REPUBLIQUE DU BENIN
--------------
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
---------------
UNIVERSITE D'ABOMEY CALAVI
(U.A.C.)
Faculté de Droit et de Sciences
Politiques
(FA.D.E.S.P.)
MEMOIRE DE MAITRISE ES SCIENCES JURIDIQUES
OPTION : DROIT DES AFFAIRES ET CARRIERES
JUDICIAIRES
Thème :
PROBLEMATIQUE DE
L'EGALITE DES DROITS DES ENFANTS LEGITIME ET NATUREL DANS LE
NOUVEAU REGIME
DES SUCCESSIONS AU BENIN
Présenté et soutenu par:
Sous la direction de :
Julien Comlan HOUNKPE M. Hospice
AHOUANDJINOU DJOSSINOU
Professeur de droit
privé
des universités nationales
Vice Doyen de la FADESP
Année académique 2005-2006
LA FACULTE
N'ENTEND DONNER
AUCUNE
APPROBATION NI
IMPROBATION
AUX OPINIONS
EMISES DANS LES
MEMOIRES.
CES OPINIONS
DOIVENT ETRE
CONSIDEREES COMME PROPRES A LEURS AUTEURS
Je dédie ce mémoire à mon
épouse
Augustine
ainsi qu'à mes enfants Orphé et
Peggy.
A Dieu tout puissant, et à tous ceux à
travers
qui, il manifeste son ineffable amour.
A mon directeur, M. Hospice AHOUANDJINOU-DJOSSINOU,
à l'endroit de qui, même les mots sont
insuffisants
pour exprimer ma profonde gratitude.
A Maître Jacques TCHIBOZO du Barreau de
Bordeaux,
en qui j'ai trouvé une véritable personne
ressource.
A Mme Geneviève BOKO NADJO de Wildaf
Bénin
merci pour votre disponibilité permanente.
A tous mes professeurs de la faculté de droit
et à tous ceux qui m'ont soutenu à
un moment ou à un autre de mon travail,
gr atitude sans fin.
REPERTOIRE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
Al. : alinéa
Art. : article
C.CIV. : Code Civil
C.P.F. : Code des Personnes et de la Famille
D. : Dalloz
Ed. : Edition
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
N.E.A. : Nouvelles Editions Africaines
P.U.F. : Presses Universitaires de France
R.B.S.J.A. : Revue Béninoise des Sciences Juridiques
et
Administratives
T. : Tome
Vol. : Volume
PLAN SOMMAIRE
Introduction Générale
7
Première partie: L'applicabilité de
l'égalité des droits successoraux
des enfants
légitime et naturel
13
Chapitre I : L'organisation de la succession des enfants
légitime et naturel 15
Section I : L'établissement du lien de filiation
15
Section II : Les effets successoraux des filiations
légitime et naturelle 32
Chapitre II : Les difficultés d'application de
l'égalité des droits successoraux
des enfants légitime et naturel
44
Section I : Les problèmes juridiques
44
Section II : Les pesanteurs psycho sociologiques
48
Deuxième partie: Les perspectives pour la
primauté du droit dans
l'application effective
du nouveau régime juridique
béninois des
successions
52
Chapitre I : Les enseignements tirés du droit
comparé 54
Section I : Cas du droit français
54
Section II: Les apports de certains systèmes juridiques
africains 59
Chapitre II : Nos suggestions
Section I : Pour la prévalence d'une justice sociale en
matière
successorale
65
Section II : La nécessité de révision de
certaines dispositions du CPF 71
Conclusion Générale
75
Annexes
78
Bibliographie
80
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
La loi 2002-07 portant Code des Personnes et de la
Famille du Bénin promulgué le 24 Août 2004, à
travers ses dispositions, vient en correction à beaucoup de points de la
réglementation civile jusque-là applicable dans notre
pays1(*). Aussi bien des
innovations que des réaménagements de textes ont
été faits à divers niveaux.
Des divers points du droit des personnes et de la
famille où le code a fait des apports intéressants, celui qui a
surtout suscité notre intérêt est
l'égalité des droits successoraux de l'enfant légitime
et de l'enfant naturel.
Par définition2(*), un enfant est légitime, lorsque les parents de
l'enfant sont unis par des liens de mariage ; ou naturel, lorsque ces
derniers sont libres de tout engagement l'un envers l'autre,
c'est-à-dire non mariés. Les enfants naturels sont de trois (3)
types, à savoir : l'enfant naturel simple, l'enfant naturel
adultérin et l'enfant naturel incestueux.
L'enfant naturel simple est celui dont aucun des parents ne se
trouvait dans des liens de mariage lors de sa conception. L'enfant
adultérin, quant à lui, est celui conçu alors que l'un de
ses parents au moins se trouvait dans des liens de mariage. L'enfant
incestueux, enfin, est celui dont les parents ne peuvent pas se marier pour
cause de parenté ou d'alliance et qui a donc été
conçu lors de rapports incestueux.
Pendant longtemps, et dans le but de garantir la protection et
la sauvegarde de la famille légitime, la naissance des enfants naturels
n'était pas souhaitée. Dans le même objectif, le
législateur a donc imposé à ces enfants, une situation
juridique assez défavorable qui se résume en une forte
inégalité de traitement entre enfants naturel et légitime
sur la base de l'origine de leur filiation3(*).
Ces mesures n'ont pourtant pas découragé les
actes d'adultère et d'inceste qui sont à l'origine de l'existence
de ces enfants. C'est donc une situation qu'il est de plus en plus difficile
d'ignorer ou même de combattre en continuant à défavoriser
des enfants qui, en réalité, ne sont pas responsables de
l'origine de leur filiation.
La condition faite aux enfants naturels est contraire à
la Constitution du 11 décembre 1990, en ce qu'elle prône
l'égalité de tous devant la loi, et à tous les instruments
juridiques internationaux ratifiés par le Bénin.
Par ailleurs, les discriminations sont moins accusées
en droit traditionnel, car tous les enfants sont traités de la
même manière4(*). Quelques précisions s'imposent cependant,
quoiqu'en pratique, elles ne soient pas vraiment perceptibles2.
Il devenait donc impératif que cet état de
choses soit corrigé et que d'autres mesures soient prises dans le but de
combattre les discriminations. C'est dans cette perspective que les
rédacteurs du CPF se sont préoccupés de la question des
enfants naturels et, à l'exemple du législateur français
de 1972, ont voulu réaliser l'égalité des filiations. Ce
désir d'équité s'est exprimé par des innovations
assez audacieuses tant dans l'organisation de leur statut que la
dévolution de leur droit successoral.
Les normes qui ont donc fixé jusqu'ici le statut
juridique des enfants naturels ont été
réétudiées et complétées pour essayer de
prendre en compte les divers objectifs visés.
En effet, la volonté des rédacteurs du code
béninois de corriger l'inégalité de traitement qui
existait entre les enfants naturel et légitime s'exprime clairement dans
les termes d'un certain nombre d'articles. Il s'agit, par exemple, de l'article
620 du CPF qui énonce que : « les enfants, quelle
que soit l'origine de leur filiation, jouissent des mêmes droits
successoraux ... » Qu'ils soient donc légitimes ou naturels,
tous les enfants sont appelés à la succession de leurs parents,
père et mère, et ont droit à la même part :
plus aucune distinction n'est faite par la loi.
En comparaison du traitement fait aux enfants naturels par le
législateur de 1958, le code des personnes et de la famille a
réalisé un véritable exploit, une véritable
innovation en introduisant le principe de l'égalité des droits
entre tous les enfants.
Les innovations apportées sont à louer ; on
pourrait même en être satisfait, si dans la réalité,
il ne se posait malheureusement pas des problèmes d'applicabilité
de cette égalité des droits successoraux des enfants
légitime et naturel. Comme l'a si bien souligné le professeur
Noël GBAGUIDI `' ... ces dispositions seront du moins dans un avenir
proche d'application difficile''5(*).
En substance, non seulement le CPF n'a pas supprimé
toutes les discriminations dont sont victimes les enfants nés hors
mariage notamment les incestueux6(*), mais aussi on a pu, à la réflexion, se
rendre à l'évidence que le principe d'égalité
consacré par le code n'est pas facile d'application.
Certes, le but visé par le législateur est
l'égalité de tous les enfants, mais le moyen utilisé ne
permet pas d'atteindre complètement les objectifs de la réforme.
En définitive, notre intérêt pour LA
PROBLEMATIQUE DE L'EGALITE DES DROITS DES ENFANTS LEGITIME ET NATUREL DANS LE
NOUVEAU REGIME DES SUCCESSIONS AU BENIN tient en réalité à
voir les différents problèmes qui se posent par rapport à
l'applicabilité des droits successoraux des enfants légitime et
naturel.
A l'analyse, le sujet choisi soulève un certain nombre
de questions dont notamment :
- Quels sont les droits successoraux prévus par le
CPF en faveur de l'enfant légitime et de l'enfant naturel ?
- Quel impact réel aura le Code sur la condition des
enfants légitime et naturel ?
- Le CPF affirme-t-il effectivement une
égalité totale des enfants naturel et
légitime ? Ne peut-on pas dire que cette égalité est
une fiction ?
- L'enfant naturel, qu'il soit simple, adultérin ou
incestueux, est-il réellement en mesure aujourd'hui, de se sentir dans
les mêmes droits que l'enfant légitime ?
- Les caractéristiques de la filiation naturelle ne
vont-ils pas restreindre les effets de l'égalité des filiations
sur le plan successoral ?
- Quels sont les problèmes d'ordre juridique
susceptibles de se poser à l'application de ce contenu du code ?
- Des pesanteurs psycho sociologiques ne pourraient-ils pas
rendre difficile l'attribution de droits égaux aux enfants
légitime et naturel ?
- Quelles solutions apporter aux éventuels
problèmes susceptibles de se poser ?
L'objectif de ce travail de recherche est de faire le point de
la situation actuelle à l'orée de la réforme et de se
pencher sur celle à venir, afin de faire des prévisions pour son
application effective. A cet effet, les difficultés de tous ordres
(juridiques, sociologiques, psychologiques...) qui pourraient entraver
l'attribution de droits successoraux aux enfants naturels seront mises en
exergue et les solutions pour y remédier seront recherchées.
D'abord nous allons faire une analyse du régime de
l'égalité des droits successoraux des enfants légitime et
naturel, tel que prévu par le CPF, et montrer les difficultés
d'application de ce régime.
Ensuite, nous allons comparer les dispositions du nouveau Code
des Personnes concernant les droits successoraux des enfants d'une part avec le
Code Civil en France, et d'autre part avec les Codes de certains pays
Africains. Cette comparaison nous permettra de connaître la position du
Bénin par rapport à ces pays dans la garantie de droits
successoraux aux enfants. Sommes-nous en marge de l'évolution,
sommes-nous en retard ou sur quels points sommes-nous innovateurs par rapport
aux autres Etats ?
Enfin, en tenant compte des leçons tirées des
études faites sur les législations étrangères, nous
allons proposer des solutions aux éventuels problèmes
rencontrés dans l'attribution des droits successoraux aux enfants. Un
accent particulier sera mis sur le statut de l'enfant naturel qui, dans le
droit moderne a toujours été marginalisé. Le nouveau Code
favorise la promotion de ses droits et le souci scrupuleux de cette promotion
doit guider dans la mise en oeuvre du Code. Ainsi, des suggestions seront
faites pour que les droits successoraux qui lui sont conférés
aillent au-delà de la simple reconnaissance de ceux-ci dans les
instruments juridiques mais deviennent réalité concrète
dans une société comme la nôtre où la discrimination
de l'enfant naturel est encore de mise.
Les données recueillies de nos investigations
serviront à orienter le développement de ce thème en
suivant les deux axes ci-après :
Première Partie : L'applicabilité
de l'égalité des droits successoraux des enfants légitime
et naturel.
Deuxième Partie : Les perspectives pour la
primauté du droit dans l'application effective du nouveau régime
juridique béninois des successions.
PREMIERE PARTIE :
L'APPLICABILITE DE L'EGALITE DES DROITS SUCCESSORAUX DES
ENFANTS LEGITIME
ET NATUREL
La volonté des rédacteurs du code des personnes
et de la famille de normaliser la situation des enfants naturels est ma nifeste
dans les dispositions fixant l'établissement de leur filiation.
Ainsi, leur condition juridique s'est vue rapprochée de
celle de l'enfant légitime non seulement, du point de vue de
l'établissement du lien de filiation, mais aussi au niveau des effets
successoraux des filiations.
Ce principe d'égalité des droits successoraux
entre enfants légitime et naturel affirmé par le
législateur béninois ne manquera pas, ainsi que nous aurons
à le constater, de soulever des difficultés d'application
à divers niveaux.
L'établissement du lien de filiation et les effets
successoraux des filiations légitime et naturelle seront
étudiés dans le premier chapitre L'organisation de la
succession des enfants naturel et légitime. Dans le second
chapitre Les difficultés d'application de l'égalité
des droits successoraux des enfants légitime et naturel, nous
aurons l'étude des problèmes juridiques et des pesanteurs psycho
sociologiques liés à la mise en oeuvre de ces droits.
CHAPITRE I :
L'ORGANISATION DE LA SUCCESSION
DES ENFANTS NATUREL ET LEGITIME
La précarité du statut des enfants naturels et
la recherche d'une justice sociale entre tous les enfants ont amené les
rédacteurs du code des personnes et de la famille à corriger les
inégalités qui ont longtemps prévalu entre ces
différentes catégories d'enfants en ce qui concerne les modes
d'établissement de leur filiation.
Dans ce sens, il a été procédé
à un rapprochement qui s'exprime en substance par la liberté pour
les enfants naturels d'établir désormais leur filiation (section
1).
La conséquence directe de cette situation se ressent au
niveau des effets positifs sur le plan successoral. Désormais donc, les
enfants naturels peuvent, à l'instar des enfants légitimes, aller
à la succession de leurs parents, et réciproquement (section 2).
SECTION I : L'ETABLISSEMENT DU LIEN DE FILIATION
La filiation est le lien juridique qui unit un enfant
à ses parents. C'est donc la filiation qui crée un lien de
famille. Les règles qui régissent la situation de l'enfant dans
la famille ont généralement trait à la filiation.
Le nouveau code des personnes et de la famille, par ses
innovations, consacre un élargissement du domaine de
l'établissement légal de la filiation. Toute filiation peut
être établie. Ainsi, la filiation naturelle sera assimilée
à la filiation légitime (Paragraphe 1).
Cette loi s'est cependant montrée restrictive à
l'égard des enfants issus des rapports incestueux auxquels elle fait
toujours un traitement discriminatoire par rapport aux autres enfants. Ainsi,
le principe de l'assimilation connaît dans ses conséquences des
restrictions (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Rapprochement des filiations légitime
et naturelle
Les auteurs du CPF ont aboli toutes les règles qui
prohibaient l'établissement de la filiation naturelle et
abandonné le principe de la hiérarchie des filiations.
En effet, l'établissement de la filiation naturelle s'est
longtemps heurté à la primauté reconnue à la
filiation légitime, les conditions posées étant en
général restrictives. Le nouveau code a
réalisé la suppression des barrières ayant
contribué à maintenir l'enfant naturel en situation
défavorable surtout en matière de filiation.
Ainsi, leur condition juridique s'est vue rapprochée de
celle de l'enfant légitime7(*), non seulement, du point de vue de
l'établissement de leur filiation, mais aussi en matière de
contestation et de désaveu de leur filiation.
A- Liberté d'établissement de la
filiation naturelle
Le code des personnes et de la famille a opéré
des réformes intéressantes quant à la situation des
enfants naturels dont la filiation peut être établie, soit par la
reconnaissance volontaire, soit par la possession d'état ou encore par
l'effet d'un jugement.
Ces différents modes ont été
prévus aux alinéas 1 et 2 de l'article 319 du code.
1) La reconnaissance volontaire : premier mode
d'établissement de la filiation naturelle
Aux termes de l'article 319, alinéa 1 du code des
personnes et de la famille, « la filiation naturelle est
légalement établie par reconnaissance »
La reconnaissance est l'acte par lequel un père ou une
mère manifeste sa volonté de voir s'établir le lien de
filiation qu'il / qu'elle a avec un enfant, et s'engage ainsi à assumer
la totalité des charges et devoirs résultant de ce lien8(*).
Cet acte présente des caractères précis
et doit, pour être valide au regard de la loi, respecter certaines
formes. Ce n'est qu'à cette condition qu'il peut produire les effets
prévus par la loi.
a) Caractères de la
reconnaissance
Dans la conception qui fait de la reconnaissance un simple
mode de preuve, la filiation résulte du lien du sang, et la
reconnaissance n'a pour effet que de la constater, non de la créer.
De cette conception de la reconnaissance-aveu découlent
des caractères suivant : la reconnaissance est un acte
individuel ; un acte déclaratif ; un acte
irrévocable.
Le caractère individuel de la reconnaissance s'explique
par le simple fait que l'aveu n'engage que son auteur : on n'avoue pas
pour autrui. La reconnaissance, parce qu'elle est un aveu, est
individuelle8(*).
L'indication du nom de l'autre parent dans la reconnaissance n'aura d'effet
à l'égard de la mère que si elle-même a avoué
sa maternité. Ainsi, le seul effet que produit la reconnaissance faite
par le père sur la preuve de la maternité est de donner à
un aveu de la mère, dépourvu de toute forme, la valeur d'une
reconnaissance effectuée dans les formes régulières,
d'authentifier tout aveu de la mère.
Le second trait de la reconnaissance envisagée
comme mode de preuve est son caractère déclaratif. En principe,
l'acte juridique crée une situation nouvelle ; il est constitutif
de droit. Au contraire, l'aveu constate une situation
préexistante : il est déclaratif.
La reconnaissance, parce qu'elle est un aveu, un mode de
preuve, constate un lien de filiation existant dès le jour de la
conception9(*). Il en
résulte deux conséquences :
- Dans un premier temps, la reconnaissance
rétroagit : la filiation de l'enfant est établie
rétroactivement depuis sa conception.
- Dans un second temps, la capacité exigée pour
accomplir des actes juridiques n'est pas nécessaire pour
reconnaître valablement un enfant. Chacun est capable de donner
valablement un aveu. Il suffit simplement d'en comprendre la portée.
La reconnaissance comme mode de preuve du lien de filiation
est aussi un acte irrévocable parce qu'il est un aveu. En effet, l'aveu
est irrévocable : après avoir avoué, on ne peut pas
revenir sur son aveu.
Il n'y a à ce niveau qu'une exception : lorsque la
reconnaissance est contenue dans un testament notarié. Il est vrai que
la reconnaissance notariée est valable, aussi bien lorsqu'elle est
incluse dans un testament que quand elle est faite par un acte
séparé.
Mais le testament étant un acte essentiellement
révocable, la reconnaissance tombera avec lui en cas de
révocation. Il en est ainsi parce que le testament n'est pas
exactement révocable. Il est plutôt un projet qui ne prend force
définitive qu'au décès du de cujus. Contenue dans
un testament, la reconnaissance n'est, elle aussi, qu'un projet jusqu'au
décès.
En somme, l'aveu est irrévocable en ce sens qu'on ne
peut pas revenir sur un aveu sincère et exact ; mais il est
toujours possible de démontrer que l'aveu est mensonger ou qu'il est le
résultat d'une erreur, d'un dol ou d'une violence. En pa reil cas, on
peut faire tomber par une action en justice la reconnaissance : l'action
en contestation de reconnaissance.
Certains autres caractères de la reconnaissance
découlent de la seconde conception, celle en vertu de laquelle la
reconnaissance est un acte de volonté créateur de la
filiation et à défaut duquel ce lien n'existe pas.
· Envisagée comme telle, la reconnaissance est
d'abord un acte volontaire. Cela ne veut pas dire que le père ou la
mère doit avoir la volonté de créer un lien de filiation.
Il suffit qu'il ait la volonté d'avouer sa paternité ou sa
maternité10(*). A
ce point de vue, la reconnaissance demeure un aveu.
En réalité, la reconnaissance est un acte
volontaire en ce sens qu'elle est un acte discrétionnaire. Le parent qui
ne reconnaît pas son enfant naturel ne commet donc en principe aucune
faute.
Cependant, on ne peut plus voir dans la reconnaissance un acte
véritablement discrétionnaire, en ce sens que l'enfant a
désormais la possibilité d'intenter une action en recherche de
paternité et de maternité naturelles.
Etant donné que la reconnaissance exige un acte de
volonté, elle ne saurait donc en principe être valablement faite
par un dément ou un enfant.
Elle ne saurait non plus avoir été obtenue par
violence ou dol, ni être le résultat d'une erreur.
· En tant qu'acte de volonté créateur du
lien de filiation, la reconnaissance est aussi un acte unilatéral.
A l'exemple des actes juridiques résultant de la
volonté d'une seule personne (le testament par exemple), la
reconnaissance crée la filiation par la seule volonté de son
auteur. La reconnaissance d'un enfant conçu est donc valable. Il suffit
que l'enfant naisse viable11(*). Cette conséquence qui a été
discutée, présente un intérêt pratique
considérable.
En effet, le père peut décéder pendant
la grossesse, c'est-à-dire avant la naissance ; la mère
peut, elle aussi, mourir en couches. La reconnaissance de l'enfant conçu
est donc une assurance contre de telles situations12(*).
· Enfin, la reconnaiss ance vue comme acte
créateur de la filiation naturelle a un effet erga omnes, un effet
absolu. Le législateur la déclare opposable à tous.
Les rédacteurs du code des personnes et de la famille l'ont prévu
à l'article 327.
Par ailleurs, la reconnaissance volontaire d'enfant naturel
est un acte solennel. Elle doit, à peine de nullité, être
faite par acte authentique. Tout aveu, même indirecte, de
paternité ou de maternité contenu dans un acte authentique
constitue donc une reconnaissance. L'acte authentique peut émaner d'un
officier de l'état civil, d'un notaire (ce qui permet les reconnaissance
secrètes) ou d'un tribunal.
b) Les effets de la reconnaissance
La reconnaissance volontaire faite dans les formes
légales fait preuve du lien de filiation. En effet, lorsqu'il s'agit de
déterminer ses effets, c'est le caractère d'aveu qui
l'emporte : en matière d'effets, la reconnaissance ne crée
pas le lien de filiation, elle le prouve. L'enfant est donc censé
être rétroactivement l'enfant de son auteur depuis le jour de sa
naissance (ou même de sa conception).
La reconnaissance prouve la paternité ou la
maternité de son auteur. Elle ne prouve cependant pas l'identité
de l'enfant qu'elle vise avec celui qui s'en prévaut, même si ce
dernier était nanti, par exemple, de la grosse de l'acte notarié
contenant la reconnaissance. Même dans ce dernier cas en effet, il se
pourrait que le véritable intéressé muni de cette grosse,
l'ait remise à une autre personne qui s'en servirait à
présent pour s'attribuer un état usurpé. L'enfant devra
donc, par mesure de prudence, établir son identité.
Il faut signaler cependant que cette preuve est loin
d'être inattaquable. La preuve contraire est toujours permise.
En définitive, la reconnaissance n'établit la
filiation naturelle que jusqu'à preuve contraire. Pour apporter cette
preuve contraire, on intente une contestation de reconnaissance.
L'effet de la reconnaissance est absolu : elle est
opposable non seulement à son auteur et à ses héritiers,
mais aux tiers. Il en résulte l'impossibilité de
reconnaître un enfant qui a été antérieurement
l'objet d'une reconnaissance émanant d'un tiers, sans avoir
préalablement contesté cette reconnaissance.
Etablie par une reconnaissance valable, la filiation produit
tous les effets qui sont attachés par la loi à ce lien juridique,
notamment pour l'enfant un droit alimentaire et un droit successoral à
dater, évidemment, de la naissance et même de la conception de
l'enfant. Elle rétroagit donc.
2) La possession d'état et
l'établissement judiciaire de la filiation naturelle
En dehors de la reconnaissance volontaire de leurs parents,
les enfants naturels, pour faire constater leur lien de filiation, peuvent
recourir à la possession d'état ou à défaut,
déclencher la procédure de reconnaissance forcée devant la
justice.
a) La possession d'état comme moyen
suffisant d'établissement de la filiation naturelle
La possession d'état comme mode de preuve de la
filiation naturelle constitue une innovation du CPF. Ce fait est
consacré par l'article 285 du code dont les termes de l'alinéa 2
énoncent qu' : « A défaut d'acte, la
possession constante de l'état d'enfant peut suffire à
établir la filiation ». D'une façon
générale, le code vise donc tout enfant sans distinction.
La possession d'état est l'apparence d'un
état13(*). Il
s'agit du fait pour une personne de jouir des avantages de l'état
qu'elle allègue et de supporter les charges qu'il comporte, ainsi que le
fait de passer aux yeux des tiers pour être titulaire de cet
état.
L'article 286 du code donne de la possession d'état la
définition suivante : « La possession d'état
s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le
rapport de filiation et de parenté entre un enfant et la famille
à laquelle il dit appartenir ».
Selon les termes de l'article 288 du code, pour établir
la filiation, la possession d'état est établie en prouvant
constamment :
- que l'enfant a toujours porté le nom du père
ou de la mère dont il prétend descendre ;
- que le père ou la mère l'a traité comme
son enfant et a pourvu en cette qualité à son éducation,
à son entretien et à son établissement ;
- que l'enfant le considère comme son père ou sa
mère ;
- qu'il a été reconnu comme tel, par la
société ;
- qu'il a été traité comme tel par la fa
mille.
Puisant sa force principale dans l'aveu prolongé des
parents, la possession d'état joue même un rôle sensiblement
supérieur à celui de l'acte de naissance.
En effet, alors que l'acte de naissance ne prouve que
l'accouchement, la possession d'état, elle, prouve à la fois
l'accouchement et l'identité : le traitement reçu par
l'enfant, le nom qu'il porte, l'opinion de la famille et de l'entourage
constituent en effet de sérieuses garanties.
Il est salutaire que l'article 319 al 2 du CPF consacre
l'autonomie de la possession d'état. Ainsi, la possession d'état
pourra remplacer valablement l'acte de naissance et valoir titre pour la
filiation naturelle.
b) La reconnaissance forcée de la filiation
naturelle
En l'absence d'une reconnaissance volontaire, l'enfant naturel
qui veut se prévaloir de sa filiation doit, en principe,
nécessairement s'adresser à la justice pour faire constater sa
filiation maternelle et/ou paternelle.
Pendant longtemps, la loi n'a admis que l'action en recherche
de maternité seule. Mais, depuis la loi du 16 novembre 1912 en France,
l'action en recherche de paternité longtemps interdite est
autorisée, bien que soumise à des conditions plus strictes.
Le code est resté fidèle à ces
dispositions déjà adoptées par le code civil de 1958.
b-1 La recherche de la maternité
naturelle
Le CPF a étendu aux enfants adultérins et
incestueux la possibilité de rechercher leur filiation maternelle,
contrairement au code civil de 1958, qui en son article 342, le leur
interdisait.
Le Code des personnes et de la f amille a non seulement
veillé à la suppression des termes « naturels
simple, adultérin, incestueux » pour parler
uniformément d'enfant naturel, mais a aussi prévu, en
son article 332, que « la recherche de maternité est admise.
(...) », sans aucune précision par rapport à quelque
catégorie d'enfant que ce soit. C'est là une initiative louable
de la part des rédacteurs de ce code.
Contrairement à l'action en recherche de
paternité naturelle, l'action en recherche de maternité naturelle
ne porte ni cas d'ouverture, ni délai de prescription, ni fins de
non-recevoir propres.
Les seules restrictions sérieuses concernent les modes
de preuves. Quant au régime de l'action, il ne fait l'objet d'aucune
disposition particulière de la loi.
L'article 332 du CPF dispose en ses alinéas 2 et 3
que : « l'enfant qui exerce l'action sera tenu de prouver
qu'il est celui dont la mère prétendue a accouché.
A défaut, la preuve de la filiation pourra être
faite par témoins, s'il en existe, soit par les données acquises
de la science, soit par des présomptions ou indices graves, soit par un
commencement de preuve par écrit ».
Ainsi énoncé, le texte détermine d'abord
les faits à prouver, avant d'indiquer les moyens de preuve
qui s'y appliquent.
S'agissant des faits à prouver,
d'après l'alinéa 2 de l'article 333, « l'enfant qui
exerce l'action sera tenu de prouver qu'il est celui dont la mère
prétendue a accouché (...) ».
Il en résulte que les faits à prouver sont au
nombre de deux : l'accouchement de la femme dont l'enfant
prétend être issu et l'identité de cet enfant dont
cette femme a effectivement accouchée. Il s'agit donc là des
deux éléments constitutifs de la maternité au point de vue
juridique.
Quant aux modes de preuve de ces deux faits, ils varient
suivant le fait à prouver. Cependant, la loi, pour faciliter cette
preuve, a fait de la possession d'état un moyen de preuve commun
à l'accouchement et à l'identité14(*).
Les alinéas 2 et 3 de l'article 332 déjà
évoqué font respectivement allusion à « (...) la
possession d'état d'enfant naturel », à la preuve par
témoins, aux données acquises de la science, aux
présomptions ou indices graves et aux commencements de preuve par
écrit.
De façon concrète, on distingue alors selon que
l'enfant se prévaut d'une possession d'état ou non.
Lorsque l'action est fondée sur la possession
d'état, et selon les termes de l'article 333, alinéa 2 du
code béninois des personnes et de la famille, l'enfant qui recherche sa
mère sera admis à faire la preuve de l'accouchement et de
l'identité par la possession d'état d'enfant naturel à
l'égard de la prétendue mère.
La possession d'état ne sera ici qu'un moyen de faire
déclarer judiciairement la maternité : elle n'aura d'effets
qu'à travers le jugement, et non de façon indépendante. La
possession d'état ici n'est pas utilisée comme moyen autonome
d'établissement de la filiation naturelle.
En l'absence d'une possession d'état d'enfant naturel,
la filiation naturelle sera un peu plus difficile à établir.
Ainsi, quand l'action est exercée à défaut de
possession d'état, le CPF prévoit quatre autres moyens de
faire la preuve judiciaire de la maternité naturelle.
A cet effet, l'alinéa 3 de l'article 332 du code est
formel :
- de la preuve par témoins, s'il en existe.
- des données acquises de la science.
- des présomptions ou indices graves.
- des commencements de preuve par écrit.
La preuve de la maternité naturelle, ainsi
établie, ne pourra produire ses pleins et entiers effets qu'à la
suite d'une procédure judicaire ou action en recherche de
maternité naturelle.
b-2 L'établissement judiciaire de
la paternité naturelle
A l'exemple de la loi française et d'autres
législations, comme celle ivoirienne, le code béninois des
personnes et de la famille admet l'action en recherche de paternité
naturelle en prenant soin de l'entourer de nombreuses précautions de
fond et de procédure.
Pour donc que la paternité naturelle puisse être
judiciairement déclarée, il faut selon la loi, que soit
établi l'un des cinq cas d'ouverture de l'action tels qu'ils ont
été énumérés par l'article 333 du CPF, et
que la demande ne se heurte à aucune des fins de non-recevoir
indiqués à l'article 334 du même code.
L'article 333 du CPF, à l'exemple de l'article 340
ancien du code civil français, retient cinq hypothèses dans
lesquelles la paternité est considérée comme assez
vraisemblable pour être utilement recherchée.
- dans le cas d'enlèvement ou de viol, lorsque
l'époque des faits se rapportera à celle de la conception.
- dans le cas de séduction, abus d'autorité,
promesse de mariage ou fiançailles.
- dans le cas où il existe des lettres ou quelque autre
écrit émanant du père prétendu, propre à
établir la paternité d'une manière ou d'une autre.
- d ans le cas où le père prétendu et la
mère ont vécu en état de concubinage notoire pendant la
période légale de conception.
- dans le cas où le père prétendu a
pourvu ou p a rticipé à l'entretien, à l'éducation
et à l'établissement de l'enfant en qualité de
père.
Le fondement de ces cas d'ouverture n'est pas uniforme.
Les deux premiers, à savoir, l'enlèvement ou le
viol à l'époque de la conception et la séduction (abus
d'autorité, promesse de mariage ou fiançailles), évoquent
l'idée de faute imputable au prétendu père.
Les troisième et cinquième cas - existence de
lettre ou écrits privés émanant du père
prétendu, et participation à l'entretien et à
l'éducation de l'enfant - correspondent à un aveu exprès
ou tacite du père présumé.
Enfin le quatrième cas - concubinage notoire du
père prétendu et de la mère, pendant la période
légale de la conception - rappelle la présomption de
paternité légitime de l'article 300 du CPF.
Quant aux modes de preuve et à l'action proprement
dite, le CPF en traite en ses articles 333, 334 et 335.
Que le législateur ait pris soin d'entourer la
recherche judiciaire de la paternité de quelques sérieuses
précautions, c'est simplement dans le souci de réduire au maximum
les déclarations arbitraires.
D'un point de vue général, tout enfant naturel
devant établir le fait dont l'existence autorise la recherche de la
paternité peut le faire en en rapportant la preuve par tous moyens.
Seule, la preuve de l'aveu non équivoque de paternité demeure
soumise à des restrictions.
S'agissant particulièrement de la preuve des manoeuvres
dolosives, lorsque le demandeur invoque le cas de séduction dolosive, il
est tenu de les prouver. La preuve de la séduction a toujours
été libre15(*). Le demandeur peut, par tous les moyens,
établir que celui qu'il prétend être le père a eu
des relations avec la mère.
L'écrit doit faire pleine preuve de l'existence de
l'aveu. C'est en effet ce qui ressort des termes de la loi qui exige un
écrit « propre à établir la paternité
d'une manière non équivoque ».
Le père prétendu, défendeur à la
recherche de paternité naturelle peut combattre, lui aussi, par tous les
moyens de preuves proposées par l'enfant.
Le CPF permet au défendeur d'opposer à l'action
deux fins de non recevoir ; il s'agit de :
- l'impossibilité physique de cohabitation par suite
d'éloignement ou d'impuissance accidentelle par exemple.
- résultat négatif apporté par les
données acquises de la science.
L'action est exercée par l'enfant ou par sa mère
pendant sa minorité contre le prétendu père ou ses
héritier devant le Tribunal de Première Instance.
B- Rapprochement en matière de contestation
et de désaveu
Le désir des rédacteurs du code des personnes
et de la famille de corriger la situation des enfants nés hors mariage
en les assimilant aux enfants légitimes s'exprime aussi par le
rapprochement des deux types de filiations en matière de contestation et
de désaveu.
Ce rapprochement se rapporte non seulement aux cas de
contestation possibles de la filiation naturelle et aux cas d'ouverture du
désaveu de l'enfant légitime, mais également aux
procédés de preuve admissibles.
a) Contestation de la filiation naturelle
Cette contestation se rapporte à la reconnaissance
volontaire qui établit la filiation naturelle et qui peut être
attaquée par tout intéressé qui en fait la preuve
contraire.
Contester une reconnaissance revient à démontrer
que l'enfant n'est pas de la personne qui l'a reconnu. La contestation est donc
possible chaque fois que l'enfant n'est pas né de la femme qui l'a
reconnu, ou n'a pas été conçu par le père
prétendu, auteur de la reconnaissance.
Il est rare que les reconnaissances émanant des
mères fassent l'objet de contestation. En effet, il est plutôt
exceptionnel qu'une femme s'attribue un enfant naturel qui n'est pas le sien.
Il lui serait difficile d'établir un faux accouchement.
Par contre, un homme peut accepter de reconnaître
naturel qui n'est pas le sien. C'est souvent le cas d'hommes qui
épousent une femme ayant eu un enfant naturel d'un autre que d'eux et
qui manifestent le désir de reconnaître comme le leur cet enfant,
afin de le légitimer par leur mariage avec la mère.
On est alors en présence de reconnaissances
volontairement inexactes, mensongères. Parfois, par contre,
la reconnaissance faite par le père est involontairement
inexacte, erronée16(*). Ce qui est certain, le CPF consacre une
réforme certaine et heureuse en matière d'établissement de
la filiation naturelle.
La contestation est possible aussi bien contre les
reconnaissances mensongères que contre les reconnaissances
erronées.
Le législateur n'a établi aucune restriction
quant aux modes de preuves dont on peut se servir pour contester une
reconnaissance. Il admet comme preuve suffisante aussi bien les
témoignages que les présomptions pour démontrer que la
personne qui a reconnu l'enfant n'en est pas le père ou la
mère.
Par ailleurs, dans certains cas comme ceux d'une preuve
négative, l'examen des sangs pourra être opposé. Parfois
même, il suffit de procéder à une simple comparaison entre
l'âge de l'enfant et celui de l'auteur de la reconnaissance pour
établir la fausseté de cette reconnaissance.
Le législateur a prévu une action judiciaire,
l'action en contestation, pour établir l'inexactitude d'un lien
de filiation affirmé par une reconnaissance. L'action en contestation de
la reconnaissance obéit, comme « toutes les actions en
établissement ou en contestation de filiation » aux
dispositions générales fixées à l'article 289 du
CPF.
L'action en nullité de reconnaissance tend
à établir que l'une des conditions exigées par la loi pour
la validité de la reconnaissance n'était pas remplie et non
l'exactitude ou non de celle-ci. En effet, lorsque par exemple le mari attaque
la reconnaissance qu'un tiers a faite d'un enfant né de sa femme, il
intente, non une action en contestation de reconnaissance, mais une action en
nullité de reconnaissance.
b) Désaveu de la filiation légitime
La présomption pater is est peut être
combattue par le mari : c'est le désaveu de pa
ternité, et par toute personne intéressée :
c'est la contestation de légitimité.
Aujourd'hui, le code permet à la femme mariée,
même en l'absence de désaveu, de remettre en cause la
paternité de son mari. C'est la contestation de
paternité. La contestation de légitimité est une
action par laquelle une personne cherche à priver l'enfant de la
légitimité dont il bénéficie du fait de son acte de
naissance ou de sa possession d'état : le requérant
prétend démontrer que l'enfant a été conçu
dans des conditions telles que la présomption pater is est ne
lui est pas applicable.
La contestation de légitimité peut être
fondée, soit sur l'absence de mariage entre les parents, soit sur la
naissance avant le mariage, enfin sur la conception postérieure à
la dissolution du mariage. En ce qui concerne le désaveu de
paternité, il peut se faire par preuve de non paternité ou par
simple dénégation. Le désaveu de paternité
sous-entend une action réservée au mari (et exceptionnellement
à ses héritiers).
Le désaveu par preuve de non paternité a
été prévu à l'article 305 du code :
« Le ma ri peut désavouer l'enfant
conçu pendant le mariage :
- S'il prouve que pendant le temps qui a couru depuis le trois
centième (300e) jour jusqu'au cent quatre vingtième
(180e) jour avant la naissance de cet enfant, il était dans
l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme ;
- Si, selon les données acquises de la science, il est
établi qu'il ne peut être son père ;
- Par tous moyens, si la femme lui a dissimulé la
grossesse ou la naissance de l'enfant dans des conditions de nature à le
faire douter gravement de sa paternité ».
Quant au désaveu par simple
dénégation, le code le réglemente en son article 301. Il
est possible dans les cas où l'enfant a été conçu,
soit avant le mariage, soit pendant que les époux avaient
légalement un domicile séparé, l'obligation de
cohabitation étant l'un des fondement de la présomption pater
is est
Aux termes de l'article 300 du code des personnes et de la
famille, la preuve des faits expliquant l'action en désaveu du mari est
libre. En effet, « (...) celui-ci pourra désavouer l'enfant en
justice s'il justifie de faits propres à démontrer qu'il ne peut
en être le père ».
Ces faits-là sont justement les mêmes qui fondent
les divers cas où le mari peut mettre en doute sa paternité
vis-à-vis de l'enfant de son épouse.
Le législateur a consacré jusque-là une
sorte de monopole de l'action en désaveu par le mari. Aujourd'hui, le
code des personnes et de la famille permet à la femme mariée de
contester la paternité de son mari vis-à-vis de l'enfant
né d'elle. Ce qui est certain, dans un cas comme dans l'autre, la
paternité du mari est mise en cause.
L'action en désaveu de paternité ne peut, en
principe, être exercée que par le mari. Il est en effet seul juge
de sa paternité et des graves intérêts familiaux mis en jeu
par le désaveu. Les héritiers du mari, ne pourront exercer
l'action en désaveu que si celui-ci avait déjà
engagé l'action de son vivant ; à moins qu'il n'y ait eu
désistement ou péremption d'instance. Le législateur
béninois est clair à ce propos à travers les articles 293
et 308 du CPF.
Quant à celui contre qui elle peut être
exercée, il s'agit en principe de l'enfant qu'elle tend à rejeter
de la famille légitime. Le CPF s'y prononce en son article 309
alinéa 1. Lorsque l'enfant est encore mineur, il doit être
représenté par un tuteur ad hoc ou par sa mère. Lorsque,
par contre, l'enfant est majeur, l'action en désaveu est dirigée
contre lui-même.
Par ailleurs, le Code ouvre en son article 310, alinéa
2, une possibilité nouvelle et importante de contestation de
paternité du mari en créant une action en contestation de la
paternité à la requête de la mère. Ainsi la loi
permet aux vrais parents de l'enfant de l'accueillir dans le foyer
légitime constitué par le remariage de la mère. Cette
action ne tend donc pas à l'établissement d'une filiation
illégitime, mais à substituer une filiation légitime,
conforme à la vérité, à une
légitimité fictive.
L'action en contestation de paternité dirigée
contre le mari ou ses héritiers doit, aux termes de l'article 310
alinéa 3 du CPF, à peine d'irrecevabilité ,
être jointe à une demande de légitimation. Elle doit
être introduite par la mère et son nouveau conjoint dans les six
(6) mois de leur mariage et avant que l'enfant n'ait atteint l'âge de
sept (7) ans. Le principe même de la contestation de paternité par
la mère a cependant été vivement discuté.
----
Paragraphe 2 - Discrimination de l'enfant naturel
Le CPF consacre une réforme certaine et heureuse en
matière d'établissement de la filiation naturelle.
Cette loi s'est cependant montrée restrictive à
l'égard des enfants naturels issus des rapports incestueux auxquels elle
fait toujours un traitement discriminatoire par rapport aux autres enfants.
L'enfant incestueux, qui nuit peut-être moins à la famille que le
législateur ne veut bien le reconnaître, s'en sort ainsi avec
« une contrefaçon de filiation ».
La discrimination de la loi vis-à-vis de l'enfant
incestueux ressort des réserves émises ici et là par le
législateur.
Aux termes de l'article 319, alinéa 3, il leur est en
effet interdit d'établir leur filiation à l'égard de leurs
deux parents à la fois. Cette interdiction ne manquera pas de causer
à ces enfants, de graves préjudices.
A- L'interdiction de la double filiation pour
l'enfant incestueux
Le code prohibe en son article 319, alinéa 3
l'établissement de la double filiation des enfants incestueux. En effet,
il y est stipulé ce qui suit : « (...) s'il existe entre
les père et mère de l'enfant naturel un des empêchements
à maria ge prévus par le présent code pour cause de
parenté, la filiation étant déjà établie
à l'égard de l'un, il est interdit de l'établir à
l'égard de l'autre ».
La loi a pu en décider ainsi, étant donné
le principe de divisibilité de la filiation naturelle qui
s'établit en effet séparément à
l'égard des père et mère naturels.
Cette interdiction faite à cette catégorie
d'enfant n'a pourtant pas manqué de nous surprendre ; surprise
d'autant plus désagréable que les rédacteurs du code
béninois des personnes et de la famille ont émis la
volonté de corriger le sort défavorable jusqu'ici imposé
aux enfants nés hors mariage.
Le triste constat qui ressort pourtant de l'analyse de
l'article 319 du code des personnes et de la famille est que les enfants issus
de rapports incestueux n'ont pas vu leur sort vraiment
amélioré.
La liberté dorénavant reconnue aux enfants
naturels d'établir leur filiation n'est que partielle à leur
égard. Autrement dit, on pourrait parler d'une liberté
partielle d'établissement de la filiation incestueuse.
C'est là une disposition d'autant plus humiliante que
tout être humain naît forcément de deux parents,
c'est-à-dire d'un père et d'une mère. Sur la base de ces
observations, une disposition prohibant la double filiation pour une
catégorie d'enfants nous semble pénible à comprendre.
Est-ce toujours par souci de décourager les auteurs
d'actes incestueux que les rédacteurs de ce code ont retenu une telle
règle à l'encontre d'enfants qui sont pourtant loin d'être
responsables des conditions de leur conception ?
S'agissant des empêchements à mariage pour cause
de parenté et d'alliance, nous nous sommes posé la question de
savoir ce que la loi signifiait par les termes
« parenté »,
« alliance » et jusqu'à quel degré
de parenté ou d'alliance elle interdit l'union entre sujets de droit.
C'est l'article 378 qui éclaire vraiment sur le contenu
du terme « parenté ». Il stipule en effet
que :« La parenté résulte de la filiation et d'elle
seule (...) ». A la question de savoir jusqu'à quel
degré la loi prohibe l'union pour cause de parenté, l'article
380, alinéa 2 répond en précisant qu'en principe, la
parenté ne produit aucun effet au-delà du sixième
degré ; sauf donc les exceptions déterminées par la
loi elle-même.
En ce qui concerne l'alliance, elle naît, d'après
l'article 383 du code, du mariage et ne peut résulter que de lui dans
les conditions déterminées par le même article.
En tout état de cause, la loi parle d'inceste lorsque
intervient une union entre deux personnes pour lesquelles existe un
empêchement à mariage pour cause de parenté ou d'alliance,
et condamne tout enfant issu de telles relations à ne se
prévaloir que d'une filiation unilinéaire, une demie filiation.
Nous reconnaissons volontiers que l'inceste est un fait
répréhensible, et il est tout à fait légitime que
le législateur manifeste le souci de le combattre. Mais cette
nécessité ne nous semble pas justifier le sort imposé
à l'enfant incestueux quant à l'établissement de sa
filiation.
Par ailleurs, il y a un autre point de la loi qui nous semble
un peu paradoxal : il s'agit de la question de la légitimité
putative abordée à l'article 153 du code.
Dans l'hypothèse d'un mariage survenu au mépris
ou non de la loi entre deux personnes pour lesquelles existe un
empêchement à mariage pour cause de parenté ou d'alliance,
le législateur a prévu le système de
légitimité putative pour protéger tout enfant qui serait
issu d'une telle union.
Ainsi, étant donné que la loi facilite la
légitimité putative en supprimant la condition de bonne foi de
l'un au moins de deux pa rents, l'enfant incestueux peut conserver la
qualité d'enfant légitime qui lui avait été
conférée par le mariage de ses parents ; et ceci, même
si tous deux étaient de mauvaise foi.
Or, compte tenu du caractère indivisible de la
filiation légitime, l'enfant incestueux dont les parents n'ignoraient
pas l'empêchement à mariage résultant de leur lien de
parenté, bénéficie quand même de la double
filiation. C'est là une initiative positive, compte tenu du souci de
protection des enfants.
Mais, pourquoi le législateur conçoit-il
facilement la légitimité putative et refuse en même temps
de permettre l'établissement de la double filiation de l'enfant
incestueux ?16(*).
Les raisons morales et autres qui expliquent l'interdiction de
la double filiation de l'enfant incestueux à l'égard de ses
parents non mariés ne devraient-ils pas être aussi valables pour
prohiber la légitimité putative ?
De la même façon, si l'intérêt de
l'enfant ou de la famille recommande la légitimité putative, les
mêmes raisons devraient recommander l'établissement de la
filiation complète de l'enfant, les circonstances de leur naissance
étant les mêmes.
C'est en cela que réside le paradoxe, pour nous :
A l'étape actuelle, ne serait-ce pas une façon d'infliger la plus
lourde peine au moins coupable ?
Ce qui est certain, cette interdiction faite aux enfants
incestueux de se prévaloir d'une filiation complète comme tout
être humain né d'un père et d'une mère
entraîne pour eux un sort qui nous interpelle tous.
B- Une interdiction qui n'arrange pas le sort de
l'enfant incestueux
Ce traitement discriminatoire que fait la loi à
l'égard de l'enfant incestueux constitue un désagrément
qui fragilise sa situation sociale et qu'il urge de corriger.
Les enfants, d'une façon générale,
constituent une couche extrêmement vulnérable. C'est pour cette
raison qu'ils ont droit à la protection sociale, à la
sécurité, quelle que soit l'origine de leur filiation, et donc
quand même ils seraient issus de relations adultérines ou
incestueuses.
Mais les rédacteurs du code ne semblent pas s'en
être vraiment préoccupés, surtout en ce qui concerne
l'enfant incestueux qui se retrouve dans une situation sociale
désastreuse, avec un état civil incomplet.
Or, avant toute chose, il a besoin comme tout enfant, d'un
bien-être moral, psychologique et social que ne lui offrent pas les
discriminations sur sa filiation.
L'intérêt de l'enfant, quel qu'il soit, doit
être privilégié à tout point de vue, au-delà
de toutes autres considérations. Il faut donc veiller avec soin à
son éclosion dans un cadre propice qui détermine
l'épanouissement entier de son être. Il importe donc
d'éviter à l'enfant incestueux ces préjudices psychiques
et de lui garantir une filiation bilatérale légalement
établie.
Sur la base de ces observations faites, il s'avère
impérieux que le législateur repense les dispositions sur
l'établissement de la filiation de l'enfant incestueux pour les corriger
et donner à celui-ci la possibilité de se prévaloir, comme
les autres enfants, d'une filiation à l'égard, et de son
père, et de sa mère.
Dans le fond, ce ne serait que justice, étant
donné que l'enfant n'est pas coupable de l'acte incestueux qui est
à l'origine de sa conception.
Il faut alors que soit procédé à des
modifications déjà au niveau de l'article 319 du CPF en son
alinéa 3.
En effet, la filiation fonde le statut juridique et social de
tout être humain et détermine son avenir au sen de la
communauté.
SECTION II : LES EFFETS SUCCESSORAUX DES FILIATIONS
LEGITIME
ET NATURELLE
Comparativement au sort réservé jusque-là
aux enfants nés hors mariage, le code des personnes et de la famille a
considérablement amélioré leur situation en
édictant des règles qui assimilent la filiation naturelle
à la filiation légitime.
Etant donné que pour emporter vocation successorale
véritable, le lien de filiation doit être légalement
constaté (c'est le lien de filiation qui constitue le support juridique
des droits revenant à l'enfant, c'est-à-dire de sa succession et
de son statut social en général), les rédacteurs du code
béninois des personnes et de la famille ont en effet veillé
à réparer le tort longtemps fait aux enfants naturels en
normalisant l'établissement de leur filiation.
La conséquence directe de cette situation se ressent au
niveau des effets de cette filiation corrigée. On pourrait parler ici,
en termes plus exacts, des effets de la filiation naturelle légalement
établie.
Contrairement donc au traitement qui découlait des
dispositions du code civil de 1958, en l'occurrence sur la filiation de ces
enfants, le code des personnes et de la famille a réalisé des
innovations incontestables : celles-ci se résument en une
consécration du principe d'égalité des droits entre tous
les enfants (Paragraphe 1).
Ce principe n'a cependant pas été étendu
à l'enfant incestueux qui reste toujours privé d'une partie de
ses droits (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Consécration du principe
d'égalité des droits
Le principe d'égalité des droits s'étend
non seulement aux droits patrimoniaux des enfants à l'égard de
leurs parents, mais aussi à ceux des parents à l'égard de
leurs enfants, compte tenu du principe de la réciprocité du droit
de succession.
Désormais donc, naturel simple, adultérin ou
incestueux, les enfants naturels peuvent, à l'instar des enfants
légitimes, aller à la succession de leurs parents, et
réciproquement.
A- L'égalité des droits à
l'égard des parents et autres ascendants
A l'instar de la loi du 3 janvier 1972 en
France qui a posé le principe de l'égalité des filiations
légitime et naturelle, le code béninois des personnes et de la
famille élimine autant que possible la discrimination dans toutes les
formes où elle s'est manifestée jusque-là, à
travers le code civil de 1958.
L'enfant naturel jouit désormais des mêmes
rapports de droit que l'enfant légitime vis-à-vis de ses parents
et vis-à-vis de ses ascendants autres que les père et
mère.
1) A l'égard des parents
Pour délivrer les enfants naturels de
l'infériorité dans laquelle ils se sont trouvés
jusque-là, les rédacteurs du CPF ont veillé à
créer entre enfants et parents naturels des droits et devoirs
réciproques identiques à ceux qui existent entre enfants et
parents légitimes, les plus importants de ces droits et devoirs
étant le droit aux aliments et le droit successoral.
a- Le droit aux aliments
Le droit aux aliments découle de l'article 158 du code
qui dispose que : « Le mariage crée la famille
légitime. Les époux contractent ensemble, par leur mariage,
l'obligation de nourrir, entretenir, élever et éduquer leurs
enfants ».
Dans la même optique, l'article 337 du même code
énonce que : « Dans le mariage, l'obligation alimentaire
(...) des époux envers les enfants fait partie des charges du mariage
( ...) ».
Assimiler l'enfant naturel à l'enfant légitime
sur le plan du droit aux aliments signifie par conséquent qu'il existe
désormais, entre lui et ses parents, une obligation réciproque
identique à celle qui existe entre l'enfant légitime et ses
parents.
A cet effet, nous pouvons recourir à l'article 392
du CPF : « Les enfants naturels dont la filiation est
régulièrement établie ont vis-à-vis de leurs
auteurs, les mêmes droits et obligations alimentaires que les enfants
légitimes ».
Il semble donc évident que le
législateur béninois recherche une réelle assimilation de
l'enfant naturel à celui légitime.
b- Le droit successoral
La volonté des rédacteurs du code de corriger
l'inégalité de traitement qui existait entre les enfants naturels
et légitimes s'exprime clairement dans les termes d'un certain nombre de
ses articles.
Il s'agit, pour commencer, de l'article 328 cité plus
haut : « Lorsque la filiation est également
établie, les enfants nés hors mariage ont les
mêmes droits que les enfants légitimes
(...) ».
Au titre des successions, les dispositions vont dans le
même sens. En effet, « les enfants, quelque soit l'origine
de leur filiation, jouissent des mêmes droits successoraux, sous
réserve des dispositions de l'article 621 ».
Qu'ils soient donc légitimes ou naturels, tous les
enfants sont appelés à la succession de leurs parents,
père et mère, et ont droit à la même part :
plus aucune distinction n'est faite par la loi.
C'est également ce qui se dégage de l'article
590 aux termes duquel : « les héritiers légitimes
ou naturels (...) sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du
défunt (...) », ce qui n'était pas du tout le cas, vu
les dispositions des articles 758, 759, 760, 762, 763, et 764 du code civil de
1958.
Lesdites dispositions fixaient une part précise
à l'enfant naturel, différente de celle de l'enfant
légitime et selon le type de successible avec lequel il vient à
la succession de son père ou de sa mère.
Les articles 762, 763, et 764, quant à eux,
spécifient le cas des enfants adultérins et incestueux, beaucoup
plus lamentable que celui des enfants naturels simples. Aux termes de ces
articles en effet, la loi ne leur accorde que des aliments. Ces aliments sont
réglés, eu égard aux facultés du père ou de
la mère, au nombre et à la qualité des héritiers
légitimes.
De plus, si le père ou la mère de l'enfant
adultérin ou incestueux lui a fait apprendre un métier ou si l'un
d'eux lui a assuré des aliments de son vivant, l'enfant ne pourra lever
aucune réclamation contre leur succession. Il s'agit là des
dispositions de l'article 764 du code civil de 1958.
La loi visait, de cette façon, à protéger
certains membres de la famille légitime, notamment les enfants
légitimes issus du mariage et le conjoint victime de l'adultère,
en présence d'enfants adultérins.
En comparaison de ce traitement fait aux enfants naturels en
général et aux enfants adultérins et incestueux en
particulier par le législateur de 1958, le code des personnes et de la
famille a réalisé un véritable exploit, une
véritable innovation en introduisant le principe d'égalité
des droits entre tous les enfants.
Le code béninois des personnes et de la famille
supprime en outre les distinctions précédemment faites entre les
enfants compte tenu du sexe ou de l'âge. C'est ce qui ressort des
dispositions de l'article 619 du code béninois : « les
enfants ou leurs descendants succèdent à leur père et
mère (...) sans distinction de sexe ni d'âge
(...) ».
C'est là un point qui, au Bénin, vient en
correction aux privilèges de masculinité et de
primogéniture consacrés p ar le coutumier du Dahomey.
Dorénavant, ces privilèges n'influencent plus le
partage des droits successoraux entre les enfants : il n'est plus tenu
compte, ni de l'âge, ni du sexe, ainsi qu'à leurs autres
ascendants ; ce qui est vraiment positif à beaucoup de points de
vue. Non seulement le législateur offre les mêmes droits, et donc
les mêmes chances aux filles et aux garçons, mais aussi, qu'il
s'agisse de l'aîné, du cadet ou du benjamin d'une famille, le
même traitement, la même part dans la succession de leurs parents.
Cette option du code des personnes et de la famille
s'harmonise bien, non seulement avec les idéaux des Droits de l'Homme,
mais aussi avec les dispositions de son propre article 1 dont les termes
prônent une égalité absolue de traitement de la personne
humaine, quels que soient sa race, sa couleur, son sexe, sa religion, sa
langue, son opinion politique, son origine nationale ou sociale, sa fortune ou
quelque autre situation, et ce, de sa naissance à son
décès.
2) Extension des droits à l'égard
des autres ascendants
Cette extension se rapporte à la fois aux droits
alimentaires et aux droits successoraux.
Avec le CPF, l'enfant naturel lég alement reconnu a
droit à l'intégration dans la famille de ses auteurs au
même titre que l'enfant légitime. L'obligation alimentaire est
désormais admise dans les rapports de l'enfant naturel et de ses autres
ascendants.
C'est ce que nous retenons à travers les termes de
l'article 391 dudit code selon lesquels : « L'obligation
alimentaire résultant de la parenté est réciproque. Entre
parents, elle existe en ligne directe, sans limitation de degré. En
ligne collatérale, elle est simplement morale ».
En effet, si nous nous référons à
l'article 378, alinéa 1 du même code selon lequel :
« la parenté résulte de la filiation et d'elle
seule », il est facile de comprendre, par les dispositions de
l'article 391 précité que l'obligation alimentaire ne se limite
plus aux père et mère, exclusivement, mais à tous autres
ascendants et parents, pourvu qu'existe le lien de parenté.
En tout état de cause, étant donné la
volonté d'assimilation des enfants naturels aux enfants légitimes
et, sur la ba se des dispositions de l`article 392, les enfants naturels
jouissent des mêmes droits que ceux légitimes si leur filiation
est légalement établie. Il est donc tout à fait normal
qu'ils puissent bénéficier d'aliments de la part de leurs autres
ascendants, tout comme l'enfant légitime.
Cette extension de l'obligation alimentaire aux ascendants de
l'enfant naturel autres que ses père et mère est conforme
à la conception africaine selon laquelle l'étendue et la
solidarité de la famille, qu'elle soit légitime ou naturelle,
n'ont d'autres limites que celles qu'imposent l'ignorance et l'existence du
lien de parenté ou le manque de biens à partager avec le
prochain.
C'est dire qu'exclure les collatéraux et notamment les
frères et soeurs du champ d'application de l'obligation alimentaire
n'est pas africain, mais européen, et que c'est plutôt condamner
l'assistance familiale traditionnelle à disparaître à
brève échéance à une époque où
l'assistance publique à l'européenne est encore à peu
près inexistante.
Une autre innovation du code des personnes et de la famille se
dégage des dispositions de l'article 619 : les droits successoraux
des enfants naturels vis-à-vis de leurs autres ascendants.
En effet, « les enfants ou leurs descendants
succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants
(...) ». La compréhension qui se dégage de ce texte de
loi est que tous les enfants, de même que leurs descendants peuvent aller
à la succession, et de leurs père et mère, et de leurs
autres ascendants, grands parents, oncles et tantes, par exemple ; ce qui
était impossible d'après l'article 757 du code civil de 1958
selon lequel « la loi n'accorde aucun droit aux enfants naturels sur
les biens des parents de leur père ou de leur
mère ».
Evidemment, le législateur vise ici les grands-parents
d'enfants naturels. A ce niveau, il s'est posé jusque-là la
question des rapports entre l'enfant naturel et ses grands-parents qui
nécessitait une réglementation sans équivoque.
Les rédacteurs du code béninois des personnes et
de la famille semblent donc avoir pris en compte la question pour
élaborer une nouvelle disposition, l'article 619, qui étend la
vocation successorale des enfants naturels à l'égard de leurs
ascendants autres que leurs père et mère. Ainsi, tout comme les
enfants légitimes, les enfants naturels peuvent aussi leur
succéder.
Compte tenu du caractère réciproque du droit de
succession, les parents peuvent, eux aussi, aller à la succession de
leurs enfants naturels.
B- Les droits des parents à l'égard
des enfants naturels et légitimes
L'enfant naturel (dont la filiation est légalement
établie) ayant, dans la fa mille de chacun de ses auteurs, les droits
d'un enfant légitime, il est normal que, à titre
réciproque, ses père et mère, ainsi que les membres de
cette famille aient le droit de bénéficier de certains droits et
de venir à sa succession comme s'il s'agissait d'un enfant
légitime.
En outre, les frères et soeurs de l'enfant naturel,
qu'ils soient légitimes ou naturels, peuvent prétendre à
des droits dans sa succession.
1) Droits des père et mère naturels
et autres ascendants
Ces droits sont dus par l'enfant naturel à ses parents,
père, mère et autres ascendants, en vertu du principe de
réciprocité posé par la loi. Il s'agit notamment des
droits alimentaires et ceux successoraux.
L'obligation alimentaire résultant de la parenté
(que celle-ci soit légitime, naturelle ou adoptive) est, en vertu de
l'article 391 du CPF, réciproque.
De la même façon donc que les parents de l'enfant
naturel (père, mère et autres ascendants) sont tenus par la loi
de lui fournir des aliments, ce dernier est, lui aussi, automatiquement tenu de
la même obligation : il devra, au moment opportun, assurer des
aliments à ses père et mère, de même qu'aux
ascendants autres que ces derniers qui sont dans le besoin.
C'est là une disposition qui concorde parfaitement avec
« la bonne nature de l'homme », le sens de l'humanisme, de
la spontanéité de l'humain envers son prochain. En un mot, cette
disposition n'a fait qu'édicter une attitude tout à fait normale,
une attitude qui s'est d'ailleurs toujours bien conçue en Afrique
où les valeurs traditionnelles ont toujours prôné
l'égard envers le prochain.
En tout état de cause, il va parfaitement de soi que
parents et enfant s'occupent réciproquement les uns des autres, que ce
soit en Afrique, en Europe ou ailleurs dans le monde. Il est des choses qui
devraient être innées en l'homme, quelle que soit son appartenance
raciale.
Avec le code des personnes et de la famille, l'enfant naturel
a été pratiquement assimilé à celui
légitime. C'est ce qui justifie que les dispositions sur les droits
successoraux des parents d'enfants naturels soient les mêmes qui se
rapportent aux droits successoraux des parents d'enfant légitimes. Plus
aucune distinction n'est vraiment faite dorénavant.
En cela, nous avons d'ailleurs remarqué que les
dispositions du code des personnes et de la famille sur les nouveaux droits
successoraux des ascendants n'est qu'une copie exacte de celles du code civil
de 1958 sur les successions déférées aux ascendants. Il
n'y a donc pas eu vraiment d'innovations à ce niveau non plus.
Aux termes de l'article 622 dudit code,
dorénavant : « Si le défunt n'a laissé ni
postérité, ni frère, ni soeur, ni descendants d'eux, la
succession se divise par moitié entre les ascendants de la ligne
paternelle et ceux de la ligne maternelle.
L'ascendant qui se trouve au degré le plus proche
recueille la moitié affectée à sa ligne, à
l'exclusion de tous autres. Les ascendants au même degré se
succèdent par tête »
Pour ce qui est du cas particulier de l'enfant incestueux,
compte tenu de l'interdiction de double filiation qui lui est faite à
l'alinéa 3 de l'article 319 du code des personnes et de la famille, les
implications que cela suppose en matière successorale et du
caractère réciproque du droit de succession, nous comprenons tout
simplement que, seul celui de ses auteurs qui l'aura reconnu et dont il aurait
le droit d'aller à la succession pourra, à son tour,
prétendre à une part dans la succession de cet enfant incestueux.
2) Droits successoraux des frères et soeurs
de l'enfant naturel
Le code civil de 1958 les organisait séparément
(précisément au chapitre 4 du titre premier dénommé
SUCCESSIONS IRREGULIERES) compte tenu de la distinction systématique que
faisait le législateur entre enfants naturels et légitimes.
Le code consacre les droits des frères et soeurs sur
les biens des enfants naturels.
Les droits successoraux qu'attribuait le législateur de
1958 aux frères et soeurs légitimes de l'enfant naturel sont
contenus dans l'article 766 du code aux termes duquel : « En cas
de prédécès des père et mère de l'enfant
naturel décédé sans postérité, les biens
qu'il en avait reçus passent aux frères et soeurs
légitimes, s'ils se retrouvent en nature dans la succession ; les
actions en reprise, s'il en existe, ou le prix des biens aliénés,
s'il en est encore dû, retournent également aux frères et
soeurs légitimes (...) »
Il s'agit du droit de retour légal que le
législateur reconnaissait aux frères et soeurs légitimes
de l'enfant naturel.
Qu'en était-il de la part des frères et soeurs
naturel ?
Aux termes de l'article 766 du code civil de 1958
précité « (...) Tous les autres biens passent aux
frères et soeurs naturels ou à leurs descendants ». La
distinction était donc clairement établie entre les parts
auxquelles pouvaient prétendre les frères et soeurs naturels ou
à leurs descendants »
Aujourd'hui, le code des personnes et de la famille a
introduit des changements notables à ce niveau. Il ne dispose pas
distinctement sur la base du type de filiation des frères et soeurs.
Désormais, qu'il s'agisse de frères et soeurs, légitime ou
naturels, d'un enfant légitime ou d'un enfant naturel, la loi dispose de
façon générale, sans aucune distinction.
C'est ainsi que les articles 623, alinéa 2 à 627
du code béninois des personnes et de la famille ne sont, eux aussi, que
de simples reprises des articles 748, alinéa 2 à 752 du code
civil de 1958 qui organisaient les droits de frères et soeurs dans la
succession d'un enfant légitime.
Paragraphe 2 - Persistance de la discrimination envers
l'enfant
naturel
Les efforts des rédacteurs du code béninois des
personnes et de la famille pour mettre fin aux discriminations envers les
enfants naturels ne se sont pas vraiment étendus aux enfants incestueux
pour lesquels subsiste toujours une hypothèse
d'infériorité.
Etant donné qu'il ne leur est concédé
qu'une moitié de filiation aux termes de l'article 319, alinéa 3,
ils n'ont par suite, droit qu'à une succession réduite.
Au-delà donc du regroupement des enfants nés
hors mariage sous le terme général d'enfants naturels et du
traitement apparemment commun qui ressort d'un certain nombre de
dispositions, le code des personnes et de la famille écarte, dans le
fond, les enfants incestueux pour leur réserver un sort toujours
différent.
C'est une situation assez préoccupante que nous
essaierons d'expliquer ici, et que le législateur ferait bien de
corriger en vue d'une certaine équité envers eux.
A- Une succession amputée pour l'enfant
incestueux
L'intention du législateur de faire un sort particulier
à l'enfant incestueux est manifeste à travers un bon nombre de
dispositions du code béninois des personnes et de la famille.
Il est évident que son statut juridique a
été spécialement étudié, de façon
à « l'écarter » des autres enfants naturels
qui ont pu voir le leur corrigé, amélioré. Il ne fait
aucun doute que les rédacteurs du code des personnes et de la famille
ont soigneusement veillé à établir les bases juridiques
d'une situation discriminatoire pour les enfants incestueux.
En effet, les implications de l'article 319 alinéa 3
s'étendent à plusieurs points qui définissent, enfin de
compte, pour ces enfants, un contexte juridique et social préoccupant.
Etant donné que le lien de filiation établi
conditionne le statut de l'enfant à divers niveaux, notamment aux
niveaux juridique, social et économique, on comprend que les
rédacteurs, aient particulièrement pris soin de fixer les
règles de l'établissement de leur filiation de façon
à leur rendre impossible le bénéfice de l'assimilation
dont les enfants naturel simple et adultérin ont fait l'objet par
rapport à l'enfant légitime.
Une première manifestation se retrouve à
l'article 328 dudit code où il est stipulé
que : « lorsque la filiation est légalement
établie, les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits
que les enfants légitimes, sous les réserves prévues
au titre des successions » .
Il serait donc plus sage de prendre quelque recul à la
lecture de cette disposition qui accorde les mêmes droits à tous
les enfants, et de tenir compte des réserves émises par la suite.
L'enfant incestueux, pour être précis, et surtout
sans vouloir être hypocrite, est carrément exclu du lot des autres
enfants naturels qui peuvent aujourd'hui jouir d'un statut juridique
franchement corrigé ; nous voulons parler des enfants naturels et
adultérins.
Il faut relever qu'au chapitre des successions, le
législateur insiste sur les réserves déjà
émises au niveau de l'établissement de la filiation. L'intention
de traiter différemment ce type d'enfant persiste et on ne saurait dire
qu'il s'agit là d'un hasard.
Aux termes de l'article 619, en effet, les enfants ou leurs
descendants peuvent aller à la succession de leurs père et
mère ou autres ascendants (...) sous réserve des dispositions
prévues relativement aux enfants incestueux. L'article
précise bien qu'il s'agit de l'enfant incestueux et pas celui
adultérin ou naturel simple.
L'enfant incestueux a donc bien été mis de
côté et il en est de même au niveau de l'article suivant,
c'est-à-dire le 620 où l'enfant incestueux est clairement
écarté : « les enfants, quelle que soit l'origine de
leur filiation jouissent des mêmes droits successoraux, sous
réserves des dispositions de l'article suivant ».
Ainsi, les réserves sont à chaque fois
maintenues par le législateur vis-à-vis de l'enfant incestueux,
tandis que les articles s'annoncent les uns les autres.
C'est le cas de l'article 620 qui renvoie au 621 où les
rédacteurs du code précisent clairement le sort qu'ils
réservent à l'enfant incestueux quant à sa part
réelle de droits dans la succession de ses auteurs.
Le code ne reconnaît de droits successoraux à cet
enfant qu'à l'égard de celui de ses auteurs qui l'aura reconnu et
non à l'égard des deux. C'est la conséquence directe de
l'alinéa 3 de l'article 319 du même code qui ne permet à
l'enfant incestueux qu'une filiation à sens unique,
c'est-à-dire une filiation unilinéaire, une moitié de
filiation.
En dehors donc de celui de ses parents qui l'aura reconnu,
l'enfant incestueux ne pourra prétendre à aucun droit dans la
succession, ni de son autre auteur, ni d'aucun de ses autres ascendants.
L'article 621 est suffisamment éloquent à cet
effet : « l'enfant incestueux n'a de droits successoraux
qu'à l'égard du parent qui l'a reconnu conformément
à l'article 319 du présent code »
Il est donc clair que cette catégorie d'enfant n'a pas
la moindre issue : Le législateur ne lui donne pas vraiment le
choix ; il a plutôt pris grand soin de lui imposer une situation
juridique dont il lui sera extrêmement difficile de se défaire.
Ses droits héréditaires se trouvent ainsi amputés de
moitié, ce qui n'est pas pour l'arranger du tout, à aucun point
de vue.
Contrairement donc aux enfants adultérins et naturels
simples qui peuvent aller à la succession de leurs deux parents, les
enfants incestueux ne peuvent prétendre qu'à la succession, soit
de leur père, soit de leur mère, c'est-à-dire celui
d'entre eux qui l'aurait reconnu et d'aucun autre ascendant.
De la même façon, ils ne pourront, en vertu de
l'article 6, alinéa 2 du CPF, porter que le nom du parent, père
ou mère, qui les aura reconnus. L'enfant incestueux est ainsi
inévitablement condamné à des pertes économiques
sérieuses qui fragilisent d'autant plus son statut social.
En définitive, il se trouve, sans aucune objection,
dans une situation bien inconfortable. Cette situation aurait pourtant
été déplorable si la loi ne lui arrachait pas
également la moitié de ses droits aux aliments (B).
B- Une amputation qui s'étend au droit
alimentaire
Aux termes de l'article 385 du code, les aliments comprennent
tout ce qui est nécessaire à la vie, notamment la nourriture, le
logement, les vêtements, les frais de maladie.
L'obligation alimentaire rend les parents débiteurs de
leurs enfants pour la satisfaction des besoins essentiels de leur vie. Qui fait
l'enfant, dit-on, doit le nourrir. C'est là un adage qui pose en
substance une règle de profonde justice, d'équité.
Le code béninois des personnes et de la famille, en
prohibant pourtant l'établissement d'une double filiation aux enfants
incestueux, les prive par là même de la moitié de leurs
droits aux aliments.
Par le terme « moitié », nous
voudrions juste signifier l'ensemble des droits dont l'enfant incestueux est
automatiquement privé du côté du parent qui ne peut pas le
reconnaître, compte tenu de l'interdiction de double filiation qui lui
est faite. En effet, l'obligation alimentaire ne résulte que de la
parenté, qui elle, « résulte de la filiation et d'elle
seule17(*) ».
Or, le lien de filiation étant impossible à
établir vis-à-vis de l'un des auteurs pour l'enfant incestueux,
il est clair que, de la même manière que les droits successoraux
ont été amputés, ses droits aux aliments s'en trouvent eux
aussi divisés en deux.
Ainsi, il lui sera tout simplement impossible de
prétendre à des droits alimentaires vis-à-vis de celui de
ses parents qui ne l'a pas reconnu, ou du moins, qui ne peut le
reconnaître, le support juridique d'une prétention étant
inexistant, interdit d'établissement.
Dans ces conditions, et sachant que les femmes sont
généralement moins nanties que les hommes (produit de
notre héritage culturel), quelle pourrait être la consistance des
droits d'un enfant incestueux reconnu par sa mère18(*) ? Il serait
condamné à une situation encore plus critique. Nous voyons
là jusqu'à quel point l'interdiction de la double filiation peut
rattraper l'enfant et compromettre inévitablement ses droits à
quelque niveau que ce soit.
Autrement dit, l'ombre de l'infamie de l'inceste dont il a
été couvert dès sa conception le poursuit en quelque sorte
partout où il peut être question de ses droits et les
réduits automatiquement, étant donné les prescriptions
légales relatives à l'établissement de sa filiation.
En réalité, nous ignorons si le
législateur a soupesé toutes les implications de cette
interdiction de double filiation, mais, à voir la persistance des
dispositions du code des personnes et de la famille pour écarter
l'enfant incestueux des autres enfants naturels, cela ne fait pas vraiment de
doute, à notre sens.
On pourrait en dire plus : ainsi que nous l'affirmions
plus haut, les rédacteurs du code ont pris grand soin d'imposer à
cette catégorie d'enfants, une situation juridique sans issue,
étroite et difficilement attaquable.
Il faut à tout prix que les rédacteurs du code
réétudient leur situation dans le sens d'une correction du tort
qui leur est fait, ainsi que nous avons pu le remarquer à travers nos
analyses. Le législateur doit être non seulement conséquent
envers lui-même, mais aussi faire preuve d'un brin d'équité
vis-à-vis de chaque sujet de droit.
CHAPITRE II :
LES DIFFICULTES D'APPLICATION DE L'EGALITE DES DROITS
SUCCESSORAUX DES ENFANTS LEGITIME ET NATUREL
Comme toute réforme, la réforme du droit
successoral béninois si vivement souhaitée, ne manquera pas de
soulever des difficultés d'application.
Mais, ces difficultés, si elles sont bien
appréhendées permettront d'obtenir de bons résultats de la
réforme. C'est pourquoi nous avons entrepris dans le
développement suivant, d'évaluer ceux-ci afin de leur proposer
des solutions.
Les difficultés d'applications de la réforme sur
la filiation et le droit des successions sont ici regroupées en deux
sections : les problèmes juridiques, et les pesanteurs
psychosociologiques.
SECTION I : LES PROBLEMES JURIDIQUES
Sur le plan juridique, nous aurons les insuffisances du
principe d'égalité (paragraphe 1) et les difficultés
d'application du code dans le temps et l'espace (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Les insuffisances du principe
d'égalité
Le manque de clarté des articles 325 et 328 du CPF ne
permet pas une bonne application du principe d'égalité.
En plus, le principe d'égalité consacré
par le CPF subit quelques exceptions en ce qui concerne les enfants sans
filiation légale.
A- Les imprécisions des articles 325 et
328 du CPF
La forme de l'article 328 du CPF
diffère de l'article 334 du code civil auquel il correspond.
Contrairement au législateur français, les rédacteurs du
CPF n'ont pas consacré l'égalité des deux ordres de
filiation au début de la rubrique concernant l'enfant né hors
mariage. Mais cet écart ne gène en rien l'application du principe
et reste sans doute dénué d'intérêt.
Toutefois, l'article 328 du CPF n'annonce pas l'entrée
de l'enfant né hors mariage dans la famille de son auteur. Il se
contente d'affirmer que « ... Les enfants nés hors mariage
ont les mêmes droits que les enfants légitimes... »
Ce manque de précision est-il
prémédité ?
Le CPF devrait rompre avec cette incertitude et établir
clairement le rapport juridique entre l'enfant naturel et ses grands parents.
Car, dans l'ancien droit en vigueur au Bénin, le cercle de la famille
naturelle ne dépasse pas le premier degré (l'enfant, le
père ou la mère) : la filiation naturelle ne créait
qu'un rapport inter-individuel, sans intégration au groupe familial.
Par ailleurs, l'article 325 du CPF couvre un domaine plus
vaste que sa portée réelle. Il dispose que « La
volonté de reconnaissance par un homme marié ou une femme
mariée d'un enfant né hors mariage doit être
notifiée à son conjoint soit par écrit, soit par exploit
d'huissier ». En vertu de cet article, l'enfant adultérin
ne pourrait venir à la succession de son auteur, qu'autant que sa
reconnaissance a été notifiée au conjoint victime de
l'adultère.
L'obligation de notification est une mesure protectrice de la
famille légitime contre l'intrusion des enfants naturels quels qu'ils
soient ou d'où qu'ils viennent. Elle permettra aussi d'éviter
l'imposture de l'autre conjoint qui voudra dissimuler l'existence de l'enfant
naturel.
Cette règle rationnelle s'applique à tout enfant
reconnu pendant la période de validité du mariage. Il ne
s'observe pas lorsque la reconnaissance de l'enfant naturel intervient avant la
célébration du mariage ou après sa dissolution.
Mais à qui incombe l'obligation de notification ?
Le code ne le précise pas18(*).
On peut également s'interroger sur l'opportunité
ou l'utilité d'un tel formalisme19(*), alors même que l'adultère
déjà difficile à avouer - la plupart des veuves ayant la
surprise de ne découvrir les autres enfants du mari qu'à
l'enterrement - n'est pas facile à pardonner.
Il faut reconnaître le mérite des auteurs du code
des personnes et de la famille, car l'article 325 n'a pas la même
portée que l'article 337 du code civil auquel il ressemble si
bien20(*).
B- La situation des enfants n'ayant pas de
capacité successorale
Les enfants naturels qui n'ont pas été reconnus
et qui n'ont pas obtenu la déclaration judiciaire de leur filiation sont
purement et simplement exclus de la succession21(*). Mais la loi leur accorde une créance
alimentaire contre la succession de leur père et mère dès
qu'ils établissent une filiation de droit ou de fait.
L'enfant naturel simple a toujours un véritable droit
de succession à l'égard de ses père et mère du seul
fait qu'il peut établir sa filiation.
Mais lorsqu'il n'a pas une telle preuve, l'enfant naturel ne
dispose d'aucun droit à faire valoir contre la succession de ses
père et mère. Peut-il réclamer des aliments à la
succession ?
La jurisprudence admet que l'enfant naturel simple dont la
filiation n'est pas légalement établie peut, s'il justifie par un
moyen quelconque une filiation de fait, réclamer des aliments à
la succession.
En revanche, la jurisprudence permet à l'enfant
adultérin de réclamer des aliments à ses père et
mère de leur vivant lorsqu'il établit par un moyen quelconque une
filiation de fait22(*).
L'assimilation de l'enfant naturel à l'enfant
légitime n'est réalisée que lorsque la filiation de
l'enfant naturel est légalement établie.
Or, si la filiation légitime est prouvée de la
façon la plus simple dans la majorité des cas, il n'en est pas de
même pour la fil iation naturelle.
En effet, la filiation naturelle se prouve normalement par
reconnaissance volontaire du père ou de la mère. Mais lorsqu'il
n'a pas été reconnu volontairement, l'enfant naturel doit faire
établir sa filiation par une décision de justice. Tous ne le
peuvent pas.
Pour ces derniers, l'assimilation est vaine. Ils peuvent tout
au plus réclamer des aliments s'ils établissent une filiation de
fait.
Le CPF n'a pas défini explicitement la situation de
l'enfant naturel dont la filiation n'est pas légalement établie
mais s'est contenté de subordonner la vocation successorale de l'enfant
naturel à l'établissement de sa filiation23(*).
Paragraphe 2 - Difficultés dans le temps et
l'espace
--
Le premier problème qui risque de se poser à
notre avis est la compréhension que doit avoir la plus grande partie de
la population béninoise analphabète et encore attachée aux
coutumes, des nouveaux textes et ensuite le problème de leur
appropriation.
La population aura-t-elle l'impression que les dispositions du
CPF sont conçues pour s'appliquer à elle ?
Au sein même des populations urbaines et
alphabétisées, est-ce que tous les individus pourront
s'approprier le texte ?
Nous restons très sceptiques sur ces points surtout
que, comme nous l'avons déjà démontré, l'enfant
naturel part de la condition d'étranger pour être hissé au
rang d'héritier véritable. Il y a certainement à faire
à ce niveau un travail de sensibilisation accru.
En outre, l'article 1021 du Livre 4 portant Application du
code dans l'espace et dans le temps et dispositions transitoires dispose
que : « Les mariages contractés conformément
à la coutume, antérieurement à la date d'entrée en
vigueur du présent code, demeurent soumis pour leur validité, aux
conditions de fond et de forme en vigueur lors de la formation du lien
matrimonial. Il en est de même des mariages célébrés
conformément au Code Civil. Leurs effets postérieurs sont
régis par la loi nouvelle selon les distinctions établies
ci-après :
- les effets des mariages déclarés ou non,
contractés conformément à la coutume, sont régis
par les dispositions du présent code, sous réserve de la
pluralité d'épouses que peuvent comporter ces mariages ;
- les effets des mariages contractés
conformément au Code Civil sont régis par les dispositions du
présent code ».
Autrement dit, les enfants issus des mariages
célébrés conformément à la coutume
antérieurement à l'avènement du Code des personnes et de
la famille, pourront bénéficier de l'attribution des droits
successoraux.
Mais un problème risque de se poser en ce qui concerne
les enfants des mariages coutumiers non transcrits, qui ne peuvent justifier
d'aucune preuve écrite permettant de situer la date de
célébration du mariage. Si aucune contrainte ne leur est
imposée, cela pourrait permettre aux enfants des personnes
mariées devant la coutume postérieurement au code, de
prétendre à des droits successoraux à l'image de ceux
définis par le Code des personnes et de la famille. Il s'agit donc de
trouver à ce niveau un moyen de contrecarrer ces derniers par exemple en
exigeant la transcription de tous les mariages coutumiers dans un registre
ouvert à cet effet.
SECTION II: LES PESANTEURS PSYCHO SOCIOLOGIQUES
Les pesanteurs psychosociologiques qui pourraient rendre
difficiles l'attribution de droits successoraux aux enfants naturels sont
nombreuses et variées.
Paragraphe 1 - Le respect du mariage et de la famille
légitime
Le nouveau statut qui est
souhaité pour l'enfant naturel n'a pas à léser les droits
de la famille légitime. Le législateur béninois dans son
élan vers une amélioration du statut des enfants naturels devra
servir la cause du mariage et protéger les membres de la famille
légitime.
A- La remise en cause de l'institution du
mariage
L'une des obligations découlant du mariage est le
devoir de fidélité imposé aux conjoints. Par
conséquent, l'adultère est proscrit dans les relations conjugales
et constitue une cause péremptoire de divorce aux termes des articles
229 et 230 du code civil. Le mariage est une noble institution que la loi et la
société entendent protéger. C'est donc dans
l'intérêt de la famille légitime que le code limitait de
manière importante les droits successoraux des enfants naturels.
Et si l'enfant naturel est traité comme un enfant
légitime, l'adultère serait-il encore puni ? Devons-nous
aller vers une certaine dépénalisation du délit
d'adultère ? Le mariage monogamique aura-t-il encore un sens ?
Dans cette situation, on tendra vers une prolifération de la
polygamie24(*). Or en
raison des nombreux aspects négatifs de la polygamie, les
législateurs de tout temps, dans l'intérêt des enfants, ont
toujours prôné la monogamie. Ainsi, si tous les enfants doivent
avoir les mêmes droits, c'est légaliser d'une manière ou
d'une autre toutes les relations extraconjugales ; mais comment qualifier
ces relations d'un point de vue juridique ? N'est-ce pas une forme de
polygamie qui ne dit pas son nom ? Dans ces conditions, quel avenir pour
la monogamie ? Et qu'adviendrait-il des ménages monogames ?
En d'autres termes, l'innovation en matière de
filiation apportée par le code des personnes et de la famille risque
d'ébranler la morale sociale. Ainsi, le mariage de ses parents ne
crée plus de privilège pour l'enfant légitime :
légitime, naturel simple, adultérin ou incestueux, il
bénéficie du même statut successoral. L'assimilation
crée un sentiment de frustration pour les enfants légitimes. De
même, la femme épouse survivante du de cujus doit concourir avec
les enfants naturels de son mari prédécédé. Le
mariage est donc vidé de son sens.
L'assimilation de l'enfant naturel à l'enfant
légitime, du point de vue successoral, affaiblit la famille
légitime fondée sur le ma riage.
B- Le protection des droits de la famille
légitime
Le Bénin semble, à travers le code des personnes
et de la famille, avoir fait le choix de défendre les
intérêts de l'enfant naturel. Mais cette option prend t-elle en
compte les convictions religieuses et morales des béninois ? Cette
option protège-t-elle la famille légitime ?
Pour la majorité des doctrinaires, les enfants naturels
malgré tout, conservent un aspect immoral parce qu'ils sont nés
de relations extraconjugales, ce qui fait que l`idée d'une
éventuelle égalité entre eux et les enfants
légitimes procède d'une gageure. Pour Lamine SIDIME par
exemple « Les enfants adultérins présentent cette
particularité qu'issus de personnes non mariées entre elles, leur
naissance est en outre affectée d'une
« illicéité » et d'une immoralité
supplémentaire en ce qu'elle est le fruit de l'adultère25(*) ».
Cette situation fait que si la législation n'institue
aucune différence entre l'enfant adultérin et l'enfant
légitime, il est à craindre que le respect des droits de la
famille légitime soit compromis dans l'opinion publique. En effet, en
proclamant l'infériorité légale des « enfants
illégitimes », le législateur sert la cause de la
famille légitime. En d'autres termes, toute mesure qui tend à
rapprocher les effets des deux filiations légitime et naturelle est une
« prime à la débauche et à l'union
libre ».
La législation béninoise doit évoluer
mais progressivement. Dans le domaine du droit de la famille, il serait
raisonnable au fond de ne rien brusquer, de laisser s'édifier
progressivement les fondements d'une société nouvelle d'ailleurs
en pleine gestation. Colette SAUJOT écrivait à propos de la
condition juridique des enfants adultérins que « Protection de
l'enfant adultérin, défense de la famille légitime, tels
sont les deux impératifs entre lesquels le juriste doit choisir et son
choix dépendra des moeurs, des conceptions religieuses et morale de
l'époque »26(*).
Paragraphe 2 - Le risque de
dégénérescence des moeurs
Accorder à l'enfant adultérin une stricte
égalité en droits avec l'enfant légitime reviendrait
à ne tenir aucun compte de l'existence d'intérêts moraux
qui entrent en jeu.
On est conduit à se demander si l'égalité
consacrée entre la filiation légitime et la filiation naturelle
est de nature à justifier les comportements d'infidélité
des époux.
En effet, la morale est une notion capitale que la
société et le droit entendent sauvegarder pour le respect des
bonnes moeurs. L'adultère est `'le fait d'avoir volontairement des
rapports sexuels en dehors des liens du mariage''27(*). Ainsi, les enfants
adultérins, qu'on le veuille ou non, portent un cachet spécial
qui va à l'encontre de certaines règles imposées par la
morale sociale.
Comme ledit SAUJOT « tous les enfants naturels
qu'ils soient naturels simples, adultérins ou incestueux, sont une
offense au mariage. Ils sont la preuve vivante et permanente du manquement au
premier des devoirs conjugaux, au devoir de
fidélité »28(*).
Ainsi, le mot « adultérin »
à lui seul suffit pour choquer les intérêts moraux. Il est
impossible que la loi autorise un libertin à publier légalement
et impunément qu'il est coupable d'adultère ; la loi peut
tolérer une faiblesse, elle ne peut pas supposer un crime ; s'il
existe, elle doit le punir.
En permettant une stricte égalité entre l'enfant
légitime et l'enfant naturel, le législateur béninois du 7
juin 2002 se rend-t-il compte qu'il autorise un certain comportement contraire
à la morale ? Se rend-il compte que tout conjoint peut commettre
l'adultère sans se soucier des conséquences ? Cependant, le
désir légitime de venir en aide à l'enfant innocent et la
nécessité de protéger la famille imposent de ne pas
sacrifier l'un sur l'autel de l'autre.
Plus qu'une lecture à la lettre, le
développement suivant sera consacré aux perspectives pour la
primauté du droit dans l'application effective du nouveau régime
juridique béninois des successions. Il donnera lieu à une
interprétation des droits de différents pays et une comparaison
entre eux.
De ce développement découleront des suggestions
pour la garantie de l'attribution de droits successoraux aux enfants naturels
avec l'avènement du CPF au Bénin.
DEUXIEME PARTIE :
LES PERSPECTIVES POUR LA PRIMAUTE DU DROIT DANS
L'APPLICATION EFFECTIVE DU NOUVEAU REGIME JURIDIQUE BENINOIS DES SUCCESSIONS
Hormis le fait que ses deux parents soient mariés entre
eux, l'enfant légitime dans le CPF ne présente aucune
spécificité par rapport à l'enfant naturel simple qui lui
est assimilé en tous points en matière successorale. Bien
évidemment cette situation n'est que le résultat d'une
évolution qui s'est faite dans le temps et qui est conforme aux
nouvelles tendances sociologiques marquées par le déclin du
mariage et la prolifération des unions libres29(*).
S'il est vrai que les auteurs du Code des personnes et de la
famille du Bénin se sont fortement préoccupés de
réaliser l'égalité et la justice entre tous les enfants
sur le terrain successoral, ils n'en ont pas moins tenu à sanctionner
l'adultère et l'inceste.
En effet, l'enfant naturel béninois, continue de subir
une discrimination non négligeable par rapport aux enfants
légitimes, à cause de l'inapplicabilité du principe
d'égalité consacré par le code. Cette situation
mérite d'être revue d'autant plus que de nos jours liberté
et égalité semblent être le fondement de toutes les normes
juridiques.
Il s'agira de manière plus explicite dans cette
deuxième partie, de présenter un plaidoyer pour la
primauté du droit dans l'application effective du nouveau régime
des successions des enfants légitime et naturel. Pour cela, nous
partirons d'une étude critique comparée avec les droits
étrangers (chapitre 1) pour aboutir à une analyse approfondie des
dispositions du CPF et faire des suggestions pour une meilleure prise en compte
de l'intérêt de l'enfant (chapitre 2).
CHAPITRE 1 :
LES ENSEIGNEMENTS TIRES DU DROIT COMPARE
Après examen de l'applicabilité de
l'égalité des droits successoraux que le nouveau Code a
institués en faveur des enfants légitime et naturel, il serait
opportun de chercher à connaître la position des
législateurs étrangers sur la même question et profiter de
leurs expériences.
En Afrique, des pays comme le Burkina Faso, le Togo, la
Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Mali, etc... se sont depuis
plusieurs années, forgé une expérience que nous allons
comparer au droit du Code des personnes et de la famille (section 2).
De même, la France a évolué sur la
question depuis 1958. D'importantes réformes ont été
introduites dans son droit successoral (section1).
SECTION I : CAS DU DROIT FRANCAIS
L'enfant naturel français n'a pas toujours
bénéficié des droits successoraux. La même
conception de l'enfant naturel qui reposait sur la discrimination de ce dernier
par rapport à l'enfant légitime a longtemps prévalu dans
toute l'Europe, et en France notamment.
Nous ferons état de ce cheminement afin de montrer que
l'octroi des droits successoraux à l'enfant naturel dans le droit
français ne s'est pas fait en une seule réforme, mais a suivi le
cours de l'évolution progressive des mentalités (paragraphe 1),
qui ont consacré l'intégration complète de l'enfant
naturel à la famille grâce à des droits nouveaux plus
importants (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Evolution des droits successoraux des
enfants
naturels dans le droit
français
L'ancien droit français, dans le but de protéger
la famille légitime, manifestait de la rigueur envers les enfants
naturels. Il ne leur reconnaissait aucun droit successoral et ne leur accordait
que des aliments, même lorsqu'ils avaient été reconnus.
Les principes de liberté et d'égalité
de la révolution française de 1789 les avaient mis sur un pied
d'égalité avec les enfants légitimes en leur accordant une
succession à pa rt égale ; mais la recherche de leur
filiation était prohibée.
En revanche le code napoléonien a institué
à nouveau la hiérarchie des filiations30(*). L'enfant naturel est alors
distingué de l'enfant légitime ; et entre les enfants
naturels, l'enfant naturel simple a une situation meilleure que les enfants
adultérins et incestueux.
L'enfant naturel simple est l'enfant dont les parents
n'étaient engagés dans aucun lien de mariage avant sa conception.
L'enfant naturel simple allait toujours à la succession de ses
père et mère, et non à celle des parents de ses auteurs
puisqu'il ne fait pas partie de la famille. Il ne sera appelé
qu'à la succession de ses frères et soeurs naturels et non
à celle des enfants légitimes. Il ne pouvait exercer son droit de
succession que lorsque sa filiation est légalement établie, par
reconnaissance volontaire ou par décla ration judiciaire. Mais cette
condition indispensable n'est pas toujours suffisante. Il faut qu'elle soit
assortie de l'absence de préjudice au conjoint victime et aux enfants
issus du mariage concomitant à sa reconnaissance.
L'enfant né d'une infidélité conjugale de
l'un au moins de ses parents est adultérin. Est incestueux, l'enfant
dont les auteurs ne pouvaient contracter mariage l'un avec l'autre en raison
d'un lien de parenté ou d'alliance, constituant un empêchement
à un degré prohibé.
L'ancien droit français fait une condition
défavorable aux enfants adultérins et incestueux. D'une part,
l'établissement de leur filiation est interdit, que ce soit par
reconnaissance volontaire ou par déclaration judiciaire. D'autre part,
tout droit successoral leur est refusé, ils n'ont droit qu'à des
aliments.
L'enfant adultérin ne recevant que la moitié de
sa part successorale réparait, dans l'esprit de la loi un
préjudice. Ce préjudice trouvait sa source en l'adultère
commis par son parent marié. Cette moitié d'héritage
profitait ainsi tantôt au conjoint survivant, tantôt aux enfants
légitimes. En d'autres termes, l'article 760 du Code civil mettait
à la charge de l'enfant la réparation du préjudice commis
par son père ou sa mère et résultant en une relation
sexuelle extraconjugale.
En réalité, le code civil de 1958 n'est que la
reproduction presque parfaite de celui de 1804. Or le courant
idéologique en ce temps était de réintroduire
l'impératif public d'organisation de la
société : la famille redevenait une cellule de base qui
doit être rigoureusement organisée, ce qui suppose que le mariage
et la filiation légitime fondée sur lui, retrouve leur
monopole ; la filiation hors mariage n'est pas ou est mal
considérée31(*).
Par la suite, sans revenir sur l'infériorité de
la filiation adultérine et sans leur donner un véritable statut
familial, les rédacteurs du code civil ont cherché à
améliorer la situation des enfants adultérins en leur accordant
des droits alimentaires, droits alimentaires n'ayant aucunement pour objectif
d'établir la filiation adultérine.
En France, le législateur avait lié la
légitimation au mariage des parents en retenant deux (2) formes de
légitimation : la légitimation par mariage subséquent
et la légitimation « post nuptias ». Ce n'est en
effet qu'avec la réforme du 3 janvier 197232(*), que le législateur a
élargi le champ de la légitimation en prévoyant la
légitimation par autorité de justice comme une solution
palliative pour les cas où le mariage est impossible entre les parents
de l'enfant naturel.
La loi du 3 janvier 1972 a par ailleurs accordé
à l'enfant naturel les mêmes droits qu'à l'enfant
légitime, en admettant la successibilité des enfants
adultérins. Cette loi a consacré l'égalité des
enfants légitimes et naturels, et l'abolition des différentes
catégories d'enfants naturels.
Dans cette logique, le nouveau code français a
opéré dans ce sens une réforme salutaire. En effet, la loi
n° 2001-1135 du 3 décembre 200133(*) a profondément bouleversé l'ordre des
successions en France. Elle accroît les droits de l'enfant naturel et ce
faisant dimunie les droits des autres héritiers.
Le principe d'égalité entre les filiations en
matière successorale est aujourd'hui totalement consacré. Tous
les articles relatifs au statut restrictif de l'enfant naturel sont
abrogés.
L'article 733 du Code civil dispose
désormais : « La loi ne distingue pas entre la
filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les
parents à succéder ».
Ces dispositions sont entrées en vigueur le lendemain
du jour de la parution de la loi au Journal officiel, soit le 5 décembre
2001, et s'appliquent aux successions déjà ouvertes à ce
jour, dans la mesure où l'acte de partage n'a pas encore
été signé.
Paragraphe 2 - Les droits des enfants naturels à
l'issue de la
réforme du droit successoral
français
La réforme du 3 décembre 2001 en France a permis
à ce pays de rattraper la tendance actuelle de l'accroissement des
droits de l'enfant naturel observée dans toute l'Europe d'une part.
D'autre part, des données sociologiques se reposant sur la dimension du
cercle familial ont motivé cette révolution.
Désormais, les droits de l'enfant naturel en France,
sont supérieurs à ceux organisés par le CPF. La France
continue donc d'avoir de l'avance sur le Bénin sur la question de
l'attribution de droits successoraux aux enfants légitimes et naturels.
Ce pendant, on pourrait admettre ce léger retard du droit
béninois sur le droit français actuel car l'évolution
socioculturelle dans les pays d'Europe n'est pas semblable à celle des
pays d'Afrique.
De même ce pays, a depuis plusieurs années, tel
que démontré dans l'évolution des droits successoraux en
France, une pratique accrue de l'attribution de droits aux enfants naturels que
le Bénin ne saurait rattraper en une seule réforme, sans craindre
de bouleverser les valeurs sociales.
La mesure la plus attendue, suite à l'affaire MAZUREK,
est la suppression du troisième alinéa de l'article 334 du Code
civil et des articles en découlant. La Cour européenne s'est en
effet fondée sur l'article 14 de la C.E.D.H. pour condamner la France,
et a ainsi affirmé que : « L'enfant adultérin
ne saurait se voir reprocher des faits qui ne lui sont pas
imputables ».
Le principe affirmé, le législateur
français a supprimé toutes les dispositions qui
matérialisent la discrimination. Il abroge ainsi :
- l'interdiction faite à l'enfant adultérin
d'être élevé au domicile conjugal sans le consentement du
conjoint de son auteur (article 334-7 du Code civil).
- l'interdiction qui leur était faite de
bénéficier des libéralités en sus de leur part
successorale (article 908 du Code civil).
- la réduction de sa réserve à la
moitié au bénéfice des enfants légitimes (article
915 du Code civil).
- l'impossibilité qu'ils avaient de pouvoir demander la
conversion de l'usufruit en rente viagère (article 1070-1 du Code
civil).
- l'article 760 du Code civil qui réduisait la part de
l'enfant adultérin de moitié dans la dévolution
successorale des enfants légitimes ou du conjoint a été
réécrit.
Enfin, l'action en retranchement est désormais ouverte
à l'ensemble des enfants qui ne sont pas issus du mariage dissous par le
décès (article 1527 alinéa 2 du Code civil).
Plus récemment encore, au cours de l'année 2005,
une ordonnance présentée en conseil des ministres supprime du
Code civil la distinction faite depuis 1804 entre enfants `'légitimes'',
nés d'un couple marié, et enfants `'naturels'', nés d'un
couple hors mariage.
L'ordonnance abandonne les notions de filiations
légitime et naturelle, qui avaient perdu toute portée juridique
et pratique depuis que le législateur avait consacré
l'égalité parfaite entre les enfants quelle que soit leur
filiation.
Aujourd'hui, 46% des enfants français naissent hors
mariage, contre environ 10% dans les années 70. Près de 90% de
ces enfants dits « naturels » sont reconnus par leurs
parents34(*).
Des textes adoptés jusqu'en 2002 ont supprimé
toutes les inégalités avec les enfants légitimes,
notamment en matière de succession.
Il s'agit donc de consacrer définitivement ces
réformes dans l'abandon des terminologies. La disparition des termes
« légitime » et « naturel » dans
le code civil sera effective le 1er Juillet 2006.
L'ordonnance modifie et simplifie par ailleurs le droit de la
filiation en réduisant de moitié les articles du code civil
relatifs à ce problème.
La filiation maternelle sera établie par la
désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant,
qu'elle soit mariée ou non, et sans qu'elle ait besoin de faire la
démarche de reconnaissance.
En revanche, la présomption de paternité du
mari, qui établit automatiquement la filiation à son égard
est conservée. Les pères non mariés devront toujours
reconnaître l'enfant pour établir le lien de filiation.
Enfin, le régime des actions judiciaires relatives
à la filiation est simplifié. Il sera possible de faire
établir en justice la maternité ou la paternité durant les
dix ans suivant la naissance, l'action étant rouverte à l'enfant
pendant les dix ans suivants sa majorité.
SECTION II : LES APPORTS DE CERTAINS SYSTEMES JURIDIQUES
AFRICAINS
En matière successorale, beaucoup de pays africains ont
déjà, ignorant ou non leurs pratiques coutumières,
posé des principes de dévolution dans le sens du droit moderne.
Ils ont depuis plusieurs années, mis en place un code des personnes et
de la famille. On peut noter par exemple, que le Mali a procédé
à l'unification et à l'uniformisation de son droit interne depuis
1962, la Côte d'Ivoire depuis 1964, le Sénégal en 1972, le
Togo en 1984, le Burkina Faso en 1990.
La plupart de ces pays ont institué en faveur des
enfants naturel et légitime, des droits successoraux dont la nature, les
conditions de jouissance, le quantum varient d'un pays à l'autre.
L'analyse synthétique et comparative des droits des
enfants légitime et naturel dans les différents pays (paragraphe
1), sera suivie de l'analyse de leurs expériences (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Analyse des droits successoraux des
enfants naturels dans le
contexte africain
A travers les législations35(*) de la Côte d'Ivoire, du
Togo, du Burkina Faso et du Gabon, etc., nous allons étudier les droits
des enfants légitime et naturel dans les pays africains.
Sous réserve de quelques divergences propres aux codes
de chaque pays, on peut d'ailleurs parler d'une certaine uniformisation des
statuts personnels en Afrique francophone ; dans l'ensemble, les
mêmes dispositions se retrouvent dans presque tous les codes.
Avec pour centre d'intérêt les dispositions
favorables aux enfants naturels, nous allons relever les observations provenant
de la lecture croisée de ces codes.
Au Burkina Faso, le législateur n'a retenu que quatre
(4) cas à l'article 459 du code des personnes et de la famille dans
lesquels il juge possible la déclaration judiciaire de la
paternité hors mariage :
- l'enlèvement ou le viol, lorsque l'époque de
l'enlèvement ou du viol se rapportera à celle de la
conception,
- la séduction à l'aide de manoeuvre dolosives,
abus d'autorité, promesse de mariage ou fiançailles,
- lorsque le père prétendu et la mère ont
entretenu pendant la période légale de conception des relations
stables et continues,
- lorsque le père prétendu a pourvu ou
participé en qualité de père de l'enfant à
l'entretien de la mère pendant la période de la grossesse, ou
à l'entretien ou à l'éducation de l'enfant.
Contrairement donc au législateur béninois, le
législateur burkinabé ne crédibilise pas « le
cas où il existe des lettres ou quelque autre écrit
émanant du père prétendu, propre à établir
la paternité d'une manière non équivoque », car
il ne le cite pas. Il ne parle pas non plus de paternité naturelle, mais
de paternité hors mariage.
Par contre, le troisième cas qu'il retient, à
savoir celui où le père prétendu et la mère ont
entretenu pendant la période légale de conception des relations
stables et continues, correspond au quatrième cas retenu par les
articles 340 ancien du code civil français et 333 du code
béninois des personnes et de la famille, à savoir le concubinage
notoire pendant la période légale de conception.
Enfin, le législateur burkinabé a retenu,
à la différence de son homologue béninois, le cas
où le père prétendu a pourvu ou participé en
qualité de père de l'enfant à l'entretien de la
mère pendant la période de la grossesse.
Au Burkina Faso, aucune contestation n'est plus recevable,
quand il existe une possession d'état conforme à la
reconnaissance et qui a duré dix ans au moins depuis celle-ci, à
moins que l'action ne soit introduite par un autre parent, l'enfant
lui-même ou les parents véritables.
Contrairement à la situation qui a prévalu
pendant longtemps en matière de contestation de paternité, la loi
n° 2002-07 portant Code des personnes et de la famille au Bénin a
emboîté le pas à la loi ZATU N°AN VII 0013/FP/PRES du
16 novembre 1989, portant institution et application d'un Code personnes et de
la famille au Burkina Faso, pour supprimer le monopole traditionnellement
concédé au mari.
Le code burkinabé en son article 733 alinéa 1
supprime, à l'instar du code béninois des personnes et de la
famille, les distinctions précédemment faites entre les enfants
compte tenu du sexe ou de l'âge.
Au Burkina Faso, le législateur prévoit à
l'article 435 du code des personnes et de la famille que « L'enfant
né hors mariage, dès lors que sa filiation est établie
à l'égard de ses père et mère et que ceux-ci se
trouvent réunis par les liens du mariage, est réputé
né dans le mariage ».
Cependant, le législateur béninois n'a
même pas voulu, à l'instar de son homologue burkinabé,
concéder aux enfants naturels la « solution de
secours » que présente la légitimation par
autorité de justice.
En effet, c'est là un procédé qui aurait
pu atténuer un peu les conséquences dues à l'interdiction
de la double filiation pour les enfants et leur offrir une issue acceptable. La
légitimation est une institution qui a pour but de conférer
l'état d'enfant légitime à un enfant naturel ; par
son effet donc, un enfant naturel, qu'il soit simple, adultérin ou
incestueux, acquiert les droits d'un enfant légitime.
Pour qu'elle puisse avoir lieu, il faut :
1) que le mariage soit impossible entre les parents de
l'enfant, ce qui signifie que la légitimation est irrecevable si les
parents peuvent se marier mais ne le veulent pas. En effet, le
législateur n'a pas institué la légitimation par
autorité de justice pour offrir aux parents un choix entre deux voies
parallèles indifféremment ouvertes à eux.
L'impossibilité du mariage peut résulter soit de
l'existence d'un empêchement tenant à un lien de parenté ou
d'alliance, soit du décès d'un des parents, soit de ce que l'un
des parents est déjà marié avec une autre personne et
qu'il ne veut pas divorcer ou qu'il ne peut pas divorcer.
2) que la filiation naturelle de l'enfant soit
légalement établie à l'égard du ou des
requérants. Les enfants incestueux dont la filiation ne peut être
établie qu'à l'égard d'un seul parent ne peuvent donc pas
faire l'objet d'une légitimation demandée conjointement par les
deux parents. Mais rien n'interdit qu'ils soient légitimés
à la demande de celui de leurs parents au regard duquel leur filiation
est légalement établie.
3) que l'enfant ait la possession d'état d'enfant
naturel à l'égard des parents qui requièrent sa
légitimation. Cette condition permet de faire obstacle aux demandes qui
ne correspondent pas à l'intérêt de l'enfant.
4) enfin, que le parent de l'enfant désireux de le
légitimer obtienne l'autorisation de son conjoint à cette fin si,
au temps de la conception, il se trouvait dans un lien de mariage qui n'est pas
encore dissout. Cette condition permet d'éviter que l'époux
adultère puisse imposer une légitimation à l'époux
victime de cet adultère.
Enfin de compte, la légitimation par autorité de
justice présente énormément d'intérêts pour
tous les enfants naturels. Malheureusement, nulle part dans notre code
des personnes et de la famille, il n'a été prévu la
possibilité d'un recours à cette technique. Il est donc clair
que, consciemment, le législateur béninois s'est abstenu de
donner le moindre choix aux enfants incestueux.
Par la technique de la légitimation par autorité
de justice, ils auraient pu se voir donnés la latitude, la
possibilité d'être légitimés par l'un de leurs
parents. Et une fois légitimé, l'enfant
précédemment naturel a les mêmes droits et devoirs que
l'enfant légitime.
En son état actuel, le code béninois des
personnes et de la famille ne fait plus aucune mention de l'action à
fins de subsides, contrairement au code burkinabé36(*) qui a reconduit cette
technique juridique. Au terme de cet article «Tout enfant dont la
filiation paternelle n'est pas légalement établie peut
réclamer des subsides à celui qui a eu des relations avec sa
mère pendant la période légale de conception
(...) ».
S'agissant de la filiation naturelle, l'acte de naissance ne
peut prouver que l'accouchement37(*). En revanche, l'enfant légitime peut en
exhibant son acte de naissance se prévaloir de sa filiation : ce
qui était injuste et dégradant. Mais le CPF rompt
irrémédiablement avec cette option et affirme que
« l'indication du nom de la mère sur l'acte de naissance de
l'enfant suffit à établir la filiation
maternelle... »38(*) . Il s'agit d'un changement notable
précédemment adopté par les législateurs gabonais
et sénégalais dans leur code de la famille4. Mais les
innovations du CPF dépassent ce changement.
En ce qui concerne la suppression de la discrimination faite
à l'enfant naturel, le CPF a pris le contre pied du droit moderne
français en vigueur au Bénin à l'instar de l'article 22 de
la loi ivoirienne N° 64-379 du 7 décembre 1964 relative aux
successions et de l'article 413 du code de la famille du Togo.
Alors que la loi ivoirienne se contente de la preuve par
témoins, le code béninois des personnes et de la famille exige
à l'alinéa 3 de son article 329, et à l'exemple du droit
burkinabé, la preuve par tous moyens pour la contestation de la
filiation naturelle.
S'agissant de la forme de l'aveu, les rédacteurs du
code béninois, à l'instar du législateur ivoirien parlent
de lettres ou de quelque autre écrit. Sur la base des
interprétations de la jurisprudence, on a pu retenir comme exemple
d'écrits, les photocopies de lettres, un écrit signé du
père prétendu.
En cas de non respect de l'article 325 (défaut de
notification pour valider la reconna issance), le législateur
sénégalais indique non pas la suppression du droit successoral de
l'enfant, mais seulement la réduction de moitié39(*).
Au total, le législateur du CPF peut bien s'inspirer
des droits des pays africains qui ont légiféré en la
matière, afin de supprimer les inégalités existantes entre
les enfants naturels et les enfants légitimes.
Paragraphe 2 - L'expérience des pays africains
L'étude des droits successoraux des enfants
légitime et naturel dans les pays choisis nous a permis de constater
que seul le fait que la législation existe ne garantit pas l'attribution
effective de droits successoraux aux enfants naturels.
En effet, dans beaucoup de pays africains, l'avènement
du Code des Personnes et de la Famille n'a en réalité pas
changé grand-chose aux moeurs.
Au Burkina Faso, on expose que depuis près de 15 ans
que le pays est doté d'un code, on note toujours une ignorance de leurs
droits par les bénéficiaires. D'où la
nécessité d'organiser des séances de sensibilisation et
des actions de réprimandes en direction des contrevenants à la
loi. On initie des projets dans le but de renforcer la conscience et le
respect des droits des enfants. Des formations et enseignements dans le but de
prendre connaissance de leurs droits fondamentaux sont donnés aux
groupes sociaux, sous le financement des Organismes Internationaux tel que
l'UNESCO, la DANIDA avec la participation des ONG locales.
Au Togo, malgré l'existence du Code, les enfants
naturels continuent de subir les différentes sortes de servitudes qui
humilient l'enfant naturel. Et pourtant selon leur code des personnes et de la
famille, les enfants ont les mêmes droits successoraux.
Dans d'autres pays encore, on pourrait croire qu'il est encore
loin, le moment où l'enfant naturel ira à la succession.
De façon générale, on retient que les
causes du non-respect des droits des personnes et dans ce cas
spécifique, des droits successoraux des enfants naturels sont :
- ignorance de l'existence des textes ou difficultés de
leur mise en oeuvre ;
- méconnaissance et complexité des
procédures de protection de ces droits ;
- manque de formation des organes judiciaires ;
- peur du prétoire.
Dans les différents pays étudiés, les
stratégies de lutte préconisées pour garantir
l'attribution effective de droits successoraux aux enfants naturels sont les
suivants :
- informations sur les avantages de l'attribution des droits
successoraux aux enfants naturels ;
- valorisation des enfants au sein des communautés
religieuses, sociales, professionnelles et politiques ;
- promotion du mariage civil ;
- règlements impartial et rapide des contentieux entre
les couples ;
-plaidoyer pour une application effective des textes par les
acteurs judiciaires ;
- changement de mentalité à tous les
niveaux ;
- volonté politique à légiférer,
à développer.
Car, selon Madame Haridiata DAKOURE, écrivain de
nationalité burkinabé, « Les acteurs qui sont chargés
soit de créer les lois, soit d'appliquer les règles
coutumières ou légales doivent être les premiers agents du
changement. L'exercice et le respect des droits dépendent dans une
très large mesure, des acteurs judiciaires (magistrats, avocats et
police judiciaire) ; ils dépendent également des acteurs
extrajudiciaires tels que les chefs traditionnels et religieux qui
interviennent dans la résolution informelle des
conflits »40(*).
Nous pouvons donc en déduire qu'il ne suffit pas
seulement de prendre des lois pour voir s'améliorer au Bénin, le
statut des enfants naturels. Il faudrait donc déjà, en même
temps que le Code entre en vigueur, commencer à mettre en application
les recommandations de ces pays qui l'ont précédé dans
cette pratique.
CHAPITRE II :
NOS SUGGESTIONS
Par respect pour les droits de l'homme et au nom de
l'intérêt supérieur de l'enfant béninois, nous
devons aller vers une vision de justice à l'égard de l'enfant
naturel. En passant par une rénovation du droit de la filiation au
Bénin lui accordant ainsi des droits successoraux et ne perdant pas de
vue qu'il faut une équité de la loi envers l'enfant incestueux.
Et puisque «légiférer c'est choisir, choisir c'est
éliminer »41(*), le législateur du CPF devra choisir de
supprimer les divergences du droit telles qu'elles sont contenues dans le
code.
Il s'agit pour nous à présent,
d'apprécier le principe d'égalité entre les enfants et de
nous projeter dans l'avenir afin d'examiner ce que serait sa mise en oeuvre
concrète.
Dans une première section intitulée: Pour la
prévalence d'une justice sociale en matière successorale,
nous ferons des propositions adéquates et préciserons leur
intérêt au regard du sort des enfants adultérins et
incestueux - l'enfant naturel simple, étant lui, assimilé
désormais à un enfant légitime.
Dans une seconde section qui portera: La
nécessité de révision de certaine dispositions du code,
nous montrerons que le CPF recèle de dispositions discriminatoires
et controversées à l'égard des enfants naturels qu'il
convient de réviser.
SECTION I : POUR LA PREVALENCE D'UNE JUSTICE
SOCIALE EN MATIERE
SUCCESSORALE
Les analyses faites jusque-là de la situation des
enfants nés hors mariage révèlent que l'enfant incestueux
est toujours victime d'une certaine discrimination. Il urge alors que la loi
corrige cette situation en lui permettant d'établir normalement sa
filiation et de jouir totalement des droits qui lui reviennent en tant
qu'enfant (paragraphe I).
Au lieu de s'en prendre à des innocents, elle devrait
veiller à prévoir des normes assez sévères pour
décourager toute personne tentée de commettre, soit
l'adultère, soit l'inceste ou pour punir ceux qui s'en seraient rendus
coupables. Non seulement cela éviterait les injustices, mais ce serait
la meilleure façon de combattre le mal à la racine (paragraphe
II).
Paragraphe 1 - Pour une équité de la loi
envers l'enfant naturel
Contrairement aux autres enfants qui peuvent librement
établir leur filiation et bénéficier des droits
découlant de cette filiation, l'enfant incestueux se trouve
obligé de ne faire constater la sienne qu'à l'égard d'un
seul de ses auteurs, et implicitement, de ne pouvoir prétendre à
des droits qu'envers celui-là qui l'a reconnu.
Non seulement, il se trouve privé de la moitié
de ses droits successoraux, mais il ne peut prétendre à des
aliments que vis-à-vis d'un seul parent, celui qui l'a reconnu,
conformément aux dispositions de l'article 392 du code des personnes et
de la famille.
Il faut avoir le courage de reconnaître que c'est
là une situation défavorable et fort ennuyeuse pour des
êtres qui n'ont pas demandé à naître, encore moins
dans des circonstances aussi infamantes que l'inceste.
C'est un point qui, comme nous essayons de le
démontrer, est difficile à accepter pour nous, compte tenu des
diverses raisons évoquées.
Bien entendu nous comprenons le dilemme des auteurs de la
réforme qui devaient penser en même temps aux
intérêts de la famille légitime et à ceux des
enfants nés hors de ce cadre légal : promouvoir la famille
légitime et établir en même temps une égalité
stricte entre enfants naturels et légitimes ; accepter la double
filiation de l'enfant incestueux sans mettre en péril la morale
collective n'est pas chose aisée, c'est certain.
Mais il faut bien pouvoir aller au-delà de ces
difficultés qui, dans le fond, sont beaucoup plus le fruit de la morale
trop souvent hypocrite, malheureusement. Il est préférable de
mettre la société face à ses responsabilités sans
trop de ménagement ; autrement dit, la forcer à
diagnostiquer elle-même ses problèmes et à les
résoudre courageusement.
Jusque-là, la société béninoise
n'a rien fait d'autre que de fuir les questions brûlantes et en faire des
tabous : nous n'en voulons pour prouver que la question même
d'inceste qui reste inabordable ; à croire qu'elle engendre un
malaise difficile à supporter.
Pourtant, il faudra bien un jour regarder la
réalité en face et nous pensons qu'il en est temps ; ce
serait stupide et regrettable de se leurrer plus longtemps, soi-disant pour
préserver une morale aux dessous hypocrites.
D'un autre côté, il faut dire que le dilemme
auquel ont fait face les concepteurs de notre CPF, au-delà de son
ampleur, n'était pas difficile à surmonter.
En effet, préserver la famille légitime et
protéger les enfants naturels en même temps est une chose tout
à fait possible, car s'il faut combattre la famille naturelle, c'est
à ceux qui la créent qu'il faut s'en prendre et non aux enfants
qui n'en sont que des dérivés et aussi des victimes innocentes.
En leur état actuel, les dispositions relatives
spécifiquement aux enfants incestueux ont quelque chose d'anormal et une
relecture s'impose.
D'ailleurs, notre pays a bien consenti à ratifier le
traité sur les droits de l'enfant et il n'y a pas de raison à ce
qu'une catégorie d'enfant soit écartée et privée
d'une part de ses droits : ce ne serait pas logique ; de plus, ce
serait injuste.
Mieux, le Bénin pourrait bien aller jusqu'à se
faire condamner pour les discriminations contenues dans son CPF, un peu
à l'exemple de la France qui s'est vue condamnée par la cour
européenne des droits l'homme et des libertés fondamentales par
l'Arrêt Mazurek du 1er février 200042(*) pour les discriminations
contenues dan sa législation à l'encontre de certains enfants
adultérins.
On a pu considérer en effet que le but poursuivi par le
gouvernement français, qui est la protection de la famille, ne peut
être considéré comme légitime qu'à la
condition que les moyens employés pour y parvenir soient
proportionnés et adéquats ; or, la discrimination
résultant de la différence de traitement entre les enfants
adultérins et les enfants légitimes, quant à la succession
de leurs auteurs, ne traduisait pas de rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but
visé43(*).
Le parlement béninois devrait donc veiller à ce
que les textes indexés soient effectivement relus et corrigés en
faveur des enfants incestueux. Parce que «Tous les êtres humains
naissent libres et égaux en dignité et en droits»44(*), et que le Bénin a
ratifié la plupart des conventions régionales et internationales
portant sur la lutte contre les discriminations à l'égard des
enfants45(*).
Ces derniers demeurent en effet des enfants, au même
titre que les autres, et de ce point de vue, ils ont tout autant besoin de
sécurité, d'une famille normale, de parents qui puissent les
reconnaître et les aimer ; ce que ne pourra jamais leur procurer un
environnement aussi discriminatoire que celle actuellement
générée par l'article 319 du CPF en son alinéa
3.
Les enfants incestueux devraient donc pouvoir
bénéficier de la totalité de leurs droits à
l'égard de chacun de leurs auteurs, sans aucune restriction comme c'est
aujourd'hui le cas. Il est nécessaire que la loi les
réintègre totalement dans leurs droits, qu'il s'agisse des droits
successoraux ou des droits alimentaires.
L'état béninois en a le devoir et aussi les
moyens : une législation non discriminatoire. Pour ce
faire, les dispositions du code relatives à l'établissement de la
filiation incestueuse, en l'occurrence l'article 319, alinéa 3 du CPF
doivent être revues et rectifiées dans ce sens. C'est en effet,
à ce niveau que se joue l'essentiel, c'est-à-dire le fondement
juridique de la filiation.
A défaut, il faudrait tout au moins que le
législateur opte pour la légitimation par autorité de
justice, ainsi d'ailleurs que son homologue français l'a fait46(*), car il s'agit là d'une
véritable « solution de secours » pour tous
les enfants naturels en général et pour l'enfant incestueux en
particulier.
C'est pour cela que, rester indifférent à la
situation actuelle de ces enfants et appliquer le code en l'état serait
regrettable à notre avis. Il nous semblerait en effet plus juste que
ceux-là même qui se sont rendus coupables d'actes prohibés
par la loi soient plutôt directement punis, c'est-à-dire
personnellement sanctionnés (paragraphe 2).
-
Paragraphe 2 - Nécessité d'introduire des
mesures dissuasives
S'attaquer à l'enfant incestueux dans la perspective de
promouvoir la famille légitime est une erreur ; nous le pensons,
c'est se tromper totalement de cible.
Il serait en effet plus juste et plus intelligent d'accentuer
plutôt la répression pénale sur les auteurs de cet acte
répréhensible.
Le droit pénal, jusque-là, aborde la question de
l'inceste avec une fausse pudeur, si bien que l'infraction n'est pas
spécialement réprimée ; le droit civil, quant
à lui semble pratiquement impuissant devant les auteurs de cet
acte ; et c'est là une situation totalement anormale.
En clair, le législateur béninois n'a
manifestement jamais prévu de mesures punitives suffisamment fortes pour
décour ager réellement les uns et les autres.
L'inceste, et il en est de même de l'adultère,
est devenu un fait de plus en plus courant. On s'en accommode, on s'y habitue
et, hypocritement bien sûr, à petits pas sûrs, on s'y
plaît. Des pères de famille se plaisent à entretenir des
relations sexuelles avec leurs filles, avec leurs belles soeurs, etc ; des
frères et soeurs ne s'embarrassent pas pour orienter leurs rapports dans
le sens où ils ne devraient pas ; il en de même entre
diverses personnes de proches parenté ou alliées et nous en somme
tous conscients.
Dans la plupart des cas, ce sont des relations qui sont
soigneusement tenues secrètes, même si l'une des parties n'est pas
consentante ; à citer par exemple la situation d'une fille que le
père oblige à coucher avec lui et qui n'a pas le courage de
dénoncer celui-ci ... Les cas foisonnent ; et en tout état
de cause, c'est une situation d'autant plus préoccupante que si l'on ne
réagit pas promptement en légiférant en la matière,
on finirait par faire face à une société quasiment
irrécupérable.
A une certaine époque pourtant, et jusqu'à
présent, dans certaines régions du Bénin, l'inceste est
rejeté au point que ceux qui s'en rendent coupables ne sont pas
tolérés. Ils sont en effet purement et simplement
expulsés, contraints de quitter la région. On considérait,
entre autres, que c'était une question de santé publique.
Quant aux enfants issus de ces relations, loin
d'être écartés, sont récupérés et ne
subissent aucun traitement particulier ; ils sont acceptés sans
problème et intégrés dans la société comme
les autres enfants.
Dans d'autres régions, les populations
elles-mêmes se chargent de châtier les délinquants en les
faisant promener nus tout autour du marché (Savalou) ou en les
éliminant tout simplement (vindicte populaire). Parfois encore, la peine
de mort est décidée pour les amants incestueux sur
décision du Roi.
Evidemment, il s'agit là de sanctions extrêmes et
surtout incompatibles avec le respect des droits de l'Homme ; mais
toujours est-il que ces sociétés marquaient clairement leur
désapprobation de l'acte d'inceste ; malheureusement, on ne peut
pas en dire autant de la législation applicable jusque-là dans
notre pays ; nulle part il ne figure la répression de l'inceste et
c'est davantage dommage avec le quasi-silence du CPF en la matière.
Les rédacteurs de ce code, au lieu d'aller à la
source d'un aussi mauvais comportement que l'inceste en réprimant
correctement les coupables, s'en prennent lâchement aux enfants qui
naissent de cet acte. C'est là une attitude pour le moins ridicule, mais
surtout hypocrite, irresponsable et révoltante : il n'est pas
normal que les concepteurs de normes aussi importantes que celles du code des
personnes et de la famille n'aient pas le courage d'appréhender les
faits tels qu'ils s'imposent. Minimiser un fait aussi condamnable que l'inceste
au point de négliger l'élaboration de dispositions fermes
à son encontre nous semblent imprudent ; et faire subir le martyre
aux enfants en guise de sanction de l'infraction est décevant.
Pour nous situer dans un cadre plus englobant,
c'est-à-dire en incluant les enfants adultérins, il nous faut
faire savoir que plutôt que de s'acharner contre les enfants nés,
soit de l'infidélité de leurs parents, soit de leurs relations
incestueuses, le législateur devrait donc réfléchir
à des dispositions suffisamment dures pour freiner toute
velléité d'infidélité ou d'inceste.
En définitive, et à l'exemple de M. Noël A.
GBAGUIDI, nous estimons qu'il va falloir que de nouvelles dispositions soient
fixées en conséquence, que la commission des lois étudie
très sérieusement la possibilité de renforcer le CPF par
de sérieuses mesures punitives ; qu'en clair, l'on sanctionne
solidement et correctement les responsables de tels actes ; il urge pour
ainsi dire que le législateur prenne ses responsabilités et
sévissent réellement. Ce qui est sûr, ce serait la
meilleure façon de combattre, de supprimer progressivement, le mal
à la racine et, par la même occasion, éviter les injustices
faites envers les enfants qui, en réalité, nous ne dirons jamais
assez, sont de véritables innocents.
SECTION II : LA NECESSITE DE REVISION DE CERTAINES
DISPOSITIONS DU CPF
Le droit béninois, à travers le code des
personnes et de la famille, tel que envisagé dans les droits
successoraux des enfants recèle de dispositions discriminatoires et
controversées à l'égard des enfants naturels. Comme le dit
RIPERT « Il appartient à la jurisprudence de corriger par une
interprétation raisonnable, l'incohérence des dispositions
légales »47(*). Ainsi, pour une amélioration équitable
et sans polémique du statut juridique de l'enfant naturel, nous
suggérons la révision de certaines dispositions du code des
personnes et de la famille.
Paragraphe 1 - Nécessité d'une clarification
des articles 392 et 325
du Code des Personnes et
de la Famille
L'article 392 alinéa 2 confirme la volonté du
CPF de faire un statut inférieur à l'enfant naturel. En effet, le
CPF soumet l'entrée de l'enfant naturel au domicile conjugal au
consentement du conjoint.
L'application de l'article 392 alinéa 2 pourrait amener
à exclure l'enfant né hors mariage de toute la famille. Ainsi,
les conjoints de ses père et mère, peuvent refuser l'un
après l'autre, leur consentement pour l'entrée de l'enfant
naturel au domicile conjugal. L'enfant constitue alors un corps étranger
dont la présence gène la famille légitime qui est la
cellule de base de toute organisation sociale.
Il est injuste que l'enfant né dans des circonstances
indépendantes de sa volonté, soit victime de la faute de ses
parents. Ainsi, pour maintenir une certaine cohérence de
l'édifice juridique, les auteurs du CPF doivent reformuler l'article 392
du CPF en y ajoutant un second alinéa au terme duquel, l'enfant naturel
pourra intégrer la famille légitime de son auteur sans aucune
restriction.
Un notable Aïzo a affirmé que les enfants
adultérins et incestueux ne sont pas défavorisés par la
coutume locale en matière successorale, parce qu'une différence
pourrait attirer l'attention sur l'origine de leur filiation et leur causer des
préjudices psychique48(*).
Cette opinion devrait inspirer les auteurs de la
réforme.
Les enfants ont besoin d'un environnement non-discriminatoire
pour leur protection psychologique. Il est injuste que l'enfant né dans
des circonstances indépendantes de sa volonté soit victime de la
faute de ses parents.
En ce qui concerne l'article 325 du CPF, il dispose que
« la volonté de reconnaissance par un homme marié
ou une femme mariée d'un enfant né hors mariage doit être
notifiée à son conjoint par écrit, soit par exploit
d'huissier ».
La notification est une condition de validité de la
reconnaissance.
Le projet de code limitait les effets de la reconnaissance
pour défaut de notification. Cette restriction portait sur des
intérêts pécuniaires et s'appliquait à l'enfant
adultérin.
Mais le CPF n'a plus précisé ce qui adviendrait
à l'enfant naturel dont l'auteur de la reconnaissance aurait
transgressé l'article 325. Logiquement, une telle reconnaissance ne
serait pas valable et l'enfant sera exclu de tous droits successoraux.
Les auteurs du CPF ont trouvé un prétexte pour
protéger la famille légitime contre les enfants naturels.
Mais le moyen employé par le législateur ne se
justifie pas pleinement.
L'Etat béninois, en ratifiant le Traité sur les
droits de l'enfant s'engage à faire accepter par son opinion publique
nationale, que les enfants, même incestueux ont besoin d'une protection
particulière. Cette protection ne doit faire l'objet d'aucune
discrimination due à l'origine de la filiation.
De plus, le contexte international49(*) indique, en cas de non respect
de l'article 325, non pas la suppression du droit successoral de l'enfant, mais
la réduction ; de moitié par exemple comme
décidé par le législateur
sénégalais50(*).
En effet, le défaut de notification peut
résulter de l'ignorance de la loi.
S'agissant toujours de l'article 125, le
consentement du conjoint trompé à la
reconnaissance de l'enfant par l'époux adultère51(*) est sans intérêt
même si cet enfant est susceptible d'être en
concours avec les membres de la famille légitime de son auteur et qu'il
a été conçu pendant le cours du mariage qui leur
confère cette légitimité.
En conséquence, pour éviter toute
interprétation individuelle liée au silence observé par le
code sur ce point, nous proposons qu'il soit précisé dans un
second alinéa que le consentement du conjoint trompé est sans
intérêt quant à la validité de la reconnaissance.
Paragraphe 2 - Nécessité d'étendre le
domaine de l'article 126
du CPF.
L'article 126 alinéa 2 du CPF dispose que :
« Seul le mariage célébré par un officier de
l'état civil a des effets légaux ». Le CPF a
ainsi consacré la monogamie comme la seule forme légale du
mariage au Bénin. En d'autres termes, tout mariage
célébré sous la coutume religieuse ne peut avoir d'effets
légaux, c'est-à-dire ne peut être protégé ni
bénéficier des avantages de loi, comme le droit de succession. Le
mariage sur lequel repose les droits successoraux des enfants doit
obligatoirement être un mariage à l'état civil.
Cette disposition limite le caractère de la
réforme sur la filiation car, dans notre environnement socio-culturel,
le mariage civil n'a de valeur qu'aux yeux d'une minime fraction de la
population. Il s'agit d'une minorité de personnes qui selon une
expression consacrée `' ont bu à grands traits la coupe du
progrès''.
D'autres se soumettent à l'institution du mariage pour
bénéficier des avantages professionnels. Mais pour la grande
majorité que constituent les populations rurales desquelles on attend de
profondes mutations, il y a mariage lorsque la dot a été
payée ou parfois même lorsque l'homme et la femme vivent en
concubinage avec ou sans enfants (mariage de fait).
C'est donc difficile pour la majorité des
béninois de se soumettre aux conditions de forme du mariage.
L'article 126 al 2 se trouve être une reprise du droit
moderne52(*) et ne
s'inscrit pas dans notre environnement socio-culturel composé pour la
plupart de populations rurales.
Alors, pour une application complète du régime
d'assimilation, le législateur gagnerait à étendre le
domaine de l' article 126 du CPF.
Suivant le dictionnaire LAROUSSE, le mariage est un acte
solennel par lequel un homme et une femme établissent ente eux une union
dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par les
dispositions juridiques en vigueur dans leur pays, par les lois religieuses ou
par la coutume.
Il ressort de cette définition que même le
mariage religieux célébré par le ministre du culte tout
comme le mariage coutumier qui est le paiement de la dot constituent
également une forme de mariage.
Il est souhaitable que le législateur consacre le
mariage coutumier et le mariage religieux. L'essentiel est que le mariage
coutumier soit enregistré dans le registre du chef de village et que le
mariage religieux soit enregistré dans le registre du ministre du culte.
Ainsi, tous les enfants qui naîtront de ces différents mariages
seront légitimes.
Outre ces précisions qui devraient être
apportées à la rédaction des articles, tant qu'elles n'en
altèrent ni le sens, ni la portée, une large vulgarisation du
texte pourrait permettre d'éclaircir les notions et ainsi une meilleure
appropriation de ce code pa r les destinataires que sont les populations.
CONCLUSION GENERALE
Une chose est évidente, c'est que le législateur
du code béninois des personnes et de la famille s'est montré
vraiment audacieux dans les innovations introduites au niveau des dispositions
sur la succession, après le traitement discriminatoire qui a
été fait pendant longtemps aux enfants nés hors mariage.
Désormais, comme l'enfant légitime, l'enfant naturel peut
librement et légalement faire constater sa filiation et prétendre
à tous les droits qui lui sont dus. C'est là une heureuse
initiative, étant donné qu'elle s'inscrit dans l'optique
d'égalité qui s'imposait par rapport à la situation des
enfants.
D'un autre côté, nous avons pu constater que le
législateur n'est pas allé jusqu'au bout de sa volonté
d'égalité : certains enfants continuent de se voir
traités moins bien encore que d'autres, et ce, sur la base de certaines
raisons qui ne nous semblent pas justifiées. D'où la
problématique de l'applicabilité du principe
d'égalité des droits consacré par le nouveau régime
des successions au Bénin.
Face à cet état de chose, et compte tenu des
réflexions faites le long de ce travail, nous estimons que le
législateur devrait procéder à une relecture des textes et
à des rectifications aux fins d'étendre aux enfants incestueux,
la possibilité d'établir leur filiation comme tous les autres
enfants et d'introduire des mesures plus dissuasives envers ceux qui se rendent
coupables d'adultère et d'inceste.
En cela, le législateur devrait étudier les
points du code relatifs à la filiation naturelle qui posent des
problèmes, étudier la possibilité d'introduire la
technique de la légitimation par autorité de justice pour tous
les enfants naturels, ainsi que des mesures dissuasives à l'encontre des
auteurs d'actes prohibés par la loi.
L'absence de dispositions explicites et suffisamment efficaces
en matière de sanction dans les divers cas de violation
(adultère, inceste) fait en effet penser à une sorte de
relâchement qui encourage le non respect de la loi. C'est une situation
anormale que le législateur devrait prendre en compte, car elle engendre
beaucoup de déconvenues à divers niveaux : les réels
coupables ne subissent aucune sanction, maintiennent leurs mauvais
comportements et entraînent d'autres personnes dans leurs vices pendant
que des enfants se voient privés de leur droit de jouir pleinement d'une
situation juridique.
A défaut de pourvoir revenir sur l'élaboration
des textes qui suscitent à polémique, nous préconiseront
aux parlementaires et juristes béninois de prévoir des lois
additives susceptibles de les préciser ou de les corriger. En tout
état de cause, il est absolument nécessaire que des dispositions
claires et sérieuses soient fixées et imposées au respect
de tous : les valeurs du mariage et de la famille légitime ne s'en
trouveraient que plus préservées, sans pour autant que des
injustices soient crées.
L'intérêt des enfants ne doit être
délaissé pour aucune raison, qu'ils soient légitimes,
naturels simples, adultérins ou incestueux. « Vi wè
nyi lé » dit un adage fon, ce qui signifie
« l'enfant est le bénéfice ». Un
enfant, comme nous le dirons toujours, est et reste un enfant. Et
l'enfant, parce qu'il est le devenir de toute société, on ne
pourrait et on ne devrait pas se désintéresser de son sort.
Il est donc important de poursuivre les réflexions sur
les conséquences réelles de la réforme du droit des
personnes et de la famille. Sur ce dernier point, c'est à la doctrine et
à la jurisprudence qu'il reviendra de peaufiner l'oeuvre entamée
et de nouvelles réformes viendront combler les failles
constatées. Aucune oeuvre humaine n'étant parfaite, tous les
systèmes législatifs sont passés par-là.
De par sa fragilité et son manque de maturité,
l'enfant est un être à protéger ; de plus il est un
homme en devenir et, dans cette perspective, la société et l'Etat
béninois se doivent absolument de créer, l'un par une attitude
non discriminatoire et l'autre par une législation appropriée,
les conditions harmonieuses de son développement dans la
société./.
ANNEXES
SOMMAIRE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : Code des Personnes et de la
Famille : Dispositions relatives à la filiation
ANNEXE 2 : Code des Personnes et de la
Famille : Dispositions relatives à la
succession des descendants
ANNEXE 3 : Code Civil Français de
1958 : Dispositions relatives à la filiation
ANNEXE 4 : Code Civil Français de
1958 : Dispositions relatives à la
succession des descendants
BIBLIOGRAPHIE
l - OUVRAGES GENERAUX
1- CARBONNIER Jean: Droit civil : la famille Tome 2,
Paris, PUF, 1960, 421 pages.
2- CHEVALLIER (J.), Droit civil,
1ère année, Paris, SIREY, 1997, 573 pages.
3- FLOUR Jacques et SOULEAU Henri: Les successions,
Paris, Armand Colin, 1991, 375 pages.
4- GRIMALDI Michel, Droit patrimonial de la famille,
2ème partie, Les successions, Paris, Dalloz Action,
1998, 270 pages.
5- MARTY (G.) et RAYNAUD (P.) Droit civil, Tome 1,
Paris, édition Sirey, 1967, 846 pages.
6- MAZEAUD (Henri, Léon, Jean) Leçons de
Droit civil: Les successions Paris, Editions Montchrestien, 1968, 932
pages.
7- RIPERT (G.) et BOULANGER (J.), Traité de Droit
Civil Tome 1, Paris, LGDJ, 1957, 655 pages.
II - OUVRAGES SPECIALISES
1- HAUSER Jean, La Filiation, Paris, DALLOZ, 1996, 83
pages.
2- JOUAN (M-P) : A la recherche des enfants de rue,
Paris, édition Karthala, 1998, 270 pages.
3- KOUASSIGAN Guy: Quelle est ma loi? Tradition et
modernisme dans le droit privé de la famille en Afrique noire
francophone, Paris, édition A. Pedone, 1974, 309 pages.
4- PLANIOL Marcel et RIPERT Georges, Traité
pratique de droit civil français : La Famille, Paris, Tome II,
LGDJ, 1952, 1086 pages.
III - ARTICLES DE DOCTRINE
1. AKANKOSSI DEGUENON Véronique : « De
l'intérêt des enfants en Droit positif
béninois » RBSJA, numéro spécial,
Décembre 1990, 16 pages.
2- GBAGUIDI Noël : « Egalité des
époux, égalité des enfants et le projet de Code des
personnes et de la famille du Bénin » RBSJA,
numéro spécial, Octobre 1995, 26 pages.
3- SAUJOT (N.) :« La condition juridique des
enfants adultérins », in Revue Trimestrielle de Droit Civil,
1996, 6 pages.
IV -
MEMOIRES
1- ADENIYI Ganiyatou et DONOUMASSOU Pulchérie: Le
droit successoral béninois et le projet de code des personnes et de la
famille, Abomey Calavi, FASJEP/UNB, 1997, 60 pages.
2- ALLADAYE Clarisse et AMOUSSOU Eustache La filiation
naturelle dans le code des personnes et de la famille au Bénin,
Abomey Calavi, FADESP/UAC, 2004, 72 pages.
3- KEKE Franck Arnaud L'enfant né hors mariage dans
le projet de code des personnes et de la famille au Bénin, Abomey
Calavi, FASJEP/UNB, 2000, 82 pages.
4- PADONOU Vénéranda Le statut juridique de
l'enfant adultérin dans le droit béninois : Analyse et
Perspectives, Abomey Calavi, FADESP/UAC, 2004, 35 pages. 5-
TCHIBOZO Jacques, Les successions dans le projet de code des personnes et
de la famille du Bénin, Mémoire de DEA, Université de
Perpignan, CERJEMAF, 2000, 147 pages.
6- YETCHE Micrète, Réflexions sur les droits
successoraux de l'enfant naturel dans le Code des personnes et de la famille au
Bénin, Abomey Calavi, FADESP/UAC, 2004, 58 pages.
V- TEXTES OFFICIELS ET
CODES
1- Circulaire AP 128 du 19 mars 1931 portant Coutumier du
Dahomey, Porto Novo, Imprimerie du Gouvernement, 1940.
2- Code civil applicable au Bénin (Edition 1958).
3- Loi 2002-07 portant Code des Personnes et de la Famille du
Bénin, promulguée le 24 Août 2004 et publié au J.O.
en décembre 2004, Présidence de la République, Imprimerie
L.D. WHANNOU.
4- Code civil français, édition Dalloz, 2003.
6- Code Civil, Tome I Droit des Personnes et de la Famille en
République de Côte d'Ivoire (Loi n° 64-379 du 7 octobre
1964) ;
7- Code des Personnes et de la famille du
Togo (Ordonnance n°80-16 du 31 janvier 1980);
8- Code de la Famille de la République de Populaire du
Congo (Loi n° 0073-84 du 17 octobre 1984) ;
9- Code Civil 2è partie de la République du
Gabon (Loi n° 19/89 du 30 décembre 1989);
10- Code des Personnes et de la Famille du Burkina Faso (Loi
Zatu an VII du 16 novembre 1989) ;
VI- AUTRES DOCUMENTS
1- Article 308835 du 9/03/2005 sur le site du quotidien
français LIBERATION
http://www.liberation.fr
2- Affaire MAZUREK c. FRANCE (Requête n° 34406/97)
publié sur le site de la cour européenne des droits de l'homme
http://www.credho.org/cedh/session
07-06.htm arrêts rendus en 2000.
3-
http://www.jurismag.net/articles/article-adultérin.htm
4-
http://playmendroit.free.fr/droit_civil/filiation_legitime.htm
3- R. GUILLEN et J. VINCENT, Lexique des termes
juridiques, 12è édition, Dalloz, 1999.
TABLE DES MATIERES
Dédicaces
3
Remerciements
4
Répertoire des sigles et abréviations
5
Sommaire
6
Introduction Générale
7
Première partie : L'applicabilité de
l'égalité des droits successoraux
des enfants
légitime et naturel
13
Chapitre I : L'organisation des successions des enfants
légitime et naturel 15
Section I : L'établissement du lien de filiation
15
Paragraphe I : Rapprochement des filiations légitime
et naturelle 15
A- Liberté d'établissement de la filiation
naturelle 16
B- Rapprochement en matière de contestation et de
désaveu 25
Paragraphe II : Discrimination de l'enfant naturel
29
A- L'interdiction de la double filiation pour l'enfant incestueux
29
B- Une interdiction qui n'arrange pas le sort de l'enfant
incestueux 31
Section II : Les effets successoraux des filiations
légitime et naturelle 32
Paragraphe I : Consécration du principe
d'égalité des droits 33
A- L'égalité des droits à l'égard des
parents et autres ascendants 33
B- Les droits des parents à l'égard des enfants
naturel et légitime 37
Paragraphe II : Persistance de la discrimination envers
l'enfant naturel 40
A- Une succession amputée pour l'enfant incestueux
40
B- Une amputation qui s'étend au droit alimentaire
42
Chapitre II : Les difficultés d'application de
l'égalité des droits successoraux des
enfants légitime et naturel
44
Section I : Les problèmes juridiques
44
Paragraphe I : Les insuffisances du principe
d'égalité 44
A- Les imprécisions des articles 325 et 328 du CPF
44
B- La situation des enfants n'ayant pas de capacité
successorale 46
Paragraphe II : Difficultés dans le temps et l'espace
47
Section II : Les pesanteurs psycho sociologiques
48
Paragraphe I : Le respect du mariage et des droits de la
famille légitime 48
A- La remise en cause de l'institution du mariage
48
B- La protection des droits de la famille légitime
49
Paragraphe II : Le risque de
dégénérescence des moeurs
50
Deuxième partie : Les perspectives pour la
primauté du droit dans
l'application
effective du nouveau régime juridique
béninois des
successions
52
Chapitre I : Les enseignements tirés du droit
comparé 54
Section I : Cas du droit français
54
Paragraphe I : Evolution des droits successoraux des enfants
naturels
dans le droit français
54
Paragraphe II : Les droits des enfants naturels à
l'issue de la réforme du droit
successoral français
57
Section II : Les apports de certains systèmes juridiques
africains 59
Paragraphe I : Analyse des droits successoraux des enfants
naturels dans le
contexte africain
59
Paragraphe II : L'expérience des pays africains
63
Chapitre II : Nos suggestions
65
Section I : Pour la prévalence d'une justice
sociale en matière
successorale
65
Paragraphe I : Pour une équité de la loi
envers l'enfant naturel 66
Paragraphe II : Nécessité d'introduire des
mesures dissuasives 69
Section II: La nécessité de révision de
certaines dispositions du CPF 71
Paragraphe I : Nécessité d'une clarification
des articles 392 et 325 du CPF 71
Paragraphe II : Nécessité d'étendre le
domaine de l'article 126 du CPF 73
Conclusion Générale
75
Annexes
78
Bibliographie
80
* 1 Héritage de la
colonisation, l'ancien droit béninois a été marqué
par un dualisme juridique dans les matières civiles. Ce dualisme
qualifié d'archaïque, de source d'illusion et
d'insécurité par la doctrine béninoise se
caractérise comme suit : d'un côté, des individus
relevant du statut moderne, de l'autre, ceux appartenant au statut coutumier.
* 2 GUILLEN R. et VINCENT J.,
Lexique des termes juridiques, 1999, Dalloz.
* 3 Les dispositions des
articles 758, 759, 760, 762, 763 et 764 du code civil de 1958 accentuaient les
différences entre enfants en matière successorale, le mariage et
surtout la monogamie ayant pendant longtemps, été
considérés par le colonisateur français comme étant
les seuls types d'union valable. L'enfant légitime était
avantagé dans la succession de ses auteurs (part successorale et
représentation) au détriment de l'enfant naturel (part
successorale amputée de moitié au profit de l'enfant
légitime, exigence préalable d'une reconnaissance,
représentation non admise, obligation de requérir auprès
du tribunal l'envoi en possession etc.). L'enfant adultérin n'avait
droit à rien dans la succession de son auteur l'ayant reconnu, tant
qu'il subsistait des enfants légitimes au de cujus ou à
son conjoint survivant. C'est-à-dire que quand bien - même sa
filiation aurait été établie, il ne prétendrait
à quelque part successorale que ce soit, qu'à la condition que
tous ses frères (consanguins ou utérins selon le cas)
légitimes, ainsi que le conjoint survivant, fussent tous morts. La loi
ne lui accorde qu'une créance alimentaire encore que celle-ci
disparaît lorsque l'auteur de l'adultère fait apprendre à
l'enfant adultérin un art mécanique, ou n'importe quel autre
métier, ou encore s'il lui verse en un coup, un certain capital. Il en
est de même pour l'enfant incestueux.
* 4 «La famille est une
entité orientée en priorité vers l'enfant, et
l'établissement de la filiation ne mettait pas nécessairement en
jeu des données biologiques », Guy A. KOUASSIGAN, Quelle
est ma loi ? Edition Pedone, 1974 P. 203.
2 Points 181 et suivant du Coutumier du Dahomey.
* 5 Ahomagnon Noël
GBAGUIDI « Egalité des époux, égalité
des enfants et le projet de code de la famille et des personnes du
Bénin » RBSJA n° spécial octobre 1995 p. 23
* 6 En effet, les enfants
incestueux sont interdits de double filiation à l'alinéa 3 de
l'article 319 dudit code et, par suite, privés de la moitié de
leurs droits successoraux.
* 7 Un enfant est dit
légitime lorsqu'il est né d'un couple marié ou lorsqu'il a
été conçu pendant le mariage de ses parents. Le code civil
ne retient en effet que la date de conception de l'enfant pour
déterminer s'il est ou non légitime. La période de
conception s'étend du 300ème jour au
180ème jour précédant la date de la naissance
de l'enfant.
2 Fabienne JOURDAIN THOMAS, Pascal CHASSAING et
Richard CRONE, La filiation, 1ère commission du 91è
Congrès des Notaires de France, Le Droit et l'enfant,
Tours 21/24 mai 1995, page 156.
* 8 MAZEAUD Henri,
Léon & Jean, Leçons de droit civil,
Famille-Incapacités, tome 1er, Paris, éditions
Montchrestien, 1968, page 290.
* 9 MAZEAUD Henri, Léon
& Jean, Leçons de droit civil, op.cit., page 292
* 10 MAZEAUD Henri, Léon
& Jean, Leçons de droit civil, op.cit. page 293
* 11 Fabienne JOURDAIN,
Pascal CHASSAING et Richard CRONE, La filiation op.cit., page 156
* 12 MAZEAUD Henri,
Léon & Léon, Leçons de droit civil, op.cit,
page 293
* 13 MAZEAUD Henri, Léon
& Jean, Leçons de droit civil, op.cit. page 303.
* 14 SARASSORO Yacinthe,
L'enfant naturel en droit ivoirien, Les Nouvelles Editions Africaines,
Abidjan-Dakar-Lomé, NEA-SUP, 1984, page 31.
* 15 MAZEAUD Henri, Léon
& Jean, Leçons de droit civil op.cit., page 338.
* 1 MAZEAUD Henri, Léon
& Jean, op.cit., page 301
* 16 Ahomagnon Noël
GBAGUIDI, Egalité des époux, égalité des
enfants et le projet de code de la famille et des personnes du
Bénin, RBSJA N° spécial, octobre 1995, page 18.
* 17 Article 378 du Code
béninois des personnes et de la famille
2 Il ne s'agit pas des femmes citadines qui ont
généralement une « autonomie certaine sur le plan
financier » selon Véronique AKANKOSSI-DEGUENON, De
l'intérêt de l'enfant en droit positif, RBSJA
* 18 Toute personne qui y a
intérêt, suivant une opinion de GBAGUIDI Ahomagnon Noël,
« Egalité des époux, égalité des enfants
et le projet de code de la famille et des personnes du Bénin »
op.cit., p 21
* 19 Selon WEIL et TERRE
«Cette disposition protégera l'auteur de la reconnaissance contre
des manoeuvres dolosives en même temps qu'elle assure la conservation de
l'acte et lui confère date certaine» Alex WEIL et François
TERRE Droit Civil (Les personnes, la famille, les incapacités)
5ème édition Dalloz. 1983 P. 602.
* 20 Contrairement à
l'article 337 du code civil édition 1958, l'article 325 ne fait
état que de notification. La doctrine française est dans
l'ensemble hostile à l'article 337. Cette hostilité aboutira
à son abrogation en 1970. MARTY Gabriel, RAYNAUD Pierre,
Introduction Générale : Etude du droit et des
instituions judiciaires, les personnes, Page 945.
* 21 Article 762
alinéa 1 du Code civil
* 22 MAZEAUD (Henri et
Léon), Leçons de droit civil, op. cit. P. 86
* 23 Article 328 du CPF. Le
projet de code avait prévu pour ces enfants des subsides (article 337 al
1 du Projet de Code de Personnes et de la Famille) « ... à
réclamer des aliments à toutes personnes ayant eu des relations
sexuelles avec sa mère pendant la période légale de la
conception ... »
* 24 Entendre par polygamie
ici, polygynie seulement.
* 25 LAMINE Sidimé, in
Encyclopédie Juridique d'Afrique, op.cit. p.393
* 26 C. SAUJOT La
condition juridique des enfants adultérins, Revue Trimestrielle de
Droit Civil, 1966
p. 144.
* 27 Dictionnaire Le Petit
Robert 1, 1991.
* 28 N. SAUJOT, La
condition juridique des enfants adultérins, op. cit. P 144.
* 29 « De nos
jours, la stabilité des couples est devenue au Bénin, comme
pratiquement partout ailleurs, une notion problématique. Les couples se
font et se défont à un rythme inhabituel » Me
Véronique AKANKOSSI DEGUENON citée par Vénéranda
PADONOU in Le Statut Juridique de l'Enfant Adultérin dans le Droit
Béninois : Analyse et perspectives, Mémoire de
maîtrise en Droit, Université Abomey Calavi, 2003-2004, P. 25
* 30 Article 766 du Code Civil
Edition 1958
* 31 J. HAUSER, La
Filiation, Dalloz, 1996, P.3
* 32 La loi n° 72-3 du 3
janvier 1972 portant modification du statut des enfants nés hors
mariage.
* 33 Sur l'ensemble des
détails liés à cette réforme, voir Loi n°
2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant
et des enfants adultérins et modifiant diverses dispositions du droit
successoral en France.
* 34 Site du quotidien
français LIBERATION http://www.libération.fr article 308835.
* 35 Il s'agit de la loi
n° 64-379 du 7 octobre 1964 régissant les successions pour le cas
de la Côte d'Ivoire, l'Ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980
portant Code des Personnes et de la Famille au Togo, la loi n° 673/84 du
17/1/1984 portant Code de la Famille pour le Congo, la loi Zatu an VII du 16
novembre 1989 portant institution et application d'un code des personnes et de
la famille au Burkina Faso, la loi n°13/89 du 30 décembre 1989
portant Code Civil de la République du Gabon.
* 36 Article 465 du Code
burkinabé des personnes et de la famille
* 37 Voir supra Première
Partie, Chapitre I.
* 38 Art 322 al 1 du CPF.
4 Art 414 du code civil gabonais et articles 189 et
190 du code de la famille du Sénégal
* 39 Article 534 du Code
sénégalais de la famille.
* 40
www.wildaf-ao.org/fr/ress_ii
* 41 Claire NDOKO «Les
marques du droit de la famille en Afrique noire» Revue Internationale
de Droit Civil (RIDC) n° 1 1991 P.89.
* 42 Dans l'affaire Mazurek
un enfant adultérin ayant reçu la moitié de ce qu'il
aurait reçu s'il avait été légitime dans une
succession, a saisi la Cour européenne des droits de l'homme pour
violation du principe de l'égalité de tous devant la loi. Il a
obtenu gain de cause et la France a été condamnée à
lui verser des dommages-intérêts.
http://www.credho.org/cedh/session
/ pages / mazurek
* 43 HAUSER Jean et CASEY
Jérôme (sous la direction de), Code des Personnes et de la
Famille. Textes-commentaires-conseils pratiques-biliographies,
Jurisclasseur, Juriscode, Editions Litec 2002, Groupe.
* 44 Article 1er de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée par
Résolution 217 A (III) de l'Assemblée Générale des
Nations Unies le 10 décembre 1948.
* 45 Il s'agit au plan
universel de la Déclaration universel des droits de l'homme du 10
décembre 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966 et plus spécialement, la
Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ; au plan
régional de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du
18 juin 1981 et plus spécialement la Charte africaine des droits du
bien-être de l'enfant ratifiée par le Bénin le 02 juin
1996.
* 46 Articles 333 à
333-6 du Code civil, Dalloz 2002.
* 47 G. RIPERT,
« Condition des enfants adultérins après la loi du 15
juillet 1955 et 5 juillet 1956 », page 134
* 48 Opinion
rapportée par Ahomagnon Noël GBAGUIDI, Egalité des
époux, égalité des enfants et le projet de code de la
famille et des personnes du Bénin op.cit., page 19.
* 49 - Convention
Internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1983.
- Charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant.
* 50 Article 534 du Code
sénégalais de la famille.
* 51 Le CPF est d'ailleurs
resté muet sur ce point, ne subordonnant donc pas la vocation
successorale de l'enfant au bon vouloir ou à la rancoeur du conjoint
trompé.
* 52 A la
vérité, le CPF est resté très lacunaire sur
plusieurs aspects des règles applicables en matière de
succession, se contentant de piocher par-ci par-là les dispositions du
Code civil français; ce qui laisse supposer que dans les domaines
où il n'a pas marqué son originalité ce sont ces
dernières qui s'appliquent.
|