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Le droit international à l'épreuve de l'emploi d'armes nucléaires aux termes de l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice du 8 juillet 1996

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par Sylvain-Patrick LUMU MBAYA
Université de Kinshasa - Licence en droit-Avocat au Barreau de Kinshasa/Matete et Assistant à la Faculté de droit de l'UNIKIN 2004
  

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SECTION 1 : LES INTRUMENTS CONVENTIONNELS RELATIFS AUX ARMES NUCLEAIRES

§1. Les interdictions conventionnelles des armes empoisonnées

I. Les points de vue contradictoires des Etats.

L'absence de définition unanimement acceptée des armes nucléaires a conduit certains Etats (150(*)) à considérer que les interdictions conventionnelles dont font l'objet les armes empoisonnées et les armes de destruction massive (biologiques et chimiques) s'appliquaient aux armes nucléaires « capables de destruction massive, dommages généralisés ou empoisonnements massifs » (151(*))

A cet égard, il a été avancé que les armes nucléaires devraient être traitées de la même manière que les armes empoisonnées.

En pareil cas, les armes nucléaires seraient alors prohibées :

A. par la deuxième déclaration de la Haye du 29 juillet 1899 qui interdit « l'emploi de projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délatères » ;

B. Par l'article 23 a) du règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la convention IV de la Haye du 18 octobre 1907, selon lequel « il est interdit : ... d'employer du poison ou des armes empoisonnées » ;

C. Par le protocole de Genève du 17 juin 1925 qui interdit « l'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières ou procédés analogues ».

Ce point de vue, généralement défendu par les tenants de l'illicéité de l'emploi d'armes nucléaires a-t-il retenu l'attention de la Cour ?

II. Appréciation de la Cour (152(*))

A propos du règlement annexé à la convention IV de la Haye, la Cour a fait observer qu'il ne définit pas ce qu'il faut entendre par « du poison ou des armes empoisonnées » et que des interprétations divergentes existent sur ce point. Tandis que le protocole de 1925 ne précise pas davantage le sens à donner aux termes « matières ou procédés analogues ». Dans la pratique des Etats, ces termes ont été entendus dans leur sens ordinaire comme couvrant des armes dont l'effet premier, ou même exclusif, est d'empoisonner ou d'asphyxier. Ladite pratique est claire et les parties signataires de ces instruments ne les ont pas considérés comme visant les armes nucléaires.

La tendance a été, soutient-elle, en ce qui concerne les armes de destruction massive, de les déclarer illicites grâce à l'adoption d'instruments spécifiques.

C'est dans ce contexte qu'ont été adoptées :

- la convention du 10 avril 1972 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction et ;

- la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction.

Pour répondre à la question de leur applicabilité aux armes nucléaires, la Cour estime que « chacun de ces instruments a été négocié et adopté dans un contexte propre et pour des motifs propres et ne trouve pas d'interdiction spécifique du recours aux armes nucléaires dans les traités qui prohibent expressément l'emploi de certaines armes de destruction massive » (153(*))

De nombreuses négociations menées au sujet des armes nucléaires n'ont pas abouti à un traité d'interdiction générale du même type que pour les armes bactériologiques et chimiques. Cependant, plusieurs traités spécifiques ont été conclus en vue de limiter l'acquisition, la fabrication et la possession d'armes nucléaires, leur déploiement ainsi que leurs essais.

§2. Traités spécifiques limitant l'acquisition, la fabrication, la possession et le déploiement d'armes nucléaires.

Nous examinerons à ce sujet les points de vue divergents des Etats avant de donner les positions de la Cour.

I. Les points de vue divergents des Etats

1° Les défenseurs de l'illicéité

Les défenseurs de l`illicéité de l'emploi d'armes nucléaires soutenaient justement que les traités précités seraient applicables à l'emploi d'armes nucléaires. Dans ce sens, ils affirmaient pour leur part que les conventions qui comportent diverses règles de limitations ou de l'élimination de l'arme nucléaire dans l'espace déterminé, comme le traité du 1er décembre 1959 qui interdit le déploiement des armes nucléaires parmi d'autres dans l'Antarctique, ou le traité de Tlatelolco du 14 février 1967 qui crée une zone exempte d'armes nucléaires en Amérique Latine ; ou les conventions qui appliquent les mesures de contrôle et de délimitation sur l'existence des armes nucléaires, comme les traités des prohibition partielle ou complète des essais nucléaires, ou le traité du 1er juillet 1968 sur la non prolifération des armes nucléaires accumulent, toutes, les limitations sur l'utilisation des armes nucléaires et témoignent à leur façon de l'émergence d'une norme de prohibition juridique complète de toute utilisation des armes nucléaires(154(*)).

2° Les partisans de la licéité

Les Etats qui soutiennent que le recours aux armes nucléaires est licite dans certaines circonstances voient dans l'affirmation ci-haut une contradiction logique. Selon eux ces traités, tel le traité du 1er juillet 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires, de même que les résolutions 255 (1968) et 984 (1995) du Conseil de sécurité, qui prennent acte des garanties de sécurité données par les Etats dotés d'armes nucléaires aux Etats qui n'en sont pas dotés en cas d'agression nucléaire contre ces derniers, ne sauraient être compris dans le sens d'une prohibition légale d'emploi d'armes nucléaires. Une telle prétention serait contraire à la lettre même de ces instruments. Pour les partisans de la licéité, il n'existe aucune interdiction absolue d'utiliser des armes nucléaires(155(*)). Le TNP, est-il soutenu, se base dans sa logique et sa structure mêmes sur le contraire. L'on ne peut pas concevoir que ce traité, aux termes duquel la possession d'armes nucléaires par les cinq Etats qui en sont dotés a été acceptée [et même légalisée], se constitue un traité qui en proscrirait l'emploi par ces mêmes Etats. Admettre le fait que ces Etats possèdent l'arme nucléaire reviendrait à reconnaître [à fortiori] que cette arme peut être employée dans certaines circonstances particulières s'il le faut(156(*)).

Quant aux garanties de sécurité données par les Etats dotés d'armes nucléaires en 1968 et, plus récemment, dans le contexte de la conférence de 1995 des parties au TNP chargée d'examiner le traité et la question de sa prorogation, elles ne pourraient pas non plus être conçues sans présupposer qu'il existe des circonstances dans lesquelles des armes nucléaires pourraient être utilisées de manière licite(157(*)). L'acceptation des instruments susvisés par les différents Etats non dotés d'armes nucléaires confirmerait et renforcerait la logique évidente sur laquelle se fondent ces instruments.

La doctrine estime que le raisonnement des défenseurs de la licéité dans ce contexte particulier se fonde sur la logique tant invoquée du jugement de la CPJI dans les affaires Lotus, à savoir, « tout ce qui n'est pas interdit est permis »(158(*)), et que tant qu'aucune règle directe d'interdiction de l'emploi d'armes nucléaires ne peut être démontrée dans le droit international général, celui-ci est permis dans les circonstances particulières où l'usage de la force est licite selon le droit international159(*).

De ce fait, toutes les conventions qui ont pour objet d'apporter des limitations à l'existence des armes nucléaires, n'apportent que des restrictions précises et limitées, en dehors desquelles l'utilisation de ces armes reste licite. Poussé plus loin, le raisonnement des défenseurs de la licéité amènerait à la conclusion que ces Etats considèrent les différents traités multilatéraux réglementant l'existence de l'arme nucléaire, plus spécialement le TNP, par les limitations qu'ils apportent et leurs structures logiques, comme ne relevant pas d'une simple permission (par la non interdiction expresse), mais comme dégageant aussi une pure garantie d'un droit d'utilisation de l'arme nucléaire en dehors des champs d'application de ces traités160(*). La conclusion pourrait être, au regard de ce raisonnement, que le droit international admet une utilisation éventuelle des armes nucléaires.

II. Le traitement de la Cour

Dans son examen de la question, la Cour passe en revue les différents instruments internationaux portant sur diverses mesures de réglementation de l'existence de l'arme nucléaire. Son objectif était de savoir « s'il existe une interdiction de recourir aux armes nucléaires en tant que telles »(161(*)) dans les divers instruments conventionnels. Elles relève notamment que la tendance en matière d'interdiction d'emploi d'une classe donnée d'armes de destruction massive, était toujours « de les déclarer illicites grâce à l'adoption d'instruments spécifiques »(162(*)) et note par ailleurs que :

« Les traités qui portent exclusivement sur l'acquisition, la fabrication, la possession, le déploiement et la mise à l'essai d'armes nucléaires, sans traiter spécifiquement de la menace ou de l'emploi de ces armes, témoignent manifestement des préoccupations que ces armes inspirent de plus en plus à la communauté internationale ; elle en conclut que ces traités pourraient en conséquence être perçus comme annonçant une future interdiction générale de l'utilisation des dites armes, mais ne comportent pas en eux-mêmes une telle interdiction »(163(*)).

Bien que la Cour conclut son examen de instruments réglementant l'existence de l'arme nucléaire par la constatation qu'il n'y existe effectivement aucune interdiction générale d'emploi de l'arme nucléaire per se, elle ne manque pas de souligner que :

« Pour ce qui est des traités de Tlatelolco et de Rarotonga et leurs protocoles ainsi que des déclarations faites dans le contexte de la prorogation illimitée du TNP, il ressort de ces instruments :

a) qu'un certain nombre d'Etats se sont engagés à ne pas employer les armes nucléaires dans certaines zones (Amérique latine, pacifique Sud) ou contre certains autres Etats (Etats non-détenteurs d'armes nucléaires parties au TNP) ;

b) que toutefois, même dans ce cadre, les Etats dotés d'armes nucléaires se sont réservés le droit d'y recourir dans certaines circonstances ;

c) que ces réserves n'ont suscité aucune objection de la part des parties aux traités de Tlatelolco ou de Rarotonga ou de la part du Conseil de sécurité »(164(*)).

La Cour ne peut alors que rappeler que « la menace ou l'emploi d'armes nucléaires devrait être compatible (...) avec les obligations particulières en vertu des traités et autres engagements qui ont expressément trait aux armes nucléaires » (165(*)).

Mais on peut difficilement considérer, à moins de confondre la lex lata et la lex ferenda, que ces traités - auxquels il faut aujourd'hui ajouter les traités sur la dénucléarisation du sud-est asiatique (15 décembre 1995) et de l'Afrique (11 avril 1996) - « témoignent à leur manière de l'émergence d'une norme de prohibition juridique complète d'armes nucléaires » (166(*)).

La Cour y voit tout au plus le témoignage « des préoccupations que ces armes inspirent de plus en plus à la communauté internationale » et « l'annonce d'une future interdiction générale de l'utilisation desdites armes » (167(*)).

L'analyse des normes spécifiques du droit des conflits armés conduira-t-il à la même conclusion ?

* 150 Par exemple, exposé oral des les Salomon, CR 95/32, p.56

* 151 Selon la définition de l'annexe 11 du protocole aux accords de Paris du 23 octobre 1954 relatifs à l'accession de l'Allemagne au traité de l'Atlantique Nord.

* 152 CIJ, Recueil 1996, p.248, paragraphe 55

* 153CIJ, Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil, 1996,p.248

* 154 Voir par exemple Egypte, (AG), Reply, p.11 ; Pays-Bas, (OMS), Trad., p.4 ; Australia, Plaid, 30/10/1995, p.57 ; voir aussi CIJ, Recueil 1996, p.252, paragraphe 60

* 155 Voir l'exemple UK, (OMS), p.63 ; France (OMS), p.24 ; USA (OMS), Trad., p.14 ; aussi CIJ, Recueil 1996, p.252, paragraphe 61

* 156 Voir par exempleUK, (AG), Trad., p.24 ; Recueil, CIJ, 1996,p.252, paragraphe 61, Aussi ROSTON, €, « Remarks », 75th Annual Meeting, Proceeding of the American Society of International Law, panel on Strategic Deterrence and Nuclear War, April 1982, p.p.25-26.

* 157 Voir par exemple UK, (AG), Trad., p.25 ; CIJ, Recueil 1996, p.252, paragraphe 61

* 158 Affaire de Lotus, Série A, N.9, CPJI, Recueil 1927, p.18-19. Voir l'Opinion dissidente du juge Nyholm, p.60

* 159 Voir par exemple UK, paragraphe 3.3 ; France, Plaid. 1/11/1995, p.79 ; CHRISTAKIS (Théodore)& LANFRANCHI, (Marie-Pierre), La licéité de l'emploi d'armes nucléaires devant la Cour Internationale de Justice, analyses et documents, Economica, Paris, 1997, p.519.

* 160 Voir France, (OMS), p.27, voir aussi dans ce sens Russie, (AG), Trad., p.9

* 161 CIJ, Recueil 1996, p.248, paragraphe 53

* 162 Ibid., p.248, paragraphe 58

* 163 Ibid., p.253, paragraphe 62

* 164 CIJ, Recueil 1996, p.253, paragraphe 62

* 165 CIJ, Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil 1996, par.105 D.

* 166 Idem par. 60

* 167 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Avis consultatif du 8 juillet 1996, CIJ, Receuil 1996, paragraphe 62.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote