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La clausula rebus sic stantibus et les traités internationaux

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2007
  

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Faculté de Rouen

UFR Droit, Sciences économiques et Gestion

Droit

Master 1 Droit international et européen

Année universitaire 2006 / 2007

Mémoire

La clausula rebus sic stantibus et les traités internationaux

Mémoire préparé par

Sami FEDAOUI

Sous la direction du Professeur

Raphaële RIVIER

INTRODUCTION

"Un changement fondamental de circonstances qui s'est produit par rapport à celles qui existaient au moment de la conclusion d'un traité et qui n'avait pas été prévu par les parties ne peut pas être invoqué comme motif pour mettre fin au traité ou pour s'en retirer, à moins que : a) l'existence de ces circonstances n'ait constitué une base essentielle du consentement des parties à être liées par le traité ; et que b) ce changement n'ait pour effet de transformer, radicalement la portée des obligations qui restent à exécuter en vertu du traité. [...] Si une partie peut, conformément aux paragraphes qui précèdent, invoquer un changement fondamental de circonstances comme motif pour mettre fin à un traité ou pour s'en retirer, elle peut également ne l'invoquer que pour suspendre l'application du traité." Ces dispositions extraites de l'article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des traités peuvent nous aider à comprendre la signification de la théorie de la clausula rebus sic stantibus. Et ce d'autant plus que parmi l'ensemble des fondements invocables à l'appui de l'inéxecution des conventions internationales, la clause rebus sic stantibus qui désigne l'hypothèse d'un changement fondamental de circonstances a fait l'objet de réflexions abondantes de la part de plusieurs auteurs, et on peut relever à cet égard que cette question n'a pas manqué d'alimenter une controverse importante quant au bien-fondé d'un tel motif d'inapplication des traités internationaux.1(*)

La clause rebus sic stantibus n'est pas spécifique au droit des traités internationaux en ce que cette règle correspond à une idée générale relativement ancienne soutenue notamment par certains jusnaturalistes2(*), selon laquelle il relève d'un principe du droit naturel que toute obligation résultant formellement d'un échange de consentement entre deux ou plusieurs parties n'est "viable" que si les choses restent en l'état. Autrement dit, les parties ne s'engagent, dans leurs rapports mutuels, que dans la stricte mesure des stipulations exprimées lors de la conclusion de ladite convention, or ces engagements s'inscrivent dans une situation de fait ou de droit qui a pu être déterminante dans l'expression du consentement des parties ou de l'une d'entre elles. Dès lors, il résulte de ceci qu'en cas de changement de circonstances qui bouleverse l'équilibre initial et rend inéquitable pour l'une des parties le maintien de l'application des engagements, celle-ci doit être en mesure de solliciter la suspension ou la terminaison de ses engagements selon ce que lui imposent les circonstances nouvelles.

Et des "notions voisines" sont appliquées dans certaines matières, ainsi par exemple en matière de droit français des contrats administratifs. En effet, le juge administratif a mis en oeuvre la théorie de l'imprévision, consacrée par l'arrêt célèbre Gaz de Bordeaux du Conseil d'État en 1916, en vertu de laquelle, à défaut de pouvoir mettre un terme à l'exécution de la convention3(*), le maintien de l'application des engagements doit faire l'objet d'une compensation permettant de rétablir l'équilibre économique initial.

À titre de comparaison, il existe certaines notions qui, par leur similarité avec la clause rebus, peuvent éclairer la compréhension de la clause, ce sont notamment la théorie anglaise de la "frustration", la théorie française de l'imprévision, la survenance d'une situation rendant impossible l'éxécution des obligations ou même la survenance d'une nouvelle norme de jus cogens. Ces diverses solutions présentent une certaine concordance en ce sens qu'elles font intervenir cette idée de circonstances ou de situation sur lesquelles les parties n'ont aucune maîtrise, toutefois, comme le souligne Poch de Caviedes, on doit se préserver de toute "confusion artificielle" entre ces concepts car ce sont des figures juridiques autonomes avec leur propre réalité.

On peut retenir par exemple la théorie civiliste de cause de l'obligation qui constitue un motif de caducité des contrats. La jurisprudence de la Cour de Cassation a développé un ensemble de solutions aux termes desquelles les parties au contrat peuvent invoquer la nullité de leur engagement dès lors que l'obligation souscrite est dépourvue de cause, il s'agit ici de cause objective c'est à dire que doit exister un objet à l'obligation, autrement la caducité du contrat peut être invoquée. Et cette cause doit exister tant au moment de la conclusion du contrat qu'au stade de son éxécution, ce qui signifie qu'une circonstance extérieure aux parties, ayant fait disparaître l'objet de l'obligation, est tout à fait de nature à fonder le recours à ce mécanisme de caducité. Cette théorie opére ainsi comme la clause rebus puisqu'elle a pour conséquence de remettre en cause la poursuite des obligations nées du contrat en raison d'un évenement affectant l'objet de l'obligation, et pourtant ces deux mécanismes n'ont ni la même vocation ni les mêmes fondements car, en substance, la théorie rebus vise à rétablir l'équilibre des engagements et, contrairement à la théorie civiliste, elle ne porte pas sur la validité de l'engagement subordonnée à l'existence d'une cause objective mais sur l'applicabilité de l'engagement au regard de l'évolution des circonstances ayant manifestement conditionné le consentement de l'une des parties au traité. Cette notion de cause objective est par conséquent indifférente au principe issu de la théorie rebus sic stantibus.

Et dans cet esprit de comparaison on peut aussi envisager un principe important du droit international, car en effet on ne peut nier que les relations entre les États parties à toute convention sont irriguées essentiellement par le principe coutumier pacta sunt servanda4(*) selon lequel lesdites parties sont tenues par leurs engagements, c'est à dire qu'il existe un lien contraignant entre celles-ci puisqu'elles se sont obligées à respecter certaines normes prévues aux termes du traité. La clause rebus sic stantibus n'est pas incompatible avec ce principe de force obligatoire des traités internationaux dans la mesure où elle n'a pas vocation à établir le caractère aléatoire des engagements internationaux dont l'éxécution serait tributaire d'une condition de permanence des circonstances, ce qui établirait de facto une insécurité juridique compte tenu de l'évolution des aléas qui entourent les traités. On peut dire que cette clause a plutôt pour objet de compléter le principe pacta sunt servanda au sens où la garantie de l'effectivité de la force obligatoire des traités impose que l'État qui s'est tenu à éxécuter de bonne foi ses obligations puisse se libérer de celles-ci dès lors qu'il apparaît, sauf à établir la preuve de sa mauvaise foi, que les circonstances sont telles qu'elles ne lui permettent plus d'assurer leur éxécution. Ainsi, on peut considérer qu'il existe une complémentarité entre ces deux principes puisque le premier affirme l'exigence du respect des obligations auxquelles les États se soumettent par traité et le second y introduit une cause d'extinction du traité admise dans une certaine mesure. Et à cet égard la clause rebus sic stantibus s'inscrit dans la même logique que certaines causes d'inapplication du traité, tels que la survenance d'une situation rendant impossible l'éxécution du traité, dont le but est d'aménager le principe de force obligatoire en prenant en considération des évenements extérieurs et indépendant de la volonté ou du fait des parties.

Ayant montré que la théorie de la clausula n'est pas de nature à contredire le principe pacta sunt servanda, il faut rappeler que cette comparaison n'a pas tellement d'intérêt effectif dans la mesure où la clausula a justement pour objet de rendre caducs les engagements initiaux, ceci équivalant à rendre inopérant le principe pacta sunt servanda.

C'est pourquoi on peut penser qu'il est plus intéressant de centrer nos interrogations sur la clausula elle-même et c'est en ce sens qu'on est conduit à identifier son régime ainsi que son statut dans l'ordre international. Certains auteurs n'y voient qu'un motif d'ordre purement politique, contrairement à d'autres qui la considèrent comme une règle de droit positif. Or s'interroger sur le règime de celle-ci implique que l'on examine l'ensemble des "outils" pertinents, autrement dit il s'agit de mettre en lumière son règime juridique à l'aune des points de référence constitués tant de la pratique diplomatique interétatique que de la jurisprudence.5(*)

En d'autres termes, il est question de centrer notre étude sur la nature qui caractérise la clause rebus dans la réalité juridique positive, à ce titre les différents élements fournis par la pratique diplomatique ainsi que par la jurisprudence constituent une base de référence importante. Il est clair qu'il est nullement question de recenser de manière exhaustive les cas d'invocation de la règle rebus compte tenu de la pléthore d'exemples, il est sans doute plus raisonnable de dégager une synthèse sur cette base tout en étayant nos développements avec l'appui d'illustrations suffisament significatives.6(*) Mais précisons de suite qu'il ne s'agit surtout pas d'adopter une démarche qui consisterait à écarter ou retenir la pratique internationale selon qu'elle corrobore ou non nos propos, il s'agit au contraire de comprendre le mouvement systémique, général, de la pratique afin de la retranscrire par certains exemples.

Dès lors, au vu de l'ensemble des éléments de référence pertinents sur la clause rebus sic stantibus, doit-on considérer que ce principe constitue une cause juridique d'extinction reconnue et encadrée par des règles déterminées ou bien un motif d'ordre politique dont l'invocation est laissée à la libre faculé de l'État partie au traité ? Plus précisement, s'agit-il d'un instrument politique relevant de considérations opportunistes absolument exclu du champ des règles de droit positif permettant de se soustraire à l'application du traité international dans certaines conditions ?

On peut considérer que la clause rebus sic stantibus constitue un principe singulier dans la mesure où la reconnaissance a priori de celui-ci comme motif invocable à l'appui de la terminaison des traités n'est pas contestée par le droit international7(*), mais il s'avére que c'est son utilisation qui a donné lieu à une controverse importante de telle manière que l'on pourrait l'appréhender au premier abord comme un instrument politique. Toutefois si l'on analyse plus profondément les divergences de la pratique internationale, ceux-ci ne sont pas de nature à contester l'existence de ce principe en tant que norme juridique positive. Dès lors, si l'ensemble du droit international admet de jure la théorie rebus sic stantibus à l'appui de la terminaison des traités dès lors que ce principe répond à des exigences déterminées ( I ), on peut également avancer que la "construction juridique" du régime de ce principe par le droit international n'est en rien remise en cause par les mouvements contradictoires de la pratique internationale ( II ).

Partie I : La reconnaissance de la clausula comme cause juridique de la caducité des traités.

Si l'on étudie l'ensemble du droit positif, il ressort clairement que la règle qu'un traité international doit s'appliquer rebus sic stantibus c'est à dire "les choses demeurant en l'état" est tout à fait admise, ce qui signifie que la théorie de la clausula constitue un motif légal valable à l'appui de l'extinction des engagements internationaux, mais il convient de préciser que cette reconnaissance du principe est encadrée à plusieurs égards. Ainsi, le principe de la clausula est consacré par le droit positif dès lors que certaines conditions le justifiant sont réunies ( A ), et dans la mesure où il n'a pour effet de contrevenir aux principes essentiels de la dénonciation des traités ( B ).

A. La consécration du principe de la clausula sur la base de conditions importantes.

À l'examen du droit positif on peut constater que le changement fondamental de circonstances constitue bien un motif reconnu comme permettant d'invoquer la caducité de tout ou partie des engagements conclus aux termes du traité dans la stricte mesure où certaines conditions sont remplies en ce sens encadrant ainsi le changement de circonstances même, et également le pouvoir d'appréciation de l'État qui s'en prévaut.

Chapitre 1 : La validité du principe soumise à des exigences conditionnelles tenant au changement de circonstances.

La mise en jeu du principe découlant de la théorie de la clausula a été admise par l'ensemble du droit positif à titre conditionnel, en d'autres termes c'est parce que certaines exigences ont été posées à la base de ce principe que celui-ci peut jouer comme cause juridique d'extinction des engagements internationaux. À cet égard, il convient de se référer essentiellement à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 (ci-après la Convention), et notamment son article 62, qui constitue un instrument international de premier ordre.8(*) Ce n'est pas sans raison que la jurisprudence internationale, essentiellement celle de la Cour internationale de Justice (ci-après la Cour), se fonde principalement sur ses dispositions en la matière. Comme en témoigne l'arrêt de la Cour rendu en 1973 en l'affaire Compétence en matière de pêcheries, le droit international admet une telle cause juridique de caducité des traités internationaux dès lors que certaines conditions sont réunies.9(*)

S'agissant du changement de circonstances proprement dit dont peut se prévaloir une des parties au traité, il apparaît que celui-ci est largement encadré par le droit positif. En effet, le changement de circonstances doit présenter un caractère d'une certaine importance, et doit en outre porter sur des circonstances ayant constitué, selon l'expression formulée par l'article 62 de la Convention, "une base essentielle du consentement des parties à être liées par le traité". C'est dans ce cadre que le principe de la clausula constitue un motif d'extinction des traités s'inscrivant ainsi dans la sphère des règles juridiques admises à l'appui de la caducité de ces engagements, il convient par conséquent d'examiner ces deux conditions tenant au changement de circonstances qui doivent être nécessairement réunies.

Tout d'abord, l'exigence d'un changement d'une certaine gravité, ou du moins ayant un impact important sur la portée des obligations nées du traité, est une condition essentielle. Il est en effet nécessaire que le changement de circonstances invoqué présente un caractère suffisament important de telle manière qu'il altère la consistance des obligations découlant du traité. Lorsque la Cour estime dans l'arrêt précité qu'il faut "que le changement de circonstances ait été fondamental", elle précise le sens de cette exigence conformément à la logique retenue par la Convention. Ainsi, le changement de circonstances ne peut être valablement invoqué que s'il opère un bouleversement radical à l'égard des engagements initialement consentis, ce qui signifie que tout changement qui ne modifierait pas véritablement l'économie générale du traité doit être considéré comme inopérant dans l'hypothèse d'une dénonciation sur ce fondement.

Dans cet ordre d'idées, il convient d'ajouter que cet encadrement par le droit positif traduit la consécration d'une des tendances de la pratique internationale. Il est vrai que se dégagent principalement deux tendances contradictoires dans la pratique, l'une visant à permettre le recours au principe de la clausula sans exigence particulière quant à l'importance dudit changement, et l'autre soucieuse de restreindre autant que possible ce recours en le limitant notamment à l'intervention d'un changement d'une importance fondamentale. C'est donc cette seconde tendance que le droit positif a entendu consacrer, ceci ressort particulièrement dans un autre arrêt de la Cour dans lequel elle énonce explicitement l'exigence de ne retenir que cette seconde alternative.10(*)

Sur ce point, il faut bien comprendre qu'il s'agit du principe admis comme cause juridique de caducité des traités internationaux, ainsi il n'est pas exclu que l'on puisse rencontrer des dissenssions entre la règle de principe reconnue comme telle et l'utilisation de facto de la théorie de la clausula. Autrement dit, le droit positif considère que cette exigence du caractère fondamental du changement de circonstances constitue un élément essentiel de la logique de la clausula, en l'absence duquel ce motif ne peut fonder la caducité des engagements du traité.

Par ailleurs, si le changement de circonstances doit présenter une certaine importance, celui-ci doit également porter sur des circonstances qui ont constitué une base essentielle du consentement des parties à conclure les engagements en cause. Précisons que ces deux conditions sont cumulatives, l'une d'elles ne pouvant faire défaut sans compromettre le bien-fondé du recours au motif de la clausula. S'agissant précisément de l'exigence suivant laquelle ce sont les circonstances qui ont conditionné le consentement des parties aux engagements initiaux qui doivent faire l'objet d'un tel changement, l'article 62 de la Convention pose cette condition au même titre que le caractère fondamental du changement. Et la jurisprudence de la Cour est intervenue pour confirmer que la doctrine de la clausula ne s'inscrit dans le cadre du droit positif que dans la mesure où cette condition est respectée.

En effet, dans l'arrêt Compétence en matière de pêcheries de 1973 la Cour affirme en substance que la caducité des engagements ne saurait reposer sur un changement de circonstances, fût-il fondamental, dès lors que celui-ci n'est en aucun cas en rapport avec celles ayant déterminé le consentement des parties aux engagements en cause.11(*) Ce qui signifie que le droit positif, tel que rappelé par la Cour qui s'appuie sur la logique retenue dans l'article 62 de la Convention, admet tout à fait le mécanisme de la clausula dans la mesure où il intervient lorsqu'il y'a eu un changement fondamental des circonstances qui ont été à l'origine du consentement des parties. Et c'est ici une condition importante puisqu'elle oblige la partie qui se prévaut d'un tel motif de caducité de démontrer qu'il existe bien un lien entre les circonstances initiales et le changement invoqué et que surtout ces circonstances initiales ont effectivement été un facteur essentiel de leur consentement.

Dès lors, on peut affirmer que la clausula rebus sic stantibus constitue un motif légal de caducité des engagements internationaux qui ne peut être reconnue comme tel que si elle se conforme au double impératif entourant le prétendu changement lui-même. En d'autres termes, ce n'est que sur la base du caractère fondamental dudit changement et de son lien pertinent avec les circonstances ayant déterminé leur consentement que la doctrine de la clausula peut "incarner" une règle de droit positif invocable à l'appui de la caducité des engagements internationaux.

Dans le même ordre d'idées, on peut considérer que cet encadrement du principe à travers des conditions qui sont exigées par le droit positif a pour corollaire la modération du pouvoir d'appréciation des États et ainsi de leur faculté à y recourir.

Chapitre 2 : L'encadrement du pouvoir d'appréciation du bien-fondé du recours à la clausula.

Comme on a pu le constater, l'existence du principe de la clausula admise en tant que motif légal de caducité des engagements internationaux n'est pas niée par le droit postif, on observe en effet que le droit international reconnaît tout à fait la validité d'un tel principe pour autant qu'il réponde à des exigences particulières. Il convient toutefois de ne pas se limiter à cette analyse descriptive du droit positif, il est important en effet de ne pas faire abstraction du sens, de la signification profonde de la consécration de ce principe dans le cadre du droit positif. Il s'agit d'approfondir l'étude de ce que le droit positif a mis en oeuvre au sujet de la clause rebus sic stantibus, plus précisement il faut analyser ce qu'implique l'encadrement de ce principe.

Lorsque l'on examine le droit positif, il ressort clairement que la marge de manoeuvre dont peut disposer l'État qui se prévaut de la doctrine de la clausula se trouve considérablement réduite. L'appréciation du bien-fondé du recours à la clausula est assurément restreinte en ce que la validité de ce principe est reconnue à titre conditionnel, et les conditions sur lesquelles elle repose sont prédéfinies dans une large mesure. À cet égard, la Convention procède de telle manière qu'elle pose expréssement des conditions dont la signification est manifeste. On pourrait certes s'interroger sur quelques éléments accessoires mais la portée principale de ces conditions est tout à fait explicite, la clausula ne pouvant être admise à fonder en droit toute prétention à faire valoir la caducité des engagements du traité que dans la mesure où il s'agit d'un changement de circonstances qui bouleverse "radicalement la portée des obligations", et tant que ces circonstances ont "constitué une base essentielle du consentement des parties" au traité. Dans une certaine mesure, on pourrait qualifier cet encadrement par le droit positif de "directif" puisqu'il énonce les exigences au bien-fondé du recours au principe en s'attachant à ce qu'elles soient autant explicites que possible.

De même, l'articulation des dispositions de la Convention avec les solutions de jurisprudence de la Cour permet d'identifier un encadrement qui limite le pouvoir d'appréciation des États. Ainsi, si la Cour rappelle en 1997 que "la stabilité des relations conventionnelles exige que le moyen tiré d'un changement fondamental de circonstances ne trouve à s'appliquer que dans des cas exceptionnels", elle ne fait que tirer les conséquences qu'inférent les termes "négatifs et conditionnels" employés par l'article 62 de la Convention.12(*) De ce point de vue, cela indique à l'État qui entend se prévaloir de la clausula que ce motif de caducité n'est valable que dans des hypothèses exceptionnelles et qu'il ne saurait en tout état de cause constituer un instrument relevant de son seul pouvoir souverain.13(*)

En outre, la Cour ayant apporté des précisions importantes sur ce qu'il faut entendre des conditions ainsi posées, l'appréciation du bien-fondé du recours à la clausula s'en trouve largement encadrée. En effet, dans son arrêt Compétence en matière de pêcheries la Cour fait observer que le caractère fondamental du changement doit s'apprécier comme entraînant une transformation radicale de la portée des obligations les rendant "plus lourdes" à supporter pour l'une des parties.14(*) Quant à l'exigence suivant laquelle ces circonstances doivent avoir constitué une base essentielle du consentement des parties, elle ne pose pas de critères in abstracto, sans doute estime-t-elle que cette condition se suffit à elle-même.15(*) Ainsi, à l'examen du raisonnement opéré par la Cour en l'espèce, on peut penser que le recours à la clausula est fondé dès lors qu'il répond a priori à ces exigences prédéfinies, le rôle de l'État se limitant à faire constater le bien-fondé de ce recours au vu de ces éléments. D'un certain point de vue, le droit positif a soumis le bien-fondé de ce recours à des considérations ratione materiae au sens où la mise en oeuvre des conditions de son invocabilité traduit une logique à laquelle les États doivent se conformer, ceci afin de justifier à bon droit que les engagements sont devenus caducs en raison d'un changement de circonstances.

En ce sens, le droit positif entend suivre le mouvement visant à amoindrir l'espace de liberté des États dans l'invocation de la règle rebus sic stantibus pour leurs relations conventionnelles. C'est ici la consécration d'une partie de la doctrine mais également d'une tendance de la pratique internationale attachée à cet aspect restrictif. La validité de ladite règle comme cause juridique, admise comme telle, n'est aucunement exclue mais seulement encadrée par certaines réserves, il en résulte également que son bien-fondé répond à ces exigences déterminées. Autrement dit, les États ne peuvent discrétionnairement considérer si le recours à la clausula est ou non fondé de jure, ceci ne dépendant exclusivement que de la conformité de la situation d'espèce avec ces exigences.

Et l'État qui entend s'en prévaloir ne peut y recourir que dans la mesure où ces conditions sont bien remplies, à charge pour lui ensuite d'en établir la preuve, et par conséquent tout autre recours par un État qui méconnaîtrait l'existence de telles conditions en les niant ou, hypothèse plus probable, en les admettant mais sans pour autant s'y conformer in concreto, doit être considéré comme étant dépourvu de tout fondement juridique.

Par ailleurs, la reconnaissance de l'existence du principe de la clausula comme cause légale de caducité des engagements internationaux se trouve encadrée à plusieurs égards en ce sens que les effets que produisent son invocation sont pareillement restreints dans une certaine mesure.

B. La consécration du principe de la clausula par l'encadrement de ses effets juridiques.

Si des conditions de mise en jeu ont été élaborées par le droit positif à la base du principe de la clausula comme motif de caducité des traités, il en est de même s'agissant des effets qui procédent de sa mise en oeuvre. Dans une certaine mesure, on peut considérer que le droit positif entend régir la fonction de la clausula, et à ce titre fixe les conséquences que cela entraîne à l'égard des engagements du traité. Il convient de retenir que le droit international prévoit que ce principe a une vocation première, à savoir l'ouverture d'un droit à la terminaison ou plus exactement d'un droit de prétendre à la terminaison du traité. Pour autant, cette fonction de la clausula ne doit pas être entendue de telle manière qu'elle contrevienne au principe d'exclusion de la dénonciation unilatérale.

Chapitre 1 : La fonction préeminente d'abrogation des engagements internationaux.

Parallèlement à la restriction du recours à la clausula sur la base de conditions importantes, l'admission de ce principe comme fondement juridique de caducité des traités s'est accompagnée d'un encadrement des effets juridiques qui lui sont attachés. Ce principe jouant comme une cause juridique de caducité du traité, le droit positif est intervenu en vue de déterminer les effets juridiques qui s'y attachent. Il faut savoir aussi, et cela a son importance, que le droit positif est intervenu précisément pour trancher ce qui divisait tant la doctrine que les acteurs de la diplomatie internationale. On observe en effet que certains considéraient la clause comme un moyen permettant alternativement la terminaison et la révision, alors que d'autres tendaient à admettre plutôt l'une à l'exclusion de l'autre.16(*) Partant, l'objet de ces développements consiste à définir le cadre juridique élaboré par le droit international en ce qui concerne les effets juridiques de la clause rebus sic stantibus.

À cet égard, on peut avancer que les effets juridiques attachés à la clausula tiennent essentiellement au droit de prétendre à l'abrogation du traité, c'est à dire à la terminaison définitive ou provisoire du traité pour la partie qui s'en prévaut. Et à ce propos, si beaucoup d'auteurs se sont prononcés sur la question, il nous paraît que la thèse développée dans les rapports de la CDI est celle qui reflète le mieux la réalité juridique internationale.17(*) Et pour cause, il fût l'un des principaux contributeurs des travaux préparatoires de la Commission du Droit International ayant abouti à l'adoption de la Convention de Vienne de 1969 que l'on peut réputer, encore ici, être l'expression de l'état actuel des règles de droit international positif en la matière.

Il est vrai que l'article 62 de la Convention n'est sans doute pas suffisament précis quant aux effets juridiques proprement attachés à la clausula, en tout état de cause il n'est pas aussi directif et explicite qu'il ne l'est pour les conditions de son applicabilité. On remarque notamment qu'il ne mentionne nullement la question d'une révision du traité sur ce fondement, il n'évoque que le droit de mettre un terme à l'application du traité à titre extinctif ou suspensif. Cette solution peut être envisagée comme la consécration de l'idée selon laquelle le principe de la clause rebus opère essentiellement la terminaison de l'application du traité, ce qui signifie que l'État se voit conféré, à titre principal, le droit d'invoquer l'abrogation définitive ou provisoire de ses engagements.

Notons que cette fonction par essence de la clausula, telle que consacrée par le droit international, qui est celle de la terminaison des traités peut être déclinée en ce que l'État peut être conduit à l'invoquer à l'encontre de tout ou partie du traité selon certains facteurs, et en ce que cette abrogation peut être requise à titre définitif auquel cas il s'agit d'une demande d'extinction ou de retrait selon que le traité est bilatéral ou multilatéral, ou bien temporairement auquel cas il s'agit d'une demande de suspension de l'application du traité. Si l'article 62 admet que la clause joue "comme motif pour mettre fin à un traité ou pour s'en retirer" ou encore "pour suspendre l'application du traité", c'est sans doute sur les règles coutumières en matière d'abrogation des traités au sens générique qu'il faut s'appuyer pour avoir une idée plus précise.18(*) Il n'empêche que le droit positif a établi l'idée directrice qui veut que la clausula ait l'abrogation des traités comme effet juridique proprement attaché à sa fonction principale, et c'est ici le principe qu'il faut avant tout retenir.

En approfondissant l'étude de cette idée, on doit préciser que l'abrogation, vocation essentielle de la clausula, ne remet pas en cause la possibilité d'une révision du traité car a priori une modification des engagements du traité constitue un autre moyen de s'adapter au changement de circonstances. Toutefois, comme le soutient Waldock dans son rapport à la Commission du Droit International précité, la question de la révision des traités tient moins de la sphère juridique que de la diplomatie. C'est dans ce sens que s'inscrit que le droit positif, ainsi observe-t-on que l'article 62 de la Convention ne fait pas découler expressément un droit à la modification en tant qu'effet juridique propre à la clause rebus. Il ne l'écarte pas non plus expressément puisqu'il n'en fait aucune mention, on peut alors supposer qu'il ne l'admet que dans les conditions des règles coutumières du droit international.19(*) Or, c'est précisément parce que le droit coutumier international n'admet la modification des traités que sur la base du consentement entre les parties au traité que l'on peut qualifier cette question de la révision d'éminemment politique. Certes, le consentement de l'autre ou des autres parties doit être recherché dans la mesure du possible par l'État qui invoque la terminaison du traité, mais s'agissant de la révision, elle a ceci de particulier qu'elle n'a de force juridique que dans la mesure où il y'a eu effectivement un échange de consentement entre les parties. Sans cet échange de consentement, l'autre État n'est aucunement tenu par les amendements que son cocontractant entend mettre en oeuvre, c'est pourquoi il est davantage question de négociations politiques que d'un moyen juridique conféré par la clausula. Pour la terminaison du traité, le consentement des parties n'est pas éxigé dès lors que cette prétention repose sur la clausula car celle-ci est la cause légale la justifiant, encore faut-il que ce recours à la clause soit bien fondé au vu de l'espèce. C'est ici toute la différence, ce motif légal pris en tant que circonstance extérieure aux parties ouvre à lui seul le droit de mettre un terme au traité, contrairement au droit de révision qui n'existe pas en droit international puisque subordonné à l'exigence de consentement des parties. On pourrait synthétiser cette analyse en citant Haraszti comme suit : "Naturally, a State party to a treaty is free to demand modification and to reinforce its claim by invoking changes that have occurred in circumstances. Since, however, the other parties are under no obligation whatever in international law to take part in a treaty of a content departing from the original [...] Hence, a claim to revision is of a political character, and does not purpose the enforcement of the rebus sic stantibus clause implying a norm of international law"20(*)

Ayant examiné la fonction essentiellement liée à l'abrogation des traités attribuée par le droit positif à la clausula dans le cadre des effets juridiques qui s'y rattachent, il reste que le droit positif a renforcé cette régulation en posant le principe que la terminaison des traités n'est fondée que dans le respect des règles internationales essentielles, notamment l'exclusion en principe de la dénonciation unilatérale.

Chapitre 2 : Les effets juridiques de la clausula soumis aux principes de la dénonciation des traités.

Si l'on devait caractériser le mouvement opéré par le droit international à l'égard de la clause rebus, on a pu voir que ce qui ressort nettement est l'entreprise d'encadrement de ce principe. En témoigne également le cantonnement de la clause dans le cadre des principes de dénonciation des traités, le droit positif n'a pas manqué de rappeler en effet que l'abrogation des engagements conventionnels que permet la règle rebus ne peut avoir pour effet d'octroyer un droit de dénonciation unilatérale.

Des divergences se sont manifestées parmi la doctrine à propos de la question importante du mode opératoire de la clausula, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer comment celle-ci s'articule avec le rejet de principe de la dénonciation unilatérale. En effet, il existe une règle que l'on peut considérer comme coutumière, comme l'indique la Déclaration de la Conférence de Londres de 1871, suivant laquelle tout État partie à un traité ne peut procéder à sa dénonciation de façon unilatérale, sauf si le traité en cause en dispose autrement.21(*) Or, comme le remarque Jean Leca à juste titre, les États n'ont pas mis longtemps avant d'essayer de trouver le moyen de contourner cette règle sitôt approuvée tant elle a pu rebuter certains États par sa lourdeur.22(*) Il va sans dire que les États agissent avant tout afin de protéger leurs intérêts respectifs, c'est la raison pour laquelle la clause rebus dont le régime juridique manquait à être certifié a pu servir d'argument, à certaines occasions, pour dénoncer unilatéralement un traité. L'une des problématiques qui s'est donc posée pour les auteurs, mais aussi pour les États, consistait à identifier l'existence ou non d'un droit de dénonciation unilatérale des traités en cas de changement fondamental de circonstances. C'est tout à fait dans cette optique que l'on doit analyser ce que le droit positif a élaboré.

Les règles juridiques établies par la Convention expriment la reconnaissance du principe retenu par la Déclaration de Londres, soit l'exclusion du droit de dénonciation unilatérale. Et les effets juridiques de la clausula ne sont admis que sur la base de la conformité avec cette règle. Une telle affirmation, bien qu'elle ne soit pas énoncée ainsi dans le texte de la Convention, découle du système juridique mis en oeuvre par celui-ci. C'est par une analyse qui combine l'article 62 avec différentes dispositions que l'on peut avancer une telle conclusion, au vu notamment des articles 54, 56 et 65 de la Convention.

Il apparaît que la Convention inscrit le motif tenant au changement fondamental de circonstances dans le cadre général des règles de dénonciation des traités, autrement dit il n'est pas prévu un droit de dénonciation spécifique à cette cause d'extinction des traités. Le régime juridique de la clause rebus est donc encadré, au même titre que les autres motifs d'extinction des engagements du traité, par les règles générales élaborées par la Convention en ce qui concerne la dénonciation. Or, lorsque l'on examine ces règles générales, on constate qu'elles reprennent le principe affirmé dans la Déclaration de Londres, car aux termes de l'article 54 de la Convention n'est admise la dénonciation d'un traité que sur la base des dispositions du traité en cause ou du consentement de toutes les parties.23(*) Ce qui revient à formuler que toute dénonciation unilatérale d'un traité est à exclure en l'absence d'une dérogation prévue par le traité en cause. Et la Convention entend garantir le respect de ce principe en établissant en son article 65 les modalités précises de la procédure à suivre en vue de la dénonciation des traités, on retiendra notamment l'obligation de notification aux autres parties et le respect d'un délai déterminé.

Si l'on reprend l'ordonnancement juridique établi par la Convention, l'article 62 qui porte sur le changement fondamental de circonstances est inséré dans un système d'ensemble. Et ce système traduit la confirmation de ce que la dénonciation des conventions internationales par voie unilatérale n'est pas admise du point de vue juridique, il en est ainsi de la clause rebus qui n'a d'existence juridique que dans le respect de ce principe. Ainsi on peut conclure que la clausula a fait l'objet d'un véritable encadrement par le droit international en ce sens qu'elle est admise à produire des effets juridiques dans la stricte mesure où elle ne conduit pas à octroyer un droit de dénonciation unilatérale des traités dans le chef des États.

Par ailleurs, si l'existence d'un motif juridique de caducité des traités tenant au changement de circonstances est bien admise avec certaines régulations lorsque l'on étudie le droit positif, on peut également avancer que les fluctuations de la pratique internationale ne sont pas de nature à remettre en cause fondamentalement le statut juridique de la clausula.

Partie II : Les incertitudes de la pratique internationale sans incidence sur l'existence du statut juridique de la clausula.

"Les juristes n'ont cessé de se préoccuper de la théorie rebus sic stantibus. L'histoire du droit international et des relations internationales montre que la théorie a donné lieu à de fréquents abus à des fins directement contraires à l'essence même de la théorie, en sorte qu'elle a plutôt encouru le discrédit tant des juristes que des non-spécialistes. [On] ne doit toutefois pas, pour autant, écarter ce qui est un élément essentiel du droit des traités."24(*) On ne peut que rejoindre cette affirmation lorsque l'on examine l'utilisation dont la clausula a fait l'objet dans la pratique internationale. Encore faut-il préciser que, dans notre étude, l'essence même de la théorie doit être assimilée aux exigences mises en oeuvre par la Convention, principal instrument de référence.

Alors que le régime juridique de la clausula est établi et connu, notamment par référence à la Convention de Vienne de 1969, on pourrait rester dubitatif sur le statut de ce principe dans l'ordre juridique international tant les États ont eu tendance à s'en servir à "contre-courant" de son régime juridique tel que l'admet la Convention ( A ), mais une analyse approfondie de cette pratique permet d'affirmer que celle-ci n'a aucune incidence fondamentale sur le caractère de norme de droit positif de la clausula puisqu'il s'agit precisément d'une simple tendance ( B ).

A. L'incertitude du statut de la clausula entretenue prima facie par son utilisation incompatible avec le droit positif.

D'un certain point de vue, on pourrait considérer que la clause rebus est dépourvue d'un statut de norme internationale de droit positif au soutien de la caducité des traités si l'on s'attache uniquement à relever une tendance indéniable de la pratique diplomatique, celle consistant à utiliser abusivement cette théorie, aboutissant même à y recourir alors que les règles du droit international, telles que posées par la Convention, ne le permettent pas. De cette utilisation en méconnaissance du droit international, tel que posé notamment par la Convention, on pourrait avancer à première vue que cela rend incertain la nature de la clause en tant que norme de droit positif.

C'est particulièrement manifeste avec son utilisation à des cas de figure dans lesquels aucun changement de circonstances pertinent, au sens de la Convention, n'est intervenu, ou encore avec son instrumentalisation qui revient à l'assimiler à un droit de dénonciation unilatérale.

Chapitre 1 : Une utilisation en dépit de l'existence véritable de changement des circonstances.

Tout d'abord, il est essentiel d'indiquer par avance que si l'on se réfère expressément à la Convention, c'est bien parce qu'elle constitue en l'état actuel l'instrument de référence en ce qui concerne le régime juridique de la clausula à l'égard des traités internationaux. L'objection que l'on pourrait se voir opposer ici tient en ce que la Convention n'a été conclue qu'en 1969, ce qui implique qu'elle ne peut être pris en compte pour la période qui précède cette date. Cependant, ce n'est pas sous cet angle que l'on doit procéder, il s'agit au contraire d'effectuer une analyse rétrospective, et cela peut se justifier compte tenu du fait que la Convention est supposée codifier pour l'essentiel le droit des traités.25(*) Ainsi, lorsque l'on évoque la Convention, on peut considérer qu'il s'agit du droit positif dont elle ne fait que certifier l'existence.

Dans cet ordre d'idées, il est question d'identifier les éléments qui pourraient induire une incertitude quant au statut de la clause, et à cet effet on peut observer que les États ont eu tendance à user de la clause en violation de son régime juridique tel que reconnu par la Convention. Il convient donc de montrer que certains cas, révélateurs d'une tendance de la pratique, indiquent un usage de la clause incompatible avec le droit positif, au vu de la Convention.

À cet égard, on constate notamment l'utilisation de ce moyen dans des hypothèses où il n'existait pas de modification pertinente des circonstances de telle sorte qu'elle ne répondait pas aux conditions fixées par le droit positif tel que nous le connaissons au vu de la Convention, notamment au regard des exigences tenant au caractère fondamental du changement et de celles tenant au lien entre le changement et les circonstances ayant constitué une base essentielle du consentement des parties. Ainsi, s'il existe de nombreux cas où une telle utilisation a été opérée par l'État qui entendait se libérer de ses obligations conventionnelles, on peut retenir les exemples tout à fait significatifs que sont les dénonciations du Traité de Paris de 1856 par la Russie en 1870, et du Traité de Versailles de 1919 par l'Allemagne en 1935 et 1936. Ce n'est sans doute pas sans raison qu'il s'agit des exemples qui ont fait l'objet de l'examen le plus approfondi des auteurs du droit international.26(*)

Tout d'abord, on observe que la Russie prétendait se dégager de certaines obligations découlant du traité de Paris de 1856, plus précisement à l'égard des dispositions régissant la démilitarisation de la Mer Noire et l'interdiction de la construction de fortifications sur ses rivages, et c'est ainsi que par plusieurs notes adressées aux représentants diplomatiques russes des États intéressés par ladite convention, elle invoquait la clausula afin de justifier ses allégations visant à reconnaître la caducité de ces engagements. Elle a développé cette argumentation dans la circulaire du Prince Alexandre Gortchakoff du 31 octobre 1870 et tout au long du déroulement de la Conférence de Londres de 1871 en précisant la consistance de ces prétendus changements. Ce sont principalement l'apparition de l'État roumain et le climat de paix entre tous les participants à la Conférence qui constituaient, selon elle, des changements de circonstances entraînant la caducité des obligations en question.

Rappelons que la Convention exige en son article 62 que le changement de circonstances rapporté ait un caractère fondamental et qu'il porte sur des circonstances ayant constitué une base essentielle du consentement des parties, or si l'on peut considérer que l'apparition de la Roumanie, par la fusion des deux principautés de cette région en 1859, constitue bien un fait nouveau par rapport à la situation au moment de la conclusion du Traité de Paris de 1856, celui-ci ne porte pas du tout sur des circonstances ayant déterminé le consentement des parties au traité. En effet, les parties se sont engagés par ce traité parce qu'elles entendaient restreindre la liberté de la Russie en matière d'action militaire, et l'apparition de la Roumanie n'a aucun impact direct ou indirect sur ces circonstances initiales.27(*) Quant à l'état de paix existant entre les participants à la Conférence, la Russie allègue ici un argument qui ne peut même pas être considéré comme attestant d'un quelconque changement car, comme le souligne Haraszti, cet état de fait résulte largement du traité même qui vise cet objectif.28(*) Ainsi, on observe que si l'on doit apprécier cette utilisation de la théorie rebus sic stantibus à la lumière de la Convention, il apparaît clairement qu'elle contrevient au régime juridique entourant ce principe, plus precisément aux conditions encadrant le bien-fondé de ce recours. La Russie a en effet usé de ce motif alors que les changements de circonstances rapportés par elle, pour autant qu'il y avait un changement, ne présentaient aucun lien pertinent et ne modifiaient nullement les circonstances ayant déterminé le consentement des parties à être liées par le traité.

Ensuite, s'agissant de l'Allemagne, c'est principalement à l'encontre du Traité de Versailles de 1919 et des traités de paix subséquents, tels les accords de Locarno de 1925, qu'elle a opposé la clausula afin de pouvoir s'éxonérer des obligations lui incombant. Ainsi, dès mars 1935, l'Allemagne conduite par la politique hitlérienne rétablit le service militaire national, et surtout remilitarise la Rhénanie réoccupée en 1936. De tels agissements constituant violation des traités de paix auxquels l'Allemagne était partie, celle-ci se prévalait de changements de circonstances en vue de déclarer caduques les dispositions du Traité de Versailles. Elle prétendait faire jouer la doctrine de la règle rebus sic stantibus à l'égard des traités de Versailles et de Locarno en se réferant au changement de circonstances engendré par la conclusion d'un pacte d'assistance mutuelle entre l'URSS et la France.29(*)

Reprenons le raisonnement consistant à confronter la pratique diplomatique au droit positif, avec la Convention pour instrument de référence, à cet égard la dénonciation allemande du Traité de Versailles est encore plus significative de la méconnaissance par la pratique du régime juridique de la clause. En effet, le pacte d'assistance mutuelle entre URSS et France n'est pas en soi une circonstance tout à fait changeante par rapport à l'époque de la conclusion des traités de paix puisque cet accord bilatéral a pour objet de consolider le système de sécurité collective mis en oeuvre depuis lors, et il n'affecte en rien la viabilité des engagements souscrits par l'Allemagne. Ce pacte franco-soviétique est un élément éxogène, tout à fait extérieur à l'Allemagne dont l'obligation principale consistait à ne pas entreprendre d'action contrevenant à sa démilitarisation et à la fixation des régimes territoriaux, notamment en Europe occidentale. Ainsi, il s'ensuit que l'Allemagne ne pouvait arguer d'un changement fondamental de circonstances dans la mesure où le changement rapporté n'affectait pas d'une manière radicale la portée de ses engagements mais aussi et surtout celui-ci ne pouvait porter sur des circonstances déterminantes du consentement puisque les Traités de Versailles et de Locarno ont été conclus pour organiser la paix, suite à la première guerre mondiale, par un système de sécurité collective que le pacte d'assistance de 1935 ne faisait que consolider.

À travers ces deux exemples, c'est bien une tendance plus générale qui se dégage selon laquelle les États ont sans doute usé excessivement de la clausula en ce qu'à plusieurs reprises la situation donnée ne pouvait justifier le bien-fondé du recours à la clause rebus, car le droit positif tel que codifié par la Convention ne le permettait pas. Dès lors, on pourrait penser de ce point de vue que le statut de la clause est incertain puisqu'il s'avère que son usage par certains États dans la pratique internationale a pu être incompatible avec le droit positif, tel qu'il a été codifié par la Convention. De même, la pratique internationale a entretenu une certaine indécision sur la qualification de la clause dans la mesure où certains États l'assimilaient à un droit de dénonciation unilatérale, et il est vrai que l'on pourrait mettre en doute son statut tant elle a pu servir de prétexte politique à des prétentions unilatéralistes de certains États en vue de faire échec aux prescriptions du droit international et ce, alors même que le mode de dénonciation des traités est tout à fait indépendant du motif invoqué.

Chapitre 2 : L'assimilation de la clausula à un droit de dénonciation unilatérale.

En retraçant la pratique internationale on peut voir que, dans un sens, les États ont participé à apparenter la clausula à un instrument d'ordre politique en ce que son utilisation se confondait à plusieurs reprises avec la dénonciation unilatérale du traité. Dans l'ordre international la dénonciation unilatérale est en effet largement restreinte par le droit positif, et au demeurant, elle porte sur la procédure de mise en cause du traité tandis que la clausula ne vise que le fondement causal de mise en cause.

Tout d'abord, on peut rappeler qu'au sein de l'ordre international le droit positif consacre un principe fondamental régissant la dénonciation des traités. En effet, il est genérallement reconnu que les traités internationaux ne peuvent être dénoncés unilatéralement par un État qui y est partie. C'est ici un principe qui ressort principalement de la Déclaration annexée au Traité de Londres de 1871. En vertu de cette règle, les États ne disposent pas de la faculté de dénoncer de leur propre chef les engagements auxquels ils se sont liés par voie conventionnelle avec un ou plusieurs États, autrement dit un accord entre les parties contractantes est nécessaire à cet égard. Même la Convention de Vienne sur le droit des traités reprend ce "schéma" puisqu'elle pose en son article 54 l'idée de ce principe d'exclusion de la voie unilatérale en l'assortissant de deux exceptions.30(*)

Notons au préalable que la clause rebus n'est admis par le droit positif comme une cause légale de caducité des engagements du traité que dans le respect de ce principe de restriction de la dénonciation unilatérale. C'est ce qui ressort clairement du système juridique tel que codifié par la Convention.

Pourtant, on observe que certains États ont usé, de bonne foi ou non, de la théorie rebus sic stantibus comme d'un droit de dénonciation unilatérale de leurs engagements conventionnels. On peut le vérifier à plusieurs reprises dans les exemples fournis par la pratique internationale, retenons principalement le cas de la dénonciation allemande du traité de Versailles, et le retrait de la France de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

On peut distinguer plusieurs types de dénonciation des engagements conventionnels parmi les États ayant eu recours à la clausula car s'il existe des dénonciations qui se sont opérées dans le respect des principes du droit des gens, c'est à dire par la conclusion d'un accord entre les parties intéressées ou même de façon unilatérale avec une simple notification dès lors que les stipulations du traité en cause prévoient expréssement le droit d'agir ainsi, il existe également des cas de figure où l'État se considère fondé à agir unilatéralement en dénonçant le traité comme caduc ipso facto.

À cet égard, on peut relever que la France a utilisé la clause rebus sic stantibus dans le sens d'une dénonciation unilatérale de ses engagements conventionnels, on le voit à travers un cas d'espèce important à savoir son retrait du commandement militaire intégré de l'OTAN en 1966. La France, dans son aide-mémoire du 11 mars 1966, indique qu'en raison des changements de circonstances intervenus depuis la conclusion du traité de l'Atlantique nord en 1949, les accords subséquents, et non le traité de l'Organisation Atlantique lui-même, sont devenus caducs et ne créent donc plus de force obligatoire à l'égard de la France.31(*) Quand bien même supposerions-nous que la France pouvait tout à fait se prévaloir de changements de circonstances, il apparaît manifestement que la France a utilisé ce moyen comme lui permettant et lui ouvrant le droit de recourir à une dénonciation unilatérale. Elle a en effet annoncé de sa propre initiative et en ne sollicitant aucune négociation préalable avec les membres de l'OTAN sa décision visant au retrait du commandement militaire intégré en se fondant sur la caducité de certains engagements. D'ailleurs, la France n'entend même pas nier l'unilatéralisme de sa dénonciation puisqu'elle le souligne explicitement tout en essayant de justifier une telle action.32(*) On peut donc observer que la France a méconnu un principe essentiel du droit international en ce qu'elle a effectué une dénonciation unilatérale des engagements conventionnels auxquels elle était partie, et elle ne pouvait se fonder sur une dérogation prévue au traité car les dispositions de celui-ci excluent la possibilité d'une telle dénonciation unilatérale.

Quant à l'utilisation de la clause rebus sic stantibus par l'Allemagne vis à vis des traités de Versailles et de Locarno, elle témoigne sans doute encore plus nettement de l'assimilation de la clausula à un droit de dénonciation unilatérale. En effet, l'Allemagne se prévalait de la théorie de la clausula pour mettre un terme à ses engagements et la dénonciation de ceux-ci n'a fait l'objet d'aucun accord, elle a procédé pour ainsi dire à une véritable dénonciation unilatérale à la différence de certains États qui ont certes procédé de façon unilatérale mais en ayant cherché dans la mesure du possible des accords préalables ou ultérieurs. Autrement dit, l'invocation de la clause rebus sic stantibus comme donnant un titre à dénoncer par voie unilatérale les engagements auxquels un État est lié juridiquement est une réalité que l'on retrouve dans la pratique internationale, et l'exemple de l'Allemagne avec les traités de Versailles et de Locarno en est une illustration significative.

Il convient d'approfondir le sens et les implications de cet usage de la clausula qui, parce qu'il tend à se confondre avec un droit de dénonciation unilatérale, porte atteinte au principe énoncé dans la Déclaration de Londres de 1871 en vertu duquel nul ne peut se soustraire à l'application de ses engagements conventionnels d'une manière unilatérale. L'assimilation ainsi opérée peut être analysée comme la marque du caractère politique de la clausula, elle introduit en tout cas une incertitude, dans la mesure où les États ont pu trouvé dans ce motif, comme d'ailleurs dans d'autres motifs, la possibilité d'échapper à la loudeur des exigences tenant à la dénonciation des traités. Autrement dit, on peut considérer que son utilisation en guise de droit de dénonciation unilatérale est de nature à entretenir l'idée que ce motif revêt une certaine teneur politique, ce qui peut susciter au moins des incertitudes quant à la véritable nature de cet instrument. Cette règle de la clausula étant, en effet, utilisée de telle manière qu'elle méconnaît son propre régime juridique tel qu'énoncé par la Convention, selon lequel l'État ne peut se libérer unilatéralement de ses engagements quand bien même il s'appuierait sur le motif tiré d'un changement fondamental de circonstances et en prendrait argument pour soutenir la caducité du traité.

Dès lors, la clausula constitue un motif qui pourrait être considéré, prima facie, comme relevant de la simple dialectique politique puisque les États ont eu tendance à y voir un droit de dénonciation unilatérale, en méconnaissance de l'ensemble du droit positif.

Dans cet ordre d'idées, l'incertitude liée au statut de la clause est entretenue par son assimilation à un droit de dénonciation unilatérale dans la pratique internationale, non seulement parce que cela n'est pas compatible avec le principe de l'exclusion de ce mode de dénonciation, mais aussi parce que cela tend à dénaturer l'objet même de la clausula qui vise le fondement de la dénonciation et non sa procédure.

Ayant observé que les États ont pu employer le mécanisme de la clausula afin de dénoncer les engagements auxquels ils se sont liés et ce, d'une façon unilatérale, il s'ensuit qu'ils ont considéré de bonne foi ou non que ce motif leur permettait d'agir ainsi. Or, si la dénonciation unilatérale est exclue, ou du moins restreinte, par le droit international, celle-ci est en outre sans lien pertinent avec la règle de la clausula car l'une vise la procédure de dénonciation des traités internationaux alors que l'autre vise le fondement à l'appui duquel ceux-ci peuvent être dénoncés.33(*)

Cette distinction a son importance dans la mesure où la confusion opérée entre le motif et le mode de dénonciation des traités tend à renforcer l'incertitude que l'on pourrait avoir à l'égard de la clause.

Au vu de la pratique internationale, il existe des cas de figure particulièrement emblématique de cette confusion dans laquelle la clausula est assimilée à un droit de dénonciation unilatérale, tels que le retrait français de l'OTAN ou bien la dénonciation allemande du traité de Versailles, et cette logique qui ne distingue pas la cause de la caducité et sa mise en oeuvre a pu se développer par différents acteurs des relations internationales. En effet, on peut retenir pour exemple la décision du tribunal fédéral suisse en 1882 en l'affaire des cantons de Lucerne et d'Argovie aux termes de laquelle il "ne fait pas de doute que des traités peuvent être dénoncés unilatéralement par la partie qui a assumé une obligation" dès lors que sa dénonciation repose sur une modification des circonstances qui constituaient une condition tacite de son maintien. Cette solution prétorienne témoigne de cette logique ignorant la dissociation nécessaire entre l'existence d'un principe visant la caducité et son mode opératoire. Une telle confusion se retrouve même au sein d'une partie de la doctrine avec certains auteurs qui ont développé l'idée selon laquelle la Déclaration de Londres de 1871 a pour objet d'exclure la clause rebus du champ des règles juridiques positives. C'est ici ignorer les termes mêmes de la Déclaration qui ne mentionne en aucun cas la doctrine de la clausula et aussi sa signification qui vise clairement l'exclusion, ou du moins la restriction du droit de dénonciation unilatérale des traités, lequel est envisagé comme un simple mode procédural de dénonciation.34(*)

Ces assimilations de la clausula à un droit de dénonciation unilatérale des traités, notamment par la pratique internationale, pourraient induire une incertitude sur son statut dans l'ordre juridique international principalement parce qu'elles portent atteinte à son régime juridique tel que reconnu par la Convention qui, rappelons-le exige qu'elle se conforme au principe général d'exclusion de ce mode de dénonciation. Toutefois, les incertitudes que l'on peut relever ne sont pas véritablement de nature à remettre en cause l'existence de ce principe dans le champ des normes de droit positif, il faut pour cela que l'on comprenne que les doutes que l'on pourrait avoir ne concerne tout au plus que son applicabilité concrète et non sa légalité propre.

B. Le statut juridique de la clausula par la consécration de la tendance restrictive.

Il est vrai que de prime abord, on pourrait "spéculer" sur le statut de la clause rebus, mais si l'on analyse le mouvement de la pratique internationale, il apparaît plus clairement que la clause est bien comprise dans la sphère des règles juridiques positives. Pour cela, il est essentiel de montrer que l'utilisation dans la pratique de ce motif en contradiction avec le droit positif énoncé par la Convention n'a pas tellement d'incidence car elle ne constitue qu'une simple tendance à laquelle s'est opposée une autre, et le droit positif a precisément entendu formaliser l'autre tendance qui encadre la clause par des restrictions. Dans cet ordre d'idées, on peut aussi relever que la pratique diplomatique n'a pas remis en cause la validité du principe en tant que norme juridique positive puisqu'elle a simplement contesté son applicabilité.

Chapitre 1 : L'existence d'un mouvement de tendances contradictoires dans la pratique internationale.

Bien qu'il y ait eu une tendance indéniable de certains États à user de la clause d'une manière non conforme avec le droit positif, à la lumière de la Convention, notamment en ce qui concerne les exigences tenant au changement de circonstances et aux règles de la dénonciation des traités, elle ne doit pas introduire d'incertitudes outre mesure puisqu'elle relève d'un mouvement qui opposait plusieurs tendances contradictoires. En effet, on peut dégager deux tendances principales de la pratique internationale sur cette question de la clausula, la première visant à admettre autant que possible son invocation, et la seconde visant au contraire à la restreindre largement par la fixation d'un cadre de conditions précises. L'histoire de la pratique diplomatique est ainsi traversée par ces deux courants et l'on ne peut rendre compte de la réalité de la clause rebus si cet aspect important n'est pas envisagé.

S'il y a eu un usage de la clause qui s'est avéré incompatible avec le droit positif tel que reconnu par la Convention, c'est precisément parce qu'il s'est développé une pratique internationale "à deux vitesses", ce qui a d'ailleurs engendré l'élaboration de l'article 62 de la Convention qui a pour objet de codifier le régime juridique de la clause. En effet, on peut observer que pour certains États il apparaissait nécéssaire de ne pas l'encadrer de conditions, sinon de l'encadrer par des conditions imprécises leur permettant de s'en servir autant que possible. C'est dans cette optique que se placent certains États, par exemple l'Allemagne à l'encontre du Traité de Versailles, afin de pouvoir l'utiliser de façon optimale. Cette utilisation que la Convention n'admet pas dans la mesure où elle exige que certaines conditions précises soient remplies n'est pas problématique pour le statut de la clause en droit positif, car bien que reflétant une tendance indéniable et une réalité de la pratique internationale, elle ne demeure qu'une simple tendance de la pratique.

En envisageant l'autre tendance de la pratique, il apparaît que les exemples sont moins nombreux et pour cause, il s'agit d'une tendance des États à cantonner la clausula dans un cadre bien défini de conditions restrictives et précises. Cela implique sans doute qu'ils sont bien plus réticents à l'invoquer à l'encontre de leurs engagements conventionnels. Toutefois, on remarque cette tendance surtout par la circonstance que ces États refusaient de reconnaître le bien-fondé du recours à la clause rebus lorsqu'il s'agissait de traités auxquels ils étaient liés, non pas qu'ils en niaient l'existence mais ils en contestaient le bien-fondé pour l'espèce.35(*) Les raisons pour lesquelles s'est développée une telle tendance sont multiples et variables selon les États, du point de vue juridique on peut penser qu'elles tiennent essentiellement à la volonté de garantir la sécurité juridique et la stabilité des conventions internationales.

Il est donc important de retenir que la pratique internationale se caractérise par des tendances contradictoires, et que l'une d'entre elles ne peut suffire à rendre compte de la réalité, on ne peut donc conclure à une incertitude sur le caractère de norme de droit positif de la clause rebus du seul fait de l'utilisation incompatible avec son régime juridique tel que le prévoit la Convention puisque cette utilisation s'inscrit precisément dans une des tendances de la pratique, qui par ailleurs a appelé à la codification par la Convention. On peut affirmer que la clause rebus sic stantibus est tout à fait comprise dans la sphère des règles de droit international positif, ce que la pratique internationale, bien que divergente, ne remet pas en cause.

Chapitre 2 : L'existence d'une norme juridique valide reconnue par la pratique internationale.

Étant donné le mouvement qui a traversé la pratique internationale mettant en opposition ces deux impulsions, le droit positif consistait essentiellement à retenir l'une de ces tendances et à lui donner ainsi une expression dans le corps des règles du droit international. C'est en ce sens que le droit international a procédé. Il a en effet progressivement établi les bases juridiques qui régissent la clausula s'agissant des conditions de sa mise en jeu et de ses effets à l'égard des traités. Si la Convention demeure l'instrument de référence principale par la codification du régime juridique de la clause qu'elle entreprend, la jurisprudence internationale, principalement celle de la Cour Internationale de Justice, est aussi une source de référence importante par les précisions qu'elle y apporte.

À cet égard, il apparaît clairement que le droit positif a entendu consacrer la clause rebus en établissant des règles juridiques restrictives, celle-ci constituant ainsi un titre juridique valable qui peut être invoqué par les États dans un cadre bien précis. Ceci ayant été étudié précédemment, on peut également ajouter que malgré les divergences importantes au sein de la pratique internationale, celle-ci n'a pas nié l'existence du statut juridique de la clause, autrement dit elle n'a aucunement contesté qu'il s'agit d'une cause légale admise de jure comme un motif de caducité des engagements internationaux.

En effet, il n'est pas fait état dans la pratique internationale d'une négation pure et simple de son caractère de norme de droit positif, et c'est ici une observation partagée par de nombreux auteurs. Il ressort en effet que la clause rebus n'a été contestée par les États que dans la mesure où elle s'avérait non fondée au vu de l'espèce. Pour ainsi dire, ce n'est pas la validité de la clause qui était niée par les États mais son applicabilité. Or, c'est tout à fait important de faire cette distinction car cela permet de comprendre que, contrairement à ce que peuvent laisser supposer les divergences de la pratique, le statut de la clausula rebus sic stantibus en tant que norme de droit positif n'est pas remis en cause. Les États qui refusaient de donner une qualification juridique à la clause, dès lors qu'elle était utilisée en méconnaissance de certaines conditions, n'ont pas refusé en cela de lui reconnaître un statut de norme juridique valide. Ceux-ci ont simplement mis en avant qu'ils refusaient d'y voir un fondement légal in concreto.

Afin d'illustrer ces propos le cas du retrait français de l'OTAN peut nous y aider, ainsi lorsque la France dénonçait certains engagements au traité de l'Atlantique nord en se fondant sur des changements de circonstances les ayant rendu caducs, les Etats parties au traité qui critiquaient ce retrait n'ont pas mis en cause l'existence en tant que telle d'une norme juridique valable a priori, ils ont simplement considéré que ce fondement n'était pas applicable pour la situation d'espèce. Il en est ainsi des Etats-Unis qui, dans leur réponse au gouvernement français en 1966, s'en remettent au traité même qui prévoyait des clauses visant à solliciter une révision rendue nécessaire par un changement de circonstances.36(*) Même s'ils ne l'expriment pas littéralement, les Etats-Unis, comme les autres parties au traité, n'ont pas nié la validité du principe de la clausula, ils en contestent simplement l'applicabilité pour l'espèce.

Dans une certaine mesure, on peut avancer que la pratique internationale n'est pas tout à fait éloignée de ce que le droit international a formellement reconnu car ils ont ceci en commun qu'ils admettent in abstracto la validité de la clause rebus en tant que cause juridique de caducité des traités. En d'autres termes, l'accession de la clause au rang des règles juridiques positives est manifeste avec la codification de son régime juridique par la Convention ainsi que par la jurisprudence internationale, et les "indécisions" de la pratique internationale ne peuvent véritablement compromettre cette incorporation dans le champ du droit international positif dans la mesure où ces divergences de la pratique ne portent que sur son applicabilité et non pas sur l'existence même de la clause en tant que norme juridique positive.

CONCLUSION

Cette étude de la clausula rebus sic stantibus permet de mettre en évidence deux points importants, on peut observer que ce motif est reconnu dans la sphère des normes de droit international positif et qu'il constitue un titre juridique tendant à être encadré. Ainsi, si les instruments internationaux de référence, essentiellement la Convention de Vienne de 1969 portant codification du droit des traités, reconnaissent l'existence de ce principe comme motif légal de caducité des engagements du traité, il s'agit néanmoins d'une norme de droit positif admise en tant que telle que dans le cadre de certaines conditions. C'est dans cette optique que sont intervenues les dispositions de l'article 62 de la Convention, lesquelles ont pour objet d'établir precisément ce en quoi consistent les exigences qui l'entourent. De même, bien que soient apparues des divergences dans la pratique diplomatique, celle-ci ne peut être considérée comme ayant compromis l'existence de ce principe comme règle juridique positive dans la mesure où, bien au contraire, elle a non seulement participé à l'élaboration du cadre juridique de ce principe tel que mis en oeuvre par la Convention, et n'a en rien réfuté l'idée qu'il s'agit théoriquement d'une cause légale de caducité des traités internationaux.

Au vu de ces éléments, on peut affirmer que la clausula constitue un instrument proprement juridique, invocable à l'appui de la terminaison des traités, et dont le régime juridique se caractérise par un certain encadrement.

Si le régime juridique de la clause rebus s'inscrit dans une logique de restriction, c'est en quelque sorte l'expression de la prudence du droit positif. Cette prudence, ou les raisons de cette prudence pourraient faire l'objet de nombreuses spéculations, et le débat que suscite la clausula mériterait d'être entretenu sur cette question afin d'appréhender ce sujet sous une autre perspective que celle, certes importante, du statut de la clause en droit international positif. Ainsi, comment peut-on analyser les ressorts qui animent ce mouvement de prudence du droit positif à l'égard de la clause ?

BIBLIOGRAPHIE

I-Documents officiels

Convention sur le Droit des Traités, Vienne, 23 mai 1969, Les grands textes de droit international public, Dalloz, 4ème édition, 880 p.

II-Ouvrages

Jean LECA, Les techniques de révision des conventions internationales, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1961, 330 p.

NGUYEN QUOC Dinh, Patrick DAILLIER & Alain PELLET, Droit international public, L.G.D.J, 4ème édition, 1992, 1269 p.

Serge SUR & Jean COMBACAU, Droit international public, L.G.D.J, Montchrestien, collection Domat, 6ème édition, 2004, 809 p.

III-Articles

Francesco CAPOTORTI, « L'extinction et la suspension des traités », Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, 1971-III, tome 134, pp. 417-587.

György HARASZTI, « Treaties and the fundamental change of circumstances », R.C.A.D.I, 1975-III, tome 146, pp. 1-93.

Arnold Duncan Mc NAIR, « La terminaison et la dissolution des traités », R.C.A.D.I, 1928-II, tome 22, pp. 459-538.

Antonio Poch de CAVIEDES, « De la clause "rebus sic stantibus" à la clause de révision dans les conventions internationales », R.C.A.D.I, 1966-II, tome 118, pp. 105-208.

Alexandre-Charles KISS, « L'extinction des traités dans la pratique française », Annuaire Français de Droit International, 1959, pp. 784-798.

Jean CHARPENTIER, « Organisation de l'Europe. Le retrait français de l'O.T.A.N », A.F.D.I, 1966, pp. 409-433.

IV-Sites Internet

www.icj-cij.org ( site web de la Cour Internationale de Justice de l'O.N.U )

- Arrêts et textes officiels sur la jurisprudence de la Cour

www.un.org/law/ilc ( site web de la Commission du Droit International de l'O.N.U )

- Reports of the Special Rapporteur

- Reports of the International Law Commission

www.ena.lu ( site web de l'European Navigator )

- Aide-mémoire du gouvernement français aux quatorze représentants des gouvernements membres de l'O.T.A.N (11 mars 1966)

- Réponse du gouvernement américain à l'aide-mémoire français du 29 mars (12 avril 1966)

TABLE DES MATIÈRES

Introduction..................................................................................................................................Page 1

Partie I : La reconnaissance de la clausula comme cause juridique de la caducité des traités....Page 5

A. La consécration du principe de la clausula sur la base de conditions importantes.................Page 5

Chapitre 1 : La validité du principe soumise à des exigences conditionnelles tenant au changement de circonstances...........................................................................................................................Page 5

Chapitre 2 : L'encadrement du pouvoir d'appréciation du bien-fondé du recours à la clausula..Page 8

B. La consécration du principe de la clausula par l'encadrement de ses effets juridiques........Page 10

Chapitre 1 : La fonction préeminente d'abrogation des engagements internationaux...............Page 10

Chapitre 2 : Les effets juridiques de la clausula soumis aux principes de la dénonciation des traités..........................................................................................................................................Page 13

Partie II : Les incertitudes de la pratique internationale sans incidence sur l'existence du statut juridique de la clausula..............................................................................................................Page 15

A. L'incertitude du statut de la clausula entretenue prima facie par son utilisation incompatible avec le droit positif.............................................................................................................................Page 15

Chapitre 1 : Une utilisation en dépit de l'existence véritable de changement des circonstances..............................................................................................................................Page 16

Chapitre 2 : L'assimilation de la clausula à un droit de dénonciation unilatérale.....................Page 19

B. Le statut juridique de la clausula par la consécration de la tendance restrictive..................Page 23

Chapitre 1 : L'existence d'un mouvement de tendances contradictoires dans la pratique internationale.............................................................................................................................Page 23

Chapitre 2 : L'existence d'une norme juridique valide reconnue par la pratique internationale.............................................................................................................................Page 24

Conclusion.................................................................................................................................Page 27

Bibliographie.............................................................................................................................Page 28

* 1 Certains auteurs ont effectivement relevé que cette question prenait une place importante, excessive pour d'autres, dans la littérature du droit international, cf. Jean LECA, Les techniques de révision des conventions internationales, L.G.D.J, 1961, pp. 295-296.

* 2 Jean LECA, op. cit, p. 297.

* 3 La compensation s'explique par le caractère spécifique du contrat administratif, cadre juridique d'une mission de service public, on ne peut vraiment le soumettre au règime commun de l'extinction des contrats.

* 4 Tel que codifié par l'article 26 de la CVDT : "Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi".

* 5 La CVDT joue ici un rôle important qu'il faut prendre en compte puisqu'elle est en quelque sorte l'instrument de référence de premier ordre en la matière, notamment l'article 62 qui codifie l'état du droit en ce sens. Elle joue un rôle d'autant plus important qu'elle se situe "à la croisée" de la pratique et de la jurisprudence internationale dans la mesure où elle intervient pour remédier aux "flottements" du fait diplomatique, et la jurisprudence de la CIJ lui a consolidé sa place dans l'ordre international en y apportant des précisions.

* 6 Les tendances de la pratique diplomatique seront ainsi dépeintes par des exemples significatifs.

* 7 On vise ici les principales références juridiques internationales, ce sont tant les instruments conventionnels que la jurisprudence internationale. Plus precisément, on retiendra surtout la CVDT ainsi que la jurisprudence de la CIJ.

* 8 On peut dire qu'elle refléte l'état du droit en la matière dans la mesure où elle est supposée codifier le règime juridique de la clause rebus applicable aux traités entre États. Si de nombreux États n'y sont pas parties, il n'en demeure pas moins que celle-ci est en vigueur dans l'ordre international.

* 9 "Ce principe et les conditions et exceptions auxquelles il est soumis ont été énoncés à l'article 62 de la convention de Vienne sur le droit des traités qui peut, à bien des égards, être considéré comme une codification du droit coutumier existant en ce qui concerne la cessation des relations conventionnelles en raison du changement de circonstances.", Compétence en matière de pêcheries ( Royaume-Uni c. Islande ), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J, 1973, considérant 36.

* 10 Selon la Cour les termes de l'article 62 précité expriment l'idée que "la stabilité des relations conventionnelles exige que le moyen tiré d'un changement fondamental de circonstances ne trouve à s'appliquer que dans des cas exceptionnels.", Projet Gabèíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J, 1997, considérant 104.

* 11 Compétence en matière de pêcheries, ibidem, considérant 40.

* 12 Projet Gabèíkovo-Nagymaros, ibid, considérant 104.

* 13 Ceci excluant nécessairement toute idée de faculté discrétionnaire, c'est à dire d'un motif dont les critères permettant ou non son invocation seraient inexistants, faisant de l'État seul juge souverain du bien-fondé de ce recours.

* 14 La formule exacte qu'elle emploie étant : "Il doit avoir rendu plus lourdes ces obligations, de sorte que leur exécution devienne essentiellement différente de celle à laquelle on s'était engagé primitivement".

* 15 Le raisonnement de la Cour indique que cette condition doit s'apprécier objectivement, c'est à dire que les circonstances doivent avoir été une base essentielle du consentement non comme mobile subjectif mais comme facteur manifeste. Cela participe à restreindre le pouvoir d'appréciation de l'État qui s'en prévaut, il doit pouvoir justifier de cette condition pour recourir valablement au mécanisme de la clausula.

* 16 György HARASZTI, "Treaties and the fundamental change of circumstances", R.C.A.D.I, 1975 (III), pp. 75-78.

* 17 Document A/CN.4/173, telechargé du site Internet de la Commission du Droit International, 1964, p. 204, paragraphe 3.

* 18 Ces règles coutumières qui régissent l'abrogation des traités, notamment sur la pertinence d'une abrogation totale ou partielle, d'une abrogation définitive ou temporaire, sont codifiées dans une large mesure par la Convention.

* 19 On peut se référer aux articles 39 à 41 de la Convention.

* 20 G. Haraszti, ibid., p. 78.

* 21 La Déclaration de Londres de 1871 estime que "c'est un principe essentiel du droit des gens qu'aucune puissance ne peut se délier des engagements d'un traité, ni en modifier les stipulations, qu'à la suite d'un assentiment des parties contractantes, au moyen d'un accord amiable".

* 22 Cf. J. Leca, op. cit, p. 299.

* 23 On doit compléter cette disposition avec l'article 56 de la Convention, lequel précise que la dénonciation unilatérale est possible dès lors qu'il est établi que l'on peut déduire ce droit de l'intention des parties ou de la nature du traité. Il est vrai que cette précision est supposée apporter un aménagement à l'exclusion de principe de la dénonciation unilatérale des conventions internationales, mais on peut émettre quelques doutes sur sa véritable efficacité car des critères ou des indices objectifs seraient nécessaires pour comprendre sa mise en oeuvre effective.

* 24 Document A/CN.4/SR.694, telechargé du site Internet de la Commission du Droit International , 694è séance, p. 152, paragraphe 40.

* 25 Une telle démarche n'est pas très éloignée de celle entreprise par certains auteurs, notamment par Haraszti, qui considèrent que la CVDT n'est pas un instrument qu'il faut apprécier exclusivement ad futurum. Ce qu'elle codifie à l'égard de la clausula est tenu pour règime juridique préexistant. Dans une certaine mesure, cela implique que l'on admette d'y voir une règle juridique objective.

* 26 Ces deux cas de figure ont eu, pour des raisons différentes, un impact important sur le développement du droit international. En effet, la dénonciation russe a été à l'origine de la déclaration de la Conférence de Londres de 1871, laquelle est considérée comme l'affirmation d'un principe essentiel du droit des gens, et s'agissant de la dénonciation allemande, elle esquisse en quelque sorte les prémices de la seconde guerre mondiale.

* 27 L'obligation principale tenant au respect de la neutralisation de la Mer Noire a été consentie essentiellement pour mettre un terme à la guerre de Crimée, dès lors l'apparition de la Roumanie n'est pas un changement pertinent en ce que le consentement des parties n'était en rien lié à l'existence ou non de la Roumanie.

* 28 G. Haraszti, ibid, p. 17.

* 29 On vise ici le traité franco-soviétique d'assistance mutuelle du 2 mai 1935.

* 30 S'agissant des exceptions au principe, on fait référence à l'article 56 de la CVDT.

* 31 Cf. l'aide-mémoire du gouvernement français du 11 mars 1966, site Internet de l'European Navigator : www.ena.lu

* 32 Dans l'aide-mémoire précité : "Sans doute aurait-on pu concevoir qu'une négociation s'engageât pour modifier d'un commun accord les dispositions en vigueur. Le gouvernement français aurait été heureux de la proposer, s'il avait eu des raisons de penser qu'elle pût conduire au résultat qu'il a lui-même en vue. Tout montre malheureusement qu'une telle entreprise serait vouée à l'échec, les partenaires de la France paraissant être, ou s'affirmant, tous partisans du maintien du « statu quo », sinon du renforcement de tout ce qui, du point de vue français, paraît désormais inacceptable. Dès lors la France est conduite à tirer, en ce qui la concerne, les conséquences de la situation, c'est-à-dire à prendre pour elle-même les mesures qui lui paraissent s'imposer, et qui ne sont à son sens nullement incompatibles avec sa participation à l'alliance, non plus qu'avec sa participation, le cas échéant, à des opérations militaires aux côtés de ses alliés."

* 33 Le principe substantiel de la clausula vise le fondement causal de la dénonciation des engagements, et leur dénonciation unilatérale ne porte que sur la modalité de mise en oeuvre de ce principe.

* 34 Jean Leca, op. cit, pp. 242-243.

* 35 Alexandre-Charles Kiss, L'extinction des traités dans la pratique française, A.F.D.I, 1959, pp. 793-794 ; J. Leca, op. cit, p. 241.

* 36 L'article 12 du traité prévoit qu'après une période de 10 ans suivant sa mise en vigueur, ce traité peut faire l'objet d'une révision sur le motif d'un changement de circonstances. C'est en cela que "le gouvenement des Etats-Unis ne saisit pas les raisons qui ont conduit le gouvernement français à conclure [...] qu'il est impossible d'amender les arrangements de l'OTAN et qu'il doit agir unilatéralement." On peut se reporter à la réponse du gouvernement américain du 12 avril 1966 à l'aide-mémoire français du 29 mars 1966, site Internet de l'European Navigator précité.






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