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La clausula rebus sic stantibus et les traités internationaux

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2007
  

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Chapitre 2 : L'encadrement du pouvoir d'appréciation du bien-fondé du recours à la clausula.

Comme on a pu le constater, l'existence du principe de la clausula admise en tant que motif légal de caducité des engagements internationaux n'est pas niée par le droit postif, on observe en effet que le droit international reconnaît tout à fait la validité d'un tel principe pour autant qu'il réponde à des exigences particulières. Il convient toutefois de ne pas se limiter à cette analyse descriptive du droit positif, il est important en effet de ne pas faire abstraction du sens, de la signification profonde de la consécration de ce principe dans le cadre du droit positif. Il s'agit d'approfondir l'étude de ce que le droit positif a mis en oeuvre au sujet de la clause rebus sic stantibus, plus précisement il faut analyser ce qu'implique l'encadrement de ce principe.

Lorsque l'on examine le droit positif, il ressort clairement que la marge de manoeuvre dont peut disposer l'État qui se prévaut de la doctrine de la clausula se trouve considérablement réduite. L'appréciation du bien-fondé du recours à la clausula est assurément restreinte en ce que la validité de ce principe est reconnue à titre conditionnel, et les conditions sur lesquelles elle repose sont prédéfinies dans une large mesure. À cet égard, la Convention procède de telle manière qu'elle pose expréssement des conditions dont la signification est manifeste. On pourrait certes s'interroger sur quelques éléments accessoires mais la portée principale de ces conditions est tout à fait explicite, la clausula ne pouvant être admise à fonder en droit toute prétention à faire valoir la caducité des engagements du traité que dans la mesure où il s'agit d'un changement de circonstances qui bouleverse "radicalement la portée des obligations", et tant que ces circonstances ont "constitué une base essentielle du consentement des parties" au traité. Dans une certaine mesure, on pourrait qualifier cet encadrement par le droit positif de "directif" puisqu'il énonce les exigences au bien-fondé du recours au principe en s'attachant à ce qu'elles soient autant explicites que possible.

De même, l'articulation des dispositions de la Convention avec les solutions de jurisprudence de la Cour permet d'identifier un encadrement qui limite le pouvoir d'appréciation des États. Ainsi, si la Cour rappelle en 1997 que "la stabilité des relations conventionnelles exige que le moyen tiré d'un changement fondamental de circonstances ne trouve à s'appliquer que dans des cas exceptionnels", elle ne fait que tirer les conséquences qu'inférent les termes "négatifs et conditionnels" employés par l'article 62 de la Convention.12(*) De ce point de vue, cela indique à l'État qui entend se prévaloir de la clausula que ce motif de caducité n'est valable que dans des hypothèses exceptionnelles et qu'il ne saurait en tout état de cause constituer un instrument relevant de son seul pouvoir souverain.13(*)

En outre, la Cour ayant apporté des précisions importantes sur ce qu'il faut entendre des conditions ainsi posées, l'appréciation du bien-fondé du recours à la clausula s'en trouve largement encadrée. En effet, dans son arrêt Compétence en matière de pêcheries la Cour fait observer que le caractère fondamental du changement doit s'apprécier comme entraînant une transformation radicale de la portée des obligations les rendant "plus lourdes" à supporter pour l'une des parties.14(*) Quant à l'exigence suivant laquelle ces circonstances doivent avoir constitué une base essentielle du consentement des parties, elle ne pose pas de critères in abstracto, sans doute estime-t-elle que cette condition se suffit à elle-même.15(*) Ainsi, à l'examen du raisonnement opéré par la Cour en l'espèce, on peut penser que le recours à la clausula est fondé dès lors qu'il répond a priori à ces exigences prédéfinies, le rôle de l'État se limitant à faire constater le bien-fondé de ce recours au vu de ces éléments. D'un certain point de vue, le droit positif a soumis le bien-fondé de ce recours à des considérations ratione materiae au sens où la mise en oeuvre des conditions de son invocabilité traduit une logique à laquelle les États doivent se conformer, ceci afin de justifier à bon droit que les engagements sont devenus caducs en raison d'un changement de circonstances.

En ce sens, le droit positif entend suivre le mouvement visant à amoindrir l'espace de liberté des États dans l'invocation de la règle rebus sic stantibus pour leurs relations conventionnelles. C'est ici la consécration d'une partie de la doctrine mais également d'une tendance de la pratique internationale attachée à cet aspect restrictif. La validité de ladite règle comme cause juridique, admise comme telle, n'est aucunement exclue mais seulement encadrée par certaines réserves, il en résulte également que son bien-fondé répond à ces exigences déterminées. Autrement dit, les États ne peuvent discrétionnairement considérer si le recours à la clausula est ou non fondé de jure, ceci ne dépendant exclusivement que de la conformité de la situation d'espèce avec ces exigences.

Et l'État qui entend s'en prévaloir ne peut y recourir que dans la mesure où ces conditions sont bien remplies, à charge pour lui ensuite d'en établir la preuve, et par conséquent tout autre recours par un État qui méconnaîtrait l'existence de telles conditions en les niant ou, hypothèse plus probable, en les admettant mais sans pour autant s'y conformer in concreto, doit être considéré comme étant dépourvu de tout fondement juridique.

Par ailleurs, la reconnaissance de l'existence du principe de la clausula comme cause légale de caducité des engagements internationaux se trouve encadrée à plusieurs égards en ce sens que les effets que produisent son invocation sont pareillement restreints dans une certaine mesure.

* 12 Projet Gabèíkovo-Nagymaros, ibid, considérant 104.

* 13 Ceci excluant nécessairement toute idée de faculté discrétionnaire, c'est à dire d'un motif dont les critères permettant ou non son invocation seraient inexistants, faisant de l'État seul juge souverain du bien-fondé de ce recours.

* 14 La formule exacte qu'elle emploie étant : "Il doit avoir rendu plus lourdes ces obligations, de sorte que leur exécution devienne essentiellement différente de celle à laquelle on s'était engagé primitivement".

* 15 Le raisonnement de la Cour indique que cette condition doit s'apprécier objectivement, c'est à dire que les circonstances doivent avoir été une base essentielle du consentement non comme mobile subjectif mais comme facteur manifeste. Cela participe à restreindre le pouvoir d'appréciation de l'État qui s'en prévaut, il doit pouvoir justifier de cette condition pour recourir valablement au mécanisme de la clausula.

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