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Le rétablissement de l'Etat de droit dans une société en reconstruction post-conflictuelle: l'exemple de la sierra léone

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par Jukoughouo Halidou Ngapna
Institut des Droits de l'Homme de Lyon & Université Pierre Mendès France de Grenoble - Master 2, Recherche, Histoire du Droit, Droit et Droits de l'Homme 2007
  

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B. Poursuite de l'objectif de justice sociale : le rétablissement de l'équilibre rompu

La guerre, quelle qu'elle soit, est une rupture d'un équilibre de forces autrefois garanti par la puissance publique. Cette rupture de l'équilibre se caractérise par l'érection de la violence en règle et du rabaissement de l'ordre et de la justice au rang d'exception. Un programme de réparation se veut alors un moyen de réparer les violences et abus causés par le déséquilibre. Il doit prendre en considération les besoins actuels des victimes (1) et se démarquer des politiques économiques de l'Etat (2).

1. La prise en considération des besoins actuels des victimes

Lors de la mise en place d'une commission chargée de faire la vérité sur les évènements douloureux, les attentes de la population et surtout des victimes sont assez grandes. En venant témoigner ou en décidant de coopérer d'une manière ou d'une autre, ces dernières espèrent que leur acte contribuera à changer leur quotidien. Desmond TUTU considère que le mobile de cette démarche n'est pas l'obtention d'un gain matériel ou financier. Ces victimes recherchent le plus souvent une écoute, une justice ou une réparation morale.

Le but de la Commission n'est pas de fournir un droit à la réparation pour les victimes des violations graves des droits de l'Homme. Elle doit rechercher la vérité et la mettre à disposition de l'Etat en lui faisant des recommandations pour éviter la répétition de telles violences dans le futur, ces recommandations pouvant contenir le droit à la réparation. Pourtant, la Commission de Sierra Léone a eu pour mission de répondre aux besoins actuels des victimes. Ces besoins pouvant être liés à la recherche de la vérité et de la réconciliation d'une part, et d'autre part à au rétablissement des victimes dans leurs droits.

Les victimes expriment un certain nombre de demandes ou présentent un certain nombre de besoins urgents dans de domaines assez divers. La Commission devrait alors disposer de toute l'autorité nécessaire pour commander à l'Etat d'intervenir dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'attribution d'un revenu minimum aux victimes.

· La santé : c'est le secteur où il ya le plus de nécessité. Le soutien psychologique aux victimes qui témoignent devant la Commission ou celles qui sont profondément marquées par leur traumatisme. Comme nos l'avions déjà fait remarquer plus tôt, des professionnels de la santé ont été dépêchés dans tous les centres d'écoute et d'auditions publiques de la commission. Au point de vue physiologique, les consultations médicales d'urgences ont été mises en place pour permettre aux victimes présentant un traumatisme physique de se faire soigner et de profiter des opérations chirurgicales d'urgence. Les femmes et filles victimes d'abus sexuels ont été prises en charge d'urgence par les services compétents avec le soutien d'ONG internationales comme Physicians for Human Rights. En ce qui concerne les amputés, la Commission a incité le gouvernement de mettre en place un mécanisme d'accès rapide et gratuit de ceux-ci services orthopédiques. Le soutien des ONG comme Handicap International ont apporté un concours significatif à la réalisation des dispensaires orthopédiques où des soins de rééducation sont administrés gratuitement.

· L'état civil : le problème de l'enregistrement des enfants sur les registres d'Etat civil, problématique dans la plupart des pays de l'Afrique de l'Ouest en état de paix est devenu critique dans une Sierra Léone en guerre. Il a donc été important de mener, avec l'aide de l'UNICEF une campagne de sensibilisation et d'enregistrement des enfants nés pendant le conflit et non enregistrés. En outre, un grand nombre de femmes enlevées et mariées de force avec les chefs de guerre sont restés auprès de leurs « époux » avec qui ils ont eu des enfants. La résolution de cette impasse juridique est nécessaire pour garantir d'une part des droits aux enfants nés de ces mariages forcés, et d'autre part, de permettre aux couples qui désirent vivre maritalement de régulariser leur situation.

· L'éducation : dans un pays pauvre comme la Sierra Léone, l'accès des plus pauvres à l'éducation de base est un problème qui ne peut se résoudre au seul niveau de la Commission. Cependant, pour les victimes, une attention particulière doit leur être accordée. Des bourses spéciales ont été accordées aux personnes victimes des violences sexuelles, aux amputés et blessés de guerre ainsi qu'aux orphelins. Les deux programmes mis en place par le ministère de l'éducation nationale pour la reconstruction du système éducatif292(*) assurent la réalisation de ces objectifs immédiats.

· Assurer un revenu de base aux victimes : après une guerre civile comme en Sierra Léone, les victimes de violations graves des droits de l'Homme vivent dans une situation de dénuement total. Leur situation contraste avec celle des ex combattants qui on bénéficié des programmes de DDR mis en place à la fin du conflit. Certaines victimes se sont plaintes de cette situation qu'ils qualifiaient d'injuste. Afin de remédier à cette situation, la Commission a mis en place un programme de formation aux activités génératrices de revenu et à au versement d'une pension aux victimes pour de leur faciliter la prise en charge des dépenses de subsistance.

La Commission Vérité et Réconciliation n'a eu qu'un peu plus de deux ans pour mener à bien son mandat. Il a donc appartenu à l'Etat d'assurer le suivi des programmes entrepris et surtout de mettre en oeuvre les recommandations. Se concentrer exclusivement sur les victimes présente un risque grave de division au sein de la population tout entière. Il y a donc un équilibre à assurer : continuer les programmes de réparation des victimes tout en les dissociant des politiques sociales et économiques de l'Etat.

2. La différente entre la réparation et les politiques sociales et économiques

Soumettre l'Etat au droit et instaurer [ou réinstaurer ?] l'égalité entre les citoyens dans des sociétés, qu'elles soient post conflictuelles ou non, supposent la prise en compte de certains facteurs dominants. Cela doit consister à assurer à la fois l'égalité de tous devant la loi et les services publics en respectant les cas particuliers des pauvres et nécessiteux. Dans le cas de la Sierra Léone, les victimes ont besoins d'être considérées avec humanité et toutes les précautions dues à leur qualité, mais dans le strict respect de la répartition équitable des ressources de l'Etat qui doivent profiter à tous, y compris à ceux qui ne sont pas victimes. Il convient donc de relever deux niveaux de répartition : entre victimes d'une part, et entre les victimes et les le reste de la population d' autre part.

En premier lieu, le principe de non discrimination, tel que reconnu dans les différents textes internationaux pertinents en matière des droits de l'homme et du droit humanitaire doit être respecté. Il en découle que toutes les victimes, quelles qu'elles soient doivent être traitées avec humanité et sans discrimination aucune. Cette discrimination, comme le prévoient les Conventions de Genève293(*), ne doit pas être « ...de caractère défavorable..  » qui peuvent être la race, l'âge, le sexe, le groupe ethnique ou l'appartenance religieuse. Seuls le niveau de précarité et la gravité d'une situation par rapport à une autre devraient déterminer l'ordre ou le niveau d'intervention de l'Etat dans le domaine des réparations. L'on peut arriver à cette fin en déterminant, comme en Afrique du Sud, une allocation par proche disparu ou décédé ou en graduant comme en Sierra Léone les prestations dues aux victimes handicapées en fonction du degré de handicap.

En second lieu, l'Etat, responsable des réparations doit dissocier les réparations proprement dites des autres programmes de politiques économiques et sociales. Cette technique peut présenter trois avantages et un inconvénient primordial. Parmi les avantages, il est évident qu'un programme d'une telle ampleur est viable à condition qu'il soit administré par un programme ou une institution autonome par rapport à l'appareil étatique. C'est-à-dire que du point de vue organique (personnel de direction et d'intervention), financier (budget de fonctionnement) et matériel (actions à entreprendre sur le terrain, projets à financer, etc.), les réparations soient mises en oeuvre par une autorité indépendante, nommée avec la consultation des différentes forces politiques de l'Etat (exécutif, législatif et société civile). Cette autonomie n'exclut pas un contrôle strict exercé soit par le Comité de suivi des recommandations de la CVR, soit par le pouvoir législatif à travers la Chambre des comptes de la Cour suprême.

Le deuxième avantage de ce détachement de réparations est lié au faible risque de récupération politique que cela constitue. Si les réparations dépendaient des orientations et des choix politiques des gouvernements, le risque le plus important serait de les voir dépendre des enjeux électoraux, des calculs et disputes politiciens. L'autonomie accordée au programme de réparation représenterait à coup sûr une garantie du principe de non discrimination et permettrait de ne pas détourner l'objectif de justice qu'apportent les réparations.

Le troisième avantage serait une plus grande disponibilité des fonds pour un programme de réparations autonome. En effet, les bailleurs de fonds et contributeurs et partenaires internationaux sont de plus en plus réticents à financer les programmes dirigés par les administrations centrales. Le financement des réparations risque d'être compromis par les défaillances des autres secteurs gouvernementaux en matière de bonne gouvernance. L'autonomie permettra alors une plus grande confiance des participants.

Comme inconvénient, l'autonomie du programme de réparation pourrait engendrer de nombreux dysfonctionnements et incohérences. Le risque encouru est la superposition des investissements, la distribution des crédits pour la réalisation des projets contradictoires. L'on pourrait tout simplement assister à un certain embouteillage entre programme de réparation proprement dit, les actions du gouvernement et des multiples associations et organisations de la société civile. Pour régler ce manque de coordination, une harmonisation des politiques s'avère nécessaire pour délimiter les champs d'intervention afin de limiter le plus possible la compétition et de promouvoir la complémentarité et la coopération entre différentes structures intervenant dans le domaine socioéconomique. Un comité pluridisciplinaire pourrait siéger dans la gestion des conflits et les évaluations périodiques de l'évolution globale des actions sociales au niveau national.

Il convient de rappeler que les réparations ne doivent pas être confondues avec les politiques sociales classiques de l'Etat. Comme le précise les principes fondamentaux concernant le droit au recours à réparation, l'Etat ne doit pas prendre pour prétexte l'exécution d'un programme de réparation dans une région ou localité pour priver ses populations des prestations auxquelles elles ont droit, en vertu des obligations de l'Etat vis-à-vis de ses citoyens. En effet, les réparations sont un droit et non un ensemble de privilèges pour les victimes et la distinction nette entre elles et l'action socioéconomique de l'Etat ne ferait que consolider cette idée.

La philosophie des réparations définit le cadre d'ensemble dans lequel elles doivent être effectuées. C'est un ensemble de principes directeurs à suivre pour éviter les écueils qui les détourneront de leur but. Il convient maintenant d'en envisager les modalités pratiques.

* 292 Il s'agit notamment de la Community Education Investment Programme (CEIP) et de la Complementary Rapid Education for Primary Schools (CREPS).

* 293 Article 12 des Conventions de Genève I et II.

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