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L'art numérique: médiation et mises en exposition d'une esthétique communicationnelle


par Lauren Malka
Celsa-Paris IV - Master 2 de Management Interculturel et Communication 2005
  

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c) Une mise en scène explicite et cohérente d'oeuvres physiques et conceptuelles : le cas de l'exposition de John Maeda à la Fondation Cartier

Les deux expositions évoquées plus haut accordent une importance particulière à la dimension physique des oeuvres et à l'immédiateté de leur médiation. La médiation de ces expositions est assurée par une thématique, un rapport physique à l'objet, une mise en scène frappante et n'oriente qu'implicitement l'interprétation conceptuelle du visiteur. Le visiteur doit ainsi recomposer une cohérence conceptuelle qui n'est pas explicite et risque de se trouver dans une incompréhension relative du concept de l'exposition ou de la pertinence esthétique de certaines oeuvres. En essayant de susciter l'intérêt du public pour l'art numérique, les médiateurs de l'art semblent ainsi risquer d'opacifier les logiques esthétiques et conceptuelles propres à chaque oeuvre.

.Un encadrement clair de la réception

Un dernier procédé observé offre une mise en scène claire, une proposition interprétative et réceptive sans équivoque et un éclairage explicite sur les oeuvres exposées. Ce type de procédé n'implique pas nécessairement une transparence totale de la pertinence des oeuvres et de leur valeur esthétique. Cependant, il permet une compréhension de l'intention de l'artiste au travers d'une médiation explicite. L'exposition Nature et Eye'm Hungry du créateur numérique, graphiste et chercheur en informatique John Maeda64(*) à la Fondation Cartier pour l'art contemporain semble adopter ce procédé communicationnel65(*). Tout d'abord, cette exposition forme deux expositions distinctes, portant deux titres, présentant deux scénographies et visant surtout deux publics différents : l'exposition Nature doit ouvrir l'art numérique à un public très large tandis que l'exposition Eye'm Hungry doit toucher le jeune public des enfants. De manière plus précise, la première présente des projections en mouvement sur écrans évoquant, comme l'annonce le titre, des phénomènes naturels comme la pluie qui tombe ou l'herbe qui pousse ; et la seconde, qui s'adresse plus particulièrement aux enfants, présente une série d'oeuvres réactive et offre une exploration ludique du thème de la nourriture et permet, comme l'explique la présentation sur Internet, aux « jeunes visiteurs la possibilité de s'essayer à l'abstraction interactive à travers six interfaces numériques disposées à leur hauteur » en s'amusant, à l'aide d'un simple clavier et d'une souris, à faire bondir des brocolis, frétiller des anchois et même à dessiner eux-mêmes des frites. Dès lors, l'exposition encadre les publics en structurant l'espace scénographique et la présentation des oeuvres ce qui montre d'ores et déjà une logique communicationnelle claire et explicite.

.Un dispositif communicationnel cohérent, une dimension artistique diluée

L'approche esthétique de John Maeda, présentée par les brochures institutionnelles de l'exposition distribuées à l'entrée, oriente par ailleurs le spectateur dans son interprétation générale de l'événement, pendant ou après la visite. Cette approche, qu'il développe en tant que professeur au MIT (Massachusetts Institute of Technology) Media Laboratory est une conception « humaniste » de l'outil informatique, favorisant une technologie plus simple d'utilisation et plus proche de l'être humain et de ses sensations, et en ce sens, une technologie capable de constituer un outil créatif. Les deux expositions sont gouvernées par cette simplicité esthétique et médiationnelle. L'ensemble de ces oeuvres, dont la signification est très explicite, est mis en scène avec simplicité, d'une manière très épurée. Les ordinateurs de la série Nature sont dissimulés, seules les images de leurs écrans sont projetées sur des toiles blanches et lumineuses. Par ailleurs, pour ce qui concerne la série Eye'm Hungry, les installations sont placées les unes à côté des autres, comme une série d'installations ludiques, et sont adaptées à la taille des enfants. Ainsi, il semble que l'esthétique scénographique de cette exposition soit toute entière guidée par les principes de l'artiste à savoir : l'humanisation des technologies et la simplicité. Par ailleurs, de nombreuses brochures institutionnelles ainsi qu'un site Internet consacré à l'exposition éclairent rétrospectivement, et de manière individuelle, la visite66(*). Ce site Internet permet de revisiter les oeuvres à la lumière d'explications conceptuelles et d'entretiens avec l'artiste. Il semble ainsi que les axes médiationnels de cette exposition résident tout à la fois dans la thématique générale de l'oeuvre, ses dispositifs scénographiques encadrant les oeuvres et les interactions encadrant la relation du public aux oeuvres. L'ensemble de ces procédés communicationnels forme ainsi un système cohérent et explicite pour le public.

Or ne peut-on craindre qu'un dispositif trop explicite, qu'une transparence interprétative n'entraîne une réception univoque et sans relief conceptuel ? Le souci de simplicité et de compréhension univoque du public ne risque-t-il d'affaiblir le sens des oeuvres ? Ne peut-on considérer qu'une mise en scène plus réfléchie des oeuvres de John Maeda aurait permis une interprétation plus riche de son concept ? Finalement, il semble que cette exposition ne soit pas le lieu d'une interprétation ou d'une reconstruction des finalités esthétiques de John Maeda mais celui d'une vulgarisation presque commerciale de ses oeuvres : un lieu où les oeuvres sont disposées avec simplicité pour des publics explicitement ciblés et différenciés dans l'espace.

.Conclusion intermédiaire : une pluralité médiationnelle riche et balbutiante

Cette étude des procédés communicationnels d'institutions traditionnelles s'essayant pour la première fois à la mise en exposition de l'art numérique, montre une hétérogénéité certaine des modalités d'exposition et des positionnements communicationnels et esthétiques. La dimension systémique de cet art qui redéfinit l'oeuvre comme une totalité impliquant la conception, les dispositifs d'exposition et d'esthétisation de la relation au visiteur déstabilise les modes de valorisation des oeuvres et semble finalement diluer partiellement les discours esthétiques définissant ce courant. De même que le Net Art, qui redéfinissait l'idée de cadre, et la notion d'interactivité chaque fois qu'une oeuvre nouvelle apparaissait, de même la mise en exposition de l'art numérique dans des institutions traditionnelle semble redéfinir à chaque fois les notions de médiation artistique et d'esthétique de la communication. Régis Cotentin, commissaire d'exposition de Volupté Numérique confiait lors de l'entretien qu'il nous a accordé :

« Je crois qu'en fait en ce moment tout le monde est en train de chercher le meilleur moyen de présenter ce type d'oeuvre qui n'est pas facile à présenter. Il y a pas encore de solution idéale, mais il y a rien qui me choque. Il y a des solutions plus ou moins heureuses à ces problèmes. » (cf. annexe p.III)

En effet, les trois logiques communicationnelles évoquées, appréhendent différemment la mise en relation des oeuvres et du public, l'esthétisation de cette relation et sa conceptualisation à long terme, et tentent toutes les trois d'ouvrir à leur manière, et avec leurs faiblesses, cette forme artistique au public en renouvelant différemment les dispositifs de la médiation. Elles révèlent par là les exigences et les écueils possibles de la mise en exposition de ce courant naissant. Cette étude de l'hétérogénéité des réponses apportées par les différents musées et institutions artistiques classiques confrontées, pour la première fois, à la problématique de la mise en exposition des créations numériques dans toute leur complexité esthétique et conceptuelle, nous amène à nous interroger sur les choix d'institutions expérimentée dans la recherche et l'exposition de l'art numérique.

* 64 John Maeda, http://www.maedastudio.com/index.php

* 65 John Maeda, Nature + Eye'm Hungry, Fondation Cartier, 19 Novembre 2005-19 février 2006.

* 66 Le site de l'exposition John Maeda, à la fondation Cartier : http://www.fondation.cartier.fr/flash.html

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand