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Le Cameroun et la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques


par Eric Salomon Ngono
Université de Yaoundé I  - Master 2 2020
  

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B- Genèse d'une conscience écologique camerounaise (1972-1992)

La naissance de la conscience écologique camerounaise comme dans tous les pays africains, puise son origine de la Conférence de Stockholm de 1972. Dès lors, le Cameroun ratifia des conventions à l'internationale en matière de protection de l'environnement. Au début des années 70, le pays adopta les premières lois relatives à la préservation de la nature et lança des projets environnementaux. Les années 80 vont voir la création des premières institutions chargées des questions environnementales.

1- Lois et l'adhésion du Cameroun aux conventions, accords et traités internationaux sur l'environnement

Avant 1992, certaines lois étaient associées à la notion d'environnement. Par contre, des instruments juridiques internationaux liés directement ou indirectement étaient considérables et voyaient successivement l'adhésion du Cameroun.

a) Les premières lois règlementant la protection de l'environnement au Cameroun post indépendant

D'un point de vue légal, la question environnementale connaît un vide juridique pendant la première décennie après l'indépendance du pays. Le premier acte juridique relatif à la protection de l'environnement au Cameroun vit le jour en 1972. La constitution du 02 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, disposait dans son préambule que "toute personne a droit à un environnement sain. La protection de l'environnement devenait ainsi un devoir pour tous"63.

b) Conventions, traités, accords et protocoles internationaux

Depuis la fin des années 70, et dans le souci de respecter la disposition qui figurait dans la constitution de la République Unie du Cameroun du 02 juin 1972, le Cameroun a coopéré avec la communauté internationale. Le pays s'est associé à presque toutes les initiatives internationales en matière de l'environnement en général, mais avec un accent particulier sur la protection de la nature et des ressources de la biosphère64.

De 1968 à 1992, des conventions, accords et traités internationaux en matière de conservation de la biodiversité et des écosystèmes, de pollution, de gestion des déchets et de changement climatique ont pris le devant de la scène internationale. La protection de l'environnement devenait ainsi un impératif pour toutes les nations du monde. Le Cameroun

63 CGES du Projet d'Assainissement Liquide du Cameroun, révisée par Mendomo Annick, 2013, p.26.

64 Ibid.

65 Ibid., p.53.

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ratifia, adhéra et accepta ces instruments internationaux. Sur les 26 conventions, accords, traités et protocoles qui ont été négociés durant les deux décennies, le Cameroun adhéra à sept. Le tableau ci-dessous présente ces instruments ainsi que l'action du Cameroun.

Tableau N°2: Récapitulatif des conventions et accords ratifiés par le Cameroun dans le
domaine environnemental

Conventions, accords et protocoles

Actions du Cameroun

Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles. Tenue à Alger le 15 septembre 1968.

Ratifié en 1977

Convention sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (1972)

Ratifié en 1982

Convention de Washington sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvage menacées de distinction (1973)

Ratifié en 1981

Accord sur les règlements conjoints de la faune et la flore dans le bassin du lac Tchad visant la protection des espèces (1977).

Ratifié en 1977

Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone (1985)

Adhésion 1989

Protocole de Montréal (1987)

Adhésion du Cameroun 1989

Convention de Bamako sur l'interdiction d'importer des déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontaliers en Afrique (1991).

Acceptation du Cameroun 1991

Source : Révision/ Opérationnalisation du PNGE vers un Programme Environnement (PE), volume I : Diagnostic de la situation de l'environnement au Cameroun, 2009, pp.44-45.

2- Genèse et évolution des institutions en charge de l'environnement au Cameroun des années 70 à 1992

Après la prise de conscience africaine des questions environnementales liée à la conférence de Stockholm, l'Etat camerounais va se doter de modestes institutions de diverses natures en matière d'environnement dès 1975. Il faut soulever que dès leur création, elles avaient un rôle très limité car dépendaient souvent d'un autre ministère. Le premier acte révélateur fut la création en 1977 de la Cellule de la Protection de l'Environnement (CPE) au sein du Ministère des Travaux Publics (MINTP)65. Par la suite, afin de lutter contre la désertification, le Comité interprovincial de Lutte Contre la Sécheresse et la Désertification fut créé en 1984. Un an après, le Comité National de l'Eau voyait le jour en 1985. Enfin, en prélude à la préparation du 3ème Sommet de la Terre qui devait se tenir à Rio de Janeiro, à la faveur du décret n°92/069 du 9 avril 1992, fut créé le Ministère de l'Environnement et des Forêts (MINEF)

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au sein duquel fut érigée une Direction de l'environnement.66 Le pays posait ainsi les jalons d'un combat auquel il s'engagera quelques mois plus tard à Rio.

3- Quelques projets environnementaux au Cameroun avant 1992

Bien que l'intérêt ne soit pas considérablement porté aux questions environnementales qui n'étaient pas la priorité des décideurs, le gouvernement camerounais initia par contre quelques projets visant indirectement ou directement l'environnement. La grande sécheresse des années 1972-1973 avait touché la province du Nord. Avec l'aide de la communauté internationale, le gouvernement camerounais avait entrepris des actions pour lutter contre la désertification. C'est dans ces circonstances que l'opération « Sahel Vert » fut lancée en 1982 malgré son faible taux de réussite67.

L'approvisionnement en eau des populations étant la priorité du gouvernement camerounais, l'Etat devait alors s'attaquer à ce secteur pour améliorer le cadre sanitaire de la population. Entre 1982 et 1983, on assista à l'amélioration du cadre de vie par les meilleures conditions d'hygiène et à la création des espaces verts. Cependant, les programmes furent très nombreux et coûteux en l'occurrence le 6ème plan quinquennal les prévoyait de l'ordre de 127,1 milliards de FCFA68. De même, en 1984, la dégradation accentuée du cadre de vie en milieu urbain a amené le gouvernement à lancer une campagne d'hygiène et de salubrité publique régie par la circulaire N°12244/MINAT/SP du 20 décembre 1984. Les actions menées lors de cette campagne visaient la sensibilisation de la masse populaire afin de l'inciter à adopter des mesures en faveur de l'hygiène, la salubrité et la protection de son environnement. En 1986, le 6ème plan quinquennal présentait la dégradation de l'environnement, la démographie galopante, l'exode rural comme étant des défis de l'avenir69.

III- La Conférence de Rio de Janeiro et élaboration d'une Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques

Pour répondre à l'appel lancé au début des années 80 sur l'élaboration d'une convention mondiale sur les changements climatiques, la communauté internationale se mobilisa à partir de 1991 afin de négocier la convention-cadre sur les changements climatiques. Elle fut parmi les trois conventions présentées par les Etats à Rio en 1992.

66 Ibid.

67 Environnement au Cameroun..., p.2.

68 Ibid., p.3.

69 Ibid., p.4.

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A- Négociations sur l'élaboration d'une Convention-Cadre des Nations Unies des sur les Changements Climatiques

En décembre 1990, l'Assemblée générale des Nations Unies approuva le début des négociations. Un Comité intergouvernemental pour la négociation d'une convention-cadre sur les changements climatiques vit immédiatement le jour. Elle a tenu cinq sessions entre février 1991 et mai 1992 conformément à une date butoir impérative, celle du sommet de la Terre de Rio en juin 199270. En quinze mois, les négociateurs de 150 pays élaborèrent le texte de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.

1- Première session et la composition du Comité intergouvernemental de négociation d'une convention-cadre sur les changements climatiques

La Résolution 45/212 relative à la protection du climat mondial pour les générations présentes et futures, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies lors de sa 71ème séance plénière du 21 décembre 1990 accordait la création, le fonctionnement, le rôle et le chronogramme du Comité intergouvernemental de négociation. Elle fixait le début des travaux au mois de février 1991. Chaque session de négociation ne devait pas durer plus de deux semaines. La première session se tint du 4 au 14 février 1991 à Washington D.C. Selon l'ordre du jour, après l'ouverture de la session, le bureau fut élu. Il devait procéder à l'adoption du règlement intérieur ainsi qu'à l'organisation des travaux du Comité intergouvernemental de négociation. Le mandat du comité était l'élaboration d'une convention-cadre efficace concernant les changements climatiques et comportant des changements appropriés, et mise au point de tout autre instrument connexe qui pourrait être convenu71.

La première session du Comité intergouvernemental de négociation chargée d'élaborer

une convention-cadre concernant les changements climatiques avait connu la participation des représentants d'Etats et des observateurs des institutions spécialisées de l'ONU, des organisations intergouvernementales et les ONG. Le Cameroun était représenté à cette séance inaugurale du Comité intergouvernemental de négociation par H.E.M Paul Pondi qui était à l'époque Ambassadeur du Cameroun à Washington et chef de la délégation camerounaise, et

M. Jean Blaise Konn, Conseiller de la mission permanente du Cameroun auprès des Nations Unies à New York72.

Le Comité était piloté par un chef de secrétariat spécial nommé par le secrétaire général des Nations Unies qui suivait les directives du Comité intergouvernemental de négociation.

70 PNUE et UNFCCC, Changement climatique, Fiche d'information, octobre 2001, p.36.

71 A/AC.237/1, 18 janvier 1991, p.3.

72 A/AC.237/INF.1 du 12 février 1991, p.6.

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Pour répondre aux besoins et de demander de conseils scientifiques et techniques, le secrétariat spécial devait coopérer étroitement avec le GIEC. A la première session, un projet de règlement intérieur a été soumis à l'examen du Comité intergouvernemental de négociation. Lors de cette session, le bureau du Comité intergouvernemental de négociation a été établi. Il était constitué du Français Jean Ripert président, de trois vice-présidents à savoir Chandrashekhar Dasgupta de l'Inde, Ahmed Djoghlaf d'Algérie et de Raul Estrada-Oyueta d'Argentine ; et d'un rapporteur qui était le Roumain Ion Draghici, chacun des cinq groupes régionaux étant représenté par un membre73.

Le Comité était aussi constitué des bureaux de groupe de travail I et II élu à la 2ème session se composaient de deux coprésidents et d'un vice-président. Pour le groupe de travail I le Japonais Nobutoshi Akao et le Mexicain Edmundo de Alba-Alcaraz en étaient coprésidents et le Mauritanien Mohamed Mahmoud Ould El Ghaouth était vice-président. Le Groupe de travail II quant à lui était composé de la canadienne Elizabeth Dowdeswell et de Robert F. Van Liepo de Vanuatu assuraient les fonctions de coprésidents et le Polonais Maciej Sadowski assurait la vice-présidence du groupe74. Pour la réussite des négociations et la production d'une convention consensuelle, le Comité intergouvernemental de négociation s'est servi du premier rapport d'évaluation du GIEC, ainsi que la Déclaration ministérielle de la deuxième Conférence mondiale sur le climat et d'autres documents pertinents.

2- Négociation des travaux d'élaboration des éléments relatifs aux

engagements et aux mécanismes

Ces travaux concernent la 2ème et la 3ème session du Comité intergouvernemental de négociation d'une convention-cadre sur les changements climatiques. La 2ème session se tint à Genève du 19 au 28 juin 1991. Le projet d'établissement d'un texte sur les éléments relatifs aux engagements fut confié au groupe de travail I. Le Groupe de travail II quant à lui s'est vu attribuer l'élaboration du projet de texte relatif aux mécanismes. A la fin de la 2ème session, le groupe de travail II rendait au Comité une liste des mots et expressions à éclaircir ou à définir en ce qui concerne les mécanismes75.

La 3e session du comité se tint du 9 au 20 septembre 1991 à Nairobi au Kenya. Outre la note des coprésidents des groupes de travail, les négociations se focalisèrent initialement sur les éléments relatifs aux mécanismes et aux termes attachés à ces mécanismes qui se devaient d'être éventuellement définis. Les coprésidents du groupe de travail II pensaient que :

73 V. Résolutions adoptées sur le rapport de la Deuxième Commission, p.161.

74 A/AC.237/18(partie II), 16 octobre 1992, p.3.

75 A/AC.237/WG. II/L.4, 18 septembre 1991, p.1.

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notre liste se présente dans l'ordre alphabétique anglais et doit être considérée comme non exhaustive. Certains termes pourront être insérés dans le chapitre définition de la convention. D'autres pourront simplement avoir à être éclaircis pour que toutes les délégations leur donnent la même interprétation. Au stade actuel du débat au sein du Groupe de travail II, nous espérons que la liste ci-jointe contribuera à éclaircir nos idées quant aux éléments à inclure, ou à ne pas inclure, dans le chapitre Définition d'une convention sur les changements climatiques76.

3- Adoption du texte unique de la convention-cadre sur les changements climatiques

Sur la base des discussions qui ont meublé la troisième session à Nairobi, le Comité intergouvernemental de négociation avait affiné le contenu du texte unique afin de faciliter la tenue d'un débat productif et bien ciblé à la session de décembre. Durant la quatrième session qui s'est tenue à Genève du 9 au 20 décembre 1991, les participants se sont appesantis sur la révision du texte sur les éléments relatifs aux mécanismes. En élaborant cette version révisée du texte unique, le Comité s'était attaché à concevoir des mécanismes qui puissent à la fois appuyer les objectifs de la convention et à aider à les atteindre effectivement. Leur démarche a toujours été la même, soucieux avant tout de parvenir à des résultats. Ils se demandaient d'abord ce qu'il fallait faire puis, à partir des vues exprimées par les délégations, les mécanismes furent conçus pour atteindre le but désiré77.

Les observations faites de ce texte avaient un caractère plus général. Premièrement, il en ressort clairement du texte dans le dispositif envisagé, que la Conférences des Parties constitue le rouage essentiel pour la prise de toutes les décisions politiques. Deuxièmement, en ce qui concerne l'application et l'interprétation de la convention, la définition des procédures qui facilitent la tâche des parties et qui ne prêtent pas à contestation, mais qui soient en même temps efficaces furent adoptées. Une procédure cohérente et logique fut proposée à l'article 1078. Troisièmement, sur insistance des délégations, un mécanisme administratif fut proposé pour mettre en oeuvre les programmes relatifs au transfert de technologie et aux ressources financières liées à la convention.

La cinquième et dernière session qui s'est tenue du 18 au 28 février 1992 à New York était dédiée à l'étude des avis donnés par le GIEC et à l'achèvement de la convention-cadre sur les changements climatiques. L'objectif majeur ici était de produire en fin de session un texte épuré où ne subsisteraient que quelques passages entre crochets correspondant aux grands choix

76 Ibid., p.2.

77 A/AC.237/Misc.13. GE.91-6700/6201B, P.1.

78 Ibid.

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politiques. Les grandes divergences de fond devaient être ramenées à leurs éléments essentiels, facilitant ainsi l'intervention politique.

En inaugurant la cinquième session, le Président, M. Jean Ripert a rappelé que le Comité n'avait plus beaucoup de temps et qu'il fallait accélérer les négociations tout en précisant les axes. Le président a fait ressortir la complexité de la tâche, l'importance des enjeux et la nécessité d'avoir un grand concept d'ensemble. Il lui paraissait qu'une convention-cadre ne se devait pas être trop générale ni trop entrée dans le détail. Il avait relevé les points fondamentaux qu'avait à résoudre le Comité, lequel devait notamment obtenir que les pays développés prennent des engagements au sujet des émissions et des puits thermiques, que tous les pays s'engagent à adopter des stratégies nationales et à échanger des informations et que les pays en développement puissent compter sur des apports de capitaux et de technologie, et également déterminer une procédure de présentation et d'analyse des rapports nationaux et concevoir les institutions qui permettraient d'appliquer efficacement la convention79.

A sa 2ème séance plénière, le 20 février, le Comité a entendu un exposé du professeur Bert Bolin, Président du GIEC sur le Supplément de 1992 dont l'élaboration avait été achevée à Genève du 10 au 12 février 1992. Il a indiqué que le supplément devait être examiné en le rapprochant des informations figurant dans le premier rapport du GIEC. Le Supplément devait aider les gouvernements à adopter une convention-cadre80. Pour l'achèvement de la convention-cadre sur les changements climatiques, le groupe de travail I a tenu 17 séances officielles et 5 séances officieuses, a examiné les principaux points suivants : Principes, Objectifs et Engagements. Il a transmis à la séance plénière les textes pertinents en vue de leur inclusion dans un "texte de synthèse de négociation révisé".81 Le Groupe de travail II avait pour sa part tenu 16 séances et plusieurs séances officieuses et avait examiné les points sur la coopération pour la science, la recherche, l'information et l'éducation ; arrangements institutionnels ; procédures ; clauses finales qu'il a transmis à la séance plénière. Le texte ainsi achevé, le projet de rapport tel que modifié fut adopté par le Comité dans les six langues officielles de travail dans Nations Unies.

Par contre, il y avait eu des points de blocage durant les négociations. En effet, les difficultés, bien souvent révélatrices de sensibilités très différentes entre les pays du Nord et du Sud et d'une forte méfiance du G77 vis-à-vis des intentions profondes ou supposées des pays du Nord ont été évoquées. Elles tournaient autour de cinq thèmes à savoir la souveraineté

79 A/AC.237/L.12 du 28 février 1992, p.4.

80 Ibid., p.11.

81 Ibid., p.12.

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nationale, l'équilibre environnement/développement, l'équilibre des engagements techniques entre Nord et Sud et la question du financement82. Le 28 février 1992, les négociations sur l'élaboration d'une convention-cadre sur les changements climatiques prirent fin avec la suspension de la session par le président du Comité intergouvernemental de négociation.

B- La Conférence de Rio de Janeiro : mobilisation internationale sur la lutte contre les changements climatiques

Vingt ans après la conférence de Stockholm, les Etats se sont réunis à Rio de Janeiro pour le troisième "Sommet de la Terre". Après dix jours de travaux, la conférence de Rio a adopté la Déclaration de Rio, l'Agenda 21, deux conventions internationales et les principes pour la gestion des forêts.

1- Aperçu de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement de 1992

Les origines de la Conférence de Rio remontent au rapport de la Commission mondiale pour l'environnement et le développement "Commission Brundtland"83. La résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptant le rapport avait prévu l'organisation d'une conférence mondiale sur l'environnement et le développement en 199284. Pour atteindre cet objectif, il fut créé un comité préparatoire ouvert aux Etats membres de l'ONU, de ses institutions spécialisées et presque à toutes les nations du monde et à tout autre observateur accrédité. De 1990 à 1992, le comité préparatoire organisa trois rencontres. Mais les négociations principales eurent lieu dans des réunions plus restreintes et spécifiques.

La Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED) se tint à Rio de Janeiro capitale du Brésil du 3 au 14 juin 1992. Elle réunit les représentants de 178 pays dont 6 ne faisaient pas partie des Nations Unies qui étaient représentés par près de

10 000 participants, dont 117 chefs d'Etat et gouvernement. Le Japon a détaché à lui seul 300 délégués. Près de 1 500 ONG étaient accréditées ainsi que près de 9 000 journalistes85. Elle portait sur l'état de l'environnement planétaire et sur les rapports entre économie, science et environnement. Ce sommet de la Terre préparé par deux ans de travaux préliminaires reste un événement historique majeur car, il mit en évidence le caractère indissociable de la protection

82 Barthod, "La conférence des Nations Unies...", p.40.

83 La Commission mondiale sur l'environnement et le développement (CMED) doit son nom à une docteure, madame Gro Harlem Brundtland, la première femme première ministre de la Norvège, qui a créé cette commission en 1983 et l'a présidée jusqu'en 1996 en défendant le principe de développement durable. En avril 1987, la CMED publie son rapport Notre avenir à tous, appelé aussi Rapport Brundtland. Les recommandations de la commission ont conduit à la convocation du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992.

84 Résolution 44/228 du 22 décembre 1989.

85 Kiss, Introduction au droit..., p.34.

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de l'environnement et le processus de développement. Durant cette conférence, la communauté internationale a pris conscience de la nécessité d'établir un partenariat à l'échelle globale un engagement politique à un "développement durable"86 pour la sauvegarde du climat mondial des générations présentes et futures.

2- Les différents textes adoptés ou soumis à la signature des Etats

La Conférence a adopté trois grands textes : la Déclaration de Rio l'Action ou l'Agenda 21 et la déclaration des principes relatifs aux forêts. Deux conventions ayant force obligatoire, visant à prévenir les changements climatiques à l'échelle mondiale et la disposition des espèces biologiquement diverses, ont été ouvertes à la signature à Rio. D'abord, nous avons la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement qui est un ensemble de 27 principes définissant les droits et les responsabilités des Etats. Conçue à l'origine comme une "Charte de la Terre", la Déclaration stipule notamment que les Etats ont "le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources"87 selon leur politique d'environnement et de développement, sans toutefois causer de dommages à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones au-delà des limites de leur juridiction. Elle promeut la pleine participation des femmes, la coopération entre les Etats qui sont de variables essentielles à la réalisation d'un développement durable. La Déclaration de Rio évoque sans distinction la responsabilité des Etats industrialisés qui doivent fortement financer les initiatives en faveur de la protection de l'environnement et de la lutte contre la pollution car "c'est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution"88.

La réunion des chefs d'Etat et de gouvernement a attiré l'attention mondiale sur la nécessité d'un développement écologiquement rationnel. C'est au cours de séances de négociation à huis clos que l'Action 21 a été élaborée. C'est un agenda pour la gestion de l'environnement au XXIe siècle. Les questions les plus délicates sur le plan politique concernaient des problématiques variées telles que le financement et le transfert de technologie qui devaient être assurés pour l'essentiel par les secteurs public et privé des différents pays. A Rio, il a été décidé que les gouvernements encourageraient et financeraient l'accès des pays en développement à des conditions avantageuses, y compris l'application d'un régime libéral et

86 C'est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s'appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement.

87 Déclaration de Rio principe 2.

88 Ibid.

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préférentiel. L'Action 21 abordait aussi des questions de désertification, d'atmosphère ainsi que la problématique des océans et les ressources marines89.

La Déclaration de principes relatifs aux forêts était l'un des principaux textes de la Conférence de Rio. Premier consensus mondial sur les forêts, elle a été mise au point à l'issue de longues négociations en vue d'une gestion écologiquement viable des forêts mondiales. C'est un texte constitué de quinze principes ayant essentiellement pour but de contribuer à la gestion, à la conservation et à l'exploitation écologiquement viable des forêts tant à l'échelle nationale qu'internationale. Le principe premier alinéa (a) stipule que :

Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale »90. Car, « les Etats ont le droit souverain et inaliénable d'utiliser, de gérer et d'exploiter leurs forêts conformément à leurs besoins en matière de développement et à leur niveau de développement économique et social, ainsi qu'à des politiques nationales compatibles avec le développement durable et leur législation, y compris la conversion de zones forestières à d'autres usages dans le cadre du plan général de développement économique et social et sur la base de politiques rationnelles d'utilisation des terres91.

A l'issue de négociations qui ont duré 15 mois, une Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques a été mise au point en mai 1992. Elle a été ouverte à la signature lors de la Conférence, le 4 juin, et signée par 153 pays. En signant la Convention, les gouvernements s'engagent à revenir d'ici à la fin de la décennie aux "niveaux antérieurs" d'émissions de gaz à effet de serre. Tous les Etats sont tenus de fournir périodiquement des rapports à jour sur les niveaux d'émissions et les mesures prises pour atténuer les changements climatiques. L'objectif consistant à ramener les émissions de dioxyde de carbone à leurs niveaux de 1990 d'ici à la fin de la décennie prôné par la Communauté européenne mais refusé par les Etats-Unis est énoncé dans la Convention, mais sa mise en oeuvre se fera sur une base volontaire. Pour permettre aux pays en développement de satisfaire à leurs obligations au titre de la Convention, les pays développés s'engagent à fournir une assistance financière "nouvelle et additionnelle"92. Cette assistance devrait s'acheminer par l'intermédiaire du Fonds pour l'environnement mondial.

La Convention sur la diversité biologique a aussi été ouverte à la signature lors de la Conférence, le 5 juin. Cette convention est la tentative la plus sérieuse de la communauté

89 http://www.un.org/french/events/rio92/rioround.html Consulté le 25-11-2018 à 14h31mn.

90 A/CONF.151/26(Vol. III) 14 Août 1992.

91 Ibid.

92 http://www.un.org/french/events/rio92/aconf15126vol3f.html Consulté le 25-11-2018 à 15h02mn.

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internationale pour faire face à l'appauvrissement des espèces biologiques de la terre.93 Lors de la Conférence, 153 pays ont signé la Convention, y compris 71 chefs d'Etat et de gouvernement. Pour son entrée en vigueur, elle doit être ratifiée par au moins 30 pays. L'objectif de la Convention est d'assurer une action internationale propre à stopper la destruction des espèces biologiques, des habitats naturels et des écosystèmes. Elle a pour objectifs :

la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et aux techniques, et grâce à un financement adéquat.94

Plusieurs pays ont exprimé des réserves sur divers aspects de la Convention mais sont convenus par la suite de la signer. Les Etats-Unis ne l'ont pas signée, arguant du fait que certaines de ses dispositions limiteraient indûment l'activité biotechnologique du pays.

3- Impact du sommet de Rio dans la lutte contre les changements

climatiques

La Conférence de Rio a donné le coup d'envoi à un programme ambitieux de lutte mondiale contre les changements climatiques, l'érosion de la biodiversité, la désertification, et l'élimination des produits toxiques dangereux. Bien que ces conventions soient perfectibles, elles ont engagé les Etats dans un effort de mise en oeuvre et, dans certains cas, dans un processus de négociation en vue de parvenir à l'adoption des instruments contraignants tel que le protocole de Kyoto. Le sommet de Rio fut marqué par l'annonce d'un programme ambitieux de lutte mondiale contre les changements climatiques.

Le troisième Sommet de la Terre a accéléré la prise de conscience sur les risques liés à l'augmentation des gaz à effet de serre paraissant comme une évidence de l'action concertée des Etats. Cette conférence entérine le principe de précaution, qui préconise qu'en l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques de l'époque, il était temps d'adopter de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement.95 Les participants visaient à parvenir à une entente sur des mesures concrètes tendant à concilier les activités économiques et la protection de la planète.

En somme, la conscience écologique née de l'inquiétude de la pression accrue de l'homme sur l'environnement pour le redressement économique a mis au-devant de l'arène internationale les préoccupations environnementales. Initiée dans les cercles scientifiques, elle va par la suite affecter

93 C. D. Stone, "La Convention de Rio de 1992 sur la diversité biologique", p.2.

94 Convention sur la diversité biologique, p.3.

95 L. Scotto d'Apollonia, Les controverses climatiques : une analyse socioépistémique, Thèse de Doctorat/ PhD en Sociologie, Université Paul Valery Montpellier III, 2014, p.28.

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l'opinion publique et intégrée dans les agendas politiques. On assiste dès lors à la généralisation des conférences sur les questions environnementales en occurrence celles de Stockholm marquant la création du PNUE et bien d'autres. A partir de 1979, la préservation du climat devient une urgence internationale. En 1980 on assiste à la structuration légale et institutionnelle en faveur à la protection de l'atmosphère et de la gestion du climat. Des instruments tels que la Convention de Vienne et le Protocole de Montréal voient le jour. De même, la création du GIEC en 1988 prouve la volonté de la communauté internationale à appréhender et d'asseoir une gouvernance climatique mondiale. Après la deuxième Conférence Mondiale sur le Climat en 1990, une convention relative à la lutte contre les changements climatiques est négociée entre 150 pays. La CCNUCC sera signée à l'unanimité à la Conférence de Nations Unies sur l'Environnement et le Développement à Rio de Janeiro en juin 1992.

Après les négociations internationales ayant conduit à la signature de la CCNUCC en 1992, quel est son objectif ultime ? Quel en sont les principes et les engagements des Parties ? Et quels sont les différents organes et les mécanismes chargés d'assurer la mise en application de la CCNUCC ?

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CHAPITRE II : LA CONVENTION-CADRE DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : PRINCIPES, ENGAGEMENTS, INSTITUTIONS ET ADHESION DU CAMEROUN

Connue communément sous son vocable anglais : "United Nations Framework Convention on Climate Change- UNFCCC", la Convention-Cadre des Nation Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) fut adoptée par le Comité intergouvernemental de négociation lors de la deuxième partie de la cinquième session tenue à New York du 30 avril au 09 mai 1992. Elle a été ouverte à la signature des Etats participants à la conférence de Rio du 4 au 14 juin 1992. La CCNUCC est un document de base d'un vaste programme à long terme de lutte contre les changements climatiques. Elle a pour but initial la stabilisation du système climatique mondial. Elle est entrée en vigueur le 21 mars 1994. Les Parties signataires doivent prendre des mesures au niveau national pour réaliser ce but. Les pays industrialisés, responsables historiques des émissions ont été mis en avant pour mettre à disposition des ressources financières importantes pour la lutte contre les changements climatiques1. Les parties à la convention devaient tenir des rencontres périodiques pour assurer l'application de ce texte. Ces rencontres sont dénommées les Conférences des Parties en anglais Conferences of Parties "COP". A l'occasion de ces sommets, des instruments découlant de cette convention sont adoptés. Il s'agit par exemple du Protocole de Kyoto à la CCNUCC adopté le 11 décembre 1997. Cet autre texte a créé des engagements contraignants à l'endroit des parties2.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard