et d'autre part les fondements exogènes (Section 2). Toutefois, il convient de noter que les facteurs qui seront analysés ici sont loin d'être exhaustifs.

27 COGNEAU Dénis, « Côte d'Ivoire : histoires de la crise », Afrique contemporaine, vol. 206, no. 2, 2003, pp. 5-12.

28 Hans Morgenthau, cité par MWAYILA Tshiyembé, « Ambition rivale dans le monde diplomatique », n° 29, janvier, 1999.

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SECTION 1 : LES FONDEMENTS ENDOGENES

Il ne fait aucun doute que l'on assiste à un regain d'intérêt pour l'étude des crises sociopolitiques en Afrique au niveau national, régional et international. Par fondements endogènes, il faut comprendre les raisons internes qui minent le continent Africain et qui font objet des crises sociopolitiques.

L'une des caractéristiques communes aux crises togolaises et ivoiriennes tire ses origines dans l'histoire précoloniale ; même si certains auteurs pensent que la « colonisation en Afrique a été généralement brève »29, il faut noter cependant que la colonisation a impacté et continue d'impacter la recrudescence des crises sociopolitiques en Afrique et plus précisément au Togo et en Côte-d'Ivoire. De même, les différences identitaires surtout l'ethnie et la nationalité ont eu un fort impact sur la politique africaine.

A la lumière de ce qui a été dit et pour mieux comprendre les fondements endogènes des crises sociopolitiques togolaises et ivoiriennes, il sera question d'analyser d'abord l'héritage de la colonisation et ensuite les différences ethniques comme moyen d'instrumentalisation politique.

Paragraphe 1 : l'héritage de la colonisation

L'intérêt de cette approche historique convient à notre travail car il est question de dénuder en quoi la colonisation constitue une source des crises en Afrique. Autrement dit, on peut se demander si cette période coloniale a introduit une rupture fondamentale dans la trajectoire des pays africains ou si elle n'a affecté que légèrement leurs formes et leurs pratiques politiques.

L'idée selon laquelle elle n'a affecté que légèrement leurs formes et leurs pratiques politiques est probablement celle qui résiste le moins à l'analyse, que ce soit d'un point de vue expérimental lorsqu'on observe les sociétés africaines ou d'un point de vue théorique, notamment lorsqu'on adopte une approche institutionnelle et, plus particulièrement, les perspectives postulant la force des institutions et des politiques.

En se situant par contre dans l'idée selon laquelle la colonisation a introduit une rupture fondamentale dans la trajectoire des pays africains, il faut noter que l'histoire sociopolitique africaine est marquée par de multiples périodes sans doute bouleversantes. La colonisation a

29 Hans Morgenthau, cité par MWAYILA; iOp.cit

22

été généralement brève en Afrique selon les auteurs tel que C. Young30 ; pour autant, d'autres tel que Mamadou Gazibo souligne que « ses répercussions sont impressionnantes et continuent à être ressenties aujourd'hui encore »31. Ces propos de Mamadou Gazibo illustrent très bien l'impact qu'a eu la colonisation sur la société africaine. Selon Mathieu Le Hunsec,

« près d'un demi-siècle après le mouvement de décolonisation qui a transformé le visage de l'Afrique occidentale, la région reste fragmentée. La progression vers la coopération est lente en raison d'une grande diversité linguistique et culturelle, les divergences entre Etats anglophones et francophones, notamment, demeurant fortes »32.

En poursuivant son analyse, il déclare que les divergences entre Etats anglophones et francophones « sont largement héritées de la colonisation, qui a joué un rôle ambigu dans le processus d'unification de la zone »33.

La colonisation, bien qu'ayant duré sur une période relativement courte, a introduit des modifications significatives sur le continent africain. A ce propos, Mamadou Gazibo affirmait qu'« elle a créé de nouveaux Etats, redéfini les enjeux de pouvoir, réorienté les formes économiques, cristallisé de nouveaux intérêts »34.

La conséquence la plus évidente de plusieurs siècles de contact avec l'Europe a été de reconfigurer la conception de la distribution territoriale et de l'exercice de l'autorité. De ce contact entre les blocs africain et occidental sont nés après les indépendances, des États et des formes institutionnelles dont l'extériorité a pu conduire certains auteurs à les qualifier de « produits de pure importation ». A cet effet, on peut citer Crawford Young, qui a bien mis en justesse l'importance de l'héritage colonial dans l'État postcolonial africain, son aménagement et ses pratiques politiques. Young postule la grande capacité d'ingérence de l'État colonial et ceci, malgré le volontarisme des élites nationalistes qui, aux indépendances, étaient déterminées à retrouver une authenticité africaine et de nouvelles formules institutionnelles et politiques rompant avec le système colonial.

Toute littérature sur l'Afrique, qu'elle soit d'origine africaine ou européenne et américaine, est dominée par le dualisme du bon système politique et du mauvais. En effet, constate François Borella,

30 Crawford Young, The Politics of Cultural Pluralism, Madison, University of Wisconsin Press, 1976

31 GAZIBO Mamadou, Op.cit.

32 LE HUNSEC Mathieu, « De l'AOF à la CEDEAO. La France et la sécurité du golfe de Guinée, un essai d'approche globale », bulletin de l'institut Pierre Renouvin, 2009

33 LE HUNSEC Mathieu, Op.cit

34 GAZIBO Mamadou, Op.cit.

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« Le bon pouvoir est démocratique, respectueux des droits et libertés, dévoué au bien public et à l'intérêt général. Le mauvais pouvoir, et dans les pays d'Afrique il est la règle, est tyrannique, prédateur, patrimonial ou néo patrimonial, c'est la politique du ventre du haut en bas de l'appareil d'Etat »35.

L'Afrique coloniale a connu des évènements qui influencent depuis les indépendances sa vie sociopolitique. En effet, pendant les indépendances, plusieurs militaires appelés « tirailleurs sénégalais »36 ont combattu aux côtés des Français. Selon Pierre Bouvier, « entre 1939 et 1945, plusieurs centaines de milliers de soldats coloniaux et ultramarins revêtent encore une fois l'uniforme pour défendre la France »37. Au lendemain des indépendances, ces militaires ont été rapatriés dans leurs pays d'origine. C'est le cas par exemple du Togo sous la présidence de Sylvanus Olympio. Revenus au pays dans l'espoir de retrouver une vie meilleure, ces derniers se voient mépriser et mal considérés ; on aurait dit « de l'espoir à la désillusion ». Cette attitude de ces dirigeants africains vis-à-vis des tirailleurs sénégalais a été peut-être l'une des causes du coup d'Etat militaire le 13 janvier 1963 au Togo qui plongea le pays dans un chaos sans fin.

L'impact de la colonisation n'a pas cependant qu'un versant politique ; il faut noter que sur le plan économique, la colonisation a plongé les Etats africains dans une situation difficile au profit des colonies. L'impact de la monopolisation des ressources a entraîné une pauvreté sur l'ensemble du continent et surtout en Afrique francophone. Selon Simon-Pierre Ekanza, « en l'absence de formulation explicite d'une politique de développement, on peut cependant en déceler certains indices dans la politique de « mise en valeur » ou, plus exactement, d'exploitation qui voit le jour dans toute l'Afrique »38. En effet, poursuit-il en ces termes:

« La première phase de la colonisation, c'est-à-dire la période qui va de 1900 à 1910, fut particulièrement dramatique pour l'Afrique. Rêvant des trésors du continent, soucieuses de rentabilité, les puissances coloniales se précipitent dans une exploitation économique effrénée, caractérisée par le pillage des richesses naturelles, mais aussi par la violence sous toutes ses formes : réquisitions, travail forcé, cultures obligatoires, impôts, expropriations... »39.

35 BORELLA François, « L'État en Afrique : crise des modèles et retour aux réalités », Mélanges René Gendarmes, Editions Serpenoise, 1996, pp. 229-236.

36 Les tirailleurs sénégalais étaient un corps de militaires appartenant aux troupes coloniales constitué au sein de l'Empire colonial français en 1857, principal élément de l'Armée Noire et dissous au début des années 1960.

37 BOUVIER Pierre, La longue marche des tirailleurs sénégalais. De la Grande Guerre aux indépendances, Paris, Belin, 2018, pp. 189-227.

38 EKANZA Simon-Pierre, « Le double héritage de l'Afrique », Études, vol. 404, no. 5, 2006, pp. 604-616

39 Idem

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La méconnaissance du passé colonial est un fait à ne pas négliger. Le partage de l'Afrique à la conférence de Berlin (1884-1885) occupe une place importante pour déterminer les enjeux liés à l'ethnicité sur le continent africain de nos jours. Kouamé N'Guessan affirmait à juste titre que « la Côte d'Ivoire héritée de la colonisation est une Côte d'Ivoire pluriethnique »40. Les ambitions coloniales loin de favoriser un développement du continent africain, se sont transformées en « ambiguïtés »41 comme héritage pour l'Afrique. Son impact dans les crises sociopolitiques dans les Etats africains à l'instar du Togo et de la Côte-d'Ivoire n'est plus à négliger. Par ailleurs il faut noter que le problème ethnique constitue également un facteur majeur des crises en Afrique.

Paragraphe 2 : l'instrumentalisation politique de l'ethnie

Dans l'analyse des crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire, plusieurs variables peuvent être mises en jeu. Mais la variable la plus couramment utilisée est celle de l'ethnie. En effet, l'ethnie constitue un déterminant majeur dans les luttes politiques. Si le concept d'ethnie connaît depuis quelques temps un grand succès en dehors du cercle des sciences sociales, il est un autre terme, celui d' « identité », dont l'usage est de plus en plus fréquent.

Considérée très peu dans les écrits des pères fondateurs de la sociologie politique, la notion d'ethnicité est aujourd'hui entrée dans le langage commun alors même que peu d'auteurs prennent le temps de définir les contours de ce concept. Pour reprendre les propos de Jean-Claude Fritz,

« l'ethnie est un groupe dont le fondement est historique et culturel; la référence ethnique est un des éléments d'identité sociale, entraînant des sentiments d'appartenance et d'identification d'une personne avec un certain groupe, en même temps que des sentiments de différenciation vis-à-vis d'autres groupes »42.

Selon la théorie quelque peu généralisant de « l'Etat multinational », en Afrique, l'ethnie est la forme d'organisation sociale historique, désignée successivement par les termes de société acéphale, de société éclatée, de société plurale dont la caractéristique primordiale

40 KOUAME N'Guessan, (2015), Une réflexion récente en Côte d'Ivoire sur le multipartisme et l'ethnicisation de la vie politique : faut-il regretter le parti unique ? Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l'Afrique d'aujourd'hui. Presses universitaires de Rennes, pp. 169-194

41 ETEMAD Bouda, L'héritage ambigu de la colonisation. Économies, populations, sociétés. Armand Colin, 2012, 238 pages, https://www.cairn.info/l-heritage-ambigu-de-la-colonisation--9782200281335.htm

42 FRITZ Jean-Claude, « L'ethnique et le local dans les luttes politiques contemporaines en Afrique australe », Revue Tiers Monde, 1995, pp. 103-127

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est le couplage d'une communauté culturelle (nous, eux) avec la construction volontaire d'une société politique. Si bien que, produit de la dynamique sociale et de la politique précoloniale, l'ethnie est une création humaine égale à la nation.

L'homme est essentiellement un être de culture. Comme le souligne Denys Cuche, « la culture permet à l'homme non seulement de s'adapter à son milieu, mais aussi d'adapter celui-ci à lui-même, à ses besoins et à ses projets, autrement dit la culture rend possible la transformation de la nature »43. En ce sens il faut noter l'importance de l'ethnie en tant qu'un aspect dans nos sociétés africaines.

L'Afrique est l'un des continents qui compte le plus d'ethnies dans le monde. En effet, elle compte plus de cent (100) ethnies si l'on s'en tient aux estimations d'Adingra Prince-Florent MENZAN44. S'il est vrai que « c'est la diversité des couleurs d'un tapis qui fait sa beauté »45, il faut noter que cette façon de voir les choses ne peut être totalement vraie que si dans la diversité, les couleurs s'harmonisent et s'accordent. Or, quand on sait l'usage que font les politiciens et autres leaders de cette grande diversité ethnique sur le continent, l'on est en droit d'estimer que la divergence n'est pas toujours un privilège.

Au lieu de jumeler davantage les peuples pour faire de leurs différences une force et un avantage pour le continent, les leaders africains et même les groupes de pression internes comme externes au continent en font une arme redoutable de combat. Ils font naître de cette diversité des maux affreux et effroyables tels le racisme, la xénophobie, le tribalisme etc. Des difficultés qui forment une incontestable poudrière en Afrique. Il n'y a qu'à se référer à la multitude de crises tirant leurs origines des différends entre groupes ethniques en Afrique, pour se rendre à cette évidence.

Les promoteurs du recours à l'ethnicité dans les luttes politiques se sont le plus souvent intéressés aux acteurs, aux enjeux et aux stratégies utilisées par les politiciens pour mobiliser les ethnies. Cependant en Afrique, les questionnements sur l'identité, l'appartenance ethnique et les relations sociales déterminent tant le milieu de vie que les choix politiques dans la société africaine.

43 CUCHE Denys, La notion de culture dans les sciences sociales, La Découverte, 2010, pp. 5-8.

44 MENZAN Adingra Prince-Florent, Les enjeux de l'Union Africaine (UA), Brevet section diplomatie, ENA Côte-d'Ivoire, 2001

45 Extrait de la lettre d'Amadou Hampâté Bâ à la jeunesse à l'occasion de l'Année internationale de la jeunesse. 1985.

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Le phénomène d'instrumentalisation ethnique trouve sa cause dans le constat de la pluralité des ethnies. C'est en effet un « fait» avéré de la société postcoloniale d'Afrique qui engendre des crises tant au niveau national qu'international.

La période postcoloniale en Afrique est marquée par la recrudescence des crises, non plus entre les États, mais entre les différentes identités qui se retrouvent au sein d'un même creuset national. Comme l'a remarqué Mbonda, « les ennemis, on ne les trouve pas en dehors des frontières, mais à l'intérieur, et ils sont identifiables non pas à leurs uniformes, mais à leurs appartenances ethniques »46. En Afrique, dans les Etats issus de la décolonisation, l'ethnie constitue un obstacle au fonctionnement de la société. Selon Labité Sodjiné AGBODJAN-PRINCE, « elle plonge l'Etat dans l'incapacité d'assumer ses fonctions régaliennes et remet ainsi en cause le constitutionnalisme qui le fonde »47. En effet au Togo, selon le rapport de la mission d'établissement des faits chargée de faire la lumière sur les violences et les allégations de violations des droits de l'homme survenues au Togo avant, pendant et après l'élection présidentielle du 24 avril 2005, dit rapport Koffigoh, « la crise togolaise s'est également traduite par une exacerbation du facteur ethnique et xénophobe dans la vie politique et sociale de ce pays »48. En effet, il faut noter avec Labité Sodjiné AGBODJAN-PRINCE, l'importance de l'ethnie dans le processus d'adhésion aux partis politiques et dans leur fonctionnement. Analysant sa pensée, il fait le constat selon lequel « la victoire des partis politiques ou des candidats revêt un caractère quasi ethnique »49.

Depuis longtemps les luttes politiques au Togo se sont déroulées dans ce contexte de rivalité entre le Nord et le Sud regroupant respectivement des communautés d'ethnies différentes. On a parfois cru que les élections se déroulaient entre Kabiyè et Ewé. Cette division est souvent à l'origine des crises sociopolitiques comme par exemple le soulèvement populaire du 19 Août 2017 organisé par le Parti National Panafricain. Ce soulèvement a donné l'air d'un affrontement entre Kabyès et Tem. Selon le rapport de la mission des Nations Unies à propos de la crise électorale de 2005, quelques manifestations majeures traduisent l'exacerbation du facteur ethnique et xénophobe dans la vie politique et sociale du Togo. Il

46 Cité par BAMAZE N'Gani, E., « Politiser ou privatiser l'ethnie? Réflexion à propos du bien commun en Afrique postcoloniale », Philosophiques, 45(2), 419-444, consulté en ligne le 15 Août 2021 sur https://doi.org/10.7202/1055270ar

47 AGBODJAN-PRINCE Labité Sodjiné, L'ethnie dans le fonctionnement des partis politiques au Togo : cas du CAR, de l'ex-RPT et de l'UFC, mémoire de Maitrise ès-lettres et sciences humaines, Université de Lomé, 2012

48 RFI, la mission d'établissement des faits chargée de faire la lumière sur les violences et les allégations de violations des droits de l'homme survenues au Togo avant, pendant et après élection présidentielle du 24 avril 2005, rapport de la mission des Nations unies, consulté en ligne le 11 Avril 2022 sur http://www1.rfi.fr/actufr/articles/069/article_38809.asp

49 Cité par BAMAZE N'Gani E. Op.cit.

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s'agit de la volonté de conserver coûte que coûte la place centrale des Kabyès dans les structures du pouvoir et le ciblage, dans la répression politique et dans la violence, de certaines communautés étrangères et de certains groupes ethniques internes tant par les forces de l'ordre que par des milices et des militants des partis politiques.

Dans le cas de la Côte-d'Ivoire, cette question a également eu un impact sur la vie sociopolitique du pays. Plusieurs interrogations survinrent au sujet de l'identité nationale et la question de l' « ivoirité » qui a divisé le pays et entraîné des milliers de morts. La question ethnique en Côte-d'Ivoire s'est concrétisée avec la révision constitutionnelle approuvée par le référendum du 23 juillet 2000. En effet selon l'article 35 de la nouvelle constitution qui fonde la deuxième République,

« le président de la République doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité. Il doit avoir résidé en Côte d'Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence effective »50.

Cette consécration constitutionnelle de l'ethnonationalisme avait pour objectif d'écarter

M. Alassane OUATTARA de l'élection présidentielle. Toutefois ce dernier a participé à cette consécration. Il se justifie au cours d'un entretien en ces termes:

« La présente constitution ne me pose pas problème au plan du droit. C'est parce que la Cour Suprême était aux ordres (de la junte) qu'une telle interprétation en a été faite pour m'exclure. Je suis persuadé que si nous avions un système judiciaire indépendant, ma candidature ne ferait l'objet d'aucun doute, d'aucune ombre. Cela étant, je considère que c'est une constitution qui divise plus les Ivoiriens et fait naître des frustrations. Ce texte crée différentes catégories d'Ivoiriens, et cela est contraire à la notion de nationalité. Tous les Ivoiriens doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs »51.

Ces divisions historiques en Côte d'Ivoire ont été à l'origine de plusieurs affrontements qui ont engendré des pertes en vies humaines et de multiples blessés. La vie sociopolitique togolaise et ivoirienne fut longtemps et continue d'être entachée de différences ethniques qui contribuent un tant soit peu à l'accentuation des crises sociopolitiques sur leurs territoires. Par ailleurs la question des facteurs des crises sociopolitiques dans ces Etats ne se résume pas

50 Article 35 de la constitution ivoirienne de la deuxième République

51 AKINDES Francis, «Les racines de la crise militaro-politique en Côte-d'Ivoire, 2004, consulté en ligne le 20 avril 2021 sur https://codesria.org/IMG/pdf/Akindes.pdf

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uniquement aux fondements structurels tels que l'héritage de la colonisation et l'instrumentalisation politique de l'ethnie ; on distingue également des fondements conjoncturels.

SECTION 2 : LES FONDEMENTS EXOGENES

Nous entendons ici par fondements exogènes, les raisons qui ne sont pas de la volonté des Etats africains mais qui relèvent plutôt de l'implication des grandes puissances dans les affaires internes de ces Etats.

L'Afrique est sans doute le continent le mieux doté en richesses naturelles. D'une superficie d'environ 30,3 millions de kilomètres carrés, le continent couvre environ six pour cent de la surface du globe et un cinquième des terres émergées. Depuis toujours, ses richesses naturelles sont au coeur de la machine politique et des relations internationales, soit en tant qu'instrument de contrôle ou de domination. En effet, les richesses africaines font l'objet de convoitises de la part des grands groupes industriels ainsi que des Etats étrangers. La convoitise du continent africain par des puissances étrangères se justifie par plusieurs raisons. D'aucuns justifient la présence étrangère sur le continent africain par leur volonté de contribuer au développement de l'Afrique. En effet, selon Yves Viltard, « l'usage qui est fait aujourd'hui de la notion d'amitié en relations internationales revêt un doute sur sa sincérité »52. Il poursuit en soulignant qu' :

« en fait, le tort de l' « amitié » dans la compréhension que nous partageons aujourd'hui est d'être indissolublement liée au registre des sentiments privés, un sentiment des plus nobles et des plus exigeants, mais dont la profession dans les affaires publiques ne peut justement pour cette raison qu'éveiller la méfiance »53.

Alexander Wendt distingue trois cultures qui déterminent le comportement des Etats : « celle de Hobbes, en vertu de laquelle les Etats sont des ennemis les uns pour les autres, celle de Locke, selon laquelle les Etats sont des partenaires rivaux et celle de Kant selon laquelle les Etats sont des amis »54. L'angle d'analyse de cette recherche va épouser la théorie réaliste de Hobbes selon laquelle les Etats sont des ennemis les uns pour les autres. Le Général De Gaulle disait d'ailleurs que la France n'a pas d'amis, mais des intérêts. Dans cette

52 VILTARD Yves, « Que faire de la rhétorique de l'amitié en relations internationales ? », Raisons politiques, n°33, Presses de Sciences Po, 2009, p.127-147

53 VILTARD Yves ;Op.cit

54 ETHIER Diane, Introduction aux relations internationales, Montréal, Presses de l'université de Montréal, 2010, p. 135-198

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partie, il est question d'analyser l'importance des matières premières (paragraphe 1) et l'ingérence extérieure (paragraphe 2) comme fondements de crises sociopolitiques en Afrique et particulièrement pour ce qui concerne cette recherche, sur le Togo et la Côte-d'Ivoire.

Paragraphe 1 : Le rôle des matières premières

Avec une superficie estimée à 30 415 873 km2, le continent africain est sans doute le continent le plus doté en richesses naturelles. Pour Hegel, « c'est le pays de l'or »55.

L'origine de la richesse de ce continent se trouve dans son sol. L'Afrique possède plusieurs types de minerais. Selon Isabelle Ramdoo, on peut estimer à environ 60 types de minerais différents, totalisant ainsi un tiers des réserves minérales mondiales, tous les minerais confondus. Elle poursuit en soulignant qu' « à titre d'exemple, elle est dotée de 90 pour cent des réserves de platinoïdes ; 80 pour cent de coltan ; 60 pour cent de cobalt; 70 pour cent du tantale ; 46 pour cent de diamant; 40 pour cent des réserves aurifères et 10 pour cent des réserves pétrolières »56.

Reconnu mondialement, la Côte d'Ivoire est connue comme un grand producteur de café et de cacao dans le domaine de l'agriculture. Dans le domaine de l'industrie, ce pays produit également de l'Or et autres.

L'immensité des richesses de ces pays du continent fait d'eux un terrain où se jouent les intérêts de bon nombre de puissances. A cet effet, comme le remarque Tanguy STRUYE DE SWIELANDE,

« la conquête de l'Afrique, un continent riche en matières premières (pétrole, or, cobalt, diamant, bois, uranium etc.) constitue, en ce début de XXIe siècle, un enjeu majeur. Il est, en outre, au coeur d'un jeu d'influence de plus en plus agressif, souvent au détriment des pays africains eux-mêmes. On observe dès lors sur l'échiquier africain un vrai jeu de go, chaque puissance essayant de s'y profiler »57.

Ces propos de Tanguy Struye de Swielande illustrent très bien les enjeux des matières premières africaines et les risques qui peuvent en découler. En effet, les ressources naturelles

55 FRIEDRICH Hegel, La Raison dans l'histoire. Introduction à la philosophie de l'histoire, Paris, UGE, 1965, p. 247.

56 RAMDOO Isabelle, « L'Afrique des ressources naturelles », International Institute for sustainable Development, 2019

57 STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, La Chine et les grandes puissances en Afrique: Une approche géostratégique et géoéconomique, Presses universitaires de Louvain, 2011, consulté en ligne le 07 octobre 2021 sur https://books.openedition.org/pucl/1222?lang=en#:~:text=La%20%%AB%20conqu%C3%AAte%20% %BB%20de%20l%27,des%20pays%20africains%20eux%2Dm%C3%AAmes.

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constituent un enjeu stratégique en raison de leur valeur économique et du pouvoir qu'elles consacrent aux pays qui y ont accès. La ruée des ressources fut l'un des enjeux majeurs de l'entreprise coloniale et a poursuivi de l'être même après la décolonisation.58 Roland Marchal et Christine Messiant soulignent que la fin de la guerre froide a considérablement modifié la configuration des relations internationales, avec des conséquences sur les guerres.59

Dans un monde où les Etats cherchent à étendre leurs puissances au détriment des autres, c'est l'histoire et la vie du continent africain qui en payent les risques. C'est ce qui fait dire Geraud Magrin que:

« la course aux ressources observée depuis la fin des années 1990, attisée par la montée en puissance des pays émergents géants (Chine, Inde, Brésil), semble conforter l'assignation du continent à sa fonction de pourvoyeur vulnérable et dominé de produits primaires. Une telle trajectoire a souvent été qualifiée de «malédiction des ressources naturelles», construite sur l'idée contre-intuitive que les pays riches en ressources, lorsqu'ils ont des institutions faibles, seraient déterminés à subir toutes sortes de dysfonctionnements (économiques, politiques, sociaux) »60.

En conséquence il faut noter que la conquête des ressources naturelles menace la paix et la stabilité des Etats africains ; elle a pris une place prépondérante surtout dans un monde où les ressources deviennent rares. La présence des pays émergents tel que souligné précédemment n'est pas vaine de sens ; cela est également dû à la faiblesse des Etats africains. Après avoir été un enjeu de la rivalité Est-Ouest et la chasse gardée des anciennes puissances coloniales, l'Afrique est désormais la proie des pays émergents à l'instar de la Chine et Inde. Pour reprendre les propos de Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinski dans leur ouvrage Chindiafrique61, au centre du « grand jeu » planétaire, le continent est l'échiquier des luttes d'influence aux multiples facettes.

Selon Demba Moussa Dembélé62, la ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud, particulièrement celles de l'Afrique se fait sous des formes diverses, en particulier à travers des interventions militaires dans les régions riches en ressources énergétiques, au nom d'objectifs « humanitaires », comme « le droit de protéger» ou « l'ingérence humanitaire ».

58 WACKERMANN G., Géographie des conflits non-armés, Ellipses, Paris, 2011, p.130

59 MARCHAL Roland et MESSIANT Christine, « Une lecture symptomale de quelques théorisations récentes des guerres civiles », Lusotopie, 2006, consulté le 28 octobre 2021 sur http://journals.openedition.org/lusotopie/1382

60MAGRIN Géraud, « L'Afrique entre « malédiction des ressources » et « émergence » : une bifurcation ? », Revue Française de Socio-Économie, vol. -, no. 2, 2015, pp. 105-120.

61 BOILLOT Jean-Joseph, DEMBINSKI Stanislas, Chindiafrique, Odile Jacob, 2013, 368 p

62 DEMBELE Demba Moussa, « Libye : réflexions sur une guerre », Afroscopie, l'Harmattan, 2012.

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La crise du capitalisme mondial a exacerbé la ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud, particulièrement celles de l'Afrique. Cette ruée se fait sous des formes diverses, en particulier par des interventions militaires dans les régions riches en ressources énergétiques (pétrole et gaz) ». Cette doctrine a été mise en oeuvre de manière tragique en Libye par l'impérialisme occidental, par les soins de son bras armé, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Le but réel de cette intervention n'était nullement la protection de la population, mais un moyen d'assurer la mainmise des entreprises occidentales sur les ressources du pays

Selon les données de la Banque Mondiale, la Côte d'Ivoire « enregistre une croissance économique dynamique, forte et stable depuis 2012 avec un ralentissement en 2020, dû aux conséquences de la crise de COVID-19 »63. Ce pays Malgré tout, demeure le principal poumon économique d'Afrique de l'Ouest francophone et exerce une réelle influence dans la région. Toutefois les réalités géopolitiques influencent et sont influencées par les ressources naturelles du continent. Ces dernières sont à l'origine d'une grande partie des crises, tensions et manifestations d'instabilité que vit le continent. La volonté des puissances étrangères d'avoir accès à ces ressources les conduit à un certain contrôle de l'organe politique tendant à le manipuler. C'est le cas également au Togo avec le phosphate par exemple. Les richesses naturelles de la Côte-d'Ivoire font également d'elle un pays convoité par de nombreuses puissances qui travaillent dans l'installation de la machine politique des Etats africains. Autrement dit, ces puissances instrumentalisent la vie politique des Etats africains à l'instar du Togo et de la Côte-d'Ivoire. C'est ce qui entraîne parfois les crises sociopolitiques dans les Etats africains. En dehors de la quête des matières premières qui constituent un facteur majeur dans la recrudescence des crises sociopolitiques, il sera question dans le second paragraphe d'analyser la part de l'ingérence extérieure.

Paragraphe 2 : les ingérences extérieures

L'analyse des crises sociopolitiques en Afrique révèle plusieurs raisons de leur recrudescence dans cette partie du globe. Des observations ont été faites depuis plusieurs années et fort a été de constater pour de nombreuses puissances, un regain d'intérêt pour le continent africain. Si les États-Unis et les Européens ont fait un retour remarqué à la fin des années 1990, ils sont loin d'être les seuls à avoir réinvesti cet ensemble régional. En effet, des

63La Banque mondiale Côte-d'Ivoire, consulté en ligne le 10 mai 2021 sur https://www.banquemondiale.org/fr/country/cotedivoire/overview#1

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pays tels que le Japon, la Russie, l'Inde, le Brésil et, plus encore, la Chine ont accru leur présence dans ce qui constituait il y a peu encore le « pré carré historique » européen.

Depuis la période coloniale, l'on assiste à la présence des puissances étrangères en Afrique. Ce continent, riche en matières premières constitue un enjeu très important. Plusieurs interprétations peuvent être faites quant à la présence des puissances étrangères en Afrique. Ainsi, comme le soulignait Edward W. Said:

« fondamentalement, impérialisme signifie visée, installation et maintien sur une terre qu'on ne possède pas, un territoire lointain où d'autres vivent et qui leur appartient. Pour toutes ces raisons, cette perspective séduit certains et implique souvent pour d'autres des malheurs sans nom »64.

L'ingérence des puissances extérieures dans les affaires politiques africaines se résume à leur volonté de profiter des richesses de ce continent. En effet selon Demba Moussa Dembélé, « la crise du capitalisme mondial a exacerbé la ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud, particulièrement celles de l'Afrique »65. Il poursuit en disant que : « cette ruée se fait sous des formes diverses, en particulier par des interventions militaires dans les régions riches en ressources énergétiques, au nom d'objectifs humanitaires, comme le droit de protéger ou l'ingérence humanitaire »66.

De ce qui précède, il convient de soutenir avec Demba Moussa Dembélé en ce qui concerne l'intervention française dans la crise ivoirienne de 2010, que « le but réel de cette intervention n'était nullement la protection de la population, mais un moyen d'assurer la mainmise des entreprises occidentales sur les ressources du pays »67. En effet, il est important de souligner que la situation difficile que vit le continent africain est étroitement liée aux intérêts et aux manoeuvres des puissances étrangères.

Les Etats indépendants disposent d'une grande marge de manoeuvre vis-à-vis des puissances étrangères ; toutefois sur de nombreuses questions d'ordre national, telle l'organisation de la politique intérieure, les pays africains n'ont guère voix au chapitre. De par leur nature même de sociétés dépendantes, les gouvernements ou les Etats africains ne peuvent être tout à fait indépendants de leurs « maîtres étrangers ». Sur de nombreuses

64 SAID W. Edward, Culture et impérialisme, Alger, APIC Éditions, 2013, p. 41.

65 DEMBELE Demba Moussa, « Ressources de l'Afrique et stratégies d'exploitation », La Pensée, n° 381, 2015, p. 29-46, consulté le 13 septembre 2021 sur https://www.cairn.info/revue-la-pensee-2015-1-page-29.htm

66 DEMBELE Demba Moussa; Op.cit

67 Idem.

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questions de politique intérieure telle que le type de système à adopter, ils sont obligés de tenir compte des souhaits et des recommandations des puissances étrangères auxquelles ils sont subordonnés.

Faisant cas de l' « ingérence démocratique en Afrique », le professeur Joseph KEUTCHEU68 explique qu'elle tend à s'inscrire dans la routine. En effet, selon le Professeur KEUTCHEU, on peut évoquer les résolutions de l'Assemblée générale et les déclarations du président du Conseil de sécurité condamnant le coup d'Etat de 1993 contre le président burundais Melchior Ndadaye, pour ne citer que quelques exemples. De même, le renversement par un putsch, le 25 mai 1997, du président élu de Sierra Leone, Ahmad Tejan Kabbah, est suivi par de vives condamnations par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et même par la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Il convient de mentionner dans le même sillage la prise de position du Conseil de Sécurité et sa condamnation avec fermeté dans la tentative de coup d'Etat du 19 septembre 2002 en Côte-d'Ivoire qui a engendré la formation d'une rébellion.

Ces interventions à vocation démocratique dans les Etats africains s'appuient sur le principe de la violation des règles démocratiques dans ces Etats. On retrouve ainsi, principalement, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le Canada, l'Allemagne et des organisations telles que Human Rights Watch, Amnesty International, International Crisis Group, l'Organisation des Nations Unies (ONU).

En effet, la politique de la Françafrique a d'ailleurs fait objet de multiples discussions quant à son rôle dans le fonctionnement des politiques africaines. Selon Aïcha Myriam Coulibaly, « le terme « Françafrique » a été développé pour refléter l'interventionnisme français. Il s'agit d'une expression, clairement péjorative, visant à dénoncer les actions à connotation néocoloniale que la France poserait sur le continent africain »69. Cet interventionnisme loin de vouloir aider les Etats africains à se développer n'est qu'un moyen pour protéger les intérêts français. Cette idée sera partagée avec bon nombre d'auteurs tel que Verschave70. Selon l'auteur, depuis les indépendances africaines en 1960, la politique de la France par rapport au continent africain vise avant tout à défendre les intérêts français sur les

68 KEUTCHEU Joseph. (2014), « L'ingérence démocratique en Afrique comme institution, dispositif et scène », Études internationales, 425-451, consulté en ligne le 13 octobre 2021 sur https://doi.org/10.7202/1027554ar

69 COULIBALY Myriam Aïcha, La Françafrique, un nouveau visage?, mémoire de master, École supérieure d'affaires publiques et internationales, Université d'Ottawa, 2016

70 Cité par COULIBALY Myriam Aïcha, ibidem

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plans stratégique (bases militaires) et économique (exploitation de ressources naturelles). Selon cette conception, la France a toujours été présente en Afrique là où il y a intérêt et a toujours son mot à dire. Cet interventionnisme tant politique qu'économique rend le continent encore dépendant ; dépendant à tel point que la pauvreté sévit dans ce pays et les dirigeants accusés de mauvaise gouvernance sont contraint de trouver d'autres moyens pour se maintenir au pouvoir. Cette façon parfois anticonstitutionnelle entraîne des crises sans précédent.

Au terme de ce premier chapitre, il ressort que les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire de 1990 jusqu'à 2020 tirent leurs origines aussi bien sur le plan endogène que sur le plan exogène. Ces fondements sont très souvent le fruit de la volonté des africains eux-mêmes. Le jeu des intérêts au plan international et l'histoire coloniale de ce continent influencent la vie sociopolitique des pays de continent.

CHAPITRE 2 : LES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN COTE-D'IVOIRE ET L'IMPLICATION DE LA CEDEAO

Maintenir la paix, la sécurité et la stabilité régionale par la promotion et le renforcement du bon voisinage est l'une des missions fondamentales de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à travers son article 4 du 28 mai 1975 qui a été révisé en 1993.

Les crises sociopolitiques dans le monde posent de plus en plus de défis non seulement aux Etats, mais aussi et surtout à la communauté internationale dans le cadre du suivi et du maintien de la paix. Plusieurs organisations internationales à l'instar de l'Organisation des Nations Unies, l'Union Africaine, l'Union Européenne font déjà preuve d'un grand effort. Par ailleurs, « face au désengagement conjoncturel du conseil de sécurité dans des problématiques sécuritaires montrant de plus en plus une incapacité à supporter le coût des opérations de maintien de la paix »71, l'implication des organisations régionales et sous régionales devient donc une option pour le maintien de la paix. C'est ainsi que la Charte des Nations unies, dans son chapitre VIII72 consacré aux accords régionaux, reconnaît sous réserve de compatibilité avec les buts et principes édictés, la possibilité pour les États membres de constituer des organismes régionaux « destinés à régler les affaires qui, touchant

71 MVE Ella Léandre, « Le rôle des organisations africaines dans la crise malienne », Civitas Europa, vol. 31, no. 2, 2013, pp. 123-144.

72 Le chapitre VIII de la Charte des Nations unies fournit la base juridique de la participation des organisations régionales au maintien de la paix et de la sécurité internationale dont le Conseil de sécurité porte cependant la principale responsabilité.

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au maintien de la paix et à la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional »73. Elle poursuit en précisant que « toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité »74.

C'est dans cette perspective et pour répondre à ses objectifs que la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest intervient dans de nombreuses crises de son espace. Marqués par de multiples crises sociopolitiques, le Togo et la Côte d'Ivoire ont connu une vie politique très mouvementée de 1990 à 2020. Dans cette partie de notre étude, nous ferons la sociogenèse des crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de 1990 à 2020 (Section 1) et dans une seconde partie nous analyserons l'implication de la CEDEAO dans ces crises (Section 2).

SECTION 1 : LA SOCIOGENESE DES CRISES TOGOLAISES ET IVOIRIENNES

Les crises togolaises et ivoiriennes des années 1990 à 2020 feront l'objet de notre analyse. Situés dans une zone ouest africaine qui a traditionnellement pour référent organisationnel politique la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Togo et la Côte-d'Ivoire ont connu de multiples crises sociopolitiques qui influent sur la politique et la vie des populations. Nous étudierons d'une manière chronologique les crises sociopolitiques de ces pays depuis 1990 jusqu'à 2020 en commençant par les crises togolaises (Paragraphe 1) pour en venir aux crises ivoiriennes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Des crises togolaises

L'amollissement de l'URSS à la fin des années 1980 a eu des effets directs sur les Etats africains alignés sur le modèle soviétique. Au Bénin, le marxiste-léniniste Kérékou est contredit par le peuple à la fin de l'année 1989. Aussitôt, une conférence nationale des forces actives en février 1990 est organisée et l'on assiste à la tenue d'élections multipartites libres en mars, remportées par Nicéphore Soglo. Cette alternance politique par voie légale donne des idées au reste du continent. Le Togo n'en sera pas des moindres.

73 Charte des Nations Unies, article 52

74 Charte des Nations Unies, article 53

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Pour Balowa KOUMANTIGA en ce qui concerne 1990, « c'est l'année où s'exprima de manière explicite une volonté de rompre avec le système du parti unique »75. En effet, poursuit-il en soulignant qu'entre 1980 et 1990,

« on assiste à une détérioration de la situation économique, sociale et politique qui accentue la précarisation de la vie. De loin, la chute du mur de Berlin, l'effondrement du bloc soviétique et surtout le discours de la Baule76 vont constituer le soubassement des soulèvements qui embrasent le continent africain au début des années 1990 et dont le Togo ne sortira pas indemne »77.

L'année 1990 fut également marquée selon lui, par des troubles sociopolitiques qui vont aboutir deux ans plus tard, à l'adoption d'une nouvelle constitution réinstaurant le multipartisme : c'est la fin de la troisième République. Plusieurs crises vont jalonner la vie sociopolitique de ce pays de 1990 jusqu'à 2020. Par ailleurs, si les années 1990, ont été un espoir de démocratisation pour les Etats africains, il faut noter que l'espoir du Togo était dans les mains d'un homme politique venu au pouvoir par un coup d'Etat.

L'histoire politique du Togo a laissé des stigmates dans la sphère de l'ère démocratique. Arrivé au pouvoir à la faveur du coup d'Etat du 13 janvier 1967, « le lieutenant-colonel Gnassingbé Eyadema dissout par décret n°67-1 du 11 mai 1967 »78 les partis existants ainsi que les associations affiliées et opta pour le monolithisme politique. Pour lui, le multipartisme avait conduit à un affrontement entre partisans de différentes tendances. Selon Cornevin, cette mesure visait donc à « éviter les affrontements sanglants et les déchirements dans lesquels le Togo eut perdu son âme »79. La politique du parti unique prendra fin au début des années 1990 avec la résurgence des revendications populaires en faveur d'une démocratie pluraliste facilité avec le discours de François Mitterrand au sommet de la Baule en 1990.

Les manifestations du 5 octobre 1990 dont l'objet était de mettre fin au parti unique, aboutirent aux assises nationales puis à l'adoption d'une nouvelle constitution instituant de nouveau le multipartisme au Togo deux ans plus tard ; la troisième République venait de prendre fin et la quatrième république venait de naître. C'est alors que « le Togo s'engagea

75 BALOWA Koumantiga, « Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à 1990 », Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines, Université de Kara, 2013

76 Discours prononcé par le Président Français François Mitterrand le 20 juin 1990 lors du 16ème sommet France-Afrique. Dans ce discours, le président Mitterrand recommandait aux gouvernements africains de s'engager dans un processus démocratique.

77 BALOWA Koumantiga, op.cit.

78 JORT numéro 357 du 16 juin 1967 p. 267, cité par Balowa KOUMANTIGA, op.cit.

79 Cité par BALOWA Koumantiga, op.cit.

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sur la voie de la démocratie, une voie qui fut parsemée d'embuches et de traquenards, alors qu'elle était sensée déboucher sur le succès politique, le progrès social et le développement »80. Dès lors, le Togo vit une ère de turbulence et à chaque fois que l'occasion se présente, les Togolais n'hésitent pas à s'affronter. Selon Brice Rambaud, pour des raisons d'intransigeance du pouvoir en place, le « vent de l'est» se propage au Togo où le processus de transition démocratique prend un caractère très violent. Il souligne que:

« plusieurs raisons sont à l'origine de ce mouvement de contestation. Raisons endogènes: l'usure d'un pouvoir corrompu, la crise économique, l'augmentation des inégalités ainsi que la langue de bois des médias d'Etat et la confiscation du droit d'expression de la population entraînent les revendications démocratiques. Facteurs exogènes : le nombre croissant d'étudiants africains dans les pays occidentaux, la réception »81.

Malgré l'ouverture à la démocratie imposée à un régime réputé pour être parmi les plus autoritaires du continent ainsi que les victoires remportées par les Togolais sur le terrain des libertés individuelles, le Togo connaîtra un échec au niveau du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Alain Macé souligne à cet effet que : « de 1993 à 1998, le général président GNASSINGBE Eyadema fit de nouveau main basse sur les institutions, cela malgré le désaveu de la communauté internationale »82.

Dans cet environnement de crise, a eu lieu le 21 juin 1998, l'élection présidentielle. Alors que le décompte des voix indique la victoire du leader de l'UFC Gilchrist Olympio, principal adversaire au président sortant, les autorités suspendent le processus électoral. L'armée confisque les urnes et le ministre de l'intérieur proclame Etienne Gnassingbé Eyadema vainqueur avec 52% des voix. La mission d'observation de l'union européenne condamne la conduite du processus électoral et est contrainte de quitter le pays sous la menace des autorités togolaises. Selon Amnesty international, des centaines d'opposants sont arrêtés et exécutés de manière sommaire par les forces armées.

Après un règne de quelques années, la constitution de 1992 adoptée par le peuple togolais au référendum à plus de 97%, fut modifiée en 2002 d'une façon unilatérale par

80 BALOWA Koumantiga, op.cit.

81RAMBAUD Brice, « La presse écrite togolaise, acteur et témoin de l'ère Eyadema (19672005) »Transcontinentales, consulté en ligne le 07 Octobre 2021 à l'adresse http://journals.openedition.org/transcontinentales/415

82MACE Alain, « Politique et Démocratie Au Togo, 1993-1998: De l'espoir à La Désillusion », Cahiers d'Études Africaines, vol. 44, no 176, EHESS, 2004, pp. 841-85, consulté le 25 novembre 21 à l'adresse http://www.jstor.org/stable/4393438.

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l'Assemblée Nationale d'alors le 31 décembre 2002, dominée majoritairement par le RPT. En effet, cette modification constitutionnelle consacra l'illimitation du mandat et du mode de scrutin. Cette manoeuvre du pouvoir politique en place d'alors avait pour but principal de permettre à GNASSINGBÉ Eyadema, au pouvoir depuis 1967, de se représenter pour un troisième mandat de cinq ans car la constitution dans sa version originale en limitait le nombre à deux. De plus, la révision constitutionnelle de 2002 a opéré un renforcement des pouvoirs du Président au détriment du Premier ministre.

Selon le journal Jeune Afrique, en début février 2005, alors que le Président sentait un malaise, si l'on en croit le ministre de la communication d'alors, Pitang Tchalla, le président de l'Assemblée Nationale Fambaré Natchaba, qui séjourne en mission à Bruxelles, est alors contacté : « rentre au plus vite, le président veut te voir »83. Le 5 février 2005 alors que le pays était sous la présidence de GNASSINGBÉ Eyadema, ce dernier décède à la suite d'une crise cardiaque. Un double coup d'Etat militaire et constitutionnelle plaça son fils M. Faure Essozimna Gnassingbé à la tête du pays. Suite à des protestations populaires et aux pressions internationales, celui-ci abdiqua mais reviendra à la suite d'une élection désordonnée qui généra des violences singulières avec plus de 500 morts selon un rapport de l'ONU et de nombreux réfugiés dans les pays voisins. Au lendemain de la crise post-électorale de 2005, le président de la République, S.E.M. Faure Essozimna Gnassingbé s'était engagé aussitôt après sa prise de pouvoir, dans un dialogue avec la classe politique et la société civile du Togo.

Les évènements qui ont suivi de 2005 à 2020 ont marqué la vie politique togolaise. En effet, les contestations électorales de 2010, 2015 et 2020 ont été des phénomènes qui ont basculé la vie sociopolitique togolaise. En effet, après plusieurs manifestations pour revendiquer les réformes en 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, les Togolais vont exiger en 2017 au retour à la version originelle de la constitution de 1992, à la révision du code électoral et au vote des Togolais de la diaspora. Aux yeux de plusieurs observateurs internationaux, ces troubles conduiront à la médiation de la CEDEAO et fera plusieurs morts. C'est dans ce contexte que le Togo poursuivra sa politique avec une majorité parlementaire qui sera élu aux élections législatives de 2018 après de boycott de certains partis de l'opposition. Cette situation facilitera la réélection du Président de la République Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé lors de l'élection présidentielle du

83 SOUDAN François et MORAUX Jean-Pierre, « Ce jour-là : le 5 février 2005, les dernières heures de Gnassingbé Eyadema », jeune Afrique, consulté le 17 octobre 2021 à l'adresse https://www.jeuneafrique.com/108827/politique/de-p-re-en-fils-les-derni-res-heures-de-gnassingb-eyad-ma/

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22 février 2020 après une modification de la Constitution lui permettant de se présenter une quatrième fois. Le Togo a eu une histoire sociopolitique mouvementée de 1990 jusqu'à 2020. Ce phénomène n'a pas épargné la Côte d'Ivoire. Cette étude abordera dans la partie suivante, les crises ivoiriennes (paragraphe 2).

Paragraphe 2 : Des crises ivoiriennes

Le vent de l'Est qui a soufflé sur le continent africain a engendré de profondes mutations dans les discours politiques. Si dans certains pays, la libéralisation du champ politique a été rapide, il faut noter qu'en Côte d'Ivoire, elle a été confrontée à de multiples affrontements. Considérée comme la seconde puissance économique de la sous-région ouest-africaine, la Côte-d'Ivoire, tout comme d'autres pays africains, a connu une période de crises plus meurtrières qui ont perturbé toute la sous-région. L'analyse de ces crises ne peut se faire sans un retour sur les piliers de l'idéologie structurante des trente-trois années de régulation politique de Félix Houphouët-Boigny, l'homme charismatique qui aura orienté, de façon décisive, la pratique et la pensée politique dans ce pays. Au bout d'un long règne, celui-ci a marqué la destinée de la Côte d'Ivoire en l'emmenant à une indépendance négociée en 1960. Après l'indépendance, il est resté à la tête de ce pays jusqu'à sa mort en 1993. Il a laissé un héritage politique, mieux, une ingénierie politique appelée « houphouétisme », diversement appréciée. En effet, « l'houphouétisme est un ensemble de principes structurants et de pratiques diversement interprétées ; il fonctionne comme un système de référence et une culture politique socialement reconnue mais non conceptualisés »84.

A la mort de Félix Houphouët-Boigny, une lutte de succession déclenche et c'est le Président de l'assemblée nationale, Henri Konan Bédié, conformément à l'article 11 de la constitution, qui achève le mandat présidentiel.

Pour augmenter son stock de ressources politiques et prendre le pouvoir, Henri Konan Bédié crée et manipule l'idée de l' « ivoirité » et fait des différences régionales et ethno-religieuses le principal enjeu politique afin d'exclure de la course au pouvoir l'ancien premier ministre Alassane Ouattara, un musulman du nord du pays et actuel Président de la République de Côte-d'Ivoire depuis le 6 mai 2011. Le 8 décembre 1994, un nouveau code électoral est adopté ; imposant aux candidats aux élections de prouver leur ascendance et leur nationalité ivoirienne. En effet le concept d' « ivoirité » d'après Georges Niangoran-Bouah, c'est « l'ensemble des données socio-historiques, géographiques et linguistiques qui

84 AKINDES Francis,Op.cit.

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permettent de dire qu'un individu est citoyen de Côte d'Ivoire »85. L'individu qui revendique son ivoirité est supposé avoir pour pays la Côte d'Ivoire, né de parents ivoiriens appartenant à l'une des ethnies autochtones de la Côte d'Ivoire.

C'est en décembre 1994, sous un climat déjà tendu, que le Code électoral est révisé. Dans la révision, il est imposé aux candidats à la présidence de prouver leur ascendance ivoirienne, garante de leur citoyenneté. Contrairement à certaines opinions comme le souligne Saliou Touré, « la notion d'ivoirité n'est ni sectarisme étroit, ni expression d'une quelconque xénophobie; elle est la synthèse parfaite de notre histoire, l'affirmation d'une manière d'être originale, bref, un concept fédérateur de nos différences »86. Benoït Sacanoud souligne également que, « l'ivoirité est ce lien essentiel qui se tisse au fil du temps entre notre pays et la manière dont chacun y vit et travaille, mais aussi un message de fraternité et de progrès pour réussir une intégration régionale économique profondément humaine »87.

Cependant, plusieurs auteurs ne sont pas de cet avis. Ainsi, plusieurs faits, souligne le professeur J.-N. Loucou, peuvent justifier l'inquiétude des Ivoiriens:

« ... c'est d'abord l'importance numérique des étrangers en Côte d'Ivoire [...] liée à un fort taux d'immigration et à une forte natalité [...]. Les étrangers [...] occupent une place prépondérante parfois hégémonique dans l'économie ivoirienne. Cette présence étrangère menace donc de rompre l'équilibre socio-économique du pays. En deuxième lieu, l'angoisse du comment peut-on être ivoirien, renvoie à la quête d'une identité culturelle nationale. [...] Enfin, le comment peut-on être ivoirien traduit la revendication politique d'être chez soi. [...] L'ivoirité est, selon nous, une exigence de souveraineté, d'identité, de créativité. Le peuple ivoirien doit d'abord affirmer sa souveraineté, son autorité face aux menaces de dépossession et d'assujettissement: qu'il s'agisse de l'immigration ou du pouvoir économique et politique »88.

Toujours dans un climat politique mouvementé, une nouvelle modification constitutionnelle survient le 30 juin 1998 renforçant les pouvoirs du Président de la République. Mais le quinquennat du Président Henri KONAN BEDIE fut interrompu par le coup d'état du 24 Décembre 1999. A la suite de ce putsch, un Comité National de Salut Public (CNSP) ayant pour Président, le Général de Brigade Robert GUEI, était mis en place. Le changement de pouvoir était suivi de la dissolution des institutions et de la suspension de la

85 Curdiphe, « L'ivoirité, ou l'esprit du nouveau contrat social du Président H. K. Bédié », Politique africaine, vol. 78, no. 2, 2000, pp. 65-69

86 TOURE Saliou, Cité par la Curdiphe, op.cit.

87 SACANOUD Benoït, cité par la Curdiphe, op.cit.

88 J.-N. Loucou, cité par la Curdiphe, op.cit.

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constitution. Le 23 juin 2000, une nouvelle constitution est adoptée par referendum à la grande majorité de 86,53% de OUI contre 13,47% de NON. Selon Maitre Françoise Kaudjhis-Offoumou, « ce OUI massif signifiait la haute portée historique de poser cet acte juridique fondamental afin de sortir le pays de la période de transition et permettre les élections présidentielles et législatives pour avoir une vie institutionnelle normale»89. L'article 35 de cette constitution stipulait: « ...le Président doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité »90. Cette disposition constitutionnelle conduira à éliminer Alassane Ouattara de l'élection présidentielle du fait de ses origines burkinabés ainsi que plusieurs autres candidats. Sur 19 dossiers de candidatures dont 9 émanaient du PDCI et 1 du RDR, réceptionnées par la Commission Nationale Electorale (CNE), 14 ont été rejetés par la chambre constitutionnelle de la Cour Suprême présidée en ce temps-là par Monsieur TIA KONE. Monsieur Laurent GBAGBO, candidat du FPI dont la candidature a été retenue, s'exprime à travers le journal N° 731 « Notre Voie » le 19 octobre 2000 en ces termes : « nous ne nous laisserons pas faire face à la fraude qui se prépare »91. Lors de son passage à SAN Pedro, il dira:

« chers parents, nous allons gagner le 22 Octobre même si certaines personnes veulent bourrer les urnes. On dit qu'à Abidjan, quand on arrête les bandits, on les amène à l'école de police, dans les camps militaires et on met leurs empreintes sur les bulletins de vote. Je voudrais dire à ceux qui font ça qu'ils pensent à la Côte d'Ivoire parce qu'ils sont en train de préparer la guerre civile. Les enfants de Côte d'Ivoire ne se laisseront pas faire. Nous avons lutté. Nous sommes comme les enfants de Dieu sortis d'Egypte, qui ont marché pendant 40 ans dans le désert. Nous voyons la terre promise, et tous ceux qui se dresserons contre nous, nous allons les combattre ... si nous élisons Dimanche prochain un militaire arrivé à la suite d'un coup d'Etat, la Côte d'Ivoire sera mise au ban des nations ... chaque chose a son temps. Ceux qui parlent d'Houphouët-Boigny oublient que le temps Houphouët est passé »92.

L'ambiance de la période de campagne laissait déduire qu'en réalité sur les 5 candidats à l'élection, le jeu devait se faire entre deux : GBAGBO et GUEI. Lors de son dernier meeting à Yopougon, GBAGBO déclare:

89Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU Françoise, «Les Elections ivoiriennes de l'an 2000 », Journal of African Election, Vol.1, Mai 2001, consulté en ligne à l'adresse https://www.eisa.org/pdf/JAE1.1Offoumou.pdf

90 Article 35 de la constitution de Côte-d'Ivoire

91 Maître KAUDJHIS - OFFOUMOU Françoise, op.cit.

92 Idem

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« le choix qui s'offre à la Côte d'Ivoire : soit une alternance à la sénégalaise c'est-à-dire en douceur et dans la dignité, soit une alternance à la Yougoslave où la rue se charge d'imposer sa volonté. Si on vous vole votre victoire, prenez la Radio, la Télévision, la Primature, la Présidence de la République »93.

De son côté, le Général Robert GUEI affirmait :

« soyez assurés d'une chose, mes chers compatriotes. Si je venais à être battu aux prochaines élections, c'est en digne héritier du Président Félix HOUPHOUET BOIGNY et en démocrate convaincu et sincère que je remettrai le pouvoir selon les formes légales à son nouveau titulaire que le peuple Ivoirien aura librement choisi »94.

A l'issu de cette élection remportée par Monsieur Laurent Gbagbo avec 59,36%, le pays connu une fois encore des manifestations sans précédent. Cet évènement inaugure une situation d'instabilité politique qui durera jusqu'en avril 2011. Le mandat de Laurent Gbagbo, marqué par un coup d'Etat échoué en 2002 et un conflit avec les rebelles du Nord du pays, les Forces Nouvelles et leur branche armée des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN). Après plusieurs accords dont les accords de Linas Marcoussis (France) et l'Accord de Paix de Ouagadougou (APO) il sera décidé de se désarmer et dans cet environnement, aura lieu le premier tour du scrutin présidentiel le 31 octobre 2010. Malgré tout le second tour de cette élection opposant M. Laurent GBAGBO et M. Alassane OUATTARA suscitera des revendications sans précédent après les résultats du 2 décembre 2010 par la Commission Electorale Indépendante95 proclamant M. Alassane OUATTARA vainqueur de l'élection avec 54,10% des voix contre 45,90% pour le candidat Laurent GBAGBO.

Face à ces résultats, s'autosaisissant du dossier, Paul Yao NDRE, le Président du Conseil Constitutionnel96, a invalidé les résultats de sept départements97 tous situés en zone Centre-Nord-Ouest (CNO). Il a proclamé Laurent GBAGBO vainqueur de l'élection présidentielle de 2010 avec 51,45 % contre 48,55 % pour Alassane OUATTARA.

Le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, s'appuyant sur des critères d'authentification acceptés par les acteurs politiques ivoiriens suivant l'accord de

93 Maître KAUDJHIS - OFFOUMOU Françoise, op.cit.

94 Maître KAUDJHIS - OFFOUMOU Françoise, op.cit

95Election présidentielle ivoirienne de 2010, consulté en ligne le 11 janvier 2022 sur https://en.wikipedia.org/wiki/2010_Ivorian_presidential_election#:~:text=Presidential%20elections%20were%2 0held%20in%20Ivory%20Coast%20in,Alassane%20Ouattara%2C%20was%20held%20on%2028%20November %202010.

96 Election présidentielle ivoirienne de 2010, Op.cit.

97 Bouaké, Korhogo, Ferkessédougou, Katiola, Boundiali, Dabakala et Séguéla

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Pretoria du 6 avril 2005 et en référence aux copies des procès-verbaux des résultats compilés par les bureaux de vote ainsi qu'aux résultats finaux de la commission électorale indépendante, déclare M. Alassane OUATTARA vainqueur de l'élection en estimant que les résultats données par le Conseil constitutionnel n'étaient pas conforment à la réalité des faits. Selon le rapport d'enquête sur les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire survenues dans la période du 31 octobre 2010 au 15 mai 2011, « la victoire d'Alassane Ouattara a été reconnue par la CEDEAO, l'Union Africaine, l'Union Européenne et l'ONU et la Communauté Internationale dans son ensemble »98. Le 4 décembre 2010, alors que M. Laurent GBAGBO prêtait serment au Palais Présidentiel, le même jour, M. Alassane OUATTARA a prêté serment par écrit à l'hôtel du Golf.

Le refus de M. GBAGBO de reconnaître les résultats de l'élection tels que certifiés par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et reconnu par la communauté internationale, régionale et sous régionale fera l'objet d'une contestation sans précédente et aboutira à son arrestation. Sous la présidence de Monsieur Alassane OUATTARA, la Côte-d'Ivoire évoluera toujours dans la perspective de la construction de l'unité nationale. Il sera réélu une deuxième fois dès le premier tour le 25 octobre 2015 et une troisième fois le 31 octobre 2020. En effet, la toute dernière élection a subi le boycott de l'opposition et laisse place au président sortant Alassane OUATTARA d'être réélu dès le premier tour.

La multiplicité des crises dans cette partie du continent, c'est-à-dire la région ouest africaine nécessite une organisation en charge de leur gestion. C'est ainsi que la CEDEAO va se lancer dans cet élan de maintien de la paix à travers ses organes. La seconde section sera consacrée à l'implication de la CEDEAO dans les crises sociopolitiques.

SECTION 2 : LA NECESSAIRE IMPLICATION DE LA CEDEAO

Depuis les années 1990, le monde connaît de nombreuses crises sociopolitiques. L'Organisation des Nations Unies, une organisation à vocation universelle ayant pour objectif principal le maintien et la consolidation de la paix et de la sécurité internationale, face à cette multitude de crises, a confié la gestion de ces dernières aux organisations régionales. C'est dans ce prolongement que l'UA se verra confier la gestion des crises au niveau continental. La dimension continentale de l'Union africaine limite sa capacité à résoudre des conflits à

98 Rapport d'enquête sur les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire survenues dans la période du 31 octobre 2010 au 15 mai 2011

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caractère sous régional. L'approche de l'UA a donc été de confier la gestion des crises à ses correspondantes dans le sous-continent concerné, les organisations d'intégration régionale, voire à des regroupements ad hoc. C'est ainsi que la situation au Mali a été confié à l'IGAD et celle du Zimbabwe à la SADC. L'Afrique de l'Ouest ne sera pas en marge de cette donne ; ainsi donc et en s'alignant derrière Francis Saudubray99, la gestion des crises togolaise et ivoirienne sera confiée à la CEDEAO.

Créée au départ en 1975 à Abuja avec pour objectifs le développement, la coopération et l'intégration économique, sociale et culturelle pour aboutir à une union économique et monétaire, la CEDEAO comme son nom l'indique, est un regroupement des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Son traité a été révisé le 24 juillet 1993 pour élargir les objectifs de cette dernière à la prévention et au règlement des conflits régionaux de la communauté.

En effet, la multiplicité des conflits en Afrique de l'ouest, la prise de conscience de la dangerosité de ces crises qui prévaut dans cette partie du continent et la nécessité de l'afro-appropriation des crises sont quelques raisons qui vont emmener la CEDEAO à s'immiscer dans les crises sociopolitiques de son espace avec pour objectif de maintenir la paix et la sécurité.

Il sera question d'étudier ici dans un premier paragraphe, la sécurité collective de la CEDEAO et dans un second paragraphe, les actions de cette dernière dans les crises togolaises et ivoiriennes.

Paragraphe 1 : La sécurité collective au sein de la CEDEAO

Au cours du XXe siècle, la communauté internationale a pris conscience que la paix ne se décrète pas par des traités, mais qu'elle dépend largement de l'instauration d'une communauté internationale capable d'agir comme acteur collectif. Un nouveau millénaire a été ainsi donc inauguré par la fin de la guerre froide. C'est d'ailleurs ce qui a provoqué la naissance des organisations internationales telles que la SDN, l'ONU. Selon Delphine Deschaux-Dutard, « la création des Organisations internationales a introduit une idée nouvelle : la guerre et l'équilibre des puissances entre les Etats ne constituent plus des instruments permettant de garantir une sécurité durable sur la scène internationale »100 ; poursuivant son analyse, elle souligne que « la fin de la guerre froide a offert aux

99 SAUDUBRAY Francis, « Les vertus de l'intégration régionale en Afrique », Afrique contemporaine, vol. 227, no. 3, 2008, pp. 175-185.

100 DESCHAUX-DUTARD Delphine. « Les acteurs régionaux et la sécurité internationale », Presses universitaires de Grenoble, 2018,

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organisations régionales de sécurité comme l'OTAN, l'Union européenne ou l'Union africaine une opportunité sans précédent de s'occuper de la sécurité internationale »101. En effet, cela reste l'une des répercussions de la fin de la confrontation Est-Ouest. Barry Buzan, l'un des premiers universitaires à s'intéresser dans les années 1980 aux « complexes régionaux de sécurité » postule que le niveau classique d'analyse de la sécurité internationale, c'est-à-dire le niveau du système interétatique, qui se focalise sur quelques puissances majeures, ne permet pas de rendre compte de l'ensemble des problématiques de sécurité contemporaines pour les Etats. Dans cette perspective, va naître au sein des Nations Unies la promotion des accords régionaux destinés à régler les affaires qui touchent à la paix et à la sécurité internationale. A titre illustratif, on peut citer l'article 52 de la charte des Nations Unies qui dispose qu' :

« aucune disposition de la présente Charte ne s'oppose à l'existence d'accords ou d'organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies »102.

L'origine de la discipline des Relations Internationales et le principe de « sécurité collective » « découlent tous deux des effets terribles de la Première Guerre mondiale et tous deux ont eu pour objectif d'éviter que ne se reproduise une telle catastrophe »103. Par ailleurs, ce concept de « sécurité collective » diffère de celle de « communauté de sécurité » dite pluraliste, théorisé par Karl Deutsch. Ainsi selon Paul Elvic Batchom, « si cette dernière proscrit l'usage de la violence, elle est toutefois, comme la sécurité collective, centrée sur les États qui en sont membres, entre lesquels le recours à la force est impensable »104.

Depuis 1999, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est devenue un acteur majeur dans la sécurité collective ouest-africaine qu'elle s'évertue par ailleurs à structurer et à consolider. L'évaluation de son agenda et de ses activités durant 1990 à 2020 confirme la prépondérance des problématiques liées à la paix et à la sécurité. En effet, à partir des années 1990, le continent africain a été affecté par le phénomène des instabilités politiques et la mauvaise gouvernance. En 1991, alors que l'on vivait le conflit Sierra-Léonais, des militaires réunis grâce à l'organisation sous régionale CEDEAO

101 DESCHAUX-DUTARD Delphine, Op.cit.

102 Article 52 de la Charte des Nations Unies

103 HATTO Ronald, Le maintien de la paix. L'ONU en action, Armand Colin, 2015, pp. 21-35.

104 BATCHOM Paul Elvic, « La sécurité collective en Afrique post-guerre froide », consulté en ligne le 13 Novembre 2021 à l'adresse https://www.academia.edu/10517034

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s'engagent comme observateurs en soutien au président Joseph Momoh qui fait face à une rébellion du RUF. Mais la première intervention explicite de la CEDEAO a lieu comme corollaire à la décision Dec. A/DEC/7/8/97 intervenue suite au coup d'Etat du 25 mai 1995, qui renverse le président démocratiquement élu Ahmed Tejan Kabbah. Comme il a été souligné précédemment, ce n'est qu'à partir de 1999 que la CEDEAO décide de faire de l'Economic Community of West African States Cease-Fire Monitoring Groupe (ECOMOG) une instance permanente dotée d'objectifs105 précis. Selon Paul Elvic Batchom, il s'agissait d'une institutionnalisation dont les usages ont constitué la première phase d'un processus de redéfinition institutionnelle. Cette politique de la sécurité collective n'est pas principalement en Afrique de l'Ouest. En effet, c'est le cas également dans d'autres espaces sous régionales telles que la CEMAC avec la crise politique en 2002 qui opposait le Président Ange-Félix Patassé au général François Bozizé Yangouvounda en RCA.

L'élargissement des compétences de cette dernière, conformément au protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ; ce protocole a vu le jour avec la participation des Chefs d'Etats et de Gouvernement des Etats membres de cette communauté. En effet, dans la perspective de restaurer la paix et la sécurité dans la sous-région, la CEDEAO s'est dotée le 10 décembre 1999 à Lomé, d'un mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Ce mécanisme réaffirme les engagements pris au titre du protocole de non-agression signé à Lagos le 22 avril 1981 et les dispositions de la déclaration des principes politiques de la CEDEAO adopté à ABUDJA le 06 juillet 1991 sur la liberté, les droits des peuples et la démocratisation.

Par ailleurs, la CEDEAO comporte plusieurs institutions à savoir la conférence des chefs d'Etats et de gouvernements, le conseil de médiation et de sécurité, le secrétariat exécutif. Le mécanisme dispose de trois organes : la commission de défense et de sécurité, le conseil des sages, le groupe de contrôle du cessez-le-feu de la CEDEAO-ECOMOG.

Depuis son adoption, les institutions du mécanisme ont été mises en place et ont pris en charge l'ensemble des questions relatives à la paix et à la sécurité dans la sous-région. Les

105 Les objectifs de l'ECOMOG sont : 1) observer et superviser les cessez-le-feu ; 2) maintenir et construire la paix ; 3) effectuer des interventions humanitaires ; 4) effectuer les déploiements préventifs ; 5) désarmer, démobiliser les forces armées non régulières.

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différentes crises sont examinées de façon profonde par les structures appropriées du mécanisme en vue de restaurer une paix durable dans la sous-région.

L'analyse de la sécurité collective au sein de la CEDEAO nous révèle de multiples interventions. L'heure n'est pas au bilan, mais il s'agit tout simplement de s'interroger sur la question des actions de la CEDEAO tant au Togo qu'en Côte-d'Ivoire.

Paragraphe 2 : Les actions de la CEDEAO dans la résolution des crises togolaises et ivoiriennes

La gestion d'une situation de crise implique bon nombre d'action. En effet, pour gérer une crise, il est important de prendre en compte trois périodes. Il s'agit de la période avant la crise, la période pendant la crise et la période après la crise. Généralement, il y'a crise lorsque les mécanismes mis en place pour le prévenir ont été inefficaces. C'est le cas de toute cette panoplie de crises sociopolitiques que nous vivons partout dans le monde et en Afrique en particulier.

Le continent africain à partir des années 1990 a connu de multiples crises. Ces crises ont toujours fait l'objet d'intervention d'une organisation internationale ou régional. L'Afrique de l'ouest est cette partie du continent qui intéresse cette étude et plusieurs actions ont été menées pour résoudre les crises dans les pays de cet espace. Les actions menées par la CEDEAO au Togo et en Côte-d'Ivoire dans la résolution de leurs crises sociopolitiques peuvent varier les unes des autres en raison de la spécificité des crises.

Face à ces situations de crises, la CEDEAO a utilisé deux mécanismes fondamentaux pour intervenir dans les crises et conflits qui secouent ces deux Etats membres. Il s'agit de la diplomatie et de la force avec toutes les conséquences qui en découlent. Ces mécanismes ont permis de faire face aux crises qui ont eu lieu au Togo et en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, il faut noter que ces deux mécanismes ont été employés en Côte-d'Ivoire ; par contre au Togo, il a été question d'utiliser la diplomatie pour amener le pays a une sortie de crise.

Durant la période 1990 à 1998, les émissaires de la CEDEAO et des envoyés spéciaux des Nations Unies et de la France avaient pris part aux pourparlers de la conférence nationale de 1991 au Togo. Ceci sur appel de l'élite intellectuelle togolaise qui composait la classe de l'opposition politique d'alors. Cette sollicitation pour observer les dérives du pouvoir du général Eyadema, aboutit à la suspension de l'aide de l'Union Européenne au développement. C'est d'ailleurs la seule mesure contraignante de la communauté internationale envers le

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régime d'Eyadema. Ainsi, c'est dans cette situation de tension que la constitution de 1992, fut votée et adoptée par référendum.

Aux lendemains de la conférence nationale togolaise dont la CEDEAO a joué un rôle très important qui a abouti à la constitution de 1992, et déboucher sur les pressions de la communauté internationale notamment l'UE, la CEDEAO n'a joué qu'un rôle minime sur cette période au Togo. L'élection du général Eyadema à la présidence de la CEDEAO en 1999 va être le départ d'une nouvelle forme d'immixtion de l'organisation ouest africaine dans la crise togolaise.

Durant la période 1998 jusqu'à la mort du général en 2005, la CEDEAO a de nouveau intervenu dans les crises togolaises. Mais après les élections présidentielles `'douteuses»de 1998, les répressions de l'union européenne étaient fermes. Après plusieurs tentatives, le général n'a pu résoudre les crises qui minent ; la sous-région se retrouve face à une crise économique. Le pays entre dans une crise politique pointue que les échanges engagés à la fin de l'année 1998 entre le gouvernement et l'opposition ne parviennent pas à résoudre. Boycottées par l'opposition, les élections législatives de mars 1999 confèrent au RPT la totalité des sièges au Parlement. Grâce à la médiation de plusieurs pays africains et européens, le dialogue inter-togolais aboutit au mois de juillet à la signature d'un accord entre gouvernement et opposition. C'est ainsi que « la situation politique au Togo, ne trouvera une réelle amélioration tant sur le plan des violations des droits de l'homme, que sur le plan de la décrispation de la situation politique, que si une volonté du pouvoir en place est effective »106.

A la suite de l'élection présidentielle de juin 2003, la CEDEAO tout comme la communauté internationale ont dénoncé le processus électoral mais ont pris acte du résultat final. Dans les conditions de détente politico-économique du pays, le Président Eyadema trouva la mort le 5 février 2005. Cette situation va permettre la CEDEAO de jouer un rôle capital dans la crise sociopolitique togolaise étant donné que le mentor et personne à craindre de l'institution n'était plus, on pourrait sans doute agir sans peur de représailles de quelle nature que ce soit.

La crise de succession déclenchée à la suite de la mort du général Eyadema va conduire à la démission de Faure Gnassingbé, fils du défunt censé le remplacer malgré que les dispositions constitutionnelles prévoyaient que ce soit le Président de l'Assemblée nationale. L'intervention du Président en exercice d'alors de la CEDEAO, M. Mamadou TANDJA en

106 DEGBE Kossi, Op.cit.

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compagnie du Président malien, M. Amadou Toumani TOURE, a permis la signature le 28 février 2005 d'un accord politique entre le Gouvernement et l'opposition sur les principaux points de divergence concernant l'organisation de l'élection présidentielle. L'élection présidentielle de 2005 a connu une double intervention. Il faut noter que la CEDEAO a joué un rôle crucial dans la gestion de cette crise électorale tout comme en 2010. La CEDEAO a assuré la sécurité des élections présidentielles de 2010. Conformément à articles 3 de la section IV du protocole additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie de la CEDEAO qui stipule que « l'armée et les forces de sécurité publique participent à l'ECOMOG dans les formes prévues à l'Article 28 du Protocole »107, la CEDEAO a envoyé 200 officiers qui ont rejoint quelques jours plus tard par une centaine d'observateurs civils. Après le passage de dénomination du « RPT » à « UNIR », les revendications se poursuivent à propos de l'Accord Politique Général (APG). Aux lendemains de l'élection de 2015, le pays vit une ère de soulèvement populaire entraînant des morts. L'insatisfaction des partis politiques de l'opposition conduit aux manifestions d'août 2017. Dans cette crise, la recomposition de la Cour constitutionnelle, la limitation à deux du mandat présidentiel, le mode de scrutin à deux tours pour l'élection du président de la République, la réalisation des réformes et le vote de la diaspora constituent les principales recommandations de la feuille de route de la 53e session ordinaire de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO sous la facilitation de Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de la Guinée. Malgré tout, ce dernier finira son mandat et sera réélu en 2020 face au candidat de l'opposition Agbéyomé Kodjo qui dénonce les fraudes et revendique la victoire. L'intervention de la CEDEAO au Togo est loin d'être l'unique en Afrique de l'ouest.

Plusieurs crises ont jalonné le territoire ivoirien durant la période 1990 jusqu'à 2020. Par ailleurs, la CEDEAO a toujours été présente dans la promotion de la paix à travers son protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Dans l'optique où les organisations africaines veulent s'approprier la gestion des crises, le rôle de la CEDEAO dans les crises ivoiriennes a été très capital. En effet, que ce soit dans le domaine de l'observation électoral, la bonne gouvernance ou le règlement des conflits, la CEDEAO a toujours joué son rôle. La crise ivoirienne de 2002 a été pour elle un moment fort où elle a joué un rôle décisif avec la bénédiction de l'Union africaine.

107 Article 3 Chapitre IX du protocole additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie de la CEDEAO

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En effet, après la tentative de coup d'Etat manqué dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, la CEDEAO a clairement défendu le respect des institutions républicaines en Côte d`Ivoire. En effet, le Secrétaire Exécutif de la Communauté, Mohamed Ibn Chambas, dans un communiqué le 19 septembre a condamné fermement les violences perpétrées en Côte d'Ivoire. C'est une attitude anticonstitutionnelle avait-il ajouté. De même, plusieurs actions ont été entreprises dans la crise ivoirienne de 2010. Parmi ces actions, on peut noter par exemples la signature du cessez-le-feu du 17 octobre 2002, les négociations de Lomé (12 décembre 2002), le déploiement de la MICECI (18 décembre 2002), accord d'Accra II, sommet d'Abuja (6 octobre 2005), accord de Ouagadougou (4 mars 2007) et le démantèlement de la « zone de confiance »108. La mission de la CEDEAO en Côte d'Ivoire (MICECI) sera la première opération de maintien de la paix entreprise par l'organisation depuis l'entrée en vigueur du nouveau mécanisme sur la prévention, la gestion et le règlement des conflits, la paix et la sécurité. Malgré toutes ces actions, une crise survient au lendemain des élections du 31 octobre 2010. La CEDEAO ne restera pas en marge de la gestion de la crise postélectorale qui s'éclate. C'est alors que la « CEDEAO avec les autres organisations internationales et pays notamment l'ONU, l'Union africaine, la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union européenne, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, pour ne citer qu'eux, ont appelé Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir »109. En effet, aux yeux de la CEDEAO et de l'UA, « il est important de s'assurer que le cas ivoirien ne constitue pas un précédent qui ouvrirait la voie à la contestation des résultats électoraux par les candidats vaincus, dès lors que ceux-ci peuvent se prévaloir d'un soutien militaire »110.

Ainsi, après plusieurs tentatives de médiation et face au refus de Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir, la force militaire était le seul moyen qui puisse lui contraindre à la démission. Déjà, l'on vivait un conflit opposant les « commando invisibles » d'Ibrahim Coulibaly aux troupes loyales à Laurent Gbagbo. La généralisation de ce conflit sur tout l'ensemble du territoire conduira à une attaque de la résidence présidentielle par l'ONUCI ainsi que la force Licorne de l'armée française conformément à la résolution 1975 du Conseil de Sécurité (CS). C'est ainsi que Laurent Gbagbo sera fait prisonnier.

Il faut noter que l'intervention de la CEDEAO en Côte d'Ivoire n'a pas été aussi facile comme le souligne Ndiaye Papa Samba. En effet selon lui:

108 La zone de confiance est une zone qui séparait le nord et le sud ivoirien depuis la fin 2002

109 CATHELIN M., la Côte d'Ivoire entre divisions internes et stratégies internationales, institut d'études de sécurité de l'Union Européenne, Mars 2011

110 Idem

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« la mission de la CEDEAO en Côte d'Ivoire a présenté quelques faiblesses comme : le manque de logistiques propres bien intégrées permettant une intervention rapide et réussie; jusqu'à présent, la CEDEAO n'a pas pu générer ses propres ressources pour ses interventions; les barrières linguistiques constituent toujours un obstacle pour la compréhension mutuelle entre soldats même si en Côte d'Ivoire le problème s'était posé avec moins d'acuité; la CEDEAO en Côte d'Ivoire n'avait pas un commandement stratégique qui donnait des orientations et des pistes à partir de son siège à Abuja pour piloter la mission »111.

Somme toute, l'étude sociologique des crises sociopolitiques dans l'espace CEDEAO nous a permis d'analyser les origines de ces crises au Togo et en Côte d'Ivoire et également d'aborder l'implication de la CEDEAO dans la gestion de ces crises. Par ailleurs, on note de multiples conséquences. Nous allons poursuivre cette recherche en analysant les conséquences ainsi que les approches de solutions.

111 NDIAYE Papa S., « Entre contraintes et bonnes intentions: Les difficultés des organisations internationales africaines dans le domaine du maintien de la paix. L'exemple de la communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en Côte d'Ivoire et ailleurs (Libéria, Sierra Leone, Guinée Bissau) de 1990 à 2003 », thèse de doctorat en études politiques, Université d'Ottawa, 2011.

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DEUXIEME PARTIE : DES CONSEQUENCES AUX APPROCHES DE SOLUTIONS

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Partant de l'idée selon laquelle une conséquence est une suite ou un ensemble d'événements entraînés par une action ou un fait, les approches de solutions quant à elles, sont un ensemble de décisions et d'actes qui peuvent résoudre une difficulté ou les empêcher d'avoir lieu. Il s'agit là des perspectives pour éviter ou résoudre un problème. Telle que explicité, les conséquences et les approches de solutions peuvent s'observer dans plusieurs domaines (social, juridique, économique, politique...).

Dès lors, lorsqu'on parle des conséquences et approches de solutions des crises sociopolitiques, c'est les effets des crises et les moyens pour remédier à ces dernières. Plusieurs réflexions ont été faites en ce sens. L'Afrique noire étant d'ailleurs un lieu par excellence des crises sociopolitiques depuis l'accession de ses Etats à la souveraineté internationale.

A partir des années 1990, le continent africain a été marqué par des changements significatifs. Bien avant, un nouveau processus a débuté avec la fin de la guerre froide, et la « troisième vague de démocratisation » selon Samuel Huntington au début des années 1990 a concrètement donné lieu à quelques expériences réussies tout en maintenant en place une multitude de régimes politiques.

L'avènement du multipartisme dans cette partie du globe a entraîné une reconfiguration de la politique au plan interne comme au plan international. L'Afrique de l'ouest a été confrontée par ces événements qui ont changé la vie sociopolitique de cette partie du continent. En effet, la conférence nationale au Togo par exemple a introduit les germes d'une démocratie politique ; ce qui a permis une certaine multiplication des partis politique sur la scène politique. C'est également le cas en Côte-d'Ivoire lorsque le Président Houphouët Boigny décédait et que le pays entrait dans une lutte de succession. La conquête du pouvoir politique durant cette période a entraîné des conséquences profondes dans la vie des peuples tant au plan interne qu'externe.

Cette période, caractérisée par l'émergence d'une importante littérature pour expliquer les origines des mutations sociopolitiques s'identifie également par la montée en puissance des crises sociopolitiques partout en Afrique sans épargner le Togo et la Côte-d'Ivoire.

Comme le souligne un adage, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. C'est le cas des crises togolaises et ivoiriennes durant la période 1990-2020. Face à ce constat où les crises sociopolitiques engendrent des conséquences, il convient d'y remédier.

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Dans les lignes qui suivent, il sera question de présenter dans un premier temps les conséquences des crises togolaises et ivoiriennes de 1990 à 2020 (Chapitre 1) et dans un second temps les perspectives de solutions aux crises sociopolitiques (Chapitre 2).

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CHAPITRE 1 : LES CONSEQUENCES DES CRISES TOGOLAISES ET
IVOIRIENNES DE 1990 A 2020

Les crises que le Togo et la Côte-d'Ivoire ont connues durant la période 1990-2020 sont énormes et leurs conséquences varient selon les secteurs. En effet, les populations de ces pays ainsi que les pays voisins ont souffert de ces crises petites ou grandes qu'elles ont été. D'ailleurs, toute crise même petite qu'elle soit, a des conséquences tant sur le plan politique, économique et social. Par ailleurs, les effets de ces crises dans un monde mondialisé ne se sont pas limités au plan interne ; on enregistre plusieurs répercussions sur les territoires externes.

En effet, ce chapitre sera consacré à une analyse des conséquences des crises sociopolitiques togolaises et ivoirienne de 1990 jusqu'à 2020 aussi bien sur le plan interne (Section 1) et que sur le plan international (Section 2).

SECTION 1 : ANALYSE DES CONSEQUENCES INTERNES DES CRISES SOCIOPOLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNES DE 1990 à 2020

Toute situation de crise implique nécessairement des conséquences. L'analyse des crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire sur la période 1990-2020 révèle de nombreuses conséquences à l'intérieur du pays.

L'étude des causes de ces crises nous a permis de relever des facteurs aussi bien internes qu'externes. En effet, ces crises ont constitué un véritable casse-tête respectivement dans chacun de ces Etats. Le constat fait par le mouvement Flambeau Citoyen debout est que les crises sociopolitiques sont source d'énormes préjudices non seulement pour les populations, mais aussi fragilisent les fondements d'un Etat de droit.

Dans cet élan, il sera question dans un premier temps d'aborder l'impact des crises sur le plan socio-économique et dans un second temps, évaluer leurs effets sur le plan politique.

Paragraphe L'impact des crises sur le plan socio-économique

Les évènements d'instabilités sociopolitiques survenus au Togo et en Côte-d'Ivoire dans les années 1990-2020 ont eu des conséquences très sévères. L'analyse de quelques crises telles que celles de 2005 et 2017 au Togo et celles de 2002 et 2010 en Côte-d'Ivoire illustrent très bien les effets que peuvent engendrer une crise politique au plan interne.

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Dans cette étude, il est question d'analyser les conséquences sur deux plans ; d'abord sur le plan social et ensuite sur le plan économique. Dans les deux cas, on dénombre pas mal de conséquences.

Sur le plan social, malgré que le Togo ait ratifié les principales conventions relatives aux droits de l'homme112, il est à noter que les crises sociopolitiques togolaises des années 1990 jusqu'à 2020, selon le rapport de la mission des nations unies, ont constitué un coup sur la violation des droits de l'homme, augmentation du nombre de personnes déplacés, détérioration de la situation au niveau de la sécurité etc.

Toutefois, ces conventions ratifiées par le Togo font partie intégrante de la constitution togolaise. D'ailleurs l'article 140 de ladite constitution précise que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie »113. Il faut également le rappeler, selon le rapport de la mission des nations unies, « le Togo a été le premier pays africain à se doter d'une Commission nationale des droits de l'homme en 1987 »114. En dépit de l'article 50 de sa constitution qui stipule que « les droits et devoirs énoncés dans la Déclaration Universelle des droits de l'homme et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, ratifiés par le Togo font partie intégrante de la présente Constitution »115, « La situation des droits de l'homme au Togo était caractérisée par une absence persistante de respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales, et un constant déficit démocratique »116.

Ce constat qui est fait de la violation des droits de l'homme lors de la crise togolaise de 2005 est presque le même en 2017. En effet, la vie sociopolitique togolaise a été marquée par une crise qui a débuté en août 2017. Cette crise faut-il le rappeler portait sur la modification de la constitution pour limiter le nombre de mandat et empêcher le président Faure Essozimna Gnassingbé de se présenter aux élections présidentielles de 2020. Cette crise a suscité au sein

112 Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (en 1984), le pacte international relatif aux droits civils et politiques (en 1984), la convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (en 1972), la convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (en 1983), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (en 1987) et la convention relative aux droits de l'enfant (en 1990

113 Article 141 de la constitution togolaise

114 Rapport de la mission des Nations Unies

115 Article 50 de la Constitution togolaise

116 Rapport de la mission des Nations Unies

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des populations togolaises une insécurité grandissante. Les évènements qui se sont déroulés à Mango, Kara, Bafilo, Sokodé et Lomé durant cette crise en sont des illustrations.

En Côte-d'Ivoire, les évènements de 2002 et 2010 ont causé d'énormes conséquences sur le plan social. On peut les relever sur deux catégories principales à savoir l'éducation et la santé. Sur le plan éducatif, on peut noter l'incendiassions des écoles françaises à Abidjan et dans d'autres Villes du Sud par les « jeunes patriotes » miliciens pro-gouvernementaux. Par ailleurs, sur le plan sanitaire, « la situation sanitaire de la Côte d'Ivoire est une situation préoccupante au point de vu spécifiquement national »117.

Les conséquences sociales de ces périodes de crise dans les deux pays sont nombreuses; toutefois on ne peut négliger le poids qu'a connu le côté économique. En effet, les périodes de crises ne favorisent pas l'investissement étranger à cause de l'insécurité qui y règne. C'est ce qui a été observé durant les crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire depuis les années 1990.

En Côte d'Ivoire, et précisément dans les années 2004-2005, l'exportation du cacao a été confronté aux aléas de la crise ; ce qui a entraîné des perturbations du cheminement vers le port d'Abidjan. Au premier semestre 2011 après la crise électorale, l'activité économique est entrée en récession en lien avec la paralysie engendrée par la pénurie de liquidités dans, imputable à l'arrêt des activités de la quasi-totalité des institutions financières ainsi que des entreprises privées du fait de l'insécurité et de la suspension du système de compensation bancaire par la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO).

Au Togo, d'un point de vue général, les crises sociopolitiques ont eu un impact négatif sur l'économie du Pays. La cessation des activités commerciales et les difficultés de transport dues au bouclage des villes par exemple en sont des illustrations parfaites des causes qui ont rendu vulnérable l'économie du pays.

Paragraphe 2 : Évaluation des effets des crises sur le plan politique

Les événements survenus au Togo et en Côte-d'Ivoire ont profondément impacté la situation politique des deux pays. Dans cette quête du pouvoir qui conduit à des manifestations sans précédents, certains régimes se sont solidifiés dans certains pays tel que le

117 MIKOLO Halerre Herphi Bouyoméka et AVLESSI Pascaline, Analyse des faits politiques en Afrique: cas de la Cote d'Ivoire, projet cerco du Bénin, licence en communication et relations internationales, 2010

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Togo et d'autres ont connu des changements de régime comme c'est le cas de la Côte-d'Ivoire avec la venue au pouvoir du Président Alassane OUATTARA.

Au Togo, depuis les années 1990 avec les conférences nationales jusqu'à la mort du président Gnassingbé Eyadema, les crises sociopolitiques n'ont jamais pu renverser le pouvoir en place. Certes, certaines crises ont apporté des coups au pouvoir en place mais jamais n'ont pu renverser celui-ci. La conférence nationale togolaise tenue du 8 juillet au 28 août 1991 a eu des effets sur le plan politique. Dans une période où la démocratie prend son élan avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique, le pouvoir du président Gnassingbé Eyadema se voyait remis en cause. A la suite de l'adoption par le peuple d'une nouvelle constitution interdisant le président de la république de se représenter pour un troisième mandat, une crise s'éclate et avec la grande « défection » de 1993, le Général conserva son fauteuil.

En 1998, à la suite du scrutin présidentiel, plusieurs revendications ont été faite mais cela n'a pas empêché que le président Gnassingbé Eyadema soit le vainqueur de l'élection. Le règne du président Gnassingbé Eyadema a été une période de renforcement du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT).

De 1998 jusqu'à 2005, le pouvoir politique togolais a été renforcé avec la modification constitutionnelle de 2002. En effet, la modification de 2002 avait pour but principal de permettre au Général Gnassingbé Eyadema, au pouvoir depuis 1967, de se représenter pour un troisième mandat de cinq ans car la constitution, dans sa version originale, en limitait le nombre à deux. Aussi, la révision intervenue a opéré un renforcement des pouvoirs du président au détriment du Premier ministre qui se retrouve dans un rôle de simple exécutant de la volonté du président, alors que le texte constitutionnel dans sa version d'origine octroyait la détermination et la conduite de la politique de la nation au Premier ministre.

L'arrivée au pouvoir du président Faure Essozimna Gnassingbé à la suite du décès de son père fut marqué par un coup d'Etat constitutionnel qui a suscité l'intérêt de la communauté internationale.

Depuis son arrivée au pouvoir, le pouvoir de Faure Gnassingbé s'est vu renforcé au fil du temps et le parti au départ « RPT » change de domination pour devenir « UNIR » le 14 avril 2012. A en croire certaines organisations de la société civile du Togo,

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« selon certains analystes, le parti UNIR n'est qu'une nouvelle dénomination pour faire perdurer le système RPT. Selon d'autres interprétations, le mouvement UNIR, doit servir pour le président Faure d'acte de rupture avec le passé, et de rassemblement des forces politiques du centre. Il doit permettre une recomposition de l'espace politique togolais »118.

Ce changement de dénomination est une illustration des changements politiques survenu au Togo depuis 1990. La question de la transition reste encore poser ; car le fait que le fils succède à son père ne constitue pas une transition. Ce problème s'illustre bien à travers une phrase : « s'il n'y avait pas la question du nom (fils de son père), le bilan est acceptable »119. Le régime RPT-UNIR demeure malgré les contestations des opposants tels que Tikpi Atchadam, Jean Pierre Fabre et Agbéyomé Kodjo.

Contrairement au Togo, la Côte-d'Ivoire a connu des changements politiques depuis l'avènement de la deuxième vague de démocratisation jusqu'à 2020. Dans cette longue période, la mort d'Houphouët Boigny a fait naître des divisions dans la scène politique et principalement parmi les « trois héritiers présomptifs »120.

Illustrant à juste titre les conséquences politiques survenues en Côte-d'Ivoire à cause des crises sociopolitiques, Herphi Halerre Bouyoméka Mikolo et Pascaline Avlessi soulignent que:

« La rébellion de 2002 en Côte d'Ivoire a divisé le pays en deux parties, avec le nord contrôlé par les rebelles des Forces Nouvelles, qui ont soutenu Alassane Ouattara et le sud aux mains du gouvernement dirigé par Laurent Gbagbo. Dès lors, la Côte d'Ivoire a eu deux gouvernements, deux administrations, deux armées, et deux leaders nationaux »121.

Aux évènements qui suivirent la rébellion, plusieurs massacres ont eu lieu et « on dénombre la mort de certains politiciens tels que Aboubacar Dosso, Adama Cissé, Coulibaly Lanzeni, Coulibaly Seydou, le colonel Ouatara Oyenan, Téhé Emile et Dodo Habib »122.

Cette liste de cas d'exécution pour des raisons politiques est loin d'être exhaustive. L'ampleur de la crise que la Côte-d'Ivoire a connu de 2002 à 2004 a entraîné un grand

118 Rapport décennal 2005-2015 de six organisations de la société civile du Togo, consulté en ligne le 08 décembre 2021 à l'adresse https://www.fidh.org/IMG/pdf/rapport_togo_2015-.pdf

119 Idem

120 GBAGBO Laurent, BEDIE Henri Konan et OUATTARA Alassane Dramane,

121 MIKOLO Halerre Herphi Bouyoméka et AVLESSI Pascaline, Op.cit.

122 MIKOLO Halerre Herphi Bouyoméka et AVLESSI Pascaline, Op.cit.

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nombre de morts difficile a estimé en raison du doute qui existe sur la fiabilité des sources et la véracité des informations diffusées par les deux parties.

La crise post-électorale de novembre 2012 a été également un moment de perte en vies humaines. Toutefois, cette crise a entraîné le changement du régime de Laurent Gbagbo au régime d'Alassane Ouattara. Cette crise a également accentué la division nationale ; c'est ainsi que ce pays fera de « la réconciliation nationale » son combat prioritaire.

SECTION 2 : ANALYSE DES CONSEQUENCES EXTERNES DES INSTABILITES POLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNE DE 1990-2020

Les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire ont eu de nombreuses répercussions ; il ne s'agit pas des crises de tous les temps, mais des crises de trois décennies après la deuxième vague de démocratisation en Afrique. En effet, à partir des années 1990, avec le retour du pluralisme dans de nombreux pays africains jusqu'en 2020, le Togo tout comme la Côte-d'Ivoire ont vécu des moments de trouble liés pour la plupart à la conquête et l'exercice du pouvoir politique. Au Togo, sous le règne du général Gnassingbé Eyadema jusqu'à son fils Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé, le pays a fait face à de multiples crises sociopolitiques. Ce fut également le cas en Côte-d'Ivoire depuis la mort d'Houphouët Boigny qui a déclenché des luttes de succession jusqu'à Monsieur Alassane OUATTARA.

Sous l'effet du phénomène de la mondialisation, ces crises qui étaient d'ordre interne ont eu des répercussions sur le reste du monde. Dans cette section il sera question d'aborder les revers sur l'échiquier international (Paragraphe 2) après avoir analysé l'impact au niveau sous régional (Paragraphe 1).

Paragraphe 1 : L'impact au niveau sous régional

Les violences et tueries post-électorales de novembre 2010 au Togo dépassent, de par leur nature et leur ampleur, l'entendement humain; « elles nous font pénétrer de plain-pied dans le monde de la barbarie et de l'animalité la plus sauvage »123. Ces évènements de crise qui ont émaillé le Togo et la Côte-d'Ivoire ont engendré des répercussions sur le reste des pays voisins ou plus encore sur le continent africain.

123 N'GUESSAN Kouamé (2015), Une réflexion récente en Côte d'Ivoire sur le multipartisme et l'ethnicisation de la vie politique : faut-il regretter le parti unique ? Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l'Afrique d'aujourd'hui. Presses universitaires de Rennes, pp. 169-194, consulté le 28 octobre 2021, http://books.openedition.org/pur/62407

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Une analyse comparative des conséquences de ces crises révèle des points de divergences et des points de convergences. Contrairement aux conflits que connaissent la plus part des Etats et dont certaines organisations apportent leur soutien tel qu'on l'appelle « aide humanitaire » d'ailleurs jugé insuffisante, la Côte-d'Ivoire a traversé des crises sociopolitiques qui ont engendré de fortes conséquences. A ce propos, il faut noter que face à certaines crises et à leurs impact directs et indirects, « il y a chez ses voisins des pays affectés positivement (Togo, Ghana et dans une moindre mesure Bénin), des pays affectés plus négativement (Mali, Burkina) et des Etats peu affectés (Sénégal, Guinée, Guinée-Bissau, Niger et Liberia) »124.

Une crise, même si elle a des conséquences dévastatrices pour certains, elle peut également être bénéfique pour d'autres. Alors que la crise sociopolitique sévissait en Côte-d'Ivoire et que la situation économique était instable, les pays côtiers de la zone UEMOA de leur côté en profitaient. Le Togo, le Ghana et le Bénin avaient vu leurs infrastructures portuaires et côtières fortement sollicitées. En effet, les autorités de ces pays côtiers avaient dans cette crise qui sévissait en Côte-d'Ivoire, imaginé à des politiques susceptibles accroître les capacités portuaire. C'est dans ce sens que :

« au Ghana (Tema et Takoradi) on a assisté à l'intensification des pratiques de shifting125 au sein du port mais également à destination des autres ports de la côte ; incitations tarifaires pour réorienter une partie du trafic vers Takoradi afin d'éviter l'engorgement de Tema ; projet de mise à disposition d'un nouveau terminal à conteneurs ; au Togo (Lomé) : projet d'investissement dans un nouveau quai ; construction de deux nouveaux sites à coton ; au Bénin (Cotonou) : projets d'aménagement de nouveaux terre-pleins, projet de transfert du parc à voitures à l'extérieur du port »126.

La crise explosée au lendemain du deuxième tour de l'élection présidentielle de 2010 en Côte-d'Ivoire a eu des conséquences sur l'économie béninoise compte tenu de son poids économique dans la zone UEMOA. Une appréciation de ces répercussions sur les performances des entreprises, les conditions de vie des ménages et l'économie dans sa globalité révèle que « les canaux de transmission potentiels de la crise ivoirienne à

124 « La crise ivoirienne et son impact régional : regard sur l'actualité et scénarios pour l'avenir », Afrique contemporaine, vol. 206, no. 2, 2003, pp. 129-150.

125 Le shift, ou travail en shift, est un travail portuaire sans interruption. Sa durée est variable suivant les ports de 6 à 8H d'affilée.

126 « La crise ivoirienne et son impact régional : regard sur l'actualité et scénarios pour l'avenir », Op.cit.

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l'économie béninoise sont le commerce extérieur, le trafic portuaire, les transferts de fonds des migrants et le système financier »127. Ainsi, sur 417 entreprises sélectionnées sur toute l'étendue du territoire et comprenant aussi bien des grandes et moyennes entreprises que des petites entreprises, il ressort selon le Ministère de l'économie et des finance béninoise qu'une entreprise sur cinq est impactée. Également un autre constat qui est fait est que la grande majorité des entreprises impactées a ressenti l'impact négativement.

A contrario, les pays enclavés ont été affecté par la crise ivoirienne de 2010. La suspension de l'approvisionnement de ces pays a entraîné une augmentation du coût des matières premières importées telles que l'acier, tôle, matériaux de construction, et autres.

Au Mali, la situation a très vite suscité des réflexions au sein du gouvernement et les opérateurs économiques à travers la Chambre de commerce et d'industrie de Bamako. Le fruit de ces réflexions a été la mise en place d'un plan opérationnel relatif aux échanges commerciaux et aux mouvements des populations victimes de la guerre. En effet ce nouveau plan se résume principalement à un accès à de nouveaux ports pour l'importation et l'exportation de produits, à la recherche de solutions pour l'évacuation des marchandises stockées à Abidjan, où plus de 8 millions de tonnes de marchandises ont été bloquées, à la recherche de nouvelles sources d'approvisionnement en hydrocarbures et matériaux de construction et au retour des immigrés maliens résidant en RCI, où vivaient plus de 2 millions de nationaux.

Malgré les mesures prisent par le gouvernement et les opérateurs économiques à travers la Chambre du commerce et de l'industrie du Mali, on note des retombés commerciaux. En effet, « bien que relativement efficaces, ces mesures n'ont pas empêché la montée des prix de certains produits comme le ciment ou les fruits et légumes tropicaux sur les marchés maliens »128. Aussi, « l'exportation vers la RCI de tous les produits maliens, que ce soit pour la consommation ivoirienne ou en transit vers le port d'Abidjan, a été également confrontée à des difficultés »129. Il faut également noter que le BURKINA-FASO n'a pas été épargné par les secousses de cette crise ivoirienne.

127 Ministère de l'économie et des finances béninoises. consulté e ligne le 11 novembre 2021 sur https://www.dgae.finances.bj/wp-content/uploads/2021/05/Impact-de-la-crise-electorale-ivoirienne-sur-leconomie-beninoise.pdf

128 « La crise ivoirienne et son impact régional : regard sur l'actualité et scénarios pour l'avenir », Op.cit.

129 Idem

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L'impact des crises sociopolitiques au Togo a également secoué la sous-région. En effet, tout comme celles ivoiriennes, ces crises ont été une occasion d'évaluer le rôle de la CEDEAO dans la promotion des valeurs démocratiques. Bien que l'intervention de la CEDEAO ait participé à la résolution des crises dans ces deux pays, il faut noter que plusieurs critiques ont été faites à l'égard de cette institution chargé normalement de la promotion des principes démocratiques. Le poids qu'occupe la Côte-d'Ivoire a également entraîné une légère régression dans le processus d'intégration économique de la CEDEAO. Selon le Professeur Kako Nubukpo, « la crise post-électorale en Côte-d'Ivoire renferme les germes de la disparition du franc CFA et de l'UEMOA »130.

Si sur le plan économique il y'a eu des conséquences aussi lourdes pour les pays enclavés, ces pays ont également été la terre d'accueil pour les réfugiés.

Les crises togolaises et ivoiriennes ont menacé la vie des populations. Cette tragédie a entraîné des déplacements massifs hors de leurs Etat. Le phénomène de déplacement massif des populations vers d'autres pays en période de crise s'explique par la menace qui pèse sur leur survie. En Côte-d'Ivoire comme au Togo, plusieurs personnes se sont déplacées pour ces raisons. Les autres pays de la sous-région ont été ainsi donc les endroits par excellence des réfugiés.

Si ces crises sociopolitiques ont constitué des défis pour la crédibilité de la CEDEAO, il est à souligner que cette dernière a su également joué un rôle important dans leur gestion. Mais le défis ne s'est pas arrêté qu'avec les organisations sous régionales, il l'a été également à l'échiquier international.

Paragraphe 2 : Les revers sur l'échiquier international

Le monde d'aujourd'hui se caractérise par sa globalité. S'il est vrai qu'aucun Etat ne peut vivre en autarcie, il faut également noter que les troubles sociopolitiques que connaissent les Etats, impactent nécessairement les autres et apportent un coup sur le reste du monde. Les crises sociopolitiques survenues au Togo et en Côte-d'Ivoire sur la période 1990-2020 ont eu des conséquences au niveau international.

130 NUBUKPO Kako, « La crise ivoirienne et l'avenir de l'intégration économique et monétaire ouest-africaine », L'Économie politique, vol. 51, no. 3, 2011, pp. 97-112.

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Il faut entendre par « international », l'ensemble généralisé de la société internationale ainsi que les accords et traités au plan international. C'est également cet ensemble au-delà des frontières qui concerne plusieurs entités. Cet environnement a subi les impacts des crises togolaises et ivoiriennes. En effet, la crise est comme l'environnement ; autrement dit, les crises internes d'un pays ne demeurent pas internes quant aux effets qu'elles produisent. Lorsqu'un Etat est en crise, toute la scène internationale est interrogée puisque les effets pourraient leur affecter.

Par ailleurs, l'intervention des puissances étrangères dans les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire est l'un des rares moments permettant de faire le bilan de ces puissances sur leurs capacités à gérer les crises. Aussi il faut noter que ces crises ont parfois touché l'intérêt des puissances étrangères. C'est le cas en Côte-d'Ivoire lors de la guerre civile. En effet, l'attaque de la base française de Bouaké qui avait entraîné « 09 morts et 37 blessés parmi les soldats français et un civil américain appartenant à une ONG »131.

En définitive, l'analyse des conséquences des crises sociopolitiques togolaises et ivoiriennes sont d'ordres interne et externe. Au plan interne, elles ont eu un impact sur les plans socio-économiques et politiques. Au plan externe, il a été question d'analyser les effets tant au plan régional qu'au plan international. A l'égard de ces conséquences, il convient de mener une réflexion sur les approches de solutions à ces crises.

CHAPITRE 2 : LES PERSPECTIVES DE SOLUTIONS AUX CRISES

SOCIOPOLITIQUES

Les conséquences engendrées par les crises sociopolitiques togolaises et ivoiriennes des années 1990 jusqu'à 2020 sont énormes tant sur le plan interne qu'externe ; c'est le fruit d'un certain nombre d'insuffisances. En effet la gouvernance en Afrique s'est toujours inscrite dans la dynamique de la conquête et de la garde du pouvoir. Selon la formulation d'un proverbe congolais, « le pouvoir se mange en entier ». Malgré l'avènement de la « troisième vague» démocratique qui a frappé sur le continent avec l'avènement du multipartisme, l'on constate une recrudescence des crises sociopolitiques. Selon Vincent Foucher, « si l'élection est la règle, la succession ne se fait toujours pas sans mal, surtout dans sa forme extrême »132. Face à tous ces maux qui minent le continent et respectivement le Togo et la Côte-d'Ivoire, il

131 MIKOLO Herphi Halerre Bouyoméka et AVLESSI Pascaline, Op.cit.

132 FOUCHER Vincent, « Difficiles successions en Afrique subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel», Pouvoirs, vol. 129, no. 2, 2009, pp. 127-137.

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convient alors de mener une réflexion sur des perspectives de solutions pour enrailler le phénomène des crises sociopolitiques dans ces espaces du continent.

En se basant sur l'étude qui a été faite sur les origines de ces crises, il sera donc question de réfléchir sur des perspectives de solution tant sur le plan national (Section 1) que sur le plan international (Section 2).

SECTION 1 : LES PERSPECTIVES NATIONALES

Plusieurs phénomènes sont à l'origine des crises sociopolitiques en Afrique. Sur le plan national, il faut noter que la mauvaise gouvernance qui règne au sein des pays africains est l'une des causes de ces crises. Cependant, pour pallier ce phénomène des crises sociopolitiques, il convient nécessairement de penser à des solutions internes qui puissent conjuguer aussi bien les intérêts des gouvernants que des gouvernés.

Parmi les fondements de ces crises, il a été abordé précédemment aussi bien les questions identitaires, l'ingérence extérieure, le rôle des matières premières et l'héritage de la colonisation. Dans cette partie de la recherche, il est question de réfléchir sur les moyens pouvant permettre d'empêcher ou du moins prévenir les crises sociopolitiques. A cet effet, cette recherche se propose d'aborder l'aspect de la promotion des valeurs démocratiques (Paragraphe 1) ainsi que la suppression des barrières identitaires (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La promotion des valeurs démocratiques

Il ne fait aucun doute que l'on parle de démocratie dans la lutte contre les crises sociopolitiques. Faisant cas des conflits interétatique, la théorie de la paix démocratique défend l'idée selon laquelle les démocraties ne se font pas la guerre entre elles. Cette affirmation est loin d'avoir donné lieu à un consensus entre les politologues et est largement rejetée notamment par les penseurs réalistes. Toutefois cette thèse affirme que la démocratisation est un facteur de paix. Il est bien vrai que ce raisonnement s'inscrit dans les relations entre Etats ; mais dans un Etat démocratique, il est susceptible d'éviter ces crises.

Dans ce sens, il faut noter que les crises en Afrique sont parfois le fruit des déviances démocratiques. Tel est le cas des coups d'Etats constitutionnels, des fraudes électorales entraînant les changements de régime ou maintenant ceux-ci. Ces manières de faire qui sont devenu pour la plupart des Etats africains tel que, le Togo et la Côte-d'Ivoire, la meilleur façon de garder le pouvoir.

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Toutefois, la définition même de « démocratie » pose problème ; rappelons-le, selon Anne-Marie Le Pourhiet,

« il semble devenu nécessaire de déterminer où en est le droit constitutionnel dans la définition de la démocratie, compte tenu de la floraison d'adjectifs dont le mot est aujourd'hui accompagné et d'un certain nombre d'idées à la mode tendant à donner à ce terme un contenu fort différent de celui auquel nous avions l'habitude de nous référer »133.

Le mot démocratie tient ses origines du grec : dêmokratia, formé de démos, « peuple », et de kratos, « pouvoir ». On parle donc de pouvoir du peuple, de gouvernement du peuple. Abraham Lincoln, président des États-Unis de 1860 à 1865, aurait un jour déclaré que la démocratie était « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »134. Suivant ce principe, la souveraineté appartient donc au peuple, qui choisit ceux qui le gouverneront. Plusieurs auteurs ont donné une définition de la démocratie. Ainsi donc, Hans KELSEN la définit comme l'identité du sujet et de l'objet du pouvoir des gouvernants et des gouvernés, en un mot le « gouvernement du peuple par le peuple »135. Quant à Guy Hermet, « la démocratie est la faculté que les gouvernés possèdent de remercier les gouvernants en place puis d'en choisir d'autres qu'ils pourront éventuellement renverser à leur tour »136. Cette définition donnée par Guy Hermet renvoie au contrôle politique dont dispose le peuple sur ces élus. Ce contrôle s'opère lors des élections ; ainsi donc, le peuple a le monopole de choisir un autre représentant ou d'en reconduire l'ancien si ce dernier a fait son devoir.

La lutte ou la prévention des crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire passe par des variables démocratiques. A cet effet, de l'analyse de l'état des lieux et des résultats issus du projet de suivi de la gouvernance en Afrique de l'ouest, plusieurs recommandations ont été faites en matière de gouvernance politique. Faisant cas du Togo, il ressort qu'il faut:

« Réviser de façon consensuelle la Constitution ; veiller à promouvoir la représentativité équitable de toutes les couches sociales et tendances politiques de la nation au sein de l'Assemblée nationale ; organiser des élections honnêtes et transparentes qui répondent aux normes démocratiques internationales aux fins de faire accepter à tous les résultats des urnes ; organiser un débat national pour consolider une politique et une stratégie qui,

133 LE POURHIET Anne-Marie, « Définir la démocratie », Revue française de droit constitutionnel, vol. 87, no. 3, 2011, pp. 453-464.

134 MERCIER Benoît et DUHAMEL André, La démocratie; ses fondements, son histoire et ses pratiques, Québec, Le Directeur général des élections, 2000, p. 13 et 15.

135 Cité par GBOH Christelle, L'union africaine à l'épreuve de la démocratie, Maîtrise en droit, Université catholique de l'Afrique de l'Ouest, Unité universitaire d'Abidjan, 2010

136 Idem

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à terme, permettront de créer des richesses et contribuer au développement socio-économique et, surtout, à la création d'emplois ; négocier avec les forces armées togolaises afin de les amener à devenir une authentique armée républicaine et éviter toute emprise de leur part sur la gestion du pays ; créer un État de droit respectueux des droits humains et des institutions démocratiques ; réprimer la corruption; restaurer et réhabiliter les institutions judiciaires et appliquer effectivement des sanctions disciplinaires aux magistrats corrompus et prévaricateurs ; travailler à la moralisation de la vie politique et de la gestion de la chose publique ; combattre le tribalisme, le régionalisme et toutes les formes de discrimination, notamment en matière de genre ; instaurer la transparence dans la gestion des biens publics ; consolider la liberté de la presse, la liberté d'expression, les libertés politiques, les libertés socio-économiques et culturelles ; consolider le rôle de contre-pouvoir de la société civile et restaurer l'ensemble du système de l'éducation civique »137.

A travers ces recommandations, l'on s'aperçoit les traits caractéristiques de la gouvernance démocratique. Ces recommandations, appliquées en Côte-d'Ivoire peuvent s'avérer d'une grande utilité.

Par ailleurs, « la respiration démocratique étant liée, dans tous régimes politiques, à un travail de consolidation démocratique auquel les partis politiques sont nécessairement associé »138, il est nécessaire également de songer à la consolidation du rôle joué par les partis politiques dans leur ensemble. Ils ne doivent pas tourner simplement leur objectif sur la conquête et l'exercice du pouvoir.

Au-delà des luttes pour le renforcement de la démocratie en Afrique, il faut souligner que cette démocratie telle que nous l'apercevons est une réalité imposée par l'occident et qu'il faut donc que les Etats africains puissent avoir une démocratie qui tienne compte de leurs réalités. Dans son célèbre article « la fin de l'histoire », Francis Fukuyama, analyste politique états-unien, affirme que la fin de la Guerre Froide est « le point final de l'évolution idéologique de l'Humanité et l'universalisation de la démocratie libérale de l'Occident comme la finalité de la gouvernance humaine »139. Une telle déclaration décrit la volonté des protagonistes libéraux de réfuter quelque idéologie contraire à la leur. On remarque surtout

137 TOGOATA Apedo-Amah, TCHOTCHOVI Freitas et ALINON Koffi, Etat de la gouvernance en Afrique de l'ouest, 2011

138 Idem

139 FUKUYAMA Francis, « La fin de l'histoire? » n°16, Center for the National Interest, 1989, p. 3-18, consulté en ligne le 10 décembre 2021 sur http://www.jstor.org/stable/24027184.

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que l'actuelle idéologie de bonne gouvernance découle avant tout d'une démocratie basée sur un système néolibéral.

Les élections en Afrique font objet de multiples interprétations étant donné leur nature. Il est bien vrai que depuis l'avènement du pluralisme, la plupart des pays africains ont organisé en moyenne trois élections, témoignant ainsi des réelles avancées enregistrées dans la vague de démocratisation. Toutefois, ces élections font très souvent l'objet de revendications dans la plupart des pays, leur plongeant dans des crises interminables. A ce propos, il est important de se doter des institutions fortes pouvant emmener les partis à accepter les résultats des élections pour éviter les crises.

Après quelques décennies de transition démocratique, les évolutions connues en Afrique dans ce domaine sont loin d'être uniformes. Dans les pays où les élections ont été organisées d'une manière répétitive, certains ont connu des changements de régime ; c'est le cas de la Côte-d'Ivoire. Par contre d'autre n'ont connu de changement et c'est le cas du Togo. La culture des valeurs démocratiques doit également conjuguer avec le sens du leadership des dirigeants africain et leur capacité à respecter la constitution. Dans plusieurs pays africains ayant réussi à organiser des élections qui ont conduit à des alternances et au renforcement de la démocratie, il y a eu une évolution saine visant à consolider ces processus.

Malgré les dispositions de l'UA et de la CEDEAO contre la prise du pouvoir par la force et la dénonciation des coups d'État militaires, il y a eu une résurgence du militarisme et des gouvernements militaires dans plusieurs pays. La nature de ces régimes porte un coup dur sur la démocratisation en Afrique. Le cas du Togo par exemple en est une parfaite illustration. Contrairement à d'autres pays où la violence de l'État a pour origine principale les forces de police, selon Ali-Diabacté, « au Togo ce sont les forces armées qui sont plutôt au coeur du dispositif répressif »140. Face à ce caractère politique de l'armée qui participe au renforcement des régimes autoritaires, il est donc nécessaire de rééduquer l'ensemble de l'armée en les rappelant l'apolitisme dont cet organe doit faire preuve. Selon Jean Meynaud, « l'unique rôle de la force armée est de permettre au gouvernent légal de garantir l'ordre public interne et de défendre le pays contre l'ennemi extérieur »141. S'inscrivant dans cette logique, beaucoup de constitutions disposent ces mesures ; mais le défis reste à relever dans la réalité.

140 Cité par TOULABOR Comi, « Violence militaire, démocratisation et ethnicité au Togo », consulté en ligne sur https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_7/autrepart/010019328.pdf

141 MEYNAUD Jean, « Les militaires et le pouvoir», Revue française de sociologie, 1961, consulté en ligne sur https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1961_num_2_2_5929

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L'analyse de la promotion des valeurs démocratiques dans le cadre de cette recherche participe à lutter contre les multiples crises sociopolitiques qui minent le continent africain ; toutefois, il existe également d'autres facteurs qu'il convient d'analyser.

Paragraphe 2 : La suppression des barrières identitaires et des clichés régionalistes

L'une des causes des crises sociopolitiques en Afrique relève des questions identitaires. Selon Alain Antil, « s'il existe un grand malentendu concernant l'Afrique au sud du Sahara dans les représentations collectives du nord, c'est certainement dans la manière dont sont perçues les réalités sociales et les identités »142.

Les questions identitaires ont toujours divisé les populations africaines lorsqu'il s'agit d'intérêt; chacun de son côté cherchant à vivre paisiblement. La crise ivoirienne il convient de le dire, est aussi bien une crise politique qu'identitaire. A en croire Losseni Cissé, « en analysant les différentes étapes de celle-ci, l'on s'en rend bien compte »143.

Le premier coup d'état du 24 décembre 1999 est survenu suite à l'émergence du concept d'"ivoirité" qui avait installé une certaine méfiance entre des populations qui vivaient auparavant sans histoires. L'on a pu voir venir une certaine "catégorisation" des ivoiriens, ceux du nord à la majorité musulmane et ceux du sud, de l'est et de l'ouest à majorité chrétienne. Les populations du nord sont à tort assimilées au leader du RDR Alassane OUATTARA, qui constituait semble-t-il une « menace » aussi bien pour le régime de l'ex Président BEDIE, que pour le FPI de Laurent GBAGBO. Les partisans du premier ministre OUATTARA seront dès lors assimilés à des étrangers venant soit du Burkina Faso, du Mali ou d'autres pays limitrophes. Cette situation va engendrer une réelle crise identitaire sur fond de revendications de droits civils et politiques de la part d'une classe de citoyens.

Toutefois, la troisième république a su apporté les germes d'une réconciliation ou d'une volonté du vivre ensemble. En effet, la troisième République, ou IIIe République, officiellement République de Côte d'Ivoire, est le régime en place en Côte d'Ivoire depuis le 8 novembre 2016, date de la promulgation par Alassane Ouattara de la constitution approuvée par le peuple lors du référendum du 30 octobre 2016. Elle a succédé à la Deuxième République qui était en place depuis 2000. A en croire le référendum a vu la victoire du Oui à

142 ANTIL Alain, « Mobilisations identitaires dans l'Afrique francophone », programme Afrique Sud Saharienne, 2009.

143 LOSSENI Cissé, La problématique de l'Etat de droit en Afrique de l'ouest: analyse comparée de la situation de la Côte d'Ivoire, de la Mauritanie, du Libéria et de la Sierra Léone, thèse en droit, Université Paris-Est, 2009,

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93,42% de voix contre seulement 6,58% pour le Non. Le taux de participation s'élève toutefois à 42,5% de la population. Les partis favorables à la vielle constitution sont aussi bien de droite (comme le Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP) que de gauche (le Parti ivoirien des travailleurs (PIT).

La problématique de l'ethnicité se pose également au Togo. La formation des partis politiques dans ce pays en est une parfaite illustration. L'instrumentalisation des ethnies est devenue une arme pour les politiciens. En effet, selon Labité Sodjiné AGBODJAN-PRINCE :

« l'approche instrumentaliste est un courant d'idée qui prend en compte la compétition politique autant que les pratiques politiques de l'exercice du pouvoir comme constitutives de réalités ethniques. Ce courant circonscrit l'ethnicité comme une idéologie servant non seulement à conquérir, mais aussi à exercer et à conserver le pouvoir. Dans ce sens, l'ethnicité fait état de l'appartenance à une communauté par rapport à d'autres et intègre de cette manière, la manipulation dans les relations sociopolitiques afin de comprendre les dynamiques du politique »144.

Cette dynamique du politique est perçue par Bayart comme une réappropriation de l'Etat par les ethnies. Selon lui, la question de l'ethnicité est un passage obligé du «penser l'Afrique».

Toujours faisant cas du Togo où le choix des officiers de l'armée est majoritairement basé sur des questions ethniques, il convient de relever que cette donne est la clé du renforcement du régime depuis le général Gnassingbé Eyadema. Selon une analyse du centre d'études stratégiques de l'Afrique,

« une armée composée d'éléments issus de communautés réparties dans tout le pays peut établir des bases solides sur lesquelles peut s'édifier un État démocratique. Une force diversifiée crée par ailleurs des conditions favorables à la professionnalisation, du fait que les promotions s'y font davantage au mérite que sur des bases ethniques et que son allégeance va à la nation toute entière et non pas à une ethnie particulière »145.

Selon cette analyse, la nécessité d'une armée composée de plusieurs ethnies ou encore pour dire mieux, de toutes les ethnies d'un pays peut contribuer au renforcement de la démocratie. Comme il a été souligné précédemment le respect de la démocratie participe également à la prévention des crises sociopolitiques basées très souvent sur des questions

144 AGBODJAN-PRINCE Labité Sodjiné, Op.cit.

145 Rapport d'analyse n°6 : obstacles au professionnalisme militaire en Afrique, centre d'étude stratégiques de l'Afrique consulté en ligne sur https://africacenter.org/fr/publication/obstacles-au-professionnalisme-militaire-en-afrique/

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identitaires. L'exemple du soulèvement populaire du 19 août 2017 au Togo qui a vu une grande participation des Kotokoli illustre également cette tendance des communautés ethniques à vouloir s'affirmer politiquement.

Toutes ces habitudes nécessitent donc la construction d'une identité nationale. En effet, la multiplicité des ethnies en Afrique est l'un des obstacles de la construction d'une identité nationale dans les Pays africains même si pour certains chercheurs « c'est une notion qui divise, un concept qui hérisse, par-delà les clivages politiques »146. L'acceptation de l'autre en Afrique et la volonté de construire une identité nationale demeure un moyen privilégié pour sortir le continent des crises qui le minent.

SECTION 2 : LES PERSPECTIVES INTERNATIONALES

La persistance des crises sociopolitiques en Afrique malgré l'intervention des forces de maintien de la paix et des mécanismes de respect de la démocratie et de la bonne gouvernance reste un défi pour la communauté internationale surtout les organisations internationales à l'instar de l'ONU et de l'UA.

L'étude des causes des crises sociopolitiques en Afrique conduit cette recherche à trouver son remède sur le plan international. En effet, parmi les origines des crises sociopolitiques en Afrique, l'ingérence des puissances étrangères joue un rôle important. C'est d'ailleurs ce qui justifie l'intérêt des puissances étrangères pour l'Afrique. Pour le Professeur Domba Jean-Marc PALM147, « les empires coloniaux constituaient des facteurs de puissance décisifs »148.

La dynamique de la quête des intérêts dans le système international entrave beaucoup la mobilisation internationale dans la lutte contre les crises sociopolitiques en Afrique. Dès lors il convient de penser à des politiques pouvant permettre les Etats d'Afrique de pouvoir vivre d'une part leurs indépendances et d'autre part de respecter vivement les principes émis au niveau international.

146 WIEDER Thomas, « Aux racines de l'identité nationale », Le Monde, 2009, consulté en ligne le 13 décembre

2021 sur https://www.lemonde.fr/politique/article/2009/11/06/aux-racines-de-l-identite-
nationale_1263699_823448.html

147 Historien, Institut des Sciences des Sociétés, Centre National de la recherche Scientifique et Technologique, Ouagadougou

148 Cité par BATCHANA Essohana, histoire politique de l'Afrique contemporaine, Cours de Master sciences politiques, Université de Kara, 2021

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La participation des Etats africains dans les grandes instances internationales telles que l'ONU, est en principe en dépit de leur souveraineté internationale, un moyen pouvant empêcher ces crises qui sont très souvent le fruit de la volonté des dirigeants voulant perdurer au pouvoir et ce, de façon inconstitutionnel. Le respect de la démocratie et des principes de bonne gouvernance doit être imposé par les instances internationales aux Etats africains afin de pouvoir limiter des cas de régime autoritaires.

Il est vrai que les organisations internationales dans leurs politiques, promeuvent la démocratie mais les mécanismes mis en place pour atteindre cet objectif sont insuffisants. Le conditionnement des prêts et des aides au niveau international par le respect des normes démocratiques est certes une avancée mais derrière ce conditionnement, se cache des ambitions personnelles de certains Etats. Toutefois, il importe que les organisations internationales puissent prendre des mesures pouvant obliger d'une manière ou d'une autre les Etats au respect des normes démocratiques. Ce fut le cas en Côte-d'Ivoire sous le régime de Bédié, qui a été élu Président en 1995. En effet, durant le régime Bédié, qui a duré six ans, son gouvernement a souffert d'accusations de corruption et de mauvaise gestion qui se sont soldées en 1998 par la suspension de leur aide économique par le Fonds Monétaire Internationale, la Banque Mondiale et l'Union Européenne.

Toutefois, le phénomène d'ingérence des puissances étrangères semble constituer un accélérateur des crises sociopolitiques. Les perspectives au niveau international consisteront donc à dynamiser les organisations régionales (Paragraphe 1) et ensuite renforcer les politiques de non-ingérence des puissances étrangères (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La dynamisation des organisations régionales

De nos jours, le monde en général et l'Afrique de l'Ouest en particulier connaît une multiplicité de crises sociopolitiques dues à plusieurs raisons. Comme il a été souligné plus haut, les questions ethnique, l'héritage de la colonisation, l'ingérence extérieure et les richesses du sous-sol africain sont quelques-unes des raisons qui font que l'Afrique connaît pas mal de crise.

L'analyse des crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire de 1990 jusqu'à 2020 permet de mieux appréhender ces différents facteurs des crises sociopolitiques dans ces Etats du continent africain. Toutefois, l'on ne peut rester les bras croisé sans penser à des solutions pour endiguer ce phénomène des crises sociopolitiques. C'est pourquoi il convient dans la

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perspective de prévention de ces crises, de penser à la redynamisation des organisations régionales à l'instar de la CEDEAO dont fait parties ces deux Etats.

Par-delà sa diversité humaine, ses contrastes géographiques et ses différences économiques, l'Afrique de l'Ouest forme une unité qui s'est construite aux plans historique et politique. Par ailleurs, son engagement dans la gestion des crises politiques depuis les années 1990 pose un certain nombre d'interrogation sur sa capacité à endiguer ce phénomène.

Tel qu'il a été souligné plus haut dans ce travail, à l'origine, la CEDEAO avait une vocation d'intégration à base économique mais les dangers et les changements de la vie de ses membres l'ont amenée presque sans préparation, dans la gestion de la sécurité collective. Son intervention dans quatre pays (Liberia, Sierra Leone, Guinée-Bissau et Côte d`ivoire) a surpassé la théorie. Les leçons de ces différentes actions doivent convenablement être retenues pour instaurer une « Pax West Africana » dans cette région troublée. Pour le cas ivoirien, les leçons retenues vont de la mauvaise organisation au manque de financement en passant par le manque de logistique et d'expérience des « casques verts » de la CEDEAO. C'est à ce juste titre que GBERIE et ADDO que cite Lucien Nadieline149 sont obligé d'affirmer que:

« It is apparent that there was a lack of strategic support to deployment of the forces. The problem started with the advance party, which deployed at very short notice, and had to rely on French for mobility and support. There was also a very long period of waiting before the first troops hit the ground. The force commander had to use his own initiative, his own knowledge of the country and his own acquaintance to get things moving. Even so, it took more than 100 days to set up basic force headquarters. When the main body of detachment south deployed to Abidjan in March 2003, it had no vehicles and no place to work 12 »150.

A la lumière des difficultés qui minent l'organisation dans ses missions de maintien de la paix et de la promotion de la démocratie, Mohamed Ibn Chambas affirmait dans une interview à Afrique Relance, en 2004 :

149 NADIELINE Lucien, Le rôle de la CEDEAO dans la résolution des conflits en Afrique de l'ouest, mémoire de master 2 en coopération internationale, Université Assane seck de ziguinchor, 2016

150 Il est évident qu'il y avait un manque d'appui stratégique au déploiement des forces. Le problème a commencé avec le parti d'avance, qui a déployé à très court préavis, et a dû compter sur le français pour la mobilité et le soutien. Il y avait aussi une très longue période d'attente avant que les premières troupes ne n'atterrissent. Le commandant de la force devait utiliser sa propre initiative, sa propre connaissance du pays et sa propre connaissance pour faire marcher les choses. Même s'il a fallu plus de 100 jours pour mettre en place le siège de la force de base. Lorsque le corps principal du détachement sud a déployé à Abidjan en mars de 2003, il n'avait aucun véhicule et aucun endroit pour travailler. Traduit par Lucien Nadieline, Op.cit.

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« nous devons mener une action plus préventive, anticiper et mettre en place des systèmes d'alerte rapide. Nous renforçons nos capacités dans ce domaine. Nous disposons maintenant de quatre bureaux régionaux, d'observatoires, qui sont censés faire des analyses plus approfondies de la situation dans les pays couverts par chaque bureau (...) Nous utilisons aussi le mécanisme que constituent nos réunions de chefs d'Etat pour voir comment ils peuvent se parler en toute franchise pour empêcher que les situations ne dégénèrent. Malheureusement, nous n'avons pas fait preuve de courage et de détermination nécessaires pour intervenir au moment opportun afin d'empêcher les situations de crise d'empirer »151.

La lutte contre les crises sociopolitiques en Afrique de l'Ouest doit également passer par le respect des textes qui régissent la communauté sous régionale. En effet, si les principes démocratiques édictés par l'organisme sont respectés, plusieurs évènements peuvent être évités. C'est d'ailleurs pour cette raison que la communauté s'est dotée d'un protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance. Toutefois, l'absence d'un organe pouvant obliger les Etats parties au respect de ces textes reste un défi.

La volonté d'agir et la détermination à faire respecter les textes normatifs dont l'organisation s'est dotée ne suffisent pas pour espérer apporter une contribution décisive à la recherche d'une paix et d'une stabilité durables dans des contextes extraordinairement difficiles. Pour certains chercheurs tel que le docteur Gilles Olakounlé Yabi:

« les missions de bons offices, la mise en contribution de membres du Groupe de sages ou d'anciens chefs d'Etat pour convaincre des présidents en exercice arrivés au pouvoir par des élections démocratiques ou non de respecter la Constitution de leur pays ou les engagements pris devant leurs citoyens et la suspension des Etats retors des instances de l'organisation n'ont que peu de chances d'aider des pays comme la Guinée-Bissau, la Guinée et quelques autres dans la région à sortir de la trappe de l'instabilité, de la militarisation, de la pauvreté et de la faiblesse des institutions »152.

Contrairement à cette affirmation, il faut néanmoins reconnaître que ces mécanismes mentionnés connaissent très souvent des réussites et qu'il faut appuyer avec d'autres mécanismes. L'appui de l'organisation dans les actions politiques de ses pays membre demande à mettre une rigueur et un esprit d'impartialité aux différentes parties. Dans ce sens,

151 Cité par BAPIDI- MBON Didier Parfait, La CEDEAO dans la crise ivoirienne: 2002- 2007, mémoire de Master 2 en Science politique, Université Jean Moulin Lyon 3, 2010

152 YABI Olakounlé Gilles, Le Rôle de la CEDEAO dans la Gestion des Crises Politiques et des Conflits: Cas de la Guinée et de la Guinée Bissau, Abuja, Nigeria, FES, septembre 2010 consulté en ligne le 11 décembre 2021 sur https://library.fes.de/pdf-files/bueros/nigeria/07449.pdf

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« la tendance actuelle qui consiste à observer et à faire superviser les élections par des acteurs locaux et internationaux a joué un rôle important dans le renforcement de la crédibilité et de la transparence des processus électoraux »153. Toutefois, comme il a été souligné plus haut, la pratique a surpassé la théorie.

Sur le plan économique, la précarité des moyens économiques ne favorise pas l'atteinte des objectifs que l'organisme s'est fixé et par conséquent, cela lui plonge dans une dépendance financière vis-à-vis des partenaires extérieures.

Mis à part les limites dont fait cas la CEDEAO et dont certaines perspectives ont été abordées, il importe de souligner le rôle important de l'UA dans la lutte contre les crises politiques en Afrique. Sa passivité et ses positions ambiguës face aux crises politiques en Afrique demande des réflexions. En effet, pour éviter l'inaction, il serait très important que le Président de la Commission intervienne très rapidement au lendemain de l'éclatement des crises afin d'affirmer la position de l'organisation. Le silence parfois des organisations régionales sur des violations des principes démocratiques perpétue ces phénomènes de coup d'Etat et de fraude électorale qui entraîne des crises sans fin.

Paragraphe 2 : Le renforcement des politiques de non-ingérence des puissances étrangères

« Et pourtant, sans émancipation politique et stratégique, le continent noir ne peut ni construire, ni préserver sa sécurité. Cette pré-condition est d'autant plus nécessaire qu'un examen du fonctionnement des Etats africains montre une dépendance stratégique et politique qui trahit leur extraversion »154.

Les années 1960 ont constitué pour la plupart des Etats africains, l'occasion d'accéder à leur indépendance et de jouir de la souveraineté internationale. Toutefois la volonté des puissances coloniales ayant toujours été celle d'avoir la main mise entraîne de profondes confrontations dans la politique interne de ces Etats. Depuis les indépendances à nos jours, une forte présence de la politique des puissances étrangères est notée dans les affaires internes des pays africains. Ceci se traduit par cette ingérence occidentale dans le processus de prise de décisions. En d'autres termes ces Etats ne sont pas souvent libres dans la prise de décision.

153 Rapport du groupe des sages de l'UA : « Les conflits et la violence politique résultant des élections », international peace institut, décembre 2012 consulté en ligne sur https://www.ipinst.org/wp-content/uploads/2010/07/pdfs_les-conflits-electoraux.pdf

154 NADIELINE Lucien, Op.cit.

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C'est pourquoi les processus électoraux en Afrique subissent de plein fouet l'influence externe.

L'ingérence extérieure a toujours été perçue comme un facteur des crises sociopolitiques en Afrique. Les politiques des puissances coloniales telles que la France continuent de nos jours à imposer le continent une façon de faire. Cette façon de faire conduit à s'interroger sur l'indépendance des Etats africains et leur capacité à gérer les crises qui naissent en leur sein.

Pour pallier à ce phénomène, une analyse sur la non-ingérence des puissances étrangères s'avère donc nécessaire afin de combler les études menées en ce sens.

Plusieurs faits démontrent la dépendance des Etats africains précisément le Togo et la Côte-d'Ivoire vis-à-vis des puissances étrangères. Tout d'abord, le fait économique dont la problématique de la monnaie est encore d'actualité, le fait politique dans le cadre de l'organisation des élections et les aides financières dont la compréhension reste ambiguë. Tous ces éléments tendent à remettre en cause l'indépendance de ces Etats. A ce propos, affirmait Lucien Nadieline, « Comment les africains peuvent-ils parler de l'indépendance ou de la souveraineté s'ils continuent à être soumis pour ne pas dire assujettis aux lois occidentales »155. Pour sa part, Alain F. Tedom soulignait que « les liens amicaux très étroits qui lient les gouvernements occidentaux à certains dirigeants africains sont un facteur structurant du déficit démocratique du continent et donc de sa vulnérabilité face aux conflits »156.

La propension des grandes puissances à gérer les crises politiques selon leurs intérêts économiques, géopolitiques et/ou stratégiques est le constat qui est fait selon les analyses. En Libye par exemple, les pays occidentaux ont préféré reconnaître le Conseil National de Transition et contribuer à la chute de Mouammar Kadhafi parce que ce dernier leur avait fermé la porte à l'exploitation du pétrole libyen. La crise n'a pas totalement pris fin quand d'importants contrats pétroliers ont été signés avec le CNT, permettant entre autres aux Français et aux Britanniques d'exploiter le pétrole libyen. Cette tendance empêche un respect scrupuleux du chapitre VIII de la charte des Nations Unies.

La lutte contre les crises sociopolitiques en Afrique peut également résulter de la coopération en tant que partenaire entre les Etats africains et les puissances étrangères. Les

155 NADIELINE Lucien, Op.cit.

156 Cité par NADIELINE Lucien, Op.cit.

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aides accordées aux Etats africains sont très souvent conditionnées par des contrats d'exploitation des ressources naturelles africaines et bien entendu cela entraîne un appauvrissement des couches subalternes.

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CONCLUSION GENERALE

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Partout dans le monde et particulièrement en Afrique, les crises sociopolitiques occupent progressivement une place au coeur de la vie politique depuis le déclenchement de la deuxième vague de la démocratie au début des années 1990. En effet, trente ans après l'accession à la souveraineté, les Etats africains se sont confrontés à de multiples crises sociopolitiques qui non seulement ont engendré de nombreuses pertes en vies humaines mais aussi ont ralenti leur développement. Selon Freedom House, au cours des dernières années, l'Afrique subsaharienne est classée comme la région la plus politiquement fragile, avec de grandes percées démocratiques dans certains pays, les coups d'Etat, la guerre civile et la répression autoritaire dans d'autres. Le pluralisme politique par exemple a favorisé l'organisation régulière des élections sous la base d'un jeu compétitif; mais très souvent il est source de crise. Alors que la région a connu plusieurs gains importants, en particulier en Afrique occidentale, les conflits civils et l'émergence de groupes islamistes violents empêchent une mise à niveau globale de la liberté politique. Le phénomène des crises sociopolitiques en Afrique de l'ouest et particulièrement au Togo et en Côte-d'Ivoire n'est pas un évènement nouveau. A partir de 1990 jusqu'à 2020, ces pays ont vécu de multiples crises sociopolitiques aux multiples facettes qui ont entraîné de nombreuses conséquences tant sur le plan interne que sur le plan international. L'engagement des organisations sous régionales à l'instar de la CEDEAO a été un acquis pour la promotion de la paix et de la sécurité sous régional. Cette recherche est complexe en raison des conséquences liées à l'étude d'un tel sujet. Toutefois, cela ne constitue pas une excuse aux résultats que nous sommes parvenus.

Cette recherche sur l'analyse des crises sociopolitiques dans l'espace CEDEAO de 1990 à 2020 : cas du Togo et de la Côte-d'Ivoire nous a emmené à nous poser la question principale suivante : comment appréhender les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire entre 1990 et 2020 ? Tout au long de cette recherche, nous avons analysé les causes, les conséquences et les approches de solutions des crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de 1990 à 2020. Face à cette interrogation, il ressort que les crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire entre 1990 et 2020 s'appréhendent à plusieurs niveaux à savoir leur sociologie, leurs conséquences et les approches de solutions.

D'abord au plan sociologique, d'une part, plusieurs facteurs permettent d'expliquer la recrudescence des crises sociopolitiques dans ces deux pays ; d'autre part, la CEDEAO a joué un rôle important même si certaines de ses actions ont été remises en causes. En effet, au titre

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de ces facteurs, nous avons distingué les facteurs endogènes et les facteurs exogènes. L'analyse des facteurs endogènes nous a fait comprendre que les crises sociopolitiques dans ces deux pays sont dues à l'héritage de la colonisation qui pèse sur eux et également l'instrumentalisation politique de l'ethnie qui crée des crises identitaires lors des processus électoraux. Quant aux facteurs exogènes, nous avons examiné le rôle très important que les matières premières et les ingérences extérieures ont joué. Il faut souligner que l'analyse documentaire ainsi que la sociohistoire nous a permis d'analyser les crises qui ont eu lieu dans les deux pays de 1990 jusqu'à 2020. Le rôle joué par la CEDEAO dans ces crises est le fruit de sa politique de sécurité collective qui lui permet d'intervenir dans ses pays membres qui seraient en crise.

Ensuite, quant aux conséquences, nous avons relevé une multitude tant au plan interne qu'au plan international. Au plan interne, nous avons relevé les impacts tant sur le plan socio-économique, que sur le plan politique. L'atteinte aux efforts démocratiques et aussi l'enracinement des régimes dictatoriaux constituent en sont quelques illustrations au plan politique et social. Sur le plan économique, les crises sociopolitiques ne favorisent pas le développement économique des pays.

Enfin, quelques approches de solution permettent d'éviter la recrudescence de ces crises. Au titre de ces solutions, nous retenons qu'au vu des différentes causes que nous avons analysé, il convient de proposer des solutions tant au plan national qu'au plan international. Au plan national, il nous proposons la promotion des valeurs démocratiques et la suppression des barrières identitaires qui constituent des éléments importants de la cohésion sociale et du respect des lois. Au plan international, il convient de dynamiser les organisations régionales et renforcer les politiques de non-ingérence des puissances étrangères.

Cette recherche est le fruit de trente ans d'histoire politique du Togo et de la Côte-d'Ivoire; au vu de ce qui a été relevé ici et là, l'on est emmené à dire comme pour reprendre les propos de René Dumont, que l'Afrique noire est mal partie. Les solutions proposées dans ce travail mérite que les hommes politiques y prêtent beaucoup attention afin d'éviter que de tels phénomènes se répètent car elles répondent bien à nos hypothèses. .

La mauvaise gouvernance n'a pas été mentionnée de façon directe ; toutefois, il faut noter qu'elle a été et continue d'être un facteur capital de survenance des crises sociopolitiques.

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Les conclusions auxquelles nous sommes arrivés, sont de mêmes susceptibles de modifications afin de s'approcher plus de l'idéal. Les ajouts ou des retraits de notre travail, dans le but de le rendre plus avéré et parfait, paraissent à notre avis assurés. N'est-ce pas une manière de s'inscrire dans la dialectique d'ANTOINE de Saint Exupéry quand il défend qu' « il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher »157 ?

157 LATOUR Christian, Manuel de gestion-réflexion, consulté en ligne le 24 février 2022 à l'adresse https://www.hrimag.com/Antoine-de-Saint-Exupery-a-dit-Il-semble-que-la-perfection-soit-atteinte-non

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BIBLIOGRAPHIE

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TEXTES NATIONAUX ET INTERNATIONAUX

· Charte des Nations Unies

· Constitution de Côte-d'Ivoire

· Constitution ivoirienne de la deuxième République

· Constitution togolaise

· Protocole additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie de la CEDEAO

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89

TABLE DES MATIERES

90

AVERTISSEMENT 1

DEDICACE 2

REMERCIEMENTS 3

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS 4

SOMMAIRE 5

RESUME : 6

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : ETUDE SOCIOLOGIQUE DES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN CÔTE D'IVOIRE DE 1990 A 2020 17

CHAPITRE I : LES ORIGINES DES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET

EN COTE-D'IVOIRE 20

SECTION 1 : LES FONDEMENTS ENDOGENES 21

Paragraphe 1 : l'héritage de la colonisation 21

Paragraphe 2 : l'instrumentalisation politique de l'ethnie 24

SECTION 2 : LES FONDEMENTS EXOGENES 28

Paragraphe 1 : Le rôle des matières premières 29

Paragraphe 2 : les ingérences extérieures 31

CHAPITRE 2 : LES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN COTE-

D'IVOIRE ET L'IMPLICATION DE LA CEDEAO 34

SECTION 1 : LA SOCIOGENESE DES CRISES TOGOLAISES ET

IVOIRIENNES 35

Paragraphe 1 : Des crises togolaises 35

Paragraphe 2 : Des crises ivoiriennes 39

SECTION 2 : LA NECESSAIRE IMPLICATION DE LA CEDEAO 43

Paragraphe 1 : La sécurité collective au sein de la CEDEAO 44

Paragraphe 2 : Les actions de la CEDEAO dans la résolution des crises togolaises

et ivoiriennes 47

91

DEUXIEME PARTIE : DES CONSEQUENCES AUX APPROCHES DE SOLUTIONS

52

CHAPITRE 1 : LES CONSEQUENCES DES CRISES TOGOLAISES ET

IVOIRIENNES DE 1990 A 2020 55

SECTION 1 : ANALYSE DES CONSEQUENCES INTERNES DES CRISES

SOCIOPOLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNES DE 1990 à 2020 55

Paragraphe L'impact des crises sur le plan socio-économique 55

Paragraphe 2 : Évaluation des effets des crises sur le plan politique 57

SECTION 2 : ANALYSE DES CONSEQUENCES EXTERNES DES INSTABILITES POLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNE DE 1990-2020 60

Paragraphe 1 : L'impact au niveau sous régional 60

Paragraphe 2 : Les revers sur l'échiquier international 63

CHAPITRE 2 : LES PERSPECTIVES DE SOLUTIONS AUX CRISES

SOCIOPOLITIQUES 64

SECTION 1 : LES PERSPECTIVES NATIONALES 65

Paragraphe 1 : La promotion des valeurs démocratiques 65

Paragraphe 2 : La suppression des barrières identitaires et des clichés

régionalistes 69

SECTION 2 : LES PERSPECTIVES INTERNATIONALES 71

Paragraphe 1 : La dynamisation des organisations régionales 72

Paragraphe 2 : Le renforcement des politiques de non-ingérence des puissances

étrangères 75

CONCLUSION GENERALE 78

BIBLIOGRAPHIE 82

TABLE DES MATIERES 89






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand