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La clausula rebus sic stantibus et les traités internationaux

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2007
  

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Chapitre 2 : L'assimilation de la clausula à un droit de dénonciation unilatérale.

En retraçant la pratique internationale on peut voir que, dans un sens, les États ont participé à apparenter la clausula à un instrument d'ordre politique en ce que son utilisation se confondait à plusieurs reprises avec la dénonciation unilatérale du traité. Dans l'ordre international la dénonciation unilatérale est en effet largement restreinte par le droit positif, et au demeurant, elle porte sur la procédure de mise en cause du traité tandis que la clausula ne vise que le fondement causal de mise en cause.

Tout d'abord, on peut rappeler qu'au sein de l'ordre international le droit positif consacre un principe fondamental régissant la dénonciation des traités. En effet, il est genérallement reconnu que les traités internationaux ne peuvent être dénoncés unilatéralement par un État qui y est partie. C'est ici un principe qui ressort principalement de la Déclaration annexée au Traité de Londres de 1871. En vertu de cette règle, les États ne disposent pas de la faculté de dénoncer de leur propre chef les engagements auxquels ils se sont liés par voie conventionnelle avec un ou plusieurs États, autrement dit un accord entre les parties contractantes est nécessaire à cet égard. Même la Convention de Vienne sur le droit des traités reprend ce "schéma" puisqu'elle pose en son article 54 l'idée de ce principe d'exclusion de la voie unilatérale en l'assortissant de deux exceptions.30(*)

Notons au préalable que la clause rebus n'est admis par le droit positif comme une cause légale de caducité des engagements du traité que dans le respect de ce principe de restriction de la dénonciation unilatérale. C'est ce qui ressort clairement du système juridique tel que codifié par la Convention.

Pourtant, on observe que certains États ont usé, de bonne foi ou non, de la théorie rebus sic stantibus comme d'un droit de dénonciation unilatérale de leurs engagements conventionnels. On peut le vérifier à plusieurs reprises dans les exemples fournis par la pratique internationale, retenons principalement le cas de la dénonciation allemande du traité de Versailles, et le retrait de la France de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

On peut distinguer plusieurs types de dénonciation des engagements conventionnels parmi les États ayant eu recours à la clausula car s'il existe des dénonciations qui se sont opérées dans le respect des principes du droit des gens, c'est à dire par la conclusion d'un accord entre les parties intéressées ou même de façon unilatérale avec une simple notification dès lors que les stipulations du traité en cause prévoient expréssement le droit d'agir ainsi, il existe également des cas de figure où l'État se considère fondé à agir unilatéralement en dénonçant le traité comme caduc ipso facto.

À cet égard, on peut relever que la France a utilisé la clause rebus sic stantibus dans le sens d'une dénonciation unilatérale de ses engagements conventionnels, on le voit à travers un cas d'espèce important à savoir son retrait du commandement militaire intégré de l'OTAN en 1966. La France, dans son aide-mémoire du 11 mars 1966, indique qu'en raison des changements de circonstances intervenus depuis la conclusion du traité de l'Atlantique nord en 1949, les accords subséquents, et non le traité de l'Organisation Atlantique lui-même, sont devenus caducs et ne créent donc plus de force obligatoire à l'égard de la France.31(*) Quand bien même supposerions-nous que la France pouvait tout à fait se prévaloir de changements de circonstances, il apparaît manifestement que la France a utilisé ce moyen comme lui permettant et lui ouvrant le droit de recourir à une dénonciation unilatérale. Elle a en effet annoncé de sa propre initiative et en ne sollicitant aucune négociation préalable avec les membres de l'OTAN sa décision visant au retrait du commandement militaire intégré en se fondant sur la caducité de certains engagements. D'ailleurs, la France n'entend même pas nier l'unilatéralisme de sa dénonciation puisqu'elle le souligne explicitement tout en essayant de justifier une telle action.32(*) On peut donc observer que la France a méconnu un principe essentiel du droit international en ce qu'elle a effectué une dénonciation unilatérale des engagements conventionnels auxquels elle était partie, et elle ne pouvait se fonder sur une dérogation prévue au traité car les dispositions de celui-ci excluent la possibilité d'une telle dénonciation unilatérale.

Quant à l'utilisation de la clause rebus sic stantibus par l'Allemagne vis à vis des traités de Versailles et de Locarno, elle témoigne sans doute encore plus nettement de l'assimilation de la clausula à un droit de dénonciation unilatérale. En effet, l'Allemagne se prévalait de la théorie de la clausula pour mettre un terme à ses engagements et la dénonciation de ceux-ci n'a fait l'objet d'aucun accord, elle a procédé pour ainsi dire à une véritable dénonciation unilatérale à la différence de certains États qui ont certes procédé de façon unilatérale mais en ayant cherché dans la mesure du possible des accords préalables ou ultérieurs. Autrement dit, l'invocation de la clause rebus sic stantibus comme donnant un titre à dénoncer par voie unilatérale les engagements auxquels un État est lié juridiquement est une réalité que l'on retrouve dans la pratique internationale, et l'exemple de l'Allemagne avec les traités de Versailles et de Locarno en est une illustration significative.

Il convient d'approfondir le sens et les implications de cet usage de la clausula qui, parce qu'il tend à se confondre avec un droit de dénonciation unilatérale, porte atteinte au principe énoncé dans la Déclaration de Londres de 1871 en vertu duquel nul ne peut se soustraire à l'application de ses engagements conventionnels d'une manière unilatérale. L'assimilation ainsi opérée peut être analysée comme la marque du caractère politique de la clausula, elle introduit en tout cas une incertitude, dans la mesure où les États ont pu trouvé dans ce motif, comme d'ailleurs dans d'autres motifs, la possibilité d'échapper à la loudeur des exigences tenant à la dénonciation des traités. Autrement dit, on peut considérer que son utilisation en guise de droit de dénonciation unilatérale est de nature à entretenir l'idée que ce motif revêt une certaine teneur politique, ce qui peut susciter au moins des incertitudes quant à la véritable nature de cet instrument. Cette règle de la clausula étant, en effet, utilisée de telle manière qu'elle méconnaît son propre régime juridique tel qu'énoncé par la Convention, selon lequel l'État ne peut se libérer unilatéralement de ses engagements quand bien même il s'appuierait sur le motif tiré d'un changement fondamental de circonstances et en prendrait argument pour soutenir la caducité du traité.

Dès lors, la clausula constitue un motif qui pourrait être considéré, prima facie, comme relevant de la simple dialectique politique puisque les États ont eu tendance à y voir un droit de dénonciation unilatérale, en méconnaissance de l'ensemble du droit positif.

Dans cet ordre d'idées, l'incertitude liée au statut de la clause est entretenue par son assimilation à un droit de dénonciation unilatérale dans la pratique internationale, non seulement parce que cela n'est pas compatible avec le principe de l'exclusion de ce mode de dénonciation, mais aussi parce que cela tend à dénaturer l'objet même de la clausula qui vise le fondement de la dénonciation et non sa procédure.

Ayant observé que les États ont pu employer le mécanisme de la clausula afin de dénoncer les engagements auxquels ils se sont liés et ce, d'une façon unilatérale, il s'ensuit qu'ils ont considéré de bonne foi ou non que ce motif leur permettait d'agir ainsi. Or, si la dénonciation unilatérale est exclue, ou du moins restreinte, par le droit international, celle-ci est en outre sans lien pertinent avec la règle de la clausula car l'une vise la procédure de dénonciation des traités internationaux alors que l'autre vise le fondement à l'appui duquel ceux-ci peuvent être dénoncés.33(*)

Cette distinction a son importance dans la mesure où la confusion opérée entre le motif et le mode de dénonciation des traités tend à renforcer l'incertitude que l'on pourrait avoir à l'égard de la clause.

Au vu de la pratique internationale, il existe des cas de figure particulièrement emblématique de cette confusion dans laquelle la clausula est assimilée à un droit de dénonciation unilatérale, tels que le retrait français de l'OTAN ou bien la dénonciation allemande du traité de Versailles, et cette logique qui ne distingue pas la cause de la caducité et sa mise en oeuvre a pu se développer par différents acteurs des relations internationales. En effet, on peut retenir pour exemple la décision du tribunal fédéral suisse en 1882 en l'affaire des cantons de Lucerne et d'Argovie aux termes de laquelle il "ne fait pas de doute que des traités peuvent être dénoncés unilatéralement par la partie qui a assumé une obligation" dès lors que sa dénonciation repose sur une modification des circonstances qui constituaient une condition tacite de son maintien. Cette solution prétorienne témoigne de cette logique ignorant la dissociation nécessaire entre l'existence d'un principe visant la caducité et son mode opératoire. Une telle confusion se retrouve même au sein d'une partie de la doctrine avec certains auteurs qui ont développé l'idée selon laquelle la Déclaration de Londres de 1871 a pour objet d'exclure la clause rebus du champ des règles juridiques positives. C'est ici ignorer les termes mêmes de la Déclaration qui ne mentionne en aucun cas la doctrine de la clausula et aussi sa signification qui vise clairement l'exclusion, ou du moins la restriction du droit de dénonciation unilatérale des traités, lequel est envisagé comme un simple mode procédural de dénonciation.34(*)

Ces assimilations de la clausula à un droit de dénonciation unilatérale des traités, notamment par la pratique internationale, pourraient induire une incertitude sur son statut dans l'ordre juridique international principalement parce qu'elles portent atteinte à son régime juridique tel que reconnu par la Convention qui, rappelons-le exige qu'elle se conforme au principe général d'exclusion de ce mode de dénonciation. Toutefois, les incertitudes que l'on peut relever ne sont pas véritablement de nature à remettre en cause l'existence de ce principe dans le champ des normes de droit positif, il faut pour cela que l'on comprenne que les doutes que l'on pourrait avoir ne concerne tout au plus que son applicabilité concrète et non sa légalité propre.

* 30 S'agissant des exceptions au principe, on fait référence à l'article 56 de la CVDT.

* 31 Cf. l'aide-mémoire du gouvernement français du 11 mars 1966, site Internet de l'European Navigator : www.ena.lu

* 32 Dans l'aide-mémoire précité : "Sans doute aurait-on pu concevoir qu'une négociation s'engageât pour modifier d'un commun accord les dispositions en vigueur. Le gouvernement français aurait été heureux de la proposer, s'il avait eu des raisons de penser qu'elle pût conduire au résultat qu'il a lui-même en vue. Tout montre malheureusement qu'une telle entreprise serait vouée à l'échec, les partenaires de la France paraissant être, ou s'affirmant, tous partisans du maintien du « statu quo », sinon du renforcement de tout ce qui, du point de vue français, paraît désormais inacceptable. Dès lors la France est conduite à tirer, en ce qui la concerne, les conséquences de la situation, c'est-à-dire à prendre pour elle-même les mesures qui lui paraissent s'imposer, et qui ne sont à son sens nullement incompatibles avec sa participation à l'alliance, non plus qu'avec sa participation, le cas échéant, à des opérations militaires aux côtés de ses alliés."

* 33 Le principe substantiel de la clausula vise le fondement causal de la dénonciation des engagements, et leur dénonciation unilatérale ne porte que sur la modalité de mise en oeuvre de ce principe.

* 34 Jean Leca, op. cit, pp. 242-243.

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